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Document 62003TJ0442

    Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 26 juin 2008.
    SIC - Sociedade Independente de Comunicação, SA contre Commission des Communautés européennes.
    Aides d’État - Mesures prises par la République portugaise en faveur du radiodiffuseur public RTP pour financer sa mission de service public - Décision déclarant que certaines mesures ne constituent pas des aides d’État et que les autres sont compatibles avec le marché commun - Qualification d’aide d’État - Compatibilité avec le marché commun - Obligation d’examen diligent et impartial.
    Affaire T-442/03.

    Recueil de jurisprudence 2008 II-01161

    ECLI identifier: ECLI:EU:T:2008:228

    ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

    26 juin 2008 ( *1 )

    «Aides d’État — Mesures prises par la République portugaise en faveur du radiodiffuseur public RTP pour financer sa mission de service public — Décision déclarant que certaines mesures ne constituent pas des aides d’État et que les autres sont compatibles avec le marché commun — Qualification d’aide d’État — Compatibilité avec le marché commun — Obligation d’examen diligent et impartial»

    Dans l’affaire T‑442/03,

    SIC — Sociedade Independente de Comunicação, SA, établie à Carnaxide (Portugal), représentée par Mes C. Botelho Moniz, E. Maia Cadete et M. Rosado da Fonseca, avocats,

    partie requérante,

    contre

    Commission des Communautés européennes, représentée initialement par Mme M. Balta et M. F. Florindo Gijón, puis par MM. M. Niejahr, J. Buendía Sierra et G. Braga da Cruz, et enfin par MM. B. Martenczuk et Braga da Cruz, en qualité d’agents,

    partie défenderesse,

    ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2005/406/CE de la Commission, du 15 octobre 2003, relative aux mesures ad hoc exécutées par le Portugal en faveur de la RTP (JO 2005, L 142, p. 1), en ce que cette décision déclare que certaines de ces mesures ne constituent pas des aides d’État et que les autres sont compatibles avec le marché commun,

    LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

    composé de M. M. Vilaras (rapporteur), président, Mmes M. E. Martins Ribeiro et K. Jürimäe, juges,

    greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 novembre 2007,

    rend le présent

    Arrêt

    Cadre juridique

    1

    L’article 16 CE dispose :

    « Sans préjudice des articles 73 [CE], 86 [CE] et 87 [CE], et eu égard à la place qu’occupent les services d’intérêt économique général parmi les valeurs communes de l’Union ainsi qu’au rôle qu’ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l’Union, la Communauté et ses États membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d’application du présent traité, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions qui leur permettent d’accomplir leurs missions. »

    2

    L’article 86, paragraphe 2, CE dispose :

    « Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de la Communauté. »

    3

    L’article 87, paragraphe 1, CE dispose :

    « Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. »

    4

    Le protocole sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres (JO 1997, C 340, p. 109, ci-après le « protocole d’Amsterdam »), introduit par le traité d’Amsterdam en annexe au traité CE, dispose :

    « [Les États membres,] considérant que la radiodiffusion de service public dans les États membres est directement liée aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société ainsi qu’à la nécessité de préserver le pluralisme dans les médias, sont convenus des dispositions interprétatives ci-après, qui sont annexées au traité [CE] :

    Les dispositions du traité [CE] sont sans préjudice de la compétence des États membres de pourvoir au financement du service public de radiodiffusion dans la mesure où ce financement est accordé aux organismes de radiodiffusion aux fins de l’accomplissement de la mission de service public telle qu’elle a été conférée, définie et organisée par chaque État membre et dans la mesure où ce financement n’altère pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure qui serait contraire à l’intérêt commun, étant entendu que la réalisation du mandat de ce service public doit être prise en compte. »

    5

    Le 15 novembre 2001, la Commission a publié une communication concernant l’application aux services publics de radiodiffusion des règles relatives aux aides d’État (JO C 320, p. 5, ci-après la « communication sur la radiodiffusion »), dans laquelle elle a énoncé les principes auxquels elle se conformerait dans son application de l’article 87 CE et de l’article 86, paragraphe 2, CE au financement des organismes publics de radiodiffusion par l’État (point 4 de cette communication).

    Faits à l’origine du litige

    6

    La RTP — Radiotelevisão Portuguesa, SA, est une société anonyme à capitaux publics, chargée du service public de la télévision portugaise, en vertu de contrats intitulés « contrats de concession du service public de la télévision », conclus, successivement, les 17 mars 1993 et 31 décembre 1996 (ci-après, pris ensemble, les « contrats de service public »).

    7

    La requérante, la SIC — Sociedade Independente de Comunicação, SA, est une société de télévision commerciale qui exploite l’une des principales chaînes privées de télévision portugaises.

    8

    La Commission a été saisie de trois plaintes de la requérante, datées, respectivement, des 30 juillet 1993 et 12 février 1994 (NN 133/B/01), du 16 octobre 1996 (NN 85/B/2001) et du 18 juin 1997 (NN 94/B/99), l’informant que la République portugaise avait exécuté un certain nombre de mesures ad hoc et de paiements compensatoires annuels en faveur de la RTP, qui seraient constitutifs d’aides d’État incompatibles avec le marché commun.

    9

    Le 3 mars 1997, la requérante a introduit, devant le Tribunal, un recours, enregistré sous la référence T‑46/97, en annulation d’une décision de la Commission, du 7 novembre 1996, prise sans ouverture préalable de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 93, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 2, CE) et relative à une procédure d’application de l’article 88 CE en matière de financement des chaînes publiques de télévision, ainsi qu’en annulation d’une décision prétendument contenue dans une lettre de la Commission du 20 décembre 1996. Par cette décision et par cette lettre, la Commission a, s’agissant de certaines des mesures dénoncées dans les plaintes, considéré qu’elles ne constituaient pas des aides d’État et, s’agissant de certaines autres de ces mesures, demandé des informations aux autorités portugaises.

    10

    Dans l’arrêt du 10 mai 2000, SIC/Commission (T‑46/97, Rec. p. II‑2125), le Tribunal, ayant constaté que la subsistance de difficultés sérieuses, à l’issue d’un examen préliminaire par la Commission d’une durée ayant notablement excédé celle normalement nécessaire, aurait justifié l’ouverture, par cette institution, de la procédure formelle d’examen (points 105 à 109 de l’arrêt), a annulé la décision du 7 novembre 1996. Le Tribunal a, en revanche, rejeté comme irrecevable le recours introduit à l’encontre de la lettre du 20 décembre 1996, dès lors que cette lettre ne comportait pas de décision (point 49 de l’arrêt).

    11

    À la suite de cet arrêt, la requérante a adressé à la Commission, par trois lettres du 26 juillet 2001, trois invitations à agir, concernant, respectivement, ses trois plaintes et visant à obtenir l’ouverture de la procédure formelle d’examen à l’égard des mesures dénoncées dans ces plaintes.

    12

    Ces invitations à agir ont été suivies de deux recours en carence, introduits par la requérante devant le Tribunal le 6 décembre 2001 et enregistrés sous les références T‑297/01 et T‑298/01. Ces recours ont fait l’objet, à la suite d’une initiative de la Commission du 7 novembre 2001 et de prises de position de cette institution intervenues les 13 novembre 2001 et 30 septembre 2003 (points 13 et 14 ci-après), d’un non-lieu à statuer (arrêt du Tribunal du 19 février 2004, SIC/Commission, T‑297/01 et T‑298/01, Rec. p. II‑743).

    13

    Par lettre du 7 novembre 2001, la Commission a, s’agissant des paiements compensatoires annuels mentionnés au point 8 ci-dessus, invité la République portugaise, en application de l’article 10, paragraphe 3, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 88 CE (JO L 83, p. 1), à lui communiquer des informations pour lui permettre de se déterminer sur la nature d’aides nouvelles ou d’aides existantes de ces paiements. Puis, par lettre du 30 septembre 2003, la Commission a notifié à la République portugaise une demande d’observations, en application de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 659/1999, et a entamé, ce faisant, la première étape de l’examen de ces mesures en qualité d’aides existantes. Ces paiements compensatoires annuels et la procédure ouverte à leur égard par la décision du 30 septembre 2003 ne font pas l’objet du présent recours.

    14

    Par lettre du 13 novembre 2001, la Commission a informé la République portugaise de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE à l’égard d’un certain nombre de mesures ad hoc prises par la République portugaise en faveur de la RTP entre 1992 et 1998. Ces mesures sont les suivantes :

    exonération du paiement des droits et frais afférents à l’enregistrement de l’acte portant création de la RTP, pour un montant de 33 millions d’escudos portugais (PTE) (ci-après les « exonérations fiscales ») ;

    facilités de paiement, consenties par la société Portugal Telecom à la RTP, des redevances d’utilisation du réseau de télédiffusion (ci-après les « facilités de paiement de la redevance ») ;

    accord amiable entre l’organisme en charge de la sécurité sociale et la RTP, portant échelonnement d’une dette de la RTP envers cet organisme et renonciation par celui-ci au recouvrement des intérêts de retard ;

    augmentation du capital de la RTP, de 5,4 milliards de PTE, en 1993, en compensation de la vente par la RTP du réseau de télédiffusion ;

    émission obligataire en 1994, d’un montant de 5 milliards de PTE, qui aurait été garantie par la République portugaise (ci-après l’« émission obligataire de 1994 ») ;

    protocole entre la RTP et le ministère de la Culture portugais, conclu en 1996, sur le financement par la RTP de la promotion du cinéma ;

    plan de restructuration pour la période allant de 1996 à 2000 ;

    augmentations de capital de la RTP par la République portugaise entre 1994 et 1997, à hauteur de 52,2 milliards de PTE ;

    prêts consentis par la République portugaise à la RTP, en 1997 et 1998, pour un montant total de 20 milliards de PTE.

    15

    La décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (JO 2002, C 85, p. 9) et a été communiquée à la requérante par lettre du 8 janvier 2002. Dans cette décision, la Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations.

    16

    Par lettres des 8 février 2002, référencée 1543.003.CA.001, et 9 mai 2002, référencée 1543.003.OB.001, la requérante a transmis ses observations à la Commission.

    17

    Dans ces observations, elle a sollicité de la Commission qu’elle demande aux autorités portugaises de communiquer les rapports d’audit externe de la RTP prévus par l’article 19 du contrat de service public de 1993 et par l’article 25 du contrat de service public de 1996 (ci-après les « rapports d’audit externe contractuels »). La requérante a sollicité de pouvoir se prononcer sur le contenu de ces rapports.

    18

    La Commission n’a pas répondu à la requérante s’agissant de ces demandes.

    19

    À partir du mois de mars 2003 et pour obtenir communication des rapports d’audit externe contractuels ou d’une attestation relative à leur inexistence, la requérante a engagé, au niveau national, plusieurs procédures successives, tout d’abord devant le ministre d’État et des Finances, le ministre chargé de la présidence et le président du conseil d’administration de la RTP, ensuite devant la commission d’accès aux documents administratifs portugaise, enfin devant le Tribunal Administrativo de Círculo de Lisboa (tribunal administratif d’arrondissement de Lisbonne, Portugal).

    20

    Par lettre du 16 mai 2003, la requérante a réitéré sa demande à la Commission d’enjoindre aux autorités portugaises de présenter les rapports d’audit externe contractuels.

    21

    Par lettre du 19 juin 2003, la Commission n’a pas donné suite à cette demande.

    22

    Par lettre du 4 août 2003 adressée à la Commission, la requérante a critiqué la position de celle-ci.

    23

    Par la décision 2005/406/CE, du 15 octobre 2003, relative aux mesures ad hoc exécutées par le Portugal en faveur de la RTP (JO 2005, L 142, p. 1, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a décidé que certaines des mesures ad hoc constituaient des aides d’État compatibles avec le marché commun (article 1er de la décision attaquée), tandis que les autres mesures ad hoc ne constituaient pas des aides d’État (article 2 de la décision attaquée).

    24

    Par lettre du 4 décembre 2003 et à la suite d’un arrêt du Tribunal Administrativo de Círculo de Lisboa du 16 octobre 2003, les autorités portugaises ont communiqué à la requérante un des rapports d’audit externe contractuels, effectué en 2001 par une société d’audit et relatif à l’exercice 1998 (ci-après le « rapport d’audit externe contractuel pour 1998 »). Les autorités portugaises ont informé la requérante que, s’agissant des rapports d’audit externe contractuels pour les années 1993 à 1997, « ceux-ci ne se trouvant pas en possession [du] ministre chargé de la présidence, il lui [était] impossible de délivrer une attestation, puisque l’existence ou l’inexistence de ces rapports ne saurait être établie avec certitude ».

    25

    Par lettre du 11 décembre 2003, la Commission a communiqué la décision attaquée à la requérante.

    Procédure et conclusions des parties

    26

    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 décembre 2003, la requérante a introduit le présent recours.

    27

    La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée à compter du 13 septembre 2004, le juge rapporteur a été affecté, en qualité de président, à la cinquième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

    28

    En annexe de la réplique, la requérante a produit un rapport d’audit de gestion de la RTP, no 08/2002, du 6 juin 2002, établi par le Tribunal de Contas (Cour des comptes, Portugal) (ci-après le « rapport du Tribunal de Contas »). Par ailleurs, la requérante a sollicité du Tribunal, au titre de l’article 65, sous b), du règlement de procédure du Tribunal, qu’il demande à la Commission de présenter les informations détaillées que, d’après le mémoire en défense, les autorités portugaises avaient transmises à cette institution.

    29

    La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    annuler l’article 1er de la décision attaquée, en ce que les éléments nécessaires à l’application de l’article 86, paragraphe 2, CE ne sont pas réunis ;

    annuler l’article 2 de la décision attaquée, en ce qu’il établit que les exonérations fiscales, les facilités de paiement de la redevance et l’émission obligataire de 1994 ne constituent pas des aides d’État ;

    condamner la Commission aux dépens.

    30

    La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    rejeter le recours ;

    condamner la requérante aux dépens.

    En droit

    31

    Le présent recours, au-delà d’une présentation en quatre moyens, tirés, premièrement, de la violation des obligations de diligence et d’impartialité, deuxièmement, d’erreurs de fait et d’une violation de l’obligation de motivation, troisièmement, d’une erreur de droit résultant de l’absence de qualification de certaines mesures d’aides d’État et, quatrièmement, d’erreurs de droit quant aux conditions d’application de l’article 86, paragraphe 2, CE, s’articule, en substance, en deux contestations principales correspondant aux deux articles du dispositif de la décision attaquée et aux troisième et quatrième moyens d’annulation.

    32

    La première contestation principale, correspondant au troisième moyen d’annulation, vise la conclusion de la Commission, figurant à l’article 2 de la décision attaquée, selon laquelle certaines des mesures adoptées par la République portugaise ne constituent pas des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

    33

    La seconde contestation principale, correspondant au quatrième moyen d’annulation, vise la conclusion de la Commission selon laquelle d’autres mesures, dont il est constant qu’elles constituent des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, pouvaient bénéficier de la dérogation prévue à l’article 86, paragraphe 2, CE (article 1er de la décision attaquée).

    34

    En lien avec, en particulier, la seconde contestation, la requérante se prévaut, dans le premier moyen ainsi que dans certains éléments du deuxième moyen, d’une violation par la Commission de son obligation d’examen diligent et impartial.

    35

    Il convient d’examiner, d’abord, la première contestation principale et, partant, le troisième moyen d’annulation.

    Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit résultant de l’absence de qualification de certaines mesures d’aides d’État

    Sur la première branche, tirée de l’absence de qualification des exonérations fiscales d’aides d’État

    — Arguments des parties

    36

    Selon la requérante, la mesure, prévue par l’article 11, paragraphe 1, de la Lei no 21/92, transforma a Radiotelevisão Portuguesa, E.P., em sociedade anónima, du 14 août 1992 (loi portugaise no 21/92 relative à la transformation de Radiotelevisão Portuguesa, E.P., en société anonyme) (Diário da República I, série I‑A, no 187, du 14 août 1992, ci-après la « loi no 21/92 »), et autorisant l’enregistrement officieux, sans acte notarié, de la transformation de la RTP en société anonyme, aurait accordé un avantage à la RTP dont n’auraient pas bénéficié les autres opérateurs économiques présents sur le marché. En effet, elle se serait traduite par l’exonération de la RTP du paiement des droits d’enregistrement et des honoraires relatifs à cette transformation. Cette exonération se serait élevée à 33 millions de PTE.

    37

    En outre, l’article 11, paragraphe 2, de la loi no 21/92 prévoirait également, sans aucune limitation, que la RTP bénéficie, pour tout acte d’inscription, d’enregistrement ou d’annotation, devant tous les services de conservation, toutes les administrations et organes publics, d’une exonération du paiement de tous droits et honoraires.

    38

    Ces dispositions étatiques, procurant des avantages à l’entreprise bénéficiaire et ayant un caractère sélectif, puisqu’elles ne s’appliqueraient qu’à l’opérateur public, constitueraient des aides d’État, contrairement à ce qu’aurait estimé la Commission dans la décision attaquée (considérants 125 et suivants de la décision attaquée).

    39

    On ne verrait pas comment les principes généraux et l’économie globale du régime juridique applicable au Portugal pourraient justifier, comme semblerait le soutenir la Commission, l’octroi de tels privilèges à la RTP.

    40

    La Commission répond en rappelant son raisonnement contenu aux considérants 125 et suivants de la décision attaquée.

    41

    Elle remarque que la transformation de la RTP en société anonyme n’était pas une opération nécessaire et ne pouvait pas non plus être considérée comme un avantage. Elle aurait visé seulement à rapprocher le fonctionnement de l’opérateur public de celui des opérateurs privés.

    42

    Elle ajoute que, même si la position de la requérante était valable et au cas où la RTP devrait supporter tous les frais de notaire et d’enregistrement liés à la modification de son statut, les coûts qui en résulteraient seraient supportés par la République portugaise elle-même, sans que ces « aides » puissent être considérées comme illégales, puisque, comme elles seraient indispensables à la création de l’entreprise, elles seraient directement liées à l’accomplissement de la mission de service public de la RTP.

    — Appréciation du Tribunal

    43

    Selon une jurisprudence constante, la qualification d’aide d’État requiert que toutes les conditions visées par l’article 87, paragraphe 1, CE soient remplies (arrêts de la Cour du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C‑142/87, Rec. p. I‑959, point 25 ; du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C‑278/92 à C‑280/92, Rec. p. I‑4103, point 20, et du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, Rec. p. I‑4397, point 68).

    44

    Le principe d’interdiction des aides d’État énoncé à l’article 87, paragraphe 1, CE comporte les conditions suivantes. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit accorder un avantage à son bénéficiaire. Troisièmement, elle doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence.

    45

    La première de ces conditions, relative à la mise en jeu de ressources d’État, n’est pas discutée en l’espèce. Il est constant qu’elle est remplie.

    46

    Les arguments de la requérante se concentrent sur la deuxième de ces conditions. Les exonérations fiscales auraient procuré et continueraient à procurer à la RTP, de manière sélective, un avantage économique dont seraient privés les autres opérateurs économiques.

    47

    Le Tribunal constate que la requérante distingue, en substance, deux avantages.

    48

    Premièrement, la RTP aurait bénéficié d’un avantage ponctuel, consistant en l’exonération du paiement des droits d’enregistrement et des honoraires relatifs à sa transformation en société anonyme.

    49

    Deuxièmement, la RTP aurait bénéficié d’un avantage permanent, consistant en l’exonération de tous droits et honoraires, sans limitation, pour tout acte d’inscription, d’enregistrement ou d’annotation, devant toutes les administrations.

    50

    Il convient, tout d’abord, d’examiner l’avantage ponctuel dont la RTP a, selon la requérante, bénéficié.

    51

    Cet avantage comporte, en réalité, deux volets : d’une part, la RTP aurait été dispensée de l’établissement de l’acte notarié normalement requis et, partant, des honoraires notariés (également désignés sous l’expression « frais de notaire ») s’y rapportant. D’autre part, elle aurait été dispensée des frais d’enregistrement et des frais de publication s’y rapportant, les formalités d’enregistrement relatives à la transformation de la RTP en société anonyme ayant été opérées d’office et les formalités de publication étant, selon la Commission, inutiles du fait de la publication, au Diário da República, de la loi no 21/92 (point 36 supra).

    52

    Dans la décision attaquée, la Commission fait valoir, au sujet de ces deux volets de l’avantage ponctuel, que l’article 11, paragraphe 1, de la loi no 21/92, sur la base duquel la RTP a été exonérée du paiement des frais de notaire et d’enregistrement, ne confère pas d’avantage spécifique à la RTP. Ce texte réaffirmerait simplement l’applicabilité de la Lei no 84/88 transformação das empresas públicas em sociedades anónimas du 20 juillet 1988 (loi portugaise no 84/88 relative à la transformation des entreprises publiques en sociétés anonymes) (Diário da República I, série I, no 166, du 20 juillet 1988, ci-après la « loi no 84/88 ») au cas particulier de la RTP, loi qui disposerait que les entreprises publiques peuvent être transformées en sociétés anonymes par un décret-loi qui constitue l’acte portant approbation des statuts de la société anonyme et qui est considéré comme un document suffisant pour satisfaire à toutes les obligations en matière d’enregistrement (considérant 127 de la décision attaquée). Le traitement différent auquel sont soumises les entreprises publiques dont le statut juridique est modifié pour les transformer en sociétés anonymes serait la conséquence de la logique interne du système et ne conférerait pas à ces entreprises un avantage spécifique, dans la mesure où les facteurs générateurs des frais n’existeraient pas (considérant 128 de la décision attaquée).

    53

    Avant d’examiner cette motivation de la Commission, il convient de citer les passages pertinents de la législation portugaise :

    54

    L’article 1er de la loi no 84/88 dispose :

    «Les entreprises publiques […] peuvent, par décret-loi, être transformées en sociétés anonymes à capital public ou majoritairement public, conformément aux termes de la Constitution et de la présente loi.»

    55

    L’article 3, paragraphe 3, de la loi no 84/88 dispose que « le [décret-loi opérant cette transformation] constitue un titre suffisant pour tous les actes d’enregistrement nécessaires ».

    56

    L’article 11, paragraphes 1 et 2, de la loi no 21/92, dispose :

    « 1.   Sont approuvés les statuts de la RTP, SA, annexés à la présente loi, lesquels n’ont pas besoin de faire l’objet d’un acte notarié, les enregistrements afférents à ces statuts devant être effectués d’office, sans taxes ni émoluments, sur la base du Diário da República dans lequel ils sont publiés.

    2.   Tous les actes d’inscription, d’enregistrement, d’émargement, devant tous services de conservation, toutes administrations ou tous organismes publics, notamment le registre national des personnes morales, la conservation des hypothèques et le service de la propriété des automobiles, seront effectués sur la base d’une simple requête signée par deux membres du conseil d’administration de la société et en franchise de toutes taxes et de tous émoluments. »

    57

    Tout d’abord, il ressort tant du titre de la loi no 84/88 (voir point 52 ci-dessus) que de l’article 1er de cette loi (voir point 54 ci-dessus) que celle-ci n’instaure pas une mesure générale, applicable à l’ensemble des opérateurs économiques. Cette loi ne s’applique qu’aux transformations des entreprises publiques en sociétés anonymes. Les entreprises privées sont donc exclues de son bénéfice.

    58

    La requérante fait, d’ailleurs, précisément valoir dans la requête qu’une entreprise privée, régie par les règles du marché, ne bénéficie pas, quand elle change de nature juridique, des exonérations fiscales dont la RTP a bénéficié.

    59

    Quant à la Commission, si elle reconnaît, au considérant 125 de la décision attaquée, qu’il lui appartient « d’apprécier si la mesure […] s’est appliquée exclusivement à la RTP (ou encore seulement aux entreprises publiques), mais pas aux entreprises privées », elle n’apporte aucune réponse à cette préoccupation dans la suite de la décision attaquée, s’agissant, tout au moins, de l’avantage ponctuel.

    60

    Ainsi, les considérants 126 à 129 de la décision attaquée ne remettent nullement en cause la constatation opérée au point 57 ci-dessus, selon laquelle les dispositions de la loi no 84/88 sont d’application spécifique aux entreprises publiques.

    61

    Le considérant 126 de la décision attaquée énonce, certes, que la RTP ne bénéficie pas d’une exonération générale des frais d’enregistrement. Cependant, cela ne remet pas en cause le fait que cette exonération, même non générale, est accordée par la loi no 84/88 uniquement aux entreprises publiques et pas à tous les opérateurs.

    62

    Quant au considérant 127 de la décision attaquée, s’il énonce que l’article 11 de la loi no 21/92 ne fait qu’affirmer l’applicabilité de la loi no 84/88 à la RTP et, donc, que la loi no 21/92 ne confère pas un avantage spécifique à la RTP, mais ne fait que lui appliquer le régime général de la loi no 84/88, il n’en demeure pas moins, là encore, que ce régime n’est « général » qu’à l’égard des entreprises publiques. Il ne s’applique pas aux autres opérateurs économiques. Il y a donc bien, au sens des règles applicables en matière d’aides d’État, un avantage accordé spécifiquement à certaines entreprises.

    63

    Au considérant 128 de la décision attaquée, la Commission prétend, toutefois, que « [l]e traitement différent auquel sont soumises les entreprises publiques dont le statut juridique est modifié pour les transformer en sociétés anonymes est la conséquence de la logique interne du système et ne confère pas à ces entreprises un avantage spécifique, dans la mesure où les facteurs générateurs des frais n’existent pas ».

    64

    Il est exact que ne remplit pas la condition de sélectivité une mesure étatique qui, bien qu’elle confère un avantage à une catégorie spécifique d’opérateurs économiques, ne déroge pas à l’application normale du système, mais, au contraire, s’y insère et constitue, ce faisant, une mesure inhérente à ce système, ou encore, lorsque les différences de traitement engendrées par cette mesure peuvent se justifier par la nature ou l’économie du système (voir conclusions de l’avocat général M. Tizzano sous l’arrêt de la Cour du 3 mars 2005, Heiser, C‑172/03, Rec. p. I‑1627, I‑1631, point 47 ; de l’avocat général M. Jacobs sous l’arrêt de la Cour du 13 mars 2001, PreussenElektra, C‑379/98, Rec. p. I‑2099, I‑2103, point 130, et de l’avocat général M. Léger sous l’arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Pays-Bas/Commission, C‑159/01, Rec. p. I‑4461, I‑4463, points 36 et 37 ; arrêts du Tribunal du 29 septembre 2000, CETM/Commission, T‑55/99, Rec. p. II‑3207, point 52, et la jurisprudence citée, et du 1er juillet 2004, Salzgitter/Commission, T‑308/00, Rec. p. II‑1933, point 42, et la jurisprudence citée).

    65

    Pour autant, afin d’être en mesure de conclure, le cas échéant, que l’exonération des frais de notaire, premier volet de l’avantage ponctuel, ne constituait pas une aide d’État, mais se justifiait par la nature et par l’économie générale du système dans lequel elle s’inscrivait, il ne suffisait pas de constater, comme la Commission l’a fait, que, du fait du recours à la loi pour la transformation des entreprises publiques en sociétés anonymes, le fait générateur des frais de notaire n’existait pas. Une telle constatation était, en effet, l’énonciation d’une évidence.

    66

    La question qu’il appartenait à la Commission d’examiner était celle de savoir s’il entrait dans la logique du système juridique portugais que la transformation des entreprises publiques en sociétés anonymes soit opérée par la loi, ou bien si le recours à la loi pour de telles opérations constituait une dérogation visant, en réalité, en raison des conséquences qui en découlaient (inutilité de l’acte notarié et, par suite, absence de frais s’y rapportant), à conférer aux entreprises publiques un avantage par rapport aux autres entreprises.

    67

    Le Tribunal considère donc que la Commission, dès lors qu’elle n’a pas examiné la question de savoir si, en dépit de sa spécificité, l’exonération des frais de notaire ne constituait pas une aide d’État au motif que le recours à l’instrument législatif, recours qui entraînait cette exonération, n’avait pas été choisi dans le but de faire échapper les entreprises publiques à des charges, mais s’inscrivait simplement dans la logique du système juridique portugais, n’a pas légalement fondé sa conclusion selon laquelle l’exonération des frais de notaire ne constituait pas une aide d’État.

    68

    En ce qui concerne le second volet de l’avantage ponctuel, c’est-à-dire l’exonération des frais d’enregistrement et des coûts de publication relatifs à la transformation de la RTP en société anonyme, le Tribunal relève que, au considérant 129 de la décision attaquée, la Commission fait valoir que le même raisonnement que celui avancé au considérant 128 de cette décision doit s’appliquer. Elle ajoute, en substance, que, du fait de la publication de la loi no 21/92 (comportant en annexe les statuts de la RTP) au Diário da República, il aurait été superflu d’imposer à la RTP les obligations de publication de droit commun. La publication au Diário da República produirait le même effet qu’un enregistrement.

    69

    À supposer même que ces affirmations, relatives aux effets d’une publication au Diário da República, soient exactes — ce qui est, au demeurant, douteux, la lettre de la loi portugaise (citée au point 55 ci-dessus) suggérant, au contraire, que les formalités d’enregistrement demeurent nécessaires quand bien même la transformation de la RTP en société anonyme est intervenue par acte législatif —, il n’en reste pas moins que, là encore, la question demeurait de savoir s’il était dans la logique du système juridique portugais que la transformation de la RTP en société anonyme intervienne non de la manière normalement prévue pour les sociétés privées, c’est-à-dire par un acte notarié (avec toutes les conséquences de droit commun qui en découlent, en termes de formalités d’enregistrement et de publicité), mais par une loi.

    70

    La Commission n’ayant pas répondu, dans la décision attaquée, à cette question, il faut conclure que, tout comme pour l’exonération des frais de notaire, cette institution n’a pas établi à suffisance de droit, s’agissant de l’exonération des frais d’enregistrement et de publicité afférents à la transformation de la RTP en société anonyme, que cette exonération ne conférait pas à la RTP un avantage spécifique et que, partant, elle ne constituait pas une aide d’État.

    71

    S’agissant, ensuite, de l’avantage permanent qui aurait été octroyé à la RTP, la requérante fait valoir que la RTP bénéficierait, sans limitation, pour tout acte d’inscription, d’enregistrement ou d’annotation, devant toutes les administrations, d’une exonération de tous droits et honoraires.

    72

    La Commission rétorque, dans le mémoire en défense, que l’article 11, paragraphe 2, de la loi no 21/92 (voir point 56 ci-dessus) confirmerait simplement l’applicabilité à la RTP d’une disposition d’application générale, l’article 1er du Decreto-Lei no 404/90, du 21 décembre 1990 (décret-loi portugais no 404/90) (Diário da República I, série I, no 293, du 21 décembre 1990, ci-après le « décret-loi no 404/90 ») portant approbation du régime d’exonération de droits de transmission (« regime de isenção de sisa ») des entreprises qui procèdent à des actes de coopération ou de concentration (voir, également, considérant 130 de la décision attaquée).

    73

    En outre, la Commission conteste que l’exonération octroyée par l’article 11, paragraphe 2, de la loi no 21/92 soit « générale », au sens de permanente dans le temps. Elle fait valoir que, en plusieurs occasions, la RTP a payé des frais de notaire et d’enregistrement liés aux modifications subies après sa transformation en société anonyme (voir, également, considérant 126 de la décision attaquée).

    74

    Le Tribunal relève que l’argument de la Commission consiste, essentiellement, à faire valoir que l’article 11, paragraphe 2, de la loi no 21/92 n’est que l’application à un cas particulier d’une norme générale et que la condition de spécificité requise par l’article 87, paragraphe 1, CE pour la qualification d’aide d’État n’est donc pas remplie en l’espèce.

    75

    Cet argument de la Commission n’est pas convaincant, si l’on se reporte au libellé du décret-loi no 404/90, dont les articles 1er et 2 disposent :

    « Article premier

    Aux entreprises qui, jusqu’au 31 décembre 1993, procèdent à des actes de coopération ou de concentration, il est possible de consentir une exonération des droits de transmission relatifs à la transmission d’immeubles nécessaires à cette concentration ou à cette coopération, ainsi que des émoluments et autres charges légales dus dans le cadre de la réalisation de ces actes.

    Article 2

    1.   Aux fins du présent décret-loi, on entend par acte de concentration :

    a)

    La fusion de deux ou plusieurs entreprises individuelles et/ou sociétés en une nouvelle société par actions ou par quotas [SA ou SARL], intégrant le patrimoine global desdites entreprises ou sociétés.

    b)

    L’incorporation par une entreprise, moyennant transmission en sa faveur, de tout ou partie du patrimoine d’une autre entreprise, même si cette dernière entreprise ne se dissout pas.

    2.   Aux fins du présent décret-loi, on entend par acte de coopération :

    a)

    La constitution de regroupements complémentaires d’entreprises, conformément à la législation en vigueur, qui avaient pour objet la prestation de services communs, l’achat ou la vente en commun ou en coopération, la spécialisation ou la rationalisation productives, l’étude de marchés, la promotion des ventes, l’acquisition et la transmission de connaissances techniques ou d’organisations appliquées, le développement de nouvelles techniques et de nouveaux produits, la formation et le perfectionnement du personnel, l’exécution de travaux ou de services spécifiques et de tous autres objectifs commun de nature pertinente.

    b)

    La constitution de personnes morales de droit privé à but non lucratif, moyennant l’association d’entreprises publiques, de sociétés à capitaux publics ou à capitaux majoritairement publics, de sociétés et d’autres personnes de droit privé, avec pour finalité, dans leur secteur respectif, de maintenir un service d’assistance technique, d’organiser un système d’information, de promouvoir la normalisation et la qualité des produits et la bonne technologie des procédés de fabrication, ainsi que, de manière générale, d’étudier les perspectives d’évolution du secteur. »

    76

    En effet, ce décret-loi, qui est effectivement, en première analyse, une norme d’application générale, ne semble nullement couvrir le présent cas d’espèce, à savoir la transformation d’une société de droit public en société anonyme. Il concerne les cas de concentration ou de coopération entre deux ou plusieurs entreprises. Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la requérante a d’ailleurs expliqué, sans être sérieusement contredite par la Commission, que ce décret-loi n’avait nullement vocation à s’appliquer en l’espèce.

    77

    Il n’apparaît donc pas qu’une entreprise privée qui se contenterait de modifier sa forme sociale en société anonyme pourrait se prévaloir de ce texte pour obtenir l’exonération des droits et des charges légales afférents à cette transformation. Il s’ensuit que la décision attaquée, au considérant 130, n’établit pas à suffisance de droit que l’exonération instituée par l’article 11, paragraphe 2, de la loi no 21/92 n’est que l’application particulière à la RTP d’une règle générale.

    78

    Là encore, comme dans le cas de l’avantage ponctuel, le Tribunal constate que la Commission n’a pas établi à suffisance de droit que la mesure en cause ne conférait pas à la RTP un avantage spécifique et que, partant, elle ne constituait pas une aide d’État.

    79

    Quant à l’argument de la Commission relatif au caractère non permanent de l’exonération (voir point 73 ci-dessus), il est probablement fondé, mais ne change rien à la constatation que le caractère général de cette exonération n’est pas établi à suffisance de droit et qu’il n’était donc pas possible, en l’état, de conclure que cette exonération ne constituait pas une aide d’État.

    80

    Dans le mémoire en défense, la Commission fait valoir un argument aux termes duquel, quand bien même le Tribunal considérerait que la RTP devrait supporter les frais de notaire, d’enregistrement et de publicité appliqués aux entreprises privées, les coûts qui en résulteraient seraient supportés par l’État lui-même, sans que ces « aides » puissent être considérées comme illégales, puisque, comme elles seraient indispensables à la création de l’entreprise, elles seraient directement liées à l’accomplissement de la mission de service public.

    81

    Si l’affirmation de la Commission, selon laquelle la transformation de la RTP en société anonyme a été opérée parce que le gouvernement portugais la jugeait nécessaire à la bonne exécution par la RTP de sa mission de service public, est vraie, alors il est logique, pour autant qu’un acte notarié et des formalités classiques soient requis pour cette transformation et que cette transformation ne soit pas, en soi, avantageuse pour la RTP, que les coûts s’y rapportant soient intégralement pris en charge par l’État.

    82

    Pour autant, cette affirmation de la Commission, qui ne figure pas dans la décision attaquée, n’est assortie d’aucune preuve. Or, il ne peut être exclu que le gouvernement portugais ait transformé la RTP en société anonyme pour d’autres raisons que celles liées à la bonne exécution de la mission de service public. La Commission elle-même estime, dans le mémoire en défense, que cette transformation n’était pas nécessaire.

    83

    Dans ces conditions, il convient de rejeter ce dernier argument de la Commission.

    84

    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal considère que la première branche du présent moyen, relative aux exonérations fiscales, est fondée en droit et doit, dès lors, être accueillie.

    Sur la deuxième branche, tirée de l’absence de qualification des facilités de paiement de la redevance d’aides d’État

    — Arguments des parties

    85

    La requérante fait valoir que, selon l’article 13, paragraphe 1, sous f), de la Lei no 58/90 regime da actividade de televisão, du 7 septembre 1990 (loi portugaise no 58/90, relative au régime de l’activité de télévision) (Diário da República, série I, no 207, du 7 septembre 1990, ci-après la « loi no 58/90»), le retard de paiement de la redevance par un opérateur privé à Portugal Telecom constitue un motif de résiliation de la licence. Cela s’opposerait, par la gravité de la sanction pratiquée, à la bienveillance avec laquelle la RTP aurait été traitée. Cela contredirait l’argument de la Commission selon lequel il n’y a eu aucune différence dans les redevances imposées par Portugal Telecom à la RTP et aux opérateurs privés, dans la mesure où l’élément décisif serait la limite du délai raisonnable pour exiger le paiement. L’acceptation par Portugal Telecom, dont la République portugaise aurait été l’actionnaire majoritaire de 1991 à 1997, de retards de paiement de la redevance par la RTP constituerait donc une aide d’État. Le fait allégué selon lequel Portugal Telecom n’a pas renoncé à recouvrer ses créances et à exiger des intérêts de retard ne suffirait pas, à lui seul, pour remettre en cause cette appréciation.

    86

    Dans la réplique, la requérante relève que la République portugaise a contrôlé Portugal Telecom au moins jusqu’en 1997 et que les accords conclus entre Portugal Telecom et la RTP se rapportent à mars 1996 et décembre 1997. La RTP aurait été en situation de faillite technique.

    87

    La Commission affirmerait avoir examiné ce point, mais la requérante constate que la décision attaquée ne répond pas aux questions qu’elle avait posées dans le cadre de la procédure administrative, relatives à la date à laquelle la dette envers Portugal Telecom avait été, le cas échéant, liquidée, aux montants des intérêts moratoires effectivement liquidés et au montant de la dette de la RTP envers Portugal Telecom au jour de la demande.

    88

    Le fait que l’Autoridade Nacional de Comunicações (autorité nationale des communications portugaise, ci-après l’« Anacom ») chargée de veiller à l’application des règles tarifaires pour le réseau de radiodiffusion ait décidé, en 2003, de réduire le montant de la redevance payée par les opérateurs de télévision à Portugal Telecom en 2002 n’aurait aucun intérêt pour l’examen de la période allant de 1992 à 1998.

    89

    La Commission conteste la position de la requérante selon laquelle la République portugaise ne serait pas étrangère à l’acceptation, par Portugal Telecom, de retards de paiement et donc à l’octroi, prétendument, de conditions de paiement non accessibles aux concurrents de la RTP.

    90

    La Commission n’aurait pas exclu a priori l’implication de ressources publiques. Cependant, ayant constaté l’absence d’indices d’une participation effective des autorités portugaises à l’adoption des accords relatifs à l’acceptation de reports de paiement, elle n’aurait pu conclure à l’implication de telles ressources au sens de l’article 87 CE.

    91

    En outre, le comportement de Portugal Telecom, avant et après sa privatisation en 1997, n’aurait pas varié. Portugal Telecom aurait continué, après sa privatisation, à conclure des accords avec la RTP acceptant des retards de paiement de la redevance de la RTP. La principale raison de ces accords serait un différend quant au montant de la redevance annuelle, associé à l’interdépendance des deux entreprises. Ce fait serait d’ailleurs souligné par une décision de l’Anacom, adoptée en 2003, selon laquelle Portugal Telecom devait réduire considérablement ses tarifs. Cela démontrerait que le comportement de Portugal Telecom envers la RTP a été celui d’un créancier privé.

    92

    Dans la duplique, la Commission indique que sa référence à la décision de l’Anacom, adoptée en 2003, est seulement motivée par la circonstance que cette décision soulignait le fait que la principale raison des accords entre la RTP et Portugal Telecom semblait avoir été un différend sur le montant de la redevance annuelle et que cela constituait un indice supplémentaire que le comportement de Portugal Telecom avait été celui qu’un créancier privé aurait adopté dans une situation analogue.

    — Appréciation du Tribunal

    93

    Pour que des avantages puissent être qualifiés d’aides au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, ils doivent, d’une part, être accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État et, d’autre part, être imputables à l’État (arrêts de la Cour, France/Commission, point 43 supra, point 24, et la jurisprudence citée ; du 22 mai 2003, Freskot, C‑355/00, Rec. p. I‑5263, point 81, et du 15 juillet 2004, Pearle e.a., C‑345/02, Rec. p. I‑7139, point 35 ; conclusions de l’avocat général M. Jacobs sous l’arrêt de la Cour du 3 juillet 2003, Belgique/Commission, C‑457/00, Rec. p. I‑6931, I‑6934, points 67 et 69 ; arrêts du Tribunal du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, Rec. p. II‑435, point 179, et du 5 avril 2006, Deutsche Bahn/Commission, T‑351/02, Rec. p. II‑1047, point 101).

    94

    Selon la jurisprudence, l’imputabilité d’une mesure à l’État ne peut être déduite de la seule circonstance que la mesure en cause a été prise par une entreprise publique (arrêt France/Commission, point 43 supra, points 51 et 57).

    95

    En effet, même si l’État est en mesure de contrôler une entreprise publique et d’exercer une influence dominante sur les opérations de celle-ci, l’exercice effectif de ce contrôle dans un cas concret ne saurait être automatiquement présumé. Une entreprise publique peut agir avec plus ou moins d’indépendance, en fonction du degré d’autonomie qui lui est laissé par l’État. Dès lors, le seul fait qu’une entreprise publique soit sous contrôle étatique ne suffit pas pour imputer des mesures prises par celle-ci à l’État. Il est encore nécessaire d’examiner si les autorités publiques doivent être considérées comme ayant été impliquées, d’une manière ou d’une autre, dans l’adoption de ces mesures (arrêt France/Commission, point 43 supra, point 52).

    96

    À cet égard, il ne saurait être exigé qu’il soit démontré, sur le fondement d’une instruction précise, que les autorités publiques ont incité concrètement l’entreprise publique à prendre les mesures d’aide en cause. En effet, d’une part, eu égard au fait que les relations entre l’État et les entreprises publiques sont étroites, il existe un risque réel que des aides d’État soient octroyées par l’intermédiaire de celles-ci de façon peu transparente et en méconnaissance du régime des aides d’État prévu par le traité (arrêt France/Commission, point 43 supra, point 53).

    97

    D’autre part, en règle générale, il sera très difficile pour un tiers, précisément à cause des relations privilégiées existant entre l’État et une entreprise publique, de démontrer dans un cas concret que des mesures d’aide prises par une telle entreprise ont effectivement été adoptées sur instruction des autorités publiques (arrêt France/Commission, point 43 supra, point 54).

    98

    Pour ces motifs, la Cour, au point 55 de l’arrêt France/Commission, point 43 supra, considère qu’il y a lieu d’admettre que l’imputabilité à l’État d’une mesure d’aide prise par une entreprise publique peut être déduite d’un ensemble d’indices résultant des circonstances de l’espèce et du contexte dans lequel cette mesure est intervenue. À cet égard, la Cour rappelle qu’a déjà été pris en considération le fait que l’organisme en question ne pouvait pas prendre la décision contestée sans tenir compte des exigences des pouvoirs publics (voir, notamment, arrêt de la Cour du 2 février 1988, Van der Kooy e.a./Commission, 67/85, 68/85 et 70/85, Rec. p. 219, point 37) ou que, outre des éléments de nature organique qui liaient les entreprises publiques à l’État, celles-ci, par l’intermédiaire desquelles les aides avaient été accordées, devaient tenir compte des directives émanant d’un comité interministériel (arrêts de la Cour du 21 mars 1991, Italie/Commission, C‑303/88, Rec. p. I‑1433, points 11 et 12, et C‑305/89, Rec. p. I‑1603, points 13 et 14).

    99

    En outre, d’autres indices pourraient, le cas échéant, être pertinents pour conclure à l’imputabilité à l’État d’une mesure d’aide prise par une entreprise publique, tels que, notamment, son intégration dans les structures de l’administration publique, la nature de ses activités et l’exercice de celles-ci sur le marché dans des conditions normales de concurrence avec des opérateurs privés, le statut juridique de l’entreprise, celle-ci relevant du droit public ou du droit commun des sociétés, l’intensité de la tutelle exercée par les autorités publiques sur la gestion de l’entreprise ou tout autre indice indiquant, dans le cas concret, une implication des autorités publiques ou l’improbabilité d’une absence d’implication dans l’adoption d’une mesure, eu égard également à l’ampleur de celle-ci, à son contenu ou aux conditions qu’elle comporte (arrêt France/Commission, point 43 supra, point 56).

    100

    Cependant, la seule circonstance qu’une entreprise publique a été constituée sous la forme d’une société de capitaux de droit commun ne saurait, eu égard à l’autonomie que cette forme juridique est susceptible de lui conférer, être considérée comme suffisante pour exclure qu’une mesure d’aide prise par une telle société soit imputable à l’État. En effet, l’existence d’une situation de contrôle et les possibilités réelles d’exercice d’une influence dominante qu’elle comporte en pratique empêchent d’exclure d’emblée toute imputabilité à l’État d’une mesure prise par une telle société et, par voie de conséquence, le risque d’un contournement des règles du traité relatives aux aides d’État, nonobstant la pertinence en tant que telle de la forme juridique de l’entreprise publique comme indice, parmi d’autres, permettant d’établir dans un cas concret l’implication ou non de l’État (arrêt France/Commission, point 43 supra, point 57, et la jurisprudence citée).

    101

    En l’espèce, la Commission, après avoir relevé que, tout au moins avant le milieu de 1997, la République portugaise était en mesure de contrôler Portugal Telecom (considérant 109 de la décision attaquée), a cependant considéré que rien n’indiquait que les pouvoirs publics portugais avaient été impliqués dans l’adoption des facilités de paiement de la redevance (considérant 116 de la décision attaquée).

    102

    La Commission a, dans ce contexte, relevé que la réglementation des tarifs et des services proposés par Portugal Telecom n’opèrait pas de distinction entre les opérateurs privés et le radiodiffuseur public et que Portugal Telecom n’était pas tenue, dans le cadre d’une obligation de service universel, de fournir un service de réseau à la RTP (considérant 111 de la décision attaquée).

    103

    Elle a relevé que Portugal Telecom, société anonyme de droit privé, n’était pas intégrée aux services de l’administration (considérant 113 de la décision attaquée).

    104

    Elle a constaté que, en réponse à une question de sa part, les autorités portugaises lui ont explicitement déclaré ne pas être intervenues, que ce soit directement ou indirectement, dans l’octroi des facilités de paiement de la redevance. En outre, aucun tiers ne lui aurait fourni d’indications d’une telle intervention (considérant 114 de la décision attaquée).

    105

    Enfin, la Commission a, d’une part, fait valoir que le comportement de Portugal Telecom n’avait pas changé après le milieu de 1997, puisqu’elle avait continué à conclure des accords sur les facilités de paiement avec la RTP, et, d’autre part, précisé que la raison principale de ces accords serait un conflit sur le montant de ladite redevance. Cela serait confirmé par la décision de l’Anacom, adoptée en 2003 (considérant 115 de la décision attaquée).

    106

    Le Tribunal constate que les critiques qu’oppose la requérante au raisonnement et aux éléments avancés par la Commission dans la décision attaquée sont limitées.

    107

    S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel Portugal Telecom était contrôlée par la République portugaise, en tant qu’actionnaire majoritaire, il constitue, certes, un fait constant du litige, mais, eu égard à la jurisprudence évoquée ci-dessus, il ne suffit pas pour constater l’imputabilité à l’État de la mesure litigieuse.

    108

    La requérante fait valoir que la loi aurait contenu une violation du principe d’égalité entre les opérateurs privés et l’opérateur public, s’agissant de la sanction encourue en cas de retard de paiement de la redevance. Seuls les opérateurs privés auraient encouru la résiliation de leur licence en cas de retard de paiement.

    109

    Le Tribunal constate que, quand bien même les opérateurs privés seraient, comme le fait valoir la requérante, seuls visés à l’article 13, paragraphe 1, sous f), de la loi no 58/90, ce fait ne serait pas de nature à constituer un indice que la République portugaise se serait impliquée dans l’octroi des facilités de paiement de la redevance à la RTP. La Commission fait, à cet égard, valoir, sans que la requérante le conteste, que Portugal Telecom n’était, de toute manière, nullement tenue de fournir un service de radiodiffusion à la RTP, dans le cadre d’une obligation de service universel. En d’autres termes, quand bien même la loi n’aurait prévu formellement la résiliation de la licence en cas de retard de paiement qu’à l’égard des opérateurs privés, rien n’interdisait à Portugal Telecom d’interrompre ou de suspendre la fourniture de ses services à la RTP dans le même cas de figure.

    110

    Le Tribunal constate, enfin, que la requérante ne contredit pas l’appréciation de la Commission selon laquelle les facilités de paiement auraient été principalement causées par un différend entre la RTP et Portugal Telecom sur le montant de la redevance. La requérante fait, tout au plus, valoir que la décision prise par l’Anacom en 2003 serait dénuée de pertinence en l’espèce. Mais cette objection, qui ne remet pas, au demeurant, en cause l’appréciation de la Commission, n’est pas pertinente. En effet, rien n’interdit à la Commission d’évoquer cette décision de 2003 comme un élément, certes lointain, mais cependant pertinent, venant au soutien de son appréciation selon laquelle c’est un différend tarifaire entre la RTP et Portugal Telecom qui était à l’origine des facilités de paiement de la redevance.

    111

    S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le fait allégué que Portugal Telecom n’a pas renoncé au paiement de la dette et aux intérêts de retard ne suffirait pas, à lui seul, pour ne pas qualifier les mesures d’aides d’État, force est de constater qu’il ne concerne pas la question de l’imputabilité de la mesure litigieuse à l’État, mais, tout au plus, la question de savoir si des ressources d’État ont été mises en jeu. Or, cette question n’est pas en débat, dans la mesure où, au considérant 107 de la décision attaquée, la Commission a décidé, en substance, de considérer que des ressources d’État avaient pu être mises en jeu.

    112

    S’agissant, enfin, de la référence de la requérante au fait que la RTP était en situation de faillite technique, référence qui peut être comprise comme suggérant que ce n’est qu’en raison d’une implication de la République portugaise que Portugal Telecom a consenti les facilités de paiement de la redevance à la RTP, elle ne comporte, cependant, en soi, aucune réfutation concrète de la thèse de la Commission selon laquelle c’est un différend tarifaire entre la RTP et Portugal Telecom qui expliquerait les facilités de paiement de la redevance.

    113

    Dans ces conditions, le Tribunal considère que la requérante ne parvient pas à remettre en cause l’appréciation de la Commission, contenue dans la décision attaquée, selon laquelle aucune indication ne lui permettait de conclure que les facilités de paiement de la redevance étaient imputables à la République portugaise.

    114

    Il convient donc de rejeter cette branche du moyen.

    Sur la troisième branche, tirée de l’absence de qualification de l’émission obligataire de 1994 d’aide d’État

    — Arguments des parties

    115

    La requérante conteste que la considération de la Commission, selon laquelle la notice d’information de l’émission obligataire de 1994 aurait indiqué que la RTP garantissait le remboursement de l’emprunt sur ses recettes, ait autorisé cette institution à conclure qu’il n’y avait pas d’aide d’État.

    116

    Il ressortirait de la décision attaquée que la situation financière de la RTP était très dégradée en 1994. Ce serait uniquement parce que la totalité de son capital social était détenu par l’État — et parce qu’on se serait accordé à penser que l’État ne laisserait pas l’entreprise faire faillite — que l’émission obligataire de 1994 aurait été acceptée par le marché. Cette situation aurait dû être dûment prise en compte dans l’appréciation de la mesure en cause.

    117

    Dans la réplique, la requérante cite le rapport du Tribunal de Contas, duquel il ressortirait que le niveau d’endettement bancaire de la RTP s’expliquerait par le fait que la RTP est une entreprise publique, chargée du service public de la télévision et bénéficiant de l’appui financier régulier de l’État, ce qui serait une garantie suffisante pour les divers créanciers de la RTP.

    118

    La Commission considère que la position de la requérante est erronée. La Commission aurait expliqué dans la décision attaquée (considérant 121) pourquoi elle estimait que l’émission obligataire de 1994 ne constituait pas une aide d’État. Aucune garantie étatique n’aurait été formellement donnée, ce que la requérante admettrait. La RTP elle-même aurait garanti le service de la dette. La RTP aurait été une société anonyme à l’époque et n’aurait donc pas possédé un statut dont aurait résulté une garantie implicite de l’État.

    119

    Par conséquent, la Commission considère que l’émission obligataire de 1994 a été opérée aux conditions du marché et que l’État n’a pas renoncé à l’obtention de recettes. Enfin, le fait que la RTP est détenue par l’État ne changerait rien à cette conclusion, compte tenu de la neutralité du traité à l’égard de la propriété publique ou privée de l’entreprise en cause.

    120

    La Commission soutient que le rapport du Tribunal de Contas est irrecevable, faute d’avoir été produit dans la requête, et note que la citation même dudit rapport invoqué par la requérante révèle que la République portugaise n’a pas fourni la moindre garantie.

    — Appréciation du Tribunal

    121

    Au considérant 121 de la décision attaquée, la Commission a exprimé n’avoir reçu aucune information prouvant que l’émission obligataire de 1994 était assortie d’une garantie de l’État. D’après le prospectus de cette émission obligataire, c’est la RTP qui garantissait elle-même le remboursement de la dette. La RTP n’aurait pas eu de statut légal impliquant une garantie implicite de l’État.

    122

    Il est constant que la RTP était, lors de l’émission obligataire de 1994, une société anonyme. Du fait de cette forme sociale, le propriétaire de la RTP, la République portugaise, n’était pas soumis à une obligation de remboursement illimitée des dettes de cette société.

    123

    Il est également constant que le prospectus de l’émission obligataire de 1994 ne stipulait aucune garantie de la part de l’État.

    124

    La requérante prétend, cependant, que le fait que l’État était actionnaire à 100 % de la RTP implique l’existence d’une garantie implicite qui seule expliquerait que cette société ait réussi, malgré une situation financière dégradée, à placer l’émission obligataire de 1994 sur le marché.

    125

    Il convient, toutefois, de ne pas confondre la question de savoir si l’État a consenti, explicitement ou implicitement, une garantie, seule question pertinente en l’espèce, et celle de savoir comment le marché a réagi au fait que l’émetteur des obligations n’était pas n’importe quel opérateur privé, mais la RTP.

    126

    Le fait que le marché a accepté de souscrire à l’émission obligataire de 1994 parce que, selon l’opinion de la requérante, il aurait estimé que l’État en garantirait de facto le remboursement ne permet pas de conclure à l’existence d’une aide d’État, dès lors qu’il est constant que l’État n’a pas accordé sa garantie, que ce soit explicitement ou implicitement. Seules des constatations objectives menant à la conclusion que l’État serait juridiquement tenu de rembourser cette émission en cas de défaillance de la RTP permettraient de retenir l’existence d’une garantie d’État.

    127

    Or, il ne ressort ni du dossier ni des écritures de la requérante qu’une telle obligation existait pour la République portugaise.

    128

    S’agissant du rapport du Tribunal de Contas, produit dans la réplique, ce rapport, ainsi que cela est constaté aux points 186 à 193 ci-après, est dépourvu de pertinence pour l’appréciation de la légalité de la décision attaquée.

    129

    Dès lors, la requérante n’apportant, dans ses écritures, aucun élément de nature à remettre en cause les appréciations de la Commission exprimées au considérant 121 de la décision attaquée, il convient de rejeter le grief de la requérante s’agissant de l’émission obligataire de 1994.

    Conclusion sur le troisième moyen

    130

    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de faire partiellement droit au présent moyen et d’annuler l’article 2 de la décision attaquée, en ce qu’il conclut que l’exonération des frais de notaire et d’enregistrement ne constitue pas une aide d’État.

    131

    En revanche, le présent moyen est rejeté pour le surplus, c’est-à-dire en ce qu’il vise les facilités de paiement de la redevance et l’émission obligataire de 1994.

    132

    Il convient d’examiner, ensuite, la seconde contestation principale, évoquée au point 33 ci-dessus et, partant, le quatrième moyen d’annulation.

    Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs de droit quant aux conditions d’application de l’article 86, paragraphe 2, CE

    133

    Ce moyen se divise en deux branches. Dans une première branche, la requérante considère que l’attribution du service public de la télévision par la République portugaise à la RTP, sans mise en concurrence, empêchait l’octroi d’une dérogation au titre de l’article 86, paragraphe 2, CE. Dans une seconde branche, la requérante allègue une violation de l’article 86, paragraphe 2, CE, découlant de la violation par la Commission, dans la décision attaquée, des critères d’application de cette disposition tels que définis dans la communication sur la radiodiffusion.

    Sur la première branche, tirée de l’attribution du service public de la télévision à la RTP sans mise en concurrence

    — Arguments des parties

    134

    La requérante, après avoir relevé que le service public de la télévision n’a pas été attribué à la RTP sur la base d’une mise en concurrence, reproche à la Commission de ne pas s’être interrogée sur la légalité de cette attribution. Elle estime que, si la Commission avait procédé à cet examen, elle aurait dû conclure que cette attribution ne respectait pas les exigences du droit communautaire et, partant, que les financements accordés à la RTP ne pouvaient bénéficier d’aucune exemption au titre de l’article 86, paragraphe 2, CE. Elle invoque la communication interprétative de la Commission sur les concessions en droit communautaire (JO 2000, C 121, p. 2, ci-après la « communication sur les concessions ») et l’interprétation que la Commission aurait donnée, dans son XXXIe Rapport sur la politique de concurrence [SEC (2002) 462 final], de l’arrêt de la Cour du 7 décembre 2000, Telaustria et Telefonadress (C‑324/98, Rec. p. I‑10745). La requérante invoque également l’arrêt de la Cour du 18 novembre 1999, Teckal (C‑107/98, Rec. p. I‑8121).

    135

    Dans la réplique, la requérante fait valoir, en substance, que la quatrième des conditions énoncées aux points 88 à 93 de l’arrêt de la Cour du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, Rec. p. I‑7747, ci-après la « quatrième condition Altmark »), imposait, compte tenu de l’absence de procédure de mise en concurrence, la vérification par la Commission que le niveau de compensation accordée à la RTP avait été déterminé sur la base du critère d’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée. Or, tel n’aurait manifestement pas été le cas.

    136

    La Commission fait valoir que l’attribution de la mission de service public de télévision à la RTP est une question différente — et jamais soulevée durant la procédure formelle — de celle de la compatibilité, à la lumière des règles relatives aux aides d’État, des compensations accordées à cette entreprise.

    137

    Quoi qu’il en soit, il ne résulterait ni des dispositions de l’article 86, paragraphe 2, CE, ni de la jurisprudence que les États membres sont tenus de suivre des procédures spécifiques pour le choix des entreprises chargées de services d’intérêt économique général (ci-après le « SIEG »).

    138

    En tout état de cause, dans le cas du SIEG de la radiodiffusion, le droit communautaire n’exigerait pas les procédures ouvertes et concurrentielles normalement requises, de manière générale, dans les contrats de concession de service public.

    139

    Les références opérées par la requérante au régime applicable aux concessions et à la jurisprudence de la Cour seraient sans pertinence.

    140

    En ce qui concerne la quatrième condition Altmark, la requérante se méprendrait sur sa fonction. Cette condition concernerait la question de savoir si la mesure est une aide d’État et non celle de savoir si cette mesure peut bénéficier de la dérogation prévue par l’article 86, paragraphe 2, CE.

    — Appréciation du Tribunal

    141

    S’agissant, tout d’abord, de la remarque préliminaire de la Commission selon laquelle la question des conditions d’attribution du SIEG de la télévision à la RTP est soulevée pour la première fois devant le juge communautaire, il convient de rappeler que, si une partie intéressée par une procédure en matière d’aides d’État n’est pas recevable à se prévaloir devant le juge communautaire d’arguments factuels inconnus de la Commission et qui n’auraient pas été signalés à celle-ci au cours de la procédure d’examen, en revanche, rien n’empêche cette partie, comme en l’espèce, de développer à l’encontre de la décision finale un moyen juridique non soulevé au stade de la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 6 octobre 1999, Kneissl Dachstein/Commission, T‑110/97, Rec. p. II‑2881, point 102, et la jurisprudence citée ; du 16 septembre 2004, Valmont/Commission, T‑274/01, Rec. p. II‑3145, point 102, et du 11 mai 2005, Saxonia Edelmetalle et ZEMAG/Commission, T‑111/01 et T‑133/01, Rec. p. II‑1579, point 68).

    142

    La position de la Commission, tirée de la nouveauté de l’argument de la requérante, n’est donc pas de nature à permettre d’écarter celui-ci.

    143

    Pour autant, le Tribunal considère, à l’instar de la Commission, que cet argument ne parvient pas à remettre en cause la légalité de la décision attaquée.

    144

    Comme cela est rappelé au point 29 de la communication sur la radiodiffusion, l’octroi de la dérogation, prévue par l’article 86, paragraphe 2, CE, à l’interdiction des aides d’État, exige, selon la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 décembre 1991, Merci Convenzionali Porto di Genova, C‑179/90, Rec. p. I‑5889, point 26 ; arrêts du Tribunal du 27 février 1997, FFSA e.a./Commission, T‑106/95, Rec. p. II‑229, points 173 et 178, et du 13 juin 2000, EPAC/Commission, T‑204/97 et T‑270/97, Rec. p. II‑2267, points 125 et 126), que trois conditions soient remplies : premièrement, le service en question doit être un SIEG et être clairement défini en tant que tel par l’État membre ; deuxièmement, l’entreprise concernée doit avoir été explicitement chargée par l’État membre de la fourniture de ce SIEG ; troisièmement, l’application des règles de concurrence du traité — en l’espèce l’interdiction des aides d’État — doit faire échec à l’accomplissement de la mission particulière impartie à l’entreprise et la dérogation ne doit pas affecter le développement des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt de la Communauté.

    145

    L’article 86, paragraphe 2, CE ne comporte pas, au nombre de ses conditions d’application, une exigence selon laquelle l’État membre doit avoir suivi une procédure de mise en concurrence pour l’attribution du SIEG. Le Tribunal, dans l’arrêt du 15 juin 2005, Olsen/Commission (T‑17/02, Rec. p. II‑2031, point 239), a d’ailleurs expressément relevé qu’il ne découlait ni du libellé de l’article 86, paragraphe 2, CE ni de la jurisprudence relative à cette disposition qu’un SIEG ne pouvait être confié à un opérateur qu’à l’issue d’une procédure d’appel d’offres.

    146

    Compte tenu des considérations qui précèdent, le grief de la requérante, tiré de ce que la Commission aurait dû, dans le cadre de son examen au titre de l’article 86, paragraphe 2, CE, vérifier si le SIEG de la télévision avait été attribué à la RTP après une mise en concurrence, doit être rejeté.

    147

    Il découle également de cette conclusion, selon laquelle la Commission n’avait pas, dans le cadre de son examen au titre de l’article 86, paragraphe 2, CE, à examiner si l’attribution à la RTP du SIEG de la télévision était intervenue dans le cadre d’une mise en concurrence, que, à supposer même que le SIEG de la télévision ait dû, pour d’autres motifs tels que ceux invoqués par la requérante et rappelés aux deux dernières phrases du point 134 ci-dessus, faire l’objet d’une telle mise en concurrence, l’absence, en l’espèce, d’une telle mise en concurrence aurait pu tout au plus justifier l’engagement par la Commission d’une procédure en manquement à l’encontre de la République portugaise, au titre de l’article 226 CE, laquelle procédure aurait pu, le cas échéant, amener cet État membre à mettre fin à cette attribution et à organiser un appel d’offres. Cependant, cette absence de mise en concurrence ne saurait, en revanche, avoir pour conséquence que le financement étatique des obligations de service public du titulaire du SIEG devrait, alors même que les conditions de définition du SIEG, de mandat et de proportionnalité seraient respectées, être considéré comme une aide incompatible avec le marché commun.

    148

    En tout état de cause, le Tribunal considère que la République portugaise n’était, contrairement à ce que soutient la requérante pour les motifs rappelés aux deux dernières phrases du point 134 ci-dessus, nullement tenue d’organiser une mise en concurrence préalablement à l’attribution du SIEG de la télévision à la RTP.

    149

    À cet égard, la requérante se réfère, d’abord, à la communication sur les concessions (point 134 ci-dessus). Or, si les contrats de service public, conclus entre la République portugaise et la RTP, portent, certes, le nom de « concession », il n’apparaît pas, et la requérante ne fait d’ailleurs valoir aucun élément en ce sens, que la RTP serait un concessionnaire au sens de cette communication (voir, en particulier, le points 2.2, sixième alinéa, et le point 2.4, troisième alinéa, de la communication sur les concessions), c’est-à-dire que la RTP se rémunérerait sur l’exploitation (comme une télévision qui diffuse à destination d’abonnés) et qu’elle supporterait donc le risque d’exploitation.

    150

    Il apparaît, au contraire, que la RTP est un opérateur public de télévision qui diffuse une programmation au bénéfice et à destination de l’ensemble de la population et qui voit ses coûts de service public pris en charge par l’État.

    151

    En outre, quand bien même la RTP aurait été un concessionnaire au sens de la communication sur les concessions, il convient de relever que cette communication, si elle indique que « les relations entre [les] pouvoirs publics et [les] entreprises publiques chargées de missions d’intérêt économique général sont en principe visées par [elle] » (point 2.4, huitième alinéa, de la communication sur les concessions), précise cependant expressément que, « dans le secteur audiovisuel, il faut tenir compte du [protocole d’Amsterdam] » (note 29, point 2.4., huitième alinéa, de la communication sur les concessions). Ce faisant, la communication sur les concessions reconnaît la spécificité de la radiodiffusion de service public et réserve le cas de ce secteur.

    152

    Enfin, il convient de noter que, selon la communication sur les concessions, ces dernières « sont soumises aux règles et aux principes du traité, dans la mesure où elles […] ont pour objet la prestation d’activités économiques » (point 2.4, premier alinéa). Plus loin, la communication sur les concessions indique qu’elle « ne vise pas les actes […] visant des activités à caractère non économique, telles que la scolarisation obligatoire ou la sécurité sociale » (point 2.4, cinquième alinéa, second tiret).

    153

    Or, s’il est vrai que le service public de la radiodiffusion est considéré comme un SIEG et non comme un service d’intérêt général non économique, il faut cependant relever que cette qualification de SIEG s’explique plus par l’impact que la radiodiffusion de service public produit, de facto, sur le secteur, par ailleurs concurrentiel et marchand, de la radiodiffusion, que par une prétendue dimension marchande de la radiodiffusion de service public. Comme cela ressort clairement du protocole d’Amsterdam, le service public de la radiodiffusion est « directement lié aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société ». Dans le même sens, la résolution du Conseil et des États membres du 25 janvier 1999 concernant le service public de radiodiffusion (JO C 30, p. 1) relève que ce service public, « eu égard aux fonctions culturelles, sociales et démocratiques qu’il assume pour le bien commun, revêt une importance vitale pour ce qui est d’assurer la démocratie, le pluralisme, la cohésion sociale et la diversité culturelle et linguistique, [et] doit être en mesure de continuer à proposer un large éventail de programmes […] à la société dans son ensemble » (considérant B et point 7 de la résolution).

    154

    Cette spécificité de la radiodiffusion de service public est d’ailleurs au fondement de la liberté reconnue par le protocole d’Amsterdam aux États membres dans l’attribution du SIEG de la radiodiffusion. Elle explique et justifie le fait qu’il ne puisse être requis d’un État membre qu’il recoure à une mise en concurrence pour l’attribution de ce SIEG, tout au moins lorsqu’il décide d’assurer lui-même ce service public par l’intermédiaire, comme en l’espèce, d’une société publique.

    155

    C’est, ensuite, pour les mêmes considérations qu’apparaissent tout autant dépourvues de pertinence les références également opérées par la requérante au XXXIe Rapport sur la politique de concurrence et à l’interprétation que la Commission y aurait donné de l’arrêt Telaustria et Telefonadress, point 134 supra, ainsi qu’à l’arrêt Teckal, point 134 supra. En effet, par ces références, qui concernent des activités totalement différentes de la radiodiffusion de service public, la requérante fait, là encore, abstraction des particularités propres à ce dernier secteur et aux objectifs particuliers poursuivis par les États membres lorsqu’ils définissent et organisent le service public de la radiodiffusion.

    156

    Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que non seulement la Commission n’avait pas, pour les besoins de l’octroi de la dérogation prévue à l’article 86, paragraphe 2, CE, à examiner si le SIEG de la télévision avait été conféré à l’issue d’une mise en concurrence (point 146 ci-dessus), mais que, en tout état de cause, la République portugaise n’avait pas à recourir à une mise en concurrence.

    157

    S’agissant du grief de la requérante tiré de la quatrième condition Altmark (point 135 ci-dessus), il faut relever que, en vertu de l’article 113 du règlement de procédure, le Tribunal peut soulever d’office toute fin de non-recevoir d’ordre public. À ce titre, doivent être déclarés irrecevables, selon l’article 48, paragraphe 2, dudit règlement, les moyens exposés pour la première fois au stade de la réplique et qui ne sont pas fondés sur des éléments de droit ou de fait révélés pendant la procédure (arrêts du Tribunal du 28 novembre 2002, Scan Office Design/Commission, T‑40/01, Rec. p. II‑5043, point 96, et du 27 septembre 2005, Common Market Fertilizers/Commission, T‑134/03 et T‑135/03, Rec. p. II‑3923, point 51). Toutefois, un moyen ou un argument qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement dans la requête doit être considéré comme recevable (arrêt de la Cour du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, Rec. p. I‑3569, points 38 à 40 ; arrêt du Tribunal du 14 mars 2007, Aluminium Silicon Mill Products/Conseil, T‑107/04, Rec. p. II-669, point 60, et la jurisprudence citée).

    158

    Le Tribunal constate que ce grief n’a été soulevé qu’au stade de la réplique (points 14 à 22), sans être fondé sur des éléments de droit ou de fait révélés durant la procédure devant le Tribunal. À cet égard, le fait que la Commission ait évoqué, de sa propre initiative, la quatrième condition Altmark dans sa défense (en particulier au point 37), aux fins de la réfutation de l’argument de la requête tiré de ce qu’une mise en concurrence était requise pour l’attribution du SIEG en cause, ne constitue en rien la révélation en cours de procédure d’un élément de fait ou de droit, au sens de la jurisprudence rappelée au point précédent, qui permettrait à la requérante d’avancer utilement, au stade de la réplique, le présent grief.

    159

    En outre, le Tribunal relève que ce grief, en ce qu’il évoque l’obligation de la Commission de vérifier si le niveau de la compensation nécessaire a été déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée aurait encourus pour exécuter les obligations de service public, ne constitue l’ampliation d’aucun moyen soulevé au stade de la requête. En effet, dans la requête, la requérante s’est limitée à critiquer, sans d’ailleurs aucune référence à la quatrième condition Altmark, l’absence de mise en concurrence lors de l’attribution du SIEG de la télévision à la RTP (voir points 175 à 183 de la requête) et n’a nullement soulevé le grief présentement en cause — et tout différent — selon lequel, en l’absence d’une mise en concurrence, la Commission aurait dû, avant d’accorder une dérogation au titre de l’article 86, paragraphe 2, CE, vérifier, conformément — selon la requérante — à la quatrième condition Altmark, que le niveau des compensations accordées à la RTP l’avait été sur la base des besoins d’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée.

    160

    Il s’ensuit que le grief de la requérante tiré de la quatrième condition Altmark est irrecevable.

    161

    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de rejeter la première branche du présent moyen.

    Sur la seconde branche, tirée de la violation des critères d’application de l’article 86, paragraphe 2, CE

    — Arguments des parties

    162

    La requérante fait valoir que la Commission n’a pas respecté les critères d’application de l’article 86, paragraphe 2, CE, tels que rappelés dans la communication sur la radiodiffusion et selon lesquels, premièrement, l’État doit définir les missions de service public confiées à l’entreprise en question, deuxièmement, le service doit être effectivement fourni, troisièmement, la fourniture effective du service faisant l’objet du contrat doit être soumise à un contrôle indépendant et, quatrièmement, les compensations financières accordées par l’État doivent respecter les principes de transparence et de proportionnalité.

    163

    S’agissant du premier de ces critères, l’État ne pourrait, lorsqu’il choisit, comme en l’espèce, d’attribuer le service public à une entreprise qui poursuit, simultanément, des activités commerciales en concurrence avec d’autres opérateurs, opter pour une définition « large » du service public. En effet, une telle définition ne permettrait pas de distinguer clairement entre l’activité concurrentielle et l’activité de service public et rendrait impossible tant le contrôle de la fourniture effective du service public que l’imputation des coûts encourus par l’entreprise entre ses activités commerciales et ses activités de service public. L’État portugais n’aurait pas défini clairement, de façon transparente et contrôlable, la mission de service public confiée à la RTP et les moyens affectés à son financement.

    164

    Ces critiques ne seraient pas abstraites. Elles se fonderaient concrètement sur l’inefficacité des mécanismes de contrôle. Parmi les mécanismes de contrôle recensés aux considérants 56 à 59 de la décision attaquée, les seuls mis en œuvre par des organismes indépendants de la République portugaise et de la RTP seraient ceux opérés par un conseil consultatif, composé de représentants de l’opinion publique, et par des auditeurs externes.

    165

    Or, non seulement la Commission ne ferait aucune référence, dans la décision attaquée, à la réalisation de contrôles indépendants, mais elle n’aurait même pas cherché à s’assurer que, en pratique, de tels contrôles avaient eu lieu. Pourtant, la Commission ne serait pas seulement tenue de prendre note des mécanismes théoriquement prévus, mais également d’en vérifier l’application réelle.

    166

    Bien qu’elle ait disposé de tous les pouvoirs d’enquête à cette fin, la Commission n’aurait pris aucune initiative et n’aurait donné aucune suite aux demandes répétées de la requérante visant à l’obtention, auprès des autorités portugaises, des rapports d’audit externe contractuels ou à l’indication que ces rapports n’existaient pas. D’une part, les informations obtenues par la requérante par ses propres moyens révéleraient que, entre 1992 et 1997, la RTP n’a fait l’objet d’aucun audit indépendant et, d’autre part, les éléments disponibles au sujet de l’audit externe contractuel effectué en 1998 révéleraient de graves déficiences.

    167

    En outre, s’agissant du critère tiré de l’exigence de fourniture effective du service public, la Commission ne l’aurait pas non plus respecté. En effet, la décision attaquée ne serait étayée par aucune preuve documentaire du respect effectif par la RTP des missions de service public qui lui étaient confiées. En outre, aucun audit indépendant n’aurait été effectué de 1992 à 1997 et le rapport d’audit externe contractuel pour 1998 révélerait de nombreuses insuffisances dans la fourniture du service public par la RTP.

    168

    Partant, les critères d’application de l’article 86, paragraphe 2, CE, tels que définis par la Commission elle-même, n’ayant pas été respectés, la décision attaquée devrait être annulée.

    169

    La requérante ajoute que la communication sur la radiodiffusion interdirait de constater, lorsque les mécanismes de contrôle de l’accomplissement des obligations de service public ne fonctionnent pas, que le service public est effectivement fourni. En outre, lorsque le contrôle fonctionne et que les autorités compétentes estiment que le service public n’est pas fourni ou que certains coûts ne relèvent pas de ce service, la Commission ne pourrait rejeter ce contrôle et estimer, comme elle l’aurait fait dans la décision attaquée et dans le mémoire en défense, que, en définitive, l’ensemble relevait du service public et que les coûts présentés par l’entreprise résultaient tous de la mission de service public.

    170

    Il conviendrait de revenir sur le rapport du Tribunal de Contas, adopté plus d’un an avant la décision attaquée, qui aurait été évidemment connu de la République portugaise et de la RTP et qui aurait également dû l’être de la Commission. En effet, la Commission, compte tenu tant de l’ancienneté de son examen de la RTP que de l’obligation de coopération loyale des États membres envers les institutions communautaires, n’aurait pu ignorer que le Tribunal de Contas menait une enquête approfondie et n’aurait pu ignorer l’existence de ce rapport.

    171

    Ce rapport confirmerait le rapport d’audit externe contractuel pour 1998 ainsi que les termes de la requête en ce qui concerne les erreurs de la Commission lors de l’analyse des coûts encourus par la RTP pour la prestation du service public. Il confirmerait également les allégations de la requérante relatives à l’erreur de droit de la Commission en ce qui concerne l’appréciation des conditions d’application de l’article 86, paragraphe 2, CE, en particulier à propos de l’inefficacité des mécanismes de contrôle. Il confirmerait, enfin, que la RTP n’a pas fourni le service attendu. Donc, compte tenu des critères de la communication sur la radiodiffusion, « la Commission n’aurait pas [eu] la possibilité d’accomplir la mission lui incombant en vertu de l’article 86, paragraphe 2, [CE] et [n’aurait] donc [pu] accorder aucune exemption au titre de cet article » (point 43 de la communication).

    172

    Selon la requérante, la Commission ne pouvait pas ne pas avoir connaissance du rapport du Tribunal de Contas, duquel il ressortait clairement que les conditions d’application de l’article 86, paragraphe 2, CE, n’étaient pas remplies. La Commission ne saurait contrôler la façon dont la RTP assure le service public sur la base des rapports annuels établis par un commissaire aux comptes de l’entreprise ou sur celle de la comptabilité de l’entreprise. D’ailleurs, le rôle d’un commissaire aux comptes ne serait pas de vérifier si une entreprise déterminée assure ou non des prestations de service public et encore moins quelles sommes correspondent ou non à ces prestations. La décision attaquée serait donc manifestement illégale et devrait être annulée.

    173

    La Commission répond que, contrairement aux affirmations de la requérante, la communication sur la radiodiffusion n’impose pas une obligation de contrôle indépendant en ce qui concerne la prestation effective du service public de radiodiffusion. Au point 29, cette communication établirait trois critères pour qu’une mesure puisse bénéficier de la dérogation prévue à l’article 86, paragraphe 2, CE. Ces critères, relatifs à la définition du SIEG, au mandat de service public et à la proportionnalité, seraient ceux qui auraient été appliqués dans la décision attaquée.

    174

    Il serait inexact qu’une définition « large » du service public ne permette pas de distinguer entre l’activité concurrentielle et l’activité de service public, ni qu’elle rende impossible le contrôle de la prestation effective du service public et l’imputation des coûts aux activités concurrentielles d’une part, et aux activités de service public, d’autre part.

    175

    Le rôle de la Commission dans le secteur de la radiodiffusion se limiterait à la vérification d’éventuelles erreurs manifestes dans la définition du service public, laquelle devrait être en accord avec l’objectif de répondre aux besoins démocratiques, sociaux et culturels d’une société déterminée. La Commission n’aurait pas constaté de telles erreurs.

    176

    Dans ces conditions, il se serait agi de savoir si le financement de la mission de service public était ou non proportionnel au coût net du service public. Or, la conclusion de la Commission serait que le financement total reçu par la RTP au cours de la période considérée n’a pas dépassé les coûts nets de service public.

    177

    Il serait apparu que la RTP appliquait une comptabilité séparée entre les activités de service public et les activités commerciales, ces dernières étant exercées par des entreprises juridiquement distinctes. La comptabilité de la RTP aurait donc montré quels étaient les coûts et les recettes de la mission de service public, ainsi que les participations de la RTP dans des entreprises commerciales, comptabilisées comme des investissements financiers. Les comptes financiers de la RTP auraient toujours fait l’objet d’un audit annuel par un commissaire aux comptes. En outre, dans le cadre du système interne de financement portugais, la RTP n’aurait obtenu que le remboursement partiel de ses coûts de service public. Dans ce cadre, la RTP aurait appliqué un deuxième niveau de comptabilité analytique à l’intérieur des activités de service public proprement dites — ce qui se serait toujours reflété dans les rapports sur le service public — qui aurait démontré de façon transparente quels coûts étaient remboursables par activité de service public.

    178

    Il serait vrai que, dans un premier temps, les autorités portugaises auraient choisi de mettre en œuvre, par le contrat de service public, un mécanisme de compensation qui ne couvrait pas la totalité des coûts de service public. Il n’en demeurerait pas moins que le droit communautaire permettrait la compensation totale desdits coûts. La requérante ne saurait donc s’opposer à d’autres mesures prises ultérieurement par les autorités portugaises pour couvrir la partie des coûts n’ayant pas encore fait l’objet d’une compensation.

    179

    En outre, la conception selon laquelle il était légitime d’accepter une définition « large » de la mission de service public dans le cas de la RTP, puisqu’il avait été prouvé que le financement de cette mission avait été proportionnel à ses coûts nets, serait également confirmée par le fait qu’il n’y aurait eu aucune distorsion sur le marché en ce qui concerne les activités commerciales découlant des activités de service public.

    180

    Quant à l’argument tiré de la prétendue inefficacité des mécanismes de contrôle, il ne serait pas valable. En effet, le rôle de la Commission ne serait pas d’apprécier si la RTP ou la République portugaise ont correctement appliqué toutes les règles internes portugaises, mais seulement de vérifier si le financement étatique de la RTP était compatible avec le traité. Pour ce faire, la Commission aurait été tenue d’analyser et d’évaluer des données objectives et crédibles relatives aux coûts des activités de service public et relatives aux activités commerciales de la RTP.

    181

    Ce qu’il importerait de souligner, c’est que, comme cela serait détaillé aux considérants 177 et suivants de la décision attaquée, toutes ces données analysées et confirmées par la Commission auraient fait l’objet de mécanismes de contrôle adéquats au Portugal.

    182

    Même si l’on venait à constater ultérieurement que tout le système de contrôle décrit n’a pas fonctionné comme il le devait ou que les données fournies à la Commission n’étaient pas exactes, cela ne signifierait pas que la décision attaquée contiendrait un vice quelconque. En effet, la Commission aurait adopté cette décision en fonction des éléments dont elle disposait à la date de son adoption et dont elle n’aurait pas eu de raison de douter.

    183

    S’agissant, enfin, de l’argument selon lequel la décision attaquée ne serait fondée sur aucun élément de preuve que la mission de service public de la RTP a été effectivement fournie, il serait erroné. En fait, il n’appartiendrait pas à la Commission d’apprécier concrètement si les contrats de service public ont été exécutés dans le détail ni si les normes de qualité qui y sont définies ont été respectées. Son rôle se limiterait à vérifier si les activités exercées en tant que service public par la RTP peuvent ou non être considérées comme un SIEG au sens du traité.

    184

    Or, toutes les activités exercées par la RTP en tant que SIEG seraient légitimes et ne seraient entachées d’aucune erreur manifeste. En outre, l’enquête aurait permis de conclure que le financement attribué à la RTP aurait effectivement été affecté à l’accomplissement de la mission de service public.

    185

    La Commission relève que la production, dans la réplique, du rapport du Tribunal de Contas, est intervenue tardivement et sans aucune justification convaincante de cette tardiveté. Pour sa part, elle conteste formellement avoir eu connaissance de l’existence de ce rapport avant la décision attaquée. De toute manière, ce rapport ne remettrait pas en cause l’appréciation contenue dans la décision attaquée.

    — Appréciation du Tribunal

    186

    Il convient, à titre préliminaire, de trancher la question de savoir si le rapport du Tribunal de Contas, produit en annexe de la réplique, est recevable et pertinent, dans le présent recours, pour l’appréciation de la légalité de la décision attaquée.

    187

    Il convient d’aborder, directement, la question de la pertinence de ce rapport.

    188

    Selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en annulation introduit en vertu de l’article 230 CE, la légalité d’un acte communautaire doit être appréciée en fonction des éléments d’information existant à la date où l’acte a été adopté. En particulier, les appréciations complexes portées par la Commission ne doivent être examinées qu’en fonction des seuls éléments dont celle-ci disposait au moment où elle les a effectuées (arrêts de la Cour du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, Rec. p. 321, point 7, et du 11 septembre 2003, Belgique/Commission, C‑197/99 P, Rec. p. I‑8461, point 86 ; arrêts du Tribunal du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission, T‑371/94 et T‑394/94, Rec. p. II‑2405, point 81, et du 15 septembre 1998, BFM et EFIM/Commission, T‑126/96 et T‑127/96, Rec. p. II‑3437, point 88).

    189

    La requérante considère que, compte tenu tant de l’ancienneté de l’examen de la RTP par la Commission que de l’obligation de coopération loyale des États membres envers les institutions communautaires, cette institution ne pouvait ignorer que le Tribunal de Contas menait une enquête approfondie sur la RTP et ne pouvait ignorer l’existence de ce rapport.

    190

    Force est, cependant, de constater que la requérante, qui supporte la charge de la preuve, ne rapporte, au-delà des affirmations générales susvisées, aucune preuve concrète que la Commission aurait eu effectivement connaissance ne fût-ce que de l’existence dudit rapport, au moment de l’adoption de la décision attaquée. La requérante soutient d’ailleurs qu’elle ignorait l’existence de ce rapport au moment de l’adoption de cette décision.

    191

    Quant à la Commission, elle fait formellement valoir qu’elle n’avait aucune connaissance de l’existence de ce rapport lors de la décision attaquée et qu’elle était, partant, dans l’impossibilité ne fût-ce que d’en demander la communication.

    192

    À cet égard, le Tribunal considère qu’il n’est pas établi que la Commission avait connaissance de l’existence du rapport du Tribunal de Contas lors de la décision attaquée.

    193

    Il s’ensuit que, indépendamment même de la question de savoir si ce rapport, bien que produit seulement au stade de la réplique, doit être considéré comme recevable en vertu de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, il doit être déclaré dépourvu de toute pertinence et ne saurait être pris en considération pour l’appréciation de la légalité de la décision attaquée.

    194

    Cette question préliminaire étant tranchée, il convient d’aborder la critique de la requérante, tirée de ce qu’un État membre ne pourrait, lorsqu’il choisit, comme en l’espèce, d’attribuer le SIEG de la radiodiffusion à un opérateur poursuivant simultanément des activités commerciales, opter pour une définition « large » du service public.

    195

    Il convient, tout d’abord, de rappeler que, comme l’exprime la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt FFSA e.a./Commission, point 144 supra, point 99) et ainsi que la Commission l’expose au point 22 de la communication COM(2000) 580 final, du 20 septembre 2000, sur les services d’intérêt général en Europe, les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant à la définition de ce qu’ils considèrent comme des SIEG. Partant, la définition de ces services par un État membre ne peut être remise en question par la Commission qu’en cas d’erreur manifeste (conclusions de l’avocat général M. Léger sous l’arrêt de la Cour du 19 février 2002, Wouters e.a., C‑309/99, Rec. p. I‑1577, I‑1583, point 162 ; arrêt Olsen/Commission, point 145 supra, point 216).

    196

    L’importance des SIEG pour l’Union européenne et la nécessité de garantir le bon fonctionnement de ces services ont, d’ailleurs, été soulignées par l’insertion dans le traité CE, par le traité d’Amsterdam, de l’article 16 CE (voir, à cet égard, conclusions de l’avocat général M. Alber sous l’arrêt de la Cour du 17 mai 2001, TNT Traco, C‑340/99, Rec. p. I‑4109, I‑4112, point 94 ; de l’avocat général M. Jacobs sous les arrêts de la Cour du 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner, C‑475/99, Rec. p. I‑8089, I‑8094, point 175, et du 20 novembre 2003, GEMO, C‑126/01, Rec. p. I‑13769, I‑13772, point 124, et de l’avocat général M. Poiares Maduro sous l’arrêt de la Cour du 11 juillet 2006, FENIN/Commission, C‑205/03 P, Rec. p. I‑6295, I‑6297, note 35, point 26 ; voir également ordonnance du président du Tribunal du 28 mai 2001, Poste Italiane/Commission, T‑53/01 R, Rec. p. II‑1479, point 132).

    197

    S’agissant, plus particulièrement, du SIEG de la radiodiffusion, la Cour, dans l’arrêt du 30 avril 1974, Sacchi (155/73, Rec. p. 409), relatif, entre autres, à la question de savoir si le droit exclusif, accordé par un État membre à une entreprise, d’effectuer toutes sortes d’émissions télévisées, même à des fins de publicité, constituait une violation des règles de concurrence, a, en substance, reconnu que les États membres pouvaient légitimement définir un SIEG de la radiodiffusion recouvrant la diffusion d’une programmation généraliste. En effet, dans cet arrêt, la Cour a jugé que « rien dans le traité ne s’oppose à ce que les États membres, pour des considérations d’intérêt public, de nature non économique, soustraient les émissions de radiotélévision […] au jeu de la concurrence, en conférant le droit exclusif d’y procéder à un ou plusieurs établissements » (arrêt Sacchi, précité, point 14 ; voir également conclusions de l’avocat général M. Reischl sous cet arrêt, Rec. p. 433, p. 445, deuxième à cinquième alinéas, et de l’avocat général M. Léger sous l’arrêt Wouters e.a., point 195 supra, point 163).

    198

    Par ailleurs, lorsque, dans le protocole d’Amsterdam, les États membres ont énoncé que « la radiodiffusion de service public dans les États membres est directement liée aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société ainsi qu’à la nécessité de préserver le pluralisme dans les médias », ils ont fait directement référence aux systèmes de radiodiffusion de service public institués par eux et chargés de la diffusion, au profit de l’ensemble de la population de ces États, de programmes télévisés généralistes.

    199

    Enfin, il convient de rappeler les termes dans lesquels le Conseil et les États membres, dans leur résolution du 25 janvier 1999 concernant le service public de radiodiffusion (point 153 supra), ont réaffirmé l’importance du SIEG de la radiodiffusion.

    200

    Dans cette résolution, les États membres, « considérant que le service public de radiodiffusion, eu égard aux fonctions culturelles, sociales et démocratiques qu’il assume pour le bien commun, revêt une importance vitale pour ce qui est d’assurer la démocratie, le pluralisme, la cohésion sociale et la diversité culturelle et linguistique, […] soulignant que la diversification accrue des programmes proposés dans le nouvel environnement des médias renforce l’importance de la mission globale des organismes publics de radiodiffusion [et] rappelant l’affirmation de la compétence des États membres quant au mandat et au financement du service figurant dans le [protocole d’Amsterdam] », ont noté et réaffirmé que ledit protocole confirmait « [leur] volonté […] de mettre l’accent sur le rôle du service public de radiodiffusion », que « le service public de radiodiffusion [devait] être en mesure de continuer à proposer un large éventail de programmes, conformément à sa mission telle que définie par les États membres, afin de s’adresser à la société dans son ensemble » et que, « dans ce contexte, il [était] légitime que le service public de radiodiffusion s’efforce de toucher un large public ».

    201

    Il résulte des considérations qui précèdent que le droit communautaire ne s’oppose nullement à ce qu’un État membre définisse le SIEG de la radiodiffusion en termes larges, comportant la diffusion d’une programmation généraliste.

    202

    Cette possibilité ne saurait être remise en cause par le fait que le radiodiffuseur de service public exerce, par ailleurs, des activités commerciales, notamment la vente d’espaces publicitaires.

    203

    En effet, une telle remise en cause reviendrait à faire dépendre la définition même du SIEG de la radiodiffusion de son mode de financement. Or, un SIEG se définit, par hypothèse, par rapport à l’intérêt général qu’il vise à satisfaire et non par rapport aux moyens qui assureront sa fourniture. Comme le relève la Commission, au point 36 de la communication sur la radiodiffusion, « la question de la définition de la mission de service public ne doit pas être confondue avec celle du mécanisme de financement choisi pour fournir ces services ».

    204

    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la compétence des États membres pour définir le SIEG de la radiodiffusion de manière à comporter la diffusion d’un large éventail de programmes, tout en autorisant l’opérateur en charge de ce SIEG à exercer des activités commerciales, telles que la vente d’espaces publicitaires, ne saurait être contestée.

    205

    Le Tribunal relève, au demeurant, que, au-delà de la critique exprimée par la requérante à l’encontre d’une définition large du service public dans le cas d’un radiodiffuseur exerçant par ailleurs des activités commerciales, les griefs de la requérante portent, surtout, sur l’exécution de cette mission par la RTP et le contrôle de la Commission à cet égard.

    206

    Selon la requérante, la Commission n’a, en effet, pas cherché à s’assurer que l’exécution de sa mission par la RTP avait fait l’objet de contrôles indépendants. La Commission ne serait pas seulement tenue de prendre note de mécanismes de contrôle théoriquement prévus. Elle devrait, en outre, vérifier leur mise en œuvre effective. La requérante reproche à la Commission de n’avoir pas donné suite à ses demandes visant à la communication, par les autorités portugaises, des rapports d’audit externe contractuels, ou à l’indication, par ces autorités, que ces rapports n’existaient pas. Elle reproche, en outre, à la Commission, l’absence, dans la décision attaquée, de preuves du respect effectif par la RTP des missions de service public qui lui étaient confiées.

    207

    Les considérants pertinents de la décision attaquée sont les considérants 56 à 59 et 177 à 181.

    208

    Il convient, afin de se prononcer sur le bien‑fondé de ces griefs de la requérante, d’examiner la question du contrôle du respect, par le radiodiffuseur de service public, de son mandat de service public.

    209

    Cet examen implique une analyse en deux parties. Dans une première partie, il convient d’examiner la question du contrôle du respect par la RTP des critères qualitatifs — ou encore normes de qualité — applicables de manière générale à toute son activité de radiodiffusion de service public. Dans une seconde partie, il convient d’examiner la question du contrôle de la réalité de la fourniture par la RTP des prestations concrètes de service public attendues d’elle et du contrôle de la correspondance entre ces prestations et leurs coûts annoncés.

    210

    Alors que la première partie de l’analyse vise une appréciation, empreinte de subjectivité, du niveau qualitatif de la télévision de service public, la seconde partie concerne la question, objective, de la sincérité administrative et comptable des comptes de la RTP quant aux postes de coût qu’ils comportent et quant aux coûts qu’ils affichent. La Commission ne saurait, en effet, utilement vérifier la proportionnalité du financement étatique aux coûts du service public que si elle est raisonnablement convaincue de la fiabilité des données financières et comptables qui lui sont transmises au sujet de l’opérateur de service public et de son activité.

    211

    En premier lieu, s’agissant de la question du contrôle du respect par la RTP des critères qualitatifs, il y a lieu de considérer que, compte tenu de son impact économique, la radiodiffusion de service public définie d’une manière large ne saurait voir son financement par l’État déclaré conforme aux dispositions du traité sur les aides d’État que pour autant que les exigences qualitatives exprimées dans le mandat de service public sont respectées. Ces exigences qualitatives sont, en effet, la raison d’être du SIEG de la radiodiffusion dans le paysage audiovisuel national et il n’y a donc pas de raison qu’un SIEG de la radiodiffusion défini en termes larges, mais qui sacrifierait le respect de ces exigences qualitatives au profit d’un comportement d’opérateur commercial consistant à diffuser une programmation spécialement définie pour générer des audiences optimales du point de vue des annonceurs publicitaires, continue d’être financé par l’État dans les mêmes conditions que si ces exigences qualitatives étaient respectées.

    212

    Toutefois, seul l’État membre est à même d’apprécier le respect par le radiodiffuseur de service public des normes de qualité définies dans le mandat de service public. Comme le relève la Commission dans la communication COM(1999) 657 final au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions, du 14 décembre 1999, sur les principes et lignes directrices de la politique audiovisuelle de la Communauté à l’ère numérique, « les questions relatives au contenu sont par nature essentiellement nationales, puisque directement et étroitement liées aux besoins culturels, sociaux et démocratiques d’une société donnée » et, « conformément au principe de subsidiarité, la régulation du contenu relève donc essentiellement de la responsabilité des États membres ». Ce n’est donc pas à la Commission d’apprécier le respect des normes de qualité, celle-ci devant pouvoir s’appuyer sur un contrôle adéquat effectué par l’État membre (considérant 41 de la communication sur la radiodiffusion).

    213

    La Commission n’étant donc pas compétente pour vérifier concrètement le respect des normes de qualité, elle peut et doit, en principe, se limiter à la constatation de l’existence d’un mécanisme de contrôle, par un organe indépendant, du respect de son mandat par le radiodiffuseur de service public.

    214

    Ce n’est que si les informations transmises à la Commission durant l’enquête comportent des indices sérieux que le mécanisme de contrôle, bien qu’existant, n’a pas été mis en oeuvre que la Commission peut être amenée à examiner la réalité de cette mise en œuvre, en veillant, pour autant, à ne pas aller au-delà de cet examen et, en particulier, à ne pas se substituer à l’État membre dans l’appréciation concrète du respect des critères qualitatifs.

    215

    En l’espèce, il est constant que la Commission a relevé l’existence d’un mécanisme de contrôle du respect par la RTP de ses obligations de service public. Ainsi, la décision attaquée indique que « les contrats de service public prévoient un conseil consultatif composé de représentants des différents secteurs de l’opinion publique, qui peuvent intervenir pour apprécier si les obligations, générales et spécifiques, imposées à la radiodiffusion de service public sont respectées » (considérant 56), que la RTP doit produire « un rapport sur le respect des obligations de service public au cours de l’exercice précédent » (ci-après le « rapport sur le service public ») (considérant 57, seconde phrase, de la décision attaquée) et que « le ministre des Finances et le membre du gouvernement chargé des médias doivent vérifier le respect des contrats de service public » (considérant 58, première phrase).

    216

    Ces constatations opérées dans la décision attaquée caractérisent suffisamment l’existence d’un mécanisme indépendant de contrôle du respect par la RTP des exigences qualitatives de sa mission de service public.

    217

    En outre, le Tribunal relève, à titre surabondant, qu’il n’est pas contesté, que, comme l’indique la décision attaquée (considérants 178 et 179), le rapport sur le service public a été effectivement émis chaque année par la RTP et que le ministre des Finances et le membre du gouvernement chargé des médias ont fait réaliser un audit sur l’exécution des contrats de service public.

    218

    Compte tenu de ce qui précède, la légalité de la décision attaquée ne saurait être mise en cause pour des motifs liés à la vérification par la Commission de l’existence de mécanismes de contrôle des normes de qualité.

    219

    En second lieu, il convient d’examiner la question du contrôle de la réalité de la fourniture par la RTP des prestations concrètes de service public attendues d’elle et de la réalité des coûts prétendument exposés pour cette fourniture.

    220

    La thèse de la requérante est que la Commission ne s’est pas assurée, avec la diligence requise, de la réalité et de la fiabilité des informations qui lui étaient communiquées, concernant les prestations de service public fournies et leurs coûts. La Commission ne se serait pas interrogée, avec un minimum de neutralité et d’impartialité, sur le caractère crédible des chiffres présentés par la RTP comme des coûts afférents au service public. En particulier, la requérante reproche à la Commission de n’avoir donné aucune suite à ses demandes visant à ce qu’il soit demandé à la République portugaise de produire les rapports d’audit externe contractuels, pourtant prévus dans les contrats de service public et qui visaient à apprécier et à contrôler la relation entre les missions de service public et le paiement des coûts effectifs correspondants.

    221

    La réponse de la Commission est que, compte tenu des mécanismes comptables et des contrôles mis en place et appliqués, elle était en droit de considérer que les informations transmises étaient fiables. Dès lors, il ne saurait lui être reproché de n’avoir pas jugé utile ou nécessaire de faire droit à la demande de la requérante visant à la production, par la République portugaise, des rapports d’audit externe contractuels. Peu importerait que toutes les procédures de contrôle prévues au niveau national aient nécessairement été respectées, dès lors que la fiabilité objective des informations fournies par l’État membre au sujet des prestations de service public fournies et de leurs coûts était suffisamment assurée.

    222

    Il convient de rappeler que la procédure de contrôle des aides d’État est, compte tenu de son économie générale, une procédure ouverte vis-à-vis de l’État membre responsable, au regard de ses obligations communautaires, de l’octroi de l’aide. Dans cette procédure, les intéressés autres que l’État membre concerné ont essentiellement le rôle de sources d’information pour la Commission et, à cet égard, ils ne sauraient prétendre eux-mêmes à un débat contradictoire avec la Commission, tel que celui ouvert au profit dudit État membre (voir arrêts du Tribunal du 10 avril 2003, Scott/Commission, T‑366/00, Rec. p. II‑1763, points 52 et 53 ; du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission, T‑109/01, Rec. p. II‑127, points 42 et 43, et la jurisprudence citée, et arrêt Saxonia Edelmetalle et ZEMAG/Commission, point 141 supra, point 48). Les parties intéressées autres que l’État membre concerné disposent du seul droit d’être associées à la procédure administrative dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce (arrêts British Airways e.a./Commission, point 188 supra, point 60, et Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, point 93 supra, point 125).

    223

    Dans ce contexte, une partie intéressée qui saisit la Commission d’une demande visant à ce que cette institution exerce ses pouvoirs pour obtenir de l’État membre certains éléments d’information ne dispose d’aucun droit à ce que la Commission donne suite à sa demande. C’est à la Commission qu’il revient, le cas échéant, d’apprécier l’utilité de cette demande pour les besoins de son contrôle des mesures en cause. Dans cette appréciation, la Commission peut tenir compte des informations dont elle dispose déjà.

    224

    Pour autant, le caractère restreint des droits à la participation et à l’information des parties intéressées autres que l’État membre ne se trouve nullement en contradiction avec l’obligation d’examen diligent et impartial qui incombe à la Commission dans le domaine des aides d’État (voir, par analogie, pour le même raisonnement appliqué à l’obligation de motivation, arrêt British Airways e.a./Commission, point 188 supra, point 64 ; voir, pour l’affirmation de l’obligation d’examen diligent et impartial, arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, points 60 à 62 ; arrêt Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, point 93 supra, point 167).

    225

    Ainsi, la Commission, si elle jouit d’une marge d’appréciation, ne saurait, cependant, compte tenu de son obligation d’examen diligent et impartial, omettre de demander la communication d’éléments d’information dont il apparaît qu’ils sont de nature à confirmer, ou à infirmer, d’autres éléments d’information pertinents pour l’examen de la mesure en cause, mais dont la fiabilité ne peut être considérée comme suffisamment établie.

    226

    En l’espèce, il est, tout d’abord, constant que la Commission disposait des comptes financiers annuels de la RTP (considérants 67 et 180, deuxième phrase, de la décision attaquée). Il est également constant que ces comptes annuels ont fait l’objet annuellement, entre 1992 et 1998, d’un audit par un commissaire aux comptes agréé (considérant 180, troisième phrase, de la décision attaquée), c’est‑à‑dire par un organe externe à l’entreprise et indépendant.

    227

    La requérante ne conteste nullement l’existence de ce contrôle, ni ne prétend qu’il aurait révélé des erreurs dans les comptes annuels de la RTP. Elle se limite à relever que la Commission « ne saurait contrôler la façon dont la RTP assure le service public de télévision sur la base des rapports annuels qu’un commissaire aux comptes de l’entreprise a établis ou sur la base de la comptabilité de l’entreprise », et remarque, à cet égard, que, aux termes du statut juridique des commissaires aux comptes [Decreto-Lei no 487/99, du 16 novembre 1999, (décret-loi portugais no 487/99) (Diário da República I, série I-A, no 267, du 16 novembre 1999)], le commissaire aux comptes n’a pas à vérifier si une entreprise déterminée assure ou non des prestations de service public et encore moins à déterminer quelles sont les sommes correspondant ou non à cette prestation de service public.

    228

    À cet égard, il est exact que la fonction légale du commissaire aux comptes n’est pas, en principe, de vérifier si une entreprise assure ou non des prestations de service public, ni de porter une appréciation sur la qualification de prestations « de service public » des prestations faisant l’objet d’inscriptions dans les comptes, ni encore d’évaluer quels sont les coûts pouvant être attribués à ces prestations. La fonction légale du commissaire aux comptes est, en principe, de certifier les comptes, donc d’exprimer une appréciation externe et indépendante sur la régularité et la sincérité des comptes et sur la question de savoir s’ils donnent une image fidèle de l’état de la société.

    229

    Pour autant et dès lors que la certification des comptes annuels par le commissaire aux comptes de la société permet justement à la Commission de les considérer comme fiables, rien n’interdit — bien au contraire — à cette institution d’exploiter les comptes ainsi certifiés, lorsqu’ils comportent des informations pertinentes pour l’appréciation des coûts de service public, aux fins de son appréciation de la proportionnalité de l’aide dans le cadre de l’article 86, paragraphe 2, CE.

    230

    En outre et dans la mesure où un commissaire aux comptes peut être chargé, à côté de sa fonction de certification légale des comptes, de rendre des avis ponctuels sur d’autres questions, relatives, par exemple, à l’exécution d’une mission de service public, rien n’interdit à la Commission de tenir compte, le cas échéant, de ces avis.

    231

    Il résulte des considérations qui précèdent que rien ne permet de considérer que la Commission ne pouvait pas légitimement se fonder, dans son appréciation, sur les comptes annuels certifiés de la RTP, ni sur les avis des commissaires aux comptes de la RTP.

    232

    Ensuite, s’agissant des rapports sur le service public, mentionnés au considérant 57, seconde phrase, et au considérant 178 de la décision attaquée et qui « décriv[ent] la façon dont chaque obligation de service public a été remplie, en en identifiant les coûts sur la base d’un système de comptabilité analytique » (considérant 178), il n’est pas contesté que la Commission en disposait pour toutes les années de la période d’enquête.

    233

    Toutefois, les informations contenues dans ces rapports souffraient d’une faiblesse objective, dont la Commission avait connaissance. Cette faiblesse tenait au fait que ces rapports sur le service public n’étaient pas systématiquement accompagnés d’une « déclaration d’un commissaire aux comptes » (« relatório de auditoria ») (considérant 180, dernière phrase de la décision attaquée).

    234

    En d’autres termes, il n’était pas certain que ces rapports sur le service public, qui fournissaient le détail analytique des coûts exposés pour chaque prestation de service public fournie, avaient fait l’objet d’un contrôle externe indépendant, par les commissaires aux comptes de la RTP.

    235

    Il y a lieu de remarquer, à ce stade, que ce contrôle externe indépendant des commissaires aux comptes sur les rapports sur le service public, mentionné au considérant 180, dernière phrase, de la décision attaquée, se trouve désigné, à d’autres endroits de la décision attaquée, tant dans sa version portugaise faisant foi que dans d’autres versions linguistiques, en particulier la version française, selon une terminologie changeante et dépourvue de cohérence : « Paracer do Gabinete de Auditoria » et « avis du conseil des commissaires aux comptes » (considérant 57, seconde phrase), « Paracer do Gabinete de Auditoria » et « avis du conseil interne des commissaires aux comptes » (considérant 178, première phrase), « controlo […] pelo Gabinete de Auditoria a nível interno » et « contrôle […] par le comité d’audit en interne » (considérant 181, première phrase), ou encore « auditoria externa sistemática » et « audit externe systématique » (considérant 181, deuxième phrase).

    236

    Quoi qu’il en soit de ces imprécisions terminologiques, le Tribunal relève que la Commission a considéré que la faiblesse constatée aux points 233 et 234 ci-dessus était compensée par la capacité des règles de compatibilité analytique mises en œuvre à identifier, de façon claire et contrôlable, les prestations de service public et leurs coûts (considérant 180, dernière phrase, de la décision attaquée).

    237

    Plus loin, la Commission a ajouté que, « bien qu’il ne semble pas qu’il y ait eu un audit externe systématique pour les rapports sur le service public, le système décrit garantissait que le service public était fourni comme prévu » (considérant 181, deuxième phrase, de la décision attaquée).

    238

    Cependant, aucune de ces deux considérations ne peut être acceptée.

    239

    S’agissant de la première considération (point 236 ci-dessus), il suffit de constater que l’absence de contrôle externe par les commissaires aux comptes ne saurait, logiquement, être couverte par l’affirmation selon laquelle « les règles strictes de la comptabilité analytique garantissaient que les coûts de chaque obligation de service public […] pouvaient être identifiés et contrôlés dans les règles » (considérant 180, dernière phrase, de la décision attaquée).

    240

    En effet, cette affirmation revient, en définitive, à la proposition suivante, contradictoire en ses termes, selon laquelle le fait qu’il n’y ait pas eu de contrôle est sans conséquence sur la fiabilité des informations, dès lors que ce contrôle était possible. En effet, une entreprise peut disposer de règles de comptabilité analytique précises et claires, permettant une identification et un contrôle efficaces et, dans le même temps, inscrire dans sa comptabilité, que ce soit par erreur ou sciemment, des chiffres ou des intitulés qui ne correspondent pas à la réalité des faits. Faute, précisément, de contrôle, ces écarts par rapport à la réalité ne seront tout simplement pas constatés.

    241

    Il s’ensuit que, faute d’un contrôle externe systématique des rapports sur le service public par les commissaires aux comptes de la RTP et contrairement à ce que soutient la Commission au considérant 180, dernière phrase, de la décision attaquée, il existait ou devait exister, nécessairement, un doute pour cette institution quant à la fiabilité des informations contenues dans ces rapports, doute que la simple affirmation de la qualité des règles de comptabilité analytique ne pouvait pas effacer.

    242

    S’agissant de la seconde considération de la Commission, énoncée au considérant 181 de la décision attaquée et rappelée au point 237 ci-dessus, selon laquelle, au-delà même de la première considération déduite de la qualité des règles comptables, ce serait le « système » (« sistema ») dans son ensemble qui aurait amené cette institution à conclure qu’elle disposait d’informations fiables, le Tribunal constate qu’elle ne peut pas être non plus acceptée, car elle comporte, elle aussi, une contradiction dans ses propres termes.

    243

    En effet, cette considération, lue à la lumière des éclaircissements sur la terminologie de la décision attaquée fournis au point 235 ci-dessus, comporte le raisonnement suivant.

    244

    Tout d’abord, la Commission exprime, en substance, au considérant 181, première phrase, de la décision attaquée, qu’il ressort des considérants précédents de cette décision qu’il y a eu un système de contrôle à trois niveaux différents.

    245

    Le premier élément de ce système qu’identifie la Commission est le « contrôle […] par le comité d’audit en interne ». Il s’agit du contrôle par les commissaires aux comptes des rapports sur le service public, visé au considérant 178 de la décision attaquée et évoqué à nouveau au considérant 180, début de la dernière phrase, de cette décision.

    246

    Le deuxième élément de ce système qu’identifie la Commission est le « contrôle […] par les organismes publics responsables ». Il s’agit du contrôle mentionné au considérant 179 de la décision attaquée.

    247

    Le troisième élément de ce système désigné par la Commission est le « contrôle […] en externe, par une société d’audit ». Il s’agit du contrôle visé au considérant 180, première phrase, de la décision attaquée.

    248

    La Commission poursuit, au considérant 181, deuxième phrase, de la décision attaquée, en exprimant, en substance, que bien qu’il ne semble pas qu’il y ait eu un audit externe systématique pour les rapports sur le service public, donc bien qu’il ne semble pas que le premier élément du système ait correctement fonctionné, ce système garantissait que le service public était fourni comme prévu.

    249

    Il ressort de cette description du raisonnement de la Commission que cette institution tire, donc, argument de l’existence et de la mise en œuvre d’un système de contrôle constitué de trois éléments pour en déduire que le service public était fourni comme prévu, alors même qu’elle constate le dysfonctionnement de ce système en, précisément, l’un de ses trois éléments constitutifs. Ce faisant, le raisonnement exprimé dans la décision attaquée comporte, là encore, une contradiction en ses propres termes.

    250

    Dans ces circonstances, le Tribunal constate que, nonobstant les deux considérations susvisées, avancées par la Commission, cette institution ne pouvait pas, en l’absence de la preuve du contrôle externe systématique des rapports sur le service public par un commissaire aux comptes, estimer fiables les éléments d’information contenus dans ceux de ces rapports qui n’étaient pas accompagnés d’une déclaration d’un commissaire aux comptes.

    251

    En outre, il est constant que, à plusieurs reprises, la requérante avait attiré l’attention de la Commission sur d’autres rapports, à savoir les rapports d’audit externe contractuels, et sollicité que cette institution en demande la communication par la République portugaise. Dans ses observations du 8 février 2002, la requérante avait indiqué que, selon ses informations, le rapport d’audit externe contractuel pour l’année 1998 était très critique à l’égard de l’exécution, par la RTP, des obligations découlant du contrat de service public de 1996.

    252

    Bien que ces observations de la requérante ne soient pas, en soi, déterminantes, compte tenu du rôle, limité, assigné aux parties intéressées dans la procédure d’examen des aides d’État, il n’en reste pas moins que, dans le contexte d’incertitude dans lequel la Commission devait nécessairement se trouver, ces observations étaient clairement de nature à confirmer la nécessité pour cette institution de demander à la République portugaise la communication des rapports d’audit externe contractuels.

    253

    Cette nécessité était d’autant plus grande que la Commission savait que l’objet des rapports d’audit externe contractuels était, selon les termes mêmes des contrats de service public, de vérifier la correspondance entre les prestations de service public fournies et les coûts versés. Elle ne pouvait donc ignorer que ces rapports d’audit externe contractuels étaient susceptibles, en tout cas pour les années pour lesquelles il n’existait pas de contrôle externe des rapports sur le service public, de lui fournir des informations pertinentes de nature à confirmer, ou à infirmer, les données déjà à sa disposition.

    254

    Compte tenu des considérations qui précèdent, le Tribunal considère que la Commission, en ne demandant pas à la République portugaise la communication des rapports d’audit externe contractuels, a manqué à son obligation d’examen diligent et impartial.

    255

    Ce faisant, la Commission ne s’est pas placée en situation de disposer d’informations suffisamment fiables concernant la détermination des prestations de service public effectivement fournies et des coûts effectivement supportés pour la fourniture de ces prestations. Faute de disposer de telles informations, la Commission ne pouvait procéder, ensuite, à une vérification utile de la proportionnalité des financements aux coûts du service public et ne pouvait donc pas conclure valablement à l’absence d’une surcompensation des coûts du service public.

    256

    Il s’ensuit que, sans qu’il y ait lieu d’ordonner la mesure d’instruction mentionnée au point 28 ci-dessus ni d’examiner les autres griefs et moyens de la requérante, lesquels, en ce qu’ils dénoncent une violation par la Commission de son obligation d’examen, trouvent, au demeurant, leur réponse ci-dessus, il convient d’annuler l’article 1er de la décision attaquée, par lequel la Commission a considéré que les aides d’État accordées à la RTP, mentionnées audit article, n’avaient entraîné aucune compensation excessive des coûts nets de la mission de service public confiée à cet opérateur.

    Conclusion

    257

    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient d’annuler, d’une part, l’article 1er de la décision attaquée et, d’autre part, l’article 2 de cette décision en ce qu’il prévoit que l’« exonération des frais de notaire et d’enregistrement » ne constitue pas une aide d’État.

    258

    Il convient de rejeter le recours pour le surplus, c’est-à-dire en ce qu’il vise l’annulation de l’article 2 de la décision attaquée s’agissant des facilités de paiement de la redevance et de l’émission obligataire de 1994.

    Sur les dépens

    259

    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de décider que la Commission supportera ses propres dépens et quatre cinquièmes des dépens de la requérante et que la requérante supportera un cinquième de ses propres dépens.

     

    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

    déclare et arrête :

     

    1)

    L’article 1er de la décision 2005/406/CE de la Commission, du 15 octobre 2003, relative aux mesures ad hoc exécutées par le Portugal en faveur de la RTP, est annulé.

     

    2)

    L’article 2 de la décision 2005/406 est annulé en ce qu’il conclut que l’exonération des frais de notaire et d’enregistrement ne constitue pas une aide d’État.

     

    3)

    Le recours est rejeté pour le surplus.

     

    4)

    La Commission supportera ses propres dépens et quatre cinquièmes des dépens de la SIC — Sociedade Independente de Comunicação, SA.

     

    5)

    La SIC supportera un cinquième de ses propres dépens.

     

    Vilaras

    Martins Ribeiro

    Jürimäe

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 juin 2008.

    Le greffier

    E. Coulon

    Le président

    M. Vilaras

    Table des matières

     

    Cadre juridique

     

    Faits à l’origine du litige

     

    Procédure et conclusions des parties

     

    En droit

     

    Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit résultant de l’absence de qualification de certaines mesures d’aides d’État

     

    Sur la première branche, tirée de l’absence de qualification des exonérations fiscales d’aides d’État

     

    — Arguments des parties

     

    — Appréciation du Tribunal

     

    Sur la deuxième branche, tirée de l’absence de qualification des facilités de paiement de la redevance d’aides d’État

     

    — Arguments des parties

     

    — Appréciation du Tribunal

     

    Sur la troisième branche, tirée de l’absence de qualification de l’émission obligataire de 1994 d’aide d’État

     

    — Arguments des parties

     

    — Appréciation du Tribunal

     

    Conclusion sur le troisième moyen

     

    Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs de droit quant aux conditions d’application de l’article 86, paragraphe 2, CE

     

    Sur la première branche, tirée de l’attribution du service public de la télévision à la RTP sans mise en concurrence

     

    — Arguments des parties

     

    — Appréciation du Tribunal

     

    Sur la seconde branche, tirée de la violation des critères d’application de l’article 86, paragraphe 2, CE

     

    — Arguments des parties

     

    — Appréciation du Tribunal

     

    Conclusion

     

    Sur les dépens


    ( *1 ) Langue de procédure : le portugais.

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