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Document 62005TJ0415
Sommaire de l'arrêt
Sommaire de l'arrêt
1. Procédure — Intervention — Conditions de recevabilité — Intérêt à la solution du litige — Notion
(Statut de la Cour de justice, art. 40, al. 2)
2. Aides accordées par les États — Récupération d'une aide illégale — Détermination du débiteur en cas de cession d'actifs — Critère dit « de la continuité économique » de l'entreprise
(Art. 88, § 2, CE)
3. Aides accordées par les États — Récupération d'une aide illégale — Calcul du montant à récupérer et détermination des destinataires des ordres de restitution — Difficultés rencontrées par l'État membre — Devoir de coopération entre la Commission et l'État membre
(Art. 10 CE et 88, § 2, CE)
4. Aides accordées par les États — Notion — Appréciation selon le critère de l'investisseur privé — Appréciation au regard de tous les éléments pertinents de l'opération litigieuse et de son contexte
(Art. 87, § 1 CE)
5. Aides accordées par les États — Notion — Avantage accordé aux bénéficiaires d'une aide étatique — Nécessité de prendre en compte les effets d'une mesure pour déterminer l'avantage du bénéficiaire
(Art. 87, § 1, CE)
6. Aides accordées par les États — Notion — Mise en œuvre du critère de l'investisseur privé — Aides consistant dans le paiement de loyers pour la sous-location d'avions inférieurs à ceux versés au titre des contrats principaux
(Art. 87, § 1, CE)
7. Aides accordées par les États — Examen par la Commission — Aides nouvelles — Charge de la preuve — Répartition entre la Commission et l'État membre — Condition — Respect des obligations procédurales respectives
(Art. 10 CE, 87, § 1, CE et 88, § 2 et 3, CE)
8. Aides accordées par les États — Examen par la Commission — Examen diligent et impartial — Possibilité d'adopter une décision sur la base des informations disponibles — Conditions
(Art. 10 CE, 87, § 1, CE et 88 CE)
9. Aides accordées par les États — Atteinte à la concurrence — Affectation des échanges entre États membres — Libéralisation d'un secteur économique au niveau communautaire
(Art. 87, § 1, CE)
10. Aides accordées par les États — Récupération d'une aide illégale — Confiance légitime éventuelle dans le chef du tiers intéressé — Protection — Conditions et limites
(Art. 88, § 2 et 3, CE)
11. Aides accordées par les États — Décision de la Commission constatant l'incompatibilité d'une aide avec le marché commun et ordonnant sa restitution — Obligation de motivation quant au mode de calcul du montant à restituer
12. Droit communautaire — Principes — Droits de la défense — Application aux procédures administratives engagées par la Commission — Portée
1. Dans le domaine des aides d'État, lorsqu'un intérêt direct et actuel à la solution du litige, au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, a été reconnu à une partie intervenante au motif, d’une part, qu'elle s’était trouvée en situation de concurrence avec les bénéficiaires des aides, et, d’autre part, qu'elle avait activement participé à la procédure formelle d’examen ayant conduit à l’adoption de la décision constatant l'incompatibilité de ces aides avec le marché commun, qui lui est favorable, elle conserve un tel intérêt direct et actuel aussi longtemps que les bénéficiaires des aides se voient reconnaître un intérêt à demander l’annulation de cette décision. En effet, la partie intervenante conserve un intérêt corrélatif à intervenir au soutien de la Commission pour défendre la légalité de cette décision, ne serait-ce qu’aux fins d’adresser des demandes indemnitaires, suivies d’éventuels recours, fondées sur l’octroi illégal d’aides qui lui ont porté préjudice.
(cf. point 64)
2. Dans un cas où une aide a été versée à une société en difficultés qui a transféré certains actifs à une nouvelle société née de la scission de ses activités, cette nouvelle société peut être considérée comme le bénéficiaire effectif des aides, s'il existe une continuité économique entre ces deux sociétés. En revanche, en l’absence d’unité économique entre les deux sociétés, les aides litigieuses octroyées à la société primitive après la scission ne sauraient être récupérées auprès de la nouvelle société au seul motif que cette société en tirerait un avantage indirect.
Pour apprécier si l’obligation de récupération de l’aide versée à une société en difficultés peut être étendue à une nouvelle société à laquelle cette ancienne société a transféré certains actifs, lorsque ce transfert permet de constater une continuité économique entre les deux sociétés, les éléments suivants peuvent être pris en considération : l’objet du transfert (actifs et passifs, maintien de la force de travail, actifs groupés), le prix du transfert, l’identité des actionnaires ou des propriétaires de l’entreprise repreneuse et de l’entreprise de départ, le moment où le transfert a lieu (après le début de l’enquête, l’ouverture de la procédure ou la décision finale) ou encore la logique économique de l’opération. En tout état de cause, les critères d'identification du bénéficiaire effectif d'une aide présentent un caractère objectif.
La finalité de l’obligation de récupération d'une aide est de rétablir la situation concurrentielle dans le secteur économique concerné, et non de permettre à l’autorité publique de recouvrer ses créances. Dans ce sens, la logique économique d’une opération de transfert d’actifs doit dès lors être examinée sous l’angle du rétablissement de la situation concurrentielle dans le secteur concerné.
(cf. points 104-106, 135, 146, 148)
3. Dans une décision constatant l’incompatibilité d’une aide avec le marché commun et imposant son recouvrement, la Commission n’est pas tenue de préciser dans quelle mesure chaque entreprise bénéficiaire a profité du montant de l’aide en cause. Il revient à l’État membre concerné de déterminer le montant devant être remboursé par chacune de ces entreprises lors de la récupération de l’aide. Il suffit que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant. En cas de difficultés imprévues, cet État peut soumettre ses problèmes à l’appréciation de la Commission, celle-ci et l’État devant collaborer de bonne foi, conformément au devoir de coopération loyale consacré notamment à l’article 10 CE, en vue de surmonter ces difficultés dans le plein respect des dispositions du traité, et notamment de celles relatives aux aides d’État.
(cf. points 126, 315-318)
4. Au regard des dispositions de l’article 87 CE, la Commission doit toujours examiner tous les éléments pertinents de l’opération litigieuse et son contexte, notamment lors de l’application du critère de l’investisseur privé. La Commission est tenue de vérifier, au regard de l’ensemble des éléments pertinents, si les conditions d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE sont réunies.
Si la Commission est en droit de tenir compte du contexte des mesures litigieuses, par exemple le fait que les aides ont été octroyées dans le cadre d'une restructuration et d'une privatisation, elle n’en demeure pas moins tenue d’examiner si, au regard du critère de l’investisseur privé, les mesures litigieuses correspondaient à des transactions commerciales normales dans une économie de marché.
Même lorsqu'une mesure fait suite à des mesures de même nature qualifiées d’aides d’État, cette circonstance n’exclut pas, a priori, que ladite mesure satisfasse au critère de l’investisseur privé en économie de marché. Il appartient en toute hypothèse au juge de l’Union de vérifier si, eu égard aux éléments pertinents, cette mesure peut raisonnablement être dissociée des mesures d’aide antérieures et être considérée, aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé, comme une mesure autonome.
(cf. points 172-177)
5. Il découle de l’article 87, paragraphe 1, CE que la notion d’aide est une notion objective qui est fonction de la seule question de savoir si une mesure étatique confère ou non un avantage à une ou certaines entreprises. En particulier, pour déterminer si une mesure en cause peut constituer une aide d’État, ce sont essentiellement les effets de cette mesure en ce qui concerne les entreprises bénéficiaires qu’il y a lieu de prendre en considération, et non la situation des organismes publics ou privés octroyant l’aide.
(cf. points 211-212)
6. Aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé, il convient de déterminer si les mesures en cause confèrent à l’entreprise bénéficiaire un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché. Le fait que l’opération soit raisonnable pour les pouvoirs publics ou l’entreprise publique octroyant l’aide ne suffit pas à rendre ce comportement conforme au critère de l’investisseur privé.
En ce qui concerne une aide octroyée sous la forme de loyers, pour la sous-location d’avions, inférieurs aux loyers payés au titre des contrats principaux, aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé, il est nécessaire de comparer les loyers litigieux versés avec ceux du marché. La Commission est tenue de vérifier, conformément au critère de l’investisseur privé, si les loyers étaient effectivement inférieurs à ceux que l'entreprise sous-locataire aurait payés dans des conditions normales du marché.
(cf. points 213-214)
7. Il appartient à la Commission d’apporter la preuve relative à l’octroi d’aides nouvelles. En effet, il résulte des dispositions de l’article 88, paragraphes 2 et 3, CE que, à défaut d’une telle démonstration, les mesures nouvelles ne peuvent pas être considérées comme des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.
Cependant, l’application de cette règle relative à la charge de la preuve est subordonnée au respect par la Commission et par l’État membre concerné de leurs obligations procédurales respectives, dans le cadre de l’exercice par cette institution du pouvoir dont elle dispose pour amener l’État membre à lui fournir toutes les informations nécessaires.
En revanche, la charge de la preuve de la compatibilité d’une aide avec le marché commun, en dérogation aux dispositions de l’article 87, paragraphe 1, CE, pèse en principe sur l’État membre concerné, qui doit établir que les conditions de cette dérogation sont réunies.
(cf. points 224-225, 329)
8. La Commission est habilitée à adopter une décision sur la base des informations disponibles, si l’État membre s’abstient, en violation de son devoir de coopération envers cette institution résultant de l’article 10 CE, de lui fournir les informations qu’elle lui a demandées soit pour examiner la qualification et la compatibilité avec le marché commun d’une aide nouvelle ou modifiée, soit pour vérifier l’application régulière d’une aide précédemment approuvée. Toutefois, avant de prendre une telle décision, la Commission doit enjoindre à l’État membre de lui fournir, dans le délai qu’elle fixe, tous les documents et informations nécessaires pour exercer son contrôle. Ce n’est que si l’État membre omet, malgré l’injonction de la Commission, de fournir les renseignements sollicités, que celle-ci a le pouvoir de mettre fin à la procédure et de prendre, sur la base des éléments dont elle dispose, une décision. Ces obligations procédurales s’imposent à l’État membre concerné et à la Commission en vue de permettre à cette dernière d’exercer son contrôle sur la base d’informations suffisamment claires et précises, tout en garantissant le respect du droit de l’État membre concerné d’être entendu. En effet, le respect des droits de la défense, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci, constitue un principe fondamental de droit de l’Union et doit être assuré, même en l’absence d’une réglementation spécifique.
Il ne saurait être fait grief à l'État membre de ne pas avoir fourni d’informations suffisantes à la Commission lorsqu'une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen ne contient pas d’évaluation préliminaire des mesures litigieuses, en vue de déterminer si elles comportent un élément d’aide, et à défaut, lors de la procédure administrative, d’une part, de toute mise en cause explicite desdites mesures et, d’autre part, de la moindre demande d’information relative à la conformité de ces mesures avec les conditions du marché.
Dans un tel cas, il incombe à la Commission, conformément à son obligation d’examen diligent et impartial dans l’intérêt d’une bonne administration des règles fondamentales du traité relatives aux aides d’État, de poursuivre ses investigations et d’approfondir son enquête, afin d’établir, entre autres, si les mesures en cause étaient conformes au critère de l’opérateur privé. À cette fin, il lui appartient soit d’adresser à l'État membre une injonction de fournir des informations supplémentaires, en précisant la nature des informations requises, soit de faire réaliser une expertise complémentaire.
(cf. points 226, 229, 240, 246, 248-249)
9. Pour justifier la qualification d’aide d’État d'une mesure, la Commission est tenue, en vertu de l’article 87, paragraphe 1, CE, d'établir la menace d’une distorsion de concurrence, ce qui est le cas lorsque ladite mesure renforce la position de l'entreprise bénéficiaire par rapport à d'autres entreprises, qui sont en concurrence avec elle dans un secteur ayant fait l'objet d'une libéralisation au niveau communautaire.
(cf. point 312)
10. L'octroi d’aides d’État même sous la forme de garanties ne saurait fonder la confiance légitime des tiers dans la régularité de ces garanties, si elles ont été accordées en violation des dispositions de l’article 88, paragraphe 3, CE. Il appartient en effet aux tiers intéressés de faire preuve de la prudence et de la diligence requises et de s’assurer que les règles de droit communautaire en matière d’aides d’État ont été respectées.
(cf. point 354)
11. Une décision constatant l'incompatibilité d'une aide avec le marché commun, qui ne contient pas un état détaillé des mesures d'aides en cause, mais qui permet néanmoins, sur la base des indications suffisamment précises figurant dans ses motifs, dont le dispositif est indissociable, la quantification des aides litigieuses, ne peut pas être considérée comme insuffisamment motivée. En effet, la quantification incombe en tout état de cause aux autorités de l'État membre dans le cadre de l'exécution de la décision constatant l'incompatibilité de l'aide, en coopération loyale avec la Commission.
(cf. point 388)
12. Le respect des droits de la défense, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci, constitue un principe fondamental de droit de l’Union et doit être assuré, même en l’absence d’une réglementation spécifique. En matière d’aides d’État, la Commission ne peut, aux fins de l’appréciation d’une mesure au regard des dispositions de l’article 87 CE, se fonder sur des éléments recueillis auprès de tiers, qu’après avoir mis l’État membre concerné en mesure de présenter ses observations sur lesdits éléments.
N'est pas en tant que tel de nature à porter atteinte aux droits de la défense de cet État membre, le défaut de communication audit État membre d'un rapport qui se fonde exclusivement sur des données recueillies auprès des bénéficiaires des aides d'État lors de l’enquête sur place des experts de la Commission et qui ne contient aucun élément factuel dont les entreprises bénéficiaires des mesures litigieuses, entièrement détenues par l'État membre, n'auraient pas eu connaissance.
(cf. points 399-401)