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Document 62008TJ0267
Sommaire de l'arrêt
Sommaire de l'arrêt
1. Procédure — Décision remplaçant en cours d'instance la décision attaquée — Élément nouveau — Extension des conclusions et moyens initiaux
2. Actes des institutions — Motivation — Obligation — Portée — Décision de la Commission en matière d'aides d'État
(Art. 296 TFUE; communication de la Commission 97/C 273/03)
3. Aides accordées par les États — Examen par la Commission — Procédure administrative — Obligation de la Commission de mettre les intéressés, et donc les entités infra-étatiques dispensatrices, en demeure de présenter leurs observations — Limites
(Art. 108, § 2, TFUE)
4. Aides accordées par les États — Examen par la Commission — Décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen prévue à l'article 108, paragraphe 2, TFUE — Obligation de motivation — Portée
(Art. 108, § 2, TFUE; règlement du Conseil nº 659/1999, art. 6)
5. Actes des institutions — Retrait — Actes illégaux — Décision déclarant une aide d'État incompatible avec le marché commun affectée d'une insuffisance de motivation — Adoption d'une nouvelle décision — Obligation de rouvrir la procédure formelle d'examen — Absence
6. Aides accordées par les États — Notion — Aides provenant de ressources de l'État — Financement par des ressources soumises au contrôle public — Inclusion
(Art. 107, § 1, TFUE)
7. Aides accordées par les États — Notion — Octroi d'un avantage aux bénéficiaires — Prêt d'argent soumis à un remboursement générateur d'intérêts — Appréciation en fonction du taux d'intérêt consenti
(Art. 107, § 1, TFUE)
8. Aides accordées par les États — Interdiction — Dérogations — Aides pouvant être considérées comme compatibles avec le marché commun — Pouvoir d'appréciation de la Commission — Possibilité d'adopter des lignes directrices
(Art. 107, § 3, TFUE; communication de la Commission 2004/C 244/02)
9. Aides accordées par les États — Interdiction — Dérogations — Aides pouvant être considérées comme compatibles avec le marché commun — Aides à la restructuration d'une entreprise en difficulté — Identification des entreprises en difficulté
(Art. 107, § 3, TFUE; communication de la Commission 2004/C 244/02, point 11)
10. Aides accordées par les États — Examen par la Commission — Reconnaissance de la qualité d'entreprise en difficulté aux fins d'octroi du bénéfice d'une exonération à l'interdiction des aides
11. Aides accordées par les États — Notion — Appréciation selon le critère de l'investisseur privé
(Art. 107, § 1, TFUE)
12. Actes des institutions — Retrait — Actes illégaux — Décisions de la Commission en matière d'aides d'État — Adoption d'une nouvelle décision avec ajout d'éléments nouveaux visant à répondre à des critiques des intéressés — Violation des droits de la défense — Absence
1. Lorsqu’une décision est, en cours de procédure, remplacée par une décision ayant le même objet, celle-ci doit être considérée comme un élément nouveau permettant au requérant d’adapter ses conclusions et moyens. Il serait, en effet, contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d’économie de procédure d’obliger le requérant à introduire un nouveau recours. Il serait, en outre, injuste que l’institution en cause puisse, pour faire face aux critiques contenues dans une requête présentée au juge de l’Union contre une décision, adapter la décision attaquée ou lui en substituer une autre et se prévaloir, en cours d’instance, de cette modification ou de cette substitution pour priver l’autre partie de la possibilité d’étendre ses conclusions et ses moyens initiaux à la décision ultérieure ou de présenter des conclusions et moyens supplémentaires contre celle-ci.
(cf. point 23)
2. Une décision déclarant une aide d'État à une entreprise en difficulté incompatible avec le marché commun satisfait aux exigences de l'article 296 TFUE, s'agissant de la méthode de calcul du montant de l’aide retenue par la Commission, dès lors qu'elle ne se limite pas à une simple référence à une communication de la Commission sur les taux de référence mais comporte une description détaillée de la méthode choisie et une analyse approfondie de la situation financière de l'entreprise et de l’absence de sûretés et, s’agissant de la motivation de la majoration du taux de référence applicable, fait état d’une analyse de la pratique sur les marchés financiers, sur la base d’une recherche empirique des primes observables sur le marché pour différentes catégories de risques relatifs à des entreprises ou à des transactions.
(cf. points 50, 52-53)
3. Dans le cadre d'une procédure administrative en matière d'aides d'État engagée au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la jurisprudence confère essentiellement aux intéressés, parmi lesquels figurent les entités infra-étatiques dispensatrices des aides en cause, le rôle de sources d’information pour la Commission. Il s’ensuit que les intéressés, loin de pouvoir se prévaloir des droits de la défense reconnus aux personnes à l’encontre desquelles une procédure est ouverte, disposent du seul droit d’être associés à la procédure dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce.
Les intéressés ne sauraient donc invoquer une violation du principe de bonne administration en ce que la Commission n’aurait pas sollicité personnellement leurs observations quant à la procédure d’examen de l’aide. La Commission n’a pas non plus l’obligation de transmettre aux intéressés les observations ou les informations qu’elle a reçues de la part du gouvernement de l’État membre concerné.
(cf. points 71, 74-75, 88)
4. Conformément à l’article 6 du règlement nº 659/1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE, lorsque la Commission décide d’ouvrir la procédure formelle d’examen, la décision d’ouverture peut se limiter à récapituler les éléments pertinents de fait et de droit, à inclure une évaluation provisoire de la mesure étatique en cause visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide et à exposer les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun.
La décision d’ouverture doit ainsi mettre les parties intéressées en mesure de participer de manière efficace à la procédure formelle d’examen, lors de laquelle elles auront la possibilité de faire valoir leurs arguments. À cette fin, il suffit que les parties intéressées connaissent le raisonnement qui a amené la Commission à considérer provisoirement que la mesure en cause pouvait constituer une aide nouvelle incompatible avec le marché commun.
(cf. points 80-81)
5. Dans le cas d'un retrait de la décision originelle, la procédure visant à remplacer un acte illégal peut être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue, sans que la Commission soit tenue de recommencer la procédure en remontant au-delà de ce point précis.
En ce qui concerne une décision déclarant une aide d'État incompatible avec le marché commun et ordonnant sa récupération, l'insuffisance de motivation ayant motivé le retrait de la décision originelle ne remonte pas à l'ouverture de la procédure, si celle-ci n'est entachée d'aucune illégalité. Si la procédure formelle d'examen ayant précédé l'adoption de la décision retirée a été conduite de manière régulière, elle n'a pas à être rouverte préalablement à l'adoption de la nouvelle décision.
L’ajout d’éléments complémentaires dans la nouvelle décision ne saurait remettre en cause ce constat dans l'hypothèse où un tel ajout vise à répondre de manière plus détaillée aux objections qu'avait suscitées la décision originelle.
(cf. points 83-85)
6. Dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, le financement éventuel des mesures en cause par des ressources qui ne seraient pas de nature fiscale ou parafiscale ne saurait faire échapper lesdites mesures à la qualification d’aide d’État. En effet, le critère déterminant en matière de ressources d’État est le contrôle public et l’article 107, paragraphe 1, TFUE englobe tous les moyens pécuniaires, qu’ils résultent de contributions obligatoires ou non, que le secteur public peut effectivement utiliser pour soutenir les entreprises.
(cf. point 111)
7. Dans le cas d'un prêt d’argent soumis à un remboursement générateur d’intérêts, les intérêts qu’une entreprise peut être amenée à verser en contrepartie d’un prêt ne font pas nécessairement disparaître entièrement l’avantage dont elle bénéficie. Il existe bien une charge pour le budget de la collectivité ayant accordé le prêt, si cette dernière aurait pu bénéficier d’un taux de rendement plus avantageux en prêtant cette somme dans les conditions normales du marché ou en la plaçant ou l'investissant autrement. Dans une telle hypothèse, l’aide est constituée par la différence entre les intérêts qui auraient été payés si le taux d’intérêt correspondant aux conditions normales du marché avait été appliqué et ceux qui ont été effectivement versés.
(cf. point 112)
8. La Commission jouit, au titre de l'article 107, paragraphe 3, TFUE, d'un large pouvoir d'appréciation. Pour autant, elle peut se doter, aux fins d'exercer celui-ci, de règles indicatives au moyen d'actes tels que les lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté, dans la mesure où ces règles ne s'écartent pas des dispositions du traité. Lorsque la Commission a adopté un tel acte, celui-ci s'impose à elle. Il revient donc au juge de vérifier que la Commission a respecté les règles dont elle s'est dotée.
Toutefois, dès lors que le large pouvoir d'appréciation conféré à la Commission, explicité le cas échéant par les règles indicatives adoptées par elle, implique des évaluations complexes d'ordre économique et social devant être effectuées dans un contexte communautaire, le juge exerce sur celles-ci un contrôle restreint. Celui-ci se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de l'obligation de motivation, de l'exactitude matérielle des faits, de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir.
(cf. points 129-132)
9. Dès lors que le point 11 des lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté indique qu'une « entreprise peut être considérée comme étant en difficulté, si l’on est en présence des indices habituels d’une entreprise en situation de difficulté, tels que le niveau croissant des pertes [et] la diminution du chiffre d’affaires [...] », c'est à bon droit que la Commission estime qu’une entreprise présentant des capitaux propres et un résultat net négatifs est présumée être une entreprise en difficulté.
La Commission n'a pas à tenir compte des éléments postérieurs à l’octroi des mesures d'aides en cause. En effet, elle doit prendre en considération la situation existant au moment où elle statue car, si elle tenait compte d’éléments postérieurs, elle avantagerait les États membres qui manquent à leur obligation de notifier à l'état de projet les aides qu’ils envisagent d’octroyer. De plus, une amélioration de la situation de l’entreprise bénéficiaire au courant de l’année pendant laquelle les mesures litigieuses ont été accordées ne saurait influencer l’appréciation de sa situation au moment de l’octroi, notamment parce qu’il ne saurait être exclu que l’existence de ces mesures ait pu influencer cette évolution.
(cf. points 135, 141, 143-144, 146)
10. Dans la mesure où l'ordre juridique de l'Union n'entend pas en principe définir ses qualifications en s'inspirant d'un ordre juridique national ou de plusieurs d'entre eux sans précision expresse en ce sens et en l'absence dans les lignes directrices pertinentes de toute référence aux ordres juridiques nationaux, il n'y a pas lieu, dans le contexte de l'application des règles de l'Union en matière d'aides d'État, et pour apprécier la légalité de la qualification d'entreprise en difficulté opérée par la Commission, de tenir compte de la jurisprudence d'un État membre.
(cf. point 150)
11. Afin d’apprécier si une mesure étatique constitue une aide, il convient de déterminer si l’entreprise bénéficiaire reçoit un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché. À cette fin, il est pertinent d’appliquer le critère fondé sur les possibilités pour l’entreprise bénéficiaire d’obtenir les sommes en cause à des conditions similaires sur le marché des capitaux. En particulier, il y a lieu de se demander si un investisseur privé aurait réalisé l’opération en cause aux mêmes conditions.
(cf. points 158-159)
12. Les institutions de l'Union ont le droit de retirer, en raison de l’illégalité qui l’affecte, une décision ayant octroyé un bénéfice à son destinataire, sous réserve de la protection de la confiance légitime et du principe de sécurité juridique, et à la condition que ce retrait intervienne dans un délai raisonnable. Ce droit de retirer une décision illégale doit être a fortiori reconnu aux institutions de l’Union s’agissant d’un acte non créateur de droits entaché d’une illégalité. En effet, dans ce cas de figure, des considérations relatives à la protection de la confiance légitime et des droits acquis du destinataire de la décision ne s’opposent pas au retrait.
S’agissant de l’ajout d’éléments nouveaux dans la nouvelle décision, qui vise, de la part de la Commission, à répondre de manière plus détaillée que dans la décision originelle à des arguments présentés par les parties requérantes dans le cadre de leurs recours contentieux, cette prise en compte d’arguments présentés par les requérantes elles-mêmes ne saurait être constitutive d’une violation des droits de la défense dans le cadre de la procédure contentieuse.
(cf. points 189-190, 192)