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Document 62008TJ0541

Sasol e.a. / Commission

Affaire T‑541/08

Sasol e.a.

contre

Commission européenne

«Concurrence — Ententes — Marché des cires de paraffine — Marché du gatsch — Décision constatant une infraction à l’article 81 CE — Fixation des prix et répartition des marchés — Responsabilité d’une société mère pour les infractions aux règles de la concurrence commises par ses filiales et par une entreprise commune partiellement détenue par elle — Influence déterminante exercée par la société mère — Présomption en cas de détention d’une participation de 100 % — Succession d’entreprises — Proportionnalité — Égalité de traitement — Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 — Circonstances aggravantes — Rôle de meneur — Plafonnement de l’amende — Pleine juridiction»

Sommaire – Arrêt du Tribunal (troisième chambre) du 11 juillet 2014

  1. Concurrence – Règles de l’Union – Infractions – Imputation – Société mère et filiales – Unité économique – Critères d’appréciation – Présomption d’une influence déterminante exercée par la société mère sur les filiales détenues à 100 % par celle-ci – Présomption réfragable – Obligations probatoires de la société désirant renverser cette présomption – Éléments insuffisants pour renverser la présomption – Violation du principe de présomption d’innocence – Absence – Violation du principe de responsabilité personnelle – Absence

    (Art. 81 CE ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2)

  2. Concurrence – Règles de l’Union – Infractions – Imputation – Société mère et filiales – Unité économique – Critères d’appréciation – Applicabilité à l’imputation de la responsabilité aux sociétés mères pour l’infraction commise par leur entreprise commune

    (Art. 81 CE ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2)

  3. Concurrence – Règles de l’Union – Infractions – Imputation – Société mère et filiales – Unité économique – Critères d’appréciation – Imputation du comportement anticoncurrentiel d’une entreprise commune à une seule de ses sociétés mères – Conditions – Influence déterminante exercée unilatéralement par ladite société mère – Charge de la preuve dans le chef de la Commission

    (Art. 81 CE ; règlement du Conseil no 139/2004)

  4. Concurrence – Règles de l’Union – Infractions – Imputation – Société mère et filiales – Unité économique – Responsabilité solidaire des sociétés mères actuelles de la société directement impliquée dans l’infraction – Exonération des anciennes sociétés mères de ladite société – Inégalité de traitement

    (Art. 81 CE ; charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 20 et 21 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2)

  5. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Pouvoir d’appréciation conféré à la Commission par l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 – Violation du principe de légalité des peines – Absence – Caractère prévisible des modifications introduites par les nouvelles lignes directrices – Violation du principe de non-rétroactivité – Absence

    (Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 49, § 1 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 ; communications de la Commission 98/C 9/03 et 2006/C 210/02)

  6. Concurrence – Procédure administrative – Décision de la Commission constatant une infraction – Preuve – Preuve apportée par un certain nombre de manifestations différentes de l’infraction – Admissibilité – Recours à un faisceau d’indices – Degré de force probante requis s’agissant des indices pris individuellement – Preuves documentaires – Critères – Crédibilité des preuves produites – Obligations probatoires des entreprises contestant la réalité de l’infraction

    (Art. 81, § 1, CE)

  7. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Gravité de l’infraction – Fixation de l’amende proportionnellement aux éléments d’appréciation de la gravité de l’infraction

    (Art. 81, § 1, CE ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 et 3 ; communication de la Commission 2006/C 210/02)

  8. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Gravité de l’infraction – Circonstances aggravantes – Rôle de meneur de l’infraction – Notion – Critères d’appréciation

    (Règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 et 3 ; communication de la Commission 2006/C 210/02, point 28)

  9. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Pouvoir d’appréciation de la Commission – Contrôle juridictionnel – Compétence de pleine juridiction du juge de l’Union – Portée – Plafonnement du montant de l’amende

    (Art. 261 TFUE ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 31)

  1.  Voir le texte de la décision.

    (cf. points 29‑32, 36, 134‑141, 145-150, 153, 154, 163)

  2.  En matière de concurrence, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère, en raison de leur appartenance à la même entreprise, lorsque cette filiale ne définit pas de façon indépendante son comportement sur le marché, parce qu’elle est sous l’influence déterminante de la société mère à cet égard.

    Le comportement sur le marché de la filiale est sous l’influence déterminante de la société mère notamment dans le cas où la filiale applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère.

    Le comportement sur le marché de la filiale est, en principe, également sous l’influence déterminante de la société mère lorsque celle-ci ne retient que le pouvoir de définir ou d’approuver certaines décisions commerciales stratégiques, le cas échéant par ses représentants dans les organes de la filiale, tandis que le pouvoir de définir la politique commerciale stricto sensu de la filiale est délégué aux dirigeants chargés de la gestion opérationnelle de celle-ci, choisis par la société mère et qui représentent et promeuvent ses intérêts commerciaux.

    Ces principes sont également applicables à l’imputation de la responsabilité à une ou à plusieurs sociétés mères pour une infraction commise par leur entreprise commune.

    (cf. points 33‑35, 37)

  3.  En matière de concurrence, la Commission ne saurait, pour imputer le comportement anticoncurrentiel d’une entreprise commune à une seule de ses sociétés mères détenant les deux tiers du capital de celle-ci, en application de l’article 81 CE, se fonder sur la simple capacité d’influence déterminante de ladite société mère, telle qu’elle est retenue dans le cadre de l’application du règlement no 139/2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, lors de l’établissement du contrôle, sans qu’il soit besoin de vérifier si cette influence a effectivement été exercée. Au contraire, il lui incombe en principe de démontrer une telle influence déterminante sur la base d’un ensemble d’éléments factuels. Figurent parmi ces éléments le cumul de postes, par les mêmes personnes physiques, dans la direction de la société mère et celle de sa filiale ou entreprise commune, ou le fait que lesdites sociétés étaient tenues de suivre les directives émises par leur direction unique sans pouvoir adopter sur le marché un comportement indépendant.

    En outre, l’exercice effectif d’une influence déterminante par une ou plusieurs des sociétés mères sur le comportement commercial de l’entreprise commune peut également être démontré par l’examen des modalités de prise de décisions au sein de celle-ci. Même si le pouvoir ou la possibilité de déterminer les décisions commerciales de l’entreprise commune ne relève, en soi, que de la simple capacité d’exercer une influence déterminante sur son comportement commercial, et, ainsi, de la notion de contrôle au sens du règlement no 139/2004, la Commission et le juge de l’Union peuvent présumer que les dispositions législatives et les stipulations des accords relatifs au fonctionnement de l’entreprise commune, en particulier celles du contrat établissant l’entreprise commune et du pacte d’actionnaires sur les votes, ont été mises en œuvre et respectées. Dans une telle mesure, l’examen de l’exercice effectif d’une influence déterminante sur le comportement commercial de l’entreprise commune peut consister en une analyse abstraite des documents signés avant le début de son fonctionnement.

    Cependant, étant donné que l’examen concernant l’exercice effectif d’une influence déterminante est rétrospectif et peut alors reposer sur des éléments concrets, tant la Commission que les parties intéressées peuvent apporter la preuve que les décisions commerciales de l’entreprise commune ont été déterminées selon des modalités différentes de celles qui découlaient du seul examen abstrait des accords relatifs au fonctionnement de l’entreprise commune.

    En outre, lorsqu’elle examine l’exercice effectif d’une influence déterminante par une société mère sur le comportement commercial d’une entreprise commune, la Commission doit prendre en considération, d’une manière impartiale, tous les éléments de droit et de fait pertinents qui lui sont soumis par les parties intéressées. Contrairement à la situation où une seule société mère détient l’ensemble du capital de la filiale, dans le cas d’une entreprise commune, est pertinente la question de savoir si la société mère a exercé une influence réelle sur sa direction opérationnelle. En effet, dans un tel cas, il existe une pluralité d’actionnaires et les décisions des organes de l’entreprise commune sont prises par les membres représentant les intérêts commerciaux des différentes sociétés mères, qui peuvent coïncider, mais aussi diverger.

    À cet égard, l’examen des liens organisationnels entre l’entreprise commune et la société mère ne porte pas nécessairement sur la question de la représentation de la société mère découlant d’un mandat formel donné par cette dernière au dirigeant de l’entreprise commune. En effet, il est plus pertinent de prendre en considération la représentation, au sens large, des intérêts commerciaux de la société mère et l’influence sur les décisions des organes de l’entreprise commune en vue d’aligner la politique commerciale de ladite entreprise sur celle de la société mère, dont témoigne notamment le cumul de postes dans la direction de la société mère et dans l’entreprise commune, ainsi que la détention d’une partie du capital de la société mère par un dirigeant de l’entreprise commune.

    Dans le cas où la Commission impute la responsabilité de l’infraction commise par une entreprise commune à une seule de ses sociétés mères, il lui incombe de démontrer que l’influence déterminante sur le comportement commercial de l’entreprise commune était exercée unilatéralement par cette société mère.

    (cf. points 43, 44, 49, 50, 54, 76, 85, 112)

  4.  En matière de concurrence, lorsque la Commission tient pour solidairement responsables les sociétés mères actuelles de la société directement impliquée dans une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, au titre de la période postérieure à l’acquisition de la totalité du capital de cette société par les sociétés mères actuelles, et exonère, en même temps, de responsabilité solidaire les anciennes sociétés mères ayant détenu la totalité du capital de la société directement impliquée durant une période antérieure de la même infraction, elle traite deux situations comparables d’une manière différente.

    Cependant, le respect du principe d’égalité de traitement, consacré par les articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit se concilier avec celui du principe de légalité, ce qui implique que nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui. En outre, dès lors qu’une entreprise a, par son propre comportement, violé l’article 81, paragraphe 1, CE, elle ne saurait échapper à toute sanction au motif que d’autres opérateurs économiques ne se sont pas vu infliger d’amende, lorsque le juge de l’Union n’est pas saisi de la situation de ces derniers.

    Dès lors, lorsqu’elle n’a pas commis d’erreur en imputant aux sociétés mères actuelles la responsabilité de l’infraction commise par la société directement impliquée durant la période postérieure à l’acquisition de la totalité du capital par celles-ci, la Commission est en droit de les tenir pour responsables, de manière solidaire, au titre de ladite période.

    (cf. points 181, 185‑187, 194, 196)

  5.  Voir le texte de la décision.

    (cf. points 202‑214)

  6.  Voir le texte de la décision.

    (cf. points 218‑239, 265, 291, 427)

  7.  Voir le texte de la décision.

    (cf. points 315‑319, 405)

  8.  Voir le texte de la décision.

    (cf. points 355‑360, 375, 384, 393-396, 400)

  9.  Le contrôle de légalité des décisions adoptées par la Commission est complété par la compétence de pleine juridiction, qui est reconnue au juge de l’Union à l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 229 CE et, désormais, à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou de l’astreinte infligée. Le contrôle prévu par les traités implique donc, conformément aux exigences du droit à une protection juridictionnelle effective figurant à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, que le juge de l’Union exerce un contrôle tant de droit que de fait et qu’il a le pouvoir d’apprécier les preuves, d’annuler la décision attaquée et de modifier le montant des amendes. Cependant, l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office et la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire.

    Dans la mesure où l’inégalité de traitement opérée par la Commission, lorsqu’elle tient pour solidairement responsables les sociétés mères actuelles de la société directement impliquée dans une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, au titre de la période postérieure à l’acquisition de la totalité du capital de cette société par les sociétés mères actuelles, et exonère, en même temps, les anciennes sociétés mères ayant détenu la totalité du capital de la société directement impliquée durant une période antérieure de la même infraction, en combinaison avec l’absence de plafonnement séparé pour la fraction de l’amende afférente à cette dernière période, est susceptible d’aggraver la responsabilité financière des sociétés mères actuelles pour l’infraction commise par la société directement impliquée, il est approprié de plafonner la partie de l’amende infligée à cette société au titre de l’infraction commise durant ladite période à 10 % de son chiffre d’affaires de l’année de référence.

    De même, dans la mesure où les erreurs d’appréciation de la Commission concernant l’imputation du comportement anticoncurrentiel d’une entreprise commune à une seule de ses sociétés mères, en combinaison avec l’absence de plafonnement séparé pour la fraction de l’amende afférente à la période d’entreprise commune, sont susceptibles d’aggraver les conséquences financières de l’infraction commise directement par ladite entreprise commune sur cette société mère, il est approprié de plafonner la partie de l’amende infligée à cette entreprise au titre de l’infraction commise durant ladite période à 10 % de son chiffre d’affaires de l’année de référence.

    (cf. points 437, 439, 452, 453, 461, 462)

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