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Document 61994TJ0184
Sommaire de l'arrêt
Sommaire de l'arrêt
ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
12 mai 1998
Affaire T-184/94
Martin O'Casey
contre
Commission des Communautés européennes
«Fonctionnaires — Annulation de la décision rejetant la candidature du requérant au poste d'assistant du directeur adjoint du site commun de travail d'ITER à Naka (Japon) — Offre du poste — Rupture de l'accord — Demande en indemnité»
Texte complet en langue anglaise II-565
Objet:
Recours ayant pour objet, d'une part, une demande tendant à l'annulation de la lettre du directeur adjoint de l'International Thermonuclear Experimental Reactor et chef du site commun de travail de Naka (Japon) du 16 juillet 1993 informant le requérant du rejet de sa candidature à l'emploi d'assistant administratif dudit directeur adjoint et de la décision de rejet qu'elle comporte, et, d'autre part, une demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel et moral ainsi subi par le requérant.
Résultat:
Irrecevabilité.
Résumé de l'arrêt
Par décision 92/439/Euratom, du 22 avril 1992, la Commission des Communautés européennes décide de conclure, sur la base de l'article 101 du traité instituant la Communauté européemie de l'énergie atomique (traité CEEA), au nom de la Communauté européemie de l'énergie atomique (Communauté), un accord de coopération avec le gouvernement du Japon, le gouvernement de la fédération de Russie et le gouvernement des États-Unis d'Amérique concernant les activités ayant trait au projet détaillé du réacteur thermonucléaire expérimental international (International Thermonuclear Experimental Reactor, ITER) (JO L 244, p. 13).
En vue d'assurer la réalisation de l'objet dudit accord, à savoir mener en commun les activités visant à produire un projet détaillé, complet et pleinement intégré de ce réacteur ainsi que toutes les données techniques nécessaires aux décisions futures concernant sa construction, celui-ci prévoit l'institution d'un conseil qui est responsable de la direction d'ensemble du projet. Le conseil nomme un directeur, qui dirige et coordonne, notamment, l'exécution des activités de recherche et qui, dans l'accomplissement de ses devoirs et dans l'exercice de ses responsabilités, agit en toute indépendance et ne sollicite, ni n'accepte d'instructions d'aucune partie.
Il prévoit, par ailleurs, la constitution d'une équipe centrale commune (Joint Central Team), qui assiste le directeur dans l'accomplissement de ses fonctions. Les membres de l'équipe centrale commune autres que les directeurs adjoints, les responsables administratifs et chefs pour chaque site commun de travail sont choisis par le directeur parmi les personnes qualifiées présentées par les parties.
Les parties s'engagent à mettre à la disposition de l'équipe centrale commune, au moyen d'accords de détachement ou par d'autres moyens spécifiés aux protocoles annexés à l'accord de coopération, des personnes qualifiées en nombre approximativement égal. L'équipe centrale commune est installée sur les sites communs de travail, établis respectivement à Garching (Allemagne), Naka (Japon) et San Diego (États-Unis d'Amérique).
Les négociateurs sont convenus des noms des candidats probables des parties pour les postes les plus importants. Les candidats de la Communauté occuperont notamment le poste de directeur (M. Rebut) ainsi qu'un des quatre postes de directeur adjoint, dont le titulaire sera aussi chef du centre commun de travail de Naka (Japon) (M. Huguet). La Communauté sera, par ailleurs, représentée au conseil par M. Maisonnier, qui est le directeur du programme Fusion auprès de la direction générale Science, recherche et développement de la Commission (DG XII).
Le requérant, Martin O'Casey, est agent temporaire, de grade A 4, à l'entreprise commune Joint European Torus (JET) (Royaume-Uni), dans laquelle il travaille depuis le 1er mai 1980 en qualité d'administrateur au service des contrats.
Selon le requérant, M. Huguet, directeur adjoint au JET et désigné comme directeur adjoint d'ITER et chef du centre commun de travail de Naka (Japon), lui demande, au début du mois d'avril 1992, s'il accepte de devenir son assistant administratif dans les nouvelles fonctions auxquelles il est appelé au Japon à partir du mois de septembre ou d'octobre 1992. Le requérant promet d'examiner l'offre.
Au cours de l'après-midi du 30 avril 1992, le requérant a de nouveau un entretien avec M. Huguet au sujet de cette offre et, compte tenu des assurances fournies par ce dernier, déclare accepter volontiers le poste offert.
Il est entendu que l'attribution du poste doit être décidée par la DG XII et que le requérant participera à un entretien en temps utile.
Vers le milieu du mois de juin 1992, le requérant rencontre de nouveau M. Huguet en vue de s'enquérir des progrès accomplis à la DG XII au sujet de la décision d'attribution du poste et de la publication de celui-ci. Ce dernier lui confirme être compétent pour lui offrir le poste et que son choix ne peut pas être contredit. Au vu de ces assurances, le requérant, conformément au souhait exprimé par M. Huguet, confirme son acceptation de l'offre.
En janvier 1993, M. Huguet, de visite au JET, rencontre de nouveau le requérant et lui réaffirme avoir plus que jamais besoin de ses services au Japon.
En février 1993 est publié l'avis de vacance du poste d'administrateur assistant le directeur adjoint et chef du site commun de travail de Naka (COM/R5043/93). Le requérant pose sa candidature et reçoit un bordereau de réponse prenant acte de celle-ci.
En mai 1993, le requérant apprend d'un collaborateur du site commun de travail de Naka que le poste en question a été offert à Mme Z., travaillant auprès de la direction générale Télécommunications, marché de l'information et valorisation de la recherche (DG XIII). Ultérieurement, il prend connaissance de ce que celle-ci a refusé l'offre. Le requérant apprend, par ailleurs, que des rumeurs à caractère diffamatoire circulent à son sujet.
Le requérant écrit à M. Huguet, à Naka, les 10 mai, 9 juin et 9 juillet 1993, lui demandant des informations. Ce dernier lui répond le 16 juillet 1993, par une lettre imprimée sur le papier à entête officiel d'ITER, l'informant notamment qu'il est prévu de nommer un candidat américain à l'emploi d'assistant administratif à Naka.
Le requérant envoie, les 9 juin, 30 juin et 2 août 1993, des courriers à la DG XII en vue de faire part de ses observations et inquiétudes au sujet de la procédure de nomination au poste en question. Il ne reçoit aucune réponse avant d'avoir engagé la procédure précontentieuse.
Le 10 septembre 1993, le requérant présente une réclamation conformément à l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (statut), dans laquelle il conteste la décision de l'exclure du concours COM/R5043/93, qui est portée à sa connaissance par lettre de M. Huguet du 16 juillet 1993, et demande l'indemnisation du préjudice ainsi subi.
Par courrier du 13 septembre 1993, la Commission informe le requérant que le concours COM/R5043/93 est toujours en cours et qu'il sera informé de la suite de la procédure.
Le 27 septembre 1993, M. Huguet écrit à la DG XII pour présenter son point de vue au sujet de la réclamation du requérant. Le même jour, M. Huguet informe M. Maisonnier qu'un candidat américain a été choisi pour le poste d'administrateur du site commun de travail de l'ITER de Naka et que ce poste n'est donc plus disponible pour des candidats de la Communauté.
Le 18 novembre 1993, le requérant en est informé oralement, au cours d'une réunion interservices, par un responsable de la Commission.
Le 22 novembre 1993, la Commission retire son avis de vacance COM/R5043/93.
Le 8 décembre 1993, à la suite de la réunion du 18 novembre 1993, le requérant transmet à la Commission un courrier contenant des renseignements complémentaires au soutien de sa réclamation. Le 15 décembre 1993, la Commission informe le requérant que, en raison des congés de fin d'année et afin de respecter le délai statutaire de réponse, un projet de réponse à sa réclamation a déjà été préparé antérieurement à la réception du courrier du 8 décembre 1993.
La Commission rejette la réclamation du requérant par décision du 17 décembre 1993, communiquée à ce dernier par lettre du 14 janvier 1994, signée par lui pour accusé de réception le 7 février 1994.
Sur la recevabilité
Sur la recevabilité de la demande en annulation
En premier lieu, l'article 152 du traité CEEA, qui donne compétence au juge communautaire pour statuer sur tout litige entre la Communauté et ses agents, dans les limites et conditions déterminées au statut ou résultant du régime applicable à ces derniers, doit être compris en ce sens qu'il s'applique non seulement aux personnes qui ont la qualité de fonctionnaires ou d'agents autres que locaux, mais aussi à celles qui revendiquent ces qualités (point 56).
Entre dans les prévisions de l'article 152 du traité CEEA un recours dans le cadre duquel une personne revendique la qualité d'agent de la Communauté auprès de l'ITER, structure résultant d'un accord international auquel est partie la Communauté, dès lors que le recours a trait à la première étape d'une procédure de nomination dont l'objet est la présentation, par les parties de l'ITER, des candidats qualifiés pour l'emploi à l'autorité officiellement habilitée à se prononcer sur lesdites candidatures, à savoir le directeur de l'ITER. En effet, le juge communautaire est compétent pour connaître de l'étape de présélection si celle-ci est entachée d'une irrégularité imputable à la Communauté et, notamment, celle d'avoir considéré à tort une candidature interne comme n'étant pas valable et d'avoir, partant, refusé à tort de la transmettre au directeur de l'ITER. En revanche, le juge communautaire est incompétent pour connaître de la seconde étape de la procédure de nomination, dans le cadre de laquelle le directeur de l'ITER opère en toute indépendance le choix du titulaire de l'emploi parmi les personnes présentées par les parties. En effet, la Communauté est étrangère à ladite décision, l'ITER étant un organe de droit international distinct de la Communauté. Un contrôle juridictionnel de ce choix imposerait une appréciation des mérites des candidats présentés par des parties autres que la Communauté, ce qui excéderait manifestement la compétence du juge communautaire (points 57 à 62).
Référence à: Cour 15 janvier 1987. Ainswnrth e.a./Commission et Conseil. 271/83. 15/84, 36/84, 113/84, 158/84. 203/84 et 13/85. Rec. p. 167, points 11 et 12; Tribunal 16 décembre 1994, Altmann e.a./Commission, T-177/94, Rec. p. II-1245, point 35; Tribunal 12 décembre 1996, Altmann e.a./Commission, T-177/94 et T-377/94, Rec. p. II-2041, point 81
En deuxième lieu, l'existence d'un acte faisant grief, au sens des articles 90, paragraphe 2, et 91, paragraphe 1, du statut, est une condition indispensable de recevabilité de tout recours formé par les fonctionnaires ou agents contre l'institution dont ils relèvent. Constituent des actes susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation les seules mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci. De tels actes doivent émaner de l'AIPN et revêtir un caractère décisionnel (point 63).
Référenceà: Tribunal 11 mai 1992, Whitehead/Commission, T-34/91, Rec. p. II-1723, point 21; Tribunal 13 juillet 1993, Moat/Commission, T-20/92, Rec. p. II-799, point 39; Tribunal 22 mars 1995, Kotzonis/CES, T-586/93, Rec. p. II-665, point 28; Tribunal 25 octobre 1996, Lopes/Cour de justice, T-26/96, RecFP p. II-1357, point 19; Tribunal 3 juin 1997, H/Commission, T-196/95, RecFP p. II-403, points 44 et 45
Tel n'est pas le cas d'une lettre à une personne ayant fait acte de candidature à un emploi vacant auprès de l'ITER lui annonçant une décision de rejet de sa candidature qui n'émane pas de l'autorité officiellement habilitée à se prononcer sur cette candidature et dont l'auteur n'affirme pas non plus se prononcer par délégation, au nom et pour le compte de ladite autorité. Cette lettre ne peut être objectivement considérée comme constituant une décision définitive de ladite autorité et n'est pas susceptible d'affecter directement et immédiatement la situation juridique et statutaire du requérant (points 64 à 69).
Référenceà: Cour 10 décembre 1957, ALMA/Haute Autorité, 8/56, Rec. p. 179, en particulier p. 191; Cour 7 février 1994, PIA HiFi/Commission, C-388/93, Rec. p. I-387, point 10
Au vu de ce qui précède, le recours, dans la mesure où il vise l'annulation de la lettre adressée par M. Huguet au requérant le 16 juillet 1993, est irrecevable. Il est aussi irrecevable dans la mesure où il vise l'annulation de la décision de rejet de la candidature du requérant par le directeur de l'ITER, annoncée dans la lettre du 16 juillet 1993 (points 71 à 83).
Sur la recevabilité de la demande en indemnité
Sur la recevabilité de la demande de réparation du dommage résultant du refus de nommer le requérant à l'emploi en cause
Lorsqu'il existe un lien étroit entre une demande en annulation et une action en indemnité, l'irrecevabilité de la demande en annulation entraîne celle de la demande en indemnité. En l'espèce, la demande de réparation du dommage résultant du refus de nommer le requérant à l'emploi litigieux est étroitement liée à sa demande en annulation. Cette dernière étant irrecevable, il en est donc de même de la demande en indemnité (points 89 et 90).
Référence à: Cour 12 décembre 1967, Collignon/Commission. 4/67, Rec. p. 469; Cour 14 février 1989. Bossi/Commission. 346/87, Rec. p. 303, point 31; Tribunal 24 janvier 1991, Latham/Commission, T-27/90, Rec. p. II-35, points 38 à 40; Moat/Commission, précité, point 46; Tribunal 9 février 1994. Latham/Commission, T-82/91, RecFP p. II-61, points 34 à 36; Lopcs/Courde justice, précité, point 46
Sur la recevabilité de la demande de réparation du dommage résultant de la diffamation dont le requérant aurait été l'objet
Ce n'est que s'il existe un lien direct entre le recours en annulation et le recours en indemnité que ce dernier est recevable en tant qu'accessoire au recours en annulation, sans devoir être nécessairement précédé tant d'une demande invitant l'autorité investie du pouvoir de nomination (AIPN) à réparer le préjudice prétendument subi que d'une réclamation contestant le bien-fondé du rejet impliciti ou explicite de la demande. En revanche, lorsque le préjudice allégué ne résulte pas d'un acte dont l'annulation est poursuivie, mais de plusieurs fautes et omissions prétendument commises par l'administration, la procédure précontentieuse doil impérativement débuter par une demande invitant 1'AIPN à réparer ce préjudice. La demande en indemnité du requérant du chef du préjudice causé par l'existence de prétendues rumeurs diffamatoires dont il aurait été victime est indépendante du recours en annulation. Le requérant n'ayant pas respecté cette procédure en deux étapes, la demande en indemnité en rapport avec les prétendues rameurs diffamatoires est irrecevable (points 98 et 99).
Référence à: Tribunal 28 juin 1996, Y/Cour de justice, T-500/93, RecFP p. II-977, point 66
Dispositif:
Le recours est rejeté comme irrecevable.