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Document 62007TJ0336

    Sommaire de l'arrêt

    Affaire T-336/07

    Telefónica, SA et Telefónica de España, SA

    contre

    Commission européenne

    «Concurrence — Abus de position dominante — Marchés espagnols de l’accès à l’internet à large bande — Décision constatant une infraction à l’article 82 CE — Fixation des prix — Ciseau tarifaire — Définition des marchés — Position dominante — Abus — Calcul de la compression des marges — Effets de l’abus — Compétence de la Commission — Droits de la défense — Subsidiarité — Proportionnalité — Sécurité juridique — Coopération loyale — Principe de bonne administration — Amendes»

    Sommaire de l’arrêt

    1. Procédure – Requête introductive d’instance – Mémoire en réplique – Exigences de forme – Identification de l’objet du litige – Exposé sommaire des moyens invoqués – Écrits annexés à la requête ou à la réplique

      [Statut de la Cour de justice, art. 21; règlement de procédure du Tribunal, art. 44, § 1, c)]

    2. Concurrence – Procédure administrative – Respect des droits de la défense – Accès au dossier – Portée – Refus de communication d’un document – Conséquences – Nécessité d’opérer au niveau de la charge de la preuve incombant à l’entreprise concernée une distinction entre les documents à charge et ceux à décharge

      (Art. 81 CE et 82 CE; règlement du Conseil no 1/2003, art. 27, § 2)

    3. Concurrence – Procédure administrative – Communication des griefs – Contenu nécessaire – Respect des droits de la défense

      (Art. 81 CE et 82 CE; règlement du Conseil no 1/2003, art. 27, § 1)

    4. Concurrence – Position dominante – Marché en cause – Délimitation – Critères – Services de fourniture en gros d’accès à Internet à haut débit

      (Art. 82 CE; communication de la Commission 97/C 372/03)

    5. Concurrence – Position dominante – Comportement sur le marché dominé ayant des effets sur un marché voisin – Application de l’article 82 CE

      (Art. 82 CE)

    6. Concurrence – Position dominante – Critères d’appréciation – Existence éventuelle d’une concurrence sur le marché – Incidence

      (Art. 82 CE)

    7. Concurrence – Position dominante – Notion – Capacité d’imposer des augmentations de prix régulières – Élément non indispensable

      (Art. 82 CE)

    8. Concurrence – Position dominante – Abus – Effet de ciseau tarifaire – Notion – Critères d’appréciation

      (Art. 82 CE)

    9. Concurrence – Position dominante – Abus – Effet de ciseau tarifaire – Égalité des chances – Absence

      (Art. 82 CE)

    10. Concurrence – Position dominante – Abus – Notion – Comportements ayant un effet restrictif sur la concurrence – Effet potentiel

      (Art. 82 CE)

    11. Concurrence – Règles communautaires – Application par la Commission – Limitation des compétences de la Commission par le cadre réglementaire relatif au marché des télécommunications – Absence

      (Art. 81 CE et 82 CE; règlement du Conseil no 1/2003; directive du Parlement européen et du Conseil 2002/21)

    12. Concurrence – Procédure administrative – Obligation de coopération loyale de la Commission avec les autorités réglementaires nationales – Portée

      (Art. 10 CE, 81 CE et 82 CE; règlement du Conseil no 1/2003, art. 11 à 16)

    13. Concurrence – Règles communautaires – Infractions – Réalisation de propos délibéré ou par négligence – Notion

      (Règlements du Conseil no 17, art. 15, § 2, al. 1, et no 1/2003, art. 23, § 2)

    14. Concurrence – Position dominante – Abus – Caractère abusif d’une pratique de prix – Comportement autonome d’une entreprise sur le marché

      (Art. 82 CE)

    15. Concurrence – Règles communautaires – Champ d’application matériel – Secteur réglementé des télécommunications – Inclusion

      (Art. 82 CE)

    16. Concurrence – Amendes – Pouvoir d’appréciation de la Commission – Appréciation en fonction du comportement individuel de l’entreprise

      (Art. 81 CE et 82 CE; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23)

    17. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Gravité de l’infraction – Obligation de prendre en considération l’impact concret sur le marché – Portée

      (Art. 81 CE et 82 CE; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A, al. 1)

    18. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Gravité de l’infraction – Appréciation – Interdépendance des trois critères expressément mentionnés par les lignes directrices arrêtées par la Commission – Qualification d’une infraction de très grave

      (Règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A)

    19. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Caractère dissuasif de l’amende – Effet dissuasif général – Violation du principe d’individualisation des peines – Absence

      (Règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2)

    20. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Durée de l’infraction – Majoration du montant de départ de l’amende – Prise en compte des variations d’intensité de l’infraction – Exclusion

      (Règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 3)

    21. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Circonstances atténuantes – Approbation ou tolérance de l’infraction en droit national ou par les autorités nationales

      (Règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 3)

    1.  Il résulte de l’article 21 du statut de la Cour de justice et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal que toute requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. La fonction purement probatoire et instrumentale des annexes implique que, pour autant que celles-ci comportent des éléments de droit sur lesquels certains moyens articulés dans la requête sont fondés, de tels éléments doivent figurer dans le texte même de celle-ci ou, à tout le moins, être suffisamment identifiés dans ce mémoire. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure. Les annexes ne sauraient dès lors servir à développer un moyen sommairement exposé dans la requête en avançant des griefs ou des arguments ne figurant pas dans celle-ci.

      Cette interprétation de l’article 21 du statut de la Cour et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal vise également les conditions de recevabilité de la réplique, qui est destinée, selon l’article 47, paragraphe 1, du même règlement, à compléter la requête.

      Par conséquent, les annexes de la requête et de la réplique ne peuvent être prises en considération que dans la mesure où elles étayent ou complètent des moyens ou arguments expressément invoqués par les parties requérantes dans le corps de leurs écritures et où il est possible de déterminer avec précision quels sont les éléments qu’elles contiennent qui étayent ou complètent lesdits moyens ou arguments.

      (cf. points 58-61, 63)

    2.  Dans le cadre d’une procédure pour infraction aux règles de concurrence de l’Union, l’absence de communication d’un document à une entreprise ne constitue une violation des droits de la défense de celle-ci que si elle démontre, d’une part, que la Commission s’est fondée sur ce document pour étayer son grief relatif à l’existence d’une infraction et, d’autre part, que ce grief ne pourrait être prouvé que par référence audit document. S’il existait d’autres preuves documentaires dont les parties ont eu connaissance au cours de la procédure administrative qui appuient spécifiquement les conclusions de la Commission, l’élimination en tant que moyen de preuve du document à conviction non communiqué n’infirmerait pas le bien-fondé des griefs retenus dans la décision contestée. Il incombe ainsi à l’entreprise concernée de démontrer que le résultat auquel la Commission est parvenue dans sa décision aurait été différent si devait être écarté comme moyen de preuve à charge un document non communiqué sur lequel la Commission s’est fondée pour incriminer cette entreprise.

      (cf. point 78)

    3.  Le principe du respect des droits de la défense exige notamment que la communication des griefs adressée par la Commission à une entreprise à l’encontre de laquelle elle envisage d’infliger une sanction pour violation des règles de concurrence contienne les éléments essentiels retenus à l’encontre de cette entreprise, tels que les faits reprochés, la qualification qui leur est donnée et les éléments de preuve sur lesquels la Commission se fonde, afin que cette entreprise soit en mesure de faire valoir utilement ses arguments dans le cadre de la procédure administrative engagée à son encontre. Cette exigence est respectée dès lors que la décision de la Commission ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer.

      La décision finale de la Commission ne doit toutefois pas nécessairement être une copie de l’exposé des griefs. Sont ainsi admissibles des ajouts à la communication des griefs effectués à la lumière du mémoire en réponse des parties, dont les arguments démontrent qu’elles ont effectivement pu exercer les droits de la défense. La Commission peut également, au vu de la procédure administrative, réviser ou ajouter des arguments de fait ou de droit à l’appui des griefs qu’elle a formulés.

      Ainsi, les droits de la défense ne sont violés du fait d’une discordance entre la communication des griefs et la décision finale qu’à condition qu’un grief retenu dans cette décision n’ait pas été exposé dans ladite communication d’une manière suffisante pour permettre aux destinataires de se défendre. Tel n’est pas le cas lorsque les différences alléguées entre la communication des griefs et la décision attaquée ne portent pas sur des comportements autres que ceux sur lesquels l’entreprise concernée s’est déjà expliquée et qui, partant, sont étrangers à tout nouveau grief.

      (cf. points 80-82, 84, 85)

    4.  Aux fins de l’examen de la position, éventuellement dominante, d’une entreprise sur un marché sectoriel déterminé, les possibilités de concurrence doivent être appréciées dans le cadre du marché regroupant l’ensemble des produits qui, en fonction de leurs caractéristiques, sont particulièrement aptes à satisfaire des besoins constants et sont peu interchangeables avec d’autres produits. En outre, étant donné que la détermination du marché en cause sert à évaluer si l’entreprise concernée a la possibilité de faire obstacle à une concurrence effective et de se comporter, dans une mesure appréciable, indépendamment de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs, on ne saurait, à cette fin, se limiter à l’examen des seules caractéristiques objectives des produits en cause, mais il convient également de prendre en considération les conditions de concurrence et la structure de la demande et de l’offre sur le marché.

      La notion de marché en cause implique qu’une concurrence effective puisse exister entre les produits qui en font partie, ce qui suppose un degré suffisant d’interchangeabilité en vue du même usage entre tous les produits faisant partie d’un même marché.

      Il ressort également de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence qu’un marché de produits comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés. D’un point de vue économique, pour une définition du marché en cause, la substitution du côté de la demande est le facteur de discipline le plus immédiat et le plus efficace vis-à-vis des fournisseurs d’un produit donné, en particulier en ce qui concerne leurs décisions en matière de fixation des prix. En outre, la substituabilité du côté de l’offre peut également être prise en considération pour définir le marché en cause dans les opérations où cette substituabilité a des effets équivalents à ceux de la substituabilité du côté de la demande en termes d’immédiateté et d’efficacité. Il faut, pour cela, que les fournisseurs puissent réorienter leur production vers les produits en cause et les commercialiser à court terme, sans encourir de coûts ou de risques supplémentaires substantiels, en réaction à des variations légères, mais permanentes, des prix relatifs.

      Ainsi, s’agissant des marchés de gros de l’accès à Internet à large bande, la Commission peut conclure à bon droit que, eu égard aux investissements considérables nécessaires au passage d’une offre de gros nationale à une offre de gros régionale, ainsi que d’une offre de gros régionale au dégroupage de la boucle locale, et au temps nécessaire pour une telle migration, celle-ci n’étant pas une option viable pour l’ensemble du territoire national et requérant d’avoir une masse critique minimale, et dès lors qu’il existe des différences fonctionnelles entre les offres de gros nationale et régionale et le dégroupage de la boucle locale, le dégroupage de la boucle locale n’appartient pas au même marché que ceux de l’offre de gros nationale et de l’offre de gros régionale. De même, la Commission peut conclure à bon droit que les produits de gros national et régional n’appartiennent pas au même marché, dès lors que, eu égard aux coûts associés au passage du produit de gros national au produit de gros régional, il serait peu probable, et illogique d’un point de vue économique, que les opérateurs, qui ont déjà investi dans le déploiement d’un réseau, supportent le coût de ne pas utiliser ce réseau et décident d’utiliser le produit de gros national, qui ne leur donnerait pas les mêmes possibilités en termes de contrôle sur la qualité de service du produit de détail que le produit de gros régional.

      (cf. points 111-113, 116, 127, 134, 139, 143)

    5.  Le caractère abusif d’une pratique tarifaire mise en place par une entreprise verticalement intégrée en position dominante sur un marché de gros pertinent et aboutissant à la compression des marges des concurrents de cette entreprise sur le marché de détail ne dépend pas de l’existence d’une position dominante de cette entreprise sur ce dernier marché. Partant, pour constater un abus de position dominante d’une entreprise sous la forme d’un ciseau tarifaire, la Commission ne doit pas établir que cette entreprise dispose d’une position dominante à la fois sur le marché de gros et sur le marché de détail.

      (cf. point 146)

    6.  L’éventuelle existence d’une concurrence sur le marché est une circonstance pertinente aux fins d’apprécier l’existence d’une position dominante. Toutefois, l’existence d’une concurrence, même vive, sur un marché donné n’exclut pas celle d’une position dominante sur ce même marché, ladite position étant essentiellement caractérisée par la capacité de se comporter sans avoir à tenir compte, dans sa stratégie de marché, de cette concurrence et sans, pour autant, subir des effets préjudiciables du fait de cette attitude.

      (cf. point 162)

    7.  Si la capacité d’imposer des augmentations de prix régulières constitue incontestablement un élément susceptible d’indiquer l’existence d’une position dominante, elle n’en constitue nullement un élément indispensable, l’indépendance dont jouit une entreprise dominante en matière de prix tenant davantage à la capacité de fixer ces derniers sans devoir tenir compte de la réaction des concurrents, clients et fournisseurs qu’à la capacité de les augmenter.

      (cf. point 166)

    8.  Il ne saurait être exigé, pour constater l’existence d’une pratique de ciseau tarifaire, que le prix de gros facturé aux concurrents pour le produit en amont soit excessif ou que le prix de détail pour le produit dérivé ait un caractère prédateur. La compression des marges est, en l’absence de toute justification objective, susceptible, en elle-même, de constituer un abus au sens de l’article 82 CE. La compression des marges résulte de l’écart entre les prix pour les prestations de gros et ceux pour les prestations de détail et non du niveau de ces prix en tant que tels. En particulier, cette compression peut résulter non seulement d’un prix anormalement bas sur le marché de détail, mais également d’un prix anormalement élevé sur le marché de gros.

      Par ailleurs, la Commission peut considérer, à bon droit, que le test adéquat pour établir un ciseau tarifaire consiste à établir si un concurrent ayant la même structure de coûts que celle de l’activité en aval de l’entreprise verticalement intégrée serait en mesure d’offrir des services en aval sans enregistrer des pertes si ladite entreprise verticalement intégrée devait payer le prix d’accès en amont facturé à ses concurrents, en se référant aux coûts encourus par l’entreprise en cause, sans effectuer une étude des marges des principaux opérateurs alternatifs sur le marché concerné.

      En effet, afin d’apprécier la licéité de la politique de prix appliquée par une entreprise dominante, il convient, en principe, de se référer à des critères de prix fondés sur les coûts encourus par l’entreprise dominante elle-même et sur la stratégie de celle-ci. En particulier, s’agissant d’une pratique tarifaire aboutissant à la compression des marges, l’utilisation de tels critères d’analyse permet de vérifier si cette entreprise aurait été suffisamment efficace pour proposer ses prestations de détail aux clients finals autrement qu’à perte, si elle avait été préalablement obligée d’acquitter ses propres prix de gros pour les prestations intermédiaires.

      Une telle approche est d’autant plus justifiée, d’une part, qu’elle est également conforme au principe général de sécurité juridique dès lors que la prise en compte des coûts de l’entreprise dominante permet à celle-ci, eu égard à la responsabilité particulière qui lui incombe au titre de l’article 82 CE, d’apprécier la légalité de ses propres comportements. En effet, si une entreprise dominante connaît ses propres coûts et tarifs, elle ne connaît pas en principe ceux de ses concurrents. D’autre part, un abus d’exclusion affecte également les concurrents potentiels de l’entreprise dominante, que la perspective d’un manque de rentabilité pourrait dissuader de faire leur entrée sur le marché.

      Certes, il ne peut être exclu que les coûts et les prix des concurrents puissent être pertinents dans l’examen de la pratique tarifaire en cause. Toutefois, ce n’est que lorsqu’il n’est pas possible de faire référence aux prix et coûts de l’entreprise dominante qu’il convient d’examiner ceux des concurrents sur le même marché.

      (cf. points 186, 187, 190-194)

    9.  Dans le cadre de l’application du test de ciseau tarifaire, il ne saurait être reproché à la Commission d’examiner l’existence d’un ciseau tarifaire pour chaque produit de l’entreprise concernée, pris séparément, alors que les opérateurs alternatifs utiliseraient une combinaison optimale de produits, permettant des économies de coûts, lorsque ces produits ne font pas partie du même marché que le marché concerné. En effet, l’article 82 CE interdit notamment à une entreprise en position dominante sur un marché déterminé de se livrer à des pratiques tarifaires produisant des effets d’éviction pour ses concurrents aussi efficaces, actuels ou potentiels. L’examen d’une telle position requiert une appréciation des possibilités de concurrence dans le cadre du marché regroupant l’ensemble des produits qui, en fonction de leurs caractéristiques, sont particulièrement aptes à satisfaire des besoins constants et sont peu interchangeables avec d’autres produits, la détermination du marché en cause servant à évaluer si l’entreprise concernée a la possibilité de faire obstacle à une concurrence effective sur ledit marché.

      Par ailleurs, il ne saurait être soutenu qu’un opérateur alternatif pourrait compenser des pertes subies en raison du ciseau tarifaire au niveau d’un produit de gros par des revenus provenant de l’utilisation, dans certaines zones géographiques plus rentables, d’autres produits de l’entreprise concernée qui ne feraient pas l’objet d’un ciseau tarifaire et qui appartiendraient à un autre marché. Un système de concurrence non faussée ne peut être garanti que si l’égalité des chances entre les différents opérateurs économiques est assurée. Or, l’égalité des chances implique qu’une entreprise dominante dans le secteur des télécommunications et ses concurrents au moins aussi efficaces soient placés sur un pied d’égalité sur le marché de détail. Tel ne serait pas le cas si les prix des produits de gros payés par les opérateurs alternatifs à ladite entreprise ne pouvaient être répercutés sur leurs prix des produits de détail qu’en offrant ces derniers à perte.

      (cf. points 200-204)

    10.  Aux fins de l’établissement d’une violation de l’article 82 CE, il suffit de démontrer que le comportement abusif de l’entreprise en position dominante tend à restreindre la concurrence ou, en d’autres termes, que le comportement est de nature à, ou susceptible de, avoir un tel effet. Ainsi, l’effet anticoncurrentiel d’une pratique tarifaire sur le marché doit exister, mais ne doit pas nécessairement être concret, étant suffisante la démonstration d’un effet anticoncurrentiel potentiel de nature à évincer les concurrents au moins aussi efficaces que l’entreprise en position dominante. À cet égard, il ne saurait être soutenu que, étant donné le laps de temps écoulé entre le commencement du comportement incriminé et l’adoption d’une décision par la Commission, il n’est pas approprié de faire un test d’effets probables, la Commission disposant du temps nécessaire pour démontrer la matérialité des prétendus effets anticoncurrentiels liés au comportement en cause.

      (cf. points 268, 272)

    11.  L’existence de la directive 2002/21, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, n’affecte nullement la compétence que la Commission tire directement de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 17 et, depuis le 1er mai 2004, de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 pour constater les infractions aux articles 81 CE et 82 CE. Les règles relatives à la concurrence prévues par le traité complètent, par l’exercice d’un contrôle ex post, le cadre réglementaire adopté par le législateur de l’Union en vue de réguler ex ante les marchés des télécommunications.

      (cf. point 293)

    12.  S’agissant des relations qui s’établissent dans le cadre des procédures menées par la Commission en application des articles 81 CE et 82 CE, les modalités de mise en œuvre de l’obligation de coopération loyale qui découle de l’article 10 CE et à laquelle la Commission est tenue dans ses relations avec les États membres ont notamment été précisées aux articles 11 à 16 du règlement no 1/2003, dans son chapitre IV intitulé «Coopération» . Ces dispositions ne prévoient pas l’obligation pour la Commission de consulter les autorités réglementaires nationales.

      (cf. point 312)

      S’agissant de la question de savoir si une infraction a été commise de propos délibéré ou par négligence et est, de ce fait, susceptible d’être sanctionnée par une amende en vertu de l’article 15, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 17 et, depuis le 1er mai 2004, de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, cette condition est remplie dès lors que l’entreprise en cause ne peut ignorer le caractère anticoncurrentiel de son comportement, qu’elle ait eu ou non conscience d’enfreindre les règles de concurrence du traité. Une entreprise est consciente du caractère anticoncurrentiel de son comportement lorsque les éléments de fait matériels justifiant tant la constatation d’une position dominante sur le marché concerné que l’appréciation par la Commission d’un abus de cette position étaient connus par elle.

      À cet égard, en tant qu’opérateur économique diligent, une entreprise occupant une position dominante doit être familiarisée avec les principes régissant la définition des marchés dans les affaires de concurrence et, le cas échéant, recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé. Il en va spécialement ainsi des professionnels, habitués à devoir faire preuve d’une grande prudence dans l’exercice de leur métier. Aussi peut-on attendre d’eux qu’ils mettent un soin particulier à évaluer les risques qu’il comporte. En outre, il ne saurait faire de doute, pour un opérateur économique avisé, que la possession de parts de marché importantes, si elle n’est pas nécessairement et dans tous les cas le seul indice déterminant de l’existence d’une position dominante, a cependant une importance considérable qui doit nécessairement être prise en considération par lui en ce qui concerne son comportement éventuel sur le marché. À cet égard, un opérateur historique et propriétaire de la seule infrastructure significative pour la fourniture de produits de gros dans le secteur des télécommunications ne peut ignorer qu’il détient une position dominante sur les marchés pertinents. Partant, l’importance des parts de marché détenues par un tel opérateur sur les marchés concernés implique que sa conviction qu’il n’occupe pas une position dominante sur ces marchés ne peut être que le fruit soit d’un examen insuffisant de la structure des marchés sur lesquels il opère, soit d’un refus de prendre ces structures en considération.

      (cf. points 319, 320, 323-325)

    13.  L’article 82 CE ne vise que des comportements anticoncurrentiels qui ont été adoptés par les entreprises de leur propre initiative. Si un comportement anticoncurrentiel est imposé aux entreprises par une législation nationale ou si celle-ci crée un cadre juridique qui lui-même élimine toute possibilité de comportement concurrentiel de leur part, l’article 82 CE n’est pas d’application. Dans une telle situation, la restriction de concurrence ne trouve pas sa cause, ainsi que l’implique cette disposition, dans des comportements autonomes des entreprises.

      En revanche, l’article 82 CE peut s’appliquer s’il s’avère que la législation nationale laisse subsister la possibilité d’une concurrence susceptible d’être empêchée, restreinte ou faussée par des comportements autonomes des entreprises. Ainsi, nonobstant la présence d’une telle législation, si une entreprise en position dominante verticalement intégrée dispose d’une marge de manœuvre pour modifier même seulement ses prix de détail, la compression des marges peut, pour ce seul motif, lui être imputée.

      À cet égard, s’agissant des pratiques de prix d’une entreprise de télécommunications en position dominante, à supposer qu’une réduction des prix nécessite l’intervention de l’autorité nationale de régulation du marché des télécommunications et ne puisse être librement décidée par cette entreprise, il appartient à une telle entreprise, dans le cadre de la responsabilité particulière lui incombant en tant qu’entreprise occupant une position dominante sur le marché concerné, de présenter à cette autorité des demandes de modification de ses tarifs lorsque ceux-ci ont pour effet de porter atteinte à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun.

      (cf. points 328-330, 335)

    14.  Le respect, par une entreprise en position dominante sur le marché des télécommunications, de la réglementation nationale en matière de télécommunications ne prémunit pas cette entreprise contre une intervention de la Commission sur le fondement de l’article 82 CE.

      En effet, en l’absence de dérogation expresse en ce sens, le droit de la concurrence est applicable aux secteurs réglementés. Ainsi, l’applicabilité des règles de concurrence n’est pas exclue, dès lors que les dispositions sectorielles concernées laissent subsister la possibilité d’une concurrence susceptible d’être empêchée, restreinte ou faussée par des comportements autonomes des entreprises.

      (cf. points 339, 340)

    15.  La décision de la Commission de ne pas imposer une amende dans certaines décisions en raison de la nature relativement nouvelle des infractions constatées n’octroie pas une immunité aux entreprises commettant ultérieurement le même type d’infractions. En effet, c’est dans le cadre particulier de chaque affaire que la Commission, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, décide de l’opportunité d’infliger une amende afin de sanctionner l’infraction constatée et de préserver l’efficacité du droit de la concurrence.

      (cf. point 357)

    16.  Conformément au point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA, la Commission doit, dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’infraction, procéder à un examen de l’impact concret sur le marché uniquement lorsqu’il apparaît que cet impact est mesurable.

      (cf. point 389)

      L’étendue du marché géographique ne représente qu’un des trois critères pertinents, selon les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA, aux fins de l’appréciation globale de la gravité de l’infraction. Parmi ces critères interdépendants, la nature de l’infraction joue un rôle primordial. En revanche, l’étendue du marché géographique n’est pas un critère autonome en ce sens que seules des infractions concernant plusieurs États membres seraient susceptibles de recevoir la qualification de «très graves» . Ni le traité CE, ni le règlement no 17, ni le règlement no 1/2003, ni les lignes directrices précitées, ni la jurisprudence ne permettent de considérer que seules des restrictions géographiquement très étendues peuvent être qualifiées ainsi. Partant, la Commission peut qualifier une infraction de «très grave» , alors même que la taille du marché géographique concerné est limitée au territoire d’un seul État membre.

      (cf. point 413)

    17.  Pour apprécier la gravité d’une infraction en vue de déterminer le montant de l’amende, la Commission doit veiller au caractère dissuasif de son action, surtout pour les types d’infractions particulièrement nuisibles pour la réalisation des objectifs de l’Union. La dissuasion doit être à la fois spécifique et générale. Tout en réprimant une infraction individuelle, l’amende s’inscrit aussi dans le cadre d’une politique générale de respect par les entreprises des règles de concurrence. Partant, il ne saurait être soutenu que le principe d’individualisation des peines a été violé du simple fait que l’amende imposée à une entreprise par la Commission, calculée en tenant compte de la situation propre de cette entreprise, peut aussi avoir un effet dissuasif général à l’égard des autres entreprises qui seraient tentées de violer les règles de concurrence.

      (cf. point 433)

    18.  En matière de concurrence, dès lors que la majoration d’une amende au titre de la durée se fait par l’application d’un certain pourcentage au montant de départ de cette amende qui est déterminé en fonction de la gravité de l’ensemble de l’infraction, reflétant déjà ainsi les différentes intensités de l’infraction, il n’y a pas lieu de prendre en compte pour l’augmentation de ce montant au titre de la durée de l’infraction une variation dans l’intensité de l’infraction pendant la période concernée.

      (cf. point 450)

    19.  S’il n’est pas exclu que, dans certaines circonstances, un cadre juridique national ou un comportement des autorités nationales puissent constituer des circonstances atténuantes, l’approbation ou la tolérance de l’infraction de la part des autorités nationales ne saurait être prise en considération à ce titre lorsque les entreprises en cause disposent des moyens nécessaires pour se procurer des renseignements juridiques précis et corrects.

      (cf. point 458)

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    Affaire T-336/07

    Telefónica, SA et Telefónica de España, SA

    contre

    Commission européenne

    «Concurrence — Abus de position dominante — Marchés espagnols de l’accès à l’internet à large bande — Décision constatant une infraction à l’article 82 CE — Fixation des prix — Ciseau tarifaire — Définition des marchés — Position dominante — Abus — Calcul de la compression des marges — Effets de l’abus — Compétence de la Commission — Droits de la défense — Subsidiarité — Proportionnalité — Sécurité juridique — Coopération loyale — Principe de bonne administration — Amendes»

    Sommaire de l’arrêt

    1. Procédure – Requête introductive d’instance – Mémoire en réplique – Exigences de forme – Identification de l’objet du litige – Exposé sommaire des moyens invoqués – Écrits annexés à la requête ou à la réplique

      [Statut de la Cour de justice, art. 21; règlement de procédure du Tribunal, art. 44, § 1, c)]

    2. Concurrence – Procédure administrative – Respect des droits de la défense – Accès au dossier – Portée – Refus de communication d’un document – Conséquences – Nécessité d’opérer au niveau de la charge de la preuve incombant à l’entreprise concernée une distinction entre les documents à charge et ceux à décharge

      (Art. 81 CE et 82 CE; règlement du Conseil no 1/2003, art. 27, § 2)

    3. Concurrence – Procédure administrative – Communication des griefs – Contenu nécessaire – Respect des droits de la défense

      (Art. 81 CE et 82 CE; règlement du Conseil no 1/2003, art. 27, § 1)

    4. Concurrence – Position dominante – Marché en cause – Délimitation – Critères – Services de fourniture en gros d’accès à Internet à haut débit

      (Art. 82 CE; communication de la Commission 97/C 372/03)

    5. Concurrence – Position dominante – Comportement sur le marché dominé ayant des effets sur un marché voisin – Application de l’article 82 CE

      (Art. 82 CE)

    6. Concurrence – Position dominante – Critères d’appréciation – Existence éventuelle d’une concurrence sur le marché – Incidence

      (Art. 82 CE)

    7. Concurrence – Position dominante – Notion – Capacité d’imposer des augmentations de prix régulières – Élément non indispensable

      (Art. 82 CE)

    8. Concurrence – Position dominante – Abus – Effet de ciseau tarifaire – Notion – Critères d’appréciation

      (Art. 82 CE)

    9. Concurrence – Position dominante – Abus – Effet de ciseau tarifaire – Égalité des chances – Absence

      (Art. 82 CE)

    10. Concurrence – Position dominante – Abus – Notion – Comportements ayant un effet restrictif sur la concurrence – Effet potentiel

      (Art. 82 CE)

    11. Concurrence – Règles communautaires – Application par la Commission – Limitation des compétences de la Commission par le cadre réglementaire relatif au marché des télécommunications – Absence

      (Art. 81 CE et 82 CE; règlement du Conseil no 1/2003; directive du Parlement européen et du Conseil 2002/21)

    12. Concurrence – Procédure administrative – Obligation de coopération loyale de la Commission avec les autorités réglementaires nationales – Portée

      (Art. 10 CE, 81 CE et 82 CE; règlement du Conseil no 1/2003, art. 11 à 16)

    13. Concurrence – Règles communautaires – Infractions – Réalisation de propos délibéré ou par négligence – Notion

      (Règlements du Conseil no 17, art. 15, § 2, al. 1, et no 1/2003, art. 23, § 2)

    14. Concurrence – Position dominante – Abus – Caractère abusif d’une pratique de prix – Comportement autonome d’une entreprise sur le marché

      (Art. 82 CE)

    15. Concurrence – Règles communautaires – Champ d’application matériel – Secteur réglementé des télécommunications – Inclusion

      (Art. 82 CE)

    16. Concurrence – Amendes – Pouvoir d’appréciation de la Commission – Appréciation en fonction du comportement individuel de l’entreprise

      (Art. 81 CE et 82 CE; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23)

    17. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Gravité de l’infraction – Obligation de prendre en considération l’impact concret sur le marché – Portée

      (Art. 81 CE et 82 CE; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A, al. 1)

    18. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Gravité de l’infraction – Appréciation – Interdépendance des trois critères expressément mentionnés par les lignes directrices arrêtées par la Commission – Qualification d’une infraction de très grave

      (Règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A)

    19. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Caractère dissuasif de l’amende – Effet dissuasif général – Violation du principe d’individualisation des peines – Absence

      (Règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2)

    20. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Durée de l’infraction – Majoration du montant de départ de l’amende – Prise en compte des variations d’intensité de l’infraction – Exclusion

      (Règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 3)

    21. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Circonstances atténuantes – Approbation ou tolérance de l’infraction en droit national ou par les autorités nationales

      (Règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 3)

    1.  Il résulte de l’article 21 du statut de la Cour de justice et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal que toute requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. La fonction purement probatoire et instrumentale des annexes implique que, pour autant que celles-ci comportent des éléments de droit sur lesquels certains moyens articulés dans la requête sont fondés, de tels éléments doivent figurer dans le texte même de celle-ci ou, à tout le moins, être suffisamment identifiés dans ce mémoire. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure. Les annexes ne sauraient dès lors servir à développer un moyen sommairement exposé dans la requête en avançant des griefs ou des arguments ne figurant pas dans celle-ci.

      Cette interprétation de l’article 21 du statut de la Cour et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal vise également les conditions de recevabilité de la réplique, qui est destinée, selon l’article 47, paragraphe 1, du même règlement, à compléter la requête.

      Par conséquent, les annexes de la requête et de la réplique ne peuvent être prises en considération que dans la mesure où elles étayent ou complètent des moyens ou arguments expressément invoqués par les parties requérantes dans le corps de leurs écritures et où il est possible de déterminer avec précision quels sont les éléments qu’elles contiennent qui étayent ou complètent lesdits moyens ou arguments.

      (cf. points 58-61, 63)

    2.  Dans le cadre d’une procédure pour infraction aux règles de concurrence de l’Union, l’absence de communication d’un document à une entreprise ne constitue une violation des droits de la défense de celle-ci que si elle démontre, d’une part, que la Commission s’est fondée sur ce document pour étayer son grief relatif à l’existence d’une infraction et, d’autre part, que ce grief ne pourrait être prouvé que par référence audit document. S’il existait d’autres preuves documentaires dont les parties ont eu connaissance au cours de la procédure administrative qui appuient spécifiquement les conclusions de la Commission, l’élimination en tant que moyen de preuve du document à conviction non communiqué n’infirmerait pas le bien-fondé des griefs retenus dans la décision contestée. Il incombe ainsi à l’entreprise concernée de démontrer que le résultat auquel la Commission est parvenue dans sa décision aurait été différent si devait être écarté comme moyen de preuve à charge un document non communiqué sur lequel la Commission s’est fondée pour incriminer cette entreprise.

      (cf. point 78)

    3.  Le principe du respect des droits de la défense exige notamment que la communication des griefs adressée par la Commission à une entreprise à l’encontre de laquelle elle envisage d’infliger une sanction pour violation des règles de concurrence contienne les éléments essentiels retenus à l’encontre de cette entreprise, tels que les faits reprochés, la qualification qui leur est donnée et les éléments de preuve sur lesquels la Commission se fonde, afin que cette entreprise soit en mesure de faire valoir utilement ses arguments dans le cadre de la procédure administrative engagée à son encontre. Cette exigence est respectée dès lors que la décision de la Commission ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer.

      La décision finale de la Commission ne doit toutefois pas nécessairement être une copie de l’exposé des griefs. Sont ainsi admissibles des ajouts à la communication des griefs effectués à la lumière du mémoire en réponse des parties, dont les arguments démontrent qu’elles ont effectivement pu exercer les droits de la défense. La Commission peut également, au vu de la procédure administrative, réviser ou ajouter des arguments de fait ou de droit à l’appui des griefs qu’elle a formulés.

      Ainsi, les droits de la défense ne sont violés du fait d’une discordance entre la communication des griefs et la décision finale qu’à condition qu’un grief retenu dans cette décision n’ait pas été exposé dans ladite communication d’une manière suffisante pour permettre aux destinataires de se défendre. Tel n’est pas le cas lorsque les différences alléguées entre la communication des griefs et la décision attaquée ne portent pas sur des comportements autres que ceux sur lesquels l’entreprise concernée s’est déjà expliquée et qui, partant, sont étrangers à tout nouveau grief.

      (cf. points 80-82, 84, 85)

    4.  Aux fins de l’examen de la position, éventuellement dominante, d’une entreprise sur un marché sectoriel déterminé, les possibilités de concurrence doivent être appréciées dans le cadre du marché regroupant l’ensemble des produits qui, en fonction de leurs caractéristiques, sont particulièrement aptes à satisfaire des besoins constants et sont peu interchangeables avec d’autres produits. En outre, étant donné que la détermination du marché en cause sert à évaluer si l’entreprise concernée a la possibilité de faire obstacle à une concurrence effective et de se comporter, dans une mesure appréciable, indépendamment de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs, on ne saurait, à cette fin, se limiter à l’examen des seules caractéristiques objectives des produits en cause, mais il convient également de prendre en considération les conditions de concurrence et la structure de la demande et de l’offre sur le marché.

      La notion de marché en cause implique qu’une concurrence effective puisse exister entre les produits qui en font partie, ce qui suppose un degré suffisant d’interchangeabilité en vue du même usage entre tous les produits faisant partie d’un même marché.

      Il ressort également de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence qu’un marché de produits comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés. D’un point de vue économique, pour une définition du marché en cause, la substitution du côté de la demande est le facteur de discipline le plus immédiat et le plus efficace vis-à-vis des fournisseurs d’un produit donné, en particulier en ce qui concerne leurs décisions en matière de fixation des prix. En outre, la substituabilité du côté de l’offre peut également être prise en considération pour définir le marché en cause dans les opérations où cette substituabilité a des effets équivalents à ceux de la substituabilité du côté de la demande en termes d’immédiateté et d’efficacité. Il faut, pour cela, que les fournisseurs puissent réorienter leur production vers les produits en cause et les commercialiser à court terme, sans encourir de coûts ou de risques supplémentaires substantiels, en réaction à des variations légères, mais permanentes, des prix relatifs.

      Ainsi, s’agissant des marchés de gros de l’accès à Internet à large bande, la Commission peut conclure à bon droit que, eu égard aux investissements considérables nécessaires au passage d’une offre de gros nationale à une offre de gros régionale, ainsi que d’une offre de gros régionale au dégroupage de la boucle locale, et au temps nécessaire pour une telle migration, celle-ci n’étant pas une option viable pour l’ensemble du territoire national et requérant d’avoir une masse critique minimale, et dès lors qu’il existe des différences fonctionnelles entre les offres de gros nationale et régionale et le dégroupage de la boucle locale, le dégroupage de la boucle locale n’appartient pas au même marché que ceux de l’offre de gros nationale et de l’offre de gros régionale. De même, la Commission peut conclure à bon droit que les produits de gros national et régional n’appartiennent pas au même marché, dès lors que, eu égard aux coûts associés au passage du produit de gros national au produit de gros régional, il serait peu probable, et illogique d’un point de vue économique, que les opérateurs, qui ont déjà investi dans le déploiement d’un réseau, supportent le coût de ne pas utiliser ce réseau et décident d’utiliser le produit de gros national, qui ne leur donnerait pas les mêmes possibilités en termes de contrôle sur la qualité de service du produit de détail que le produit de gros régional.

      (cf. points 111-113, 116, 127, 134, 139, 143)

    5.  Le caractère abusif d’une pratique tarifaire mise en place par une entreprise verticalement intégrée en position dominante sur un marché de gros pertinent et aboutissant à la compression des marges des concurrents de cette entreprise sur le marché de détail ne dépend pas de l’existence d’une position dominante de cette entreprise sur ce dernier marché. Partant, pour constater un abus de position dominante d’une entreprise sous la forme d’un ciseau tarifaire, la Commission ne doit pas établir que cette entreprise dispose d’une position dominante à la fois sur le marché de gros et sur le marché de détail.

      (cf. point 146)

    6.  L’éventuelle existence d’une concurrence sur le marché est une circonstance pertinente aux fins d’apprécier l’existence d’une position dominante. Toutefois, l’existence d’une concurrence, même vive, sur un marché donné n’exclut pas celle d’une position dominante sur ce même marché, ladite position étant essentiellement caractérisée par la capacité de se comporter sans avoir à tenir compte, dans sa stratégie de marché, de cette concurrence et sans, pour autant, subir des effets préjudiciables du fait de cette attitude.

      (cf. point 162)

    7.  Si la capacité d’imposer des augmentations de prix régulières constitue incontestablement un élément susceptible d’indiquer l’existence d’une position dominante, elle n’en constitue nullement un élément indispensable, l’indépendance dont jouit une entreprise dominante en matière de prix tenant davantage à la capacité de fixer ces derniers sans devoir tenir compte de la réaction des concurrents, clients et fournisseurs qu’à la capacité de les augmenter.

      (cf. point 166)

    8.  Il ne saurait être exigé, pour constater l’existence d’une pratique de ciseau tarifaire, que le prix de gros facturé aux concurrents pour le produit en amont soit excessif ou que le prix de détail pour le produit dérivé ait un caractère prédateur. La compression des marges est, en l’absence de toute justification objective, susceptible, en elle-même, de constituer un abus au sens de l’article 82 CE. La compression des marges résulte de l’écart entre les prix pour les prestations de gros et ceux pour les prestations de détail et non du niveau de ces prix en tant que tels. En particulier, cette compression peut résulter non seulement d’un prix anormalement bas sur le marché de détail, mais également d’un prix anormalement élevé sur le marché de gros.

      Par ailleurs, la Commission peut considérer, à bon droit, que le test adéquat pour établir un ciseau tarifaire consiste à établir si un concurrent ayant la même structure de coûts que celle de l’activité en aval de l’entreprise verticalement intégrée serait en mesure d’offrir des services en aval sans enregistrer des pertes si ladite entreprise verticalement intégrée devait payer le prix d’accès en amont facturé à ses concurrents, en se référant aux coûts encourus par l’entreprise en cause, sans effectuer une étude des marges des principaux opérateurs alternatifs sur le marché concerné.

      En effet, afin d’apprécier la licéité de la politique de prix appliquée par une entreprise dominante, il convient, en principe, de se référer à des critères de prix fondés sur les coûts encourus par l’entreprise dominante elle-même et sur la stratégie de celle-ci. En particulier, s’agissant d’une pratique tarifaire aboutissant à la compression des marges, l’utilisation de tels critères d’analyse permet de vérifier si cette entreprise aurait été suffisamment efficace pour proposer ses prestations de détail aux clients finals autrement qu’à perte, si elle avait été préalablement obligée d’acquitter ses propres prix de gros pour les prestations intermédiaires.

      Une telle approche est d’autant plus justifiée, d’une part, qu’elle est également conforme au principe général de sécurité juridique dès lors que la prise en compte des coûts de l’entreprise dominante permet à celle-ci, eu égard à la responsabilité particulière qui lui incombe au titre de l’article 82 CE, d’apprécier la légalité de ses propres comportements. En effet, si une entreprise dominante connaît ses propres coûts et tarifs, elle ne connaît pas en principe ceux de ses concurrents. D’autre part, un abus d’exclusion affecte également les concurrents potentiels de l’entreprise dominante, que la perspective d’un manque de rentabilité pourrait dissuader de faire leur entrée sur le marché.

      Certes, il ne peut être exclu que les coûts et les prix des concurrents puissent être pertinents dans l’examen de la pratique tarifaire en cause. Toutefois, ce n’est que lorsqu’il n’est pas possible de faire référence aux prix et coûts de l’entreprise dominante qu’il convient d’examiner ceux des concurrents sur le même marché.

      (cf. points 186, 187, 190-194)

    9.  Dans le cadre de l’application du test de ciseau tarifaire, il ne saurait être reproché à la Commission d’examiner l’existence d’un ciseau tarifaire pour chaque produit de l’entreprise concernée, pris séparément, alors que les opérateurs alternatifs utiliseraient une combinaison optimale de produits, permettant des économies de coûts, lorsque ces produits ne font pas partie du même marché que le marché concerné. En effet, l’article 82 CE interdit notamment à une entreprise en position dominante sur un marché déterminé de se livrer à des pratiques tarifaires produisant des effets d’éviction pour ses concurrents aussi efficaces, actuels ou potentiels. L’examen d’une telle position requiert une appréciation des possibilités de concurrence dans le cadre du marché regroupant l’ensemble des produits qui, en fonction de leurs caractéristiques, sont particulièrement aptes à satisfaire des besoins constants et sont peu interchangeables avec d’autres produits, la détermination du marché en cause servant à évaluer si l’entreprise concernée a la possibilité de faire obstacle à une concurrence effective sur ledit marché.

      Par ailleurs, il ne saurait être soutenu qu’un opérateur alternatif pourrait compenser des pertes subies en raison du ciseau tarifaire au niveau d’un produit de gros par des revenus provenant de l’utilisation, dans certaines zones géographiques plus rentables, d’autres produits de l’entreprise concernée qui ne feraient pas l’objet d’un ciseau tarifaire et qui appartiendraient à un autre marché. Un système de concurrence non faussée ne peut être garanti que si l’égalité des chances entre les différents opérateurs économiques est assurée. Or, l’égalité des chances implique qu’une entreprise dominante dans le secteur des télécommunications et ses concurrents au moins aussi efficaces soient placés sur un pied d’égalité sur le marché de détail. Tel ne serait pas le cas si les prix des produits de gros payés par les opérateurs alternatifs à ladite entreprise ne pouvaient être répercutés sur leurs prix des produits de détail qu’en offrant ces derniers à perte.

      (cf. points 200-204)

    10.  Aux fins de l’établissement d’une violation de l’article 82 CE, il suffit de démontrer que le comportement abusif de l’entreprise en position dominante tend à restreindre la concurrence ou, en d’autres termes, que le comportement est de nature à, ou susceptible de, avoir un tel effet. Ainsi, l’effet anticoncurrentiel d’une pratique tarifaire sur le marché doit exister, mais ne doit pas nécessairement être concret, étant suffisante la démonstration d’un effet anticoncurrentiel potentiel de nature à évincer les concurrents au moins aussi efficaces que l’entreprise en position dominante. À cet égard, il ne saurait être soutenu que, étant donné le laps de temps écoulé entre le commencement du comportement incriminé et l’adoption d’une décision par la Commission, il n’est pas approprié de faire un test d’effets probables, la Commission disposant du temps nécessaire pour démontrer la matérialité des prétendus effets anticoncurrentiels liés au comportement en cause.

      (cf. points 268, 272)

    11.  L’existence de la directive 2002/21, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, n’affecte nullement la compétence que la Commission tire directement de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 17 et, depuis le 1er mai 2004, de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 pour constater les infractions aux articles 81 CE et 82 CE. Les règles relatives à la concurrence prévues par le traité complètent, par l’exercice d’un contrôle ex post, le cadre réglementaire adopté par le législateur de l’Union en vue de réguler ex ante les marchés des télécommunications.

      (cf. point 293)

    12.  S’agissant des relations qui s’établissent dans le cadre des procédures menées par la Commission en application des articles 81 CE et 82 CE, les modalités de mise en œuvre de l’obligation de coopération loyale qui découle de l’article 10 CE et à laquelle la Commission est tenue dans ses relations avec les États membres ont notamment été précisées aux articles 11 à 16 du règlement no 1/2003, dans son chapitre IV intitulé «Coopération» . Ces dispositions ne prévoient pas l’obligation pour la Commission de consulter les autorités réglementaires nationales.

      (cf. point 312)

      S’agissant de la question de savoir si une infraction a été commise de propos délibéré ou par négligence et est, de ce fait, susceptible d’être sanctionnée par une amende en vertu de l’article 15, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 17 et, depuis le 1er mai 2004, de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, cette condition est remplie dès lors que l’entreprise en cause ne peut ignorer le caractère anticoncurrentiel de son comportement, qu’elle ait eu ou non conscience d’enfreindre les règles de concurrence du traité. Une entreprise est consciente du caractère anticoncurrentiel de son comportement lorsque les éléments de fait matériels justifiant tant la constatation d’une position dominante sur le marché concerné que l’appréciation par la Commission d’un abus de cette position étaient connus par elle.

      À cet égard, en tant qu’opérateur économique diligent, une entreprise occupant une position dominante doit être familiarisée avec les principes régissant la définition des marchés dans les affaires de concurrence et, le cas échéant, recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé. Il en va spécialement ainsi des professionnels, habitués à devoir faire preuve d’une grande prudence dans l’exercice de leur métier. Aussi peut-on attendre d’eux qu’ils mettent un soin particulier à évaluer les risques qu’il comporte. En outre, il ne saurait faire de doute, pour un opérateur économique avisé, que la possession de parts de marché importantes, si elle n’est pas nécessairement et dans tous les cas le seul indice déterminant de l’existence d’une position dominante, a cependant une importance considérable qui doit nécessairement être prise en considération par lui en ce qui concerne son comportement éventuel sur le marché. À cet égard, un opérateur historique et propriétaire de la seule infrastructure significative pour la fourniture de produits de gros dans le secteur des télécommunications ne peut ignorer qu’il détient une position dominante sur les marchés pertinents. Partant, l’importance des parts de marché détenues par un tel opérateur sur les marchés concernés implique que sa conviction qu’il n’occupe pas une position dominante sur ces marchés ne peut être que le fruit soit d’un examen insuffisant de la structure des marchés sur lesquels il opère, soit d’un refus de prendre ces structures en considération.

      (cf. points 319, 320, 323-325)

    13.  L’article 82 CE ne vise que des comportements anticoncurrentiels qui ont été adoptés par les entreprises de leur propre initiative. Si un comportement anticoncurrentiel est imposé aux entreprises par une législation nationale ou si celle-ci crée un cadre juridique qui lui-même élimine toute possibilité de comportement concurrentiel de leur part, l’article 82 CE n’est pas d’application. Dans une telle situation, la restriction de concurrence ne trouve pas sa cause, ainsi que l’implique cette disposition, dans des comportements autonomes des entreprises.

      En revanche, l’article 82 CE peut s’appliquer s’il s’avère que la législation nationale laisse subsister la possibilité d’une concurrence susceptible d’être empêchée, restreinte ou faussée par des comportements autonomes des entreprises. Ainsi, nonobstant la présence d’une telle législation, si une entreprise en position dominante verticalement intégrée dispose d’une marge de manœuvre pour modifier même seulement ses prix de détail, la compression des marges peut, pour ce seul motif, lui être imputée.

      À cet égard, s’agissant des pratiques de prix d’une entreprise de télécommunications en position dominante, à supposer qu’une réduction des prix nécessite l’intervention de l’autorité nationale de régulation du marché des télécommunications et ne puisse être librement décidée par cette entreprise, il appartient à une telle entreprise, dans le cadre de la responsabilité particulière lui incombant en tant qu’entreprise occupant une position dominante sur le marché concerné, de présenter à cette autorité des demandes de modification de ses tarifs lorsque ceux-ci ont pour effet de porter atteinte à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun.

      (cf. points 328-330, 335)

    14.  Le respect, par une entreprise en position dominante sur le marché des télécommunications, de la réglementation nationale en matière de télécommunications ne prémunit pas cette entreprise contre une intervention de la Commission sur le fondement de l’article 82 CE.

      En effet, en l’absence de dérogation expresse en ce sens, le droit de la concurrence est applicable aux secteurs réglementés. Ainsi, l’applicabilité des règles de concurrence n’est pas exclue, dès lors que les dispositions sectorielles concernées laissent subsister la possibilité d’une concurrence susceptible d’être empêchée, restreinte ou faussée par des comportements autonomes des entreprises.

      (cf. points 339, 340)

    15.  La décision de la Commission de ne pas imposer une amende dans certaines décisions en raison de la nature relativement nouvelle des infractions constatées n’octroie pas une immunité aux entreprises commettant ultérieurement le même type d’infractions. En effet, c’est dans le cadre particulier de chaque affaire que la Commission, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, décide de l’opportunité d’infliger une amende afin de sanctionner l’infraction constatée et de préserver l’efficacité du droit de la concurrence.

      (cf. point 357)

    16.  Conformément au point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA, la Commission doit, dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’infraction, procéder à un examen de l’impact concret sur le marché uniquement lorsqu’il apparaît que cet impact est mesurable.

      (cf. point 389)

      L’étendue du marché géographique ne représente qu’un des trois critères pertinents, selon les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA, aux fins de l’appréciation globale de la gravité de l’infraction. Parmi ces critères interdépendants, la nature de l’infraction joue un rôle primordial. En revanche, l’étendue du marché géographique n’est pas un critère autonome en ce sens que seules des infractions concernant plusieurs États membres seraient susceptibles de recevoir la qualification de «très graves» . Ni le traité CE, ni le règlement no 17, ni le règlement no 1/2003, ni les lignes directrices précitées, ni la jurisprudence ne permettent de considérer que seules des restrictions géographiquement très étendues peuvent être qualifiées ainsi. Partant, la Commission peut qualifier une infraction de «très grave» , alors même que la taille du marché géographique concerné est limitée au territoire d’un seul État membre.

      (cf. point 413)

    17.  Pour apprécier la gravité d’une infraction en vue de déterminer le montant de l’amende, la Commission doit veiller au caractère dissuasif de son action, surtout pour les types d’infractions particulièrement nuisibles pour la réalisation des objectifs de l’Union. La dissuasion doit être à la fois spécifique et générale. Tout en réprimant une infraction individuelle, l’amende s’inscrit aussi dans le cadre d’une politique générale de respect par les entreprises des règles de concurrence. Partant, il ne saurait être soutenu que le principe d’individualisation des peines a été violé du simple fait que l’amende imposée à une entreprise par la Commission, calculée en tenant compte de la situation propre de cette entreprise, peut aussi avoir un effet dissuasif général à l’égard des autres entreprises qui seraient tentées de violer les règles de concurrence.

      (cf. point 433)

    18.  En matière de concurrence, dès lors que la majoration d’une amende au titre de la durée se fait par l’application d’un certain pourcentage au montant de départ de cette amende qui est déterminé en fonction de la gravité de l’ensemble de l’infraction, reflétant déjà ainsi les différentes intensités de l’infraction, il n’y a pas lieu de prendre en compte pour l’augmentation de ce montant au titre de la durée de l’infraction une variation dans l’intensité de l’infraction pendant la période concernée.

      (cf. point 450)

    19.  S’il n’est pas exclu que, dans certaines circonstances, un cadre juridique national ou un comportement des autorités nationales puissent constituer des circonstances atténuantes, l’approbation ou la tolérance de l’infraction de la part des autorités nationales ne saurait être prise en considération à ce titre lorsque les entreprises en cause disposent des moyens nécessaires pour se procurer des renseignements juridiques précis et corrects.

      (cf. point 458)

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