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Document 61993CJ0009
Sommaire de l'arrêt
Sommaire de l'arrêt
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1. Libre circulation des marchandises - Propriété industrielle et commerciale - Droit de marque - Droit pour le titulaire de s' opposer à l' utilisation illicite de sa marque - Produits concernés - Produits identiques et similaires - Risque de confusion - Détermination par le droit national
(Traité CEE, art. 36)
2. Libre circulation des marchandises - Propriété industrielle et commerciale - Droit de marque - Caractère territorial des titres nationaux - Conséquence - Détermination des conditions de la protection par l' État appelé à l' assurer - Principe reconnu par le droit international conventionnel et admis par le traité CEE
(Traité CEE, art. 36)
3. Libre circulation des marchandises - Propriété industrielle et commerciale - Droit de marque - Indépendance des titres nationaux - Conséquence - Possibilité de céder la marque pour un ou plusieurs États seulement - Principe consacré par le droit international conventionnel
4. Libre circulation des marchandises - Propriété industrielle et commerciale - Droit de marque - Produit mis en circulation dans un État membre par le titulaire ou avec son consentement - Importation dans un autre État membre - Opposition du titulaire - Inadmissibilité - Cession d' une marque à une entreprise indépendante du cédant et limitée à un ou plusieurs États membres - Droit pour le cédant de s' opposer à l' utilisation de la marque par le cessionnaire dans un État membre non visé par la cession - Admissibilité
(Traité CEE, art. 30 et 36)
5. Libre circulation des marchandises - Propriété industrielle et commerciale - Droit de marque - Cession volontaire de la marque - Perte du pouvoir de contrôle sur les produits revêtus de la marque - Consentement n' engendrant pas l' épuisement du droit
6. Libre circulation des marchandises - Propriété industrielle et commerciale - Droit de marque - Droit unitaire du type de la loi uniforme Benelux - Cession d' une marque à une entreprise indépendante du cédant et limitée à une partie du territoire couvert par la marque - Interdiction - Marque communautaire - Opposition à la cession de marques nationales limitée à certains États membres - Absence
(Règlement du Conseil n 40/94)
7. Concurrence - Ententes - Accords entre entreprises - Accord de cession de marques visant à un partage des marchés - Applicabilité de l' article 85 du traité
(Traité CEE, art. 85)
1. Le droit d' interdiction découlant d' une marque vise à protéger son titulaire contre les manoeuvres de tiers qui cherchent à tirer parti de la réputation attachée à la marque en créant un risque de confusion dans l' esprit des consommateurs. Il ne couvre pas seulement les produits pour lesquels la marque a été acquise, mais aussi des produits différents de ceux-ci, dès lors que les produits en cause présentent des liens suffisamment étroits pour que, dans l' esprit des utilisateurs qui y voient apposé le même signe, la conclusion s' impose qu' ils proviennent de la même entreprise. A cet égard, en l' absence d' un rapprochement des législations dans le cadre de la Communauté, la détermination des critères permettant de conclure à l' existence d' un risque de confusion - dont le droit communautaire n' impose pas une interprétation stricte - continue à relever du droit national, sous réserve des limites énoncées par la deuxième phrase de l' article 36 du traité.
2. Les titres nationaux en matière de marques ont un caractère territorialinéa C' est pourquoi c' est le droit de l' État où la protection d' une marque est demandée qui détermine les conditions de cette protection. Le principe de territorialité du droit des marques, reconnu par le droit international conventionnel, est également admis par le traité CEE. En tolérant certaines restrictions à l' importation fondées sur des raisons de protection de la propriété intellectuelle, l' article 36 du traité présuppose en effet que les actes portant sur le produit importé, qui ont été accomplis sur le territoire de l' État d' importation, relèvent de la législation de celui-ci.
3. En vertu du principe d' indépendance des marques, consacré par les articles 6, paragraphe 3, et 6 quater de la convention d' Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle, du 20 mars 1883, et par l' article 9 ter, deuxième alinéa, de l' arrangement de Madrid concernant l' enregistrement international des marques du 18 avril 1891, un droit de marque peut être cédé pour un pays sans avoir à être cédé simultanément pour les autres pays. Les droits unitaires, qui érigent le territoire de plusieurs États en un territoire unique du point de vue du droit des marques, tels que la loi uniforme Benelux sur les marques de produits et de services ou le règlement sur la marque communautaire frappent, certes, de nullité la cession de marque opérée pour une partie seulement du territoire qu' ils régissent. Toutefois, pas plus que les législations nationales, ces droits unitaires ne subordonnent la validité de la cession de marque effectuée pour le territoire qu' ils régissent à la cession concomitante de la marque pour les territoires d' États tiers.
4. Les articles 30 et 36 du traité font obstacle à l' application de législations nationales qui donnent au titulaire de la marque dans l' État d' importation le droit de s' opposer à la commercialisation de produits qui ont été mis en circulation dans l' État d' exportation par lui-même ou avec son consentement. Ce principe, dit de l' épuisement, joue lorsque le titulaire de la marque dans l' État d' importation et le titulaire de la marque dans l' État d' exportation sont identiques ou lorsqu' ils sont liés économiquement. En effet, dans ces hypothèses, un contrôle de qualité peut être opéré par une entreprise unique et la fonction d' identification d' origine de la marque n' est nullement remise en cause par la liberté des importations.
En revanche, lorsqu' une marque a été transférée, pour un ou plusieurs des États seulement dans lesquels elle avait été déposée, à une entreprise qui ne présente aucun lien économique avec le cédant, les articles 30 et 36 du traité ne font pas obstacle à l' application de la législation nationale qui permet au cédant de s' opposer dans l' État où il a conservé la marque à la commercialisation par le cessionnaire de produits revêtus de sa marque.
5. Le consentement qu' implique une cession volontaire d' un droit de marque n' est pas celui qui est exigé pour que joue l' épuisement du droit. Il faut pour cela que le titulaire du droit dans l' État d' importation ait, directement ou indirectement, le pouvoir de déterminer les produits sur lesquels la marque peut être apposée dans l' État d' exportation et d' en contrôler la qualité. Or, ce pouvoir disparaît lorsque la maîtrise de la marque est volontairement cédée à un tiers sans lien économique avec le cédant. Cette situation doit donc être nettement distinguée du cas où les produits importés proviennent d' un licencié. Contrairement au cédant, le donneur de licence a, en effet, la possibilité de contrôler la qualité des produits du licencié en insérant dans le contrat des clauses qui obligent le licencié à respecter ses instructions et lui donnent la faculté de s' assurer de leur respect.
6. Partant de l' idée qu' une cession d' une marque pour une partie seulement du territoire à un cessionnaire n' ayant aucun lien avec le cédant conduirait à la constitution de sources distinctes à l' intérieur du même territoire et que, pour sauvegarder la fonction de la marque, il faudrait alors admettre que puisse être interdite l' exportation des produits du cessionnaire vers le territoire du cédant et inversement, les droits unitaires, tels que la loi uniforme Benelux sur les marques de produits et de services, frappent de nullité les cessions qui sont effectuées pour une partie seulement du territoire couvert par les titres qu' ils instituent afin d' éviter la création de ces obstacles à la libre circulation des marchandises. Par la limitation ainsi apportée au droit de disposer de la marque, ces droits unitaires garantissent l' unicité de titulaire sur l' ensemble du territoire auxquels ils s' appliquent et assurent la libre circulation du produit. Si le règlement sur la marque communautaire crée lui aussi un titre à caractère unitaire, celui-ci ne se substitue cependant pas aux titres nationaux mais s' y superpose. L' article 8 du règlement, qui permet au titulaire d' une marque dans un seul État de s' opposer à l' enregistrement d' une marque communautaire par le titulaire de titres nationaux pour des produits identiques ou similaires dans tous les autres États membres, ne peut être interprété comme s' opposant à la cession de marques nationales limitée à certains États de la Communauté.
7. Lorsque des entreprises indépendantes l' une de l' autre procèdent à des cessions de marque à la suite d' une entente de partage des marchés, l' interdiction des accords anticoncurrentiels édictée par l' article 85 du traité est susceptible de s' appliquer, avec pour conséquence la nullité des cessions qui sont l' instrument d' une entente. Une cession de marque ne peut cependant être qualifiée d' instrument d' un accord interdit par l' article 85 du traité qu' après une analyse du contexte, des engagements sous-jacents à la cession, de l' intention des parties et de la contrepartie promise.