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Document 61996TJ0074

    Sommaire de l'arrêt

    ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

    19 mars 1998

    Affaire T-74/96

    Georges Tzoanos

    contre

    Commission des Communautés européennes

    «Fonctionnaires — Décision de révocation — Recours en annulation — Existence conjointe d'une procédure disciplinaire et de poursuites pénales — Erreurs d'appréciation — Droits de la défense — Articles 12, 13, 14, 21 et 86 du statut — Principe de proportionnalité — Principe d'égalité de traitement — Détournement de pouvoir»

    Texte complet en langue française   II - 343

    Objet:

    Recours ayant pour objet l'annulation de la décision de la Commission du 22 juin 1995 par laquelle le requérant a été révoqué sans perte de ses droits à pension d'ancienneté, ainsi que de la décision du 19 février 1996 rejetant explicitement la réclamation introduite par le requérant le 21 septembre 1995 à l'encontre de la décision du 22 juin 1995.

    Résultat:

    Rejet.

    Résumé de l'arrêt

    Le 22 décembre 1994, l'autorité investie du pouvoir de nomination (AIPN) saisit le conseil de discipline de cinq griefs formulés à l'encontre du requérant, ancien chef de l'unité 3 «tourisme» de la direction A «promotion de l'entreprise et amélioration de son environnement» de la direction générale Politique d'entreprise, commerce, tourisme et économie sociale (DG XXIII) (unité XXIII.A.3).

    En premier lieu, il lui est fait grief «d'avoir exercé et d'exercer des activités extérieures non autorisées». En deuxième lieu, il lui est fait grief «d'avoir manqué à son devoir de réserve en ayant eu, sans en avoir informé ses supérieurs, son domicile à la même adresse que celle d'une firme extérieure participant régulièrement à des projets subventionnés ou à subventionner par la Commission ainsi qu'en ayant émis publiquement des critiques au sujet d'un organisme national dans le domaine du tourisme». En troisième lieu, il lui est fait grief «d'avoir preste des services dans le domaine de ses activités professionnelles à la Commission pour le compte de personnes ou d'organismes extérieurs à l'institution susceptibles d'avoir compromis son indépendance dans l'exercice de ses fonctions comme chef d'unité à la Commission». En quatrième lieu, il lui est fait grief «d'avoir préparé des documents pour des personnes ou des organismes extérieurs à l'institution destinés ultérieurement soit à la Commission, et contraires à ses intérêts, soit à des partenaires externes à des projets bénéficiant de subventions communautaires». En cinquième lieu, il lui est fait grief «d'avoir commis des irrégularités administratives et des fautes de gestion budgétaire et financière pendant l'exercice de ses fonctions de chef d'unité ‘tourisme’».

    Le 23 mai 1995, le conseil de discipline rend un avis motivé par lequel il recommande à l'AIPN d'infliger au requérant la sanction disciplinaire visée à l'article 86, paragraphe 2, sous f), du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (statut), à savoir la révocation sans perte des droits à pension.

    Le 22 juin 1995, l'AIPN décide de retenir les cinq griefs dont elle a saisi le conseil de discipline estimant, à l'instar de ce dernier, que les faits reprochés au requérant sont établis par des preuves incontestables et largement reconnus par ce dernier et de lui infliger la sanction disciplinaire recommandée par le conseil de discipline.

    Par note du 21 septembre 1995, enregistrée au secrétariat général de la Commission le 25 septembre 1995, le requérant introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, laquelle est rejetée explicitement par décision du 19 février 1996.

    Le 17 mai 1996, le requérant dépose au greffe du Tribunal la requête donnant lieu à la présente procédure.

    Sur le fond

    Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l'article 88, cinquième alinéa, du statut et de l'article 7, deuxième alinéa, de l'annexe IX du statut

    Comme il est constant entre les parties que le requérant fait l'objet de poursuites pénales qui ont débuté, à tout le moins en Belgique, à une époque où une procédure disciplinaire était ouverte à son encontre, il convient d'examiner la conformité de la décision attaquée tant par rapport à l'article 7, deuxième alinéa, de l'annexe IX du statut que par rapport à l'article 88, cinquième alinéa, du statut (point 31).

    Aux termes mêmes de l'article 7, deuxième alinéa, de l'annexe IX du statut, le conseil de discipline jouit d'un pouvoir discrétionnaire quant à sa faculté de surseoir à émettre son avis en cas de poursuite du fonctionnaire devant un tribunal répressif (point 32).

    En revanche, l'article 88, cinquième alinéa, du statut n'octroie pas un tel pouvoir discrétionnaire à l'AIPN chargée de régler définitivement la situation d'un fonctionnaire à l'égard duquel est ouverte une procédure disciplinaire. Cette disposition a pour objectif d'éviter que l'autorité administrative chargée d'adopter une décision sanctionnant disciplinairement un fonctionnaire, ainsi que la juridiction administrative chargée de vérifier la légalité de la décision ainsi arrêtée, ne se prononce sur des faits qui font par ailleurs l'objet de poursuites pénales au moment où est menée la procédure disciplinaire, avant que la juridiction répressive saisie ne se soit prononcée de façon définitive sur la matérialité de ces faits, de façon à ne pas placer le fonctionnaire en cause, dans le cadre des poursuites pénales entreprises à son encontre, dans une situation moins avantageuse que celle qui aurait pu être la sienne en l'absence d'une telle décision de l'autorité administrative et, le cas échéant, d'une décision de la juridiction administrative, en l'occurrence le Tribunal. Cette règle se justifie notamment par la différence dans l'étendue du contrôle que peuvent opérer l'autorité et la juridiction administratives, d'une part, et l'autorité et la juridiction pénales, d'autre part, les dernières disposant normalement de pouvoirs de contrôle plus importants que ceux qui sont mis à la disposition des premières. La raison d'être de l'article 88, cinquième alinéa, du statut correspond au souci de ne pas affecter la position du fonctionnaire en cause dans le cadre des poursuites pénales qui seraient ouvertes à son encontre en raison de faits qui font, par ailleurs, l'objet d'une procédure disciplinaire au sein de son institution (points 33 et 34).

    Il ressort de l'économie de l'article 88, cinquième alinéa, du statut qu'il appartient au fonctionnaire en cause de fournir à l'AIPN les éléments permettant d'apprécier si les faits mis à sa charge dans le cadre de la procédure disciplinaire font parallèlement l'objet de poursuites pénales ouvertes à son encontre. Pour satisfaire à cette obligation, le fonctionnaire en cause doit, en principe, démontrer que des poursuites pénales ont été ouvertes à son encontre alors qu'il faisait l'objet d'une procédure disciplinaire. En effet, c'est uniquement lorsque de telles poursuites pénales ont été ouvertes que les faits sur lesquels elles portent peuvent être identifiés et comparés aux faits pour lesquels la procédure disciplinaire a été entamée, afin de déterminer leur éventuelle identité (point 35).

    En l'espèce, sur la base des éléments du dossier mis à la disposition du Tribunal, il s'avère qu'à la date à laquelle la décision attaquée a été adoptée aucune poursuite pénale n'avait été ouverte à l'encontre du requérant. Compte tenu de l'absence d'ouverture de poursuites pénales à son encontre au moment où la décision attaquée a été adoptée, le requérant ne saurait donc reprocher purement et simplement à la Commission d'avoir violé l'article 88, cinquième alinéa, du statut à son détriment (points 36 et 37).

    Toutefois, dans la mesure où le requérant faisait à cette date l'objet d'une enquête susceptible de déboucher sur des poursuites pénales, il convient de lui permettre, conformément à la ratio legis de l'article 88, cinquième alinéa, du statut, de démontrer de façon spécifique qu'une décision réglant définitivement sa situation était susceptible d'affecter sa position dans d'éventuelles poursuites pénales ultérieures auxquelles pouvait mener l'enquête en cours au moment de la procédure disciplinaire et qui porteraient sur des faits identiques. Il appartient, à cet égard, au requérant d'identifier précisément lesdits faits, en indiquant les raisons pour lesquelles une décision de l'AIPN à l'égard de chacun de ces faits était de nature à affecter sa position dans d'éventuelles poursuites pénales ultérieures (point 38).

    Il ressort des pièces du dossier que le requérant n'a pas procédé à l'identification précise de tels faits dans le cadre de la procédure disciplinaire ayant conduit à l'adoption de la décision litigieuse. Lors de l'examen des premier et deuxième moyens, le Tribunal examinera si le requérant a donné des indications plus précises dans le cadre de la présente procédure (points 39 et 40).

    Sur le premier moyen, tiré de la violation des articles 12, 13 et 14 du statut ainsi que du principe général de droit selon lequel tout acte administratif doit avoir des motifs légalement admissibles

    Sur le premier grief

    Il est d'abord reproché au requérant d'avoir exercé et d'exercer des activités extérieures non autorisées. Tout d'abord, le Tribunal écarte l'argument selon lequel certains éléments ne peuvent être retenus à l'appui du premier grief au motif qu'ils ne figurent pas dans le rapport initial de saisine du conseil de discipline, mais dans un rapport complémentaire présenté en cours de procédure.

    A cet égard, les dispositions de l'annexe IX du statut, relative à la procédure disciplinaire, n'exigent pas que tous les faits reprochés au fonctionnaire faisant l'objet d'une procédure disciplinaire figurent dans le rapport initial de saisine du conseil de discipline, prévu à l'article 1er de ladite annexe. D'une part, en effet, il ne saurait être exclu que des faits nouveaux et critiquables, non connus de l'AIPN au moment de la saisine du conseil de discipline, soient portés à sa connaissance au cours de la procédure disciplinaire. D'autre part, il ne saurait non plus être exclu que l'AIPN reconnaisse le caractère critiquable de certains faits seulement après avoir saisi le conseil de discipline. Dans de tels cas, l'AIPN doit pouvoir établir un rapport complémentaire afin d'élargir la portée de la saisine initiale du conseil de discipline, en ajoutant ces faits à ceux mentionnés dans le rapport initial. La transmission d'un rapport complémentaire et son traitement dans le cadre de la procédure disciplinaire visée à l'annexe IX du statut sont soumis aux mêmes dispositions que celles qui régissent la transmission et le traitement du rapport de saisine initial (point 58).

    Le Tribunal constate ensuite que les seuls éléments dont le requérant reconnaît la réalité établissent d'ores et déjà qu'il a exercé une activité extérieure non autorisée au sens de l'article 12, troisième alinéa, du statut.

    Aux termes de l'article 12, troisième alinéa, du statut, l'obligation de solliciter l'autorisation de l'AIPN existe à partir du moment où le fonctionnaire se propose «d'exercer une activité extérieure, rémunérée ou non, ou de remplir un mandat en dehors des Communautés». Elle s'impose de manière générale, sans opérer une distinction quant à la nature ou à l'importance des activités ou du mandat concernés. Il appartient donc exclusivement à l'AIPN, en vertu de la deuxième phrase de l'article 12, troisième alinéa, du statut, d'évaluer les caractéristiques de l'activité ou du mandat au moment où elle examine la demande d'autorisation (point 66).

    Les prétendues inexactitudes matérielles invoquées par le requérant à l'égard des éléments retenus à sa charge dans le cadre du premier grief ne sont pas établies et ceux-ci peuvent tous faire l'objet d'une décision réglant définitivement sa situation au terme de la procédure disciplinaire, conformément à l'article 88, cinquième alinéa, du statut (points 67 à 79).

    Sur le deuxième grief

    En second lieu, il est reproché au requérant d'avoir manqué à son devoir de réserve en ayant eu, sans en avoir informé ses supérieurs, son domicile à la même adresse que celle d'une firme extérieure participant régulièrement à des projets subventionnés ou à subventionner par la Commission ainsi qu'en ayant émis publiquement des critiques au sujet d'un organisme national dans le domaine du tourisme.

    Les prétendues inexactitudes matérielles invoquées par le requérant à l'égard des éléments retenus à sa charge dans le cadre du deuxième grief ne sont pas établies et ceux-ci peuvent tous faire l'objet d'une décision réglant définitivement sa situation au terme de la procédure disciplinaire, conformément à l'article 88, cinquième alinéa, du statut (points 95 à 109).

    Le Tribunal rappelle que l'article 12, premier alinéa, du statut impose au fonctionnaire de s'abstenir de tout acte et, en particulier, de toute expression publique d'opinions pouvant porter atteinte à la dignité de sa fonction. A cet égard, il ne saurait être a priori exclu que le respect de l'obligation inscrite à l'article 12, premier alinéa, du statut implique, pour un fonctionnaire personnellement mis en cause dans un ou plusieurs articles de presse, d'en référer aux services de son institution spécifiquement chargés des relations avec la presse, afin notamment de préserver la dignité de ses fonctions au sein de l'institution en cause (point 101).

    Sur les troisième et quatrième griefs

    Finalement, il est reproché au requérant d'avoir preste des services dans le domaine de ses activités professionnelles à la Commission pour le compte de personnes ou d'organismes extérieurs à l'institution susceptibles d'avoir compromis son indépendance dans l'exercice de ses fonctions comme chef d'unité à la Commission et d'avoir préparé des documents pour des personnes ou des organismes extérieurs à l'institution destinés ultérieurement soit à la Commission, et contraires à ses intérêts, soit à des partenaires externes à des projets bénéficiant de subventions communautaires.

    Les prétendues inexactitudes matérielles et erreurs d'appréciation invoquées par le requérant à l'égard des éléments retenus à sa charge dans le cadre des troisième et quatrième griefs ne sont pas établies et ceux-ci peuvent tous faire l'objet d'une décision réglant définitivement sa situation au terme de la procédure disciplinaire, conformément à l'article 88, cinquième alinéa, du statut.

    La Commission est en droit de considérer que le requérant a sciemment et de façon persistante entrepris des activités extérieures non autorisées qui éliminent toutes les garanties de son indépendance et qui sont de nature à générer de graves conflits d'intérêts avec l'exercice de ses fonctions, que le requérant a négligé gravement les devoirs de responsabilité, d'indépendance et d'honorabilité qui lui incombent en raison de sa qualité de haut fonctionnaire appelé, au sein de l'institution, à exercer des fonctions de gestion importantes dans un secteur spécifique et sensible. En omettant, de façon délibérée et continuelle, d'informer la Commission de la nature réelle de ses activités et des liens qu'il a établis avec des sociétés dont l'objet se situe dans le secteur de ses propres fonctions à la Commission, le requérant a manqué gravement à son devoir de loyauté envers l'institution et, en outre, a contrevenu, ce faisant, à l'article 12 du statut. Ces manquements ont gravement lésé l'image, la réputation et les intérêts de la Commission (point 178).

    Sur le deuxième moyen, tiré d'une méconnaissance de l'article 21 du statut

    Dans le cadre de ce moyen, le requérant dénonce, d'une part, la description, en termes généraux, de ses fonctions de chef de l'unité XXIII.A.3, utilisée par la Commission pour lui reprocher certaines irrégularités dans la sélection et le suivi des différents projets et, d'autre part, les reproches particuliers qui lui sont adressés dans la décision attaquée à propos de certains projets (point 180).

    Sur la première branche, tirée d'une description inadéquate des fonctions du requérant

    Le requérant conteste les responsabilités que la Commission lui impute dans le cadre du cinquième grief de la décision attaquée. Il importe donc de vérifier si la Commission a violé l'article 21 du statut en définissant, dans la décision attaquée, les responsabilités du requérant en tant que chef de l'unité XXIII. A.3 (point 187).

    Le requérant ne saurait reprocher à la Commission d'avoir violé l'article 21 du statut en lui imputant, dans le cadre du cinquième grief, une responsabilité dans la gestion administrative des projets subventionnés par la Commission dans le secteur du tourisme, dans la sélection de ces projets et dans leur suivi budgétaire et financier, au motif que les tâches qui lui seraient ainsi attribuées de façon générale ne relèveraient pas de son rôle de chef de l'unité XXIII.A.3 (point 207).

    Par ailleurs, aucun des éléments discutés par les parties en ce qui concerne la définition des responsabilités que le requérant assume en tant que chef de l'unité XXIII.A.3 ne saurait conduire à l'application de l'article 88, cinquième alinéa, du statut (point 208).

    Sur la seconde branche, tirée d'erreurs affectant les reproches particuliers formulés dans la décision attaquée

    Le Tribunal considère que la Commission ne viole pas l'article 21 du statut en retenant contre le requérant les reproches en cause.

    Au vu de l'ensemble des éléments examinés dans le cadre du deuxième moyen de ce recours, il y a lieu de considérer que les reproches adressés au requérant dans la décision attaquée établissent à suffisance de droit et de fait le bien-fondé du cinquième grief, de sorte qu'en les retenant dans la décision attaquée la Commission ne viole pas l'article 21 du statut. Il convient dès lors également de rejeter la seconde branche du deuxième moyen. Dans la mesure où il résulte de l'appréciation de cette seconde branche du deuxième moyen qu'il ne saurait non plus être fait application de l'article 88, cinquième alinéa, du statut dans le cadre de celle-ci, il y a lieu d'écarter définitivement le quatrième moyen de recours (point 308).

    Sur le troisième moyen, tiré d'une violation des droits de la défense

    II convient de se prononcer, en premier lieu, sur la question de savoir si la Commission peut examiner la mémoire de l'ordinateur attribué au requérant et le bureau qu'il occupe au sein de l'unité XXIII.A.3 en son absence et sans qu'une procédure disciplinaire soit ouverte à son encontre et utiliser ultérieurement les éventuels éléments qu'elle a ainsi pu découvrir (point 319).

    A cet égard, il ne saurait être question d'une quelconque effraction, puisque tant l'ordinateur que le bureau dont bénéficie le requérant au sein de l'unité XXIII.A.3 ont été mis à sa disposition par la Commission pour l'exercice exclusif de ses fonctions de chef d'unité. En effet, outre le fait que la Commission reste le propriétaire de ces outils professionnels, le requérant n'a ni démontré ni même allégué que la Commission lui a conféré un droit particulier sur ceux-ci, à l'exception de celui d'en bénéficier dans le cadre exclusif de ses fonctions. Il n'y a dès lors pas lieu de considérer que la Commission commet une effraction lorsqu'elle accède aux données contenues dans cet ordinateur ou pénètre dans l'espace occupé par ce bureau (point 320).

    Aucune disposition du stamt ou d'autre réglementation applicable en l'espèce ne prévoit que la Commission est en droit de se procurer des documents conservés dans la mémoire de l'ordinateur ou dans le bureau mis à la disposition d'un fonctionnaire seulement lorsqu'une procédure disciplinaire est ouverte à son encontre ou lorsqu'il est présent. La qualité de propriétaire du matériel dont peut se prévaloir l'institution et l'obligation de tout fonctionnaire de servir l'intérêt de l'institution dans laquelle il exerce ses fonctions impliquent qu'il ne saurait être requis que l'institution en cause soit tenue de faire état d'une raison spécifique pour avoir accès à son matériel. Des opérations de contrôle du contenu du matériel informatique et des bureaux ne nécessitent pas la présence du fonctionnaire concerné, dans la mesure où l'institution procède simplement à l'examen de ses propres ressources. En conséquence, le fonctionnaire en cause ne saurait invoquer, dans de telles circonstances, une violation de ses droits de la défense (points 321 et 322).

    En deuxième lieu, il convient d'examiner les arguments des parties relatifs à l'accès au dossier (point 328).

    En ce qui concerne la première catégorie de documents, à savoir les documents utilisés pour établir le rapport d'audit de la DG XX du 16 mai 1994, les critiques du requérant portent exclusivement sur les documents qui n'auraient pas été annexés à ces rapports et dont l'absence aurait prétendument affecté ses droits à la défense dans le cadre de la présente procédure (point 329).

    A cet égard, deux observations s'imposent. D'une part, le requérant ne réagit pas, lors de l'audience, aux propos de la Commission selon lesquels, pendant la procédure disciplinaire, il aurait eu accès au dossier dont a disposé le conseil de discipline pour rendre son avis et dont a disposé l'AIPN pour adopter la décision attaquée. Il faut en déduire que le principe d'égalité d'armes consacré par la jurisprudence est respecté en l'espèce et que le requérant a pu prendre connaissance de tous les éléments de fait sur lesquels la décision est fondée, et cela en temps utile pour présenter ses observations. D'autre part, même s'il faut reconnaître au requérant le droit d'accéder à d'autres documents que ceux qui lui sont transmis au cours de la procédure disciplinaire, l'exercice de ce droit n'est pas de nature à affecter les constatations établies et, dès lors, à démontrer une atteinte aux droits de la défense du requérant (point 329).

    Référence à: Tribunal 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30/91, Rec. p. II-1775, point 83; Tribunal 15 mai 1997, N./Commission, T-273/94, RecFP p. II-289, point 88

    En troisième lieu, il convient de se prononcer sur la prétendue partialité du fonctionnaire chargé par l'AIPN de mener les auditions du requérant, au regard de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) (point 338).

    La procédure devant la Commission n'étant pas judiciaire, mais administrative, la Commission ne saurait être qualifiée de «tribunal» au sens de l'article 6 de la CEDH. Dès lors, le respect des caractéristiques que cet article impose à un «tribunal» ne saurait être exigé de la Commission lorsque, dans le cadre d'une procédure disciplinaire, elle procède à l'audition du fonctionnaire en cause (point 339).

    Référence à: Cour 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80, 101/80, 102/80 et 103/80, Rec. p. 1825, point 7; Tribunal 17 octobre 1991, De Compte/Parlement, T-26/89, Rec. p. II-781, point 94

    Ensuite, il faut souligner que l'audition menée à ce stade de la procédure disciplinaire, à la demande de l'AIPN, est destinée à permettre à cette dernière d'examiner s'il y a lieu de saisir le conseil de discipline au titre de l'article 1er de l'annexe IX du statut et, dans ce cas, d'établir le rapport qui indique les comportements reprochés et, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles ils sont adoptés. La personne chargée de cette instruction agit donc au nom de l'AIPN. Ce n'est qu'au stade ultérieur de la procédure, lorsque le conseil de discipline est saisi de l'affaire, qu'il y a lieu de vérifier si le dossier a été traité de façon impartiale, puisque le conseil de discipline, composé paritairement des représentants de l'institution et du personnel, agit comme organe tiers par rapport aux parties en litige, en l'espèce le requérant et la Commission. A ce stade, les éventuels problèmes rencontrés par le requérant au cours de l'audition devant l'AIPN peuvent être présentés au conseil de discipline. Il convient d'insister, à cet égard, sur le fait que l'article 87 du statut exige simplement que le fonctionnaire à qui il est envisagé d'infliger une sanction disciplinaire soit entendu par l'AIPN (point 340).

    En quatrième lieu, il faut écarter l'argument du requérant selon lequel il n'a pas pu se défendre, devant le conseil de discipline, contre les reproches ponctuels formulés dans le cadre du cinquième grief. Il suffit, en effet, de prendre connaissance du rapport de saisine du conseil de discipline du 22 décembre 1994 pour constater que les reproches ponctuels retenus à rencontre du requérant dans le cadre du cinquième grief y sont formulés (point 343).

    En cinquième lieu, il importe de déterminer si le rapport d'audit de la DG XX du 16 mai 1994 devait être établi de manière contradictoire (point 345).

    A cet égard, il faut souligner que, comme l'indique à juste titre la Commission, les rapports d'audit de la DG XX ne doivent pas nécessairement être établis de manière contradictoire, dès lors qu'il sont établis dans l'intérêt général de l'institution et non pas dans le cadre d'une procédure contradictoire ouverte à l'encontre d'un fonctionnaire (point 346).

    Sur le cinquième moyen, tiré d'une violation du principe de proportionnalité, du principe d'égalité de traitement, de l'article 86 du statut et d'un détournement de pouvoir

    Le principe de proportionnalité, tel qu'il est consacré par la jurisprudence, comporte deux aspects. D'une part, il ressort de la jurisprudence que le choix de la sanction adéquate appartient à l'AIPN, lorsque la réalité des faits retenus à la charge du fonctionnaire est établie et que le juge communautaire ne saurait censurer le choix de la sanction disciplinaire par l'AIPN, à moins que la sanction infligée ne soit disproportionnée par rapport aux faits relevés à la charge du fonctionnaire. D'autre part, la détermination de la sanction est fondée sur une évaluation globale par l'AIPN de tous les faits concrets et les circonstances propres à chaque cas individuel, les articles 86 à 89 du statut ne prévoyant pas de rapport fixe entre les différentes sortes de manquements commis par le fonctionnaire et ne précisant pas dans quelle mesure l'existence de circonstances aggravantes ou atténuantes doit intervenir dans le choix de la sanction. L'examen du juge communautaire se trouve, dès lors, limité à la question de savoir si la pondération des circonstances aggravantes et atténuantes par l'AIPN a été effectuée de façon proportionnée, étant précisé que, lors de cet examen, il ne saurait se substituer à l'AIPN quant aux jugements de valeur portés à cet égard par celle-ci (point 352).

    Référence à: Cour 4 février 1970, Van Eick/Commission, 13/69, Rec. p. 3, points 24 et 25; Cour 30 mai 1973, De Greef/Commission, 46/72, Rec. p. 543, points 44 à 46; Cour 29 janvier 1985, F./Commission, 228/83, Rec. p. 275, point 34; Cour 5 février 1987, F./Commission, 403/85, Rec. p. 645, point 26; Cour 19 avril 1988, M./Conseil, 175/86 et 209/86, Rec. p. 1891, point 9; Tribunal 7 mars 1996, Williams/Cour des comptes, T-146/94, RecFP p. II-329

    En l'espèce, le requérant n'établit pas l'existence d'une violation du principe de proportionnalité (point 354).

    En ce qui concerne la prétendue violation du principe d'égalité de traitement et de l'article 86 du statut, il y a lieu d'insister sur le fait que la détermination du caractère fautif ou irrégulier des comportements du requérant implique nécessairement la prise en compte de ses responsabilités au sein de la Commission, plus particulièrement en tant que chef de l'unité XXIII.A.3, puisqu'elle permet précisément de distinguer les comportements réguliers des comportements irréguliers (point 355).

    En outre, on ne saurait soutenir que la gravité de la sanction infligée au requérant découle de son grade. En effet, il résulte des considérants de la décision attaquée que la gravité de cette sanction correspond à la gravité des irrégularités qu'il a commises dans le cadre des responsabilités qui lui incombent en tant que chef de l'unité XXIII.A.3. De même, il ne ressort pas des termes de l'article 86 du statut que le grade et les responsabilités du fonctionnaire ne peuvent pas être pris en compte pour évaluer la gravité de la sanction à lui infliger. Il y a donc lieu de conclure que le requérant n'a pas, en l'espèce, démontré la violation du principe d'égalité de traitement et de l'article 86 du statut (point 356).

    En ce qui concerne l'existence alléguée d'un détournement de pouvoir, il y a lieu de rappeler que le détournement de pouvoir consiste, pour une autorité administrative, à user de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui sont conférés. Dès lors, une décision n'est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (point 357).

    Référence à: Tribunal 26 novembre 1991, Williams/Cour des comptes, T-146/89, Rec. p. II-1293, points 87 et 88; Tribunal 16 décembre 1993, Turner/Commission, T-80/92, Rec. p. II-1465, point 70

    Les différents éléments présentés par le requérant ne constituent pas des indices objectifs, pertinents et concordants de nature à établir à suffisance de droit que sa révocation est décidée dans un but autre que celui de le sanctionner pour les fautes qu'il a commises dans l'exercice de ses fonctions au sein de la Commission (point 358).

    Dispositif:

    Le recours est rejeté.

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