This document is an excerpt from the EUR-Lex website
Document 61993CJ0387
Sommaire de l'arrêt
Sommaire de l'arrêt
++++
1. Questions préjudicielles ° Saisine de la Cour ° Nécessité d' une décision préjudicielle et pertinence des questions soulevées ° Appréciation par le juge national ° Questions posées sans précision quant au contexte factuel
(Traité CEE, art. 177)
2. Monopoles nationaux à caractère commercial ° Article 37 du traité ° Champ d' application ° Système national de distribution des tabacs manufacturés
(Traité CEE, art. 37)
3. Libre circulation des marchandises ° Restrictions quantitatives ° Mesures d' effet équivalent ° Système national de distribution des tabacs manufacturés réglementant de façon non discriminatoire les modalités de vente au détail ° Inapplicabilité de l' article 30 du traité
(Traité CEE, art. 30)
4. Concurrence ° Entreprises publiques et entreprises auxquelles les États membres accordent des droits spéciaux ou exclusifs ° Système national de distribution des tabacs manufacturés ° Délivrance aux détaillants des autorisations d' exploitation confiée à une entreprise investie de droits exclusifs ° Position dominante ° Absence d' exploitation abusive ° Admissibilité
(Traité CEE, art. 5, 86 et 90, § 1)
5. Libre circulation des marchandises ° Restrictions quantitatives ° Mesures d' effet équivalent ° Système national de distribution des tabacs manufacturés ° Régime de sanction de la détention de produits obtenus en dehors du circuit autorisé et sans paiement de l' accise ° Inapplicabilité du droit communautaire
(Traité CEE, art. 30)
1. Il appartient aux seules juridictions nationales qui sont saisies du litige et qui doivent assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d' apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d' une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu' elles posent à la Cour. Cependant, il n' est pas possible de répondre à des questions ou parties de questions portant sur l' interprétation de dispositions dont la juridiction de renvoi n' explique pas quelles sont les hypothèses factuelles du litige qui la conduiraient à les appliquer et pour lesquelles la Cour n' est donc pas en mesure de fournir une interprétation utile.
2. L' article 37 du traité est sans pertinence au regard d' une législation nationale qui réserve la vente au détail des tabacs manufacturés à des distributeurs autorisés par la puissance publique, dès lors que cette dernière n' intervient pas dans la gestion des débits de tabac de façon à contrôler ou à influencer les choix d' approvisionnement effectués par les détaillants, soit pour assurer un débouché aux tabacs produits par le monopole national des tabacs, soit pour favoriser ou décourager certains courants d' importation en provenance d' autres États membres. Ne relèvent en effet pas de cet article des dispositions nationales qui ne concernent pas l' exercice, par un monopole public, de son droit d' exclusivité, mais visent, de manière générale, la production et la commercialisation de marchandises, que celles-ci relèvent ou non du monopole en question.
3. Une législation nationale qui réserve la vente au détail des tabacs manufacturés de toute provenance à des distributeurs autorisés, mais n' entrave pas de ce fait l' accès au marché national des produits en provenance d' autres États membres ou ne gêne pas cet accès davantage qu' elle ne gêne l' accès des produits nationaux au réseau de distribution, n' entre pas dans le domaine d' application de l' article 30 du traité, dans la mesure où celle-ci ne porte pas sur les caractéristiques des produits, mais concerne uniquement les modalités de leur vente au détail, et où l' obligation de passer par un réseau de détaillants autorisés s' applique sans distinction selon l' origine des produits et n' affecte pas différemment la commercialisation de ceux en provenance d' autres États membres et celle des produits nationaux.
4. Les articles 5, 90 et 86 du traité ne s' opposent pas à ce qu' une législation nationale réserve la vente au détail des tabacs manufacturés à des distributeurs autorisés par la puissance publique, dans la mesure où l' entreprise investie de droits exclusifs qui délivre les autorisations d' exploitation aux détaillants n' exploite pas abusivement, au préjudice notamment des consommateurs, la position dominante qu' elle peut détenir sur le marché de la distribution des produits en cause. En effet, le simple fait, pour un État membre, de créer une position dominante par l' octroi d' un droit exclusif au sens de l' article 90, paragraphe 1, du traité n' est pas, en tant que tel, incompatible avec l' article 86. Les interdictions contenues dans ces deux dispositions ne sont enfreintes que si l' entreprise en cause est amenée, par le simple exercice du droit exclusif qui lui a été conféré, à exploiter sa position dominante de façon abusive.
En ce qui concerne, par ailleurs, les détaillants autorisés, on ne saurait les considérer comme des entreprises titulaires des droits visés à l' article 90, paragraphe 1, ni, a fortiori, estimer que la législation en cause établit en leur faveur une juxtaposition de monopoles territorialement limités créant sur le territoire national une position dominante au sens de l' article 86 du traité, dès lors que ces détaillants satisfont concurremment aux besoins des consommateurs sans disposer d' avantages particuliers les uns par rapport aux autres.
5. L' article 30 du traité ne s' oppose pas à ce qu' une législation nationale sanctionne comme un délit de contrebande la détention illégale, par un consommateur, de tabacs manufacturés provenant d' autres États membres et pour lesquels n' a pas été acquittée l' accise conforme au droit communautaire, alors que la vente au détail de ces produits est, comme celle des produits nationaux du même type, réservée à des distributeurs autorisés par la puissance publique.
En effet, la sévérité de telles sanctions échappe à toute appréciation en droit communautaire, dans la mesure où celles-ci n' entravent nullement l' importation de tabacs manufacturés d' autres États membres, mais tendent seulement à dissuader le consommateur de s' approvisionner en tabacs, pour lesquels n' ont pas été acquittées les taxes prémentionnées, par l' intermédiaire de revendeurs non autorisés, opérant eux-mêmes en infraction à la législation en cause.