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Dokument 62001CJ0063

    Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 4 décembre 2003.
    Samuel Sidney Evans contre The Secretary of State for the Environment, Transport and the Regions et The Motor Insurers' Bureau.
    Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division - Royaume-Uni.
    Rapprochement des législations - Directive 84/5/CEE - Assurance obligatoire de la responsabilité civile automobile - Dommages causés par des véhicules non identifiés ou insuffisamment assurés - Protection des victimes - Transposition incorrecte de la directive - Responsabilité de l'État membre.
    Affaire C-63/01.

    Recueil de jurisprudence 2003 I-14447

    ECLI-indikator: ECLI:EU:C:2003:650

    62001J0063

    Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 4 décembre 2003. - Samuel Sidney Evans contre The Secretary of State for the Environment, Transport and the Regions et The Motor Insurers' Bureau. - Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division - Royaume-Uni. - Rapprochement des législations - Directive 84/5/CEE - Assurance obligatoire de la responsabilité civile automobile - Dommages causés par des véhicules non identifiés ou insuffisamment assurés - Protection des victimes - Transposition incorrecte de la directive - Responsabilité de l'État membre. - Affaire C-63/01.

    Recueil de jurisprudence 2003 page 00000


    Parties
    Motifs de l'arrêt
    Décisions sur les dépenses
    Dispositif

    Parties


    Dans l'affaire C-63/01,

    ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par la High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division (Royaume-Uni), et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

    Samuel Sidney Evans

    et

    The Secretary of State for the Environment, Transport and the Regions ,

    The Motor Insure rs' Bureau ,

    une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 1er , paragraphe 4, de la deuxième directive 84/5/CEE du Conseil, du 30 décembre 1983, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs (JO L 8, p. 17),

    LA COUR (cinquième chambre)

    composée de M. P. Jann (rapporteur), faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. D. A. O. Edward et S. von Bahr, juges,

    avocat général: M. S. Alber,

    greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

    considérant les observations écrites présentées:

    - pour M. Evans, par MM. R. Plender, QC, et D. Broatch, barrister,

    - pour le Motor Insurers' Bureau, par MM. D. O'Brien, QC, et F. Randolph, barrister,

    - pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme G. Amodeo, en qualité d'agent, assistée de M. P. Roth, QC, et de Mme H. Davies, barrister,

    - pour la Commission des Communautés européennes, par Mme C. Tufvesson ainsi que MM. C. Ladenburger et M. Shotter, en qualité d'agents,

    vu le rapport d'audience,

    ayant entendu les observations orales de M. Evans, représenté par MM. R. Plender et D. Broatch, de Motor Insurers' Bureau, représenté par MM. D. O'Brien et F. Randolph, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par M. J. E. Collins, en qualité d'agent, M. P. Roth et Mme H. Davies, et de la Commission, représentée par M. M. Shotter, à l'audience du 11 juillet 2002,

    ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 24 octobre 2002,

    rend le présent

    Arrêt

    Motifs de l'arrêt


    1. Par ordonnance du 17 mai 2000, parvenue à la Cour le 13 février 2001, la High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division, a posé, en application de l'article 234 CE, cinq questions préjudicielles sur l'interprétation de l'article 1er , paragraphe 4, de la deuxième directive 84/5/CEE du Conseil, du 30 décembre 1983, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs (JO L 8, p. 17, ci-après la «deuxième directive»).

    2. Ces questions ont été posées dans le cadre d'un litige opposant M. Evans au Secretary of State for the Environment, Transport and the Regions (ci-après le «Secretary of State») et au Motor Insurers' Bureau (ci-après le «MIB») au sujet de l'indemnisation du préjudice subi par M. Evans dans un accident de la circulation ayant impliqué un véhicule non identifié.

    Le cadre juridique

    La réglementation communautaire

    3. L'article 3, paragraphe 1, de la directive 72/166/CEE du Conseil, du 24 avril 1972, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs, et au contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité (JO L 103, p. 1, ciaprès la «première directive»), dispose:

    «1. Chaque État membre prend toutes les mesures utiles, sous réserve de l'application de l'article 4, pour que la responsabilité civile relative à la circulation des véhicules ayant leur stationnement habituel sur son territoire soit couverte par une assurance. Les dommages couverts ainsi que les modalités de cette assurance sont déterminés dans le cadre de ces mesures.»

    4. L'article 1er de la deuxième directive est libellé comme suit:

    «1. L'assurance visée à l'article 3 paragraphe 1 de la directive 72/166/CEE couvre obligatoirement les dommages matériels et les dommages corporels.

    2. Sans préjudice de montants de garantie supérieurs éventuellement prescrits par les États membres, chaque État membre exige que les montants pour lesquels cette assurance est obligatoire s'élèvent au minimum:

    - pour les dommages corporels, à 350 000 Écus lorsqu'il n'y a qu'une victime; lorsqu'il y a plusieurs victimes lors d'un seul sinistre, ce montant est multiplié par le nombre des victimes,

    - pour les dommages matériels, à 100 000 Écus par sinistre quel que soit le nombre de victimes.

    Les États membres peuvent prévoir en lieu et place des montants minimaux précédents un montant minimal de 500 000 Écus pour les dommages corporels, lorsqu'il y a plusieurs victimes lors d'un seul et même sinistre, ou, pour les dommages corporels et matériels, un montant global minimal de 600 000 Écus par sinistre quels que soient le nombre de victimes ou la nature des dommages.

    [...]

    4. Chaque État membre crée ou agrée un organisme ayant pour mission de réparer, au moins dans les limites de l'obligation d'assurance, les dommages matériels ou corporels causés par un véhicule non identifié ou pour lequel il n'a pas été satisfait à l'obligation d'assurance visée au paragraphe 1. Cette disposition ne porte pas atteinte au droit des États membres de donner ou non à l'intervention de cet organisme un caractère subsidiaire, ainsi qu'à celui de réglementer les recours entre cet organisme et le ou les responsables du sinistre et d'autres assureurs ou organismes de sécurité sociale tenus d'indemniser la victime pour le même sinistre.

    La victime peut en tout cas s'adresser directement à l'organisme qui, sur la base des informations fournies à sa demande par la victime, est tenu de lui donner une réponse motivée quant à son intervention.

    Toutefois, les États membres peuvent exclure de l'intervention de cet organisme les personnes ayant de leur plein gré pris place dans le véhicule qui a causé le dommage, lorsque l'organisme peut prouver qu'elles savaient que le véhicule n'était pas assuré.

    Les États membres peuvent limiter ou exclure l'intervention de cet organisme en cas de dommages matériels causés par un véhicule non identifié.

    Ils peuvent également autoriser, pour les dommages matériels causés par un véhicule non assuré, une franchise, opposable à la victime, ne dépassant pas 500 Écus.

    Par ailleurs, chaque État membre applique à l'intervention de cet organisme ses dispositions législatives, réglementaires et administratives, sans préjudice de toute autre pratique plus favorable aux victimes.»

    La réglementation nationale

    5. Au Royaume-Uni, l'article 1er , paragraphe 4, de la deuxième directive est mis en oeuvre sous la forme d'accords entre le Secretary of State et le MIB.

    6. Le MIB est une entité de droit privé dont sont membres toutes les compagnies d'assurances offrant des polices d'assurance automobile au Royaume-Uni. Sa mission principale est d'indemniser les victimes d'accidents causés par des véhicules non assurés ou non identifiés.

    7. Le régime d'indemnisation, mis en place antérieurement à l'adhésion du Royaume-Uni à la Communauté, repose sur deux séries d'accords conclus entre le Secretary of State et le MIB: le Motor Insurers' Bureau (Compensation of Victims of Uninsured Drivers) Agreement (accord relatif à l'indemnisation des victimes de conducteurs non assurés) et le Motor Insurers' Bureau (Compensation of Victims of Untraced Drivers) Agreement (accord relatif à l'indemnisation des victimes de conducteurs non identifiés, ci-après l'«accord»).

    8. Les dispositions pertinentes, pour le litige au principal, de l'accord sont les suivantes:

    - L'accord s'applique dans tous les cas où une demande est adressée au MIB en vue d'obtenir une indemnisation en raison du décès d'une personne ou d'un dommage corporel subi par une personne trouvant son origine dans l'utilisation d'un véhicule automoteur sur une route en Grande-Bretagne lorsque, sous réserve de certaines conditions sans intérêt en l'espèce, le demandeur d'indemnisation n'est pas en mesure de trouver une personne responsable du décès ou du dommage corporel (clause 1).

    - Le MIB est tenu, lorsqu'il est saisi d'une demande dans un cas auquel s'applique l'accord, de payer une somme qui doit être déterminée dans les mêmes conditions que celles selon lesquelles une juridiction fixerait, en appliquant les règles de droit en vigueur en la matière, le montant des dommages-intérêts que le demandeur aurait été fondé à obtenir de la personne responsable non identifiée (clause 3).

    - Le MIB est tenu d'examiner toute demande qui lui est adressée en vue de l'obtention d'une indemnisation au titre de l'accord et de décider s'il y a lieu de l'accorder (clause 7).

    - Le MIB est tenu de notifier au demandeur une décision motivée quant à son intervention. Lorsqu'il y a lieu d'accorder une indemnisation, le MIB notifie au demandeur le montant qu'il se propose de lui verser, en précisant la méthode selon laquelle a été calculée l'indemnisation. Si le demandeur décide d'accepter cette indemnisation, le MIB est tenu de lui en payer le montant (clauses 9 et 10).

    - Le demandeur a un droit de recours intégral auprès d'un arbitre contre toute décision du MIB (clause 11).

    - Le demandeur a le droit, avant d'introduire un recours, de présenter au MIB des observations relatives à la décision et de produire d'autres éléments de preuve concernant sa demande. Le MIB peut examiner ces nouveaux éléments et doit communiquer au demandeur le résultat de cet examen ainsi que toute modification apportée à la décision (clause 13).

    - En statuant sur le recours, l'arbitre décide s'il y a lieu pour le MIB de verser une indemnisation au titre de l'accord et, dans l'affirmative, le montant à accorder par le MIB au demandeur (clause 16).

    - L'arbitre est choisi sur une liste d'arbitres composée d'avocats de la Couronne (Queen's Counsels) désignés par le Lord Chancellor ou le Lord Advocate (clause 18).

    - L'arbitre statue sur le recours en se fondant sur les documents qui lui sont soumis, bien qu'il ait le droit d'inviter le MIB à procéder à des vérifications supplémentaires, sur les résultats desquelles le demandeur a le droit de présenter des observations (clause 17).

    - Chacune des parties au recours supporte ses propres frais afférents à l'arbitrage (clause 21). Le MIB a l'obligation de payer les honoraires de l'arbitre, sauf dans le cas où ce dernier estime qu'il n'existait pas de motifs justifiant raisonnablement l'introduction du recours, auquel cas l'arbitre peut décider que le demandeur est tenu de lui payer ses honoraires (clause 22).

    9. L'accord ne contient aucune disposition expresse concernant l'octroi d'intérêts sur l'indemnisation allouée ni sur le remboursement des frais afférents à la procédure devant le MIB.

    Le litige au principal et les questions préjudicielles

    10. Le 25 décembre 1991, M. Evans a été heurté par un véhicule non identifié qui lui a causé un dommage corporel.

    11. Le 11 juin 1992, M. Evans a saisi le MIB d'une demande d'indemnisation au titre de l'accord.

    12. Le 11 janvier 1996, le MIB a informé M. Evans qu'il avait décidé de fixer l'indemnisation à 50 000 GBP.

    13. M. Evans a formé un recours contre cette décision.

    14. Le 27 août 1996, l'arbitre a communiqué sa sentence. Il a estimé que, sur la base d'une responsabilité intégrale, l'indemnisation à verser à M. Evans aurait été de 58 286 GBP, mais qu'il y avait lieu de la réduire de 20 % pour tenir compte de sa négligence concurrente, ce qui ramenait l'indemnisation à 46 629 GBP. Compte tenu de certains éléments de preuve, l'arbitre a en outre considéré que M. Evans avait fait preuve de mauvaise foi et, en conséquence, il l'a condamné à payer ses honoraires. Il ne lui a pas accordé d'intérêts sur l'indemnisation allouée.

    15. Le MIB a versé à M. Evans la somme de 46 629 GBP, augmentée d'une somme de 770 GBP, correspondant aux frais exposés par le représentant de M. Evans, d'une somme de 150 GBP, accordée à titre gracieux, et de la TVA.

    16. En décembre 1996, M. Evans a été autorisé à interjeter appel de la sentence devant la High Court en ce qui concerne le refus de lui accorder des intérêts. Cet appel a été rejeté. En septembre 1998, la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni) a rejeté un nouvel appel de M. Evans. En janvier 1999, la House of Lords (Royaume-Uni) a refusé de l'autoriser à interjeter appel.

    17. Le 25 février 1999, M. Evans a introduit un recours contre le Secretary of State, ministère chargé de la transposition au Royaume-Uni des première et deuxième directives. M. Evans a fait valoir, en substance, que le Royaume-Uni a omis de transposer la deuxième directive ou ne l'a pas transposée correctement sur les points suivants:

    - l'accord ne contient aucune disposition relative à l'octroi d'intérêts sur l'indemnisation allouée;

    - l'accord ne contient pas non plus de disposition relative au remboursement des frais exposés par les victimes dans le cadre de la procédure d'indemnisation;

    - les victimes n'ont pas un accès suffisant au juge en ce qu'elles ne disposent d'un droit de recours intégral contre la décision du MIB qu'auprès d'un arbitre et non devant une juridiction;

    - le Royaume-Uni a omis d'agréer dûment un organisme ayant pour mission d'indemniser les victimes de véhicules non identifiés, ainsi que l'impose la deuxième directive, dans la mesure où l'accord ne crée pas de droits que lesdites victimes puissent directement faire valoir à l'encontre du MIB.

    18. M. Evans soutient que ces défauts dans la transposition de la deuxième directive lui ont causé un préjudice et qu'ils constituent une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire pour lui permettre d'en demander réparation au Secretary of State.

    19. C'est dans ces conditions que la High Court of Justice a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «1) La deuxième directive 84/5/CEE du Conseil, du 30 décembre 1983, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs (ci-après la deuxième directive sur l'assurance automobile'), doit-elle être interprétée en ce sens que:

    a) les dispositions concernant l'octroi d'une réparation par l'organisme créé ou agréé conformément à l'article 1er , paragraphe 4, doivent prévoir le versement d'intérêts sur les sommes dues au titre de l'indemnisation des dommages matériels ou corporels subis?

    b) Si la première question, sous a), appelle une réponse affirmative, à compter de quelle date et sur quelle base ces intérêts doivent-ils être calculés?

    2) Lorsque l'organisme auquel incombe la réparation est lui-même tenu d'évaluer le préjudice subi par la victime (et de prendre en charge les frais liés à cette opération, y compris le coût des rapports médicaux et d'autres rapports), l'article 1er , paragraphe 4, de la deuxième directive sur l'assurance automobile doit-il être interprété en ce sens que:

    a) les dispositions concernant l'octroi d'une réparation par ledit organisme doivent prévoir le paiement des frais exposés par la victime à l'occasion de la préparation et du dépôt de la demande qu'elle introduit auprès de cet organisme en vue d'obtenir réparation?

    b) Si la deuxième question, sous a), appelle une réponse affirmative, sur quelle base ces frais doivent-ils être calculés lorsque cet organisme a fait une offre à la victime excédant le montant final de la réparation et que la victime a refusé cette offre?

    3) Dans l'hypothèse où l'organisme qui statue sur la demande de réparation introduite par la victime n'est pas une juridiction, l'article 1er , paragraphe 4, de la deuxième directive sur l'assurance automobile doit-il être interprété en ce sens que la victime doit disposer d'un droit d'appel intégral contre cette décision devant une juridiction, portant à la fois sur des questions de fait et de droit, plutôt que d'un droit de recours auprès d'un arbitre indépendant répondant aux caractéristiques principales suivantes:

    i) le recours formé par la victime auprès de l'arbitre peut porter à la fois sur des questions de fait et de droit;

    ii) dans le recours qu'elle introduit devant l'arbitre, la victime peut formuler de nouvelles allégations et fournir de nouveaux éléments de preuve à l'organisme auquel incombe la réparation, au vu desquels celui-ci peut modifier sa décision d'indemnisation avant que le recours ne soit examiné;

    iii) la victime reçoit à l'avance un exemplaire de tous les documents devant être communiqués à l'arbitre et a la possibilité d'adjoindre tout document qu'elle souhaite en réponse;

    iv) sans procéder à une audience, l'arbitre rend sa décision, dans laquelle il ou elle fixe l'indemnisation que devra verser l'organisme auquel incombe la réparation, et motive cette décision;

    v) si la victime n'est pas satisfaite de cette décision, elle est en droit d'interjeter appel devant les tribunaux, mais uniquement pour irrégularité grave entachant l'arbitrage ou sur une question de droit (visant, notamment, à déterminer si une conclusion particulière de l'arbitre est étayée par des éléments de preuve ou si une conclusion particulière n'est pas telle qu'aucun arbitre n'y serait raisonnablement parvenu sur la base des éléments de preuve disponibles) et, dans le cas d'un appel sur une question de droit, l'appel doit être autorisé par la juridiction, autorisation qui ne sera accordée que si la décision de l'arbitre est manifestement erronée et s'il apparaît juste et approprié pour la juridiction, au vu de l'ensemble des circonstances, de statuer sur cette question?

    4) Si la première question, sous a), et/ou la deuxième question, sous a), et/ou la troisième question appellent une réponse affirmative, doit-on considérer qu'un État membre a dûment agréé un organisme conformément à l'article 1er , paragraphe 4, de la deuxième directive sur l'assurance automobile lorsqu'un organisme existant a pour mission d'accorder une indemnisation aux victimes uniquement en vertu d'un accord conclu avec l'autorité compétente de l'État membre, dont les termes ne correspondent pas, à cet égard, aux dispositions de la deuxième directive sur l'assurance automobile et:

    a) lorsque cet accord crée l'obligation légale envers l'autorité compétente de l'État membre, dont elle peut se prévaloir directement, d'accorder une indemnisation aux victimes et ne confère pas auxdites victimes le droit, dont elles pourraient se prévaloir directement, de contester les décisions de cet organisme, et lorsque, néanmoins, la victime peut s'adresser au juge afin que celui-ci ordonne à l'autorité compétente de mettre en oeuvre l'accord, dans l'éventualité où ladite autorité manquerait à cette obligation;

    b) lorsque l'organisme précité s'acquitte de cette obligation en admettant et en liquidant les demandes émanant des victimes conformément à cet accord; et

    c) lorsque l'État membre a considéré de bonne foi que les dispositions de cet accord garantissaient aux victimes une protection au moins aussi grande que celle qui résulte des exigences de la deuxième directive sur l'assurance automobile?

    5) Si la première question, sous a), la deuxième question, sous a), ou la troisième question appellent une réponse affirmative, et/ou si la quatrième question appelle une réponse négative, le manquement à la deuxième directive sur l'assurance automobile à cet égard constitue-t-il de la part de l'État membre une violation suffisamment grave pour engager sa responsabilité pécuniaire en droit communautaire, si la réalité du préjudice est établie?»

    Sur les questions préjudicielles

    20. Les questions posées, qu'il convient de traiter ensemble, soulèvent une série de problèmes concernant la nature de l'organisme que les États membres sont tenus de mettre en place afin d'assurer la transposition de la deuxième directive (quatrième question), les voies de recours qui doivent être ouvertes aux victimes de dommages causés par des véhicules non identifiés ou pour lesquels il n'a pas été satisfait à l'obligation d'assurance (ci-après les «véhicules insuffisamment assurés», troisième et quatrième questions), la nécessité de prévoir le paiement d'intérêts sur les sommes versées aux victimes par l'organisme susvisé (première question), la nécessité de prévoir le remboursement des frais exposés par les victimes en vue du traitement de leur demande d'indemnisation (deuxième question) et la responsabilité éventuelle de l'État membre concerné pour mauvaise transposition de la deuxième directive (cinquième question).

    Observations liminaires

    21. Il convient, à titre liminaire, d'examiner la nature du système que la deuxième directive vise à mettre en place au profit des victimes de dommages causés par des véhicules non identifiés ou insuffisamment assurés.

    22. À la différence de la victime de dommages causés par un véhicule identifié, la victime de dommages causés par un véhicule non identifié se trouve normalement dans l'impossibilité de faire valoir son droit à réparation devant les juridictions en raison de l'impossibilité d'identifier le défendeur.

    23. S'agissant d'un véhicule insuffisamment assuré, même si la victime est en mesure d'identifier le défendeur afin d'agir en justice contre lui, une telle action risque de se révéler très souvent inutile parce que le défendeur ne dispose pas des moyens financiers nécessaires pour exécuter le jugement rendu à son encontre, voire même pour payer les frais exposés dans le cadre de l'action en justice.

    24. C'est dans ce contexte que l'article 1er , paragraphe 4, premier alinéa, de la deuxième directive prévoit que chaque État membre crée ou agrée un organisme ayant pour mission d'octroyer une compensation, au moins dans les limites de l'obligation d'assurance, des dommages matériels ou corporels causés par un véhicule non identifié ou insuffisamment assuré.

    25. L'obligation d'assurance, prescrite par l'article 3, paragraphe 1, de la première directive, couvre, au moins dans la limite de montants minimaux de garantie fixés par le législateur communautaire, la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules.

    26. S'agissant de l'étendue de l'obligation d'assurance, le cinquième considérant de la deuxième directive indique que les montants à concurrence desquels l'assurance est obligatoire doivent permettre en tout état de cause de garantir aux victimes une «indemnisation suffisante».

    27. Il apparaît donc que l'intention du législateur communautaire était de conférer aux victimes de dommages causés par des véhicules non identifiés ou insuffisamment assurés une protection équivalente et aussi efficace que celle dont bénéficient les victimes de dommages causés par des véhicules identifiés et assurés.

    28. Il y a lieu toutefois de souligner que, pour satisfaire aux exigences de la deuxième directive, l'organisme chargé d'octroyer la compensation ne doit pas être nécessairement assimilé, en ce qui concerne la responsabilité civile, à un défendeur tel que le conducteur d'un véhicule identifié et suffisamment assuré.

    Sur la nature de l'organisme visé par l'article 1 er , paragraphe 4, de la deuxième directive

    Observations présentées à la Cour

    29. Selon M. Evans, la deuxième directive n'a pas été mise en oeuvre au RoyaumeUni avec la force contraignante requise pour satisfaire au principe de sécurité juridique. Outre que la réparation prévue par l'accord ne serait pas identique en tous points à celle prévue par cette directive, les victimes devraient se fonder sur une convention à laquelle elles ne sont pas parties et s'en remettre à une simple pratique du MIB, qui s'abstient de faire valoir devant les tribunaux que ladite convention ne confère pas aux victimes des droits susceptibles d'être invoqués à son encontre.

    30. Le MIB et le gouvernement du Royaume-Uni rappellent qu'il appartient aux États membres de choisir la forme des mesures de transposition d'une directive et que, lorsque les dispositions nationales déjà en vigueur sont conformes à celles de la directive, elles n'ont pas à être modifiées. Selon eux, le système mis en place permet aux victimes de dommages causés par des véhicules non identifiés de s'adresser directement au MIB.

    31. Pour la Commission, le MIB semble être un organisme agréé au sens de l'article 1er , paragraphe 4, de la deuxième directive dès lors qu'il a été chargé par les autorités publiques de remplir la mission prévue par la deuxième directive, qu'il n'est pas seulement habilité, mais est tenu d'indemniser les victimes, que les victimes ont le droit de s'adresser directement à lui et qu'il doit leur donner une réponse motivée. Lors de l'audience, elle a toutefois émis des doutes quant à la possibilité d'interpréter et d'appliquer l'accord de manière à garantir aux victimes l'intégralité des droits que leur confère la deuxième directive.

    Réponse de la Cour

    32. L'article 1er , paragraphe 4, premier alinéa, de la deuxième directive ne contient aucune disposition relative au statut juridique de l'organisme, ni aux modalités d'agrément de celui-ci. Il laisse expressément ouverte la possibilité pour les États membres de donner à l'intervention de l'organisme un caractère subsidiaire et leur permet de réglementer les recours entre cet organisme et les responsables du sinistre ainsi que les rapports avec les autres assureurs ou organismes de sécurité sociale tenus d'indemniser la victime pour le même sinistre.

    33. Le deuxième alinéa de la même disposition précise toutefois que la victime de dommages causés par un véhicule non identifié ou insuffisamment assuré doit pouvoir s'adresser directement à l'organisme agréé ayant pour mission de lui octroyer une compensation.

    34. Le fait que la source de l'obligation de l'organisme en question se trouve dans un accord conclu entre celui-ci et une autorité publique est sans pertinence, à la condition que cet accord soit interprété et appliqué comme obligeant ledit organisme à fournir aux victimes la compensation que leur garantit la deuxième directive et comme permettant aux victimes de s'adresser directement à l'organisme chargé de leur fournir cette compensation.

    35. Quant à la question de savoir s'il suffit, aux fins de la transposition de la deuxième directive, de s'en remettre à un organisme déjà existant, il y a lieu de rappeler que, s'il est vrai que la transposition d'une directive n'exige pas nécessairement une action législative de chaque État membre, il est toutefois indispensable que le droit national en cause garantisse effectivement la pleine application de la directive, que la situation juridique découlant de ce droit soit suffisamment précise et claire et que les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits et, le cas échéant, de s'en prévaloir devant les juridictions nationales (arrêts du 23 mars 1995, Commission/Grèce, C365/93, Rec. p. I-499, point 9, et du 10 mai 2001, Commission/PaysBas, C-144/99, Rec. p. I-3541, point 17).

    36. Ainsi que la Cour l'a déjà souligné, cette dernière condition est particulièrement importante lorsque la directive en cause vise à accorder des droits aux ressortissants d'autres États membres (arrêts précités Commission/Grèce, point 9, et Commission/Pays-Bas, point 18). Or, tel est le cas pour ce qui concerne la deuxième directive, qui vise notamment, selon son cinquième considérant, à garantir aux victimes une protection suffisante «quel que soit l'État membre où le sinistre est survenu».

    37. Dans ces conditions, il convient de constater qu'un organisme peut être considéré comme agréé par un État membre, au sens de l'article 1er , paragraphe 4, de la deuxième directive, lorsque son obligation d'octroyer une compensation aux victimes de dommages causés par des véhicules non identifiés ou insuffisamment assurés trouve sa source dans un accord conclu entre cet organisme et une autorité publique de l'État membre, à la condition que l'accord soit interprété et appliqué comme obligeant l'organisme à fournir aux victimes la compensation que leur garantit la deuxième directive et que les victimes puissent s'adresser directement à cet organisme.

    Sur les voies de recours de la victime

    Observations présentées à la Cour

    38. M. Evans soutient que la procédure arbitrale prévue par l'accord n'est pas conforme aux exigences du principe d'un contrôle juridictionnel effectif, telles que développées par la jurisprudence de la Cour (arrêt du 15 mai 1986, Johnston, 222/84, Rec. p. 1651, points 18 et 19), ni à celles d'un procès équitable au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»). En effet, la victime serait privée de l'avantage d'une audience et ne pourrait interjeter appel de la sentence arbitrale qu'en se fondant sur une irrégularité grave ayant affecté la procédure arbitrale ou en soulevant une question de droit, à la condition, dans ce dernier cas, d'obtenir l'autorisation d'interjeter appel.

    39. Ce régime procédural constituerait également une violation du principe de l'égalité de traitement, qui imposerait aux États membres de garantir aux victimes de dommages causés par des véhicules non identifiés la même protection juridictionnelle qu'aux victimes de dommages causés par des véhicules identifiés, lesquelles, au Royaume-Uni, peuvent saisir directement une juridiction.

    40. Le MIB et le gouvernement du Royaume-Uni relèvent à titre liminaire que l'article 1er , paragraphe 4, de la deuxième directive n'impose aux États membres qu'une exigence minimale d'ordre procédural, à savoir que la victime d'un dommage causé par un véhicule non identifié doit pouvoir s'adresser directement à l'organisme ayant pour mission de l'indemniser. Pour le surplus, la deuxième directive renverrait aux systèmes juridiques des États membres.

    41. Le gouvernement du Royaume-Uni fait observer que les procédures adoptées pour le traitement d'une demande d'indemnisation présentée par la victime d'un dommage causé par un véhicule non identifié, loin de rendre impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits que la victime tire de la directive, lui offrent de multiples degrés de protection. La victime d'un dommage causé par un véhicule non identifié se trouverait, à certains égards, dans une situation plus favorable que la victime d'un dommage causé par un véhicule identifié mais non assuré, la procédure instituée permettant souvent de vider le litige de manière plus rapide et moins onéreuse que par la voie d'une procédure judiciaire.

    42. Le MIB et le gouvernement du Royaume-Uni font également valoir que, selon la jurisprudence même de la Cour européenne des droits de l'homme, la question de savoir si une procédure répond aux exigences de l'article 6 de la CEDH doit être appréciée en tenant compte du procès dans sa globalité, y compris le rôle de la juridiction d'appel (voir Cour eur. D. H., arrêt Bryan c. Royaume-Uni du 22 novembre 1995, série A n° 335).

    43. Pour la Commission, il appartient aux États membres d'assurer un contrôle juridictionnel effectif des droits que la deuxième directive vise à conférer aux victimes de véhicules non identifiés. Examinant le système procédural mis en place au Royaume-Uni, elle estime que l'application des critères développés par la Cour européenne des droits de l'homme pourrait révéler l'existence de lacunes dans le système en vigueur, notamment en ce qui concerne le statut de l'arbitre, l'absence d'audience permettant d'établir les faits et les limitations apportées au droit d'interjeter appel de la sentence arbitrale.

    Réponse de la Cour

    44. Il y a lieu de relever que l'article 1er , paragraphe 4, deuxième alinéa, de la deuxième directive se limite à énoncer une exigence procédurale minimale en prévoyant que les victimes de dommages causés par des véhicules non identifiés ou insuffisamment assurés doivent pouvoir s'adresser directement à l'organisme chargé de leur octroyer une compensation (voir points 32 à 34 du présent arrêt), et que ce dernier est tenu de leur donner une réponse motivée quant à son intervention. Selon les informations dont dispose la Cour, la clause 9 de l'accord répond à cette dernière obligation.

    45. Conformément à une jurisprudence constante, il appartient, en l'absence de réglementation communautaire en la matière, à l'ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire, pour autant que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe de l'équivalence) et qu'elles ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire (principe d'effectivité) (voir, notamment, arrêt du 21 janvier 1999, Upjohn, C-120/97, Rec. p. I-223, point 32).

    46. Pour l'application dudit principe d'effectivité, chaque cas où se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l'application du droit communautaire doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l'ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités, devant les diverses instances nationales. Dans cette perspective, il y a lieu de prendre en considération, s'il échet, les principes qui sont à la base du système juridictionnel national, tels que la protection des droits de la défense, le principe de la sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure (arrêt du 14 décembre 1995, Van Schijndel et Van Veen, C-430/93 et C-431/93, Rec. p. I-4705, point 19).

    47. Il ressort des observations présentées à la Cour que le système procédural mis en place par l'accord prévoit plusieurs phases.

    48. À titre liminaire, il convient de relever que, si le MIB n'est pas une juridiction, il est néanmoins tenu de déterminer le montant de la compensation qu'il verse dans les mêmes conditions que celles selon lesquelles une juridiction fixerait, en application des dispositions en vigueur au Royaume-Uni, le montant des dommages-intérêts que la victime serait fondée à obtenir d'un responsable identifié.

    49. Parmi les différentes modalités de contrôle prévues par l'accord, la victime peut, en premier lieu, demander le réexamen de la décision prise par le MIB. Cependant, cette demande doit être introduite devant le MIB, qui statue lui-même sur l'opportunité de modifier la décision dont il est l'auteur.

    50. En deuxième lieu, la victime dispose d'un droit d'appel devant un arbitre. Selon les informations dont dispose la Cour, il apparaît que celui-ci est désigné dans des conditions permettant d'assurer son indépendance et qu'il rend sa sentence après avoir procédé à sa propre appréciation des éléments du dossier. Ce dernier doit comporter notamment toutes les pièces déposées par la victime ainsi que toutes les observations présentées par celle-ci tant dans le cadre de la demande d'indemnisation que, le cas échéant, de la demande de réexamen. L'arbitre peut demander au MIB de procéder à des vérifications supplémentaires sur lesquelles la victime a le droit de présenter ses observations.

    51. En troisième lieu, conformément aux règles générales fixées en matière d'arbitrage par les Arbitration Acts, la victime peut, dans certains cas, former un appel contre la sentence devant la High Court of Justice. Cette possibilité est ouverte de plein droit à la victime lorsqu'elle fait valoir une grave irrégularité ayant entaché la procédure d'arbitrage. Elle lui est également ouverte, mais requiert l'autorisation de la High Court, si la victime entend faire valoir la violation d'une règle de droit, cette notion englobant les points de savoir s'il existait un élément de preuve étayant une conclusion particulière de l'arbitre ou si une conclusion particulière de l'arbitre n'aurait raisonnablement pu être dégagée par aucun arbitre sur la base de la preuve considérée.

    52. En quatrième lieu, la victime, sous réserve d'y être autorisée par la juridiction compétente, peut former un recours successivement devant la Court of Appeal, puis devant la House of Lords.

    53. Le système procédural ainsi mis en place par l'accord présente pour la victime, comme l'a fait observer le gouvernement du Royaume-Uni, des avantages de rapidité et d'économie de frais de justice. Ce gouvernement a en effet fait valoir, sans être contredit sur ce point, que la majeure partie des frais liés à la demande d'indemnisation et à la collecte des éléments de preuve pertinents est supportée par le MIB, qui se met en rapport avec tous les témoins qui ont assisté à l'accident en vue de recueillir leurs déclarations et s'efforce d'obtenir toutes preuves utiles d'ordre médical ou provenant d'experts d'autres domaines.

    54. À la lumière de l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que les modalités procédurales prévues par le droit national en cause ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice du droit à compensation que tirent les victimes de dommages causés par des véhicules non identifiés ou insuffisamment assurés de la deuxième directive et respectent donc le principe d'effectivité évoqué aux points 45 et 46 du présent arrêt.

    55. Compte tenu de l'objectif poursuivi par la deuxième directive, qui, ainsi qu'il a été précisé aux points 21 à 28 du présent arrêt, est de permettre un mécanisme simple de compensation des victimes, il apparaît également que l'effet cumulé de l'ensemble des possibilités de contrôle prévues par le système procédural mis en place au Royaume-Uni, d'une part, et des avantages pratiques liés à ce système, d'autre part, confère aux victimes de dommages causés par des véhicules non identifiés ou insuffisamment assurés un niveau de protection correspondant à celui visé par ladite directive.

    56. Il importe toutefois de souligner que le système procédural mis en place doit garantir que, tant vis-à-vis du MIB que devant l'arbitre, les victimes soient informées de tout élément susceptible d'être retenu à leur détriment et aient la possibilité de présenter leurs observations à cet égard.

    57. Il incombe au juge de renvoi de vérifier si ces conditions ont été respectées en l'espèce.

    58. Sous cette réserve, il y a lieu de constater que des modalités procédurales telles que celles mises en place au Royaume-Uni sont suffisantes pour assurer la protection que les victimes de dommages causés par des véhicules non identifiés ou insuffisamment assurés tirent de la deuxième directive.

    Sur le paiement d'intérêts sur les sommes versées à titre de compensation

    Observations présentées à la Cour

    59. Selon M. Evans, une interprétation textuelle des articles 1er , paragraphes 1 et 4, et 3, paragraphe 1, de la deuxième directive conduit à considérer que cette directive impose que les victimes de dommages causés par des véhicules non identifiés et les victimes de dommages causés par des véhicules identifiés et assurés soient traitées de la même manière. Au demeurant, même si la deuxième directive ne prescrivait pas cette règle, le principe général de l'égalité de traitement conduirait à l'imposer. Or, au Royaume-Uni, cette exigence ne serait pas respectée. À la différence des victimes de dommages causés par des véhicules identifiés et assurés, les victimes de dommages causés par des véhicules non identifiés n'obtiendraient pas de réparation incluant des intérêts.

    60. Se référant à l'arrêt du 2 août 1993, Marshall (C-271/91, Rec. p. I-4367, point 31), dans lequel la Cour a jugé, à propos d'un licenciement discriminatoire, que l'octroi d'intérêts doit être considéré comme une composante indispensable d'un dédommagement, M. Evans estime que ce principe doit s'appliquer à l'indemnisation à verser, en vertu de la deuxième directive, aux victimes de dommages causés par des véhicules non identifiés.

    61. Le MIB indique à titre liminaire que, en droit anglais, les dommagesintérêts sont estimés par les tribunaux à la date du jugement, en tenant compte des fluctuations monétaires intervenues jusqu'à cette date. L'article 35 A de la Supreme Court Act de 1981 serait certes venu leur donner la faculté d'allouer, sous certaines conditions, des intérêts dans le cadre de demandes d'indemnisation, mais cette faculté ne pourrait être exercée que dans le cadre de procédures judiciaires.

    62. Le MIB et le gouvernement du Royaume-Uni font valoir que l'objectif des deux directives en cause est de fournir des garanties spécifiques minimales, et non de procéder à une uniformisation des législations des États membres. Aucune des deux directives ne contiendrait de disposition relative aux composantes financières de l'indemnisation ni n'imposerait une égalité de traitement entre les victimes de dommages causés par des véhicules identifiés et celles de dommages causés par des véhicules non identifiés.

    63. Le MIB et le gouvernement du Royaume-Uni contestent, en outre, l'existence d'un principe général de droit communautaire selon lequel l'obligation de payer une somme d'argent au titre d'une indemnisation due en application du droit communautaire impliquerait nécessairement une obligation de payer des intérêts.

    64. La Commission relève l'absence, tant dans la première que dans la deuxième directive, de disposition expresse obligeant les États membres à mettre à la charge de l'organisme auquel incombe l'indemnisation des victimes de dommages causés par des véhicules non identifiés l'octroi d'intérêts à celles-ci. Toutefois, au terme d'une interprétation téléologique de cette directive et eu égard à la jurisprudence de la Cour en matière de responsabilité non contractuelle de la Communauté (arrêts du 4 octobre 1979, Ireks-Arkady/Conseil et Commission, 238/78, Rec. p. 2955, point 20, et du 3 février 1994, Grifoni/CEEA, C-308/87, Rec. p. I341, point 40), et en matière d'égalité de traitement entre hommes et femmes (arrêt Marshall, précité, point 31), elle tend à considérer que l'octroi d'intérêts, conformément aux règles nationales applicables, doit être considéré comme une composante essentielle de la réparation visée à l'article 1er , paragraphe 4, de la deuxième directive.

    Réponse de la Cour

    65. À titre liminaire, il convient de relever que la deuxième directive ne contient aucune disposition relative à l'octroi d'intérêts moratoires sur les sommes allouées à titre de compensation pour les dommages causés par des véhicules non identifiés ou insuffisamment assurés.

    66. Selon l'article 1er , paragraphe 4, de la deuxième directive, l'organisme ayant pour mission d'octroyer une compensation pour ces dommages doit le faire au moins dans les limites de l'obligation d'assurance, de façon à garantir aux victimes une indemnisation suffisante.

    67. Or, la réparation du préjudice a pour objet de reconstituer autant que possible le patrimoine de la victime d'un accident (arrêt Grifoni/CEEA, précité, point 40).

    68. Dès lors, la compensation d'un préjudice ne saurait faire abstraction d'éléments, tels que l'écoulement du temps, susceptibles d'en réduire, en fait, la valeur (voir, en ce sens, arrêt Marshall, précité, point 31).

    69. En l'absence d'une réglementation communautaire, c'est aux États membres qu'il incombe de fixer les règles applicables aux domaines qui relèvent de la deuxième directive, et notamment à la prise en compte de l'écoulement du temps ainsi qu'à la délimitation de la période à prendre en considération afin de garantir aux victimes de dommages causés par des véhicules non identifiés ou insuffisamment assurés l'indemnisation suffisante voulue par ladite directive.

    70. À cet égard, les États membres sont libres, afin de compenser la perte subie par les victimes du fait de l'écoulement du temps, de choisir entre l'octroi d'intérêts ou le versement de sommes d'indemnisation globales qui tiennent compte de l'écoulement du temps.

    71. Il convient donc de constater que l'article 1er , paragraphe 4, de la deuxième directive doit être interprété en ce sens que la compensation octroyée pour des dommages causés par un véhicule non identifié ou insuffisamment assuré, versée par l'organisme agréé à cet effet, doit tenir compte de l'écoulement du temps jusqu'au paiement effectif des sommes allouées afin de garantir une indemnisation suffisante aux victimes. Il incombe aux États membres de fixer les règles applicables à cet égard.

    Sur le remboursement des frais exposés en vue de la demande d'indemnisation

    Observations présentées à la Cour

    72. M. Evans fait valoir que le paiement des frais exposés en vue du traitement d'une demande d'indemnisation constitue une composante indispensable du droit à réparation. Il s'appuie en outre sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme selon laquelle la CEDH a pour but de protéger des droits concrets et effectifs (voir Cour eur. D. H., arrêt Airey c. Irlande du 9 octobre 1979, série A n° 32, § 24).

    73. Les autres parties qui ont présenté des observations réitèrent mutatis mutandis les considérations développées dans le cadre de la première question à propos de l'allocation d'intérêts comme composante du droit à réparation (voir points 60 à 63 du présent arrêt).

    Réponse de la Cour

    74. À titre liminaire, il convient de relever que la deuxième directive ne contient aucune disposition relative au remboursement des frais exposés par les victimes de dommages causés par des véhicules non identifiés ou insuffisamment assurés dans le cadre de leur demande auprès de l'organisme ayant pour mission de leur octroyer une compensation.

    75. Selon les conceptions partagées par la plupart des États membres, la question du remboursement des frais exposés dans le cadre d'une procédure visant à obtenir une indemnisation est une question d'ordre procédural.

    76. Ainsi qu'il a été rappelé au point 45 du présent arrêt, il appartient, en l'absence de réglementation communautaire en la matière, à l'ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire dans le respect des principes de l'équivalence et d'effectivité.

    77. Il incombe au juge de renvoi de vérifier si, dans le cadre du système procédural mis en place au Royaume-Uni, ces principes sont respectés. Il lui appartient notamment d'apprécier si, eu égard à la position d'infériorité dans laquelle les victimes se trouvent vis-à-vis du MIB et aux conditions dans lesquelles est ouverte à ces victimes la possibilité de présenter leurs observations sur les éléments susceptibles d'être retenus à leur détriment, il apparaît raisonnable, voire nécessaire, qu'elles bénéficient d'une assistance juridique.

    78. Dans ces conditions, il convient de constater que l'article 1er , paragraphe 4, de la deuxième directive doit être interprété en ce sens que la compensation octroyée pour des dommages causés par un véhicule non identifié ou insuffisamment assuré, versée par l'organisme agréé à cet effet, ne doit prévoir le remboursement des frais exposés par les victimes en vue du traitement de leur demande d'indemnisation que pour autant que ce remboursement est nécessaire à la sauvegarde des droits que les victimes tirent de la deuxième directive dans le respect des principes de l'équivalence et d'effectivité. Il appartient à la juridiction de renvoi d'apprécier si tel est le cas dans le système procédural mis en place dans l'État membre concerné.

    Sur l'éventuelle responsabilité de l'État membre concerné

    Observations présentées à la Cour

    79. M. Evans fait valoir que les conditions requises pour engager la responsabilité du Royaume-Uni du fait de la nontransposition de la deuxième directive sont réunies. Le résultat prescrit par la directive comporterait manifestement l'attribution d'un droit au profit des particuliers, les victimes de véhicules non identifiés ou non assurés, catégorie dont le requérant ferait partie. Le contenu de ce droit, à savoir obtenir une indemnisation de la part d'un organisme agréé, pourrait être identifié sur la base des dispositions de la directive. La Cour n'aurait pas à examiner la question du lien de causalité qui relèverait de l'appréciation de la juridiction nationale. Enfin, la violation serait suffisamment caractérisée, le Royaume-Uni s'étant abstenu d'adopter toute mesure en vue de transposer la directive.

    80. Pour le gouvernement du Royaume-Uni, les deux premières violations alléguées, c'est-à-dire l'absence de dispositions relatives à l'octroi d'intérêts et au remboursement des frais exposés dans le cadre de la demande d'indemnisation, soulèvent à tout le moins des interrogations. De même, il aurait été raisonnable pour le Royaume-Uni de considérer que le système procédural mis en place satisfaisait à l'exigence d'un contrôle juridictionnel effectif. Enfin, la prétendue violation qui aurait consisté dans un agrément incorrect de l'organisme chargé de l'indemnisation des victimes de dommages causés par des véhicules non identifiés, à la supposer établie, n'aurait en tout état de cause pas occasionné de préjudice à M. Evans.

    81. La Commission estime qu'il appartient à la juridiction nationale d'établir s'il existe en l'espèce une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire. À cet égard, elle souligne cependant que les notions d'intérêts et de frais afférents à la demande d'indemnisation ne sont pas mentionnées en tant que telles dans la deuxième directive, qu'il n'existe aucune jurisprudence sur ces points et que la Commission ne les a jamais évoquées auparavant à propos de la transposition de la deuxième directive. Elle ajoute que la question relative à la compatibilité du système mis en place au Royaume-Uni avec le droit d'accès au juge exige des précisions supplémentaires.

    Réponse de la Cour

    82. Selon une jurisprudence établie, le principe de la responsabilité d'un État membre pour des dommages causés aux particuliers par des violations du droit communautaire qui lui sont imputables est inhérent au système du traité (voir, notamment, arrêts du 19 novembre 1991, Francovich e.a., C-6/90 et C-9/90, Rec. p. I-5357, point 35; du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame, C46/93 et C-48/93, Rec. p. I-1029, point 31, et du 4 juillet 2000, Haim, C-424/97, Rec. p. I5123, point 26).

    83. Pour ce qui est des conditions dans lesquelles un État membre est tenu de réparer les dommages causés aux particuliers par des violations du droit communautaire qui lui sont imputables, il résulte de la jurisprudence de la Cour qu'elles sont au nombre de trois, à savoir que la règle de droit violée ait pour objet de conférer des droits aux particuliers, que la violation soit suffisamment caractérisée et qu'il existe un lien de causalité direct entre la violation de l'obligation qui incombe à l'État et le dommage subi par les personnes lésées (arrêt Haim, précité, point 36).

    84. À supposer que le système de compensation mis en place au Royaume-Uni révèle, à la suite de l'examen auquel doit procéder le juge de renvoi selon les indications fournies par la Cour, un ou des défauts de transposition, il incombera donc à la juridiction nationale de constater si ce ou ces défauts ont causé un préjudice à M. Evans.

    85. Si tel est le cas, il y aura alors lieu d'établir si la violation de l'obligation de transposition de la deuxième directive qui incombait au Royaume-Uni est suffisamment caractérisée.

    86. À cet égard, il convient de tenir compte de tous les éléments qui caractérisent la situation. Parmi ces éléments figurent notamment le degré de clarté et de précision de la règle violée, le caractère intentionnel ou involontaire du manquement commis ou du préjudice causé, le caractère excusable ou inexcusable d'une éventuelle erreur de droit, la circonstance que les attitudes prises par une institution communautaire ont pu contribuer à l'adoption ou au maintien de mesures ou de pratiques nationales contraires au droit communautaire (arrêt Haim, précité, point 43).

    87. La mise en oeuvre de ces critères doit, en principe, être opérée par les juridictions nationales, conformément aux orientations fournies par la Cour pour procéder à cette mise en oeuvre (voir, notamment, arrêt Brasserie du pêcheur et Factortame, précité, points 55 à 58).

    88. Dès lors, il convient de constater qu'il incombe à la juridiction de renvoi, dans l'hypothèse où l'examen du système de compensation mis en place révélerait un défaut de transposition de la deuxième directive et où ce défaut aurait causé un préjudice à M. Evans, d'établir si la violation constatée de l'obligation de transposition est suffisamment caractérisée.

    Décisions sur les dépenses


    Sur les dépens

    89. Les frais exposés par le gouvernement du Royaume-Uni et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

    Dispositif


    Par ces motifs,

    LA COUR (cinquième chambre)

    statuant sur les questions à elle soumise par la High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division, par ordonnance du 17 mai 2000, dit pour droit:

    1) L'article 1 er , paragraphe 4, de la deuxième directive 84/5/CEE du Conseil, du 30 décembre 1983, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, doit être interprété en ce sens que:

    - Un organisme peut être considéré comme agréé par un État membre, au sens de cette disposition, lorsque son obligation d'octroyer une compensation aux victimes de dommages causés par des véhicules non identifiés ou insuffisamment assurés trouve sa source dans un accord conclu entre cet organisme et une autorité publique de l'État membre, à la condition que l'accord soit interprété et appliqué comme obligeant l'organisme à fournir aux victimes la compensation que leur garantit la directive 84/5 et que les victimes puissent s'adresser directement à cet organisme.

    - Des modalités procédurales telles que celles mises en place au Royaume-Uni sont suffisantes pour assurer la protection que les victimes de dommages causés par des véhicules non identifiés ou insuffisamment assurés tirent de la directive 84/5.

    - La compensation octroyée pour des dommages causés par un véhicule non identifié ou insuffisamment assuré, versée par l'organisme agréé à cet effet, doit tenir compte de l'écoulement du temps jusqu'au paiement effectif des sommes allouées afin de garantir une indemnisation suffisante aux victimes. Il incombe aux États membres de fixer les règles applicables à cet égard.

    - La compensation octroyée pour des dommages causés par un véhicule non identifié ou insuffisamment assuré, versée par l'organisme agréé à cet effet, ne doit prévoir le remboursement des frais exposés par les victimes en vue du traitement de leur demande d'indemnisation que pour autant que ce remboursement est nécessaire à la sauvegarde des droits que les victimes tirent de la directive 84/5 dans le respect des principes de l'équivalence et d'effectivité. Il appartient à la juridiction de renvoi d'apprécier si tel est le cas dans le système procédural mis en place dans l'État membre concerné.

    2) Il incombe à la juridiction de renvoi, dans l'hypothèse où l'examen du système de compensation mis en place révélerait un défaut de transposition de la directive 84/5 et où ce défaut aurait causé un préjudice à M. Evans, d'établir si la violation constatée de l'obligation de transposition est suffisamment caractérisée.

    Op