This document is an excerpt from the EUR-Lex website
Document 62004TJ0194
Sommaire de l'arrêt
Sommaire de l'arrêt
1. Recours en annulation — Compétence du juge communautaire
(Art. 230 CE)
2. Recours en annulation — Actes susceptibles de recours
(Traité CE, art. 169 (devenu art. 226 CE))
3. Rapprochement des législations — Protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel — Traitement de ces données par les institutions et organes communautaires — Règlement nº 45/2001
(Règlements du Parlement européen et du Conseil nº 45/2001, art. 5, a) et b), et nº 1049/2001)
4. Communautés européennes — Institutions — Droit d'accès du public aux documents — Règlement nº 1049/2001
(Règlements du Parlement européen et du Conseil nº 45/2001, art. 8, b), et nº 1049/2001, art. 2 et 6, § 1)
5. Communautés européennes — Institutions — Droit d'accès du public aux documents — Règlement nº 1049/2001
(Règlements du Parlement européen et du Conseil nº 45/2001, art. 8, b), et nº 1049/2001, art. 4, § 1, b))
6. Rapprochement des législations — Protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel — Traitement de ces données par les institutions et organes communautaires — Règlement nº 45/2001
(Règlements du Parlement européen et du Conseil nº 45/2001, art. 5, b), et 18, et nº 1049/2001, art. 4, § 1, b))
7. Rapprochement des législations — Protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel — Traitement de ces données par les institutions et organes communautaires — Règlement nº 45/2001
(Art. 6, § 2, UE; règlement du Parlement européen et du Conseil nº 45/2001)
8. Communautés européennes — Institutions — Droit d'accès du public aux documents — Règlement nº 1049/2001
(Art. 6, § 2, UE; règlements du Parlement européen et du Conseil nº 45/2001, art. 10, et nº 1049/2001, art. 4, § 1, b); directive du Parlement européen et du Conseil 95/46)
9. Rapprochement des législations — Protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel — Traitement de ces données par les institutions et organes communautaires — Règlement nº 45/2001
(Traité CE, art. 169 (devenu art. 226 CE); règlements du Parlement européen et du Conseil nº 45/2001, art. 2, a), et nº 1049/2001, art. 4, § 1, b))
10. Communautés européennes — Institutions — Droit d'accès du public aux documents — Règlement nº 1049/2001
(Règlement du Parlement européen et du Conseil nº 1049/2001, art. 4, § 2, 3e tiret)
11. Communautés européennes — Institutions — Droit d'accès du public aux documents — Règlement nº 1049/2001
(Règlement du Parlement européen et du Conseil nº 1049/2001)
1. Des conclusions présentées dans le cadre d'un recours en annulation et tendant à ordonner à la Commission l'adoption de mesures spécifiques sont irrecevables. En effet, le juge communautaire ne peut adresser une injonction aux institutions ou se substituer à ces dernières dans le cadre du contrôle de légalité qu'il exerce. Cette limitation du contrôle de légalité s'applique dans tous les domaines contentieux que le Tribunal est susceptible de connaître, y compris celui de l'accès aux documents.
(cf. points 47-48)
2. Est irrecevable le recours en annulation intenté par un particulier à l'encontre du refus de la Commission d'engager une procédure en manquement à l'encontre d'un État membre.
Il résulte, en effet, de l'article 169 du traité (devenu article 226 CE) que la Commission n'est pas tenue d'engager une procédure en manquement, mais dispose, à cet égard, d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire excluant le droit pour les particuliers d'exiger de l'institution qu'elle prenne position dans un sens déterminé et d'introduire un recours en annulation contre son refus d'agir.
(cf. points 54-55)
3. En vertu de l'article 5, sous a) ou b), du règlement nº 45/2001, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données, selon lequel le traitement doit être nécessaire à l'exécution d'une mission effectuée dans l'intérêt public ou au respect d'une obligation légale à laquelle le responsable du traitement est soumis, le traitement doit être licite. Le droit d'accès aux documents des institutions reconnu aux citoyens de l'Union européenne et à toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre, prévu à l'article 2 du règlement nº 1049/2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, constitue une obligation légale au sens de l'article 5, sous b), du règlement nº 45/2001. Dès lors, si le règlement nº 1049/2001 impose la communication des données, laquelle constitue un « traitement » au sens de l'article 2, sous b), du règlement nº 45/2001, l'article 5 de ce même règlement rend cette communication licite à cet égard.
(cf. point 106)
4. L'accès aux documents contenant des données à caractère personnel relève de l'application du règlement nº 1049/2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission. Selon l'article 6, paragraphe 1, de celui-ci, le demandeur d'accès n'est pas tenu de justifier sa demande et n'a donc pas à démontrer un quelconque intérêt pour avoir accès aux documents demandés. Dès lors, dans le cas où des données à caractère personnel sont transférées pour donner effet à l'article 2 du règlement nº 1049/2001, prévoyant le droit d'accès aux documents de tous les citoyens de l'Union, la situation relève de l'application de ce règlement et, ainsi, le demandeur n'a pas besoin de prouver le caractère nécessaire de la divulgation au sens de l'article 8, sous b), du règlement nº 45/2001, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données. En effet, si on exigeait que le demandeur démontre le caractère nécessaire du transfert, en tant que condition supplémentaire imposée dans le règlement nº 45/2001, cette exigence serait contraire à l'objectif du règlement nº 1049/2001, à savoir l'accès aussi large que possible du public aux documents détenus par les institutions.
(cf. point 107)
5. Étant donné que l'accès à un document est refusé, en vertu de l'article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 1049/2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection de la vie privée et de l'intégrité de l'individu, un transfert de données à caractère personnel qui ne tombe pas sous cette exception ne saurait, en principe, porter atteinte aux intérêts légitimes de la personne concernée, au sens de l'article 8, sous b), du règlement nº 45/2001, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données.
(cf. point 108)
6. L'article 18 du règlement nº 45/2001, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données, prévoit que la personne concernée a le droit de s'opposer à tout moment, pour des raisons impérieuses et légitimes tenant à sa situation particulière, à ce que des données la concernant fassent l'objet d'un traitement, sauf dans les cas relevant, notamment, de l'article 5, sous b), dudit règlement. Dès lors, étant donné que le traitement visé dans le règlement nº 1049/2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, constitue une obligation légale au sens de l'article 5, sous b), du règlement nº 45/2001, la personne concernée ne jouit pas, en principe, d'un droit d'opposition. Cependant, étant donné que l'article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 1049/2001 prévoit une exception à cette obligation légale, il faut prendre en compte, sur ce fondement, l'incidence de la divulgation de données relatives à la personne concernée. À cet égard, si la communication de ces données ne porte pas atteinte à la protection de la vie privée et de l'intégrité de la personne concernée, comme l'exige l'article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 1049/2001, le refus de la personne concernée ne saurait empêcher cette communication.
(cf. points 109-110)
7. Les dispositions du règlement nº 45/2001, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données, en ce qu'elles régissent le traitement des données à caractère personnel susceptibles de porter atteinte aux libertés fondamentales et, en particulier, au droit à la vie privée, doivent nécessairement être interprétées à la lumière des droits fondamentaux qui font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour et le Tribunal assurent le respect et qui ont été expressément repris à l'article 6, paragraphe 2, UE en tant que principes généraux du droit communautaire.
(cf. points 111-112)
8. Toute décision prise en application du règlement nº 1049/2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, doit respecter l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, conformément à l'article 6, paragraphe 2, UE. À cet égard, ledit règlement fixe les principes généraux et les limites qui, pour des raisons d'intérêt public ou privé, régissent l'exercice du droit d'accès aux documents, conformément à l'article 255, paragraphe 2, CE. Partant, l'article 4, paragraphe 1, sous b), de ce règlement prévoit une exception visant à garantir la protection de la vie privée et de l'intégrité de l'individu. Les exceptions au principe d'accès aux documents devant être interprétées de façon restrictive, cette exception ne concerne que les données à caractère personnel susceptibles de porter concrètement et effectivement atteinte au respect de la vie privée et à l'intégrité de l'individu.
Le fait que la notion de « vie privée » soit large, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, et que le droit à la protection des données à caractère personnel puisse constituer l'un des aspects du droit au respect de la vie privée ne signifie pas que toutes les données à caractère personnel entrent nécessairement dans la notion de « vie privée ».
A fortiori, toutes les données à caractère personnel ne sont pas susceptibles de par leur nature de porter atteinte à la vie privée de la personne concernée. En effet, au considérant 33 de la directive 95/46, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, il est fait référence aux données qui sont susceptibles par leur nature de porter atteinte aux libertés fondamentales ou à la vie privée et qui ne devraient pas faire l'objet d'un traitement sauf consentement explicite de la personne concernée, ce qui indique que toutes les données ne sont pas de même nature. De telles données sensibles peuvent être incluses dans celles auxquelles se réfère l'article 10 du règlement nº 45/2001, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données, concernant le traitement portant sur des catégories particulières de données, telles que les données qui révèlent l'origine raciale ou ethnique, les convictions religieuses ou philosophiques ou les données relatives à la santé ou à la vie sexuelle.
(cf. points 116-119)
9. Une liste des participants à une réunion tenue dans le cadre d'une procédure en manquement au titre de l'article 169 du traité (devenu article 226 CE) et figurant dans le procès-verbal, répertoriés en fonction des entités au nom et pour le compte desquelles ces personnes ont participé à ladite réunion, décrits par leur titre, l'initiale de leur prénom, leur nom et, le cas échéant, le service, l'organisme ou l'association dont ils dépendent au sein de ces entités, contient des données à caractère personnel, au sens de l'article 2, sous a), du règlement nº 45/2001, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données, car les personnes qui ont participé à cette réunion peuvent y être identifiées. Cependant, le simple fait qu'un document visé dans une demande d'accès au titre du règlement nº 1049/2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, contienne des données à caractère personnel ne signifie pas nécessairement que la vie privée ou l'intégrité des personnes concernées soit mise en cause, bien que les activités professionnelles ne soient pas, en principe, exclues de la notion de « vie privée » au sens de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme.
En effet, le fait que le procès-verbal contient le nom de ces représentants ne met pas en jeu la vie privée des personnes en question, étant donné qu'elles ont participé à la réunion en tant que représentants de leurs entités. De plus, le procès-verbal ne contient pas d'opinion individuelle attribuable à ces personnes, mais des prises de position imputables aux entités que ces personnes représentent. En tout état de cause, la divulgation du nom des représentants n'est pas susceptible de porter concrètement et effectivement atteinte à la protection de la vie privée et de l'intégrité des personnes concernées. La seule présence du nom de la personne concernée dans la liste des participants à une réunion, au titre de l'entité que cette personne représentait, ne constitue pas une telle atteinte et la protection de la vie privée et de l'intégrité des personnes concernées, exigée par l'article 4, paragraphe 1, sous b), dudit règlement nº 1049/2001, n'est pas compromise.
(cf. points 121-123, 125-126)
10. L'article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement nº 1049/2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, qui vise à protéger les « objectifs des activités d'inspection, d'enquête et d'audit », n'est applicable que si la divulgation des documents en question risque de mettre en péril l'achèvement des activités d'inspection, d'enquête ou d'audit. À cet égard, cette exception, ainsi qu'il résulte de sa formulation, ne vise pas à protéger les activités d'enquête en tant que telles, mais l'objectif de ces activités, qui consiste, dans le cas d'une procédure en manquement, à amener l'État membre concerné à se conformer au droit communautaire.
Or, dans le cas où la Commission avait déjà classé une procédure d'infraction contre un État membre six années avant la demande d'accès aux documents, ce dernier ayant modifié la législation en cause, l'objectif des activités d'enquête avait été atteint. Ainsi, au moment de l'adoption de la décision de la Commission refusant l'accès au procès-verbal d'une réunion tenue dans le cadre d'une procédure en manquement, aucune activité d'enquête, dont l'objectif aurait pu être mis en péril par la divulgation du procès-verbal contenant le nom de certains représentants d'entités ayant participé à la réunion, n'était en cours et, partant, l'exception tirée de l'article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement nº 1049/2001 ne saurait être appliquée.
(cf. points 148-149)
11. L'examen requis pour le traitement d'une demande d'accès à des documents présentée dans le cadre de la procédure prévue par le règlement nº 1049/2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, doit revêtir un caractère concret. En effet, d'une part, la seule circonstance qu'un document concerne un intérêt protégé par une exception ne saurait suffire à justifier l'application de cette dernière. D'autre part, le risque d'atteinte à un intérêt protégé doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique. Par conséquent, l'examen auquel doit procéder l'institution afin d'appliquer une exception doit être effectué de façon concrète et ressortir des motifs de la décision.
Ainsi, si la nécessité de préserver l'anonymat des personnes soumettant à la Commission des informations relatives à d'éventuelles violations du droit communautaire constitue un objectif légitime susceptible de justifier que la Commission n'accorde pas l'accès total ou même partiel à certains documents, il n'en demeure pas moins que, en l'espèce, la Commission s'est prononcée in abstracto sur l'atteinte que la divulgation du document concerné avec les noms pourrait porter à son activité d'enquête sans démontrer à suffisance de droit que la divulgation de ce document porterait concrètement et effectivement atteinte à la protection des objectifs des activités d'enquête. Dès lors, il n'est pas démontré, en l'espèce, que l'objectif des activités d'enquête aurait été concrètement et effectivement mis en péril par la divulgation de données demandées six années après la clôture desdites activités.
(cf. points 151-152)