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Document 62011TJ0486

Arrêt du Tribunal (huitième chambre) du 17 décembre 2015.
Orange Polska S.A., anciennement Telekomunikacja Polska S.A. contre Commission européenne.
 Concurrence – Abus de position dominante – Marché polonais des télécommunications – Décision constatant une infraction à l’article 102 TFUE – Conditions imposées par l’opérateur historique pour autoriser l’accès rémunéré des nouveaux opérateurs au réseau et aux services de gros d’accès à haut débit – Intérêt légitime à constater une infraction – Amendes – Obligation de motivation – Gravité de l’infraction – Circonstances atténuantes – Proportionnalité – Pleine juridiction – Lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 .
Affaire T-486/11.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2015:1002

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

17 décembre 2015 ( * )

«Concurrence — Abus de position dominante — Marché polonais des télécommunications — Décision constatant une infraction à l’article 102 TFUE — Conditions imposées par l’opérateur historique pour autoriser l’accès rémunéré des nouveaux opérateurs au réseau et aux services de gros d’accès à haut débit — Intérêt légitime à constater une infraction — Amendes — Obligation de motivation — Gravité de l’infraction — Circonstances atténuantes — Proportionnalité — Pleine juridiction — Lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006»

Dans l’affaire T‑486/11,

Orange Polska S.A., anciennement Telekomunikacja Polska S.A., établie à Varsovie (Pologne), représentée initialement par Mes M. Modzelewska de Raad, P. Paśnik, S. Hautbourg, avocats, Mme A. Howard, barrister, et M. C. Vajda, QC, puis par Mes Modzelewska de Raad, Paśnik, Hautbourg, Mme Howard et M. D. Beard, QC,

partie requérante,

soutenue par

Polska Izba Informatyki i Telekomunikacji, représentée initialement par Me P. Rosiak, puis par Me K. Karasiewicz, avocats,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par M. B. Gencarelli, Mmes K. Mojzesowicz et G. Koleva, puis par Mmes Mojzesowicz, Koleva et M. Malferrari et enfin par Mme Koleva, MM. Malferrari, É. Gippini Fournier et J. Szczodrowski, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

European Competitive Telecommunications Association, représentée initialement par MM. P. Alexiadis et J. MacKenzie, puis par M. MacKenzie, solicitors,

partie intervenante,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation intégrale ou partielle de la décision C (2011) 4378 final de la Commission, du 22 juin 2011, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE (affaire COMP/39.525 – Télécommunications polonaises), et, d’autre part, une demande visant à la réduction du montant de l’amende infligée par la Commission à l’article 2 de cette décision,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. C. Wetter, juges,

greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 juin 2015,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

La requérante, Orange Polska S.A., est une entreprise de télécommunications créée à la suite de l’acquisition par Telekomunikacja Polska S.A. (ci-après « TP »), le 7 novembre 2013, de deux sociétés : Orange Polska sp. z o.o. et Polska Telefonia Komórkowa sp. z o.o. (ci-après « PTK »). La requérante est ainsi le successeur juridique de TP, une entreprise de télécommunications constituée en 1991 à la suite de la privatisation de l’ancien monopole d’État Poczta Polska, Telegraf i Telefon.

2

Le 22 juin 2011, la Commission européenne a adopté la décision C (2011) 4378 final, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE (affaire COMP/39.525 – Télécommunications polonaises) (ci-après la « décision attaquée »), adressée à TP.

1. Contexte technologique, réglementaire et factuel de la décision attaquée

3

La décision attaquée concerne la prestation des services de gros d’accès à l’internet à haut débit au moyen de l’accès dégroupé à la boucle locale en Pologne dans les années 2005 à 2009.

4

La boucle locale désigne le circuit physique à paire torsadée métallique du réseau téléphonique public fixe qui relie le point de terminaison du réseau dans les locaux de l’abonné au répartiteur principal ou à toute autre installation équivalente du réseau téléphonique public fixe.

5

L’accès dégroupé à la boucle locale permet aux nouveaux entrants – dénommés habituellement « opérateurs alternatifs » (ci-après les « OA »), par opposition aux opérateurs historiques des réseaux de télécommunications – d’utiliser l’infrastructure de télécommunications déjà existante et appartenant à ces opérateurs historiques afin d’offrir divers services aux utilisateurs finaux, en concurrence avec les opérateurs historiques. L’accès dégroupé à la boucle locale s’est développé et a été réglementé dans le cadre de la libéralisation du secteur des télécommunications. La principale raison de ce développement était le fait qu’il n’était pas économiquement viable pour les OA de reproduire une infrastructure de télécommunications comparable, en termes de performance technologique et d’étendue géographique, à celle des opérateurs historiques.

6

Le dégroupage de la boucle locale dans l’Union européenne a été mis en œuvre en suivant le concept dit de l’« échelle des investissements ». Selon ce concept, pour accéder au réseau de l’opérateur historique, les OA choisissent d’abord les solutions technologiques les moins onéreuses, telle que la location en gros de lignes appartenant à l’opérateur historique. Ensuite, une fois leur clientèle établie, les OA passent aux solutions qui nécessitent plus d’investissements dans la construction des fragments de leur propre réseau connecté au réseau de l’opérateur historique. Ces dernières solutions, bien que plus onéreuses, procurent aux OA davantage d’autonomie par rapport à l’opérateur historique et permettent d’offrir aux abonnés des services plus complexes et plus variés.

7

Parmi les différents services de télécommunications qui peuvent être fournis aux utilisateurs finaux à travers la boucle locale figure la transmission des données à haut débit pour un accès fixe à l’internet et pour les applications multimédias à partir de la technologie de ligne d’abonné numérique (Digital Subscriber Line ou DSL).

8

L’accès fixe à l’internet à haut débit peut être également fourni sur la base des autres technologies qui utilisent d’autres infrastructures, par exemple de nouvelles boucles en fibre optique à haute capacité, des infrastructures de télévision par câble (technologie de modem câble) ou des réseaux LAN Ethernet dont la portée territoriale peut être élargie par l’utilisation des technologies WLAN permettant le transfert des données par les ondes radio (Wireless-Fidelity ou Wi-Fi). La taille de ces infrastructures est néanmoins généralement limitée et leur développement implique d’importants investissements.

9

L’utilisation de l’infrastructure déjà existante et couvrant des zones géographiques très larges explique ainsi la popularité de la technologie DSL par rapport aux technologies alternatives. En Pologne, pendant les années 2005 à 2010, bien qu’elle soit allée décroissant (de 62 % à plus de 50 %), la part de la technologie DSL dans le marché des technologies permettant l’accès fixe à l’internet à haut débit est toujours restée à un niveau dépassant 50 %.

10

Les OA qui souhaitent offrir aux utilisateurs finaux des services d’accès à l’internet à haut débit sur la base de la technologie DSL peuvent acquérir auprès de l’opérateur du réseau historique des produits de gros de l’accès à haut débit. Sur le marché polonais, pendant la période couverte par la décision attaquée, il existait deux produits de gros de l’accès à haut débit, à savoir, d’une part, l’accès dégroupé à la boucle locale proprement dit (Local Loop Undbundling, ci-après l’« accès en mode LLU») et, d’autre part, l’accès dit « haut débit » (Bitstream Access, ci-après l’« accès en mode BSA »).

11

L’accès en mode LLU se distingue de l’accès en mode BSA, au-delà des modalités technologiques, par deux éléments essentiels. Premièrement, l’accès en mode LLU exige des OA la construction des fragments de leur propre réseau afin d’obtenir l’accès physique aux infrastructures du réseau de l’opérateur historique. Par conséquent, il implique des investissements plus élevés à la charge des OA. Deuxièmement, il donne aux OA une plus grande maîtrise des paramètres des services offerts aux clients de détail ainsi que la possibilité de leur proposer tant les services d’accès à l’internet que les services de communication vocale. L’accès en mode BSA, bien que moins cher, implique plus de contraintes technologiques pour les OA.

12

L’accès au réseau de l’opérateur historique, qu’il passe par les modes BSA ou LLU, est un processus qui se déroule en plusieurs étapes. Trois principales étapes d’accès au réseau peuvent être distinguées. Dans un premier temps, les OA négocient avec l’opérateur historique les accords portant sur les conditions de l’accès à son réseau. Dans un deuxième temps, les OA se raccordent au réseau de l’opérateur historique. Dans un troisième temps, les OA demandent l’activation des lignes des abonnés. Chacune de ces étapes d’accès est divisée en plusieurs sous-étapes qui sont fonction, notamment, des solutions technologiques appliquées pour l’accès en modes BSA et LLU. Au cours de ces trois étapes, les OA peuvent demander à l’opérateur historique la communication d’informations à caractère général relatives à son réseau.

13

Le dégroupage de la boucle locale est réglementé au niveau de l’Union, notamment par le règlement (CE) no 2887/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif au dégroupage de l’accès à la boucle locale (JO L 336, p. 4), et la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») (JO L 118, p. 33). Les dispositions de ces actes ont été mises en œuvre en Pologne avant même l’adhésion de celle-ci à l’Union, par les modifications successives de l’ustawa Prawo telekomunikacyjne (loi sur les télécommunications).

14

En substance, ce cadre réglementaire oblige l’opérateur identifié par l’autorité réglementaire nationale comme l’opérateur doté d’une puissance significative sur le marché, qui est en général l’opérateur historique, à accorder aux OA l’accès dégroupé à sa boucle locale et aux services connexes à des conditions transparentes, équitables, non discriminatoires et au moins aussi favorables que les conditions déterminées dans une offre de référence. L’offre de référence est adoptée dans le cadre d’une procédure administrative qui se déroule devant l’autorité réglementaire nationale. L’opérateur doté d’une puissance significative sur le marché est tenu de préparer un projet d’offre de référence et de le soumettre à l’approbation de ladite autorité. Ensuite, le projet d’offre de référence fait l’objet de consultations avec les acteurs du marché. L’autorité réglementaire nationale est habilitée à imposer des modifications au projet d’offre de référence et, à la fin de la consultation, elle adopte une décision mettant en œuvre l’offre de référence définitive.

15

Au-delà du rôle qu’elle joue dans la procédure d’identification de l’opérateur doté d’une puissance significative sur le marché et dans celle de l’adoption de l’offre de référence, l’autorité réglementaire nationale a d’autres compétences. Notamment, elle intervient, de sa propre initiative ou à la demande d’un opérateur intéressé, pour assurer la non-discrimination, une concurrence équitable et l’efficacité économique sur le marché et prend des décisions contraignantes afin de résoudre les litiges entre l’opérateur doté d’une puissance significative sur le marché et les OA.

16

En Pologne, l’autorité réglementaire nationale, à savoir le président de l’Urząd Regulacji Telekomunikacji i Poczty (Office de régulation des télécommunications et de la poste), remplacé à partir du 16 janvier 2006 par le président de l’Urząd Komunikacji Elektronicznej (Office des communications électroniques, ci-après, en se référant à l’autorité réglementaire nationale, l’« UKE »), a constaté que TP disposait d’une puissance significative sur le marché de gros de l’accès à haut débit. TP a, dès lors, été obligée de garantir aux OA un accès transparent et non discriminatoire à son réseau à haut débit et de présenter les offres de référence applicables aux services d’accès en mode BSA et aux services d’accès en mode LLU. Ces offres, après avoir fait l’objet de consultations avec des parties intéressées, ont été mises en œuvre par les décisions de l’autorité réglementaire nationale. La première offre de référence relative à l’accès en mode LLU a été adoptée le 28 février 2005 et la première offre de référence relative aux services d’accès en mode BSA (ci-après l’« offre de référence BSA »), le 10 mai 2006. Ces offres ont été, par la suite, modifiées à maintes reprises par des décisions successives de l’UKE.

17

À partir de 2005, l’autorité réglementaire nationale est intervenue plusieurs fois afin de remédier aux manquements de TP à ses obligations réglementaires, y compris en lui imposant des amendes. En 2009, l’UKE a engagé un processus qui devait aboutir à une séparation fonctionnelle de TP. Afin d’éviter cette séparation fonctionnelle, le 22 octobre 2009, TP a signé avec l’UKE un protocole d’accord (ci-après l’« accord avec l’UKE »), en vertu duquel elle s’est volontairement engagée, tout d’abord, à respecter ses obligations règlementaires, à conclure des accords portant sur les conditions d’accès avec les OA dans des conditions conformes aux offres de référence pertinentes et à respecter le principe de non-discrimination des OA. Elle s’est engagée, en outre, à introduire un système de prévision pour les commandes des OA, à ouvrir l’accès à ses applications afin de permettre aux OA l’obtention des informations générales nécessaires et à mettre fin aux procédures contentieuses qu’elle avait lancées contre les décisions de l’UKE mettant en œuvre des offres de référence ou modifiant les accords portant sur les conditions d’accès conclus entre elle et les OA. Enfin, TP s’est engagée à investir dans la modernisation de son réseau à haut débit afin de permettre la création d’au moins 1200000 nouvelles lignes à haut débit.

2. Procédure administrative

18

Entre les 23 et 26 septembre 2008, en coopération avec l’autorité polonaise de la concurrence, la Commission a procédé à des inspections dans les locaux de TP situés à Varsovie (Pologne), en application de l’article 20, paragraphe 4, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).

19

Le 17 avril 2009, la Commission a décidé d’ouvrir, à l’égard de TP, une procédure au sens de l’article 2 du règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO L 123, p. 18).

20

Le 26 février 2010, la Commission a adopté une communication des griefs, à laquelle TP a répondu le 2 juin 2010. Une audition a été organisée à la demande de TP le 10 septembre 2010.

21

Le 28 janvier 2011, la Commission a envoyé à TP un courrier attirant son attention sur un certain nombre d’éléments de preuve concernant les griefs qu’elle avait formulés, précisant qu’elle pourrait utiliser lesdits griefs dans une éventuelle décision finale (ci-après la « lettre d’exposé des faits »). TP a répondu à ce courrier par lettre du 7 mars 2011.

3. Décision attaquée

22

Le 22 juin 2011, la Commission a adopté la décision attaquée, qui a été notifiée à TP le 24 juin 2011. Un résumé de cette décision a été publié au Journal officiel de l’Union européenne du 9 novembre 2011 (JO C 324, p. 7).

23

Dans la décision attaquée, la Commission a identifié trois marchés de produits concernés, à savoir :

le marché de gros de l’accès à haut débit (le marché de gros de l’accès en mode BSA) ;

le marché de gros de l’accès (physique) aux infrastructures de réseau (y compris l’accès partagé ou totalement dégroupé) en position déterminée (le marché de gros de l’accès en mode LLU) ;

le marché de masse de détail, qui est le marché en aval des produits à haut débit standard offerts en position déterminée par les opérateurs de télécommunications à leurs propres utilisateurs finaux, qu’ils soient fournis par DSL, modem câble, LAN/WLAN ou toute autre technologie, à l’exclusion des services mobiles à haut débit (considérants 581 à 625 de la décision attaquée).

24

Le marché géographique en cause couvrait, selon la décision attaquée, l’ensemble du territoire de la Pologne (considérant 626 de la décision attaquée).

25

La Commission a constaté que TP était l’unique fournisseur de gros de l’accès à haut débit en modes BSA et LLU en Pologne. S’agissant du marché de détail, la Commission a constaté que TP y occupait une position dominante, dès lors que, en termes de recettes, ses parts de marché se situaient dans une fourchette comprise entre 46 et 57 % et, en termes de nombre de lignes, elles étaient de l’ordre 40 à 58 % (considérants 669, 672 et 904 de la décision attaquée).

26

La Commission a considéré que TP avait abusé de sa position dominante sur le marché polonais de gros de l’accès en mode BSA et le marché polonais de gros de l’accès en mode LLU, en refusant de donner accès à son réseau et de fournir les produits de gros BSA et LLU (considérant 803 et article 1er de la décision attaquée). Cet abus, commis sur le marché de gros, visait à protéger la position de TP sur le marché de détail (considérants 710 et 865 de la décision attaquée).

27

La Commission a considéré que TP avait mis au point une stratégie, dont l’existence était confirmée par plusieurs documents internes de TP, visant à limiter la concurrence à toutes les étapes du processus d’accès à son réseau (considérants 707 à 711 de la décision attaquée).

28

La Commission a précisé que, en vue de réaliser cette stratégie, TP s’était livrée à un comportement complexe, composé des cinq éléments suivants :

proposition aux OA de conditions déraisonnables dans les accords portant sur l’accès aux produits BSA et LLU, c’est-à-dire l’exclusion ou la modification de clauses contractuelles et l’extension de délais au détriment des OA (considérants 165 à 295 et 714 à 721 de la décision attaquée) ;

retardement du processus de négociation des accords portant sur l’accès aux produits BSA et LLU (considérants 296 à 374 et 722 à 747 de la décision attaquée) ;

limitation de l’accès à son réseau (considérants 375 à 443 et 748 à 762 de la décision attaquée) ;

limitation de l’accès aux lignes d’abonnés (considérants 444 à 510 et 763 à 782 de la décision attaquée) ;

refus de fournir les informations générales exactes et fiables indispensables aux OA pour prendre des décisions en matière d’accès (considérants 511 à 565 et 783 à 792 de la décision attaquée).

29

La Commission a souligné que les pratiques susmentionnées de TP ont eu un effet cumulé sur les OA qui ont rencontré des obstacles à chaque étape du processus d’accès aux produits de gros de TP. Elle a indiqué que, bien que chacun des obstacles créés par TP, pris individuellement, puisse ne pas paraître très gênant, pris ensemble, ils formaient un comportement abusif dont l’objectif était de fermer aux OA l’accès au marché de gros de l’accès à haut débit (considérant 713 de la décision attaquée).

30

La Commission a conclu que l’abus commis par TP constituait une infraction unique et continue à l’article 102 TFUE. Elle a considéré que cette infraction avait débuté le 3 août 2005, date à laquelle les premières négociations entre TP et un OA concernant l’accès au réseau de TP sur la base de l’offre de référence relative à l’accès en mode LLU avaient commencé, et qu’elle avait duré au moins jusqu’au 22 octobre 2009, date à laquelle, après l’ouverture d’une procédure par la Commission, l’accord avec l’UKE avait été signé (article 1er et considérant 909 de la décision attaquée, ci-après, concernant cette période, la « période de l’infraction »).

31

La Commission a sanctionné TP pour cette violation de l’article 102 TFUE en lui imposant une amende calculée selon les règles posées dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »).

32

La Commission a, tout d’abord, déterminé le montant de base de l’amende en retenant 10 % de la valeur moyenne des ventes réalisées par TP sur les marchés concernés et en multipliant le chiffre ainsi obtenu par un facteur de 4,2, correspondant à la durée de l’infraction fixée à quatre ans et deux mois. Le montant de base obtenu sur la base de ce calcul s’élevait à 136000000 euros (considérants 898 à 912 de la décision attaquée).

33

Ensuite, la Commission a décidé de ne pas ajuster le montant de base de l’amende en fonction de circonstances aggravantes ou atténuantes. Elle a, en particulier, refusé de tenir compte, au titre des circonstances atténuantes, des éléments invoqués par TP dans sa lettre du 7 mars 2011, par laquelle elle a répondu à la lettre d’exposé des faits (considérants 914 à 916 de la décision attaquée).

34

Enfin, la Commission a reconnu que le comportement de TP, visé par la décision attaquée, avait également fait l’objet des décisions de l’UKE par lesquelles cette dernière a imposé à TP des amendes pour la violation de ses obligations réglementaires. Afin de tenir compte de ces amendes, la Commission a déduit leur montant du montant de base de l’amende et a fixé le montant final de celle-ci à 127554194 euros.

Procédure et conclusions des parties

35

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 septembre 2011, la requérante a introduit le présent recours.

36

Par acte déposé au greffe du Tribunal le 23 décembre 2011, Netia S.A. a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

37

Par acte déposé au greffe du Tribunal le 28 décembre 2011, Polska Izba Informatyki i Telekomunikacji (ci-après la « PIIT ») a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

38

La Commission a déposé son mémoire en défense le 13 janvier 2012.

39

Par lettre du 10 février 2012, la requérante a demandé le traitement confidentiel à l’égard de Netia et de la PIIT de certains éléments figurant dans la requête et ses annexes.

40

Par lettre du 9 mars 2012, la requérante a demandé le traitement confidentiel à l’égard de Netia et de la PIIT de certains éléments figurant dans les annexes du mémoire en défense.

41

Par lettre du 4 avril 2012, la requérante a demandé le traitement confidentiel à l’égard de Netia et de la PIIT de certains éléments figurant dans la réplique.

42

Par ordonnance du 29 juin 2012, le président de la première chambre du Tribunal a admis l’intervention de Netia.

43

Le 21 septembre 2012, Netia a déposé son mémoire en intervention.

44

Par ordonnance du 7 novembre 2012, le président de la première chambre du Tribunal a admis l’intervention de la PIIT.

45

Par lettre du 17 décembre 2012, la requérante a demandé le traitement confidentiel à l’égard de Netia et de la PIIT de certains éléments figurant dans les annexes de la duplique. Par une autre lettre du même jour, la requérante a demandé le traitement confidentiel à l’égard de la PIIT de certains éléments figurant dans les annexes du mémoire en intervention de Netia.

46

Par acte déposé au greffe le 24 janvier 2013, l’European Competitive Telecommunications Association (ci-après l’« ECTA ») a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

47

Le 1er février 2013, la PIIT a déposé son mémoire en intervention. La requérante n’a pas demandé le traitement confidentiel des éléments figurant dans ce mémoire.

48

Par lettre du 15 février 2013, la requérante a soulevé des objections à l’encontre de l’intervention de l’ECTA.

49

Par lettre du 17 mars 2013, la Commission a déposé ses observations sur le mémoire en intervention de la PIIT.

50

Par lettre du 19 mars 2013, la requérante a présenté ses observations sur le mémoire en intervention de Netia. La Commission n’a pas présenté d’observations sur ce mémoire en intervention.

51

Par lettre du 14 avril 2013, la requérante a présenté ses observations sur le mémoire en intervention de la PIIT.

52

Par lettre du 29 mai 2013, la requérante a demandé le traitement confidentiel à l’égard de Netia et de la PIIT de certains éléments figurant dans les annexes de ses observations sur le mémoire en intervention de Netia.

53

Aucune des demandes de traitement confidentiel déposées par la requérante n’a été contestée.

54

Par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 3 septembre 2013, l’ECTA a été admise à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission, cette intervention étant limitée à la présentation des observations lors de la phase orale de la procédure, en vertu de l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991.

55

La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

56

Par lettre du 5 novembre 2014, Netia a retiré son intervention.

57

Par lettre du 17 décembre 2014, la Commission a présenté ses observations sur le retrait de l’intervention de Netia.

58

Par ordonnance du 26 février 2015, le président de la huitième chambre du Tribunal a radié du registre l’intervention de Netia et a condamné celle-ci à supporter ses propres dépens.

59

Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, invité les parties à répondre à des questions écrites. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

60

Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 26 juin 2015.

61

La requérante, soutenue par la PIIT, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

à titre principal, annuler la décision attaquée dans son intégralité ;

à titre subsidiaire, annuler l’intégralité de l’article 2 de la décision attaquée ;

à titre encore plus subsidiaire, réduire le montant de l’amende fixée dans l’article 2 de la décision attaquée ;

condamner la Commission aux dépens.

62

La Commission, soutenue par l’ECTA, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme non fondé ;

condamner la requérante aux dépens.

En droit

1. Sur la portée du litige

63

Par ses premier et deuxième chefs de conclusions, la requérante demande, à titre principal, l’annulation intégrale de la décision attaquée et, à titre subsidiaire, l’annulation de l’article 2 de celle-ci. Par son troisième chef de conclusions, la requérante invite le Tribunal, à titre encore plus subsidiaire, à réformer le montant de l’amende. Il convient donc d’examiner successivement les conclusions en annulation et celles tendant à la réformation du montant de l’amende.

64

Il importe, toutefois, de souligner d’emblée que, à l’appui de ses conclusions en réformation, la requérante invoque deux moyens, le premier étant tiré d’une erreur de droit et d’appréciation concernant le calcul du montant de base de l’amende et le second d’erreurs de droit et d’appréciation ainsi que de l’absence de prise en compte de circonstances atténuantes. Or, force est de constater que de tels moyens visent à faire sanctionner l’inobservation d’une règle de droit et sont donc de nature, si leur bien-fondé était établi, à emporter l’annulation partielle de la décision attaquée. Ils relèvent donc du contrôle de légalité du juge de l’Union et non, en tant que tels, des pouvoirs de pleine juridiction de ce dernier.

65

Il convient, en effet, de rappeler que la compétence de pleine juridiction conférée, en application de l’article 261 TFUE, au Tribunal par l’article 31 du règlement no 1/2003 habilite ce dernier, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, qui ne permet que de rejeter le recours en annulation ou d’annuler l’acte attaqué, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à réformer l’acte attaqué, même en l’absence d’annulation, compte tenu de toutes les circonstances de fait, en modifiant notamment l’amende infligée lorsque la question du montant de celle-ci est soumise à son appréciation (voir, en ce sens, arrêts du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C‑3/06 P, Rec, EU:C:2007:88, points 61 et 62 ; du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, Rec, EU:C:2009:505, point 86, et du 5 octobre 2011, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06, Rec, EU:T:2011:560, point 265).

66

Il ressort également de la jurisprudence qu’un recours visant à obtenir du juge de l’Union l’exercice de sa compétence de pleine juridiction à l’encontre d’une décision de sanction, compétence dévolue par l’article 261 TFUE, mais mise en œuvre dans le cadre de l’article 263 TFUE, comprend ou recouvre nécessairement une demande d’annulation, totale ou partielle, de cette décision (voir, en ce sens, ordonnance du 9 novembre 2004, FNICGV/Commission, T‑252/03, Rec, EU:T:2004:326, point 25).

67

Ce n’est donc qu’après que le juge de l’Union a achevé de contrôler la légalité de la décision qui lui a été soumise, au vu des moyens qui lui ont été présentés comme de ceux qu’il a, le cas échéant, soulevés d’office, qu’il lui revient, en l’absence d’annulation totale de ladite décision, d’exercer sa compétence de pleine juridiction afin, d’une part, de tirer les conséquences de son jugement relatif à la légalité de cette même décision et, d’autre part, en fonction des éléments qui ont été portés à son examen (voir, en ce sens, arrêts du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑389/10 P, Rec, EU:C:2011:816, point 131, et du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, Rec, EU:C:2014:2062, point 213), de déterminer s’il y a lieu, à la date à laquelle il adopte sa décision (arrêts du 11 juillet 2014, Esso e.a./Commission, T‑540/08, Rec, EU:T:2014:630, point 133 ; Sasol e.a./Commission, T‑541/08, Rec, EU:T:2014:628, point 438, et RWE et RWE Dea/Commission, T‑543/08, Rec, EU:T:2014:627, point 257), de substituer sa propre appréciation à celle de la Commission, de sorte que le montant de l’amende soit approprié.

68

Par conséquent, les moyens présentés par la requérante à l’appui de ses conclusions en réformation seront examinés au titre de ses conclusions en annulation, dans la mesure où ils soulèvent, en réalité, des questions de pure légalité. Si lesdits moyens s’avéraient fondés, étant rappelé qu’ils ne sont pas de nature à emporter l’annulation totale de la décision attaquée (voir point 64 ci-dessus), il en serait tenu compte au titre de la compétence de pleine juridiction du Tribunal. De même, s’il résultait de l’examen de ces moyens que tel ou tel grief, tenant, par exemple, à des considérations d’équité (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 1959, Macchiorlatti Dalmas/Haute Autorité, 1/59, Rec, EU:C:1959:29, p. 425), puisse venir au soutien desdites conclusions en réformation, ce dernier serait naturellement examiné à ce titre.

2. Sur les conclusions en annulation

Sur les conclusions tendant à l’annulation intégrale de la décision attaquée

69

Au soutien de ce chef de conclusions, la requérante soulève un moyen unique, tiré d’une erreur de droit et d’un défaut de motivation concernant l’existence d’un intérêt légitime à constater l’infraction commise dans le passé.

70

À l’appui de ce moyen unique, qu’il convient néanmoins de décomposer en deux griefs distincts, dès lors qu’il y a lieu de distinguer la question de l’obligation de motivation, qui requiert la présence, dans la décision attaquée, des éléments de fait et de droit essentiels, de nature à faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de celle du bien-fondé des motifs avancés par ladite institution (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec, EU:C:1998:154, point 67, et du 16 octobre 2014, Eurallumina/Commission, T‑308/11, EU:T:2014:894, point 33), la requérante fait valoir qu’il ressort de l’article 7 du règlement no 1/2003 que, lorsque la Commission prend une décision constatant l’existence d’une infraction commise dans le passé, elle doit établir l’existence d’un intérêt légitime à poursuivre son enquête et l’expliquer adéquatement dans sa décision. Le devoir d’établir et de motiver l’existence d’un intérêt légitime serait indépendant de la question de savoir si, par sa décision, la Commission impose, ou non, une amende.

71

Selon la requérante, cette interprétation de l’article 7 du règlement no 1/2003 est conforme à la jurisprudence de la Cour, notamment aux arrêts du 2 mars 1983, GVL/Commission (7/82, Rec, EU:C:1983:52), et du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission (T‑22/02 et T‑23/02, Rec, EU:T:2005:349). Elle serait également justifiée par la nécessité d’assurer le respect des garanties procédurales visées à l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH »), signée à Rome le 4 novembre 1950, et à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

72

La requérante rappelle que, selon la décision attaquée, l’infraction reprochée à TP s’est terminée le 22 octobre 2009, donc avant l’adoption de la décision attaquée, le 22 juin 2011. Dès lors que, dans la décision attaquée, la Commission n’a aucunement démontré son intérêt légitime à poursuivre l’enquête et à constater l’existence de cette infraction, ladite décision serait entachée d’une erreur de droit et d’un défaut de motivation et devrait, par conséquent, être annulée dans son intégralité.

73

La Commission conteste les arguments de la requérante et conclut au rejet du présent moyen.

74

À cet égard, d’abord, s’agissant du grief tiré du défaut de motivation concernant l’existence d’un intérêt légitime à constater l’infraction commise dans le passé, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 :

« Si la Commission, agissant d’office ou saisie d’une plainte, constate l’existence d’une infraction aux dispositions de l’article [101 TFUE] ou [102 TFUE], elle peut obliger par voie de décision les entreprises et associations d’entreprises intéressées à mettre fin à l’infraction constatée. À cette fin, elle peut leur imposer toute mesure corrective de nature structurelle ou comportementale, qui soit proportionnée à l’infraction. [...] Lorsqu’il y a un intérêt légitime, elle peut également constater qu’une infraction a été commise dans le passé. »

75

Cette disposition doit être lue à la lumière de l’exposé des motifs de la proposition de règlement du Conseil relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] et modifiant les règlements (CEE) no 1017/68, (CEE) no 2988/74, (CEE) no 4056/86 et (CEE) no 3975/87 (« règlement d’application des articles [101 TFUE] et [102 TFUE] ») (JO 2000, C 365 E, p. 284). L’exposé des motifs relatifs à l’article 7 indique qu’il est précisé dans cette disposition que « la Commission est compétente pour adopter une décision constatant une infraction non seulement lorsqu’elle ordonne qu’il soit mis fin à une infraction ou qu’elle impose une amende, mais aussi lorsqu’une infraction est terminée et qu’elle n’impose pas d’amende[ ; c]onformément à la jurisprudence de la Cour de justice, le pouvoir conféré à la Commission d’adopter une décision constatant une infraction dans de telles circonstances est toutefois limité aux cas où la Commission a un intérêt légitime à le faire[ ; i]l peut en être ainsi, par exemple, lorsqu’il existe un risque que le destinataire de la décision ne récidive ou lorsque le cas soulève de nouveaux problèmes qu’il est dans l’intérêt public de clarifier ».

76

Il résulte de ce qui précède qu’il revient à la Commission d’établir l’existence d’un intérêt légitime à constater une infraction lorsque, à la fois, cette infraction est terminée et la Commission n’impose pas d’amende.

77

Cette conclusion est conforme à la jurisprudence du Tribunal invoquée par la requérante dans ses écritures et à une jurisprudence plus récente qui, en substance, reconnaît l’existence d’un lien entre, d’une part, l’obligation imposée à la Commission de démontrer un intérêt légitime à constater une infraction et, d’autre part, la prescription de son pouvoir d’imposer des amendes. En effet, le Tribunal a jugé que la prescription du pouvoir de la Commission d’infliger des amendes ne pouvait affecter son pouvoir implicite de constater l’infraction. Toutefois, l’exercice de ce pouvoir implicite d’adopter une décision constatant une infraction après l’écoulement du délai de prescription est soumis à la condition que la Commission démontre l’existence d’un intérêt légitime à procéder à une telle constatation (arrêts du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, Rec, EU:T:2006:350, point 18, et du 6 février 2014, Elf Aquitaine/Commission, T‑40/10, EU:T:2014:61, points 282 et 284 à 287).

78

Il s’ensuit que l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, défendue par la requérante, selon laquelle la Commission doit démontrer l’existence d’un intérêt légitime à constater une infraction commise dans le passé, nonobstant le fait qu’elle sanctionne cette infraction par une amende, est erronée. Cette institution n’étant pas soumise, sur ce point, à l’obligation de motivation, le premier grief du moyen encourt le rejet.

79

Ensuite, dans la mesure où, en l’espèce, il est constant que le pouvoir de la Commission d’imposer les amendes n’était pas prescrit et que la Commission a décidé d’infliger une amende à TP, c’est à tort que la requérante reproche à la Commission une erreur de droit, en ce qu’elle n’a pas démontré, dans la décision attaquée, l’existence d’un intérêt légitime à constater l’infraction commise dans le passé. Le second grief du premier moyen doit donc également être rejeté.

80

Par conséquent, il y a lieu de rejeter le présent moyen comme non fondé et, partant, le chef de conclusions tendant à l’annulation intégrale de la décision attaquée.

Sur les conclusions tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée

81

Dans la requête, au soutien de ce chef de conclusions tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée, la requérante a soulevé deux moyens. Il convient d’y ajouter les deux moyens erronément avancés au titre des conclusions en réformation, sauf concernant les éléments relevant desdits moyens ayant spécifiquement trait à la pleine juridiction.

Sur le premier moyen

82

Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 6 de la CEDH et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux. Selon la requérante, il ressort des dispositions combinées de ces deux articles qu’une amende ne peut être infligée que par un « tribunal indépendant et impartial, établi par la loi » satisfaisant à toutes les garanties formelles prévues par l’article 6 de la CEDH. Or, non seulement la Commission ne serait pas une juridiction, mais elle cumulerait les fonctions de poursuite et de décision. Les amendes qu’elle impose, qui seraient par ailleurs manifestement de nature « pénale » au sens de l’article 6 de la CEDH, ne seraient donc pas infligées par une instance véritablement indépendante de l’administration et violeraient ainsi le principe de l’impartialité inscrit dans les dispositions susmentionnées.

83

En répondant à la question du Tribunal posée par voie de mesures d’organisation de la procédure et relative aux conséquences qu’il convenait de tirer, pour ce moyen, des arrêts du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission (C‑386/10 P, Rec, EU:C:2011:815, points 62, 63 et 81), et du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission (C‑501/11 P, Rec, EU:C:2013:522, points 33 à 38), la requérante y a renoncé, ce dont il a été pris acte lors de l’audience. La requérante a néanmoins appelé le Tribunal à exercer à ce titre son pouvoir de pleine juridiction, conformément aux principes établis dans la jurisprudence précitée, et, partant, à tenir compte tant de l’article 6 de la CEDH que de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, dans le cadre de l’examen des arguments avancés au soutien du chef de conclusions tendant à la réformation du montant de l’amende.

84

Il convient donc, au titre des conclusions en annulation, de constater que la requérante a renoncé à son premier moyen et, en conséquence, qu’il n’y a plus lieu, pour le Tribunal, de statuer sur ledit moyen.

Sur le deuxième moyen

85

Le deuxième moyen est tiré d’une violation des droits de la défense de la requérante. Par ce moyen, la requérante soutient que l’article 2 de la décision attaquée viole son droit d’être entendue et ses droits de la défense, consacrés par les articles 41 et 48 de la charte des droits fondamentaux et l’article 27 du règlement no 1/2003 ainsi que par les articles 10 et 15 du règlement no 773/2004.

86

Selon la requérante, la jurisprudence de la Cour et du Tribunal relative au contenu requis de la communication des griefs est dépassée par les dispositions de la charte des droits fondamentaux énumérées au point précédent. Ainsi, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la Commission aurait une obligation de fournir dans la communication des griefs tant les éléments de fait et de droit nécessaires pour prouver l’infraction que les éléments de fait et de droit pertinents pour le calcul du montant de l’amende. S’agissant du calcul du montant de l’amende, la Commission aurait l’obligation de présenter dans la communication des griefs non seulement les éléments clés nécessaires pour déterminer le montant de base de l’amende, mais également les éléments dont elle tient compte au titre des ajustements du montant de base, à savoir les faits susceptibles de constituer des circonstances aggravantes et atténuantes. De même, le montant final de l’amende susceptible d’être infligée à l’entreprise concernée devrait être, selon la requérante, indiqué dans la communication des griefs. La possibilité, pour la requérante, de contester le montant final de l’amende devant le Tribunal ne serait pas suffisante pour garantir le respect des droits découlant des articles 41 et 48 de la charte des droits fondamentaux.

87

En l’espèce, la Commission aurait violé les dispositions énumérées au point 85 ci-dessus, en s’abstenant d’indiquer dans la communication des griefs, ainsi que dans la lettre d’exposé des faits adressée à la requérante, les éléments qu’elle allait retenir au titre des circonstances atténuantes. En particulier, et en dépit des arguments avancés par la requérante à cet égard lors de la procédure administrative, la Commission n’aurait aucunement analysé, dans ces documents, les conséquences de l’accord conclu entre la requérante et l’UKE sur la gravité de l’infraction ou sur le niveau de l’amende.

88

La Commission conteste les arguments de la requérante et conclut au rejet du présent moyen.

89

À titre liminaire, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas procédé à des ajustements du montant de l’amende. Aux considérants 913 à 916 de la décision attaquée, la Commission a rejeté les arguments de la requérante présentés au cours de la procédure administrative relatifs à l’existence de circonstances atténuantes.

90

À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dès lors que la Commission indique expressément, dans la communication des griefs, qu’elle va examiner s’il convient d’infliger des amendes aux entreprises concernées et qu’elle indique également les principaux éléments de fait et de droit susceptibles d’entraîner l’imposition d’une amende, tels que la gravité et la durée de l’infraction supposée et le fait d’avoir commis celle-ci de propos délibéré ou par négligence, elle respecte le droit des entreprises d’être entendues. Ce faisant, elle leur donne en effet les éléments nécessaires pour se défendre non seulement contre une constatation de l’infraction, mais également contre le fait de se voir infliger une amende (voir arrêt du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec, EU:T:2005:367, point 50 et jurisprudence citée).

91

Une jurisprudence constante confirme également que, en ce qui concerne la détermination du montant des amendes, les droits de la défense des entreprises concernées sont garantis devant la Commission à travers la possibilité de présenter des observations sur la durée, la gravité et la prévisibilité du caractère anticoncurrentiel de l’infraction. Par ailleurs, les entreprises bénéficient d’une garantie supplémentaire, en ce qui concerne la détermination du montant de l’amende, dans la mesure où le Tribunal statue avec compétence de pleine juridiction et peut notamment supprimer ou réduire l’amende, en vertu de l’article 31 du règlement no 1/2003. Le juge de l’Union en a conclu que la Commission pouvait se limiter à indiquer, sans plus de précision, dans la communication des griefs, qu’elle tiendrait compte du rôle individuel joué par chaque entreprise dans les accords en cause et que le montant de l’amende refléterait les éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes dès lors que les lignes directrices pour le calcul des amendes détaillent les circonstances qui peuvent être considérées comme telles (voir arrêt du 27 septembre 2012, Koninklijke Wegenbouw Stevin/Commission, T‑357/06, Rec, EU:T:2012:488, point 217 et jurisprudence citée).

92

C’est à la lumière des principes rappelés aux points 90 et 91 ci-dessus qu’il convient d’examiner les arguments avancés par la requérante dans le cadre du présent moyen.

93

Avant d’effectuer cet examen, il convient encore de préciser, en premier lieu, que les règles énoncées dans l’arrêt Koninklijke Wegenbouw Stevin/Commission (point 91 supra, EU:T:2012:488) s’appliquent tant aux circonstances aggravantes qu’aux circonstances atténuantes. En effet, la règle ainsi posée par le Tribunal oblige la Commission à annoncer, dans la communication des griefs, qu’elle tiendra compte des facteurs qui peuvent influer sur le montant définitif de l’amende, ce qui inclut, à l’instar des circonstances aggravantes, les circonstances atténuantes.

94

En second lieu, il importe de préciser que, contrairement à ce que soutient la requérante, les principes énoncés aux points 90 et 91 ci-dessus n’ont pas été affectés par l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne ni par les déclarations avancées par la Commission dans sa communication concernant les bonnes pratiques relatives aux procédures d’application des articles 101 [TFUE] et 102 […] TFUE (JO 2011, C 308, p. 6).

95

En effet, d’une part, il ressort de la jurisprudence de la Cour, rendue dans le contexte de l’application de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, que l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, comportant l’inclusion de la charte des droits fondamentaux dans le droit primaire de l’Union, n’a pas modifié substantiellement le contenu du droit à un procès équitable, tel qu’il découle, notamment, de l’article 6 de la CEDH et tel qu’il a été reconnu au niveau de l’Union en tant que principe général du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 3 mai 2012, Legris Industries/Commission, C‑289/11 P, EU:C:2012:270, point 36 et jurisprudence citée). Ces considérations peuvent être étendues au droit d’être entendu et, plus largement, aux droits de la défense dans leur ensemble, invoqués par la requérante, dans la mesure où lesdits droits contribuent à garantir la tenue d’un procès équitable.

96

D’autre part, s’agissant de la communication concernant les bonnes pratiques, citée au point 94 ci-dessus, force est de constater que, compte tenu du fait qu’elle a été publiée le 20 octobre 2011, c’est-à-dire plusieurs mois après l’adoption de la décision attaquée, elle n’est pas applicable en l’espèce, conformément à son point 6 (voir, par analogie, arrêt du 17 mai 2011, Elf Aquitaine/Commission, T‑299/08, Rec, EU:T:2011:217, point 148).

97

En ce qui concerne l’application des règles issues de la jurisprudence citée aux points 90 et 91 ci-dessus, en l’espèce, il convient de relever, premièrement, que, au point 522 de la communication des griefs, la Commission a annoncé son intention d’infliger une amende à TP pour un abus défini comme le refus de fournir des services. Aux points suivants de ce document, la Commission a indiqué qu’elle considérait que l’abus reproché à TP avait été commis de propos délibéré ou par négligence et que cette dernière était consciente de ce que son comportement pouvait affecter la concurrence dans le marché intérieur. Deuxièmement, la Commission a indiqué au point 524 de la communication des griefs que, en fixant le montant de l’amende, elle tiendrait compte de toutes les circonstances importantes de l’espèce, en particulier de la gravité et de la durée de l’infraction, et qu’elle allait appliquer les règles exposées dans les lignes directrices de 2006. En ce qui concerne la gravité de l’infraction, la Commission a précisé, au point 528 de la communication des griefs, qu’elle allait tenir compte de sa nature, de son incidence réelle sur le marché, lorsqu’elle était mesurable, et de l’étendue du marché géographique affecté. S’agissant de la durée de l’infraction, la Commission a indiqué, au point 529 de la communication des griefs, que l’infraction avait commencé au plus tard le 3 août 2005 et qu’elle n’avait pas encore pris fin. Troisièmement, la Commission a annoncé, au point 525 de la communication des griefs, que le montant de l’amende pourrait être affecté par une possible prise en compte des circonstances aggravantes ou atténuantes énumérées aux paragraphes 28 et 29 desdites lignes directrices.

98

Par ailleurs, il ressort de la lettre d’exposé des faits, qui constitue une suite d’échanges écrits entre la Commission et TP et qui a été envoyée à cette dernière après l’audition, que la Commission a donné des précisions quant à la valeur des ventes, au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, qu’elle allait retenir pour le calcul du montant de base de l’amende.

99

Les éléments énumérés aux points 97 et 98 ci-dessus permettent de conclure que, en l’espèce, la Commission a respecté les principes jurisprudentiels énoncés aux points 90 et 91 ci-dessus. Les arguments avancés par la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause cette conclusion.

100

En effet, premièrement, il résulte de la jurisprudence citée aux points 90 et 91 ci-dessus que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’avait pas à préciser le montant global de l’amende dans la communication des griefs.

101

Deuxièmement, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû analyser, dans la partie de la communication des griefs relative aux sanctions, l’impact de l’accord avec l’UKE sur la gravité de l’infraction ou sur le niveau de l’amende.

102

En effet, d’une part, il ressort du dossier que la discussion relative à la prise en compte de l’accord avec l’UKE dans le cadre du calcul de l’amende a été engagée par TP à un stade avancé de la procédure administrative, après l’envoi de la communication des griefs. Ainsi, dans un premier temps, aux points 912 à 1009 de la réponse à la communication des griefs, TP a avancé l’argument selon lequel, au vu des engagements qu’elle avait pris en vertu de l’accord avec l’UKE, la Commission devrait admettre que la signature de cet accord avait marqué la fin de l’infraction. La Commission a partagé ce point de vue dans la lettre d’exposé des faits (point 27). Dans un second temps, aux points 483 et 484 de la lettre du 7 mars 2011, envoyée en réponse à la lettre d’exposé des faits, TP a avancé un argument selon lequel l’accord avec l’UKE pourrait être pris en compte en tant que circonstance atténuante. TP a réitéré cet argument dans une lettre du 6 juin 2011, qu’elle a envoyée proprio motu et dans laquelle elle s’est prononcée sur l’opportunité d’imposer une amende en l’espèce.

103

D’autre part, la Commission a répondu à tous ces arguments avancés après l’envoi de la communication des griefs aux considérants 913 à 916 de la décision attaquée. Sans préjuger du bien-fondé de la réponse de la Commission, qui fait l’objet du moyen tiré de l’absence de prise en considération des circonstances atténuantes, il y a lieu de considérer que le fait même que la Commission ait pris position sur ces arguments, présentés après l’envoi de la communication des griefs, dans la décision attaquée ne constitue nullement une violation du droit d’être entendu ou des droits de la défense de TP.

104

Eu égard aux considérations exposées ci-dessus, il y a lieu de rejeter le présent moyen comme non fondé.

Sur le troisième moyen

105

Le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit et d’appréciation concernant le calcul du montant de base de l’amende, porte avant tout sur la méconnaissance des paragraphes 20 à 22 des lignes directrices de 2006.

106

Tout en soulignant qu’elle ne conteste pas l’existence de l’infraction qui est reprochée à TP, la requérante demande au Tribunal, en substance, de reconsidérer le montant de l’amende fixée dans la décision attaquée à la lumière du principe de proportionnalité et en tenant compte du fait que la gravité de cette infraction ne justifiait pas que la Commission retînt, dans le calcul du montant de base de l’amende, 10 % de la valeur des ventes, au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006. Les arguments de la requérante consacrés au caractère disproportionné et, donc, inadéquat et contraire à l’équité dudit montant seront examinés dans le cadre des conclusions en réformation.

107

Le présent moyen s’articule en deux branches par lesquelles la requérante reproche à la Commission, d’une part, de n’avoir pas dûment tenu compte du fait que l’infraction avait impliqué des pratiques de durée et d’intensité différentes et, d’autre part, d’avoir erronément apprécié l’impact du comportement de TP sur le marché concerné.

108

Avant d’examiner ces deux branches, il convient de rappeler, tout d’abord, que, conformément à l’article 49, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux, l’intensité des peines ne doit pas être disproportionnée par rapport à l’infraction.

109

Dans le cadre des procédures engagées par la Commission pour sanctionner les violations des règles de concurrence, le principe de proportionnalité implique que la Commission doit fixer l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (arrêts Telefónica et Telefónica de España/Commission, point 67 supra, EU:C:2014:2062, point 196, et du 5 octobre 2011, Transcatab/Commission, T‑39/06, Rec, EU:T:2011:562, point 189).

110

Ensuite, il convient de rappeler que, conformément à l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.

111

En ce qui concerne la gravité d’une infraction, il n’existe pas de liste contraignante ou exhaustive de critères qui doivent obligatoirement être pris en compte lors de son appréciation. Il résulte néanmoins de la jurisprudence que, parmi les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité figurent, au-delà des circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, le comportement de l’entreprise concernée, le rôle joué par elle dans l’établissement de la pratique en cause, le profit qu’elle a pu tirer de cette pratique, sa taille et la valeur des marchandises concernées ainsi que le risque que des infractions de ce type représente pour les objectifs de l’Union (arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, Rec, EU:C:2010:603, points 273 et 274 ; voir, également, arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑272/09 P, Rec, EU:C:2011:810, point 96 et jurisprudence citée).

112

Le montant de l’amende doit également tenir compte des éléments objectifs tels le contenu et la durée des comportements anticoncurrentiels, leur nombre et leur intensité, l’étendue du marché affecté et la détérioration subie par l’ordre public économique, ainsi que la part de marché des entreprises responsables et une éventuelle récidive (voir arrêt KME Germany e.a./Commission, point 111 supra, EU:C:2011:810, point 97 et jurisprudence citée).

113

Selon les lignes directrices de 2006, sur lesquelles la Commission s’est fondée pour calculer l’amende en l’espèce, la gravité de l’infraction est prise en compte par la Commission dans la première étape du calcul de l’amende, c’est-à-dire lors de la détermination du montant de base de celle-ci. En effet, en application du paragraphe 19 des lignes directrices de 2006, le montant de base de l’amende est lié à une proportion de la valeur des ventes, déterminée en fonction du degré de gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années d’infraction. En vertu du paragraphe 20 des lignes directrices de 2006, la Commission est tenue d’apprécier la gravité de l’infraction au cas par cas pour chaque type d’infraction, en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce. Selon les paragraphes 21 et 22 desdites lignes directrices, la Commission, en règle générale, fixe la proportion de la valeur des ventes prise en compte à un niveau pouvant aller jusqu’à 30 % et, pour décider si la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération doit être au bas ou au haut de cette échelle, elle tient compte des facteurs tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée des entreprises concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre ou non de l’infraction.

114

Enfin, s’agissant du rôle de juge de l’Union dans le contrôle du montant de l’amende, il convient de rappeler qu’il lui appartient d’effectuer le contrôle de légalité de la décision litigieuse sur la base des éléments apportés par le requérant au soutien des moyens invoqués. Lors de ce contrôle, le juge ne saurait s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission ni en ce qui concerne le choix des éléments pris en considération lors de l’application des critères mentionnés dans les lignes directrices ni en ce qui concerne l’évaluation de ces éléments pour renoncer à exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait (arrêt KME Germany e.a./Commission, point 111 supra, EU:C:2011:810, point 102).

115

Le contrôle établi par les traités, dont les contours sont définis par la jurisprudence citée aux points 65 à 67 et 114 ci-dessus, impliquant que le juge de l’Union exerce un contrôle tant de droit que de fait et qu’il ait le pouvoir d’apprécier les preuves, d’annuler la décision attaquée et de modifier le montant des amendes, est, contrairement à ce que faisait initialement valoir la requérante, conforme aux exigences du principe de protection juridictionnelle effective qui figure à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt Schindler Holding e.a./Commission, point 83 supra, EU:C:2013:522, point 38 et jurisprudence citée).

116

C’est au regard de ces principes qu’il convient d’apprécier les arguments développés par la requérante dans le cadre du présent moyen.

– Sur la première branche, tirée de la méconnaissance du fait que la durée des différents éléments constitutifs de l’infraction et l’intensité de celle-ci ont varié dans le temps

117

La requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur de droit en refusant de prendre en compte le fait que la durée des différents éléments constitutifs de l’infraction commise par TP et l’intensité de celle-ci avaient varié dans le temps, au motif que le comportement abusif pouvait s’observer sur toute la durée de l’infraction. La Commission aurait ignoré ainsi un paramètre pertinent pour établir une amende proportionnée à la gravité de l’infraction, à savoir le fait qu’aucun des comportements retenus comme les éléments constitutifs de l’infraction n’a duré quatre ans et deux mois.

118

La requérante étaye ces affirmations par de nombreux arguments par lesquels elle vise, en substance, à déterminer la durée exacte de certains comportements mis en œuvre par TP qui, pris ensemble, constituent l’abus de position dominante commis par TP. Elle soutient que, compte tenu de l’effet cumulé des erreurs qu’aurait commises la Commission dans le calcul de la durée de ces comportements, ledit abus ne paraît pas à ce point grave pour que la Commission fixe à un niveau de 10 % la proportion de la valeur des ventes constituant le point de départ du calcul du montant de base de l’amende. La requérante demande ainsi au Tribunal de réduire le montant de l’amende infligée à TP.

119

Les arguments de la requérante portent sur quatre des cinq éléments constitutifs de l’abus de position dominante reproché à TP (voir point 28 ci-dessus).

120

Premièrement, en ce qui concerne la proposition aux OA de conditions déraisonnables dans les accords portant sur l’accès au réseau de TP en modes BSA et LLU, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur de droit en concluant que cet élément de l’abus avait duré du 3 août 2005 au 22 octobre 2009. Plus particulièrement, en ce qui concerne, d’une part, les contrats types en matière d’accès en mode BSA, la requérante fait valoir que la version no 1 du contrat type de TP, entrée en vigueur le 22 décembre 2008, respectait l’offre de référence pertinente en matière d’accès en mode BSA. D’autre part, en ce qui concerne l’accès en mode LLU, la version no 1 du contrat type de TP, entrée en vigueur le 17 février 2009, serait conforme à l’offre de référence pertinente LLU. Partant, il ne saurait être reproché à TP d’avoir imposé aux OA des stipulations désavantageuses dans lesdits contrats après, respectivement, le 22 décembre 2008, en ce qui concerne l’accès en mode BSA, et le 17 février 2009, en ce qui concerne l’accès en mode LLU. En outre, plusieurs clauses de contrats types de TP désavantageuses pour les OA auraient été appliquées pendant des périodes encore plus courtes.

121

Deuxièmement, en ce qui concerne la limitation de l’accès physique au réseau de TP, la requérante soutient, tout d’abord, que la pratique consistant à rejeter les commandes d’accès des OA pour des motifs d’ordre formel et technique est allée s’amenuisant sur la période débutant en 2007 et se terminant en 2009. Ensuite, l’affirmation selon laquelle TP aurait surestimé les investissements auxquels les OA auraient eu besoin de procéder serait exagérée et ne concernerait qu’un seul cas isolé. En outre, s’agissant du comportement consistant à refuser l’accès aux locaux de TP au moyen des canalisations, il ne s’agirait que d’événements qui se sont produits en 2007. Enfin, s’agissant de la pratique consistant à retarder l’exécution des commandes, introduites par les OA, pour la construction ou la modification des nœuds d’accès aux services (ci-après les « NAS »), la requérante soutient que les exemples donnés par la Commission dans la décision attaquée sont peu convaincants, que ces retardements étaient déterminés par des facteurs indépendants de TP et que la Commission ne cite aucun exemple d’un tel comportement qui aurait eu lieu après juillet 2008.

122

Troisièmement, en ce qui concerne la limitation de l’accès aux lignes d’abonnés, la requérante soutient que cette pratique a duré moins longtemps que la période entière de l’infraction retenue par la Commission. Le refus de fournir des services BSA sur les lignes louées en gros [dans le cadre du service « Wholesale Line Rental » (WLR), dans le cadre duquel les OA fournissaient les services de téléphonie fixe] se terminerait en octobre 2007 et ne durerait ainsi qu’environ un an, les retards dans la réparation des lignes défectueuses se termineraient au début de 2008 et ne dépasseraient pas une période d’un an, les retards dans la mise en œuvre des commandes d’accès en mode BSA ne dureraient que jusqu’au quatrième trimestre de l’année 2007 et les retards dans la mise en œuvre de commandes d’accès en mode LLU se termineraient au premier trimestre de l’année 2008.

123

Quatrièmement, en ce qui concerne le refus de fournir aux OA les informations générales fiables et exactes qui leur étaient nécessaires pour prendre des décisions adéquates pour accéder aux produits de haut débit, la requérante soutient que, déjà depuis 2006, elle a mis en œuvre un certain nombre d’initiatives visant à améliorer l’exactitude de ses informations et à accorder la priorité aux localisations que les OA avaient l’intention d’utiliser. En ce qui concerne l’accès en mode BSA, elle aurait amélioré l’accès à son interface informatique, en particulier à partir de mars 2007, et aurait entrepris d’autres initiatives, au cours de l’année 2007, pour faciliter, du point du vue technologique, l’accès aux informations générales. En ce qui concerne l’accès en mode LLU, elle aurait assuré l’accès aux informations générales par l’envoi, à la demande des OA, des supports DVD. En ce qui concerne le problème de la transmission des données dans un format informatique difficile à utiliser (fichiers « .pdf »), il s’agirait de cas isolés.

124

À cet égard, compte tenu de la complexité de l’infraction reprochée à TP et du caractère très détaillé des arguments de la requérante, il convient, avant d’entamer leur examen, de présenter une description de l’infraction telle qu’elle ressort de la décision attaquée.

125

Dans la décision attaquée, la Commission a constaté que TP avait mis au point une stratégie visant à limiter la concurrence à toutes les étapes du processus d’accès des OA à son réseau, à savoir pendant la négociation des accords portant sur les conditions de l’accès à ce réseau, à l’étape de raccordement des OA à ce réseau et, finalement, à l’étape de l’activation des lignes d’abonnés. Cette stratégie, qui était mise en œuvre sur le marché de gros de l’accès à haut débit en modes BSA et LLU, visait à protéger les parts de marché de TP sur le marché en aval, à savoir le marché de détail sur lequel les opérateurs de télécommunications offrent des services à leurs propres utilisateurs finaux (considérants 710 à 712 de la décision attaquée).

126

Pour démontrer l’existence de cette stratégie, la Commission s’est fondée, notamment, sur les documents saisis lors des inspections au siège de TP et sur les observations de l’UKE sur la réponse de TP à la communication des griefs. Il ressort de ces documents, examinés aux considérants 148 à 155 et 554 à 556 de la décision attaquée, que les membres du directoire de TP ont mis au point un projet ayant pour objectif d’empêcher aux OA l’accès au réseau de TP, de leur rendre aussi difficile que possible l’acquisition des informations concernant la structure de ce réseau et de maintenir ainsi, aussi longtemps que possible, la clientèle de détail de TP. Il ressort, en outre, desdits documents que la réalisation de cette stratégie passait, d’une part, par des comportements dirigés contre les OA et, d’autre part, par des comportements dirigés contre l’autorité de réglementation nationale, tels que le refus délibéré de coopérer avec cette autorité, le retard considérable dans le dépôt du projet de l’offre de référence BSA, malgré l’obligation légale de le faire (voir point 14 ci-dessus), ou l’introduction de recours devant les juridictions administratives contre toutes les décisions de cette autorité mettant en œuvre les offres de référence.

127

La décision attaquée livre une description détaillée des comportements que TP a mis en œuvre afin de réaliser sa stratégie. Globalement, ces comportements ont été classés par la Commission en cinq groupes qui constituent les cinq éléments constitutifs de l’abus de position dominante, à savoir : premièrement, la proposition aux OA de conditions déraisonnables dans les accords portant sur l’accès aux produits BSA et LLU ; deuxièmement, le retardement du processus de négociation des accords portant sur l’accès aux produits BSA et LLU ; troisièmement, la limitation de l’accès physique au réseau de TP ; quatrièmement, la limitation de l’accès aux lignes d’abonnés et, cinquièmement, le refus de fournir les informations générales exactes et fiables indispensables aux OA pour prendre des décisions en matière d’accès (voir point 28 ci-dessus).

128

Premièrement, en ce qui concerne la proposition aux OA de conditions déraisonnables dans les accords portant sur l’accès aux produits BSA et LLU, aux considérants 165 à 295 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que, selon la réglementation applicable, TP était tenue de conclure avec les OA lui ayant demandé un accès à son réseau en mode BSA ou LLU des contrats portant sur un tel accès à des conditions qui ne seraient pas moins favorables pour les OA que les conditions minimales fixées dans les offres de référence BSA et LLU (voir points 11 et 12 ci-dessus). Nonobstant cette obligation, TP proposait des contrats types dont les conditions ne respectaient pas les exigences minimales des offres de référence pertinentes. À cet égard, en ce qui concerne les contrats portant sur l’accès en mode BSA, la Commission a identifié 18 types de clauses contractuelles affectées par les pratiques de TP qu’elle a classées en trois groupes : tout d’abord, les clauses favorables pour les OA figurant dans l’offre de référence et supprimées dans les contrats proposés par TP, ensuite, les clauses figurant dans l’offre de référence et modifiées en défaveur des OA dans les contrats proposés par TP et, enfin, les clauses de l’offre de référence relatives à la fixation de certains délais, modifiées en défaveur des OA dans les contrats proposés par TP. En ce qui concerne les contrats portant sur l’accès en mode LLU, la Commission a identifié dix types de clauses contractuelles affectées par les pratiques de TP, divisées ensuite en deux catégories, à savoir, d’une part, les clauses favorables pour les OA figurant dans l’offre de référence et supprimées dans les contrats proposés par TP et, d’autre part, les clauses figurant dans l’offre de référence et modifiées en défaveur des OA dans les contrats proposés par TP. Aux considérants 714 à 721 de la décision attaquée, la Commission a souligné que les éléments de preuve recueillis pendant la procédure administrative confirmaient le caractère répétitif et conséquent du non-respect des clauses prévues dans les offres de référence par TP. Elle a indiqué que, bien que les offres de référence adoptées par l’UKE en 2006, pour l’accès en mode LLU, et en 2008, pour l’accès en mode BSA, aient contenu des contrats types qui pouvaient être utilisés par TP, celle-ci avait accepté de les utiliser seulement à la suite de la signature de l’accord avec l’UKE, le 22 octobre 2009.

129

Deuxièmement, en ce qui concerne le retardement du processus de négociation des accords portant sur l’accès aux produits BSA et LLU, en se fondant sur les témoignages des OA actifs sur le marché polonais et les observations de l’UKE recueillies au cours de la procédure administrative, la Commission a identifié diverses tactiques dilatoires mises en œuvre par TP afin d’éviter de conclure des contrats avec les OA dans des délais raisonnables. Tout d’abord, la Commission a constaté que, dans 70 % des cas, TP n’avait pas respecté le délai légal l’obligeant à conclure le contrat portant sur l’accès à son réseau avec les OA dans les 90 jours calendaires et que, dans de nombreux cas, ces retards avaient atteint des périodes dépassant une voire deux années. La Commission a constaté ensuite que TP, de façon récurrente, n’avait pas respecté le délai légal de trois jours pour l’envoi du projet de contrat, en le dépassant, dans de nombreux cas, de dizaines, voire de centaines, de jours (considérants 300 à 314 de la décision attaquée). En outre, la Commission a relevé d’autres pratiques dilatoires, telles que le fait que TP se faisait régulièrement représenter lors des négociations par un personnel non habilité à l’engager contractuellement (considérants 315 à 322 de la décision attaquée) ou le fait qu’elle retardait de manière injustifiée la signature des contrats (considérants 323 à 329 de la décision attaquée). Enfin, la Commission a constaté que ces tactiques dilatoires avaient amené plusieurs OA à faire intervenir l’autorité réglementaire dans le processus de négociation ou, tout simplement, à abandonner leurs projets de connexion au réseau de TP (considérants 300 et 305 de la décision attaquée).

130

Troisièmement, en ce qui concerne la limitation de l’accès physique au réseau de TP, aux considérants 375 à 399 de la décision attaquée, la Commission a indiqué, notamment, que, une fois le contrat portant sur l’accès signé, les OA présentaient à TP des demandes d’accès aux NAS, pour ce qui concerne l’accès en mode BSA, et, pour ce qui concerne l’accès en mode LLU, une commande de colocalisation ou une commande de câbles de correspondance. La Commission a expliqué que les commandes des OA avaient été soumises à une vérification de nature formelle et technique, à la suite de laquelle TP communiquait aux OA les conditions techniques et une estimation des coûts liés au raccordement. Une fois ces conditions acceptées, l’OA pouvait préparer, sur cette base, un projet technique soumis de nouveau à l’approbation de TP (considérant 375 de la décision attaquée).

131

La Commission a décrit des exemples de pratiques anticoncurrentielles de TP mises en œuvre à cette étape de raccordement au réseau de TP, en se fondant, pour une grande partie, sur les témoignages des OA actifs sur le marché polonais, des procès-verbaux des contrôles effectués par l’UKE et les décisions de cette autorité. À cet égard, la Commission a indiqué, tout d’abord, que TP avait rejeté, pour des raisons formelles ou techniques, de nombreuses commandes d’accès. Ces rejets concerneraient 31 % des demandes en mode BSA pour les années 2006 à 2009 et 44 % des demandes d’accès en mode LLU pendant la période 2006 à 2008, la situation s’étant améliorée en 2009. En ce qui concerne l’accès en mode LLU, la Commission a également relevé les cas où, malgré une vérification technique positive, les OA ne s’étaient pas accordés au réseau de TP, notamment en raison de la surestimation, par TP, des coûts liés au raccordement (considérants 378 à 392 et 749 à 754 de la décision attaquée). Ensuite, la Commission a relevé d’importants retards dans l’exécution des demandes des OA, tant en ce qui concerne la construction ou la modification des NAS que l’exécution des commandes d’accès en mode LLU. Selon les témoignages cités par la Commission, ces retards, allant de trois à treize mois même dans les cas de travaux très simples, rendaient impossible aux OA une planification normale des investissements (considérants 393 à 396 et 755 à 758 de la décision attaquée). Enfin, la Commission a relevé que PTK, la société filiale de TP active sur les marchés concernés, n’a pas rencontré les mêmes problèmes d’accès au réseau de sa société mère que les autres OA. Cela confirmerait, selon la Commission, la possibilité de garantir un accès plus rapide à ce réseau (considérants 397 à 399 et 759 à 761 de la décision attaquée).

132

Quatrièmement, en ce qui concerne la limitation d’accès aux lignes d’abonnés, aux considérants 444 à 510 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que, une fois raccordés à un NAS (accès en mode BSA) ou après avoir obtenu l’accès à un espace de colocalisation ou après avoir installé un câble de correspondance (accès en mode LLU), les OA pouvaient, en principe, acquérir leur propre clientèle. Pour ce faire, ils devaient adresser à TP une commande portant sur l’activation de la ligne de l’abonné, demande qui était vérifiée d’un point de vue formel et technique par TP (considérant 444 de la décision attaquée).

133

La Commission a identifié, en se fondant sur les témoignages des OA, les documents saisis pendant les inspections et des procès-verbaux de contrôles effectués par l’UKE, trois types de pratiques mises en œuvre par TP qui ont limité l’accès des OA aux abonnés. Tout d’abord, elle a constaté que TP avait rejeté un grand nombre de commandes portant sur l’activation des lignes pour des motifs formels et techniques. Bien que, pendant certaines périodes, la situation se soit améliorée, ces rejets ont concerné, globalement, entre 30 % et 50 % des commandes de différents OA, à l’exception de PTK, la société filiale de TP (considérants 448 à 467 de la décision attaquée). Ensuite, la Commission a relevé le problème d’une faible disponibilité des lignes d’abonnés dû, d’une part, au refus de TP de fournir des services d’accès en mode BSA sur les lignes WLR et, d’autre part, aux retards dans la réparation des lignes défectueuses. Enfin, la Commission a relevé des retards dans l’exécution des commandes des OA (considérants 468 à 473 de la décision attaquée). La Commission a observé que ces obstacles avaient été particulièrement gênants pour les OA, dans la mesure où ils affectaient les relations directes entre les OA et les utilisateurs finaux, notamment au moment où les OA entamaient ces relations, et avaient pu, ainsi, avoir pour effet de détériorer l’image des OA auprès de leurs clients. Selon la Commission, le blocage de l’accès en mode BSA sur les lignes WLR affectait les OA d’autant plus qu’il empêchait ces derniers d’offrir à leurs clients déjà existants et utilisant des services de téléphonie fixe des services additionnels d’accès à l’internet (considérant 470 de la décision attaquée).

134

Cinquièmement, en ce qui concerne le refus de fournir les informations générales exactes et fiables indispensables aux OA pour prendre des décisions en matière d’accès, la Commission a indiqué, tout d’abord, que TP était tenue de fournir ces informations aux OA en vertu de la règlementation applicable. La Commission a précisé que ces informations générales portaient sur de nombreux aspects techniques du réseau de TP et a souligné également que, selon les OA, la possession d’informations générales fiables et complètes constituait une condition essentielle pour entamer et poursuivre la fourniture des services BSA et LLU aux utilisateurs finaux. Ensuite, la Commission a rappelé que le refus de fournir des informations relatives à la structure du réseau de TP constituait un des éléments clés de la stratégie de TP visant à limiter la concurrence à toutes les étapes du processus d’accès des OA à son réseau (voir point 126 ci-dessus). Enfin, la Commission a relevé que les problèmes d’accès à des informations générales fiables et exactes s’étaient manifestés à chaque étape du processus d’accès au réseau de TP. À cet égard, elle a relevé, notamment, que, durant la première phase de la période de l’infraction, TP n’insérait pas la définition des informations générales dans les contrats conclus avec les OA et, dans une phase ultérieure, elle utilisait dans ses contrats une définition qui ne correspondait pas à celle de l’offre de référence (considérants 511 à 516 et note en bas de page no 828 de la décision attaquée).

135

La Commission a décrit de façon détaillée la manière dont TP avait empêché les OA d’avoir accès aux informations générales portant sur son réseau. À cet égard, en se fondant sur de nombreux témoignages des OA et des documents saisis pendant les inspections, la Commission a indiqué, tout d’abord, que la qualité des données relatives à son réseau transmises par TP aux OA était mauvaise. Ces données étaient souvent incorrectes ou incomplètes et ne correspondaient pas aux stipulations des offres de référence et des contrats conclus entre TP et les OA (considérants 517 à 528 de la décision attaquée). Ensuite, la Commission a relevé des cas dans lesquels TP avait transmis aux OA des informations générales dans un format qui les rendait inutilisables (considérants 529 et 530 de la décision attaquée). La Commission a, en outre, relevé que TP n’avait pas respecté son obligation, découlant des offres de référence pertinentes, de mettre à disposition des OA une interface informatique permettant l’accès aux bases de données contenant des informations générales et assurant d’autres fonctionnalités relatives à la communication entre les OA et TP. Cette interface ne serait devenue opérationnelle qu’en avril 2010 (considérants 531 à 534 de la décision attaquée). Enfin, la Commission a relevé qu’il existait des solutions technologiques permettant d’assurer l’accès à des informations générales plus exactes et fiables et que PTK, la filiale de TP, avait pu bénéficier d’un tel accès (considérants 535 à 541 de la décision attaquée).

136

Au considérant 713 de la décision attaquée, la Commission a souligné que les pratiques de TP, décrites aux points 128 à 135 ci-dessus, avaient eu un effet cumulé sur les OA, qui ont rencontré des obstacles à chaque étape du processus d’accès aux produits de gros de TP. Elle a indiqué que, bien que chacun des obstacles créés par TP, pris individuellement, pût ne pas paraître très gênant, pris ensemble, ils formaient un comportement abusif dont l’objectif était de fermer aux OA l’accès au marché de gros de l’accès à haut débit. En conclusion, la Commission a qualifié l’abus de position dominante commis par la requérante d’infraction unique et continue (article 1er de la décision attaquée).

137

S’agissant, en particulier, de la question de la durée et de l’intensité variables des comportements de TP, celle-ci est abordée aux considérants 903 et 907, qui figurent dans la partie de la décision attaquée consacrée à la fixation du montant de l’amende.

138

Ainsi, au considérant 903 de la décision attaquée, la Commission a répondu à l’argument de TP avancé au cours de la procédure administrative, selon lequel il conviendrait, lors de l’appréciation de la nature de l’infraction, de prendre en compte le fait que certaines pratiques reprochées à cette dernière avaient eu une durée plus courte que la durée totale de l’infraction. Cet argument était fondé sur une comparaison de l’infraction reprochée à TP avec l’infraction qui avait fait l’objet de la décision C (2009) 3726 final de la Commission, du 13 mai 2009, relative à une procédure d’application de l’article 82 [CE] et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire COMP/C‑3/37.990 – Intel), et, plus particulièrement, avec les observations de la Commission selon lesquelles, lors de la détermination de la gravité de l’infraction commise par Intel, il convenait de tenir compte du fait que les pratiques abusives de cette entreprise avaient été concentrées pendant la période allant de 2002 à 2005 et que, après 2005 jusqu’à la fin de l’infraction en décembre 2007, pas plus de deux abus individuels avaient pu être constatés (voir considérant 1785 de la décision Intel). En répondant à cet argument au considérant 903 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que, « dans ce contexte, il y a[vait] lieu de noter que, bien que l’intensité du comportement de TP a[it] varié dans le temps, les pratiques abusives [avaie]nt été observées tout au long de la période de l’infraction ».

139

Au considérant 907 de la décision attaquée, la Commission a affirmé que, en examinant la gravité de l’infraction, elle avait tenu compte du fait que les éléments du comportement abusif de TP n’étaient pas tous réunis au même moment. La Commission a expliqué que cette circonstance était une conséquence logique du fait que le processus de l’obtention de l’accès aux produits de gros de l’accès à l’internet à haut débit de l’opérateur historique s’étalait dans le temps sur plusieurs étapes distinctes et successives. La Commission a résumé ces étapes dans la note en bas de page no 1258 de la décision attaquée comme étant, tout d’abord, l’étape de la négociation des contrats portant sur les conditions de l’accès au réseau, ensuite, l’étape de l’obtention de l’accès physique au réseau et, enfin, l’étape de l’activation des lignes des abonnés et de l’obtention d’informations générales. La Commission a ajouté que, ainsi, un OA ne pouvait pas, par exemple, être confronté aux problèmes relatifs à l’accès physique au réseau de TP avant la signature du contrat portant sur les conditions d’accès à ce réseau. De même, les problèmes rencontrés par les OA à l’étape de l’obtention de l’accès physique au réseau de TP ou à l’étape de l’activation des lignes des abonnés commençaient seulement après la fin de longues négociations des contrats portant sur les conditions d’accès. En outre, tant avant qu’après la signature de ces contrats, le développement des stratégies commerciales par les OA a été compromis par la mauvaise qualité et le caractère incomplet des informations générales relatives au réseau de TP, que cette dernière était tenue de transmettre.

140

Lors de l’audience, en répondant à une question du Tribunal, la requérante a précisé la portée de son argumentation. Elle a indiqué, en ce qui concerne l’argument présenté au point 117 ci-dessus, que le contenu du considérant 907 de la décision attaquée reflète seulement le fait que la Commission a tenu compte du caractère successif de l’infraction. Cependant, ce considérant ne permettrait pas de conclure que la Commission a pleinement tenu compte de la variabilité de l’intensité et de la durée des comportements mis en œuvre par TP à chaque étape du processus de l’obtention de l’accès au réseau de TP. C’est pourquoi, par les arguments résumés aux points 120 à 123 ci-dessus, la requérante dénonce des erreurs qu’aurait commises la Commission dans le calcul de la durée et de l’intensité de ces comportements. L’examen de ces arguments détaillés permettrait d’apprécier correctement la gravité de l’infraction commise par TP.

141

À cet égard, il ressort du considérant 907 de la décision attaquée, lu conjointement avec la note en bas de page no 1258, que, en évaluant la gravité de l’abus de position dominante reprochée à TP, la Commission a bien tenu compte de la durée et de l’intensité variables des différents comportements mis en œuvre par TP qui, pris ensemble, forment les éléments constitutifs de cet abus. La Commission a, en effet, relevé explicitement que les éléments du comportement abusif de TP n’avaient pas été tous réunis en même temps.

142

Cette conclusion est corroborée par l’examen de l’ensemble de la décision attaquée. En effet, dans cette décision, la Commission a relevé à plusieurs reprises des améliorations ponctuelles de la conduite de TP et a précisé les périodes, plus courtes que la durée de la période de l’infraction, pendant lesquelles des comportements particuliers de TP avaient été mis en œuvre (voir, notamment, les considérants 383, 409, 437, 450, 462, 508, 510 et 515 de la décision attaquée).

143

En outre, contrairement à ce que soutient la requérante dans la requête, le considérant 903 de la décision attaquée ne saurait être interprété comme signifiant que la Commission a refusé de prendre en compte le fait que la durée des différents éléments constitutifs de l’infraction commise par TP et l’intensité de celle-ci avaient varié dans le temps. Dans ce considérant, la Commission s’est limitée, en effet, à constater qu’il existait une différence significative entre les circonstances de l’infraction reprochée à TP et les circonstances de l’infraction reprochée à Intel, à savoir le fait que, malgré sa variabilité, le comportement infractionnel de TP avait un caractère continu et s’est étalé sur toute la période de l’infraction, alors que l’infraction reprochée à Intel était fortement concentrée pendant une certaine période, substantiellement plus courte que toute la période de l’infraction.

144

Au vu de ce qui précède, il ne saurait être soutenu que, en appréciant la gravité de l’infraction commise par TP, la Commission a refusé de tenir compte du fait que la durée des différents éléments constitutifs de l’infraction commise par TP et l’intensité de celle-ci avaient varié dans le temps.

145

En outre, l’examen au fond des arguments détaillés de la requérante, effectué ci-après, ne permet pas de conclure que la Commission a commis une erreur de droit et d’appréciation en se prononçant sur la gravité de l’infraction commise par TP.

146

À cet égard, à titre liminaire, il convient de relever, d’une part, que, par ces arguments, la requérante ne conteste ni l’existence de l’infraction en tant que telle ni la durée de celle-ci telle que retenue dans la décision attaquée, à savoir la période comprise entre le 3 août 2005 et le 22 octobre 2009. Elle ne remet pas non plus en question la qualification de l’abus de position dominante reproché à TP d’infraction unique et continue, ni l’existence de la stratégie visant à limiter la concurrence à toutes les étapes du processus d’accès à son réseau.

147

D’autre part, il y a lieu de rejeter, comme fondés sur une lecture manifestement erronée de la décision attaquée, les arguments par lesquels la requérante soutient que la Commission a commis une erreur de droit en affirmant que les différents éléments constitutifs de l’infraction reprochée à TP ont eu une durée égale à la période de l’infraction. Ces arguments sont contredits par les observations de la Commission figurant dans les considérants de la décision attaquée mentionnés aux points 138, 139 et 142 ci‑dessus.

148

Premièrement, s’agissant de la proposition de conditions déraisonnables aux OA dans les accords portant sur l’accès au réseau de TP en modes BSA et LLU, il y a lieu de relever, tout d’abord, que les arguments présentés dans les écritures de la requérante portent sur plus d’une trentaine de clauses contractuelles qui auraient été modifiées ou supprimées des contrats de TP portant sur les accès en modes BSA et LLU. La requérante présente ainsi un calcul précis des périodes pendant lesquelles ces clauses seraient affectées par des modifications ou supprimées. Toutefois, eu égard à la complexité des contrats portant sur l’accès aux produits de gros de l’accès à haut débit, la gravité et les répercussions négatives de la proposition, par TP, des clauses déraisonnables dans ses contrats doivent être appréciées globalement, et non en partant de chacune de ces clauses séparément.

149

Ensuite, force est de constater que, par ses arguments, la requérante ne fait que reconnaître que TP proposait aux OA des contrats qui ne respectaient pas de nombreuses stipulations des offres de référence BSA et LLU, à partir, respectivement, de mai 2006 et juin 2006, jusqu’à, respectivement, fin 2008 et février 2009. Le fait que cette pratique aurait commencé après le début de la période de l’infraction et se serait terminée avant la fin de celle-ci ne saurait réduire la gravité du comportement infractionnel de TP. En effet, si la requérante soutient que l’inobservation des clauses de l’offre de référence BSA n’a débuté qu’en mai 2006, elle ne conteste pas le fait que l’adoption de cette offre de référence a été retardée de plusieurs mois en raison de son refus, constitutif d’une violation de ses obligations réglementaires, de présenter à l’UKE un projet d’offre de référence (voir points 14 et 126 ci-dessus). Concernant le terme de cet élément de l’infraction, la Commission relève pertinemment que le fait que TP ait arrêté de proposer des clauses déraisonnables dans ses contrats ne signifie pas qu’elle a supprimé de telles clauses dans les contrats en vigueur. Les clauses déraisonnables pouvaient donc continuer à s’appliquer au détriment des OA.

150

Enfin, cet élément de l’infraction ne saurait être examiné en faisant abstraction de circonstances non contestées par la requérante, à savoir le fait que, durant la phase initiale de la période de l’infraction, à l’étape de la négociation des contrats avec des OA, TP a mis en œuvre des pratiques ayant pour objectif de les décourager d’obtenir l’accès à son réseau, notamment diverses tactiques dilatoires visant à retarder les négociations des contrats et une stratégie visant à rendre aussi difficile que possible pour les OA l’obtention d’informations générales sur son réseau. Or, ce constat soutient la conclusion de la Commission selon laquelle l’espace de négociation laissé aux OA était très étroit, les OA devant ainsi soit accepter les conditions proposées par TP, bien que celles-ci soient contraires aux dispositions des offres de référence pertinentes, soit engager des procédures devant l’UKE pour forcer TP à respecter ses obligations réglementaires, soit décider de ne pas entrer sur le marché (considérants 305, 314 et 716 de la décision attaquée).

151

Deuxièmement, s’agissant de la limitation de l’accès physique au réseau de TP, il convient de relever, tout d’abord, qu’une durée plus courte que celle de l’infraction de certaines pratiques mises en œuvre par TP ou le fait que ces pratiques allaient s’amenuisant tout au long de cette période ne démontrent pas que l’infraction était moins grave et que l’amende infligée à TP est disproportionnée. En effet, comme le relève la Commission, les diverses pratiques de TP adoptées à des étapes successives du processus d’accès à son réseau étaient complémentaires. Par ailleurs, en ce qui concerne le rejet des commandes des OA pour des raisons techniques ou formelles, la Commission a reconnu expressément, notamment aux considérants 383 et 409 de la décision attaquée, une amélioration de la situation et les arguments invoqués par la requérante ne permettent pas de considérer que la Commission n’a pas tenu compte de cette amélioration en déterminant le montant de l’amende. Ensuite, contrairement à ce que soutient la requérante, le problème de la surestimation des coûts des investissements relatifs à l’accès en mode LLU n’a pas concerné un seul cas isolé. En effet, ce problème a été signalé par deux OA et relevé par l’UKE dans le procès-verbal d’un contrôle effectué en 2008. La Commission relève encore à cet égard que, dans la mesure où, à cette époque (en 2008), peu d’opérateurs avaient recours à l’accès en mode LLU, les trois exemples cités sont d’une importance significative et ne sauraient être considérés comme exagérés. Enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, les éléments de preuve recueillis par la Commission, notamment le procès-verbal d’un contrôle exécuté par l’UKE en octobre 2007 ainsi que les déclarations des OA, confirment à suffisance de droit que TP retardait l’exécution des commandes pour la construction ou la modification des NAS.

152

Troisièmement, s’agissant de l’accès limité aux lignes d’abonnés, la requérante ne conteste pas les observations de la Commission relatives aux rejets des commandes pour des raisons formelles et techniques. Elle se limite à relever que les problèmes de disponibilité des lignes WLR pour l’accès en mode BSA se sont terminés en octobre 2007 et que les problèmes liés aux retards dans l’exécution des commandes d’accès en modes BSA et LLU ne sont survenus qu’en 2007 et au début de 2008. Or, d’une part, cela n’affecte pas la conclusion de la Commission selon laquelle TP a mis en œuvre des pratiques visant à limiter l’accès des OA aux lignes d’abonnés, pratiques qui ont été particulièrement gênantes pour les OA dans la mesure où elles affectaient leurs relations directes avec les utilisateurs finaux. D’autre part, la Commission a expressément reconnu, notamment aux considérants 508 et 510 de la décision attaquée, le fait que les éléments de l’infraction visés par la requérante avaient été limités dans le temps et rien ne permet de considérer qu’elle n’en a pas tenu compte en déterminant le montant de l’amende.

153

Quatrièmement, s’agissant des arguments de la requérante concernant le refus de fournir aux OA des informations générales exactes et fiables, ils ne sauraient non plus convaincre que la Commission a exagéré la gravité de l’infraction en déterminant l’amende infligée à TP.

154

Tout d’abord, la requérante ne conteste pas les affirmations formulées dans la décision attaquée selon lesquelles il était techniquement possible d’assurer l’accès à des informations générales plus exactes et fiables et que PTK, la filiale de TP, avait pu bénéficier d’un tel accès. La requérante ne conteste pas non plus que la qualité des informations générales était la plus mauvaise durant la première phase de la période de l’infraction, c’est-à-dire pendant les années 2005 et 2006. Or, c’est précisément à ce moment-là que, cumulée avec les pratiques dilatoires appliquées par TP pendant les négociations avec les OA, cette pratique était la plus nocive pour les OA, dans la mesure où elle les empêchait de planifier et de mettre en œuvre leurs stratégies commerciales. Ensuite, malgré l’amélioration de la qualité des informations générales, qui a, par ailleurs, été reconnue par la Commission (considérant 528 de la décision attaquée), la décision attaquée fait état de cas, documentés par les déclarations des OA, de transmission d’informations générales inexactes ou contradictoires, et ce encore en 2008 et 2009. De même, malgré les initiatives mises en œuvre par TP, les problèmes de mise à disposition de l’interface informatique permettant l’accès aux bases de données des informations générales ont perduré jusqu’en 2010. Enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’a pas exagéré la dimension des problèmes relatifs au format de données. En effet, d’une part, elle a indiqué que ces problèmes étaient apparus « parfois » (considérant 529 de la décision attaquée). D’autre part, ces problèmes, appréciés dans le contexte de la mauvaise qualité générale des informations transmises par TP, constituent une illustration de l’attitude générale de TP à l’égard des OA.

155

Par ailleurs, la Commission a reconnu dans la décision attaquée que TP avait mis en œuvre des initiatives qui ont permis d’améliorer la qualité de ces informations, notamment au cours de l’année 2009. Or, rien ne permet de considérer qu’elle n’a pas tenu compte de cette amélioration en déterminant le montant de l’amende.

156

Au vu de ce qui précède, le Tribunal juge que la réponse donnée par la Commission, aux considérants 903 et 907 de la décision attaquée, aux arguments de TP relatifs à la durée et à l’intensité variables de certaines pratiques qu’elle a mises en œuvre en violation du cadre réglementaire et qui ont été regroupées par la Commission en cinq éléments constitutifs de l’abus de position dominante – arguments que la requérante réitère en substance dans le cadre de la présente branche – est dépourvue de toute erreur de droit et d’appréciation. Contrairement à ce que soutient la requérante, la manière dont la Commission a tenu compte de la durée et de l’intensité variables des comportements anticoncurrentiels qui lui sont reprochés ne saurait être considérée comme contrevenant au principe de proportionnalité.

157

Il s’ensuit que la première branche du présent moyen doit être rejetée.

– Sur la seconde branche, tirée de l’existence d’erreurs entachant les conclusions de la Commission sur l’incidence de l’infraction sur les marchés concernés

158

Par la seconde branche, la requérante, soutenue par la PIIT, fait valoir, d’une part, que l’appréciation de la nature et de la gravité de l’infraction faite par la Commission est fondée, en particulier, sur la conclusion selon laquelle le comportement de TP a eu des effets réels sur les marchés concernés. Selon la jurisprudence, notamment l’arrêt du 8 septembre 2010, Deltafina/Commission (T‑29/05, Rec, EU:T:2010:355, point 248), dans une telle hypothèse, la Commission serait obligée d’apporter des indices concrets, crédibles et suffisants permettant d’apprécier l’influence effective que l’infraction a pu avoir au regard de la concurrence sur le marché concerné. Or, dans la décision attaquée, au lieu d’examiner les effets réels du comportement de TP sur le marché, la Commission se serait contentée d’examiner ses effets probables.

159

D’autre part, la requérante et la PIIT soutiennent que l’évaluation de ces effets probables du comportement de TP sur les marchés concernés est erronée. Les conclusions de la Commission seraient exagérées et ignoreraient des facteurs importants pour l’évaluation de l’impact du comportement de la requérante.

160

La Commission, d’une part, conteste avoir fondé son appréciation de la gravité de l’infraction sur la constatation que les pratiques de TP auraient un impact négatif concret sur les marchés concernés. Elle réfute, d’autre part, les arguments de la requérante et de la PIIT selon lesquels elle aurait commis des erreurs dans l’appréciation des effets probables de l’infraction. Elle conclut donc au rejet de la seconde branche du présent moyen.

161

À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que les arguments de la requérante reposent sur une prémisse selon laquelle la règle posée par l’arrêt Deltafina/Commission, point 158 supra (EU:T:2010:355, point 248), dans le contexte de l’application des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 1998 »), est transposable aux lignes directrices de 2006.

162

Il y a lieu de rappeler que, selon le point 1.A des lignes directrices de 1998, la Commission devait prendre en considération, en évaluant la gravité de l’infraction, notamment son « impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable ». Dans l’arrêt Deltafina/Commission, point 158 supra (EU:T:2010:355, point 248), mais également dans l’arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, point 65 supra (EU:C:2009:505, points 81 et 82), le juge de l’Union a statué que l’impact concret de l’infraction sur le marché constitue, en principe, seulement un élément facultatif de l’appréciation de la gravité de l’infraction, susceptible de permettre à la Commission, lorsqu’il est présent, d’augmenter le montant de départ de l’amende au-delà du montant minimal. Cependant, selon la Cour, lorsque la Commission estime opportun, aux fins du calcul de l’amende, de tenir compte de cet élément facultatif, elle ne peut se limiter à fournir une simple présomption, mais doit apporter des indices concrets, crédibles et suffisants permettant d’apprécier l’influence effective que l’infraction a pu avoir au regard de la concurrence sur ledit marché.

163

Les lignes directrices de 2006, appliquées par la Commission pour calculer le montant de l’amende imposée en l’espèce, ne prévoient plus la prise en compte de l’« impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable » lors de l’appréciation de la gravité d’une infraction donnée. En effet, selon le paragraphe 22 de ces lignes directrices, afin de décider si la proportion de la valeur des ventes déterminée en fonction de la gravité doit être au bas ou au haut de l’échelle pouvant aller jusqu’à 30 %, la Commission tient compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre ou non de l’infraction. Il en ressort que, en règle générale, la Commission n’est pas obligée de tenir compte de l’impact concret de l’infraction sur le marché lorsqu’elle fixe la proportion de la valeur des ventes déterminée en fonction de la gravité. Cependant, la liste de facteurs énumérés au paragraphe 22 des lignes directrices n’étant pas exhaustive, la Commission peut, si elle l’estime opportun, tenir compte de l’impact concret de l’infraction sur le marché afin d’augmenter cette proportion. Dans un tel cas, il convient de considérer que la jurisprudence citée au point précédent s’applique également pour ce qui concerne les lignes directrices de 2006, de sorte que la Commission doit apporter des indices concrets, crédibles et suffisants permettant d’apprécier l’influence effective que l’infraction a pu avoir au regard de la concurrence sur ledit marché.

164

En second lieu, il convient de relever que la présente branche du premier moyen contient deux volets d’arguments, dont le premier se présente comme tiré d’un défaut de motivation. En effet, par ces arguments, la requérante et la PIIT soutiennent que la Commission a fondé son appréciation de la gravité de l’infraction sur les effets négatifs réels que l’infraction reprochée à TP a eus sur la concurrence et les consommateurs. Elles affirment que, dans la décision attaquée, la Commission s’est contentée d’examiner les effets probables de cette infraction et n’a donc pas fourni une motivation suffisante, au regard de l’arrêt Deltafina/Commission, point 158 supra (EU:T:2010:355, point 248), quant à l’existence de ses effets réels. Par les arguments regroupés dans le second volet, la requérante et la PIIT visent à démontrer des erreurs que la Commission aurait commises dans l’appréciation des effets probables de l’infraction.

165

Premièrement, en ce qui concerne les arguments faisant partie du premier volet, il convient de rappeler que la motivation des actes des institutions de l’Union exigée à l’article 296 TFUE doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications (arrêt du 25 juin 2014, Nexans et Nexans France/Commission, C‑37/13 P, Rec, EU:C:2014:2030, points 31 et 32).

166

En l’espèce, il convient de relever que l’appréciation de la gravité de l’infraction effectuée par la Commission aux considérants 899 à 908 de la décision attaquée est divisée en quatre parties, les trois premières étant relatives à la nature de l’infraction, aux parts de marché et à l’étendue géographique de l’infraction, la quatrième étant un résumé. Au considérant 906 de la décision attaquée figurant dans ce résumé, la Commission a indiqué que, en déterminant la proportion de la valeur des ventes qui devait être retenue aux fins de la fixation du montant de base de l’amende, elle avait tenu compte, notamment, de la nature de l’infraction, de son étendue géographique, des parts de marché, ainsi que du fait que cette infraction avait été mise en œuvre.

167

Le passage contesté par la requérante se trouve au considérant 902 de la décision attaquée, qui figure dans la partie consacrée à l’appréciation de la nature de l’infraction. Dans cette partie, la Commission a indiqué, tout d’abord, qu’un abus de position dominante sous forme d’un refus de fournir une prestation, reproché à TP, avait été condamné à plusieurs reprises tant par elle-même, que par les juridictions de l’Union (considérant 899 de la décision attaquée). Elle a indiqué que les marchés de produits en cause étaient d’une grande importance économique et qu’ils jouaient un rôle primordial dans la construction de la société de l’information, les connexions à large bande étant un facteur qui conditionne la fourniture de divers services numériques aux utilisateurs finaux (considérant 900). La Commission a également tenu compte du fait que TP était l’unique propriétaire du réseau national de télécommunications et que, de ce fait, les OA qui souhaitent fournir des services sur la base de la technologie DSL étaient totalement dépendants d’elle (considérant 901).

168

Enfin, au considérant 902, la Commission a indiqué ce qui suit :

« De même, comme cela est décrit au [point] VIII.1, le comportement de TP compte parmi les comportements abusifs ayant comme objectif d’éliminer la concurrence du marché de détail ou, au moins, retarder l’entrée de nouveaux arrivants ou l’évolution de ce marché. De plus, comme cela a été indiqué au considérant 892, TP était consciente du fait que son comportement était illégal. Cela a un impact négatif sur la concurrence et les consommateurs, qui subissent une augmentation des prix, une réduction du choix et du nombre des produits innovants. »

169

La motivation fournie par la Commission aux considérants 899 à 906 de la décision attaquée ne laisse place à aucun doute quant aux éléments sur lesquels la Commission a fondé son appréciation de la gravité de l’infraction et qui sont les suivants : la nature de l’infraction, son étendue géographique, les parts de marché concernées détenues par TP et la mise en œuvre de l’infraction par celle-ci. Contrairement à ce que soutient la requérante et la PIIT, la Commission n’a pas affirmé au considérant 902 de la décision attaquée, et il ne peut être aucunement déduit de ce considérant, lu à la lumière de l’ensemble de la motivation relative à la gravité de l’infraction, qu’elle avait pris en compte les effets réels de l’infraction sur le marché et sur les consommateurs en déterminant, en fonction de cette gravité, la proportion de la valeur des ventes qui devait être retenue aux fins de la fixation du montant de base de l’amende. Plus particulièrement, la phrase visée par la requérante ne peut être lue que comme se référant, de façon générale et abstraite, à la nature de l’infraction et au fait que celle-ci, dans la mesure où elle était délibérée et avait pour objectif d’éliminer la concurrence du marché de détail ou de retarder l’évolution de ce marché, avait la capacité d’affecter de façon négative la concurrence et les consommateurs.

170

À cet égard, il y a encore lieu d’ajouter que les constats faits dans les première et deuxième phrases du considérant en cause, concernant l’élimination de la concurrence du marché de détail et le caractère intentionnel de l’infraction, sont illustrés par le renvoi, d’une part, au point VIII.1 de la décision attaquée, dans lequel la Commission décrit la stratégie de TP visant à limiter la concurrence à toutes les étapes du processus d’accès des OA à son réseau, et, d’autre part, au considérant 892 de la décision attaquée, dans lequel elle a motivé sa conclusion selon laquelle l’infraction avait été commise de propos délibéré. En revanche, la dernière phrase du considérant 902 ne contient aucun renvoi vers le point X.4.4 de la décision attaquée, dans lequel la Commission a présenté ses observations quant aux effets probables de l’infraction.

171

Il s’ensuit que la Commission n’a pas tenu compte, dans l’appréciation de la gravité de l’infraction, des effets réels de l’infraction commise par TP sur les marchés concernés, ni même des effets probables de cette infraction, qu’elle a examinés au point X.4.4 de la décision attaquée. Conformément à la jurisprudence citée au point 162 ci-dessus, dès lors que la Commission n’a pas tenu compte des effets réels de l’infraction dans l’évaluation de la gravité de celle-ci, elle n’avait pas à les démontrer.

172

L’argument de la requérante, tiré d’un défaut de motivation en ce qui concerne la démonstration des effets réels de l’infraction pour les besoins de l’appréciation de sa gravité, doit donc être rejeté comme non fondé.

173

Deuxièmement, en ce qui concerne les arguments regroupés dans le second volet, par lesquels la requérante et la PIIT visent à démontrer les erreurs commises par la Commission dans l’appréciation des effets probables de l’infraction, ils doivent être considérés comme inopérants. En effet, dans la mesure où la Commission n’a pas tenu compte des effets probables de l’infraction dans l’évaluation de la gravité de celle-ci, dont elle s’est servie afin de déterminer la proportion de la valeur des ventes retenue aux fins de la fixation du montant de base de l’amende, d’éventuelles erreurs dans l’appréciation des effets probables de l’infraction ne peuvent pas avoir d’influence sur ce montant de base.

174

Partant, il y a lieu de rejeter comme inopérants les arguments par lesquels la requérante et la PIIT visent à démontrer que la Commission a commis des erreurs dans l’appréciation des effets probables de l’infraction.

175

Il s’ensuit que la seconde branche du présent moyen doit être rejetée.

176

En outre, afin d’apprécier le montant de base de l’amende au regard du principe de proportionnalité, il convient de rappeler, premièrement, qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour que le montant de l’amende est fonction non seulement de la durée des comportements anticoncurrentiels, de leur nombre et de leur intensité, mais également de la nature de l’infraction, de l’étendue du marché affecté et de la détérioration subie par l’ordre public économique, ainsi que de l’importance relative et de la part de marché des entreprises responsables (voir, en ce sens, arrêt KME Germany e.a./Commission, point 111 supra, EU:C:2011:810, points 96 et 97 et jurisprudence citée). Deuxièmement, le montant de l’amende doit également tenir compte des éléments tels que la portée dissuasive de l’amende, le comportement de l’entreprise et le risque que l’infraction représente pour les objectifs de l’Union. Troisièmement, le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence doit être proportionné à l’infraction, appréciée dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêt Transcatab/Commission, point 109 supra, EU:T:2011:562, point 189).

177

Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, il incombe à l’entreprise qui détient une position dominante une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée dans le marché intérieur. Lorsque l’existence d’une position dominante trouve son origine dans un ancien monopole légal, cette circonstance doit être prise en compte (arrêt du 27 mars 2012, Post Danmark, C‑209/10, Rec, EU:C:2012:172, point 23).

178

Eu égard à la jurisprudence susmentionnée, le Tribunal considère que, en l’espèce, dans l’appréciation de la proportionnalité de l’amende et, plus précisément, du caractère proportionné du montant de base de l’amende, il est essentiel de tenir compte, premièrement, du fait que la requérante détenait une position dominante ayant son origine dans l’ancien monopole légal, tant sur le marché de gros de l’accès à haut débit en modes LLU et BSA, où elle était l’unique fournisseur, que sur le marché de détail.

179

Deuxièmement, ainsi qu’il ressort des points 125 à 136 et 146 à 157 ci-dessus, et bien que certains comportements anticoncurrentiels particuliers reprochés à TP aient été plus courts que la période de l’infraction, l’infraction commise par TP, dont l’existence n’est pas contestée en tant que telle, a consisté en des violations multiples, flagrantes, persistantes et intentionnelles du cadre réglementaire qui l’obligeait, en tant qu’opérateur doté d’une puissance significative sur le marché, à accorder aux OA l’accès dégroupé à sa boucle locale et aux services connexes à des conditions transparentes, équitables et non discriminatoires.

180

Troisièmement, il est constant que TP avait conscience du caractère illégal de son comportement, tant sur le plan réglementaire, puisqu’elle a été poursuivie et condamnée par les décisions de l’autorité règlementaire nationale confirmées par les décisions définitives des juridictions nationales, que sur le plan du droit de la concurrence, où ses pratiques visaient à empêcher ou à retarder l’entrée de nouveaux arrivants sur les marchés de produits concernés.

181

Quatrièmement, force est de constater que les marchés de produits affectés par les pratiques abusives de TP, qui sont d’une dimension considérable, dans la mesure où ils s’étendent sur l’intégralité du territoire d’un des plus grands États membres de l’Union, sont des marchés d’une grande importance, tant du point de vue économique que du point de vue social, en ce que l’accès à l’internet à haut débit constitue l’élément clé du développement de la société de l’information.

182

Or, il ressort des considérants 899 à 902, 904 et 905 de la décision attaquée que la Commission a tenu compte de ces éléments dans l’appréciation de la gravité de l’infraction. En effet, dans ces considérants, la Commission a indiqué, tout d’abord, qu’un abus de position dominante sous forme d’un refus de fournir une prestation, reproché à TP, avait été condamné à plusieurs reprises tant par elle-même que par les juridictions de l’Union. Elle a indiqué que les marchés de produits en cause étaient d’une grande importance économique et qu’ils jouaient un rôle primordial dans la construction de la société de l’information. La Commission a également tenu compte du fait que TP était l’unique propriétaire du réseau national de télécommunications et que, de ce fait, les OA qui souhaitaient fournir des services sur la base de la technologie DSL étaient totalement dépendants de TP. Il a été, en outre, souligné que le comportement de TP avait pour objectif d’éliminer la concurrence du marché de détail ou, au moins, de retarder l’entrée de nouveaux arrivants ou l’évolution de ce marché, que ce comportement était conscient et qu’il avait des répercussions négatives sur la concurrence et sur les consommateurs (considérants 899 à 902 de la décision attaquée). Enfin, la Commission a tenu compte du fait que, pendant toute la période de l’infraction, TP avait eu une position dominante non seulement sur le marché de gros, sur lequel elle détenait un monopole, mais également sur les marchés de détail, où ses parts de marché variaient entre 57 % et 46 % en termes de revenus. La Commission a relevé, à cet égard, que la différence entre la part de marché de TP et celle de l’OA détenant la part de marché la plus élevée après celle de TP était considérable. S’agissant de l’étendue géographique du marché concerné, la Commission a indiqué que l’infraction commise par TP s’étendait sur tout le territoire de la Pologne (considérants 904 et 905 de la décision attaquée).

183

Ces éléments, qui ne sont pas contestés par la requérante, sont suffisants pour considérer que l’abus de position dominante reproché à TP était une infraction grave.

184

Par ailleurs, il convient de rappeler que, dans le contexte de l’application des lignes directrices de 1998, qui prévoyaient une distinction entre les infractions très graves, graves et moins graves, le Tribunal a confirmé l’appréciation de la Commission selon laquelle la mise en œuvre d’une pratique de ciseaux tarifaires par un opérateur historique de télécommunications national devait être qualifiée d’infraction très grave et d’abus de position dominante caractérisée (arrêt du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, Rec, EU:T:2012:172, points 382 à 387). Il convient d’ajouter que le Tribunal a confirmé la qualification de l’infraction en cause de « très grave » pour toute la période de l’infraction concernée, bien que la Commission ait reconnu que cette infraction n’était pas d’une gravité uniforme tout au long de ladite période (arrêt Telefónica et Telefónica de España/Commission, précité, EU:T:2012:172, points 417 à 419).

185

Bien que l’infraction à l’article 102 TFUE consistant en une application des ciseaux tarifaires soit une infraction d’une autre nature que l’infraction commise par TP, à savoir le refus de fourniture, cette dernière infraction peut également être considérée comme étant un abus caractérisé et d’une gravité particulière. En effet, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Telefónica et Telefónica de España/Commission, point 184 supra (EU:T:2012:172), la qualification de l’infraction de très grave a été fondée, en substance, sur trois éléments, à savoir le fait que la requérante ne pouvait pas ignorer le caractère illégal de son comportement, le caractère intentionnel de ce comportement ainsi que le fait que l’opérateur historique détenait une position virtuellement monopolistique sur le marché de gros de l’accès à haut débit et une position dominante très forte sur les marchés de détail. Or, tous ces éléments se trouvent réunis en l’espèce, ni le caractère intentionnel et illégal du comportement de TP ni la taille de ses parts de marché concernées n’étant contestés.

186

Eu égard aux considérations qui précèdent, le Tribunal estime que, compte tenu de la gravité particulière de l’infraction commise par TP, la Commission n’a pas violé le principe de proportionnalité en fixant à 10 % la proportion de la valeur des ventes retenue aux fins de la détermination du montant de base de l’amende infligée à celle-ci, conformément aux paragraphes 19 à 22 des lignes directrices de 2006.

187

Par conséquent, il y a lieu de rejeter le présent moyen du recours comme non fondé.

Sur le quatrième moyen

188

Le quatrième moyen est tiré de l’absence de prise en considération des circonstances atténuantes. La requérante, soutenue par la PIIT, fait valoir, à cet égard, que la Commission a commis des erreurs de droit et d’appréciation en refusant de tenir compte, au titre des circonstances atténuantes, de trois éléments invoqués par TP lors de la procédure administrative, à savoir : premièrement, des investissements « colossaux » entrepris depuis la date de l’accord avec l’UKE afin de moderniser l’infrastructure polonaise des lignes fixes au profit des OA et des utilisateurs finaux, deuxièmement, la cessation volontaire de l’infraction par TP et, troisièmement, les engagements proposés par celle-ci.

189

Par ailleurs, dans l’hypothèse où le Tribunal n’estimerait pas que les variations de la durée et de l’intensité de son comportement, qu’elle a fait valoir dans le cadre de la première branche du troisième moyen, justifient une réduction du montant de base de l’amende, la requérante demande au Tribunal d’en tenir compte au titre des circonstances atténuantes.

190

La Commission conteste les arguments de la requérante et conclut au rejet du présent moyen.

191

Il y a lieu d’apprécier les arguments avancés par la requérante et la PIIT au regard des principes exposés aux points 110 à 114 ci-dessus.

– Sur les investissements entrepris par TP depuis la date de l’accord avec l’UKE

192

En ce qui concerne les investissements dans les installations, la requérante fait valoir que, en vertu de l’accord avec l’UKE, elle s’est engagée à procéder à deux types d’investissements, à savoir, d’une part, les investissements destinés à améliorer l’accès des OA aux services d’accès en mode BSA et aux services d’accès en mode LLU et, d’autre part, des investissements visant à moderniser l’infrastructure polonaise de lignes fixes.

193

Ce sont ces derniers investissements, \/estimés à 761,4 millions d’euros entre octobre 2009 et la fin de l’année 2011, dont près de 168,3 millions d’euros étaient dépensés à la fin de l’année 2010, qui, selon la requérante, devraient être pris en compte comme une circonstance atténuante. La requérante soutient, à cet égard, que ces investissements seraient une mesure volontaire allant au-delà des mesures nécessaires pour faire cesser l’infraction constatée par la Commission et qu’ils profitaient tant aux consommateurs polonais qu’aux OA. Ainsi, ces investissements devraient être qualifiés de mesure réparatrice de l’infraction commise par TP, semblable à celle qui a été reconnue par le Tribunal, au titre de circonstance atténuante, dans son arrêt du 30 avril 2009, Nintendo et Nintendo of Europe/Commission (T‑13/03, Rec, EU:T:2009:131). Ces investissements seraient également comparables aux paiements effectués par les écoles privées du Royaume-Uni en faveur d’un fond fiduciaire éducatif dans l’affaire tranchée par la décision de l’autorité de concurrence du Royaume-Uni du 20 novembre 2006 (affaire CA 98/05/2006 – Independent Schools).

194

Lors de l’audience, tant la requérante que la PIIT ont souligné que plus de 12 % des investissements dans la modernisation du réseau de TP ont concerné des parties du territoire polonais dans lesquelles il n’y avait aucune infrastructure permettant l’accès fixe à l’internet. Les investissements dans ces régions, dénommées aussi « zones blanches » (white spots) ou « zones d’exclusion numérique » (digital exclusion zones), ne seraient pas intéressants pour les OA, notamment en raison des barrières économiques et juridiques les caractérisant. À cet égard, la PIIT a renvoyé aux documents confirmant les effets bénéfiques des investissements de TP pour les OA et les utilisateurs finaux, joints en annexe aux mémoires de la requérante et à son mémoire en intervention.

195

Par ailleurs, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur de droit en refusant de considérer ces investissements comme une circonstance atténuante au motif qu’ils ne changeraient pas la nature de l’infraction. Un tel refus supposerait, en effet, que ne peuvent être qualifiées de circonstances atténuantes que des circonstances modifiant la nature de l’infraction. Or, les lignes directrices de 2006 reconnaissent comme possibles circonstances atténuantes des éléments qui sont indifférents pour la nature de l’infraction, comme la coopération avec la Commission. La requérante soutient que le refus de tenir compte de ces investissements viole également le principe de proportionnalité.

196

À cet égard, il y a lieu de relever que les investissements dont se prévaut la requérante sont liés à une obligation formulée au point 2, paragraphe 1, sous k), de l’accord avec l’UKE, signé, d’une part, par le président de l’UKE et, d’autre part, par le président du directoire de TP. Conformément à ce point de l’accord, TP s’est engagée à assurer l’infrastructure d’accès fixe à l’internet à haut débit permettant de créer au moins 1200000 nouvelles connexions, selon les modalités décrites dans les annexes de cet accord.

197

Or, d’une part, selon les termes des considérants 6 à 9 du préambule de cet accord :

« 6.

Le président de l’UKE considère que TP ne respecte pas les obligations réglementaires qui lui sont imposées en vertu de [ses] décisions, en particulier l’obligation de non-discrimination en ce qui concerne l’accès à l’infrastructure de TP.

7.

TP s’est vu infliger des amendes dans plusieurs dizaines de cas, notamment pour n’avoir pas rempli dans les délais les conditions assurant l’accès en matière de télécommunications ; pour n’avoir pas exécuté l’offre définissant les conditions-cadres des accords sur le dégroupage de la boucle locale et les installations liées (offre RUO [offre de dégroupage de référence]) ; pour avoir violé la décision introduisant l’offre Bitstream Access [services d’accès haut débit] ; pour n’avoir pas soumis une instruction relative à la tenue d’une comptabilité réglementaire et une description du calcul des coûts sur le marché des appels provenant du réseau de TP ; pour n’avoir pas exécuté l’offre-cadre de TP sur l’accès en matière de télécommunications concernant la connexion des réseaux (offre RIO [offre d’interconnexion de référence]) et pour n’avoir pas divulgué le contenu des accords d’accès en matière de télécommunications.

8.

De l’avis du président de l’UKE, les obligations réglementaires relatives à l’accès au réseau de télécommunications, imposées à TP, n’ont pas permis d’assurer une concurrence effective sur les marchés concernés, sur lesquels TP est l’opérateur doté d’une puissance significative, et cette absence de concurrence effective a, selon le président de l’UKE, un caractère durable. Par conséquent, le président de l’UKE a entamé des travaux ayant pour objectif d’imposer à TP, à titre de mesure réglementaire, une obligation de séparation fonctionnelle.

9.

En vue d’éviter l’imposition de l’obligation de la séparation fonctionnelle, TP a entamé des négociations avec les acteurs du marché des télécommunications qui visent à déterminer les règles de coopération avec les [OA] qui, selon TP, permettront d’éliminer les comportements anticoncurrentiels et discriminatoires de TP constatés sur les marchés concernés sur lesquels [cette dernière] est l’opérateur doté d’une puissance significative. »

198

D’autre part, en vertu du point 2, paragraphe 2, de l’accord avec l’UKE, selon le président de l’UKE, la mise en œuvre par TP de tous les engagements pris en vertu dudit accord, notamment l’engagement déterminé au point 2, paragraphe 1, sous k), portant sur la création de 1200000 nouvelles connexions, pouvait aboutir à l’élimination des problèmes les plus importants qu’il avait relevés sur le marché des télécommunications en ce qui concerne l’accès au réseau de télécommunications et qui sont énumérés au point 8 du préambule de l’accord, reproduit au point 197 ci-dessus.

199

Compte tenu de ces éléments, il convient de constater, premièrement, que les investissements effectués par TP ne peuvent pas être considérés comme des mesures réparatrices comparables à celles qui ont été reconnues par la Commission dans l’affaire ayant fait l’objet de l’arrêt Nintendo et Nintendo of Europe/Commission, point 193 supra (EU:T:2009:131).

200

En effet, contrairement aux compensations visées dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Nintendo et Nintendo of Europe/Commission, point 193 supra (EU:T:2009:131), qui avaient pour objectif de dédommager les tiers identifiés dans la communication des griefs comme ayant subi un préjudice financier du fait des comportements infractionnels des entreprises incriminées, la création de lignes nouvelles et les investissements qu’elle impliquait ne visaient pas à compenser à l’égard des OA les éventuels dommages qu’ils auraient subis, mais à éliminer des marchés concernés, sur lesquels TP agissait en tant qu’opérateur doté d’une puissance significative, ce que le président de l’UKE avait défini comme l’état d’« absence de concurrence effective [... de] caractère durable ». En outre, dans la mesure où les investissements de TP visaient à créer des connexions nouvelles, les utilisateurs finaux et les OA qui ont subi les effets des pratiques anticoncurrentielles de TP n’ont pas pu bénéficier de ces investissements.

201

Les investissements effectués par TP ne peuvent pas, non plus, être considérés comme des mesures réparatrices comparables aux paiements effectués par les écoles privées du Royaume-Uni dans l’affaire CA 98/05/2006 – Independent Schools. En effet, il ressort de la décision de l’autorité de concurrence du Royaume-Uni que les écoles privées, sanctionnées pour avoir échangé des informations sur les niveaux des frais d’inscription, ont conclu une forme de transaction avec l’autorité, en vertu de laquelle l’amende qui leur a été infligée était relativement modeste. En revanche, les écoles contrevenantes se sont engagées à contribuer à un fond fiduciaire éducatif créé spécifiquement au bénéfice des élèves qui ont fréquenté ces écoles pendant les années universitaires pour lesquelles les informations relatives aux frais d’inscription avaient été échangées. Les contributions des écoles concernées audit fond fiduciaire peuvent être comparées aux paiements faits dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Nintendo et Nintendo of Europe/Commission, point 193 supra (EU:T:2009:131). En revanche, elles ne sont pas de la même nature que les investissements effectués par TP qui ne visaient pas à dédommager les OA et les utilisateurs finaux qui ont subi les effets des pratiques de TP.

202

Deuxièmement, si les engagements définis dans l’accord avec l’UKE ont été acceptés par TP de son propre gré, force est de constater qu’ils ont été motivés par la volonté de TP d’éviter une mesure réglementaire radicale, à savoir la séparation fonctionnelle, qui a été envisagée par l’autorité réglementaire compétente afin de mettre un terme aux violations continues et répétées du cadre réglementaire par TP. À cet égard, il convient d’ajouter qu’il ressort, tant de la décision attaquée que du texte de l’accord avec l’UKE, reproduit au point 197 ci-dessus, que la séparation fonctionnelle a été envisagée par l’UKE dès lors que d’autres mesures adoptées en vue de forcer TP à se conformer au cadre réglementaire, notamment plusieurs décisions par lesquelles l’UKE lui a infligé des amendes, se sont avérées inefficaces (voir considérant 153 de la décision attaquée). La volonté de parer à la menace de la séparation fonctionnelle affaiblit ainsi le caractère volontaire des engagements pris en vertu de l’accord dont se prévaut la requérante.

203

Troisièmement, les investissements, même élevés et effectués dans des zones peu attractives du point de vue commercial, constituent un élément normal de la vie des affaires et sont effectués dans la perspective d’un rendement. Ainsi, la création de 1200000 nouvelles connexions signifiait pour TP, avant tout, la possibilité de gagner 1200000 nouveaux clients dans les zones dans lesquelles les OA, qui n’ont pas la même envergure et ne disposent pas des mêmes ressources qu’un opérateur historique, ne pouvaient pas investir. Partant, si les investissements dans la modernisation et le développement de l’infrastructure polonaise de lignes fixes appartenant à TP bénéficiaient, indirectement, tant aux utilisateurs finaux qu’aux OA, force est de constater que ces investissements bénéficiaient, tout d’abord, à TP elle-même.

204

Quatrièmement, enfin, en ce qui concerne les arguments de la PIIT, fondés sur les documents annexés à son mémoire en intervention et aux mémoires de la requérante, il y a lieu de relever d’emblée leur caractère peu plausible. En effet, les thèses que la PIIT avance dans son mémoire en intervention, et qu’elle a développées lors de l’audience, sont contredites par le contenu des documents qu’elle joint en annexe à son mémoire en intervention. En particulier, la décision de l’UKE du 28 avril 2011, jointe en annexe 1 au mémoire en intervention, qui n’a pas été contestée par TP devant les juridictions nationales polonaises, fait, avant tout, état des effets négatifs que le comportement de TP a eus pour le développement du marché de l’accès à l’internet à haut débit en Pologne, en particulier pendant la période de l’infraction. L’UKE souligne que les mesures réglementaires mises en œuvre n’ont pas donné les résultats recherchés quant à la suppression des comportements discriminatoires de l’opérateur historique et au respect de l’égalité de traitement de tous les opérateurs.

205

Certes, quelques documents invoqués par la PIIT confirment que tant les OA que l’UKE ont reconnu les effets bénéfiques pour les OA et les utilisateurs finaux de l’accord avec l’UKE, y compris des investissements qu’il prévoyait. Toutefois, ces effets bénéfiques ne sont pas de nature à justifier une réduction du montant de base de l’amende au titre des circonstances atténuantes.

206

En effet, les effets bénéfiques susmentionnés sont attribués à l’accord en tant que tel et non aux investissements en particulier. Ainsi, tout d’abord, dans le document portant la stratégie de régulation jusqu’à 2015, datant de novembre 2012 (annexe 18 du mémoire en intervention), l’UKE a reconnu les effets bénéfiques pour le marché de l’exécution de l’ensemble des engagements pris par TP en vertu de l’accord. De même, dans sa présentation du 20 novembre 2011 sur les effets de l’accord qu’il a conclu avec TP (annexe 23 du mémoire en intervention), l’UKE s’est référée aux effets bénéfiques, pour les OA et les utilisateurs finaux, de l’ensemble de l’accord. En outre, en constatant que cet accord a profité aux OA et aux utilisateurs finaux, notamment, par une extension de l’infrastructure de télécommunication, par une amélioration de l’accès à cette infrastructure, par une concurrence accrue sur le marché concerné et une baisse des prix, l’UKE a relevé qu’il avait également apporté des bénéfices à TP elle-même, notamment en lui permettant d’éviter la séparation fonctionnelle et des litiges potentiels relatifs à la violation du principe de non-discrimination. Enfin, dans son rapport générique de mai 2010 (annexe 3 du mémoire en intervention), Netia, qui est le plus grand concurrent de TP sur le marché de détail, reconnaît que les dispositions de l’accord concernant le respect du principe de non-discrimination devraient lui permettre d’accélérer l’activation de nouvelles lignes d’abonnés à travers le réseau de TP. En ce qui concerne les investissements de TP dans l’infrastructure, Netia se borne seulement à indiquer qu’ils vont augmenter la taille du marché sur lequel elle est active.

207

L’amélioration de la situation sur le marché concerné résultant du changement de comportement de TP qui a suivi la signature de l’accord avec l’UKE a aussi été prise en compte par la Commission. En effet, la Commission a décidé de choisir la date de la signature de l’accord comme date de la fin de l’infraction.

208

Au vu de ces considérations, il ne saurait être reproché à la Commission de n’avoir pas reconnu à TP le bénéfice des circonstances atténuantes au titre des investissements qu’elle a effectués afin de moderniser l’infrastructure polonaise de lignes fixes. À cet égard, il est indifférent de savoir si peuvent être qualifiés de circonstances atténuantes seulement les éléments qui modifient la nature de l’infraction ou bien également les éléments qui n’ont pas cette qualité.

209

Il s’ensuit que le refus de reconnaître à la requérante le bénéfice de la circonstance atténuante au titre des investissements entrepris en vertu de l’accord avec l’UKE ne saurait être considéré comme une violation du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006 ni comme une violation du principe de proportionnalité.

– Sur la cessation volontaire de l’infraction

210

La requérante, soutenue par la PIIT, souligne que, en vertu de l’accord avec l’UKE, elle a volontairement mis fin à l’infraction et soutient qu’il est contraire au principe de proportionnalité ainsi qu’au paragraphe 29 des lignes directrices de 2006 de n’y accorder aucune considération au titre des circonstances atténuantes au motif qu’il n’a pas été mis fin à l’infraction immédiatement après l’intervention de la Commission. Elle relève, à cet égard, que, dès le mois de décembre 2008, c’est-à-dire déjà deux mois après les inspections de la Commission dans ses locaux, organisées du 23 au 26 septembre 2008 et jusqu’à la signature de l’accord avec l’UKE le 22 octobre 2009, TP s’est activement employée à remédier aux éléments de l’abus constaté par la Commission.

211

Conformément au paragraphe 29, premier tiret, des lignes directrices de 2006, le montant de base peut être réduit lorsque la Commission constate l’existence de circonstances atténuantes telles que le fait que l’entreprise concernée apporte la preuve qu’elle a mis fin à l’infraction dès les premières interventions de la Commission.

212

Cette disposition reprend, en substance, le point 3 des lignes directrices de 1998. S’agissant dudit point, d’une part, le Tribunal a considéré que sa finalité était d’encourager les entreprises à cesser leurs comportements anticoncurrentiels immédiatement lorsque la Commission entame une enquête à cet égard (arrêt du 13 juillet 2011, Schindler Holding e.a./Commission, T‑138/07, Rec, EU:T:2011:362, point 274).

213

D’autre part, selon la jurisprudence, la cessation de l’infraction dès les premières interventions de la Commission ne peut logiquement être une circonstance atténuante que s’il existe des raisons de supposer que les entreprises en cause ont été incitées à arrêter leurs comportements anticoncurrentiels par les interventions en question (arrêt du 26 septembre 2013, Alliance One International/Commission, C‑679/11 P, EU:C:2013:606, point 80). Autrement dit, pour que la cessation de l’infraction puisse être reconnue en tant que circonstance atténuante, il faut qu’il existe un lien de causalité entre les interventions de la Commission et la cessation de l’infraction concernée.

214

Or, en l’espèce, force est de constater, tout d’abord, que TP n’a pas cessé le comportement infractionnel immédiatement après la première intervention de la Commission, à savoir après les inspections dans ses locaux à Varsovie, effectuées par la Commission, assistée de l’autorité polonaise de la concurrence, du 23 au 26 septembre 2008. En effet, si TP a commencé à respecter, graduellement, ses obligations réglementaires à partir de la fin de l’année 2008, il ressort des considérants 574 et 577 de la décision attaquée, sans que cela soit contesté par la requérante, que les OA ont continué à éprouver des difficultés liées à l’accès aux produits de gros de l’accès à haut débit en modes BSA et LLU, dues au comportement incriminé de TP, encore bien après la signature de l’accord avec l’UKE, survenue le 22 octobre 2009.

215

Ensuite, comme cela ressort des considérants 78 et 567 à 571 de la décision attaquée, ainsi que du point 197 ci-dessus, et sans que ce fait soit contesté par la requérante, le principal motif de la signature de l’accord avec l’UKE était d’éviter la séparation fonctionnelle envisagée par l’UKE en raison de la méconnaissance persistante des obligations réglementaires relatives à l’accès à son réseau par TP. Au vu de cet élément, le lien de causalité, exigé par la jurisprudence, entre les inspections de la Commission et la cessation de l’infraction par TP ne saurait être considéré comme établi.

216

Enfin, bien que, comme cela a été relevé au point 214 ci-dessus, après la signature de l’accord avec l’UKE, les OA aient continué à éprouver des difficultés liées à l’accès aux produits de gros de l’accès à haut débit en modes BSA et LLU, la Commission a reconnu l’importance de cet accord et le fait qu’il avait marqué un tournant dans le comportement de TP, en choisissant la date de sa signature comme la date de la fin de l’infraction. Ainsi, la conclusion de cet accord a eu un impact important sur le calcul de l’amende, en ce qu’il a arrêté le taux du multiplicateur appliqué en fonction de la durée de l’infraction.

217

Dans ces circonstances, le refus de reconnaître à TP le bénéfice de la circonstance atténuante prévue au paragraphe 29, premier tiret, des lignes directrices de 2006 ne saurait être considéré ni comme une violation de cette disposition ni comme une violation du principe de proportionnalité.

– Sur les engagements proposés par TP

218

La requérante rappelle que TP avait fait une proposition d’engagements et que celle-ci a été rejetée par la Commission. Elle fait valoir que cette proposition, bien que rejetée, devrait être considérée comme relevant de la coopération effective au sens du paragraphe 29 des lignes directives de 2006. Le refus de la Commission de tenir compte de cette proposition d’engagements dans le calcul de l’amende serait, en outre, contraire au principe de proportionnalité.

219

Conformément au paragraphe 29, quatrième tiret, des lignes directrices de 2006, le montant de base de l’amende peut être réduit lorsque la Commission constate l’existence de circonstances atténuantes telles que le fait que l’entreprise concernée coopère effectivement avec la Commission, en dehors du champ d’application de la communication sur la « clémence » et au-delà de ses obligations de coopérer.

220

À cet égard, selon une jurisprudence constante, une réduction du montant de l’amende au titre de la coopération lors de la procédure administrative trouve son fondement dans la considération selon laquelle une telle coopération facilite la tâche de la Commission de constater une infraction (voir arrêt du 19 mai 2010, Boliden e.a./Commission, T‑19/05, Rec, EU:T:2010:203, point 104 et jurisprudence citée).

221

Or, tout en tenant compte de la jurisprudence citée au point 114 ci-dessus, il convient de rappeler que la Commission conserve une certaine marge pour apprécier d’une manière globale l’importance d’une éventuelle réduction du montant des amendes au titre des circonstances atténuantes (arrêt du 16 juin 2011, FMC Foret/Commission, T‑191/06, Rec, EU:T:2011:277, point 333). Cette marge doit lui être reconnue en particulier lorsqu’il s’agit d’apprécier l’utilité de la coopération de l’entreprise concernée à la procédure ainsi que le niveau auquel cette coopération facilite sa tâche de constater une infraction.

222

En l’espèce, la requérante fait valoir qu’avant l’adoption de la communication des griefs TP avait invité la Commission à discuter d’une proposition d’engagements en vertu de laquelle elle a notamment proposé à la Commission de rendre l’accord avec l’UKE juridiquement contraignant, de fournir ses services de gros de l’accès à haut débit en modes BSA et LLU dans le cadre d’une opération commerciale distincte et dédiée, d’instaurer un code de bonnes pratiques et d’établir un système de surveillance de ses obligations confié à un mandataire indépendant.

223

Toutefois, d’une part, le Tribunal considère que les engagements proposés par TP n’étaient pas de nature à faciliter à la Commission la constatation de l’infraction. En effet, ces engagements portaient une promesse d’amélioration du comportement de TP et se référaient, ainsi, plutôt à la cessation d’une infraction dont l’existence ne faisait plus de doute.

224

D’autre part, le Tribunal estime que le paragraphe 29, quatrième tiret, des lignes directrices de 2006 ne saurait être raisonnablement interprété comme signifiant que le simple fait qu’une entreprise propose des engagements au cours d’une procédure administrative suffise à établir une coopération effective avec la Commission allant au-delà des obligations de coopérer et, partant, à garantir à cette entreprise une réduction du montant de l’amende. Si tel était le cas, il suffirait à toute entreprise se trouvant dans la situation de la requérante, pour obtenir une réduction du montant de l’amende, de présenter des propositions d’engagements, quelle qu’en soit la qualité et quelle que soit leur capacité à faciliter la tâche de la Commission de constater l’infraction. Or, une telle interprétation est contraire à la ratio legis du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006, qui est d’encourager les entreprises à entamer une coopération étroite et significative avec la Commission.

225

Au vu de ce qui précède, le refus de reconnaître à TP le bénéfice de la circonstance atténuante prévue au paragraphe 29, quatrième tiret, des lignes directrices de 2006 ne saurait être considéré ni comme une violation de cette disposition ni comme une violation du principe de proportionnalité.

3. Sur les conclusions en réformation

226

Il y a lieu, d’abord, de relever que, aucune illégalité ou irrégularité n’entachant la décision attaquée, les conclusions en réformation ne peuvent être accueillies en ce qu’elles tendent à ce que le Tribunal tire les conséquences, quant au montant de l’amende, desdites illégalités ou irrégularités.

227

Il importe, ensuite, d’examiner, au regard de l’ensemble des éléments du dossier, notamment mis en avant par la requérante, s’il échet pour le Tribunal de substituer, au titre de sa compétence de pleine juridiction, un montant de l’amende à celui retenu par la Commission, au motif que ce dernier ne serait pas approprié.

228

Il ressort dudit examen que, contrairement à ce que soutient la requérante, la manière dont la Commission a tenu compte, dans la décision attaquée, des variations de la durée et de l’intensité de son comportement était adéquate aux circonstances de l’espèce, conforme aux exigences d’équité et dépourvue de toute disproportion ou erreur.

229

Par ailleurs, en conformité avec la jurisprudence citée au point 67 ci-dessus, il convient de relever l’absence d’éléments ignorés de la Commission à la date d’adoption de la décision attaquée et portés ultérieurement à la connaissance du juge de l’Union qui seraient de nature à justifier une réformation du montant de l’amende.

230

Dans ces circonstances, il convient de rejeter les conclusions en réformation présentées par la requérante et, par suite, le recours dans sa totalité.

Sur les dépens

231

Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

232

La Commission n’ayant pas conclu à la condamnation de la PIIT aux dépens liés à son intervention, la PIIT ne supportera que ses propres dépens.

233

L’ECTA supportera ses propres dépens, conformément à l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

 

déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

Orange Polska S.A. supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

 

3)

Polska Izba Informatyki i Telekomunikacji et l’European Competitive Telecommunications Association supporteront leurs propres dépens.

 

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 décembre 2015.

Signatures

Table des matières

 

Antécédents du litige

 

1. Contexte technologique, réglementaire et factuel de la décision attaquée

 

2. Procédure administrative

 

3. Décision attaquée

 

Procédure et conclusions des parties

 

En droit

 

1. Sur la portée du litige

 

2. Sur les conclusions en annulation

 

Sur les conclusions tendant à l’annulation intégrale de la décision attaquée

 

Sur les conclusions tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée

 

Sur le premier moyen

 

Sur le deuxième moyen

 

Sur le troisième moyen

 

– Sur la première branche, tirée de la méconnaissance du fait que la durée des différents éléments constitutifs de l’infraction et l’intensité de celle-ci ont varié dans le temps

 

– Sur la seconde branche, tirée de l’existence d’erreurs entachant les conclusions de la Commission sur l’incidence de l’infraction sur les marchés concernés

 

Sur le quatrième moyen

 

– Sur les investissements entrepris par TP depuis la date de l’accord avec l’UKE

 

– Sur la cessation volontaire de l’infraction

 

– Sur les engagements proposés par TP

 

3. Sur les conclusions en réformation

 

Sur les dépens


( * )   Langue de procédure : l’anglais.

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