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Document 62012CJ0070

    Arrêt de la Cour (septième chambre) du 30 mai 2013.
    Quinn Barlo Ltd e.a. contre Commission européenne.
    Pourvoi – Ententes – Marché européen des méthacrylates – Durée de l’infraction – Présomption d’innocence – Motivation – Pouvoirs de pleine juridiction – Principes généraux de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement – Proportionnalité de l’amende.
    Affaire C‑70/12 P.

    Recueil de jurisprudence 2013 -00000

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2013:351

    ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

    30 mai 2013 (*)

    «Pourvoi – Ententes – Marché européen des méthacrylates – Durée de l’infraction – Présomption d’innocence – Motivation – Pouvoirs de pleine juridiction – Principes généraux de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement – Proportionnalité de l’amende»

    Dans l’affaire C‑70/12 P,

    ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 9 février 2012,

    Quinn Barlo Ltd, établie à Ballyconnell (Irlande),

    Quinn Plastics NV, établie à Geel (Belgique),

    Quinn Plastics GmbH, établie à Mayence (Allemagne),

    représentées par Mes F. Wijckmans et M. Visser, advocaten,

    parties requérantes,

    l’autre partie à la procédure étant:

    Commission européenne, représentée par MM. N. Khan et V. Bottka, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg, 

    partie défenderesse en première instance,

    LA COUR (septième chambre),

    composée de M. G. Arestis, président de chambre, MM. A. Arabadjiev et J. L. da Cruz Vilaça (rapporteur), juges,

    avocat général: M. M. Wathelet,

    greffier: M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1        Par leur pourvoi, Quinn Barlo Ltd, Quinn Plastics NV et Quinn Plastics GmbH demandent l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 30 novembre 2011, Quinn Barlo e.a./Commission (T-208/06, non encore publié au Recueil, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel ce dernier a rejeté partiellement leur recours tendant à obtenir, à titre principal, l’annulation des articles 1er et 2 de la décision C(2006) 2098 final de la Commission, du 31 mai 2006, relative à une procédure d’application de l’article [81 CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/F/38.645 – Méthacrylates) (ci-après la «décision litigieuse»), ainsi que, à titre subsidiaire, la réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée par cette décision, dont la version résumée a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 22 novembre 2006 (JO L 322, p. 20).

     Le cadre juridique

     Le règlement (CE) n° 1/2003

    2        Le règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [81 CE] et [82 CE] (JO 2003, L 1, p. 1), qui a remplacé, à partir du 1er mai 2004, le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), dispose à son article 2, intitulé «Charge de la preuve»:

    «Dans toutes les procédures nationales et communautaires d’application des articles [81 CE] et [82 CE], la charge de la preuve d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, [CE] ou de l’article 82 [CE] [...] incombe à la partie ou à l’autorité qui l’allègue. En revanche, il incombe à l’entreprise ou à l’association d’entreprises qui invoque le bénéfice des dispositions de l’article 81, paragraphe 3, [CE] d’apporter la preuve que les conditions de ce paragraphe sont remplies.»

    3        L’article 23, paragraphes 2 et 3, dudit règlement est libellé comme suit:

    «2.      La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

    a)      elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [81 CE] ou [82 CE],

    [...]

    Pour chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.

    Lorsque l’infraction d’une association porte sur les activités de ses membres, l’amende ne peut dépasser 10 % de la somme du chiffre d’affaires total réalisé par chaque membre actif sur le marché affecté par l’infraction de l’association.

    3.      Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.»

    4        Aux termes de l’article 31 du même règlement, «[l]a Cour de justice statue avec compétence de pleine juridiction sur les recours formés contre les décisions par lesquelles la Commission a fixé une amende ou une astreinte. Elle peut supprimer, réduire ou majorer l’amende ou l’astreinte infligée».

     Les lignes directrices de 1998

    5        Les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17 et de l’article 65 paragraphe 5 [CECA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les «lignes directrices de 1998»), applicables à la date des faits du litige, disposent à leur point 1, A, consacré à l’évaluation du caractère de gravité de l’infraction:

    «A. Gravité

    L’évaluation du caractère de gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné.

    Les infractions seront ainsi classées en trois catégories permettant de distinguer les infractions peu graves, les infractions graves et les infractions très graves.

    –        Infractions peu graves:

    [...]

    Montants envisageables: de 1 000 à 1 million d’[euros].

    –        Infractions graves:

    [...]

    Montants envisageables: de 1 million à 20 millions d’[euros].

    –        Infractions très graves:

    il s’agira pour l’essentiel de restrictions horizontales de type ‘cartels de prix’ et de quotas de répartition des marchés, ou autres pratiques portant atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur, telles que celles visant à cloisonner les marchés nationaux ou d’abus caractérisés de position dominante d’entreprises en situation de quasi-monopole [...]

    Montants envisageables: au-delà de 20 millions d’[euros].

    [...]

    Dans le cas d’infractions impliquant plusieurs entreprises (type ‘cartel’), il pourra convenir de pondérer, dans certains cas, les montants déterminés à l’intérieur de chacune des trois catégories retenues ci-dessus afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l’impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu’il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature.

    Ainsi le principe d’égalité de sanction pour un même comportement peut conduire, lorsque les circonstances l’exigent, à l’application de montants différenciés pour les entreprises concernées sans que cette différenciation n’obéisse à un calcul arithmétique.»

    6        S’agissant de la durée d’une infraction, les lignes directrices de 1998 précisent au même point 1:

    «B. Durée

    La durée de l’infraction devrait être prise en considération de manière à distinguer:

    –        les infractions de courte durée (en général inférieure à 1 an): aucun montant additionnel,

    –        les infractions de moyenne durée (en général de 1 à 5 ans): montant pouvant aller jusqu’à 50 % du montant retenu pour la gravité de l’infraction,

    –        les infractions de longue durée (en général au-delà de 5 ans): montant pouvant être fixé pour chaque année à 10 % du montant retenu pour la gravité de l’infraction.

    Cette analyse conduit ainsi à la fixation d’un éventuel montant additionnel d’amende.

    [...]»

    7        S’agissant des circonstances atténuantes, le point 3 des lignes directrices de 1998 énonce:

    «Diminution du montant de base pour les circonstances atténuantes particulières telles que, par exemple:

    –        rôle exclusivement passif ou suiviste dans la réalisation de l’infraction,

    –        [...]»

     Les antécédents du litige

    8        Par la décision litigieuse, la Commission a constaté qu’un certain nombre d’entreprises, parmi lesquelles figurent les requérantes, ont enfreint les articles 81 CE et 53 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3), en participant, au cours de diverses périodes comprises entre le 23 janvier 1997 et le 12 septembre 2002, à un ensemble d’accords et de pratiques concertées anticoncurrentiels dans le secteur des méthacrylates, couvrant l’ensemble du territoire de l’Espace économique européen (EEE).

    9        Selon la décision litigieuse, il s’agissait d’une infraction unique et continue, portant sur trois produits distincts en polyméthacrylate de méthyle (ci-après le «PMMA»), à savoir les composants de moulage, les plaques massives et les plaques sanitaires, lesquels sont constitués d’une matière première commune, le méthacrylate de méthyle (ci-après le «MMA»).

    10      L’infraction en cause a consisté, premièrement, en des discussions sur les prix, deuxièmement, en la conclusion, la mise en œuvre et la surveillance d’accords sur les prix prévoyant soit des augmentations, soit, à tout le moins, une stabilisation du niveau de prix existant, troisièmement, en l’examen de la répercussion du coût des services supplémentaires sur les acheteurs, quatrièmement, en l’échange d’informations commercialement importantes et confidentielles sur les marchés et/ou les entreprises ainsi que, cinquièmement, en la participation à des réunions régulières et d’autres contacts destinés à faciliter l’infraction (article 1er et considérants 1 à 3 de la décision litigieuse).

    11      En ce qui concerne les requérantes, leur participation à l’entente s’est limitée à une participation «sporadique aux réunions», qui consistait à «tenir au courant l’entreprise des accords ou pratiques anticoncurrentiels convenus pour les PMMA-plaques massives». Partant, «la participation [des requérantes] à l’entente ne [pouvait] être comparée à celle de la plupart des autres entreprises» (considérant 373 de la décision litigieuse).

    12      Les autres antécédents du litige et de la décision litigieuse sont exposés dans les termes suivants aux points 4 à 20 de l’arrêt attaqué:

    «4      La décision [litigieuse] a été adressée à Degussa AG, à Röhm GmbH & Co. KG et à Para-Chemie GmbH (ci-après dénommées ensemble ‘Degussa’), à Total SA, à Elf Aquitaine SA, à Arkema SA (anciennement Atofina SA), à Altuglas International SA et à Altumax Europe SAS (ci-après dénommées ensemble ‘Atofina’), à Lucite International Ltd et à Lucite International UK Ltd (ci-après dénommées ensemble ‘Lucite’), à ICI plc, ainsi qu’aux requérantes [...]

    5      Les requérantes font partie du conglomérat irlandais Quinn Group Ltd, qui, le 7 mai 2004, après la période infractionnelle concernée, a acquis l’intégralité du capital social de la société mère faîtière du groupe Barlo (Barlo Group plc, rebaptisée ensuite Barlo Group Ltd) (considérant 299 de la décision [litigieuse]). Les requérantes sont issues de l’intégration des activités de trois anciennes sociétés du groupe Barlo (ci-après dénommées ensemble ‘Barlo’) dans le groupe Quinn en janvier 2005:

    –        Quinn Plastics GmbH est le successeur de Barlo Plastics GmbH. Selon la décision [litigieuse], Barlo Plastics GmbH a participé aux comportements collusoires constatés dans le secteur des méthacrylates (considérant 297 de la décision [litigieuse]);

    –        Quinn Plastics NV est le successeur de Barlo Plastics NV. Cette dernière était la société mère de Barlo Plastics GmbH, détenant indirectement 100 % de son capital (considérants 38, 43 et 301 de la décision [litigieuse]);

    –        Quinn Barlo est le successeur de Barlo Group Ltd. Il s’agit de la société mère de l’ancien groupe Barlo, qui détient, directement ou indirectement, 100 % du capital des anciennes sociétés Barlo (considérants 300 et 301 de la décision [litigieuse]).

    6      Les requérantes sont toutes les trois destinataires de la décision [litigieuse], la Commission ayant considéré que Quinn Barlo et Quinn Plastics NV étaient responsables des comportements de Quinn Plastics GmbH (anciennement Barlo Plastics GmbH) pendant la durée de l’infraction (considérants 301 et 304 et article 1er de la décision [litigieuse]).

    7      L’enquête qui a abouti à l’adoption de la décision [litigieuse] a été engagée à la suite de l’introduction par Degussa, le 20 décembre 2002, d’une demande d’immunité au titre de la communication de la Commission du 19 février 2002 sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO C 45, p. 3, ci-après la ‘communication sur la coopération’).

    8      Les 25 et 26 mars 2003, la Commission a procédé à des inspections dans les locaux d’Atofina, de Barlo, de Degussa et de Lucite (considérant 59 de la décision [litigieuse]). À la suite de ces inspections, Atofina et Lucite ont présenté, respectivement le 3 avril et le 11 juillet 2003, des demandes d’immunité ou de réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération (considérants 60 et 66 de la décision [litigieuse]). Le 18 octobre 2004, ICI a présenté une demande de réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération (considérant 83 de la décision [litigieuse]). Barlo n’a pas introduit de demande au titre de ladite communication.

    9      Du 9 avril 2003 au 29 juillet 2004, la Commission a adressé à Barlo plusieurs demandes de renseignements au titre de l’article 11 du règlement n° 17 [...], puis au titre de l’article 18 du règlement [...] n° 1/2003 [...] (considérants 62 à 79 de la décision [litigieuse]).

    10      Le 17 août 2005, la Commission a adopté une communication des griefs concernant une infraction unique et continue relative au MMA, ainsi qu’aux composants de moulage en PMMA, aux plaques massives en PMMA et aux plaques sanitaires en PMMA et l’a adressée notamment aux requérantes et à Quinn Plastics SA (considérant 85 de la décision [litigieuse]).

    11      Une audition s’est tenue les 15 et 16 décembre 2005.

    12      À la lumière des éléments apportés par les entreprises dans leurs réponses à la communication des griefs et lors de l’audition, la Commission a décidé d’abandonner certains griefs, notamment:

    –        les griefs retenus à l’encontre de l’ensemble des sociétés destinataires de la communication des griefs en ce qui concerne le volet de l’infraction relatif au MMA;

    –        les griefs retenus à l’encontre des requérantes et de Quinn Plastics SA en ce qui concerne les composants de moulage en PMMA;

    –        les griefs retenus à l’encontre de Quinn Plastics SA au sujet des plaques massives en PMMA (considérant 93 de la décision [litigieuse]).

    13      Le 31 mai 2006, la Commission a adopté la décision [litigieuse]. En ce qui concerne les requérantes, la Commission a constaté qu’elles avaient participé aux accords et aux pratiques concertées anticoncurrentiels visés aux points [8 à 11 du présent arrêt], au cours de la période allant du 30 avril 1998 au 21 août 2000 [article 1er, sous l) à n), de la décision [litigieuse]] et leur a infligé une amende de 9 millions d’euros, pour le paiement de laquelle elles ont été tenues pour solidairement responsables [article 2, sous e), de la décision [litigieuse]].

    14      S’agissant du calcul du montant de l’amende, en premier lieu, la Commission a examiné la gravité de l’infraction et a constaté, d’abord, que, au regard de la nature de l’infraction et du fait qu’elle couvrait l’ensemble du territoire de l’EEE, il s’agissait d’une infraction très grave au sens des [lignes directrices de 1998] (considérants 319 à 331 de la décision [litigieuse]).

    15      Ensuite, elle a estimé que, dans la catégorie des infractions très graves, il était possible d’appliquer aux entreprises un traitement différencié de manière à tenir compte de la capacité économique réelle des contrevenants à porter un préjudice important à la concurrence. À cet effet, elle a constaté qu’en l’espèce les entreprises concernées ‘[pouvaient] être subdivisées en [trois] catégories en fonction de leur poids relatif dans le chiffre d’affaires réalisé en vendant les produits en PMMA pour lesquels elles [avaient] participé à l’entente’. La Commission a énoncé que Barlo, avec un chiffre d’affaires au niveau de l’EEE de 66,37 millions d’euros en 2000 pour les plaques massives en PMMA, devait être classée dans la troisième catégorie.

    16      Par ailleurs, s’agissant toujours du traitement différencié, la Commission a appliqué une réduction de 25 % au montant de départ de l’amende calculée pour les requérantes, en la motivant de la façon suivante (considérant 335 de la décision [litigieuse]):

    ‘[L]a Commission prend en compte le fait qu’il n’est pas évident de savoir si Barlo a pris ou non part à des contacts collusoires concernant les PMMA-composants de moulage ou les PMMA-plaques sanitaires. Par conséquent, il semble que Barlo n’avait pas connaissance ou ne pouvait pas avoir eu nécessairement connaissance du projet global d’arrangements anticoncurrentiels […]’

    17      Ces considérations ont amené la Commission à fixer le montant de départ de l’amende devant être infligé aux requérantes à 15 millions d’euros (considérant 336 de la décision [litigieuse]).

    18      En deuxième lieu, la Commission a examiné la durée de l’infraction et a constaté que, étant donné que les requérantes avaient participé à l’infraction pendant deux ans et trois mois, le montant de départ devait être majoré de 20 % (10 % par année pleine de participation) (considérants 351 à 353 de la décision [litigieuse]). Ainsi, le montant de base de l’amende des requérantes a été fixé à 18 millions d’euros (considérant 354 de la décision [litigieuse]).

    19      En troisième lieu, la Commission a examiné les circonstances aggravantes et atténuantes. Elle n’a retenu aucune circonstance aggravante à l’encontre des requérantes. S’agissant des circonstances atténuantes, la Commission a accepté l’argument des requérantes selon lequel celles-ci n’avaient eu qu’un rôle passif et mineur dans l’infraction et, par conséquent, elle leur a accordé une réduction de 50 % du montant de l’amende (considérants 372 à 374 de la décision [litigieuse]).

    20      La Commission a rejeté les autres circonstances atténuantes avancées par les requérantes (considérants 375 à 396 de la décision [litigieuse]) et a donc fixé le montant de l’amende à 9 millions d’euros (considérant 397 de la décision [litigieuse]). Étant donné que les requérantes n’ont pas bénéficié de l’application de la communication sur la coopération, il s’agit du montant final de l’amende qui leur a été infligée.»

     La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

    13      Devant le Tribunal, les requérantes ont invoqué deux moyens au soutien de leur recours aux fins d’annulation de la décision litigieuse.

    14      Dans le cadre de leur premier moyen, tiré d’une violation de l’article 81 CE, les requérantes ont soulevé trois griefs relatifs à une constatation erronée des faits par la Commission, en ce qui concerne, respectivement, les réunions et autres contacts ou échanges ayant impliqué Barlo, la participation de cette dernière à un «projet anticoncurrentiel unique et commun» couvrant les trois produits en PMMA et la participation de Barlo à une infraction continue.

    15      Par leur second moyen, tiré d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, des lignes directrices de 1998 et du principe de proportionnalité, les requérantes ont critiqué l’appréciation de la Commission relative à la détermination du montant de l’amende, en ce qui concerne, tout d’abord, la durée de l’infraction alléguée, ensuite, la gravité de celle-ci et, enfin, l’absence de prise en considération de circonstances atténuantes.

    16      Le Tribunal a accueilli partiellement le recours des requérantes. Premièrement, il a jugé, au point 112 de l’arrêt attaqué, que la prétendue participation de Barlo à une réunion au mois de mai ou de juin 1999 à Barcelone (Espagne) n’avait pas été prouvée à suffisance de droit. Par ailleurs, le Tribunal a considéré comme plausible que la participation de Barlo à l’entente se soit limitée aux seules quatre réunions pour lesquelles les requérantes ont admis leur présence, à savoir les réunions qui se sont tenues en Allemagne à Dernbach au mois d’avril 1998, à Darmstadt le 29 juin 1998, à Heidelberg le 24 février 2000 et à Deidesheim le 21 août 2000. Deuxièmement, le Tribunal a constaté que la Commission n’avait pas établi que la participation de Barlo à l’infraction concernant les plaques massives en PMMA avait entraîné sa responsabilité pour l’ensemble de l’infraction unique, portant également sur les composants de moulage et les plaques sanitaires en PMMA. À cet égard, le Tribunal a constaté qu’il n’avait pas été démontré que Barlo avait su ou aurait dû savoir que, en participant à une entente concernant les plaques massives en PMMA, elle s’intégrait dans une entente globale portant sur trois produits en PMMA. Troisièmement, compte tenu de l’insuffisance de preuve en ce qui concerne ladite réunion de Barcelone, le Tribunal a constaté que la période d’absence de contacts ou de manifestations collusoires de la part de Barlo s’est élevée à presque seize mois (entre la fin du mois d’octobre 1998 et le 24 février 2000). Par conséquent, le Tribunal en a conclu que la participation de celle-ci à l’infraction s’était interrompue pendant cette période.

    17      Les conclusions auxquelles est parvenu le Tribunal, telles qu’exposées au point précédent, ont amené ce dernier à recalculer le montant de l’amende, dans le cadre de la compétence de pleine juridiction dont il dispose. Pour ce faire, il a tenu compte d’une durée plus courte de l’infraction que celle qui avait été constatée par la Commission, à savoir 11 mois et 28 jours au lieu de 2 ans et 3 mois, ce qui l’a conduit à réduire le montant de l’amende en substituant à la majoration de 20 % du montant de départ appliquée par la Commission une majoration de 10 %. En estimant qu’une telle majoration reflétait adéquatement la durée de la participation des requérantes à l’infraction, le Tribunal n’a donc pas suivi la méthode exposée dans les lignes directrices de 1998, selon laquelle une participation à l’infraction inférieure à une année constitue, en général, une infraction de courte durée, pour laquelle aucune majoration du montant de l’amende n’est en principe prévue (point 1, B, premier tiret, desdites lignes directrices). À cet égard, le Tribunal a jugé, au point 176 de l’arrêt attaqué, que cette dernière disposition n’énonce pas une règle impérative et que, en tout état de cause, celle-ci ne saurait lier le Tribunal dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction.

    18      S’agissant de l’incidence sur le montant de l’amende de l’erreur commise par la Commission au sujet de la détermination de la responsabilité des requérantes pour l’ensemble de l’entente, le Tribunal a jugé, au point 201 de l’arrêt attaqué, que, en l’espèce, même si la Commission avait commis une erreur à cet égard, elle avait néanmoins procédé correctement à la détermination du montant de l’amende, puisqu’elle reflétait adéquatement la gravité de l’infraction.

    19      Par conséquent, le montant de l’amende au paiement duquel les requérantes ont été tenues solidairement pour responsables a été réduit de 9 millions d’euros à 8 250 000 euros. Le recours a été rejeté pour le surplus. Le Tribunal a donc condamné les requérantes à supporter 60 % de leurs propres dépens et 60 % des dépens exposés par la Commission, alors que la Commission a été condamnée à supporter 40 % de ses propres dépens et 40 % des dépens exposés par les requérantes.

     Les conclusions des parties devant la Cour

    20      Les requérantes concluent à ce que la Cour:

    –        à titre principal, annule l’arrêt attaqué en ce qu’il constate que les requérantes ont enfreint l’article 101 TFUE et en ce qu’il n’annule pas, de ce fait, l’article 1er de la décision litigieuse en ce qui les concerne;

    –        à titre subsidiaire, annule l’arrêt attaqué en ce que, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, il a réduit de 10 % seulement le montant de départ de l’amende et n’a pas annulé la partie de la décision litigieuse qui incluait dans le calcul de l’amende une majoration au titre de la durée de l’infraction;

    –        à titre plus subsidiaire, annule l’arrêt attaqué en ce qu’il n’invalide pas la partie de la décision litigieuse qui limite à 25 % la réduction du montant de base de l’amende au titre du traitement différencié et fixe, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, un pourcentage plus élevé reflétant l’absence de responsabilité des requérantes pour ce qui est des aspects de l’entente relatifs aux composants de moulage en PMMA ainsi qu’aux plaques sanitaires en PMMA, en garantissant ainsi qu’une telle réduction, plus importante, soit conforme au principe général de proportionnalité, et

    –        condamne la Commission aux dépens.

    21      La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner les requérantes à la totalité des dépens relatifs tant à la procédure de pourvoi qu’à celle de première instance.

     Sur le pourvoi

    22      À l’appui de leur pourvoi, les requérantes invoquent trois moyens. Tout d’abord, elles font valoir que le Tribunal, en se fondant sur une application erronée de l’article 2 du règlement n° 1/2003, a commis une erreur de droit quant à la constatation d’une infraction à l’article 101 TFUE. Elles soutiennent, ensuite, que le Tribunal a violé, lors de la vérification de l’appréciation de la durée de l’infraction par la Commission, l’article 23, paragraphe 3, dudit règlement en ce qu’il n’a pas respecté les principes généraux du droit de l’Union, à savoir les principes de la présomption d’innocence, de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement. Enfin, elles font grief au Tribunal d’avoir violé le principe de proportionnalité et, par voie de conséquence, l’article 23, paragraphe 3, du même règlement lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction.

     Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit quant à la constatation d’une infraction à l’article 101 TFUE et/ou d’une erreur de droit en ce qui concerne l’application de l’article 2 du règlement n° 1/2003

     Argumentation des parties

    23      Pour les requérantes, le Tribunal s’est fondé à tort sur le critère juridique tiré de la preuve de leur présence à quatre réunions et sur l’absence de preuve d’une distanciation publique de ces dernières par rapport au contenu de ces réunions. En procédant ainsi, le Tribunal aurait méconnu des considérations objectives et non contestées démontrant que ce critère juridique était inapproprié dans les circonstances de l’espèce et, en tout état de cause, insuffisant pour lui permettre de constater que les requérantes avaient enfreint l’article 101 TFUE. Selon ces dernières, ces facteurs objectifs démontreraient plutôt que les membres de l’entente savaient qu’elles assistaient auxdites réunions dans une perspective différente de la leur. À cet égard, les requérantes soutiennent, notamment, que les participantes à l’entente les avaient invitées à assister aux réunions en question afin de savoir si elles pouvaient être intégrées dans l’entente, que leur politique de prix était incompatible avec les objectifs de l’entente, que leur part du marché augmentait et que le représentant des requérantes ayant assisté auxdites réunions avait confirmé ne pas avoir indiqué aux autres participantes qu’elles modifieraient leur politique de prix. Par conséquent, en se fondant sur le critère juridique consistant en l’absence de distanciation publique de la part des requérantes, le Tribunal n’aurait pas respecté l’article 2 du règlement n° 1/2003 et n’aurait pas établi à suffisance de droit l’existence d’une infraction à l’article 101 TFUE.

    24      Selon la Commission, ce moyen doit être rejeté comme irrecevable, étant donné que les allégations des requérantes ne sont que des arguments factuels qui échappent au contrôle de la Cour dans le cadre d’une procédure de pourvoi. Au demeurant, elle soutient que ces arguments ont déjà été invoqués en première instance et rejetés par le Tribunal. En tout état de cause, ce moyen ne serait pas fondé.

     Appréciation de la Cour

    25      À titre liminaire, il convient de rappeler, d’une part, que le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits et, en principe, pour examiner les preuves qu’il retient à l’appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit ainsi que les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir, notamment, arrêts du 6 avril 2006, General Motors/Commission, C‑551/03 P, Rec. p. I‑3173, point 52, ainsi que du 3 septembre 2009, Moser Baer India/Conseil, C‑535/06 P, Rec. p. I‑7051, point 32 et jurisprudence citée).

    26      D’autre part, il importe de souligner qu’un pourvoi est irrecevable dans la mesure où il se limite à répéter les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal, y compris ceux qui étaient fondés sur des faits expressément rejetés par cette juridiction. En effet, un tel pourvoi constitue, en réalité, une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 51 et jurisprudence citée).

    27      En revanche, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être de nouveau discutés au cours de la procédure de pourvoi. En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, ladite procédure serait privée d’une partie de son sens (arrêt du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil, C‑229/05 P, Rec. p. I‑439, point 32 et jurisprudence citée).

    28      À cet égard, s’agissant du premier moyen, bien que qualifié de moyen portant sur une question de droit par les requérantes, il y a lieu de constater que celui-ci revient en fin de compte à remettre en cause l’appréciation du Tribunal relative à des faits et à des éléments de preuve qui lui ont été présentés, concernant l’absence de distanciation publique des requérantes quant au contenu des quatre réunions anticoncurrentielles auxquelles elles ont admis avoir participé.

    29      En effet, loin de faire valoir une dénaturation des faits ou des éléments de preuve, les requérantes se bornent à soutenir que le critère juridique bien établi dont il est fait usage au point 47 de l’arrêt attaqué est «inapproprié». Elles tentent ainsi de contester la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle il suffit que la Commission démontre que l’entreprise concernée a participé à des réunions ayant un objectif anticoncurrentiel, sans s’y être manifestement opposée, pour prouver à suffisance de droit la participation de cette entreprise à l’entente. Or, les requérantes ne soulèvent aucun raisonnement juridique qui permette de justifier leur affirmation selon laquelle cette méthode de preuve est inappropriée, mais elles se limitent à répéter des arguments de nature factuelle déjà soulevés et rejetés en première instance, visant à démontrer qu’elles ont participé aux réunions en cause dans une optique différente de celle des autres participants à celles-ci.

    30      Ainsi qu’il a été rappelé au point 25 du présent arrêt, la Cour n’est pas compétente pour examiner le premier moyen invoqué par les requérantes en ce qu’il aboutit non pas à démontrer une erreur de droit commise par le Tribunal, mais à contester des faits et la valeur probante des différents indices qui étaient à la disposition de ce dernier.

    31      Le premier moyen invoqué par les requérantes au soutien de leur pourvoi doit dès lors être écarté comme irrecevable.

     Sur le deuxième moyen

     Sur la première branche du deuxième moyen, tirée du non-respect du principe général de la présomption d’innocence lors de la détermination de la durée de l’infraction reprochée

    –       Argumentation des parties

    32      À titre subsidiaire, les requérantes font grief en substance au Tribunal d’avoir méconnu le principe général de la présomption d’innocence, en prolongeant la durée de la première période de leur participation à l’entente au-delà de la date de la deuxième réunion anticoncurrentielle, qui s’est tenue le 29 juin 1998 à Darmstadt, réunion à laquelle leur présence a été confirmée, et jusqu’à la fin du mois d’octobre de 1998 (point 163 de l’arrêt attaqué). En outre, elles soutiennent que le Tribunal n’a pas suffisamment motivé ses constatations à cet égard.

    33      Selon les requérantes, il existe à tout le moins un doute raisonnable quant au point de savoir si elles ont pu tirer parti des informations obtenues lors de ladite réunion et adapter leur comportement commercial en conséquence. En particulier, même si la décision litigieuse a constaté que, au cours de cette réunion du 29 juin 1998, les participants se sont mis d’accord sur une hausse de prix «pour octobre 1998», il n’y a aucune raison de supposer que ces termes justifient de prolonger la période d’infraction durant la période postérieure à la date de cette réunion et jusqu’à la fin du mois d’octobre 1998. La période infractionnelle aurait dû se terminer au mois d’août 1998 ou, au plus tard, à la fin du mois de septembre de la même année et le Tribunal n’explique pas la raison pour laquelle le mois d’octobre 1998 est inclus en totalité dans cette période.

    34      En conséquence, en vertu du principe de la présomption d’innocence, le Tribunal aurait dû accorder le bénéfice du doute aux requérantes, en constatant une durée de l’infraction plus courte, à savoir 7 mois et 29 jours au lieu de 11 mois et 28 jours.

    35      La Commission fait valoir que les allégations des requérantes sont dirigées contre une constatation factuelle du Tribunal, celle qui se rapporte à la fin de la première période de leur participation à l’entente, et doivent, en conséquence, être rejetées comme irrecevables. En tout état de cause, au regard de l’ensemble des preuves documentaires sur lesquelles la décision litigieuse s’appuie, la hausse des prix évoquée lors de la réunion du 29 juin 1998 concernait la coordination d’une augmentation du niveau des prix européens qui a été annoncée et mise en œuvre pendant le second semestre de l’année 1998, jusqu’au mois de décembre de cette même année ou même jusqu’au mois de janvier 1999. En conséquence, le Tribunal aurait adopté une attitude prudente en matière d’évaluation de la durée de l’infraction et n’aurait donc commis aucune erreur de droit en fixant à la fin du mois d’octobre 1998 le terme de la première période de la participation des requérantes à l’entente.

    –       Appréciation de la Cour

    36      Ainsi qu’il découle de la jurisprudence rappelée au point 25 du présent arrêt, il incombe à la Cour de vérifier, lors de l’appréciation des faits et des éléments de preuve effectuée par le Tribunal, si celui-ci a commis une erreur de droit en violant les principes généraux du droit, tels que la présomption d’innocence, et les règles applicables en matière de preuve, telles que celles relatives à la charge et à l’administration de la preuve (voir, en ce sens, arrêts du 28 mai 1998, Deere/Commission, C‑7/95 P, Rec. p. I‑3111, point 22; New Holland Ford/Commission, C‑8/95 P, Rec. p. I‑3175, point 26; du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 24, et du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, point 65).

    37      En conséquence, bien que la violation alléguée de la présomption d’innocence lors de l’établissement de la durée de l’infraction puisse avoir une incidence sur les constatations de fait opérées par le Tribunal, elle constitue, contrairement à ce que soutient la Commission, une question de droit soumise, en tant que telle, au contrôle de la Cour. Le même principe est valable en ce qui concerne le grief relatif à la motivation de l’arrêt attaqué (voir, notamment, arrêts du 7 mai 1998, Somaco/Commission, C‑401/96 P, Rec. p. I‑2587, point 53, ainsi que du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, Rec. p. I‑729, point 77).

    38      Partant, l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission à l’encontre de la première branche du deuxième moyen invoqué par les requérantes n’est pas fondée.

    39      Quant au fond, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, l’obligation de motivation qui incombe au Tribunal n’impose pas à ce dernier d’effectuer un exposé qui suivrait de manière exhaustive et un par un tous les raisonnements développés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision en question a été prise et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle, comme dans le cas d’espèce (voir, notamment, arrêts Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 372; du 9 octobre 2008, Chetcuti/Commission, C‑16/07 P, Rec. p. I‑7469, point 87, ainsi que du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric, C‑440/07 P, Rec. p. I‑6413, point 135).

    40      En effet, en premier lieu, il est de jurisprudence constante que le régime de concurrence instauré par les articles 101 TFUE et 102 TFUE s’intéresse aux résultats économiques des accords, ou de toute forme comparable de concertation ou de coordination, plutôt qu’à leur forme juridique. Par conséquent, en cas d’ententes qui ont cessé d’être en vigueur, il suffit, pour que l’article 101 TFUE soit applicable, qu’elles poursuivent leurs effets au-delà de la cessation formelle des contacts collusoires. Il en découle que la durée d’une infraction peut être appréciée en fonction de la période pendant laquelle les entreprises incriminées ont mis à exécution un comportement interdit par cet article (voir, en ce sens, arrêts du 15 juin 1976, EMI Records, 51/75, Rec. p. 811, point 30; EMI Records, 86/75, Rec. p. 871, point 27; EMI Records, 96/75, Rec. p. 913, point 15, et du 3 juillet 1985, Binon, 243/83, Rec. p. 2015, point 17). En d’autres termes, le Tribunal aurait pu théoriquement constater l’existence d’une infraction, par exemple, pendant toute la période durant laquelle les prix collusoires ont été en vigueur, ce qui aurait abouti, en l’espèce, à un résultat objectivement moins favorable aux intérêts des requérantes.

    41      En second lieu, le Tribunal a explicité au point 163 de l’arrêt attaqué, en se fondant sur les considérants 155 et 157 de la décision litigieuse, les raisons pour lesquelles il a estimé approprié de constater l’existence de l’infraction durant la période postérieure à la réunion du 29 juin 1998 et jusqu’à la fin du mois d’octobre 1998. À cet égard, il a relevé que les requérantes pouvaient tirer parti des informations, discutées lors de cette réunion, relatives à la hausse de prix prévue pour le mois d’octobre 1998 et adapter leur comportement commercial en conséquence. En outre, le Tribunal s’est appuyé sur ladite décision, laquelle fait référence à ce sujet à des preuves documentaires qui indiquent une augmentation des prix pour le second semestre de l’année 1998 et même à certaines hausses de prix annoncées ou mises en œuvre au mois de décembre 1998 ou au mois de janvier 1999, c’est-à-dire postérieurement à la fin du mois d’octobre 1998.

    42      Il en résulte qu’il appartenait aux requérantes de prouver qu’elles avaient pris leurs distances par rapport à ce qui avait été convenu lors de la réunion du 29 juin 1998 ou que leur politique commerciale n’avait pas été influencée par ces discussions, afin d’être en mesure d’écarter toute responsabilité afférente à leur participation à l’infraction pour la période postérieure à cette réunion.

    43      Il s’ensuit que, en fixant à la fin du mois d’octobre 1998 le terme de la première période de participation des requérantes à l’infraction, le Tribunal a adopté une position qui est favorable à ces dernières et n’a pas commis d’erreur de droit en matière d’évaluation de la durée de l’infraction.

     Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée du non-respect des principes généraux de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement

    –       Argumentation des parties

    44      Les requérantes soutiennent, à titre subsidiaire, que la décision du Tribunal de majorer de 10 % le montant de départ de l’amende, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, va à l’encontre des principes généraux d’égalité de traitement et/ou de protection de la confiance légitime, dans la mesure où il n’a pas suivi la méthodologie exposée dans les lignes directrices de 1998. Elles font valoir que, selon le point 1, B, premier tiret, de celles-ci, une infraction d’une durée inférieure à un an constitue une infraction de courte durée, pour laquelle, en principe, aucune majoration du montant de l’amende n’est appliquée. Par conséquent, si la Commission avait correctement évalué la durée de l’infraction dès le début, elle aurait dû qualifier l’infraction comme étant de courte durée et, conformément à ces lignes directrices, le montant de l’amende n’aurait fait l’objet d’aucune majoration.

    45      La Commission allègue qu’un tel moyen est irrecevable en ce qu’il est dirigé contre l’exercice, par le Tribunal, de son pouvoir de pleine juridiction. En tout état de cause, les juridictions de l’Union, lorsqu’elles examinent et adaptent le montant des amendes, ne sont nullement tenues d’observer les lignes directrices de 1998, dont la Commission elle-même peut s’écarter, pour autant qu’elle motive correctement sa décision. S’agissant du principe de protection de la confiance légitime, que cette institution est tenue de respecter lorsqu’elle applique les règles indicatives qu’elle s’est imposées, il ne saurait lier les juridictions de l’Union lorsqu’elles examinent et adaptent le montant des amendes, puisqu’elles n’ont certainement pas entrepris d’appliquer une méthode de calcul spécifique des amendes dans l’exercice de leur compétence de pleine juridiction.

    –       Appréciation de la Cour

    46      S’agissant de l’argument tiré de la violation du principe d’égalité de traitement, il découle certes de la jurisprudence de la Cour que l’exercice d’une compétence de pleine juridiction ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant des amendes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord contraire à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir, notamment, arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 617, ainsi que du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C‑407/04 P, Rec. p. I‑829, point 152). Si le Tribunal entend s’écarter spécifiquement à l’égard de l’une de ces entreprises de la méthode de calcul suivie par la Commission et qu’il n’a pas remise en cause, il est nécessaire qu’il s’en explique dans l’arrêt attaqué (arrêt du 18 septembre 2003, Volkswagen/Commission, C‑338/00 P, Rec. p. I-9189, point 146).

    47      En outre, il doit être rappelé que, selon une jurisprudence constante de la Cour, un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité de celle-ci (voir, notamment, arrêts précités Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, points 497 et 618, ainsi que Dalmine/Commission, point 153).

    48      Or, d’une part, le Tribunal a clairement indiqué, aux points 176 et 177 de l’arrêt attaqué, les raisons pour lesquelles il a estimé qu’il était raisonnable, dans le cas des requérantes, de ne pas appliquer les critères retenus par la Commission dans les lignes directrices de 1998, notamment en raison du fait que leur participation à l’entente avait repris ultérieurement.

    49      D’autre part, les requérantes ne remettent pas en cause un tel raisonnement.

    50      Par ailleurs, ces dernières formulent leur grief tiré de la discrimination dans des termes généraux et en l’articulant avec le principe de protection de la confiance légitime. En particulier, elles ne précisent pas les éléments caractérisant leur propre situation par rapport à celle des autres entreprises ayant participé à l’entente et qui seraient de nature à démontrer l’existence de la discrimination alléguée.

    51      Force est donc de conclure que l’argument des requérantes relatif à la violation supposée du principe d’égalité de traitement ne satisfait aux exigences auxquelles doit répondre un pourvoi, telles qu’évoquées au point 47 du présent arrêt, et résultant de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour.

    52      S’agissant de la prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime, il suffit de constater que le Tribunal est habilité, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à majorer, le cas échéant, l’amende ou l’astreinte infligée (arrêt du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C‑3/06 P, Rec. p. I‑1331, point 61 et jurisprudence citée).

    53      La Cour a déjà jugé que les lignes directrices énoncent une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont la Commission ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement. En effet, en adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, l’institution en question s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir, notamment, arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, points 209 et 211). Cependant, ainsi que le fait valoir la Commission à bon droit, bien que cette dernière soit tenue de respecter le principe de protection de la confiance légitime lorsqu’elle applique les règles indicatives qu’elle s’est imposées, celui-ci ne saurait lier dans les mêmes termes les juridictions de l’Union pour autant qu’elles n’envisagent pas d’appliquer une méthode de calcul spécifique des amendes dans l’exercice de leur compétence de pleine juridiction, mais examinent au cas par cas les situations qui leur sont soumises en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait et de droit afférentes à celles-ci.

    54      Dès lors, la seconde branche du deuxième moyen ne peut qu’être rejetée dans son ensemble comme étant en partie irrecevable et, en partie, non fondée et, en conséquence, le deuxième moyen invoqué par les requérantes au soutien de leur pourvoi ne saurait être accueilli.

     Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 et du principe de proportionnalité

     Argumentation des parties

    55      À titre plus subsidiaire, les requérantes reprochent au Tribunal de ne pas avoir fait usage de sa compétence de pleine juridiction lorsqu’il a jugé que la Commission avait commis une erreur s’agissant de la détermination de la responsabilité de ces dernières pour l’ensemble de l’entente. Après avoir effectué une telle appréciation, le Tribunal aurait dû leur accorder une réduction supplémentaire du montant de base de l’amende, lequel avait déjà été réduit de 25 % par la Commission, au titre du traitement différencié, cette réduction devant refléter l’absence de responsabilité des requérantes pour ce qui est des aspects de l’entente relatifs aux composants de moulage et aux plaques sanitaires en PMMA. Selon elles, seule une telle réduction, plus importante que celle octroyée par la Commission, garantirait le respect du principe général de proportionnalité. Pour ce qui est de l’importance précise de la réduction applicable, les requérantes font valoir que, en l’absence d’un autre paramètre avancé par la Commission ou le Tribunal, l’importance relative des chiffres d’affaires afférents aux trois produits en PMMA constituerait le critère approprié pour garantir le respect du principe général de proportionnalité.

    56      La Commission estime que ce moyen, qui vise, en substance, à obtenir une nouvelle appréciation du montant de l’amende par rapport à celle qui a été effectuée par le Tribunal, est irrecevable quand bien même il est qualifié de question de droit par les requérantes. En tout état de cause, il devrait être rejeté comme non fondé. En effet, étant donné que le montant de départ de l’amende infligée aux requérantes tel que réduit par la Commission reflétait déjà la gravité de la partie de l’infraction globale pour laquelle la responsabilité de celles-ci a été confirmée dans l’arrêt attaqué, il n’y aurait aucune raison d’accorder une réduction supplémentaire de ce montant. Par ailleurs, la réduction reflétant le caractère limité de l’infraction ne devrait pas nécessairement se fonder sur la répartition exacte des chiffres d’affaires entre les produits concernés par l’entente globale et ceux sur lesquels a porté l’entente plus limitée. De même, une réduction de 25 % est également appropriée dès lors qu’il a été démontré que les plaques massives en PMMA représentaient plus de 60 % du chiffre d’affaires tiré des ventes des trois produits en PMMA.

     Appréciation de la Cour

    57      Il ressort d’une jurisprudence bien établie de la Cour qu’il n’appartient pas à cette dernière, lorsqu’elle se prononce sur des questions de droit dans le cadre d’un pourvoi, de substituer, pour des motifs d’équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation, par celles-ci, du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission, C‑310/93 P, Rec. p. I‑865, point 34; du 16 novembre 2000, KNP BT/Commission, C‑248/98 P, Rec. p. I‑9641, point 54, ainsi que du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C‑328/05 P, Rec. p. I‑3921, point 98). Ainsi, ce n’est que dans la mesure où la Cour estimerait que le niveau de la sanction est non seulement inapproprié, mais également excessif, au point d’être disproportionné, qu’il y aurait lieu de constater une erreur de droit commise par le Tribunal, en raison du caractère inapproprié du montant d’une amende (arrêt du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, non encore publié au Recueil, point 126).

    58      Or, les requérantes, par les arguments invoqués au soutien de leur troisième moyen, cherchent à obtenir une nouvelle appréciation du caractère approprié du montant de l’amende qui leur a été infligée.

    59      À supposer même que la réduction de 25 %, accordée aux requérantes par la Commission, n’exprimât pas d’une façon précise l’importance relative des chiffres d’affaires afférents aux deux produits en PMMA pour lesquels leur responsabilité n’a pas été établie, il n’en demeure pas moins que le montant de l’amende qui leur a été infligée reflète adéquatement la gravité de l’infraction commise, consistant en la participation aux réunions d’une entente couvrant l’ensemble du territoire de l’EEE et pour laquelle les lignes directrices de 1998 prévoient 20 millions d’euros, en principe, comme montant de départ minimal. Au demeurant, la réduction de 25 % est également appropriée au motif que le produit pour lequel la responsabilité des requérantes a été retenue, celui des plaques massives en PMMA, représentait le pourcentage le plus important du chiffre d’affaires global, à savoir plus de 60 % du chiffre d’affaires tiré des ventes des trois produits en PMMA. En outre, il ne saurait être allégué que l’amende est disproportionnée au regard du chiffre d’affaires, étant donné que le poids des requérantes par rapport au marché et à l’entente globale se reflétait déjà dans le montant de départ de l’amende, à savoir avant même l’octroi de la réduction de 25 %. À cet égard, contrairement aux autres entreprises concernées, ce montant n’était fondé que sur le chiffre d’affaires tiré des ventes de plaques massives en PMMA, même si les requérantes étaient également actives dans le secteur des composants de moulage en PMMA, ainsi que le Tribunal l’a relevé aux points 195 et 202 de l’arrêt attaqué, en faisant référence au considérant 333 de la décision litigieuse.

    60      En conséquence, conformément à la jurisprudence de la Cour mentionnée au point 57 du présent arrêt, les arguments des requérantes tirés de la prétendue violation du principe de proportionnalité doivent être rejetés comme irrecevables, dans la mesure où le montant de l’amende fixé par le Tribunal n’est pas excessif et que, dans ce cas, la Cour n’a pas compétence pour substituer son appréciation à celle de ce dernier.

    61      Les moyens invoqués par les requérantes au soutien de leur pourvoi étant, en partie, irrecevables et, en partie, non fondés, il y a lieu de rejeter celui-ci dans son intégralité.

     Sur les dépens

    62      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens.

    63      La Commission ayant conclu à la condamnation des requérantes «à la totalité des dépens de la présente procédure et de la procédure en première instance», il convient de rejeter les conclusions de la Commission comme irrecevables en tant qu’elles portent sur les dépens de première instance dès lors que le pourvoi est rejeté et que, partant, l’arrêt attaqué n’est pas annulé.

    64      Dans la mesure où les requérantes ont succombé en tous leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens de la présente procédure.

    Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête:

    1)      Le pourvoi est rejeté.

    2)      Quinn Barlo Ltd, Quinn Plastics NV et Quinn Plastics GmbH sont condamnées aux dépens de la présente procédure.

    Signatures


    * Langue de procédure: l’anglais.

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