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Document 61996CJ0301
Sommaire de l'arrêt
Sommaire de l'arrêt
1. Aides accordées par les États - Interdiction - Dérogations - Aides en faveur des régions affectées par la division de l'Allemagne - Portée de la dérogation - Interprétation stricte - Désavantages économiques causés par l'isolement engendré par le tracé de la frontière entre les deux zones
(Traité CE, art. 92, § 1 et 2, c) (devenu, après modification, art. 87, § 1 et 2, c), CE))
2. Actes des institutions - Motivation - Obligation - Portée - Décision s'inscrivant dans la ligne de décisions précédentes - Admissibilité d'une motivation sommaire
(Traité CE, art. 190 (devenu art. 253 CE))
3. Aides accordées par les États - Interdiction - Dérogations - Aides pouvant être considérées comme compatibles avec le marché commun - Aides destinées à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre - Interprétation stricte - Perturbation affectant l'ensemble de l'économie de l'État membre concerné
(Traité CE, art. 92, § 3, a), b) et c) (devenu, après modification, art. 87, § 3, a), b) et c), CE))
4. Aides accordées par les États - Projets d'aides - Pouvoir d'appréciation de la Commission - Contrôle juridictionnel - Limites
(Traité CE, art. 92, § 3 (devenu, après modification, art. 87, § 3))
1. Les dispositions de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité (devenu, après modification, article 87, paragraphe 2, sous c), CE), aux termes desquelles sont compatibles avec le marché commun «les aides octroyées à l'économie de certaines régions de la République fédérale d'Allemagne affectées par la division de l'Allemagne, dans la mesure où elles sont nécessaires pour compenser les désavantages économiques causés par cette division», n'ayant été abrogées, après la réunification de l'Allemagne, ni par le traité sur l'Union européenne ni par le traité d'Amsterdam, il ne saurait être présumé, eu égard à la portée objective des règles du droit communautaire, que ces dispositions sont devenues sans objet depuis cette réunification.
Cependant, s'agissant d'une dérogation au principe général d'incompatibilité des aides d'État avec le marché commun, énoncé à l'article 92, paragraphe 1, du traité, l'article 92, paragraphe 2, sous c), doit faire l'objet d'une interprétation stricte.
À cet égard, les termes «division de l'Allemagne» se référant, historiquement, à l'établissement en 1948 de la ligne de partage entre les deux zones occupées, «les désavantages économiques causés par cette division» ne sauraient viser que les désavantages économiques provoqués dans certaines régions allemandes par l'isolement qu'a engendré l'établissement de cette frontière physique, tels que la rupture des voies de communication ou la perte de débouchés faisant suite à l'interruption des relations commerciales entre les deux parties du territoire allemand.
En revanche, la conception selon laquelle l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité permettrait de compenser intégralement le retard économique, tout incontestable qu'il soit, dont souffrent les nouveaux Länder méconnaîtrait tant le caractère dérogatoire de cette disposition que son contexte et les objectifs qu'elle poursuit, et aurait pour conséquence de rompre le lien direct qui doit nécessairement exister entre le désavantage économique et la division géographique de l'Allemagne.
Seuls pouvant être compensés, au sens de cette disposition, les désavantages économiques causés directement par la division géographique de l'Allemagne, l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité ne saurait être interprété comme couvrant des situations qui ne sont pas des séquelles directes de l'existence antérieure d'une frontière interallemande, mais qui sont, dans une large mesure, le résultat concret des politiques économiques menées par la République démocratique allemande.
Les différences de développement entre les anciens et les nouveaux Länder s'expliquent par des causes autres que la coupure géographique résultant de la division de l'Allemagne et, notamment, par les régimes politico-économiques différents mis en place dans les deux parties de l'Allemagne.
( voir points 64-75 )
2. La motivation exigée par l'article 190 du traité (devenu article 253 CE) doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires ou d'autres personnes concernées directement et individuellement par l'acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 190 du traité doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. De même, la Commission n'est pas tenue de répondre, dans la motivation d'une décision, à tous les points de droit et de fait soulevés par les intéressés, dès lors qu'elle a tenu compte de toutes les circonstances et de tous les éléments pertinents du cas d'espèce.
Lorsqu'une décision a été adoptée dans un contexte bien connu du gouvernement concerné et se place dans la ligne d'une pratique décisionnelle constante, elle peut être motivée d'une manière sommaire.
( voir points 87, 89, 92, 110, 140 )
3. L'article 92, paragraphe 3, sous b), du traité (devenu, après modification, article 87, paragraphe 3, sous b), CE), à la différence des points a) et c) de ce paragraphe, exige, pour que des aides d'État puissent être considérées comme compatibles avec le marché commun, que celles-ci soient destinées à remédier à une perturbation grave affectant l'ensemble de l'économie d'un État membre, et pas seulement celle de régions ou parties de territoire de cet État. En tant que disposition dérogatoire, l'article 92, paragraphe 3, sous b), du traité doit, en effet, être interprété strictement.
( voir points 105-108 )
4. La Commission disposant, pour appliquer l'article 92, paragraphe 3, du traité (devenu, après modification, article 87, paragraphe 3, CE), d'un large pouvoir d'appréciation, le contrôle de la Cour se limite à la vérification de l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer la qualification contestée et de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation.
La Commission ne saurait se voir reprocher d'avoir commis une telle erreur pour avoir, lors de la mise en oeuvre de la distinction qu'elle est en droit d'opérer, au niveau des coûts d'exploitation d'un site industriel, entre la situation où une infrastructure complète doit être mise en place et celle où une telle infrastructure existe déjà, et s'agissant des coûts afférents à un investissement opéré en plusieurs étapes et faisant l'objet d'une aide d'État, considéré que, une fois réalisée la première étape, les étapes suivantes constituent des opérations d'extension et non pas des opérations sur un nouveau site.
( voir points 129, 131-132 )