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Document 62012CO0110

Ordonnance du président de la Cour du 19 juillet 2012.
Tarif Akhras contre Conseil de l'Union européenne.
Pourvoi - Référé - Mesures restrictives à l’encontre de la Syrie - Gel de fonds et de ressources économiques - Demande de sursis à exécution et de mesures provisoires - Défaut d’urgence - Absence de préjudice grave et irréparable.
Affaire C-110/12 P(R).

Recueil de jurisprudence 2012 -00000

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2012:507

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA COUR

19 juillet 2012 (*)

«Pourvoi – Référé – Mesures restrictives à l’encontre de la Syrie – Gel de fonds et de ressources économiques – Demande de sursis à exécution et de mesures provisoires – Défaut d’urgence – Absence de préjudice grave et irréparable»

Dans l’affaire C‑110/12 P(R),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 24 février 2012,

Tarif Akhras, demeurant à Homs (Syrie), représenté par M. S. Ashley, solicitor,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bishop et Mme M.-M. Joséphidès, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR,

le premier avocat général, M. J. Mazák, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, M. Akhras demande l’annulation de l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne du 12 décembre 2011, Akhras/Conseil (T‑579/11 R, ci-après l’«ordonnance attaquée»), par laquelle celui-ci a rejeté sa demande de mesures provisoires et de sursis à l’exécution de la décision 2011/522/PESC du Conseil, du 2 septembre 2011, modifiant la décision 2011/273/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO L 228, p. 16), du règlement (UE) n° 878/2011 du Conseil, du 2 septembre 2011, modifiant le règlement (UE) n° 442/2011 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO L 228, p. 1), de la décision 2011/628/PESC du Conseil, du 23 septembre 2011, modifiant la décision 2011/273/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO L 247, p. 17), et du règlement (UE) n° 1011/2011 du Conseil, du 13 octobre 2011, modifiant le règlement (UE) n° 442/2011 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO L 269, p. 18) (ci-après, ensemble, les «actes contestés»), en tant que ces actes le concernent.

 Le cadre juridique, les faits à l’origine du litige et la procédure devant le juge des référés

2        Le cadre juridique et les faits à l’origine du litige ont été résumés aux points 1 à 9 de l’ordonnance attaquée dans les termes suivants:

«1      Le requérant, M. Tarif Akhras, est un citoyen syrien et un homme d’affaires. Sa résidence légale se trouve à Homs (Syrie). Après être devenus la cible d’agressions et de menaces de mort, le requérant et les membres de sa famille ont quitté Homs, le 10 octobre 2011, pour se réfugier d’abord à Damas (Syrie), puis en dehors de la Syrie. Pour des raisons de sécurité, leur lieu de séjour actuel est gardé secret.

2      Condamnant fermement la répression violente des manifestations pacifiques en divers endroits dans toute la Syrie et lançant un appel aux autorités syriennes pour qu’elles s’abstiennent de recourir à la répression, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 9 mai 2011, la décision 2011/273/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO L 121, p. 11). Compte tenu de la gravité de la situation, il a institué un embargo sur les armes, une interdiction des exportations de matériel susceptible d’être utilisé à des fins de répression interne, des restrictions à l’admission dans l’Union européenne ainsi qu’un gel des fonds de certaines personnes et entités responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne.

3      Les noms des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie ainsi que ceux des personnes (physiques ou morales) et des entités qui leur sont liées, sont mentionnés dans l’annexe de la décision 2011/273 [...]. En vertu de l’article 5 de cette décision, le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, peut modifier ladite annexe.

4      Parmi les treize noms mentionnés dans l’annexe de la décision 2011/273, ne figure pas celui du requérant.

5      Étant donné que certaines des mesures restrictives prises à l’encontre de la Syrie entrent dans le champ d’application du traité FUE, le Conseil a adopté le règlement (UE) nº 442/2011 du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO L 121, p. 1). Ce règlement est, pour l’essentiel, identique à la décision 2011/273, mais il prévoit des possibilités de déblocage des fonds gelés. L’annexe II dudit règlement – qui comprend une liste de noms de personnes, d’entités et d’organismes reconnus comme étant soit responsables de la répression en cause, soit associés auxdits responsables – est identique à celle figurant dans l’annexe de la décision 2011/273. Parmi les treize noms mentionnés dans l’annexe II de ce règlement, ne figure pas celui du requérant. En vertu de l’article 14, paragraphes 1 et 4, du règlement en question, lorsque le Conseil décide d’appliquer à une personne, à une entité ou à un organisme les mesures restrictives visées, il modifie l’annexe II en conséquence et examine, par ailleurs, la liste y figurant à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois.

6      Par décision 2011/522 [...], le Conseil a modifié la décision 2011/273 en vue, notamment, d’appliquer les mesures restrictives en cause à d’autres personnes et entités profitant du régime ou appuyant celui-ci, en particulier aux personnes et aux entités qui financent le régime ou qui lui apportent un soutien logistique. Par conséquent, le champ d’application de la décision 2011/273 a été étendu aux ‘personnes bénéficiant des politiques menées par le régime ou soutenant celui-ci, et [aux] personnes qui leur sont liées, dont la liste figure à l’annexe’. En vertu de l’article 2 de la décision 2011/522, les noms de quatre personnes physiques et de trois entités, ‘énumérées à l’annexe de [cette] décision’, ont été ajoutés à la liste figurant dans l’annexe de la décision 2011/273. Parmi ces noms, se trouve celui du requérant, avec la mention ‘date d’inscription: 2.09.2011’ et les ‘motifs’ suivants:

‘Fondateur du groupe Akhras (matières premières, commerce, transformation et logistique), Homs. Apporte un soutien économique au régime syrien.’

7      Par règlement [...] nº 878/2011 [...], le Conseil a modifié le règlement nº 442/2011 en étendant l’annexe II de ce dernier règlement à ‘des personnes et entités bénéficiant de l’appui du régime ou le soutenant, ou des personnes et entités qui leur sont associées’. En vertu de l’article 2 du règlement nº 878/2011, l’annexe II du règlement nº 442/2011 est modifiée conformément à l’annexe I du règlement nº 878/2011, cette dernière annexe comportant le nom du requérant et indiquant la même date d’inscription et les mêmes ‘motifs’ que ceux repris dans la décision 2011/522.

8      Le 23 septembre 2011, le Conseil a adopté la décision 2011/628 [...] et, le 13 octobre 2011, il a adopté le règlement [...] nº 1011/2011 [...]. Conformément au considérant 6, à l’article 3 et à l’annexe II de la décision 2011/628 ainsi qu’à l’article 2 du règlement nº 1011/2011, les informations relatives au requérant figurant dans l’annexe de la décision 2011/273 et l’annexe II du règlement nº 442/2011 ont été mises à jour comme suit:

‘Nom: Tarif Akhras;

Informations d’identification: Date de naissance: 1949; lieu de naissance: Homs, Syrie;

Motifs: Fondateur du groupe Akhras (matières premières, commerce, transformation et logistique), Homs. Apporte un soutien économique au régime syrien;

Date d’inscription: 2.9.2011’.

9      Estimant que le Conseil l’avait soumis à tort aux mesures restrictives instaurées par les [actes contestés] et lui avait fait le reproche erroné d’apporter un soutien économique au régime syrien, le requérant s’est adressé, par lettres des 12, 18, 19 et 24 octobre 2011, au Conseil en lui demandant de lui fournir une motivation spécifique et concrète de ce reproche et de suspendre les mesures restrictives à son égard. Ces lettres sont restées sans réponse de la part du Conseil.»

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 novembre 2011, le requérant a introduit un recours visant à obtenir l’annulation des actes contestés, dans la mesure où ils le concernent.

4        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, il a introduit une demande en référé, en sollicitant au président du Tribunal:

–        de surseoir à l’exécution des actes contestés en ce qui le concerne jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur cette demande en référé ou, en tout état de cause, jusqu’à ce que le Tribunal se soit prononcé sur le recours principal et

–        d’ordonner au Conseil de rendre public, au moyen d’un communiqué de presse et d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne, le sursis à l’exécution des actes contestés, et ce dans les 24 heures suivant la signification de l’ordonnance du Tribunal. 

5        Dans ses observations écrites, le Conseil a demandé au juge des référés de rejeter ladite demande en référé.

 L’ordonnance attaquée

6        Par l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a d’abord examiné si la condition relative à l’urgence était remplie.

7        Il a rappelé, à titre liminaire, que les actes contestés ont été adoptés en vue de faire pression sur les autorités syriennes pour qu’elles s’abstiennent de recourir à la répression violente des manifestations en Syrie et que c’est dans ce cadre que le Conseil a pris, notamment, des mesures restrictives, de nature économique et financière, contre des personnes et des entités profitant du régime ou appuyant celui-ci.

8        Le président du Tribunal a ensuite constaté que la demande en référé n’était pourtant pas fondée sur l’impact négatif que les actes contestés risqueraient d’avoir sur les activités économiques et financières du requérant, en raison du gel de ses fonds et de ses ressources économiques, celui-ci se limitant, pour justifier l’urgence de sa demande, à invoquer la menace imminente, provoquée par ces actes, qui pèserait sur sa vie et sa sécurité personnelle ainsi que sur celles de sa famille.

9        En effet, selon les affirmations du requérant, l’allégation, contenue dans les actes contestés, d’après laquelle il apportait un soutien économique au régime syrien s’est propagée à travers toute la Syrie, notamment à Homs, et a incité les opposants au régime syrien à perpétrer des violences graves sur sa personne et sur des membres de sa famille.

10      Après avoir examiné les différents éléments de preuve apportés par le requérant, notamment à la lumière des circonstances prévalant depuis un certain temps en Syrie, caractérisées par des émeutes de plus en plus violentes s’apparentant à une guerre civile, le président du Tribunal a conclu que le requérant n’avait pas suffisamment étayé, par des éléments de preuve, ses affirmations relatives à la survenance des agressions dirigées contre lui et sa famille en Syrie à la suite de la publication des actes contestés. Il n’aurait notamment pas établi que ces actes constituaient la cause déterminante desdites agressions et, partant, constituaient la cause déterminante du risque de nouvelles agressions qu’il invoque.

11      Le président du Tribunal a ajouté que la conclusion selon laquelle, à défaut d’urgence, il n’apparaissait pas justifié d’accorder en l’espèce les mesures provisoires sollicitées n’était pas infirmée par la circonstance que la condition relative au fumus boni juris apparaissait remplie. Il a précisé, à cet égard, que la condition relative à l’urgence et celle relative au fumus boni juris sont cumulatives, de sorte qu’une demande en référé doit être rejetée dès lors que l’une d’elles fait défaut, compte tenu du caractère strictement exceptionnel de l’octroi d’une mesure provisoire par le juge des référés.

12      En se référant au point 58 de l’arrêt du Tribunal du 8 juin 2011, Bamba/Conseil (T‑86/11, non encore publié au Recueil), le président du Tribunal a rappelé, par ailleurs, que l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne dispose que les décisions du Tribunal annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai de pourvoi ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci par la Cour. En outre, au point 59 de ce même arrêt, le Tribunal aurait aligné, pour des raisons de sécurité juridique, la date d’effet de l’annulation de la décision attaquée sur celle relative au règlement attaqué, ces deux actes infligeant à M. Bamba des mesures identiques.

13      Selon le président du Tribunal, il s’ensuivait que même une annulation des actes contestés au terme de la procédure principale n’aurait pas pour effet immédiat et automatique la suppression du nom du requérant figurant dans lesdits actes, notamment dans l’hypothèse où le Conseil introduirait un pourvoi contre l’arrêt d’annulation. Dans les circonstances particulières de ce contentieux spécifique, régi par l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour, et compte tenu du caractère accessoire de la procédure de référé par rapport à la procédure principale, l’existence d’un certain fumus boni juris ne justifierait donc pas, en tant que telle, l’octroi des mesures provisoires demandées.

14      Pour toutes ces raisons, le président du Tribunal a rejeté la demande en référé.

 Les conclusions des parties

15      Le requérant conclut à ce que la Cour annule l’ordonnance attaquée, lui accorde les mesures provisoires sollicitées dans la demande en référé et condamne le Conseil aux dépens.

16      Dans ses observations, déposées le 22 mars 2012, le Conseil conclut à ce que la Cour rejette le pourvoi et condamne le requérant aux dépens.

 Sur le pourvoi

17      À l’appui de son pourvoi, le requérant invoque trois moyens tirés respectivement:

–        d’une erreur de droit dans l’appréciation de la condition du fumus boni juris, notamment par rapport à l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour;

–        d’une erreur de droit dans l’appréciation des éléments de preuve relatifs au préjudice irréparable subi par le requérant, et

–        d’une violation de ses droits procéduraux.

 Sur le premier moyen

18      Le requérant soutient, par le premier moyen, que le président du Tribunal a commis une erreur de droit en déclarant que, malgré le fait que les moyens de fait et de droit invoqués par lui semblaient, à première vue, sérieusement fondés, l’octroi des mesures provisoires n’était pas justifié en raison des effets de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour. Le président du Tribunal aurait considéré que cette disposition avait pour effet de maintenir l’inscription du requérant dans les actes contestés tant qu’un pourvoi formé contre un arrêt d’annulation du Tribunal ne serait pas rejeté par la Cour.

19      Or, le requérant fait valoir que la désignation d’une personne physique ou morale dans le cadre d’un règlement imposant des mesures restrictives constitue en réalité une décision prise sous la forme d’un règlement et non un règlement en tant que tel, de sorte que l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour n’a pas vocation à s’appliquer.

20      Selon le requérant, les mesures provisoires visant à suspendre des mesures restrictives telles que celles infligées à son encontre doivent être accordées prima facie, lorsque les moyens de fait et de droit invoqués par la partie sollicitant ces mesures provisoires apparaissent comme sérieusement fondés, à moins que des considérations impérieuses ne s’y opposent. Ainsi, il serait possible de concilier le délai nécessaire pour statuer sur la validité de la désignation en cause, l’importance et la gravité de l’affaire pour la personne concernée ainsi que la nécessité, confirmée à l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de statuer dans un délai raisonnable.

21      À cet égard, il convient de rappeler que le sursis à exécution et les mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

22      Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnances du président de la Cour SCK et FNK/Commission, précitée, point 30, ainsi que du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), point 23].

23      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, ainsi que Vischim/Commission, précitée, point 25].

24      En l’espèce, le président du Tribunal a examiné en premier lieu si la condition relative à l’urgence était remplie et il a constaté que tel n’était pas le cas.

25      Ensuite, en évoquant la jurisprudence mentionnée dans la présente ordonnance, il a précisé, à bon droit, que l’existence d’un certain fumus boni juris n’était pas de nature à infirmer la conclusion que l’octroi de mesures provisoires n’était pas possible en l’espèce, étant donné que l’urgence faisait défaut.

26      En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, si le caractère plus ou moins sérieux du fumus boni juris n’est pas sans influence sur l’appréciation de l’urgence (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 110), il n’en reste pas moins qu’il s’agit, conformément aux dispositions de l’article 83, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, de deux conditions distinctes qui président à l’obtention d’un sursis à exécution, de sorte que le requérant demeure tenu de démontrer l’imminence d’un préjudice grave et irréparable (ordonnance du président de la Cour du 31 janvier 2011, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P-R, point 27).

27      C’est dans ce contexte que le président du Tribunal a développé, à titre surabondant, des considérations liées à l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour, en vertu duquel les décisions du Tribunal annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai prévu pour l’introduction d’un pourvoi ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci.

28      Le président du Tribunal a considéré, en substance, que, dans la mesure où, dans une affaire semblable à la présente affaire, les effets d’un règlement annulé par arrêt du Tribunal ont été maintenus, par référence à l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour, au moins jusqu’à l’éventuelle introduction d’un pourvoi, de sorte que l’annulation du règlement même au terme de la procédure principale n’a pas eu pour effet immédiat et automatique la suppression du nom d’une personne figurant dans les actes en cause dans cette affaire semblable, il ne saurait être admis que, en l’espèce, le requérant puisse obtenir la suppression de son nom au stade de la procédure provisoire et accessoire de référé, sur la seule base d’un certain fumus boni juris.

29      Or, à supposer même que, ainsi que le soutient le requérant avec des arguments qui n’apparaissent pas dénués de fondement, l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour ne trouve pas à s’appliquer dans le cas de règlements tels que ceux attaqués dans l’affaire principale par le requérant, il n’en demeure pas moins que l’octroi des mesures provisoires en l’espèce a été refusé non pas en raison des effets de ladite disposition du statut de la Cour, mais, ainsi qu’il ressort des points 24 et 25 de la présente ordonnance, en raison du fait que la condition relative à l’urgence n’était pas remplie.

30      Dans ces conditions, le premier moyen est inopérant et doit donc être rejeté.

 Sur le deuxième moyen

31      Par le deuxième moyen, qui comporte en substance sept branches, le requérant fait valoir que le président du Tribunal a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des éléments de preuve. En particulier, il n’aurait pas accordé suffisamment d’importance aux éléments de preuve produits par le requérant, aurait exigé un niveau de preuve trop élevé et serait parvenu à des conclusions qu’il ne pouvait pas formuler au regard des éléments de preuve produits.

32      Par les deuxième et septième branches du deuxième moyen, qu’il convient d’examiner en premier lieu, le requérant fait valoir, d’une part, que le président du Tribunal n’a pas pris dûment ni équitablement en compte les éléments de preuve établissant que les agressions physiques perpétrées à l’encontre de lui-même et de sa famille n’ont eu lieu qu’après sa désignation par le Conseil et en sont donc la conséquence et, d’autre part, que le président du Tribunal a omis de prendre en considération et d’apprécier à leur juste valeur les éléments de preuve établissant qu’il n’était pas considéré comme un partisan du régime.

33      À cet égard, il convient de relever qu’il résulte des articles 256 TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. Lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal [voir, notamment, arrêt du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C‑90/09 P, non encore publié au Recueil, point 71 et jurisprudence citée, ainsi que ordonnance du président de la Cour du 20 avril 2012, Fapricela/Commission, C‑507/11 P(R), point 30].

34      La Cour n’est donc pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement et que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêt General Química e.a./Commission, précité, point 72 et jurisprudence citée, ainsi que ordonnance Fapricela/Commission, précitée, point 31).

35      En l’espèce, il ressort de l’ordonnance attaquée, notamment des points 29 à 37 de celle-ci, que le président du Tribunal a examiné les éléments de preuve produits par le requérant et visant à établir, d’une part, que les agressions à l’encontre de lui-même et de sa famille n’ont eu lieu qu’après sa désignation par le Conseil et, d’autre part, qu’il n’était pas considéré comme un partisan du régime.

36      Par conséquent, dans la mesure où le requérant, sans invoquer une dénaturation, reproche au président du Tribunal de ne pas avoir pris dûment ni équitablement en compte des éléments de preuve ou d’avoir omis de prendre en considération et d’apprécier à leur juste valeur de tels éléments, les deuxième et septième branches du deuxième moyen ne concernent pas des questions de droit soumises au contrôle de la Cour et doivent donc être rejetées comme irrecevables.

37      Par les troisième à sixième branches du deuxième moyen, qu’il convient d’examiner en deuxième lieu, le requérant fait valoir, en substance, que le président du Tribunal a appliqué un niveau de preuve incorrect et qu’il lui a imposé une charge de la preuve trop élevée. À l’appui de son argumentation, le requérant se réfère à plusieurs passages de l’ordonnance attaquée.

38      Ainsi, dans le cadre de la troisième branche de ce moyen, le requérant renvoie a l’appréciation du président du Tribunal selon laquelle ce dernier ne pouvait raisonnablement exclure que les agressions commises contre lui-même et sa famille aient été perpétrées dans le contexte de la situation de quasi-guerre civile et d’anarchie qui règne depuis un certain temps en Syrie et qui est susceptible de favoriser la montée de la criminalité en général.

39      Dans le cadre de la quatrième branche du deuxième moyen, le requérant critique l’affirmation du président du Tribunal selon laquelle il apparaissait plausible que les agressions perpétrées contre lui-même et sa famille aient pour origine première et, partant, déterminante des dénonciations de celui-ci, en tant que soutien du régime syrien, émanant du cercle des adversaires de ce régime, dénonciations qui pouvaient avoir été parallèlement portées à la connaissance de l’Union.

40      Dans le cadre de la cinquième branche du deuxième moyen, le requérant se réfère à la conclusion du président du Tribunal selon laquelle celui-ci n’avait pas établi que, avant que son nom ne soit mentionné dans les actes contestés, il avait en réalité été le «contraire d’un partisan» du régime syrien et que sa stigmatisation, aux yeux des opposants à ce régime, ne pouvait donc provenir que de cette mention.

41      Enfin, dans le cadre de la sixième branche du deuxième moyen, le requérant critique l’appréciation du président du Tribunal selon laquelle, compte tenu de la position prééminente qu’il occupait en Syrie en tant qu’homme d’affaires prospère, président de la chambre de commerce de Homs, membre de la direction de la fédération des chambres de commerce syriennes et membre d’une famille liée par le mariage au régime syrien, il ne semblait pas surprenant qu’il ait été identifié et pris pour cible, par les adversaires du régime syrien et dans le contexte de quasi-guerre civile, comme une personne profitant de ce régime et appuyant celui-ci.

42      À cet égard, il convient de rappeler que, s’il n’est pas exigé une certitude absolue que le préjudice grave et irréparable se produira et s’il suffit d’une probabilité suffisante qu’il se réalise, il n’en reste pas moins que le requérant demeure tenu de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel préjudice (voir, notamment, ordonnances du président de la Cour du 20 juin 2003, Commission/Laboratoires Servier, C-156/03 P-R, Rec. p. I-6575, point 36, et Commission/Éditions Odile Jacob, précitée, point 30).

43      En outre, pour pouvoir apprécier si le préjudice allégué par le requérant présente effectivement un caractère grave, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des documents détaillés qui démontrent la situation du requérant et permettent d’examiner les conséquences précises qui résulteraient, vraisemblablement, de l’absence des mesures demandées. Le requérant est ainsi tenu de fournir, pièces à l’appui, des informations susceptibles d’établir une image fidèle et globale de la situation dont il prétend qu’elle justifie l’octroi de ces mesures [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 16 décembre 2010, Almamet/Commission, C‑373/10 P(R), point 24].

44      Il convient également d’ajouter que, ainsi que le président du Tribunal l’a relevé à bon droit, en cas de demande de sursis à l’exécution d’un acte, l’octroi de la mesure provisoire sollicitée n’est justifié que si l’acte en question constitue la cause déterminante du préjudice grave et irréparable allégué.

45      Dans ces conditions, il n’apparaît pas que le président du Tribunal ait fait autre chose que de rechercher si les faits qui sont censés fonder la perspective du préjudice prétendument subi par le requérant ont été prouvés ou encore si l’inscription du requérant sur les listes figurant dans les actes contestés constituait effectivement la cause déterminante du préjudice allégué par ce dernier.

46      En effet, les appréciations et les affirmations du président du Tribunal que le requérant critique font simplement état des doutes que le juge des référés nourrissait quant à la réalité des faits évoqués ou encore quant à la cause probable du préjudice allégué par le requérant.

47      En particulier, contrairement à ce que fait valoir le requérant, il n’a nullement été exigé de lui qu’il établisse que l’inscription de son nom sur les listes figurant dans les actes contestés était la seule explication possible des violences perpétrées à son encontre.

48      Il s’ensuit que les troisième à sixième branches du deuxième moyen ne sont pas fondées et doivent donc être rejetées.

49      Enfin, pour ce qui est de la première branche du deuxième moyen, qu’il convient d’examiner en dernier lieu, le requérant soutient que le président du Tribunal, en jugeant que ses affirmations reposaient essentiellement sur une déposition de témoin qu’il avait rédigée en personne, lui a reproché de manière erronée et déraisonnable de s’appuyer sur des éléments de preuve émanant de lui-même. En effet, les agressions ayant été commises contre le requérant et sa famille, il serait curieux que celui-ci ne puisse pas produire une attestation pour rapporter les éléments de preuve avec ses propres termes. En outre, dans la mesure où, selon le requérant, le président du Tribunal a reconnu que les agressions ont réellement été commises, le grief selon lequel le requérant a essentiellement invoqué la seule déposition de témoin qu’il a lui-même rédigée n’aurait dû avoir aucune incidence.

50      À cet égard, il suffit de relever que le président du Tribunal n’a pas considéré que le requérant ne pouvait pas produire des dépositions de témoin ou d’autres éléments de preuve émanant de lui-même. En revanche, il était loisible au président du Tribunal de considérer que de tels éléments de preuve étaient d’une force probante limitée et ne démontraient pas, à suffisance de droit, la réalité des circonstances alléguées par le requérant. 

51      En outre, contrairement à ce que prétend le requérant, le président du Tribunal a jugé que, si les rapports de la police syrienne et la déclaration faite devant cette police, présentés par le requérant, constituaient certes des éléments de nature à démontrer que les agressions qui y sont mentionnées avaient réellement été commises, il n’en demeurait pas moins qu’ils ne permettaient pas d’établir que ces agressions avaient été provoquées par la seule mention du nom du requérant dans les actes contestés. Par conséquent, le contenu des autres éléments de preuve, notamment de ceux émanant du requérant lui-même, n’était pas sans incidence.

52      La première branche du deuxième moyen doit donc être rejetée.

53      Eu égard aux considérations qui précèdent, le deuxième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen

54      Dans le cadre du troisième moyen, le requérant soutient que, compte tenu de l’importance accordée par le président du Tribunal à l’absence d’éléments de preuve concrets, ce dernier aurait dû lui permettre de répondre aux doutes qu’il avait, que ce soit au moyen de questions écrites ou dans le cadre d’une audience. En s’abstenant de procéder ainsi, le président du Tribunal aurait violé les droits de la défense, le droit à un procès équitable ainsi que le droit d’être entendu.

55      À cet égard, il convient de rappeler qu’une demande en référé doit permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur cette demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde devant ressortir du texte même de ladite demande [ordonnances du président de la Cour du 11 novembre 2011, Nencini/Parlement, C‑530/10 P(R), point 28, et Fapricela/Commission, précitée, point 52].

56      En outre, compte tenu de la célérité qui caractérise, de par sa nature, la procédure de référé, il peut raisonnablement être exigé de la partie qui sollicite des mesures provisoires de présenter, sauf cas exceptionnels, dès le stade de l’introduction de sa demande, tous les éléments de preuve disponibles à l’appui de celle-ci, afin que le juge des référés puisse apprécier, sur cette base, le bien-fondé de ladite demande (ordonnances précitées Nencini/Parlement, point 29, et Fapricela/Commission, point 53).

57      Il convient également de rappeler que, dans le cadre d’une demande en référé, il appartient au président du Tribunal d’apprécier la nécessité de tenir une audience et d’entendre les parties en leurs observations orales. Ce dernier doit jouir, à cet égard, d’une large marge d’appréciation [ordonnances du président de la Cour du 30 avril 2010, Ziegler/Commission, C‑113/09 P(R), point 30; du 14 décembre 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission, C‑446/10 P(R), point 72, et Fapricela/Commission, précitée, point 49].

58      En outre, selon l’article 105, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, le président de ce dernier apprécie s’il y a lieu d’ordonner l’ouverture d’une instruction.

59      Ainsi, à l’égard du fait que, dans certaines affaires, le président du Tribunal a utilisé la faculté dont il dispose de demander des observations écrites supplémentaires aux parties, alors que, dans d’autres affaires, il a refusé de le faire, il a été jugé que chaque affaire revêt ses propres particularités et complexités et que le juge des référés est seul compétent pour apprécier les mesures d’organisation de la procédure qu’il juge appropriées afin de se prononcer sur la demande en référé (ordonnance Fapricela/Commission, précitée, point 51).

60      Or, eu égard à la jurisprudence évoquée ci-dessus, il convient de constater qu’aucun élément avancé par le requérant ne permet de conclure que, en l’espèce, le président du Tribunal aurait outrepassé les limites de son pouvoir discrétionnaire.

61      D’une part, l’argument selon lequel le président du Tribunal aurait accordé une importance particulière à l’absence d’éléments de preuve concrets de la part du requérant ne suffit pas, en tant que tel, pour rendre indispensable l’ouverture d’une procédure orale ou la réponse écrite à des questions posées par le président du Tribunal. En effet, s’il en était autrement, le président du Tribunal serait pratiquement tenu, chaque fois qu’il aurait des doutes sur le caractère probant ou suffisant des éléments de preuve fournis à l’appui de l’urgence d’une demande en référé, d’inviter la partie requérante à répondre à ces doutes, ce qui serait manifestement incompatible tant avec la nature de la procédure en référé qu’avec le pouvoir discrétionnaire dont jouit le juge des référés dans le cadre de cette procédure.

62      D’autre part, pour ce qui est des arguments que le requérant tire des arrêts du 8 septembre 2009, Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International (C‑42/07, Rec. p. I‑7633, point 31), ainsi que du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a. (C‑89/08 P, Rec. p. I‑11245, point 56), il convient de constater que, contrairement à ce qui était respectivement le cas dans les affaires ayant donné lieu à ces arrêts, la présente affaire ne concerne ni un argument sur la base duquel l’affaire devrait être tranchée et qui n’aurait pas été débattu entre les parties ni un moyen de droit que le juge aurait relevé d’office, sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations sur ledit moyen.

63      Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que le président du Tribunal a violé les droits de la défense, le droit à un procès équitable ou le droit du requérant d’être entendu.

64      Par conséquent, le troisième moyen doit être rejeté.

65      Aucun des trois moyens invoqués par le requérant au soutien de son pourvoi n’étant susceptible de prospérer, il en résulte que celui-ci doit être rejeté.

 Sur les dépens

66      En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant conclu à la condamnation du requérant et ce dernier ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs, le président de la Cour ordonne:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      M. Akhras est condamné aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.

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