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Document 62007CJ0546

    Sommaire de l'arrêt

    Affaire C-546/07

    Commission européenne

    contre

    République fédérale d’Allemagne

    «Manquement d’État — Libre prestation des services — Article 49 CE — Annexe XII de l’acte d’adhésion — Liste visée à l’article 24 de l’acte d’adhésion: Pologne — Chapitre 2, paragraphe 13 — Possibilité, pour la République fédérale d’Allemagne, de déroger à l’article 49, paragraphe 1, CE — Clause de ‘standstill’ — Convention du 31 janvier 1990 entre le gouvernement de la République fédérale d’Allemagne et le gouvernement de la République de Pologne relative au détachement de travailleurs d’entreprises polonaises pour l’exécution de contrats d’entreprise — Exclusion de la possibilité, pour les entreprises établies dans d’autres États membres, de conclure avec des entreprises polonaises des contrats d’entreprise portant sur des travaux à effectuer en Allemagne — Extension des restrictions existantes à la date de la signature du traité d’adhésion relatives à l’accès des travailleurs polonais au marché du travail allemand»

    Conclusions de l’avocat général M. J. Mazák, présentées le 30 septembre 2009   I ‐ 444

    Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 21 janvier 2010   I ‐ 461

    Sommaire de l’arrêt

    1. Recours en manquement – Droit d’action de la Commission – Délai d’exercice

      (Art. 226 CE)

    2. États membres – Obligations – Manquement – Justification – Principe de protection de la confiance légitime

      (Art. 226 CE)

    3. Libre prestation des services – Restrictions – Détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services

      (Art. 49 CE et 307 CE)

    4. Adhésion de nouveaux États membres aux Communautés – Acte d’adhésion de 2003 – Mesures transitoires – Libre prestations de services

      (Art. 49, al. 1, CE; acte d’adhésion de 2003, annexe XII, chapitre 2, § 13)

    1.  Dans le cadre d’un recours en application de l’article 226 CE, il appartient à la Commission de choisir le moment auquel est introduite l’action en manquement, les considérations qui déterminent ce choix ne pouvant affecter la recevabilité de cette action. Les règles énoncées audit article doivent trouver application sans que la Commission soit tenue au respect d’un délai déterminé, sous réserve des hypothèses dans lesquelles une durée excessive de la procédure précontentieuse prévue par cette disposition est susceptible d’augmenter, pour l’État membre mis en cause, la difficulté de réfuter les arguments de la Commission et de violer ainsi les droits de la défense. Il appartient à l’État membre intéressé d’apporter la preuve d’une telle incidence.

      (cf. points 21, 22)

    2.  La procédure en manquement repose sur la constatation objective du non-respect par un État membre des obligations que lui impose le droit communautaire et le principe du respect de la confiance légitime ne saurait être invoqué par un État membre pour faire obstacle à une telle constatation, car l’admission de cette justification irait à l’encontre de l’objectif poursuivi par la procédure prévue à l’article 226 CE.

      En effet, le fait, pour la Commission, de ne pas donner suite à un avis motivé immédiatement ou à bref délai ne saurait créer, dans le chef de l’État membre concerné, la confiance légitime que la procédure a été clôturée. Cela est d’autant plus vrai lorsque des efforts ont été entrepris au cours de la période d’inaction alléguée afin de trouver une solution mettant fin au manquement allégué. Par ailleurs, en l’absence de toute prise de position de la Commission indiquant qu’elle allait clôturer la procédure en manquement engagée, l’État membre concerné ne saurait utilement faire valoir que ladite institution a violé le principe de confiance légitime en ne clôturant pas ladite procédure.

      (cf. points 25-27)

    3.  Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 49 CE un État membre qui interprète, dans sa pratique administrative, les termes «entreprise de l’autre partie» figurant à la disposition en cause de la convention bilatérale relative au détachement de travailleurs d’entreprises établies dans l’autre État membre partie à la convention pour l’exécution de contrats d’entreprise comme signifiant «entreprise établie dans le premier État membre».

      En effet, une telle interprétation de ladite disposition crée une discrimination directe contraire à l’article 49 CE à l’encontre des prestataires de services établis dans d’autres États membres désireux de conclure un contrat d’entreprise avec une entreprise établie dans l’autre État membre partie à la convention afin de fournir des services dans le premier État membre.

      La pratique administrative concernée ne saurait être justifiée par le fait qu’il s’agit d’une disposition contenue dans une convention internationale bilatérale, car, dans la mise en œuvre des engagements contractés en vertu de conventions internationales, qu’il s’agisse d’une convention entre États membres ou d’une convention entre un État membre et un ou plusieurs États tiers, les États membres sont tenus, sous réserve des dispositions de l’article 307 CE, de respecter les obligations qui leur incombent en vertu du droit communautaire. Certes, la remise en cause de l’équilibre et de la réciprocité d’une convention internationale bilatérale conclue entre un État membre et un État tiers peut constituer une justification objective au refus de l’État membre partie à cette convention d’étendre aux ressortissants des autres États membres les avantages que ses propres ressortissants tirent de ladite convention. Toutefois, l’application de la convention bilatérale en cause concerne, depuis l’adhésion à l’Union de l’autre État membre partie à cette convention, deux États membres, en sorte que les dispositions de ladite convention ne peuvent s’appliquer dans les relations entre ces États membres que dans le respect du droit communautaire, notamment des règles du traité en matière de libre prestation de services.

      En outre, rien ne permet de considérer qu’une entreprise établie dans un autre État membre est dans une situation différente de celle des entreprises établies dans le premier État membre en ce qui concerne la possibilité de conclure des contrats d’entreprise avec des entreprises établies dans l’autre État membre partie à la convention en vue de fournir des services dans le premier État membre.

      Par ailleurs, des considérations de nature économique et de simples difficultés pratiques dans la mise en oeuvre de ladite convention bilatérale ne peuvent, en tout état de cause, justifier des restrictions à une liberté fondamentale ni, à plus forte raison, une dérogation au titre de l’article 46 CE, qui présuppose l’existence d’une menace réelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société.

      Quant au risque allégué d’un contournement des dispositions transitoires favorables à l’État membre concerné qui ont été inscrites dans l’acte d’adhésion afin de prévenir la survenance de perturbations graves sur le marché du travail dudit État membre, l’extension aux entreprises établies dans d’autres États membres du droit de conclure des contrats d’entreprise avec des entreprises établies dans l’autre État membre partie à la convention, afin de permettre aux premières de bénéficier du quota de travailleurs ressortissants de cet autre État membre partie à la convention fixé en application de la convention bilatérale en cause, n’est pas de nature à produire un tel effet, le nombre de permis de travail accordés à ces travailleurs n’étant, en tout état de cause, pas modifié du fait d’une telle extension au profit d’entreprises établies dans ces autres États membres.

      (cf. points 40, 42-44, 46, 51, 52, 68 et disp.)

    4.  Le chapitre 2, paragraphe 13, de l’annexe XII de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne, autorise la République fédérale d’Allemagne à déroger à l’article 49, premier alinéa, CE en vue de limiter, dans le contexte de la prestation de services par des entreprises établies en Pologne, la circulation temporaire de travailleurs dont le droit d’accepter du travail en Allemagne est soumis à des mesures nationales. Cette dérogation vise à permettre à la République fédérale d’Allemagne de faire face à des perturbations graves ou à des menaces de perturbations graves dans certains secteurs sensibles des services de son marché du travail qui pourraient surgir dans certaines régions à la suite d’une prestation de services transnationale aussi longtemps que cet État membre applique à la libre circulation des travailleurs polonais, en vertu des dispositions transitoires, des mesures nationales ou des mesures résultant d’accords bilatéraux.

      La circonstance que, postérieurement à la date de la signature du traité d’adhésion, de nouvelles circonscriptions ont été ajoutées à la liste de celles pour lesquelles les contrats d’entreprise au titre de la convention germano-polonaise ne sont pas autorisés n’équivaut pas à une méconnaissance de la clause de «standstill» au titre dudit paragraphe 13.

      En effet, cette clause prévoit l’interdiction de créer «des conditions qui soient plus restrictives» à la circulation temporaire de travailleurs que celles existant à la date de la signature du traité d’adhésion. Or, tel n’est manifestement pas le cas lorsque la diminution du nombre de travailleurs polonais susceptibles d’être détachés dans le cadre de la fourniture de services en Allemagne est la simple conséquence de l’application, après cette date, d’une clause dont les termes sont restés identiques à une situation factuelle sur le marché du travail ayant évolué. Ainsi, la liste, mise à jour tous les trimestres, des circonscriptions soumises à l’interdiction découlant de la clause de protection du marché du travail contenue dans la mesure nationale revêt, dans ce contexte, un caractère purement déclaratoire, alors qu’il n’y a eu ni détérioration de la situation juridique ni modification défavorable de la pratique administrative allemande. Cette interprétation est confirmée par la finalité de telles clauses de «standstill», qui consiste à empêcher qu’un État membre puisse adopter des mesures nouvelles dont l’objet ou l’effet serait de créer des conditions plus restrictives que celles qui étaient applicables avant la date à partir de laquelle ces clauses prennent effet.

      (cf. points 62, 64-66)

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