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Document 61996TJ0156

Sommaire de l'arrêt

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

16 juillet 1998

Affaire T-156/96

Claus Jensen

contre

Commission des Communautés européennes

«Fonctionnaires — Rémunération — Indemnité d'installation — Récupération de l'indu»

Texte complet en langue française   II-1173

Objet:

Recours ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission du 13 novembre 1995 portant récupération du montant versé au requérant à titre d'indemnité d'installation, à la suite de la résiliation de son contrat d'agent temporaire, et, subsidiairement, une demande de réparation du dommage en résultant.

Résultat:

Rejet.

Résumé de l'arrêt

Le requérant est engagé, par un contrat à durée indéterminée prenant effet le 16 avril 1994, au cabinet du membre de la Commission M. Christofersen, en qualité d'agent temporaire de grade A 4, échelon 3.

Selon l'article 24, paragraphe 1, du régime applicable aux autres agents (RAA), l'agent temporaire bénéficie d'une indemnité d'installation dont le montant est fixé en fonction de la période prévisible de service.

Quant à la prévision de la durée de service des agents temporaires exerçant leurs fonctions dans le cabinet d'un membre de la Commission, une décision de la Commission du 23 avril 1969, pour la mise en œuvre de l'article 24 du RAA dispose: «[...] La durée prévisible de service des agents temporaires appelés à exercer leurs fonctions au cabinet d'un membre de la Commission est déterminée [...] en tenant compte de la durée du mandat de ce membre.» Cette décision est reproduite dans un questionnaire émanant de la Commission, intitulé «Entrée en service — Formulaire 5» que chaque fonctionnaire stagiaire ou agent temporaire doit remplir à l'occasion du versement de l'indemnité d'installation (formulaire no 5).

Il ressort du dossier que, afin de faciliter l'installation des agents temporaires appelés à exercer leurs fonctions au sein du cabinet d'un membre de la Commission, la Commission leur Verse, à titre d'avance, la totalité de l'indemnité d'installation, à condition que, s'ils quittent ses services avant l'expiration du délai leur donnant droit à la totalité de l'indemnité, ils reversent, lors de leur départ, la partie de l'indemnité ne leur revenant pas, compte tenu de la durée totale effective de leur service (voir formulaire no 5, p. 1) (système d'avance).

Par décision du 29 avril 1994, il est alloué au requérant la moitié du montant de l'indemnité d'installation, la seconde moitié lui est versée au mois de septembre 1994, lorsque sa famille le rejoint au lieu de son affectation à Bruxelles. II est affirmé que M. Jensen est informé des dispositions statutaires régissant les conditions d'octroi de l'indemnité d'installation et que, en outre, «ces conditions sont clairement décrites dans le formulaire qu'il a rempli pour obtenir cette indemnité».

Le mandat de M. Christofersen n'étant pas renouvelé, le contrat d'agent temporaire du requérant prend fin le 1er décembre 1994. Le requérant est détaché, en tant qu'expert national, auprès de la direction générale Industrie (DG III).

Par lettre du 11 octobre 1995, la Commission informe le requérant qu'il a reçu, à tort, un montant de 565976 BFR à titre d'«indemnité de réinstallation», de sorte qu'il doit rembourser à la Commission la somme indûment perçue. Le requérant expose, en retour, que cette indemnité lui est définitivement acquise.

Par lettre du 13 novembre 1995, le chef de l'unité 6 «pensions et relations avec les anciens» de la direction B «droits et obligations» de la direction générale Personnel et administration (DG IX), M. De Graaf, informe le requérant que la formule «indemnité de réinstallation» contenue dans la lettre du 11 octobre 1995 est erronée et qu'il s'agit, en réalité, du remboursement de l'«indemnité d'installation».

Le 12 février 1996, le requérant introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (statut) contre la décision de recouvrement de la somme de 337639 BFR contenue dans la lettre de M. De Graaf, du 13 novembre 1995 (décision attaquée). Par décision contenue dans une lettre du 8 juillet 1996, l'autorité investie du pouvoir de nomination (AIPN) rejette la réclamation du requérant.

Par lettre du 15 novembre 1996, la Commission informe le requérant que, à partir du mois de décembre 1996 et jusqu'au mois de novembre 1997, un montant équivalant à 28136 BFR lui sera retiré chaque mois des indemnités journalières qui lui sont versées.

C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 octobre 1996, le requérant introduit le présent recours.

Sur le fond

Sur les conclusions en annulation de la décision du 13 novembre 1995

Sur le premier moyen, tiré de l'absence de base légale de la décision attaquée et de la violation des articles 45 du RAA et 85 du statut

Le requérant soutient, en substance, que la Commission aurait dû exiger la récupération de l'indemnité d'installation sur la base du système d'avance, à supposer que ce système soit légal, et de l'article 24 du RAA, et non pas fonder sa décision sur les articles 45 du RAA et 85 du statut (point 32).

L'annulation d'une décision administrative en raison d'une base juridique erronée n'est pas justifiée lorsqu'une telle erreur n'a pas eu d'influence déterminante sur l'appréciation portée par l'administration. En l'espèce, le choix des articles 45 du RAA et 85 du statut comme base juridique formelle de la décision du 13 novembre 1995, ordonnant la répétition de l'indemnité d'installation, au lieu du système d'avance adopté par la Commission pour mettre en œuvre l'article 24 du RAA, n'a eu aucune influence déterminante sur le contenu même de cette décision.

Cette première branche du moyen doit être rejetée comme inopérante (points 33 et 34).

Quant à la branche subsidiaire du moyen selon laquelle, en tout état de cause, les conditions de répétition de l'indu ne seraient pas remplies parce que la décision de versement de l'indemnité litigieuse, lorsqu'elle a été adoptée en avril 1994, était régulière, le Tribunal estime que cette argumentation méconnaît le fait que le système d'avance, pratiqué dans le cadre de la mise en œuvre de la décision du 23 avril 1969, reste soumis à la condition selon laquelle le droit à l'indemnité d'installation dépend de la durée effective des fonctions de l'intéressé au sein du cabinet d'un membre de la Commission. Il en résulte que le versement au requérant, en avril 1994, de l'indemnité d'installation n'était légal que dans la mesure où il était effectué à titre de simple avance, et donc récupérable selon ce système (points 36 et 37).

Référence à: Tribunal 5 juin 1996, Günzler Aluminium/Commission, T-75/95, Rec. p. II-497, point 55; Cour 3 décembre 1996, Portugal/ConseiI, C-268/94, Rec. p. I-6177, point 79; Tribunal 18 décembre 1997, Costantini/Commission, T-57/96, RecFP p. II-1293, point 23 et 24

Sur le deuxième moyen, tiré de l'illégalité du système d'avance

S'il est vrai que ni l'article 24 du RAA ni la décision de la Commission du 23 avril 1969 ne prévoient expressément la possibilité pour la Commission d'accorder à des agents temporaires, appartenant au cabinet d'un membre de la Commission, une avance sur tout ou partie de l'indemnité d'installation, rien ne s'oppose, eu égard aux intérêt des agents concernés et au but de l'indemnité d'installation, à ce que la Commission, au lieu de prendre une décision définitive sur le droit de l'agent concerné à l'octroi de l'indemnité d'installation fondée sur la durée prévisible de son service, lui octroie une avance sur tout ou partie de cette indemnité, afin de faciliter son installation au lieu de son affectation (points 47 et 48).

Référence à: Cour 9 novembre 1978, Verhaaf/Commission, 140/78, Rec. p. 2117

La mise en place par la Commission d'un système d'avance d'une partie de la totalité de l'indemnité d'installation à des agents temporaires appelés à exercer des fonctions au sein du cabinet d'un membre de la Commission, visant à faciliter leur installation à Bruxelles, ne peut être considérée comme étant contraire à la décision de la Commission du 23 avril 1969 et à l'article 24 du RAA (point 49).

Sur le troisième moyen, tiré de la violation des articles 45 du RAA et 85 du statut, en ce que les conditions de la répétition de l'indu ne sont pas réunies

Selon l'article 85 du statut, auquel renvoie l'article 45 du RAA, «toute somme indûment perçue donne lieu à la répétition si le bénéficiaire a eu connaissance de l'irrégularité du versement ou si celle-ci était si évidente qu'il ne pouvait manquer d'en avoir connaissance». Il appartient à l'administration d'apporter la preuve que le bénéficiaire avait connaissance du caractère irrégulier du paiement en cause. Si le bénéficiaire conteste avoir eu connaissance de l'irrégularité du versement, il y a lieu d'examiner les circonstances dans lesquelles le versement litigieux a été effectué, afin d'établir si l'irrégularité de ce versement pouvait apparaître comme évidente. L'expression «si évidente» doit être interprétée en ce sens qu'il ne s'agit pas de savoir si l'erreur était ou non évidente pour l'administration, mais si elle l'était pour l'intéressé. En effet, ce dernier, loin d'être dispensé de tout effort de réflexion ou de contrôle, est, au contraire, tenu à la restitution dès qu'il s'agit d'une erreur qui n'échappe pas à un agent ou à un fonctionnaire normalement diligent qui est censé connaître les règles régissant son traitement (point 63).

En l'espèce, le Tribunal relève que les conditions dans lesquelles l'indemnité d'installation a été versée au requérant figuraient sur le formulaire no 5, lequel a été signé par lui lors de son entrée en service, la seconde page dudit formulaire, découpée, ayant été versée à son dossier personnel (point 64).

A supposer même que le requérant n'ait pas eu connaissance de la première page du formulaire no 5, l'irrégularité du versement, à titre définitif, de l'indemnité d'installation était si évidente que le requérant «ne pouvait manquer d'en avoir connaissance», au sens de l'article 85 du statut (point 67).

Référence à: Cour 11 juillet 1979, Broe/Commission, 252/78, Rec. p. 2393; Cour 11 octobre 1979, Berghmans/Commission, 142/78, Rec. p. 3125; Cour 17 janvier 1989, Stempels/Commission, 310/87, Rec. p. 43; Tribunal 10 février 1994, White/Commission, T-107/92, RecFP p. II-143; Tribunal 24 février 1994, Stahlschmidt/Parlement, T-38/93, RecFP p. II-227; Tribunal 1er février 1996, Chabert/Commission, T-122/95, RecFP p. II-63; Tribunal 27 février 1996, Galtieri/Parlement, T-235/94, RecFP p. II-129

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de la Commission du 15 novembre 1996 et à la condamnation de la Commission à rembourser au requérant les sommes perçues en exécution de cette décision

S'agissant de la demande d'annulation de la décision de la Commission du 15 novembre 1996, il y a lieu de relever que, contrairement aux dispositions de l'article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, selon lequel la requête, pour être recevable, doit contenir, entre autres, l'«exposé sommaire des moyens invoqués», le requérant n'a soulevé, dans sa réplique, aucun moyen ou argument à l'appui de cette demande. Par conséquent, ces conclusions sont irrecevables (point 75).

Quant aux conclusions du requérant visant à ce que la Commission soit condamnée au remboursement des sommes déjà perçues en exécution de la décision du 15 novembre 1996, le juge communautaire n'est pas compétent pour adresser des injonctions aux institutions communautaires (point 76).

Référence à: Tribunal 12 décembre 1996, Stott/Comniission, T-99/95, RecFP p. II-2227

Sur les conclusions en indemnité

La responsabilité de la Communauté suppose la réunion d'un ensemble de conditions en ce qui concerne l'illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l'existence d'un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (point 85).

Référenceà: Cour 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C-136/92 P, Rec. p. I-1981, point 42

Or, ainsi qu'il résulte de l'examen des moyens présentés dans le cadre de sa demande d'annulation de la décision du 13 novembre 1995, le requérant n'a pas démontré que la Commission a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité lorsqu'elle lui a payé, à titre d'avance, l'indemnité d'installation litigieuse.

La demande de réparation du préjudice tant matériel que moral doit être rejetée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si les deux autres conditions sont réunies (points 88 et 89).

Dispositif:

Le recours est rejeté.

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