COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 17.10.2014
COM(2014) 635 final
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPÉEN
sur l’application de la directive 2004/81/CE relative au titre de séjour délivré aux ressortissants de pays tiers qui sont victimes de la traite des êtres humains ou ont fait l’objet d’une aide à l’immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités compétentes
{SWD(2014) 318 final}
1.INTRODUCTION
La lutte contre la traite des êtres humains consiste à prévenir et à combattre cette forme de criminalité tout en protégeant et en aidant les personnes qui en sont victimes. Dans le but de contribuer à ces objectifs et de renforcer la lutte contre l'immigration irrégulière, le Conseil a adopté la directive 2004/81/CE qui régit l'octroi d'un titre de séjour temporaire aux ressortissants de pays tiers qui sont victimes de la traite des êtres humains ou ont fait l'objet d'une aide à l'immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités compétentes à des fins d'enquête et de poursuites des trafiquants présumés.
Au cours des dix années qui se sont écoulées depuis l'adoption de cette directive, des mesures pertinentes ont été prises dans le cadre de la politique de l'Union européenne (UE) visant à lutter contre la traite des êtres humains. La présente communication dresse le bilan des progrès accomplis et donne une vue d'ensemble actualisée des principales questions juridiques et pratiques touchant à l'application de la directive 2004/81/CE.
Le 5 avril 2011 a été adoptée la directive 2011/36/UE concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène. Alors que la directive 2004/81/CE définit des règles spécifiques en ce qui concerne les conditions d'octroi de titres de séjour et le traitement accordé aux ressortissants de pays tiers qui coopèrent avec les autorités, la directive 2011/36/UE s'applique, en tant que cadre horizontal, à la fois aux citoyens de l'Union et aux ressortissants de pays tiers. Cette dernière directive renforce certaines dispositions contenues dans la directive 2004/81/CE, notamment en établissant un cadre renforcé en matière de protection et d'assistance aux enfants victimes. Aussi convient-il de lire ces deux actes législatifs conjointement. En outre, en 2012, la Commission a présenté la stratégie de l’UE en vue de l’éradication de la traite des êtres humains pour la période 20122016, dont le rapport d'évaluation à mi-parcours est soumis parallèlement à la présente communication.
Dans le premier rapport sur la mise en œuvre de la directive 2004/81/CE, de 2010, la Commission avait également mentionné plusieurs initiatives en cours visant à contribuer au renforcement des droits des victimes de la traite des êtres humains, lesquelles ont été dans l'intervalle menées à bien. Parmi ces initiatives peuvent être citées l'adoption, en 2012, d'une directive concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et l'achèvement, en juin 2013, du régime d'asile européen commun, établissant des normes communes et prévoyant une coopération accrue pour assurer un traitement équitable des demandeurs d'asile.
L'un des défis que soulignait le rapport de la Commission de 2010 résidait dans la disponibilité limitée de données comparables. Depuis lors, Eurostat a publié deux nouveaux documents de travail sur la traite des êtres humains. En outre, depuis 2010, huit consultations ad hoc relatives à la traite des êtres humains et une étude ciblée portant sur l'identification des victimes de la traite des êtres humains dans le cadre des procédures de protection internationale et de retour forcé ont été publiées par le réseau européen des migrations.
Il ressort des données chiffrées les plus récentes que, dans l'UE, 856 premiers titres de séjour ont été délivrés en 2013, contre 1 124 en 2012 et 1 194 en 2011. D'après le dernier document de travail d'Eurostat relatif à la traite des êtres humains, dans les 23 États membres (EM) qui ont pu fournir des données, 2 171 ressortissants de pays tiers ont été identifiés en tant que victimes ou victimes présumées de la traite en 2012, contre 2 002 en 2011. Dixneuf EM ont fourni des données, pour 2011 et 2012, sur le nombre de victimes ayant bénéficié d'un délai de réflexion, soit 1 110 victimes en 2012 et 1 011 victimes en 2011.
2.DÉFINITIONS ET CHAMP D’APPLICATION
Depuis l'entrée en vigueur de la directive 2011/36/UE, la définition pertinente de la «traite des êtres humains» aux fins de l'application de la directive 2004/81/CE est celle qui figure à l'article 2 de la directive 2011/36/UE.
Tous les EM sont tenus d'appliquer la directive 2004/81/CE à l'ensemble des ressortissants de pays tiers concernés, y compris en cas d'entrée irrégulière sur leur territoire.
Conformément à l'article 3, paragraphe 2, les EM peuvent décider de l'appliquer également aux personnes qui ont fait l'objet d'une aide à l'immigration clandestine, c'estàdire une aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers au sens de la directive 2002/90/CE. Dix EM ont fait usage de cette possibilité.
L'article 3, paragraphe 3, permet aux EM d'inclure les enfants dans le champ d'application de la directive, ce que tous les EM, sauf SK, ont fait. En LT, toutefois, la directive s'applique aux enfants sous réserve de certaines conditions.
3.IDENTIFICATION ET INFORMATION DES VICTIMES
Une identification précoce des victimes est cruciale pour l'application effective de la directive et pour permettre ainsi aux victimes d'être informées rapidement de leurs droits, d'engager un processus de rétablissement et de bénéficier d'un délai de réflexion avant de décider de coopérer ou non avec les autorités.
Conformément à l'article 5, «[l]orsque les autorités compétentes d'un EM estiment qu'un ressortissant d'un pays tiers peut relever du champ d'application de la [...] directive», elles sont tenues d'informer la personne concernée des possibilités offertes par celle-ci. Cette obligation d'information figure désormais également à l'article 11, paragraphe 6, de la directive 2011/36/UE, qui renvoie expressément à la directive 2004/81/CE.
L'interprétation du moment à partir duquel les autorités sont tenues d'informer une personne est également précisée par l'article 11, paragraphe 2, de la directive 2011/36/UE, qui fait obligation aux EM d'apporter aide et assistance aux victimes «dès que les autorités compétentes ont des motifs raisonnables» de croire qu'une personne pourrait être une victime.
Dix EM ont précisé dans leur législation le moment auquel les informations doivent être communiquées. Dans la législation de certains d'entre eux, il n'apparaît pas clairement que les informations soient également communiquées aux victimes présumées ou seulement une fois qu'elles ont été officiellement identifiées, ou au début de la procédure pénale. Dans certains EM, la législation prévoit des conditions supplémentaires, telles que, par exemple, la communication par la victime d'informations utiles sur l'infraction alléguée, ou l'information des seuls ressortissants de pays tiers «qui coopèrent avec les autorités», conditions qui pourraient soulever des réserves quant à la mise en œuvre correcte de la directive.
En RO, la législation ne précise pas quelle autorité devrait informer les personnes concernées, ni la teneur ou la forme des informations à communiquer. En AT, les informations semblent être communiquées dans la pratique, mais l'article 5 n'a pas été expressément transposé dans la législation nationale, si ce n'est au moyen de règles générales de droit administratif. En HR et en PL, la législation nationale n'exige pas clairement d'informer les personnes concernées sur toutes les possibilités offertes par la directive.
Le nombre relativement faible de titres de séjour délivrés démontre la nécessité d'améliorer encore l'identification des victimes de la traite des êtres humains, ainsi qu'il a été reconnu dans la stratégie de l’UE en vue de l’éradication de la traite des êtres humains. À ce jour, au moins 15 EM ont mis en place des mécanismes d'orientation nationaux et régionaux en faveur des victimes. En outre, l'article 11, paragraphe 4, de la directive 2011/36/UE fait obligation aux EM de «[prendre] les mesures nécessaires pour créer des mécanismes appropriés destinés à l’identification précoce des victimes et à l’assistance et à l’aide aux victimes».
Une minorité d'EM ont précisé dans leur législation la forme que doivent prendre les informations à communiquer. Dans la pratique, la plupart des pays communiquent les informations requises à la fois oralement et par écrit. Certains ont précisé dans leur législation que les informations doivent être communiquées dans une langue que la personne concernée comprend. Parmi les pratiques courantes peuvent être citées les brochures imprimées, les sites internet et les services d'assistance téléphonique spécialisés.
Enfin, dans certains EM, c'est la même autorité qui est chargée de l'identification formelle des victimes et de leur information, bien que ceci n'exclue pas la participation d'autres autorités. Dans bon nombre de cas, des informations sont également fournies par des organisations de la société civile.
4.
DÉLAI DE RÉFLEXION
Afin de pouvoir se rétablir et décider en connaissance de cause, les victimes doivent se voir accorder un délai de réflexion pendant lequel (et en attendant que les autorités compétentes se soient prononcées) elles ont droit à des mesures d'assistance et aucune décision d'éloignement ne peut être exécutée à leur égard.
Tous les EM ont transposé l'article 6 dans leur droit national, à l'exception d'AT et IT. Pour ces derniers, toutefois, ce délai semble être accordé dans la pratique ou remplacé par la possibilité de se voir délivrer immédiatement un titre de séjour, indépendamment d'une éventuelle coopération avec les autorités. La législation de la plupart des EM interdit expressément l'exécution des décisions d'éloignement.
De par sa nature et ses objectifs mêmes, l'octroi d'un délai de réflexion ne saurait être subordonné à l'intention de la victime de coopérer. Cette disposition est encore renforcée par le considérant 18 de la directive 2011/36/UE selon lequel l’assistance et l’aide doivent être fournies sans condition au moins pendant le délai de réflexion, y compris aux victimes qui ne résident pas légalement sur le territoire de l'EM concerné. Ce n'est qu'après l'achèvement du processus d'identification ou à l'expiration du délai de réflexion que l'EM concerné n'est plus obligé d'apporter une aide à une victime qui «est considérée comme ne remplissant pas les conditions pour l’obtention d’un titre de séjour ou n’a pas par ailleurs de résidence légale dans cet État membre, ou si la victime a quitté le territoire de cet État membre».
Ni le moment où le délai de réflexion devrait commencer à courir (au moment de la détection ou de l'identification officielle des victimes) ni sa durée ne sont spécifiés dans la directive, mais cette dernière oblige les EM à les préciser dans leur droit national. Dans la pratique, environ la moitié des EM n'accordent officiellement ce délai de réflexion qu'après identification formelle. Treize EM prévoient un délai de réflexion d'au moins 30 jours qui peut, dans certains cas, être prolongé pour des catégories de personnes vulnérables ou vu la situation personnelle de la victime, tandis que d'autres optent directement pour une durée plus longue de 45, 60 ou 90 jours. La durée maximale accordée varie considérablement d'un EM à l'autre, pouvant aller d'un mois sans possibilité de prolongation à plusieurs mois, voire être prolongée au cas par cas. Le type de titre de séjour délivré varie également dans une large mesure.
Enfin, les EM peuvent décider de mettre fin au délai de réflexion si la personne concernée a activement, volontairement et de sa propre initiative renoué un lien avec les auteurs des infractions, ou pour des raisons liées à l'ordre public et à la protection de la sécurité intérieure (article 6, paragraphe 4). La plupart des EM ont transposé cette disposition. Dans certains cas, les motifs permettant de mettre fin au délai de réflexion vont au-delà des critères définis dans la directive et peuvent être excessivement larges.
5.
TRAITEMENT ACCORDÉ AVANT LA DÉLIVRANCE DU TITRE DE SÉJOUR
L'article 7 concerne le traitement accordé aux victimes pendant le délai de réflexion et en attendant que l'autorité compétente se soit prononcée. Une lecture conjointe de cette disposition et de la directive 2011/36/UE permet d'en préciser la teneur.
Premièrement, la directive 2011/36/UE souligne que l’assistance et l’aide devraient être fournies à toutes les victimes sans condition pendant le délai de réflexion, quel que soit leur statut en matière de séjour. Cependant, après l’achèvement du processus d’identification ou l’expiration du délai de réflexion, ladite directive s'applique «sans préjudice de la directive 2004/81/CE ou de dispositions nationales similaires» (article 11, paragraphe 3). Par conséquent, si la victime est considérée comme ne remplissant pas les conditions pour l’obtention d’un titre de séjour ou n’a pas par ailleurs de résidence légale dans cet EM, ou si la victime a quitté le territoire de cet EM, ce dernier n’est pas obligé de continuer à lui apporter une assistance et une aide au titre de la directive 2011/36/UE (considérant 18).
Deuxièmement, en ce qui concerne le contenu de l'assistance, de l'aide et de la protection offertes aux victimes, les articles 11 à 16 de la directive 2011/36/UE renforcent les dispositions de la directive 2004/81/CE.
5.1
Conditions de vie susceptibles d'assurer la subsistance
Avant de délivrer un titre de séjour, les EM sont tenus de garantir aux victimes ne disposant pas de ressources suffisantes des conditions de vie susceptibles d'assurer leur subsistance, ainsi que l'accès aux soins médicaux d'urgence et la prise en compte des besoins particuliers des personnes les plus vulnérables, y compris, le cas échéant, en leur fournissant une assistance psychologique.
L'hébergement semble être assuré concrètement dans la plupart des EM, essentiellement par le recours à des installations spécifiques. Cependant, en HU, il est difficile d'établir si l'obligation faite aux victimes de produire un certificat, délivré sur demande par les autorités nationales, implique déjà un degré de coopération avant qu'une assistance et un hébergement puissent être offerts; en BG et en RO, la durée d'hébergement dans les centres est fixée à dix jours, soit une durée plus courte que le délai de réflexion, et peut être prolongée à la demande des victimes ou des autorités judiciaires.
Les soins médicaux exigés par l'article 7, paragraphe 1, qui dépassent souvent l'aide médicale d'urgence, semblent être fournis par tous les États membres. Concrètement, la plupart des EM semblent subvenir aux besoins particuliers des personnes les plus vulnérables, y compris en leur offrant une assistance psychologique et des services de conseil, bien que plusieurs d'entre eux n'aient pas explicitement transposé cette obligation dans leur droit national.
La plupart des EM accordent également une forme de soutien financier à l'ensemble des victimes ou aux plus vulnérables d'entre elles.
5.2
Besoins en matière de sécurité et de protection
Pour garantir la sécurité des victimes et l'efficacité de la coopération avec les autorités, il est crucial d'évaluer adéquatement les risques et les besoins (article 7, paragraphe 2). La plupart des EM ont adopté une législation explicite, des protocoles ou des lignes directrices concernant les besoins en matière de sécurité et de protection et/ou procèdent dans la pratique à une évaluation des risques et des besoins.
L'obligation de procéder à une appréciation individuelle des risques pour la victime et de la situation personnelle de celle-ci, énoncée dans la directive 2011/36/UE (article 12, paragraphes 3 et 4), vient renforcer la protection des victimes.
5.3
Traduction, interprétation et assistance juridique gratuite
L'article 7, paragraphe 3, fait obligation aux EM de fournir des services de traduction et d'interprétation aux ressortissants de pays tiers concernés, le cas échéant uniquement. En ce qui concerne la CZ, il n'apparaît pas clairement que l'interprétation y soit assurée gratuitement et qu'elle y soit proposée également avant la procédure pénale. En BG, la législation semble ne garantir l'offre de services d'interprétation et de traduction que pendant la procédure pénale.
Globalement, la plupart des EM prévoient des services de traduction ou d'interprétation mais la mise en œuvre pratique de ceux-ci varie considérablement et il peut s'avérer difficile pour les victimes d'y accéder, notamment en dehors du cadre de la procédure pénale.
La plupart des EM ont transposé l'article 7, paragraphe 4, qui prévoit, à titre facultatif, l'offre d'une assistance juridique gratuite. L'article 12 de la directive 2011/36/UE affermit cette obligation en instaurant la gratuité des conseils juridiques et, le cas échéant, de la représentation juridique si la victime est dépourvue de ressources financières suffisantes.
6.
TITRE DE SÉJOUR: DÉLIVRANCE, NON-RENOUVELLEMENT ET RETRAIT
Pour délivrer un titre de séjour, les EM doivent examiner trois conditions cumulatives, à savoir s'il est opportun de prolonger le séjour du ressortissant de pays tiers sur leur territoire aux fins de l'enquête ou de la procédure judiciaire, si l'intéressé manifeste une volonté claire de coopération avec les autorités compétentes, et s'il a rompu tout lien avec les auteurs présumés des faits. Ces conditions s'appliquent sans préjudice des raisons liées à l'ordre public et à la protection de la sécurité intérieure.
Dans quelques EM, la délivrance d'un titre de séjour à la victime est subordonnée à l'engagement de poursuites judiciaires à l'encontre de l'auteur présumé. La coopération avec les autorités fait aussi l'objet d'interprétations diverses allant de l'obligation de fournir des renseignements à celle de déposer une plainte officielle ou de témoigner au procès. Cependant, l'article 12 de la directive 2011/36/UE renforce davantage encore la protection des victimes en prévoyant des mesures explicites applicables aux personnes participant à une enquête ou à une procédure pénale, qui s'ajoutent aux garanties offertes par la directive 2012/29/UE relative aux droits des victimes de la criminalité.
Certains EM soit ne subordonnent pas la délivrance d'un titre de séjour à la coopération de la victime, soit autorisent des dérogations à l'obligation de coopération en raison de la situation personnelle de celle-ci. En revanche, d'autres ont fixé des conditions en sus de celles que prévoit la directive pour la délivrance d'un titre de séjour: par exemple, la production de pièces attestant un hébergement ou le paiement d'un droit. L'instauration d'obligations supplémentaires offrant une large marge d'appréciation aux autorités, surtout lorsqu'aucune dérogation n'est permise, pourrait entraver de manière injustifiée l'accès aux titres de séjour et, partant, soulever des doutes quant à la mise en œuvre correcte de la directive.
La directive fixe à six mois la durée de validité minimale du titre de séjour. Cette exigence n'est pas remplie dans la législation de BG, EE, HR, HU et NL. Dans trois EM, un titre de séjour d'un an est directement accordé par le droit national, tandis que dans d'autres, sa durée est fixée au cas par cas, en fonction de la longueur de la procédure ou de la situation personnelle de l'intéressé.
L'article 8 fait obligation aux EM de renouveler le titre de séjour si les conditions énoncées à l'article 8, paragraphe 2, continuent d'être remplies. Or cette possibilité de renouvellement n'est pas clairement énoncée dans la législation en vigueur en PL et semble facultative en LT. Dans certains EM, l'obtention d'un titre de séjour peut déboucher sur l'obtention du statut de résident permanent sous certaines conditions.
Enfin, l'article 14 dispose que le titre de séjour peut être retiré à tout moment si les conditions relatives à la délivrance ne sont plus remplies. Une minorité d'EM ont adopté une série plus large de motifs de retrait, y ajoutant par exemple des raisons de santé publique, qui s'appliquent souvent à tous les titres de séjour. Dans certains cas, le champ d'application de la directive pourrait s'en trouver outrepassé.
7.
TRAITEMENT ACCORDÉ APRÈS LA DÉLIVRANCE DU TITRE DE SÉJOUR
Conformément à l'article 9, après la délivrance du titre de séjour, les victimes qui ne disposent pas de ressources suffisantes doivent se voir garantir un traitement au moins équivalent à celui qui est prévu à l'article 7.
En outre, pendant la durée du titre de séjour, les victimes devraient avoir accès au marché du travail, à la formation professionnelle et à l'enseignement conformément aux règles fixées dans la législation nationale (article 11).
Cet accès semble accordé dans la grande majorité des EM bien que, dans certains cas, l'accès au marché du travail puisse présenter des difficultés.
L'article 12 assure aux victimes l'accès aux programmes dont l'objectif est leur retour à une vie sociale normale, y compris, par exemple, des cours conçus pour améliorer leurs compétences professionnelles. Dans les EM qui ont mis en place des programmes ciblés à l'intention des victimes, les parties prenantes expriment généralement des avis positifs à leur égard. En HR, la participation au programme d'assistance et de protection destiné aux victimes de la traite des êtres humains est une condition préalable à l'obtention d'un titre de séjour et à son renouvellement.
8.
TRAITEMENT ACCORDÉ AUX ENFANTS
Les EM qui appliquent la directive aux enfants doivent prendre leur intérêt supérieur en considération, doivent faire en sorte que les procédures leur soient adaptées et doivent leur donner accès à l'enseignement dans les mêmes conditions que les nationaux, cet accès pouvant être limité à l'enseignement public (article 10). Tous les EM offrent aux enfants un accès à l'enseignement.
Certains ont adopté des dispositions particulières sur le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, d'autres ont considéré que ce principe était déjà en vigueur dans leur droit national, notamment en raison de la ratification de la convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, et ont donc estimé inutile toute autre mesure législative. Or cette dernière option peut ne pas toujours suffire pour clarifier la portée de l'applicabilité de la convention en ce qui concerne les dispositions spécifiques de la directive. En tout état de cause, tous les EM sont tenus d'observer le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant lorsqu'ils appliquent le droit de l'Union.
L'article 10, point c), est consacré aux enfants non accompagnés et oblige les EM à assurer la représentation juridique de ceux-ci conformément au droit national, à établir leur identité, leur nationalité et leur statut de mineur non accompagné, ainsi qu'à retrouver le plus rapidement possible leur famille. Tous les EM n'ont pas explicitement instauré ces obligations dans leur ordre juridique interne. En septembre 2012, la Commission a adopté un rapport à miparcours relatif à la mise en œuvre du plan d'action pour les mineurs non accompagnés (20102014), adhérant au principe selon lequel l'intérêt supérieur de l'enfant l'emporte sur leur statut migratoire, qui a été salué par une résolution adoptée par le Parlement européen en septembre 2013.
Parmi les préoccupations exprimées quant à l'application pratique de l'article 10 figurent l'identification correcte de l'enfant, l'établissement de procédures appropriées tenant compte de son intérêt supérieur, notamment pour les mineurs non accompagnés, ainsi que les cas de fuite des services d'accueil. En revanche, de bonnes pratiques ont été adoptées en ce qui concerne les procédures particulières visant à protéger les enfants qui participent à une procédure pénale (par exemple, en FI et en IT).
Certains EM offrent des conditions plus favorables aux enfants, telles que des délais de réflexion plus longs, des titres de séjour sans condition ou des centres d'hébergement spécialement conçus pour eux.
Enfin, les articles 13 à 16 de la directive 2011/36/UE visent spécifiquement les enfants victimes, en prévoyant une assistance, une aide et une protection en leur faveur. La mise en œuvre de ces dispositions aura une incidence positive sur la situation des enfants ressortissants de pays tiers et sur la manière dont la directive 2004/81/CE leur est appliquée.
9.CONCLUSIONS
Bien que des progrès aient été observés ces dernières années en ce qui concerne la disponibilité des données relatives à l'application de la directive, il conviendrait de l'améliorer encore. Les chiffres disponibles permettent toutefois déjà de constater une sousutilisation de la possibilité de délivrer des titres de séjour aux ressortissants de pays tiers en contrepartie de leur coopération avec les autorités. La délivrance d'un titre de séjour temporaire, valide uniquement pendant l'enquête ou la procédure pénale, peut ne pas constituer une motivation suffisamment forte pour les personnes vulnérables; celles-ci ayant en effet besoin de temps pour se remettre d'une expérience traumatisante avant de pouvoir envisager une coopération avec les autorités répressives et judiciaires. Certains EM accordent déjà des titres de séjour sans condition à toutes les victimes ou à certaines d'entre elles, en raison de leur situation personnelle ou de leur vulnérabilité. Il s'agit cependant, dans la plupart des cas, de dérogations à un régime de délivrance de titres de séjour en échange d'une coopération, de sorte que les victimes ne peuvent savoir si elles obtiendront ou non un titre de séjour. En outre, on ne connaît ni la véritable fréquence de ces délivrances ni les éléments qui soustendent l'évaluation de la vulnérabilité et de la situation personnelle des victimes. Par ailleurs, une subordination moins stricte de la délivrance du titre de séjour à la coopération de l'intéressé, et l'octroi d'autres conditions plus favorables, comme la dissociation de la durée de validité du titre de séjour de la longueur de la procédure, ou l'allongement de la durée de validité minimale, pourraient contribuer au rétablissement des victimes et, partant, les inciter à coopérer.
Plusieurs dispositions de la directive 2004/81/CE étroitement liées à la directive 2011/36/UE et à la stratégie de l’UE en vue de l’éradication de la traite des êtres humains se trouveront renforcées, respectivement, par leur application et mise en œuvre. La prise d'effet de ces instruments entraîne ou entrainera prochainement la modification des législations nationales. Par conséquent, la Commission ne pourra évaluer pleinement la nécessité et la valeur ajoutée d'éventuelles lignes directrices pour l'application de la directive 2004/81/CE ou d'une modification de cette dernière qu'après avoir procédé à l'analyse de la transposition de la directive 2011/36/UE, prévue en 2015. La Commission examinera les moyens de consolider la législation de l'UE en matière de lutte contre la traite des êtres humains, notamment en ce qui concerne la délivrance de titres de séjour aux victimes ressortissantes de pays tiers.
Dans l'intervalle, la Commission entend avoir des échanges bilatéraux avec les EM en vue de parvenir à une transposition intégrale et correcte de la directive 2004/81/CE. Ce processus concourra également à la mise en œuvre des actions définies par la task-force pour la Méditerranée, créée en octobre 2013, afin de prévenir les décès de migrants en mer, notamment en accentuant la lutte contre la traite des êtres humains et le trafic de migrants.
Outre les mesure législatives, des mesures pratiques, telles que le renforcement des procédés d'identification, la réalisation d'une évaluation des risques pour chacune des victimes avant et pendant sa coopération, ou l'amélioration des procédures pour permettre l'octroi en temps opportun d'un délai de réflexion et d'un titre de séjour, influent sensiblement sur l'effectivité de l'application de la directive. Afin de lutter plus efficacement contre la traite des êtres humains, la Commission peut faciliter davantage d'échanges d'informations et de bonnes pratiques dans le cadre de structures existantes associant les EM, la société civile, les agences de l'UE et les organisations internationales concernées.