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Document 32016D0449

Décision (UE) 2016/449 de la Commission du 28 juillet 2015 concernant l'aide d'État SA.38544 2014/C (ex 2014/N) (que la France envisage de mettre à exécution en faveur de Kem One) [notifiée sous le numéro C(2015) 5169] (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

JO L 86 du 1.4.2016, p. 1–41 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

Legal status of the document In force

ELI: http://data.europa.eu/eli/dec/2016/449/oj

1.4.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 86/1


DÉCISION (UE) 2016/449 DE LA COMMISSION

du 28 juillet 2015

concernant l'aide d'État SA.38544 2014/C (ex 2014/N) (que la France envisage de mettre à exécution en faveur de Kem One)

[notifiée sous le numéro C(2015) 5169]

(Le texte en langue française est le seul faisant foi.)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment son article 108, paragraphe 2, premier alinéa,

vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément auxdits articles (1) et vu ces observations,

considérant ce qui suit:

1.   PROCÉDURE

(1)

Après des contacts préalables, la France a notifié à la Commission, le 30 juillet 2014, trois mesures de soutien financier (un prêt FDES, des subventions et avances remboursables et un éventuel abandon de créances fiscales et sociales) inscrites dans le cadre du plan de restructuration par voie de continuation de la société Kem One SAS (ci-après «Kem One» ou «l'entreprise»).

(2)

Par lettre du 1er octobre 2014, la Commission a informé la France de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 108, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) à l'égard de ces mesures (ci-après la «décision d'ouverture»). La France a transmis ses observations par lettre du 3 novembre 2014.

(3)

La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne  (2). La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur les mesures en cause.

(4)

La Commission a reçu des observations à ce sujet de la part de six tiers intéressés. Elle les a transmises à la France en lui donnant la possibilité de les commenter, et a reçu ses commentaires par lettre du 25 février 2015.

(5)

Le 20 mars 2015, la France a transmis des informations additionnelles étayant ses observations. Le même jour, la Commission a demandé des informations supplémentaires, que la France a fournies le 8 mai 2015. La Commission a par la suite demandé des informations complémentaires le 23 juin 2015, que la France a fournies le 2 juillet 2015.

(6)

Par ailleurs, plusieurs conférences téléphoniques et réunions se sont tenues entre la Commission et les autorités françaises.

2.   ÉLÉMENTS DE CONTEXTE

2.1.   LE BÉNÉFICIAIRE: KEM ONE

(7)

Kem One était une filiale à 100 % de Kem One Holding, qui a été constituée en 2012 pour permettre la filialisation et la reprise des activités vinyliques d'Arkema par le groupe Klesch, groupe financier basé en Suisse. En 2012, Kem One et ses filiales (Kem One Italia et Kem One Hernani) ont généré un chiffre d'affaires total de […] (*) millions d'EUR, dont […] millions d'EUR en France qui est son principal centre de production et de vente. Elles emploient 1 315 salariés en France et environ 80 en Espagne et en Italie.

Schéma 1

Structure du groupe Kem One avant la reprise

Image

Source: Notification.

(8)

Kem One exerce plusieurs activités appartenant à une filière verticalement intégrée allant de la production de sel jusqu'à la transformation du polychlorure de vinyle (PVC). Ainsi, Kem One regroupe les activités situées en amont qui consistent dans la production et la commercialisation de produits chloro-chimiques et de PVC à destination de nombreux secteurs économiques: automobile, construction, secteur agricole et secteur de la santé.

Schéma 2

Activités de Kem One au sein de la chaîne de production du PVC

Image

Source: Commission sur la base des informations fournies par la France et des observations des tiers intéressés.

(9)

Les activités de Kem One ont pour principale finalité de produire ([…] % du chiffre d'affaires) et de commercialiser du PVC. Kem One produit trois types de PVC: i) des PVC à usages généraux (M-PVC et S-PVC), qui représentent […] % du volume de la production de PVC, ii) des PVC émulsion (E-PVC), qui représentent […] % du volume de la production de PVC mais […] % de la marge totale liée à l'activité PVC, et iii) des PVC surchlorés (PVC-C), qui représentent […] % du volume de la production de PVC. Il ressort de la pratique décisionnelle de la Commission (3) que le marché du PVC comprend deux segments de marché distincts: le S-PVC et le E-PVC. Au sein du segment des S-PVC, une sous-segmentation supplémentaire doit être effectuée par type de S-PVC: S-PVC de base, S-PVC de spécialité et polymère charge. Il en est de même pour le segment des E-PVC (pâte de PVC, E-PVC de spécialité).

(10)

Par ailleurs, la Commission a considéré que ces marchés sont vraisemblablement de dimension européenne (à l'échelle de l'Espace économique européen — EEE), et qu'il est possible, pour le segment du S-PVC, de retenir une zone géographique plus étroite, correspondant à l'Europe de l'Ouest, voire à l'Europe du Nord-Ouest (Allemagne, Belgique, Danemark, France, Irlande, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède pris ensemble).

(11)

Aujourd'hui, Kem One est principalement présente sur le marché du S-PVC de base. Kem One estime que ses parts de marché ainsi que celles de ses concurrents seraient les suivantes:

Tableau 1

Parts de marché pour le S-PVC de base en Europe du Nord-Ouest (2012-2014)

S-PVC — Europe du Nord-Ouest

 

2012

2013

2014

PDM

(volume)

(%)

PDM

(valeur)

(%)

PDM

(volume)

(%)

PDM

(valeur)

(%)

PDM

(volume)

(%)

PDM

(valeur)

(%)

Kem One

[10-20]

[5-20]

[5-10]

[5-20]

[10-20]

[5-20]

Ineos

[30-40]

[30-40]

[30-40]

[30-40]

[30-40]

[30-40]

SolVin

[20-30]

[20-30]

[20-30]

[20-30]

[20-30]

[20-30]

ShinEtsu

[10-20]

[10-20]

[10-20]

[10-20]

[10-20]

[10-20]

Vinnolit

[0-10]

[0-10]

[0-10]

[0-10]

[0-10]

[0-10]

Vestolit

[0-10]

[0-10]

[0-10]

[0-10]

[0-10]

[0-10]

Source: Réponse de la France en date du 7 juillet 2015.

(12)

Sur le marché du E-PVC, la France estime que l'entreprise commune d'Ineos et Solvay détiendrait une part de marché en termes de capacités d'environ [20-30] %, tandis que la part de marché de Vinnolit serait de [30-40] % environ, celle de Vestolit de [10-20] % et celle de Kem One de [10-20] %. Ainsi, les trois concurrents les plus importants (Vinnolit, l'entreprise commune d'Ineos et Solvay et Vestolit) représenteraient ensemble presque [80-90] % des capacités de production et des ventes de E-PVC en Europe de l'Ouest.

(13)

Outre le PVC, Kem One produit et commercialise de la soude, des chlorométhanes et du chlore utilisé pour la fabrication du PVC (4).

2.2.   LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR KEM ONE

(14)

Les difficultés rencontrées découlent à la fois de handicaps structurels et de la crise mondiale qui a entraîné des pertes financières importantes entre le deuxième semestre 2012 et le début de l'année 2013.

2.2.1.   Les handicaps structurels de Kem One

2.2.1.1.   La désintégration verticale de la chaîne éthylène

(15)

Les autorités françaises considèrent que la compétitivité des acteurs du secteur du PVC repose sur différents facteurs, dont le prix d'accès à l'énergie et aux matières premières, l'intégration et la taille des unités de toute la chaîne vinylique, leur implantation géographique et la logistique associée, les technologies des unités et la possibilité pour certains acteurs de valoriser deux fois le chlore.

(16)

Les activités actuelles de Kem One se sont développées au sein du pôle vinylique d'Arkema, qui est devenu un groupe indépendant en 2006. Ces activités ont ensuite été cédées au groupe Klesch en 2012. La structure actuelle de Kem One est le résultat de plusieurs découpages lors des différentes cessions d'activités préexistantes dans le secteur de la chimie en France, qui ont entraîné une désintégration verticale de la chaîne éthylène défavorable à Kem One en raison de l'importance des coûts que représente l'achat d'éthylène dans la production de PVC. Ainsi, Kem One ne bénéficie pas d'un accès intégré à l'éthylène, en raison notamment de la coupure du lien avec le vapocraqueur de Total, qui constitue sa source d'approvisionnement en éthylène. Les principaux concurrents de Kem One bénéficient d'une situation d'intégration partielle grâce à des productions intégrées d'éthylène pour une partie de leurs besoins (vapocraqueurs d'Ineos en Norvège et de Solvay en France) ou à des accords à long terme équivalents à une forme d'intégration (c'est le cas de SHIN-ETSU aux Pays-Bas pour l'accès au vapocraqueur de Shell).

2.2.1.2.   Le cœur de l'outil de production (électrolyse) est vieillissant et sous-performant

(17)

Sur quatre unités d'électrolyse, une seule peut être considérée comme technologiquement moderne et trois sont fortement consommatrices d'énergie (les installations d'électrolyse à diaphragme de Fos-sur-Mer et Lavéra et d'électrolyse à mercure de Lavéra). Les principaux concurrents de Kem One se sont engagés dans des conversions de leurs installations d'électrolyse à mercure et diaphragme vers l'électrolyse à membrane dans la période 2003-2013.

(18)

Ainsi, Kem One n'a que […] % des capacités les plus modernes (électrolyse à membrane) alors que cette technologie représente près de […] % des capacités existantes.

2.2.1.3.   Des coûts de production élevés

(19)

Le transfert des activités vinyliques d'Arkema à Klesch n'a pas été précédé d'une filialisation et d'une restructuration interne, qui auraient optimisé les coûts de structure. Ces derniers représentaient une charge de […] millions d'EUR en 2013.

(20)

En outre, de nombreux contrats de services et de prestations ont dû être mis en place entre Arkema et Kem One, ce qui a généré des déficits de compétitivité.

2.2.1.4.   Une politique commerciale trop orientée vers le Sud de l'Europe

(21)

Le positionnement géographique de Kem One, dont les principales unités de production ont un accès direct à la Méditerranée, a conduit à la mise en place d'une politique de vente (PVC et soude) largement orientée vers les pays du Sud de l'Europe, dont les marchés ont été directement touchés par la crise de 2008-2009 et par l'importation de produits à bas prix, en particulier de soude, par comparaison avec ceux des marchés de la zone de l'Europe du Nord-Ouest. Cette orientation de la politique commerciale a contribué à la dégradation de la marge de Kem One.

2.2.2.   Les difficultés financières de Kem One

(22)

La mauvaise conjoncture économique du deuxième semestre 2012 et du début de l'année 2013 a rapidement conduit Kem One à des pertes financières importantes.

(23)

Les effets négatifs de la crise ont été renforcés par plusieurs événements qui ont entraîné une baisse significative des ventes et ont affecté la marge de l'entreprise: arrêt quinquennal du site de Fos-sur-Mer en 2012 plus long que prévu, problème de la qualité de l'éthylène fourni par Total, incident majeur survenu sur le vapocraqueur de Total à Lavéra fin décembre 2012, qui a entraîné son arrêt total jusqu'en mars 2013, puis son fonctionnement à mi-capacité.

2.2.3.   La cessation des paiements et l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire

(24)

Les difficultés récurrentes rencontrées par Kem One ont conduit celle-ci à solliciter l'ouverture d'une procédure de conciliation auprès du tribunal de commerce de Lyon en janvier 2013. Aucun accord n'ayant été trouvé, ledit tribunal a constaté, le 27 mars 2013, la cessation de paiements de Kem One et a prononcé l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire.

(25)

Par jugement du 20 décembre 2013, le tribunal de commerce de Lyon a retenu l'offre conjointe émanant de M. Alain de Krassny et de la société d'investissement OpenGate Capital (ci-après «OpenGate») et a validé le plan de redressement. Le plan de redressement vise à la continuation de l'entreprise.

(26)

Une nouvelle société, K1 Group SAS (ci-après «K1»), a été constituée pour les besoins du plan de redressement; elle a vocation à acquérir et détenir les titres de Kem One et de Kem One Innovative Vinyls. K1 est détenue à 50 % par la société AK1, contrôlée par M. de Krassny, et à 50 % par la société K1 International, contrôlée par OpenGate.

2.3.   DESCRIPTION DES MESURES DE SOUTIEN PUBLIC

(27)

[…] (5):

un prêt du Fonds de Développement économique et Social (ci-après «le prêt FDES») d'un montant maximum en principal de 30 millions d'EUR;

une subvention d'un montant de 15 millions d'EUR et des avances remboursables d'un montant maximum de 80 millions d'EUR;

un éventuel abandon de créances sociales et fiscales à la demande du repreneur.

2.3.1.   Le prêt FDES (30 millions d'EUR)

(28)

Le FDES est utilisé par les autorités françaises comme un outil d'accompagnement de la restructuration de certaines entreprises en difficulté. La doctrine d'emploi du FDES s'appuie actuellement sur la circulaire du 26 novembre 2004 relative à l'action de l'État dans la prévention et le traitement des difficultés des entreprises (6). Le FDES intervient sous forme de prêts, limités aux entreprises dont la viabilité est assurée à l'issue de la période de restructuration et dont la disparition emporterait des conséquences majeures sur l'ensemble d'une filière ou d'une région. Dans tous les cas, l'État intervient en cofinancement avec le secteur privé. En novembre 2013, le ministre du Redressement productif a mis en place un dispositif exceptionnel qui visait, dans le cadre du FDES, à soutenir plus particulièrement les entreprises de taille intermédiaire (7), qui font souvent l'objet de procédures collectives.

(29)

Le prêt FDES de 30 millions d'EUR est destiné à servir de garantie à l'octroi de crédits fournisseurs à Kem One et à participer au financement de ses besoins en fonds de roulement ainsi que de ses besoins de trésorerie à court terme.

(30)

Le prêt sera octroyé à Kem One après la signature du contrat de prêt et son octroi sera subordonné notamment à la souscription par les repreneurs à une augmentation de capital en numéraire de 10 millions d'EUR au minimum entièrement libérés.

(31)

Le prêt produira des intérêts au taux fixe annuel de 3,5 %. Kem One remboursera le prêt FDES en sept versements annuels.

(32)

L'État bénéficie d'un gage de premier rang consenti par Kem One sur son matériel et ses équipements. La valeur nette comptable des matériels et équipements, telle qu'inscrite dans les comptes arrêtés au 31 décembre 2013, est de 138,49 millions d'EUR. Compte tenu de la validation des apports par un commissaire aux comptes en juillet 2012 et de l'absence de circonstances exceptionnelles pouvant remettre en question les durées d'amortissement, les autorités françaises considèrent que les valeurs nettes comptables reflètent la valeur réelle de ces actifs.

2.3.2.   La subvention (15 millions d'EUR) et les avances remboursables (80 millions d'EUR)

(33)

Ces mesures de financement sont destinées à la mise en œuvre du projet SAM de conversion de l'outil industriel (unité d'électrolyse à mercure du site de Lavéra) dans le cadre du programme d'investissements d'avenir «aide à la réindustrialisation».

(34)

Dans sa notification, la France a convenu que la subvention constituait une aide d'État.

(35)

Les avances seront remboursables sur sept ans. Elles incluent un différé d'amortissement de deux ans et sont décomposées en deux tranches: i) 65 millions d'EUR au taux fixe annuel de 3,5 % et ii) 15 millions d'EUR au taux fixe annuel de 10 %.

(36)

Dans le cadre de la mise à disposition de ces financements, un comité de suivi regroupant des représentants de l'État, de Kem One et des repreneurs sera mis en place. Il sera chargé de la validation des dépenses engagées au titre du projet SAM, de la validation du maintien de l'activité et des emplois sur le site de Lavéra et de l'observation de la conformité des éventuelles «management fees» (commissions de direction) perçues par M. de Krassny.

2.3.3.   L'éventuel abandon de créances fiscales et sociales

(37)

Dans sa notification, la France évalue les créances fiscales et sociales dues par Kem One à 42 millions d'EUR.

(38)

Le 20 février 2014, Kem One a saisi la Commission des Chefs de Services Financiers (ci-après «CCSF»), compétente en matière de remise de dettes fiscales et sociales.

(39)

[…], Kem One a déposé auprès du tribunal de commerce de Lyon une requête en modification substantielle du plan de redressement de l'entreprise conformément à l'article L626-26 du code de commerce (8), avec une demande de remise importante des dettes publiques légalement rémissibles. Conformément au jugement du tribunal de commerce de Lyon, la demande de remise de Kem One porte sur 90 % de la partie rémissible desdites dettes. Les autorités françaises ont retenu le montant de […] EUR, qui correspond à […] % des dettes fiscales et sociales. La demande de remise n'avait pas encore été formellement instruite par la CCSF au jour de la notification des mesures d'aide à la Commission.

2.4.   LE PLAN DE RESTRUCTURATION DE KEM ONE

2.4.1.   Les mesures envisagées

(40)

Le plan de restructuration repose sur la continuation de l'activité de Kem One, regroupée avec les autres filiales détenues par Kem One Innovative Vinyls SASU afin de reconstituer le périmètre des activités en amont et en aval.

(41)

Le plan de restructuration comporte trois types de mesures: industrielles, commerciales et financières.

2.4.1.1.   Mesures industrielles: modernisation de l'outil de production, en particulier les installations d'électrolyse de Lavéra

(42)

Ce projet comporte trois objectifs principaux:

se conformer à l'engagement volontaire pris par les producteurs de chlore regroupés au sein d'Eurochlor d'éliminer la technologie au mercure de la production de chlore à l'horizon 2020;

restaurer la compétitivité du site de Lavéra dans la filière chlore-soude-chlorométhanes-CVM au niveau de celle de ses concurrents européens grâce à la production de chlore au moyen de la technologie à membrane;

conserver l'intégration verticale du site en amont, par l'accès à la saumure de Vauvert, et en aval, par les débouchés CVM et chlorométhanes.

(43)

L'estimation faite par Kem One du rattrapage de son retard de compétitivité est de l'ordre de [20-40] millions d'EUR par an sur les coûts de production. La mise en service est prévue en 2016. Le montant total des coûts du projet SAM s'élève à [150-250] millions d'EUR.

2.4.1.2.   Mesures commerciales: réorientation de la politique commerciale vers les débouchés à valeur ajoutée

(44)

Kem One envisage de saturer ses capacités de production pour les débouchés les plus rentables, notamment le PVC-C ou le E-PVC et l'activité chlore liquide, permettant ainsi une augmentation de sa marge à capacité de chlore constante.

(45)

Kem One entend aussi développer ses ventes en France et en Europe du Nord-Ouest pour la soude et le S-PVC de base.

(46)

Le plan de redressement prévoit un gain de [10-30] millions d'EUR d'ici à 2016, soit une progression d'environ [0-10] % du taux de marge brute sur le chiffre d'affaires.

2.4.1.3.   Mesures financières: réduction des frais de structure

(47)

Le plan prévoit la suppression de [90-110] postes de travail. [1-15] salariés se sont vu notifier des modifications substantielles de leur contrat de travail en raison de la fermeture du site d'Aix-en-Provence. S'agissant du reclassement, [80-100] postes de travail ont été recensés au sein de Kem One et du groupe. Ce plan social correspond à [0-10] millions d'EUR d'économies de coûts salariaux.

(48)

Le plan prévoit également des économies de frais de structure de [10-20] millions d'EUR liées à une réduction des coûts d'assurance, à la fermeture de l'antenne du siège social à Aix-en-Provence et au report de projets informatiques.

(49)

Enfin, le plan vise [15-25] millions d'EUR d'économies résultant de l'amélioration de la productivité: réduction des frais fixes et variables, amélioration des rendements. Ces mesures sont indépendantes du projet SAM et ont vocation à être réalisées en 2014 et 2015.

2.4.2.   Estimation des coûts de restructuration et financement du plan de restructuration

(50)

Les coûts de restructuration s'élèvent à 222 millions d'EUR: le projet de conversion des installations d'électrolyse de Lavéra ([150-210] millions d'EUR) et les forages de deux doublets à la saline de Vauvert ([15-30] millions d'EUR).

(51)

Afin de financer les coûts de restructuration, le plan prévoit les financements suivants:

Tableau 2

Sources des financements prévus dans le plan de restructuration, tels que présentés dans la notification

Contributions privées (Mio EUR)

Contributions publiques (Mio EUR)

Autofinancement

[30-40]

Subventions

15

Prêt bancaire

[60-70] (9)

Avances remboursables

80

Financement [opérateur privé 1]

[35-45]

Prêt FDES

30

Financement [opérateur privé 2] (financement par voie d'affacturage)

[40-50]

 

Augmentation de capital

10

Total

187,5

Total

125

Total des financements

312,5

Source: Notification.

(52)

Le financement de la restructuration est complété par des mesures d'abandon de créances de la part de créanciers privés, à hauteur de 158,8 millions d'EUR et de la part de créanciers publics, à hauteur de […] EUR.

(53)

Enfin dans le cadre de la cession des titres de Kem One à K1, Kem One Trésorerie a reversé à Kem One un montant de [10-19] millions d'EUR, correspondant à la garantie dite «Seveso» qui avait été constituée par le groupe Kem One Holding via Kem One Trésorerie pour les sites de Kem One en France lors de leur transfert par Arkema, en application de l'article L515-8 du code de l'environnement (10), relatif aux installations classées pour la protection de l'environnement. Les autorités françaises ont précisé que si la libération et le transfert à Kem One du montant de la garantie Seveso initialement constituée par le groupe Klesch ont un effet positif immédiat sur sa trésorerie, le montant correspondant n'a pas été comptabilisé comme un apport privé en raison du fait qu'il devra être progressivement affecté à la reconstitution desdites garanties financières.

2.4.3.   Le plan d'affaires de Kem One

(54)

Le plan d'affaires de Kem One couvre la période 2013-2017, avec un retour de l'entreprise à la viabilité prévu dès 2017 sur la base d'hypothèses réalistes, selon les autorités françaises. Dans le scénario médian, Kem One retrouve un niveau de trésorerie satisfaisant dès 2014, un niveau de marge brute de [25-35] % du chiffre d'affaires dès 2017 et un niveau d'EBITDA de l'ordre de [4-12] % à partir de 2018, en ligne avec les références du secteur de la chimie des commodités.

(55)

L'amélioration de la viabilité résultera notamment des cinq mesures suivantes: des apports privés significatifs pour une reconstitution immédiate de la trésorerie; des investissements permettant de fiabiliser les opérations d'électrolyse et de forage afin d'améliorer la compétitivité de l'entreprise; la renégociation de contrats d'accès aux matières premières et de plates-formes industrielles; une restructuration interne associée à un plan de performance et de productivité et une révision de la politique commerciale du positionnement de Kem One sur le marché.

(56)

Les autorités françaises considèrent que les hypothèses retenues sont réalistes: les gains escomptés sont déjà pris en compte par de nouveaux contrats; à l'exception des unités d'électrolyse, la taille des unités de CVM et de S-PVC se situe au niveau des meilleures unités concurrentes de l'Europe de l'Ouest; enfin, les hypothèses de prix de marché n'anticipent pas une reprise de la demande ou une amélioration de l'équilibre entre l'offre et la demande en PVC, pourtant prévue par les principaux consultants de la profession.

(57)

Le plan d'affaires prend aussi en considération des scénarios alternatifs. Dans le scénario pessimiste, les autorités françaises émettent l'hypothèse que des incidents répétés de production amputent la production et les ventes de [8-14] % par rapport au scénario médian, ainsi que les coûts variables et les gains identifiés sur les contrats d'approvisionnement. L'EBITDA reste dégradé sur la période 2014-2016 ([1-5] % du chiffre d'affaires). La trésorerie retrouve un niveau satisfaisant dès la fin de 2014 mais ne permet pas à Kem One de réduire sa dette. Cependant, le retour à la viabilité à long terme est assuré même dans ce scénario grâce au projet de conversion des installations d'électrolyse.

(58)

Le scénario optimiste fait l'hypothèse d'une augmentation progressive des prix de vente du PVC de commodité et de la soude pour les prochaines années. Dans ce scénario, la trésorerie retrouve un niveau satisfaisant dès 2014 (+ [40-60] millions d'EUR). Le plan permet également à Kem One de financer certains de ses investissements ([300-500] millions d'EUR entre 2014 et 2020), de réduire sa dette sur la période 2017-2020 et de parvenir à un niveau d'EBITDA de [10-15] % à partir de 2018.

3.   DOUTES SOULEVÉS DANS LA DÉCISION D'OUVERTURE

(59)

Par décision du 1er octobre 2014, la Commission a ouvert la procédure formelle d'examen. Dans cette décision d'ouverture, la Commission a exprimé des doutes tant sur la qualification d'aide d'État des mesures examinées que sur leur éventuelle compatibilité avec le marché intérieur en application des règles applicables aux aides d'État accordées aux entreprises en difficulté.

3.1.   QUALIFICATION D'AIDE D'ÉTAT

(60)

En ce qui concerne les trois mesures notifiées, à savoir i) le prêt FDES, ii) la subvention et les avances remboursables et iii) l'abandon de créances, la Commission s'interrogeait sur la présence d'un avantage économique et, en cas de réponse positive, sur son montant.

3.1.1.   Prêt FDES

3.1.1.1.   Valeur des sûretés

(61)

La Commission s'interrogeait tout d'abord sur les conditions du prêt FDES. En ce qui concerne les sûretés, la Commission émettait plusieurs réserves sur l'estimation de leur valeur. Tout d'abord, les autorités françaises ne précisaient pas quels matériels et quels équipements sont gagés. La Commission notait également que le caractère vieillissant et sous-performant, voire obsolète, de certains outils de production est présenté par les autorités françaises comme une des principales difficultés de Kem One; c'est le cas notamment des unités d'électrolyse à mercure et à diaphragme. Par conséquent, la Commission s'interrogeait sur la valeur réelle des équipements et matériels gagés et doute que la valeur nette comptable retenue pour l'estimation des sûretés soit la valeur la plus pertinente, notamment en comparaison avec la solution alternative qui reviendrait à estimer la valeur des gages en fonction des recettes nettes que leur exploitation peut dégager.

3.1.1.2.   Niveau de rémunération du prêt

(62)

Au regard de ces doutes, majorer de 400 points de base le taux de référence de la France au moment de l'octroi du prêt (0,53 %) afin de calculer la rémunération du prêt apparaissait insuffisant.

(63)

La Commission avait également des doutes sur les conditions de rémunération du prêt. En effet, les autorités françaises, en appliquant la communication de la Commission relative à la révision de la méthode de calcul des taux de référence et d'actualisation (ci-après la «communication sur les taux de référence de 2008») (11), parviennent à une rémunération de 4,53 %, mais ont retenu un taux de 3,5 %.

(64)

La Commission considérait au contraire que la majoration concernant la qualité des sûretés étant insuffisante et que le taux devrait se situer plutôt dans la fourchette comprise entre 6,53 % et 10,53 % (12).

(65)

La Commission notait également qu'en l'absence de prêt octroyé à Kem One par une banque privée dans les mêmes conditions, dans le contexte des difficultés et de la restructuration de l'entreprise, l'intégralité du prêt pourrait être considérée comme un montant d'aide.

3.1.2.   Subvention et avances remboursables

(66)

La Commission était d'avis qu'une subvention constitue un avantage économique que le bénéficiaire n'obtiendrait pas à des conditions de marché. En effet, une subvention est un instrument financier dont le capital n'est pas remboursable et qui ne génère pas d'intérêt à payer par le bénéficiaire. Il était donc exclu qu'un prêteur privé, qui a un coût de financement et doit rémunérer son capital, accepte de financer une entreprise par des subventions.

(67)

S'agissant des avances remboursables, la Commission notait la présence de certaines conditions liées à leur octroi qu'un prêteur privé n'aurait vraisemblablement pas exigées. Il s'agissait notamment de la condition relative au maintien de l'activité et des emplois sur le site de Lavéra pendant les cinq ans qui suivent la réalisation du projet, sauf si la pérennité de Kem One le justifiait et après accord préalable de l'État. En outre, en l'absence de la démonstration par les autorités françaises que des prêteurs privés auraient été disposés à prêter un tel montant dans les mêmes conditions à une entreprise en difficulté, la Commission considérait que la totalité des avances remboursables pourrait être considérée comme une aide.

3.1.3.   Éventuel abandon de créances sociales et fiscales

(68)

La Commission observait tout d'abord que les pourcentages d'abandon de créances n'étaient pas les mêmes pour les créanciers privés (70 %) et pour les créanciers publics ([…] %), alors même qu'il n'était pas certain que l'État soit placé dans les mêmes conditions que les créanciers privés qui entretenaient des relations anciennes avec Kem One.

(69)

Par ailleurs, s'agissant du principe du créancier privé en économie de marché, un abandon de créances constitue a priori une aide puisqu'il avantage une entreprise vis-à-vis de ses concurrents en allégeant ses charges. Cela est d'autant plus vrai lorsque l'entreprise est en difficulté et fait l'objet d'une procédure collective. En l'espèce, la Commission s'interrogeait sur les motivations de cet abandon de créances fiscales et sociales, qui auraient contribué à privilégier l'offre d'un repreneur. La Commission n'écartait pas la possibilité que le montant d'aide soit égal au montant total de l'abandon envisagé.

3.2.   EXAMEN DE COMPATIBILITÉ

(70)

Concernant la compatibilité des mesures avec les règles applicables en matière d'aides d'État, la Commission a considéré que la base juridique applicable était constituée par les lignes directrices communautaires concernant les aides d'État au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté de 2004 (ci-après les «lignes directrices de 2004») (13). À cette aune, la Commission a soulevé des doutes relatifs i) au retour à la viabilité à long terme de Kem One, ii) à la prévention de toute distorsion de concurrence, et iii) à la limitation de l'aide au minimum nécessaire.

3.2.1.   Le retour à la viabilité à long terme de Kem One

(71)

Tout d'abord, la Commission s'interrogeait sur la durée exacte du plan de restructuration, faute de précision sur ce point de la part de la France.

(72)

La Commission observait ensuite que les autorités françaises n'incluaient dans les coûts de la restructuration que les coûts liés à la modernisation de l'appareil productif [projet de conversion des unités d'électrolyse de Lavéra ([150-210] millions d'EUR) et forages de deux doublets à la saline de Vauvert ([15-30] millions d'EUR)]. La Commission considérait que la restructuration interne de Kem One devait nécessairement engendrer des coûts supplémentaires liés à la réduction des frais de structure et à la réorientation de la politique commerciale.

(73)

Par ailleurs, la Commission s'interrogeait sur la crédibilité de certains éléments des scénarios de retour à la viabilité à long terme présentés par la France. Ainsi, le rétablissement de la trésorerie semblait incertain, que ce soit dans le scénario nominal ou dans le scénario pessimiste.

(74)

Les trois scénarios proposés par la France dans la notification intégraient l'obtention d'un prêt bancaire de [60-70] millions d'EUR en 2016 auprès d'établissements financiers privés. Or, à ce stade, les autorités françaises ne semblaient disposer d'aucune garantie sur l'obtention de ce prêt. Cette incertitude fragilisait donc le caractère réaliste des trois scénarios.

3.2.2.   La prévention de toute distorsion de concurrence

(75)

En l'absence de toute mesure compensatoire proposée par la France, la Commission rappelait que la présence de mesures compensatoires constitue un des critères de compatibilité d'une aide à la restructuration. Elle invitait par conséquent les autorités françaises à lui proposer des mesures compensatoires susceptibles de prendre en compte l'ensemble de leurs arguments.

3.2.3.   La limitation de l'aide au minimum

(76)

La Commission émettait des doutes sur les données prises en compte par les autorités françaises pour calculer le montant de la contribution propre de Kem One, et, partant, sur le respect de la règle selon laquelle la contribution propre d'une grande entreprise aux coûts de sa restructuration doit représenter 50 % du montant total.

4.   RÉPONSE DE LA FRANCE À LA DÉCISION D'OUVERTURE

(77)

Par lettre du 3 novembre 2014, la France a présenté ses observations sur la décision d'ouverture.

4.1.   SUR LA QUALIFICATION D'AIDE D'ÉTAT

4.1.1.   Prêt FDES

4.1.1.1.   Valeur des sûretés

(78)

La France souligne que la valeur comptable des biens apportés en gage correspond à leur valeur de marché. En effet, la valeur nette comptable est égale à la valeur brute comptable moins les amortissements. Or, la valeur brute correspond à la valeur d'acquisition des biens ou à leur valeur d'apport. Ainsi, lors de l'apport partiel d'actifs d'Arkema à Kem One le 2 juillet 2012, cet apport a été évalué par des experts indépendants à [110-120] millions d'EUR. En outre, la France rappelle que deux transactions intervenues récemment dans le secteur du PVC et ayant pour cible des entreprises de moindre taille que Kem One se sont conclues à des montants bien supérieurs à la valeur comptable des actifs de Kem One. De plus, si les activités de Kem One étaient valorisées en utilisant la méthode des flux futurs de trésorerie actualisée, leur montant s'élèverait à [80-90] millions d'EUR en 2014, [110-130] millions d'EUR en 2015 et [330-340] millions d'EUR en 2016. Enfin, la France rappelle qu'il s'agit d'une sûreté de premier rang, assurant à l'État d'être désintéressé avant tous les autres créanciers.

(79)

La France conclut donc qu'il doit être considéré que l'État dispose d'une garantie solide et très élevée par rapport au montant du prêt FDES.

4.1.1.2.   Niveau de rémunération

(80)

Tout d'abord, la France estime que la méthodologie de calcul du taux d'intérêt basée sur un échantillon d'entreprises pour lesquelles des contrats CDS (Credit Default Swap) à quatre ans se négocient et qui ont une notation CCC, telle qu'exposée au point 92 de la décision d'ouverture et qui aboutit à un taux de 20,95 %, n'est pas à même de conduire à une approximation de la réalité des taux de marché. En effet, il ne peut s'agir d'opérations d'emprunts comparables à celle de Kem One vis-à-vis du FDES, étant donné qu'il n'existe aucune identification des garanties ou du niveau des sûretés attachées aux opérations prises comme référence pour déterminer le taux de 20,95 %.

(81)

En outre, compte tenu de la situation financière de Kem One et du niveau des sûretés, l'application de la communication sur les taux de référence de 2008 aboutirait à une rémunération de 4,53 % (taux de référence de la France de 0,53 % + 400 points de base), et non de 6,53 % ainsi que l'affirme la Commission dans la décision d'ouverture.

(82)

En tout état de cause, le taux calculé sur la base de la communication sur les taux de référence de 2008 ne sert que d'indicateur. En l'espèce, le faible risque d'insolvabilité de Kem One, compte tenu notamment de la mise en œuvre effective du plan de redressement permettant un retour à la viabilité de l'entreprise dès 2017 et d'une gestion financière solide, ainsi que le degré élevé des sûretés justifiaient un taux de 3,5 % conforme au marché.

(83)

Enfin, le contrat de financement avec [opérateur privé 2] prévoit un taux de financement Euribor 3 mois + […] % avec un minimum de […] %. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un taux bancaire, les conditions d'octroi du financement sont telles qu'elles confirment le caractère conforme aux conditions du marché du prêt FDES.

4.1.1.3.   Montant de l'aide

(84)

Comme indiqué dans la notification, la France considère que le montant d'aide, si tant est qu'il y ait aide, devrait être égal à la différence entre le taux calculé sur la base de la communication sur les taux de référence de 2008 et le taux pratiqué, soit respectivement 4,53 % et 3,5 %, et non à la totalité du prêt.

(85)

La France souligne que par le passé la Commission a appliqué cette approche, et ce à plusieurs reprises.

4.1.2.   La subvention et les avances remboursables

(86)

Ainsi qu'il a déjà été indiqué, la France reconnaît que la subvention constitue une aide d'État dans son intégralité.

(87)

Concernant les avances remboursables, la France considère qu'elles ne sauraient être considérées dans leur entièreté comme des aides d'État. En effet, le remboursement des avances est certain puisqu'il devient automatique deux ans après la fin des travaux de modernisation engagés. Ainsi, les avances devraient être assimilées à des prêts et, par conséquent, le montant d'aide équivaut à l'équivalent-subvention, soit 14,4 millions d'EUR.

4.1.3.   L'éventuel abandon de créances fiscales et sociales

(88)

Tout d'abord, la France indique que, contrairement à ce qui a été avancé dans la notification, le montant des créances fiscales et sociales s'élève à […] EUR et non à 42 millions d'EUR. Ces […] EUR se décomposent comme suit: […] millions d'EUR de dettes constituées avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et […] EUR de dettes constituées après l'ouverture de ladite procédure. Les autorités compétentes envisagent d'accorder une remise de […] % des dettes rémissibles constituées avant l'ouverture de la procédure (14), soit un montant de […] d'EUR sur un passif public total de […] EUR (soit […] % du passif public total).

(89)

En second lieu, la France rappelle que la majorité des dettes vis-à-vis des créanciers privés a été abandonnée à hauteur soit de 100 %, soit de 70 %.

(90)

En outre, la renonciation de la France à une part des créances fiscales et sociales qu'elle détient sur Kem One est de nature à permettre une bonne exécution du plan de reprise et de redressement de l'entreprise. En effet, en cas de disparition de Kem One, la France pourrait perdre […] millions d'EUR supplémentaires (15) si elle n'accordait pas une remise dont le montant total n'excédera pas […] millions d'EUR.

(91)

Au vu de ces éléments, la France se comporte donc comme un créancier avisé.

(92)

En tout état de cause, si la mesure devait être considérée comme une aide d'État, le montant d'aide équivaudrait à la différence entre le niveau de renoncement finalement consenti par la France et le niveau de renoncement minimum accepté par l'ensemble des créanciers privés.

4.2.   SUR LA COMPATIBILITÉ

4.2.1.   Sur le retour à la viabilité

(93)

Dans la décision d'ouverture, la Commission invitait la France à commenter l'affirmation selon laquelle elle n'inclurait dans les coûts de la restructuration que les coûts liés à la modernisation de l'appareil productif alors que la restructuration de Kem One devrait nécessairement engendrer des coûts supplémentaires liés à chaque mesure de restructuration (réduction des frais de structure et réorientation de la politique commerciale). Dans ses observations, la France souligne que la réduction des frais de structure n'a engendré que treize licenciements, entraînant une charge financière associée de […] million d'EUR. Cette charge n'a pas été identifiée de manière séparée dans le plan d'affaires et le plan de trésorerie annexé au plan de notification, mais a tout de même été déduite de la trésorerie d'ouverture. Par ailleurs, les autres efforts internes associés à la baisse des coûts centraux n'ont pas entraîné de charges financières spécifiques. S'agissant de la réorientation de la politique commerciale, elle n'a entraîné aucune charge directement associée.

(94)

De plus, plusieurs éléments positifs sont de nature à confirmer le caractère réaliste des scénarios de retour à la viabilité présentés par l'entreprise. Ainsi, dans le scénario initial, la trésorerie se trouve augmentée de [30-40] millions d'EUR à la fin de l'année 2017, en raison d'un abaissement des investissements nécessaires et d'un redémarrage de l'activité plus tôt que prévu, tandis que le gain d'exploitation attendu a été révisé à [35-45] millions d'EUR par an au lieu de [25-35] millions d'EUR. En outre, l'implication de plusieurs sociétés privées telles que [opérateur privé 1], [opérateur privé 3], [opérateur privé 4] et [opérateur privé 5], qui ont accepté d'abandonner l'intégralité de leurs créances sur Kem One, ainsi que de [opérateur privé 2], qui a accepté d'augmenter la capacité d'affacturage de Kem One, démontre la croyance de ces dernières dans le retour à la viabilité à long terme de l'entreprise.

(95)

Le prêt bancaire de [60-70] millions d'EUR reste hypothétique et n'a pas encore été sollicité au jour de la soumission de la réponse de la France. Dans ces conditions, la France considère que le fait qu'il n'y ait pas de garantie sur le prêt bancaire n'est pas de nature à fragiliser les trois scénarios de retour à la viabilité de l'entreprise, pas plus que le montant de la contribution propre de l'entreprise.

4.2.2.   Sur la contribution propre de l'entreprise

(96)

Dans ses observations, la France ne conteste pas la décision de ne pas inclure le prêt bancaire de [60-70] millions d'EUR dans les fonds propres de Kem One dès lors qu'il s'agit d'un élément hypothétique, faute d'engagement ferme de la part d'un établissement financier.

(97)

A contrario, les abandons de créances consentis par [opérateur privé 3], [opérateur privé 1], [opérateur privé 4] et [opérateur privé 5] devraient être considérés comme constituant de véritables flux financiers au profit de Kem One et donc être pris en compte dans la contribution propre. En effet, ces entreprises sont des partenaires commerciaux de Kem One de longue date, dont les intérêts dépendent de la réussite de Kem One. Ainsi, les abandons de créances à hauteur de 180,5 millions d'EUR correspondent à des décisions d'industriels avisés, directement intéressés au succès du plan de redressement engagé par Kem One et ses repreneurs. Les autres abandons de créances répondent à la même logique, avec des sommes en jeu de moindre importance.

(98)

Les contributions privées s'élèvent donc au total à 282,5 millions d'EUR, répartis comme suit:

Tableau 3

Sources des contributions privées prévues dans le plan de restructuration selon la France

Source de la contribution

Montant (Mio EUR)

Autofinancement de Kem One

[30-40]

Financement [opérateur privé 1]

[35-45]

Financement [opérateur privé 2]

[55-65]

Augmentation de capital de repreneurs

[5-15]

Désintéressement des créances [opérateur privé 6]

[0-10]

Abandon de créance [opérateur privé 1]

[90-100]

Abandon de créance [opérateur privé 3]

[25-35]

Abandon de créance [opérateur privé 4]

[0-10]

Abandon de créance [opérateur privé 5]

[0-10]

Total

282,5

Source: Réponse de la France à la décision d'ouverture.

5.   OBSERVATIONS DES TIERS INTÉRESSÉS ET COMMENTAIRES DE LA FRANCE

5.1.   OBSERVATIONS DES TIERS INTÉRESSÉS

5.1.1.   Observations d'Ineos

5.1.1.1.   Montant de l'aide d'État et contribution propre de Kem One

(99)

De l'avis d'Ineos, la demande de la France sous-estime largement le montant de l'aide d'État et n'envisage pas une contribution suffisante de Kem One et de ses actionnaires.

(100)

Montant de l'aide d'État. Concernant tout d'abord le prêt FDES, Ineos récuse l'analyse de la France selon laquelle seule la différence entre le taux effectif de ce prêt (3,5 %) et un taux supposément de marché de 4,53 % (c'est-à-dire 1,03 point de pourcentage) peut être considérée comme une aide. Si les affirmations de la France étaient exactes, Kem One devrait être en mesure d'obtenir un prêt d'un créancier privé aux mêmes conditions, ce que l'entreprise n'a en aucun cas été capable de faire. Par ailleurs, la valeur des sûretés a été largement surévaluée. La valeur comptable des actifs ne peut être assimilée à la valeur de marché en cas de graves difficultés économiques et financières, d'autant plus que ces sûretés n'ont de valeur que comprise dans un cycle d'exploitation ayant démontré sa fragilité. En conclusion, selon Ineos, l'entièreté du prêt du FDES devrait être considérée comme une aide.

(101)

S'agissant de la subvention directe et des avances remboursables, Ineos estime que la totalité constitue une aide d'État. Quant aux avances remboursables, la condition du maintien de l'activité sur le site de Lavéra ne serait exigée par aucun créancier privé. Par ailleurs, les taux sont trop bas en comparaison de ceux pratiqués dans les mêmes conditions par un créancier privé.

(102)

S'agissant de la réduction de dette, Ineos souligne que si les créanciers commerciaux ont un intérêt commercial légitime au rétablissement de Kem One, l'État français est quant à lui dans une position de pur créancier financier. Ainsi, les réductions de dette consenties par l'État français ne peuvent être assimilées aux réductions consenties par les créanciers privés.

(103)

Ineos souligne que Kem One bénéficie de contrats de fourniture d'électricité et d'éthylène avantageux. Or, il ne fait pas de doute pour Ineos que les décisions d'EDF en la matière sont imputables à l'État français. Ineos demande à la Commission d'enquêter sur les raisons qui ont présidé à l'octroi de ces réductions. Ces tarifs préférentiels sont de nature à améliorer la position concurrentielle de Kem One.

(104)

Contribution propre de Kem One. Ineos estime que le montant de la contribution propre de Kem One aux coûts de restructuration est surestimé par la France. En effet, la France inclut dans cette contribution propre trois prêts issus de sources privées: un prêt compris entre 60 et 80 millions d'EUR et deux autres prêts pour des montants respectifs de 35 à 45 millions d'EUR et de 40 à 50 millions d'EUR. Selon Ineos, il n'existe pas de preuve qu'une entité privée consentirait à un tel risque, et le caractère hypothétique et peu probable de ces prêts implique qu'ils ne devraient pas être pris en compte pour l'évaluation du montant de la contribution propre de Kem One.

(105)

Premièrement, Ineos souligne qu'OpenGate, une des sociétés mères de Kem One, est en bonne santé financière, de sorte qu'elle pourrait participer aux coûts de restructuration. Ineos estime que la France doit démontrer que les difficultés de Kem One sont trop sérieuses pour être traitées par les actionnaires de Kem One (OpenGate en particulier). Deuxièmement, si l'aide d'État est jugée admissible dans le cas de Kem One, les actionnaires, et OpenGate en particulier, doivent fortement accroître le montant de leur contribution.

5.1.1.2.   Plan de restructuration

(106)

Ineos estime que la France ne propose pas un plan de restructuration réaliste susceptible de faire regagner à Kem One sa viabilité économique dans un délai raisonnable.

(107)

Premièrement, le présent plan de restructuration s'appuie sur de lourds investissements et injections de liquidités mais ne prévoit pas de rationalisation des activités de Kem One. Deuxièmement, le plan de restructuration suppose que Kem One pourra accroître de façon significative sa part de marché et ses ventes sur des marchés de produits qui sont déjà sujets à de graves problèmes de surcapacité et à une concurrence intense, et qui souffrent de faibles prévisions de demande.

(108)

De l'avis d'Ineos, le plan de restructuration ne prévoit pas de rationalisation des activités déficitaires de Kem One. Kem One souffre d'un problème structurel de surcapacité. En 2012, son taux de sa production rapporté à sa capacité totale en S-PVC n'était que de 60-70 %, bien en dessous des taux d'utilisation moyens des producteurs de S-PVC sur le marché du Nord-Ouest de l'Europe.

(109)

Dans l'hypothèse envisagée par le plan de restructuration, Kem One devrait accroître considérablement sa production et ses ventes sur le marché du Nord-Ouest de l'Europe. Outre le fait que Kem One a traditionnellement concentré ses ventes de S-PVC en Europe du Sud, cette perspective semble très peu plausible à Ineos. Le marché du PVC dans l'Europe du Nord-Ouest est déjà marqué par une offre très excédentaire et les prévisions sur le marché du PVC en Europe du Nord-Ouest annoncent une faible croissance de la demande sur les cinq prochaines années. De plus, l'acquisition de Vestolit et Vinnolit par deux producteurs de PVC américains devrait faire bénéficier ces acteurs d'une structure de coûts plus efficiente, ce qui en fera des concurrents plus efficaces. Enfin, Kem One pâtit d'une mauvaise réputation chez les clients de ce marché du Nord-Ouest de l'Europe.

(110)

Le plan de restructuration prévoit la réorientation de la politique commerciale en direction de produits plus profitables, à savoir le E-PVC, le PVC-C et le chlore liquide. Une augmentation des ventes de soude caustique sur le marché du Nord-Ouest de l'Europe est également prévue. Selon Ineos, cette stratégie a peu de chances de succès.

(111)

En premier lieu, le plan prévoit une croissance de la production et des ventes de E-PVC dans le but d'utiliser l'excès de capacité de Kem One, et parce que ce produit est relativement plus profitable. Pour autant, le marché du E-PVC dans l'EEE est très compétitif et souffre déjà de surcapacité. Aucune importante hausse de la demande n'y est attendue à moyen ou long terme. Ineos souligne également que d'autres producteurs de E-PVC plus crédibles et mieux situés au sein de l'EEE ont annoncé des investissements récents ou à venir dans leur capacité de production.

(112)

S'agissant du projet d'accroître la production de PVC-C en vue de profiter de sa plus grande profitabilité, Ineos insiste sur le fait qu'il s'agit d'un produit de niche dont la demande européenne est très faible. Le marché français du chlore liquide est, quant à lui, caractérisé par une taille réduite et une forte intensité concurrentielle.

(113)

Enfin, concernant le projet d'accroître les ventes de soude caustique sur le marché du Nord-Ouest de l'Europe, Ineos rappelle que la soude caustique est un sous-produit inévitable pour la production de chlore. Le niveau de production de soude caustique (et donc le volume de ventes) est entraîné par la demande de dérivés chlorés (tels que le PVC). Kem One ne peut espérer accroître son volume de ventes de soude caustique que si elle présente un plan plausible pour accroître ses ventes de dérivés chlorés en aval.

5.1.1.3.   Mesures compensatoires

(114)

Selon Ineos, la France ne propose pas de mesures compensatoires appropriées. Ineos insiste sur le fait que les lignes directrices de 2004 requièrent sans ambiguïté le recours à des mesures compensatoires.

(115)

Ineos rappelle que seule la moitié de la capacité de production de S-PVC sur le marché de l'Europe du Nord-Ouest est utilisée pour la revente sur ce même marché. Ce grave problème de surcapacité ne semble pas devoir disparaître à moyen terme, étant donné les perspectives de l'industrie de la construction. La surcapacité et la faible demande ont eu pour conséquence une réduction des marges des producteurs européens de PVC. Dans ce contexte, l'aide envisagée donnerait à Kem One un avantage significatif.

(116)

En particulier, elle lui permettrait de convertir sa technologie au mercure, ce qui exacerbera le risque pour ses concurrents de devoir fermer certaines parties de leurs capacités. Par ailleurs, si Kem One parvient effectivement à augmenter ses ventes sur le marché du Nord-Ouest de l'Europe, elle contribuera à accroître encore la pression concurrentielle.

(117)

Ineos estime qu'il est impératif de réduire de façon permanente la capacité de production de PVC de Kem One, étant donné que le problème structurel de surcapacité du marché va perdurer à long terme.

(118)

Enfin, Ineos note que, dans le contexte de marchés pertinents souffrant d'un problème structurel de surcapacité, les lignes directrices de 2004 prescrivent que la Commission n'accorde en principe qu'une aide ciblée sur les coûts de restructuration sociaux et environnementaux. De l'avis d'Ineos, l'aide à la restructuration devrait donc être ciblée sur les coûts environnementaux et sociaux liés à la fermeture du site de Lavéra, plutôt que viser à sa reconversion.

(119)

Ineos estime que Kem One bénéficie d'un très bon positionnement sur le marché du S-PVC du Nord-Ouest de l'Europe, ce qui constitue un motif supplémentaire pour que des mesures compensatoires importantes soient effectivement appliquées. En 2012, Kem One était le troisième acteur du marché du Nord-Ouest de l'Europe pour le S-PVC, avec entre 10 et 20 % des capacités totales.

(120)

De plus, la France ne peut pas affirmer, d'une part, que Kem One souffre d'une faible position sur le marché du S-PVC, et, d'autre part, que toute réduction de ses capacités de production conduirait à un affaiblissement de la structure compétitive sur ce même marché.

(121)

En effet, Ineos souligne qu'il ne s'agit pas, avec ces mesures compensatoires, de faire disparaître entièrement l'entreprise, mais de réduire sa capacité. De plus, Ineos estime qu'il est inexact qu'une réduction de capacité — et même la disparition pure et simple de Kem One sur le marché — rendrait les clients de cette dernière incapables de mettre en place une stratégie d'approvisionnement multiple. En effet, Ineos rappelle qu'il existe, ou qu'il existera à brève échéance, cinq autres fournisseurs d'envergure, plus d'autres concurrents plus petits. Ineos souligne à nouveau que Kem One n'est par ailleurs pas considérée comme fiable sur ce marché. Enfin, Ineos insiste sur le fait que le marché en question est compétitif.

(122)

Selon Ineos, des mesures compensatoires s'imposent également sur d'autres marchés, tous caractérisés par des problèmes de surcapacité et un solide positionnement de Kem One. Il s'agit en premier lieu du marché du E-PVC, sur lequel Kem One disposait en 2012 de 10 à 20 % de la capacité totale. Sur le marché des chlorométhanes, les aides en cause auront pour conséquence une production en aval sur une base de coût plus avantageuse que celle des concurrents de Kem One. S'agissant enfin du marché de la soude caustique, Ineos rappelle qu'il s'agit d'un sous-produit inévitable pour la production de chlore.

(123)

Ineos estime que des mesures compensatoires sont possibles et qu'elles contribueraient à créer une chaîne de production viable.

(124)

À cet égard, Ineos considère que Kem One devrait adopter un plan de restructuration la conduisant à:

fermer les salles d'électrolyse de Lavéra;

fermer les usines de production de PVC qui ne peuvent plus être suffisamment approvisionnées en CVM par le site de Fos-sur-Mer, à savoir Saint-Fons et Balan.

(125)

De l'avis d'Ineos, une telle réduction de la capacité de Kem One permettrait d'atténuer les effets de distorsion de l'aide sur le marché, de rationaliser les activités de Kem One sur une base plus compétitive, et de concrétiser l'abandon d'activités structurellement déficitaires (notamment sur le site de Lavéra). Cette solution permettrait de résoudre le problème de surcapacité de Kem One et de supprimer le besoin pour l'État français de contribuer par de lourds investissements à la conversion du site de Lavéra.

5.1.2.   Observations de l'entreprise anonyme 1

5.1.2.1.   Bien-fondé de l'aide d'État

(126)

L'entreprise anonyme 1 insiste en premier lieu sur le fait que le secteur du PVC est en crise et que ses acteurs majeurs subissent une forte pression économique et financière. Les opérateurs européens doivent consentir à de lourds investissements du fait du cadre réglementaire dans un contexte marqué depuis 2007 par la baisse des marges, la réduction de la demande européenne de PVC, des prix en chute, les coûts élevés de l'énergie, des problèmes de surcapacité, et enfin la mauvaise conjoncture du secteur de la construction.

(127)

Dans ce contexte, il est important de maintenir les conditions d'une concurrence équitable. Une aide à Kem One est considérée comme une source potentielle de graves distorsions du marché.

(128)

La France affirme que, sans mesure d'aide à l'entreprise Kem One, le marché serait caractérisé par une situation d'oligopole restreint. L'entreprise anonyme 1 n'est pas d'accord avec ce point de vue. Elle rappelle que la Commission, dans sa décision Ineos/Solvay/JV, n'a pas conclu que le marché était caractérisé par une telle situation. La Commission faisait alors référence à onze entreprises produisant ou important du S-PVC.

(129)

Par ailleurs, l'entreprise anonyme 1 note qu'accorder une aide au troisième acteur du secteur ne ferait que retarder les nécessaires ajustements et améliorations du marché et exacerber les difficultés financières des autres opérateurs. Il est même possible d'arguer, selon l'entreprise anonyme 1, qu'aucune aide ne peut être accordée, conformément au point 8 des lignes directrices de 2004, dans la mesure où le marché souffre d'une surcapacité structurelle.

(130)

L'entreprise anonyme 1 exprime également des doutes sur les perspectives de retour à la profitabilité de Kem One. Elle note que la Commission avait déjà constaté, à l'occasion de sa décision Ineos/Solvay/JV, l'incapacité de Kem One à regagner sa viabilité économique, même après son acquisition par Klesch.

(131)

Les mesures du plan de restructuration telles qu'annoncées dans la décision d'ouverture manquent de précision, notamment s'agissant de la nouvelle stratégie commerciale de Kem One, de la conversion des unités d'électrolyse et de la crédibilité des futurs contrats de l'entreprise. Il semble par ailleurs probable que la période de restructuration excède cinq ans — la durée jugée acceptable par la Commission dans ses précédentes décisions.

(132)

De plus, la date à laquelle les investissements requis pour moderniser les équipements d'électrolyse doivent être réalisés est incertaine (2016 ou 2017). La réglementation européenne requiert des opérateurs européens qu'ils mettent en place la conversion de la technologie au mercure avant la fin 2017. Si la France permettait à Kem One de retarder les investissements nécessaires, il s'agirait d'un traitement préférentiel pouvant constituer un avantage financier et donc une forme d'aide d'État.

(133)

Enfin, la mise en place des mesures de restructuration dépend de facteurs externes et indépendants du contrôle de l'entreprise. C'est notamment le cas du prêt bancaire de 60 à 70 millions d'EUR en 2016.

5.1.2.2.   Montant de l'aide d'État

(134)

Concernant le montant de l'aide, l'entreprise anonyme 1 insiste sur le fait qu'il est bien plus élevé que le montant alloué par la France. Certaines mesures peuvent être considérées dans leur intégralité comme des aides d'État, telles la subvention directe de 15 millions d'EUR ou les avances remboursables de 80 millions d'EUR pour la modernisation de l'équipement de production. En effet, un investisseur privé n'aurait en aucun cas assorti sa décision d'investissement de conditions concernant le maintien de l'activité et du personnel du site de Lavéra. De plus, la nature purement hypothétique du prêt bancaire privé ne suffit pas à démontrer la volonté d'un investisseur privé d'octroyer un prêt dans les mêmes conditions.

(135)

À l'égard du prêt FDES de 30 millions d'EUR, en l'absence d'une liste précise des actifs et équipements constituant des sûretés, ainsi que d'une évaluation de leur valeur de marché, il est impossible de conclure que le niveau de sûretés est «élevé». Ce niveau, selon l'entreprise anonyme 1, peut au mieux être considéré comme normal, auquel cas, conformément à la communication sur les taux de référence de 2008, le taux de base de 0,53 % devrait être augmenté au moins de 6,00 %. Cela augmenterait considérablement le montant considéré comme une aide dans le prêt FDES.

(136)

L'entreprise anonyme 1 cite enfin l'annulation de dettes fiscales et de cotisations sociales pour un montant de […] EUR. Selon l'entreprise anonyme 1, ces annulations de dettes par les autorités étatiques ne peuvent être assimilées aux annulations consenties par les créanciers privés que dans la mesure où elles ne dépassent pas le niveau moyen en la matière. Ce montant moyen étant de 70 %, les […] EUR qui dépassent cette moyenne devraient être considérés comme une aide d'État.

(137)

De plus, l'entreprise anonyme 1 insiste sur le potentiel caractère d'aide du paiement différé de la garantie Seveso. Il apparaît qu'un transfert intra-groupe pour un montant de 10-19 millions d'EUR a été réalisé au profit de Kem One par le groupe Klesch aux fins de la garantie Seveso. La France a affirmé que le montant libéré et transféré de la garantie Seveso devrait être graduellement affecté à la reconstitution de la garantie financière Seveso par Kem One. Les garanties financières ont un caractère intuitu personae, de sorte qu'en cas de changement de site opérateur, le Code français de l'environnement requiert du nouvel opérateur qu'il fasse une déclaration au préfet compétent dans un délai d'un mois. La Commission devrait chercher à obtenir une confirmation de la France que ce montant transféré sera effectivement utilisé pour la reconstitution de la garantie Seveso et que le paiement différé de la garantie ne constitue pas un traitement financier préférentiel accordé à Kem One par le préfet, qui implique potentiellement une aide d'État.

(138)

De plus, selon l'entreprise anonyme 1, l'existence de possibles réductions accordées par EDF à Kem One sur ses nouveaux contrats d'électricité est un fait connu sur le marché. Si ce point était avéré, il n'y aurait alors pas de doute sur le fait que ce traitement préférentiel est imputable à l'État français, ce dernier contrôlant le conseil d'administration d'EDF et détenant plus des deux tiers de son capital.

(139)

L'entreprise anonyme 1 exprime aussi des doutes sur la limitation de l'aide au strict minimum, en particulier pour le projet d'investissement SAM. Les 95 millions d'EUR accordés sous la forme d'une subvention directe et d'avances remboursables servent en effet à financer un investissement que l'entreprise est de toute façon tenue d'effectuer conformément à la législation en vigueur. L'aide à ce projet de conversion peut éventuellement ne plus avoir d'effets incitatifs pour Kem One étant donné que l'entreprise ne ferait qu'agir en accord avec ses obligations légales. Il existe ainsi de sérieux doutes sur le fait que le projet SAM soit réellement un investissement essentiel pour restaurer la viabilité de Kem One.

(140)

Les ressources propres de Kem One sont largement constituées par les annulations de ses dettes par ses créanciers privés. Sur cette base, la contribution propre de Kem One n'atteindrait même pas la moitié du montant d'aides calculé par la France, montant qui, comme il a déjà été expliqué, serait bien plus bas que le montant réel des aides qui doivent être prises en compte.

(141)

De plus, les annulations de dettes privées ne peuvent être considérées comme une contribution propre, dans la mesure où elles ne procurent pas de ressources supplémentaires à Kem One pour couvrir ses coûts de restructuration.

(142)

L'autre bloc constituant la contribution propre de Kem One est représenté par le prêt bancaire d'un montant de 60 à 70 millions d'EUR. Or, l'entreprise anonyme 1 a déjà souligné la nature hypothétique de ce prêt.

5.1.2.3.   Mesures compensatoires

(143)

Enfin, l'entreprise anonyme 1 insiste sur la nécessité de mesures compensatoires pour neutraliser les conséquences de l'aide. Elle n'est pas d'accord avec la position de la France selon laquelle des mesures compensatoires mettraient en danger la viabilité de Kem One et les effets de l'aide sur la structure compétitive seraient limités, voire bénéfiques, pour la concurrence sur le marché.

(144)

L'entreprise anonyme 1 insiste quant à elle particulièrement sur le point 40 des lignes directrices de 2004, qui précise que les mesures compensatoires sont particulièrement nécessaires sur les marchés sur lesquels l'entreprise bénéficiaire détiendra une position importante après la restructuration. Or, l'entreprise anonyme 1 estime la part de marché de Kem One sur le marché du S-PVC du Nord-Ouest de l'Europe à 20 %.

(145)

L'entreprise anonyme 1 est en désaccord avec la position de la France selon laquelle les mesures en cause sont aussi nécessaires pour maintenir une structure compétitive sur le marché. En effet, à la suite de la mise en œuvre des mesures correctives prévues dans la décision Ineos/Solvay/JV, le marché assistera à l'émergence de nouveaux acteurs, quelle que soit la situation de Kem One. De plus, il n'est pas démontré que le fait de maintenir les capacités de production de Kem One constitue une condition indispensable à son rétablissement économique. Les mesures en cause risquent d'exacerber le problème de surcapacité sur le marché.

(146)

S'agissant des mesures compensatoires possibles, l'entreprise anonyme 1 met en avant plusieurs propositions:

réduire les capacités de Kem One de 200 à 300 kilotonnes. Si cette réduction devait affecter le site de Lavéra, cela exigerait une réduction correspondante de la capacité CVM du site;

réduire la production de Kem One (si les mesures d'aide d'État permettent à l'entreprise de maintenir artificiellement un certain niveau de production marginale);

autres mesures: vendre une participation minoritaire, résilier certains accords de coopération, s'engager à ne pas diversifier la production de Kem One pendant une période de temps limitée, diviser le paiement de l'aide à la restructuration en plusieurs tranches subordonnées à la mise en œuvre effective de mesures prévues selon un échéancier précis.

5.1.3.   Observations d'Arkema

(147)

Arkema fait observer, à propos du point 13 de la décision d'ouverture, qu'une double filialisation des activités vinyliques d'Arkema a bien été opérée à l'occasion de la cession au groupe Klesch. À l'occasion de ce transfert, un premier ajustement des coûts de structure des deux entités cédées a été effectué. Arkema indique qu'elle a mené entre 2005 et 2010 un plan de restructuration de son pôle «vinyliques». Arkema fait remarquer que des événements exceptionnels, tels que le retournement de la conjoncture économique au second semestre 2012 ou la rupture d'approvisionnement en éthylène due à un incident sur le site de Lavéra, expliquent les difficultés financières rencontrées par Kem One en 2013.

(148)

À propos du point 14 de la décision d'ouverture, Arkema précise que les contrats de services et de prestations entre Arkema et Kem One ont été mis en place à la demande de Kem One pour lui permettre de poursuivre normalement ses activités une fois la filialisation effectuée.

(149)

Au point 126 de la décision d'ouverture, la Commission indique que les abandons de créances par les partenaires privés ne doivent pas être pris en compte dans les contributions privées. À cet égard, Arkema précise que, parallèlement à son abandon de créances, elle réalise un apport consolidé de 40,5 millions d'EUR, ce qui constitue bien un véritable flux financier et exprime sa confiance dans la viabilité du plan de redressement de Kem One. Il n'y a pas de raison, selon Arkema, de considérer l'abandon de créances différemment. L'abandon de créances de 95,6 millions d'EUR auquel Arkema a consenti avait pour objet de contribuer à donner à Kem One une structure de bilan lui permettant de contracter, le moment venu, les emprunts nécessaires à des conditions acceptables.

(150)

Arkema rappelle qu'elle est partie prenante à une part des risques afférents à la poursuite d'activité de Kem One. Par exemple, Arkema a choisi de maintenir des flux de fourniture de produits et sous-produits avec Kem One alors que ces derniers auraient pu être redéployés sur d'autres fournisseurs.

5.1.4.   Observations de Vestolit

(151)

Vestolit considère que les mesures accordées à Kem One par l'État français vont affecter négativement la situation compétitive du marché du PVC en Europe. Vestolit attire l'attention de la Commission sur le fait que le marché est en état de surcapacité, et que plusieurs études indépendantes prévoient une stagnation de la demande.

(152)

Ces mesures mettront notamment en difficulté les entreprises qui ont modernisé leurs actifs par elles-mêmes (à l'aide de ressources propres). L'aide d'État permettra en effet à Kem One de maintenir des actifs économiquement non viables et obsolètes.

(153)

Enfin, Vestolit souligne que Kem One n'aurait pu se voir octroyer des prêts aux mêmes conditions sur le marché.

(154)

En conséquence, Vestolit invite la Commission à considérer l'imposition de mesures compensatoires.

5.1.5.   Observations d'ECVM

(155)

Le European Council of Vinyl Manufacturers (ECVM) représente les intérêts des producteurs européens de résine de PVC. Ses cinq membres représentent à peu près 70 % du PVC produit dans l'Union et en Norvège. L'ECVM est un membre fondateur du programme VinylPlus, qui consiste en un engagement volontaire relatif au développement durable lancé en 2011 pour une durée de dix ans.

(156)

En 2012, Kem One a pris la décision unilatérale de quitter l'ECVM en cessant par la même occasion de contribuer au programme Vinylplus. L'ECVM estime que Kem One bénéficie des efforts et des contributions financières d'autres producteurs de PVC au programme VinylPlus, sans en partager le fardeau financier. Cette situation est à l'origine d'un avantage compétitif injuste pour une entreprise également bénéficiaire d'une aide d'État. En conséquence, l'ECVM demande qu'une mesure compensatoire consistant pour Kem One en une obligation de contribuer à VinylPlus soit mise en place.

5.1.6.   Observations de l'entreprise anonyme 2

(157)

La Commission note tout d'abord que les observations de l'entreprise anonyme 2 ont été envoyées après la date limite de réception des observations des tiers.

(158)

En premier lieu, l'entreprise anonyme 2 affirme que les mesures en cause donneraient un important avantage compétitif à Kem One. Elle estime en effet que la conversion de la technologie au mercure n'est en l'état actuel du marché pas rentable pour ses concurrents. En conséquence, seules les entreprises bénéficiant d'aides d'État pourront entreprendre un tel investissement. Ceci s'explique dans la mesure où la différence entre le coût de production de dichlorure d'éthylène (EDC) par chloration et son coût d'acquisition n'est pas telle qu'elle justifie un lourd investissement pour produire du chlore destiné à la chloration. Pour autant, l'EDC directement fabriqué revient moins cher, de sorte que Kem One bénéficiera d'un considérable avantage par rapport à ses concurrents, grâce à une aide d'État.

(159)

L'entreprise anonyme 2 souligne en second lieu que le marché est caractérisé par un fort excès d'offre, qu'elle estime à 1 million de tonnes par an. Dans ce contexte, rendu plus difficile encore par les prévisions de demande stagnante, voire déclinante, le retour sur investissement est très incertain.

(160)

L'entreprise anonyme 2 exprime son désaccord avec la France sur le scénario contrefactuel en cas d'absence d'aide. Elle précise que, la politique commerciale de Kem One étant largement orientée vers le Sud de l'Europe, il n'existe pas de risque que la disparition de cette entreprise affecte de manière importante la capacité disponible au détriment des consommateurs de S-PVC au Nord de l'Europe. L'entreprise anonyme 2 estime que, dans l'hypothèse où Kem One n'entreprendrait pas la conversion de sa technologie au mercure, elle pourrait toujours fournir ses clients depuis son site industriel déjà converti.

(161)

En outre, le marché étant caractérisé par une offre excédentaire, les concurrents de Kem One n'auront aucun mal à approvisionner les clients de cette dernière en cas de réduction de sa présence commerciale.

(162)

L'entreprise anonyme 2 suggère qu'une réduction de la capacité ou de la présence commerciale de Kem One lui soit imposée à titre de mesures compensatoires.

(163)

Enfin, s'agissant de la viabilité du plan de restructuration, l'entreprise anonyme 2 estime que le contexte d'offre excédentaire déjà souligné, couplée à une demande stagnante, rend impossible une augmentation progressive des prix du PVC, telle qu'envisagée au point 52 de la décision d'ouverture.

5.2.   COMMENTAIRES DE LA FRANCE

(164)

Par lettre du 25 février 2015, la France a répondu aux observations des tiers intéressés.

(165)

La France formule à titre liminaire plusieurs commentaires généraux à propos des observations d'Ineos et de l'entreprise anonyme 1.

La France souligne la présence d'erreurs factuelles dans les citations de la décision d'ouverture, ainsi que d'allégations non fondées, s'agissant par exemple de prétendues réductions («discounts») accordées par EDF ou d'aides d'État déguisées.

La France s'étonne que les observations formulées par ces deux entreprises dans le cadre de la présente procédure divergent sensiblement de celles présentées par Ineos et Solvay en réponse à la communication des griefs dans le cadre de l'affaire Ineos/Solvay/JV. Ces entreprises y soutenaient alors que «despite [its financial difficulties], Kem One was a strong competitor in the market» («malgré [ses difficultés financières], Kem One était un concurrent solide sur le marché»), ajoutant que «Kem One's production problems have been resolved» («les problèmes de production de Kem One ont été résolus»). À propos du projet d'investissement de Kem One pour la conversion de la technologie au mercure, Ineos et Solvay écrivaient: «this investment will give Kem One the ability to produce sufficient chlorine in its fully owned integrated membrane plant to operate its S-PVC plant at full capacity.» («cet investissement donnera à Kem One la capacité de produire suffisamment de chlore dans son unité totalement intégrée à membrane pour exploiter son unité de production de S-PVC à pleine capacité»).

Enfin, les autorités françaises rappellent que Ineos et Solvay ont été contraintes de s'engager à céder des unités de production de PVC verticalement intégrées, comprenant des actifs de production en Belgique, en Allemagne, en France, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni (ci-après «Newco»).

Cet ensemble d'actifs est réputé constituer un ensemble autonome et viable, susceptible d'exercer une pression concurrentielle comparable à celle qu'exerçait Solvay sur Ineos avant la fusion. Les éléments d'appréciation positifs exprimés dans la décision Ineos/Solvay/JV sur cet ensemble d'actifs peuvent apparaître comme étant en contradiction avec les doutes affichés par Ineos et l'entreprise anonyme 1 sur le retour à la viabilité de Kem One. En effet, les deux entités (Newco et Kem One) devraient avoir des chiffres d'affaires comparables, bien que l'activité de Newco soit uniquement centrée sur le S-PVC et la soude, pour lesquels les niveaux de marge sont inférieurs à ceux d'autres dérivés du portefeuille de Kem One.

Ces éléments viennent contredire les observations d'Ineos selon lesquelles, dans les conditions actuelles de marché, qui seraient caractérisées par un niveau élevé de surcapacité et une faible demande de la part des clients, le plan de restructuration de Kem One ne permettrait pas d'envisager un retour à la viabilité.

(166)

En somme, la France estime que les observations d'Ineos et de l'entreprise anonyme 1 sont biaisées, entachées d'erreurs factuelles et motivées par des considérations opportunistes.

(167)

Les mesures compensatoires demandées par Ineos et l'entreprise anonyme 1 pourraient compromettre le retour à la viabilité de Kem One et provoquer sa sortie du marché, situation indéniablement profitable pour Ineos et l'entreprise anonyme 1 dans la mesure où elle renforcerait leurs positions de marché, au détriment de l'intensité concurrentielle sur les différents marchés du PVC.

(168)

Enfin, la France souligne que de nombreux cas de conversion d'installations d'électrolyse de la technologie au mercure vers la technologie à membrane ont bénéficié d'aides d'État approuvées par la Commission entre 2003 et 2007. Ainsi, Ineos et Solvay ont été bénéficiaires de telles aides avec, respectivement, des montants de 57,2 millions d'EUR pour la modernisation des sites de Runcorn et de 36 millions d'EUR pour celle des sites de Rosignano et Bussi. À la connaissance de la France, ces aides ont été accordées sans aucune mesure compensatoire.

(169)

La France traite ensuite de la qualification des mesures et de la compatibilité des mesures avec le marché intérieur.

5.2.1.1.   Qualification des mesures

(170)

Prêt FDES. La France souligne en premier lieu qu'elle a déjà démontré que l'État dispose d'une garantie solide, de sorte que le taux effectif de 3,5 % correspond à un taux de marché. Si jamais l'existence d'une aide était avérée, elle ne devrait être calculée que comme la différence entre ce taux effectif et un taux de référence.

(171)

S'agissant de la valeur des sûretés, mise en question par les tiers intéressés, la France réaffirme que leur valeur nette comptable est égale à leur valeur de marché. En effet, la France a fourni pour confirmation des rapports d'experts indépendants, réalisés notamment au moment de l'apport partiel d'actifs d'Arkema à Kem One en juillet 2012. De plus, la valeur de ces apports a été validée par un commissaire aux apports. Même dans l'hypothèse où la valeur de ces actifs aurait diminué du fait des difficultés financières de Kem One, la France souligne que ces actifs ont été estimés à [130-140] millions d'EUR, tandis que la valeur du prêt FDES n'est que de 30 millions d'EUR: la valeur des sûretés couvrira donc toujours largement la valeur du prêt.

(172)

Concernant les conditions de rémunération du prêt, la France précise que le taux de rémunération approprié doit être calculé en fonction du risque d'insolvabilité de l'entreprise bénéficiaire et de la qualité des sûretés offertes. En application de la communication sur les taux de référence de 2008, un taux de référence peut être calculé à partir d'un taux de base de 0,53 % majoré de 400 points de base, soit 4,53 %, et non 6,53 % comme mentionné par l'entreprise anonyme 1. Le taux de référence n'est toutefois qu'un indicateur et le faible risque d'insolvabilité de Kem One ainsi que le degré très élevé des sûretés justifient un taux de 3,5 %.

(173)

Enfin, comme indiqué par la Commission dans la décision d'ouverture, le plan de restructuration de Kem One fait également l'objet d'un financement par [opérateur privé 2] de [55-65] millions d'EUR.

(174)

Avances remboursables. La France rappelle qu'elle n'a jamais soutenu que ces avances ne contiennent aucun élément d'aide d'État. Elle considère néanmoins que ces avances doivent s'analyser comme un prêt remboursable par Kem One. Dans ces conditions, c'est bien l'écart des taux qui peut constituer l'élément d'aide et non la totalité du montant des avances. En conséquence, contrairement à ce que soutiennent Ineos et l'entreprise anonyme 1, ce n'est pas l'intégralité du montant des avances remboursables qui est susceptible de constituer l'élément aide mais bien l'équivalent-subvention, estimé au total à 29,4 millions d'EUR (y compris les 15 millions d'EUR de subvention).

(175)

S'agissant du financement du projet SAM, la France indique que le projet SAM constitue un pan important du plan de restructuration, et qu'à ce titre les mesures de financement s'intègrent dans le plan de restructuration approuvé par le tribunal de commerce de Lyon. Elles doivent être analysées à la lumière des lignes directrices de 2004, au même titre que les autres mesures retenues dans le cadre du plan de restructuration.

(176)

Abandon de créances fiscales et sociales. La France rappelle qu'elle considère que la décision de la CCSF de renoncer à de telles créances rémissibles à hauteur de […] % n'est pas susceptible de contenir des éléments d'aide d'État, dès lors que le taux de renoncement correspond au taux moyen de renoncement des créanciers privés pour permettre le redressement de l'entreprise (certains créanciers, dans le cadre du plan de redressement par voie de continuation adopté par le tribunal de commerce de Lyon, ont en effet accepté d'abandonner la totalité de leurs créances, de sorte que le taux de renoncement moyen des créanciers s'établit à […] %).

(177)

Tarifs d'électricité d'EDF. La France souligne que l'argumentation des tiers quant à l'existence de «discounts» repose sur une citation erronée de la décision d'ouverture — qui ne fait aucunement mention de telles réductions — et sur une rumeur de marché rapportée par l'entreprise anonyme 1: «It is indeed well known in the market that Kem One has been granted price reductions by EDF for its new electricity contracts.» («Il est en effet notoire sur le marché que Kem One s'est vu accorder des réductions de prix par EDF pour ses nouveaux contrats d'électricité»).

(178)

La France insiste sur le fait que Kem One ne s'est vu accorder aucune remise de la part d'EDF.

5.2.1.2.   Compatibilité des mesures avec le marché intérieur

(179)

Retour de la viabilité à long terme. La France souligne que les mesures de restructuration industrielle répondent de manière adéquate aux différents facteurs à l'origine des difficultés financières de Kem One et permettront ainsi de rétablir la viabilité à long terme de l'entreprise.

(180)

En premier lieu, à l'encontre de l'argumentation d'Ineos visant à démontrer que le problème structurel de surcapacité de Kem One ne pourra trouver de solution dans un environnement concurrentiel marqué lui aussi par la surcapacité et les faibles prévisions de demande, la France rappelle que les surcapacités nominales sur le marché du S-PVC en Europe de l'Ouest doivent être relativisées. La capacité pratique doit en effet être amputée de 10 % étant donné l'inévitable irrégularité de la production (saisonnalité des ventes, grands arrêts de production). La France considère que la surcapacité réelle du marché global n'est que de 14 %.

(181)

La notion de surcapacité telle que définie par Ineos ne correspond pas à celle des capacités libres mais à la somme des capacités libres (en ignorant la nécessité d'une réserve de 8 %) et des quantités vendues hors d'Europe.

(182)

Cette définition présume à la fois que les installations fonctionnent constamment à 100 % de leur capacité technique, que le marché européen représente le seul débouché rentable (ce qui est démenti par la progression des exportations) et fait abstraction de la réalité géographique (caractérisée par des sites européens très dispersés).

(183)

Kem One estime la capacité disponible sur le marché du PVC du Nord-Ouest de l'Europe à […] kt et la production maximale à […] kt (– [5-15] % pour effets saisonniers, entretiens). Dès lors, sur le marché du S-PVC, les taux d'exploitation s'élèvent à [85-95] % du maximum réaliste et à [80-90] % de la capacité opérationnelle. Pour le PVC pâte (ou E-PVC), les chiffres correspondants sont presque identiques, à savoir [85-95] % du maximum réaliste et [80-90] % de la capacité opérationnelle.

(184)

Les chiffres réels démontrent ainsi que la situation du marché du S-PVC et celle de Kem One sont meilleures que la description qui en est faite par Ineos dans ses observations.

(185)

En second lieu, la France estime que les affirmations d'Ineos et de l'entreprise anonyme 1 selon lesquelles les sites de production de Kem One connaîtraient un taux de surcapacité de 40 % sont sans aucun fondement. En effet, Ineos ne précise pas sa méthode de calcul. Même si les volumes de production des actifs des Kem One ont été affectés à la baisse sur la période 2011-2013 par des événements d'ordre technique, la moyenne du taux d'utilisation des actifs de S-PVC est, selon la France, de [70-80] % sur cinq ans.

(186)

Ainsi, contrairement à ce que soutiennent Ineos et l'entreprise anonyme 1, les difficultés de Kem One ne sont pas liées à des niveaux de production trop faibles. En réalité, le dépôt de bilan de Kem One fin mars 2013 trouve principalement sa source dans une accumulation de difficultés d'ordre structurel (coûts d'accès aux matières premières élevés, outil de production de chlore et de soude de Lavéra insuffisamment compétitif) et conjoncturels (arrêt réglementaire programmé de longue durée et problème technique sur l'approvisionnement en éthylène).

(187)

Pour répondre efficacement à ces différents handicaps, le plan de restructuration prévoit:

des investissements majeurs pour réaliser la conversion des installations d'électrolyse du site de Lavéra et des forages à la saline de Vauvert;

la renégociation des principaux contrats de Kem One pour l'approvisionnement en matières premières essentielles;

une restructuration interne associée à un plan de performance et de productivité;

enfin, une révision de la politique commerciale.

(188)

En cas de succès du scénario nominal, le plan de restructuration permettra à Kem One de retrouver un niveau de marge brute de [25-35] % du chiffre d'affaires dès 2017, ainsi qu'un niveau d'EBITDA de [5-15] % à partir de 2018, ce qui est conforme au niveau de profitabilité moyenne du secteur de la chimie de commodités. Par ailleurs, les hypothèses retenues dans le plan de restructuration et dans le plan d'affaires reposent sur une relative stabilité du chiffre d'affaires (et pas nécessairement un scénario d'augmentation significative des ventes de S-PVC) et des hypothèses de production proches des niveaux historiques de l'entreprise.

(189)

En toute hypothèse, les données FIDES (statistiques de l'industrie du S-PVC) permettent de constater que la part de marché de Kem One en Europe de l'Ouest sur le marché du S-PVC est de [10-20] % en 2014, ce qui correspond à un niveau similaire à celui de 2011 et 2012 et en hausse par rapport à l'année 2013 ([10-20] %). En outre, Kem One bénéficie depuis six mois d'une hausse de ses ventes et de ses marges à l'exportation vers le marché turc, où Kem One pense avoir opportunément repris des parts de marché à des producteurs nord-américains compte tenu de la baisse importante de l'euro face au dollar ainsi que de la baisse du prix du pétrole.

(190)

Les autorités françaises notent également que les affirmations d'Ineos, selon lesquelles Kem One disposerait d'une mauvaise réputation auprès des consommateurs du marché du S-PVC de l'Europe du Nord-Ouest sont en contradiction avec les positions soutenues par ailleurs pour justifier l'adoption de mesures compensatoires, notamment: «Kem One is a significant player in the S-PVC market» («Kem One est un acteur important sur le marché du S-PVS»).

(191)

La France estime par ailleurs que le volet du plan de restructuration relatif à la réorientation de la politique commerciale de Kem One vers d'autres marchés que le S-PVC repose sur des hypothèses prudentes et réalistes et ne représente qu'une composante mineure par rapport au volet industriel du plan.

(192)

Selon la France, l'entreprise a pleinement conscience du fait que les gains de marge les plus importants ne seront pas réalisés sur la politique commerciale mais sur la renégociation des contrats d'accès aux matières premières et plates-formes, ou encore par la modernisation des infrastructures.

(193)

Prévention de toute distorsion excessive de concurrence. La France fait part de ses commentaires sur les points suivants:

la surcapacité structurelle du marché du S-PVC;

l'importance des parts de marché de Kem One sur le marché du S-PVC;

la crédibilité du scénario contrefactuel;

la proposition par les tiers de mesures compensatoires disproportionnées.

(194)

Si l'existence d'une surcapacité structurelle ne peut être niée, celle invoquée par Ineos doit, du point de vue de la France, être fortement nuancée à plusieurs égards. Tout d'abord, les capacités inutilisées des producteurs varient généralement entre 8 et 10 % pour tenir compte de la répartition irrégulière entre l'offre et la demande. Par ailleurs, la situation du marché, comme le relève la Commission dans sa décision Ineos/Solvay/JV, varie sensiblement selon les zones géographiques. Sur le marché du S-PVC, le coût des transports et de la logistique a une influence considérable sur la délimitation régionale du marché géographique. Tant les prix que les marges sont différents en fonction des régions.

(195)

La France estime que les positions de Kem One sur les principaux marchés sur lesquels elle est présente sont très nettement inférieures à celles d'Ineos et Solvay. Elle rappelle à cet égard que la Commission a relevé dans sa décision Ineos/Solvay/JV que «Ineos is the largest supplier of commodity S-PVC in NWE with merchant market shares in 2012 of [30-40] %» («Ineos est le premier fournisseur de S-PVC de base au sein de la région du Nord-Ouest de l'Europe, avec des parts de marché de [30-40] % en 2012») et «Solvay is the second largest player in the NWE market for commodity S-PVC» («Solvay est le deuxième acteur sur le marché du S-PVC de base dans le Nord-Ouest de l'Europe»). S'agissant de Kem One, la Commission a relevé que «Kem One is currently the number five player by sales volume and number three by capacity in NWE ([5-10]* % and [10-20]* % market shares, respectively)» («Kem One est actuellement le cinquième acteur en termes de volume des ventes et le troisième en termes de capacité dans la région du Nord-Ouest de l'Europe ([5-10] * % et [10-20] * % des parts de marché, respectivement»)]. En outre, Ineos et Solvay représentent les deux seules entreprises à exercer une activité si intensément concentrée sur le marché du Nord-Ouest de l'Europe, à la différence de Kem One.

(196)

Ineos et l'entreprise anonyme 1 remettent en cause la crédibilité du scénario contrefactuel proposé par les autorités françaises, selon lequel la réduction de la capacité de production de Kem One sur le marché du PVC entraînerait une réduction de la pression concurrentielle sur les autres acteurs du marché. Pourtant, la France insiste sur le fait que le marché du S-PVC présente bien les caractéristiques d'un marché oligopolistique, comme la Commission l'avait noté dans sa décision Ineos/Solvay/JV. La France souligne que, contrairement à ce qu'avancent les tiers intéressés, Ineos, Solvay et Kem One sont aujourd'hui les seuls acteurs disposant de capacités de production disponibles sur la zone de l'Europe du Nord-Ouest. La France estime en conséquence qu'en plus de menacer le retour effectif à la viabilité de Kem One, l'imposition de mesures compensatoires affecterait la structure concurrentielle du marché au préjudice des clients.

(197)

La France considère que les mesures compensatoires proposées par les parties intéressées sont disproportionnées. En premier lieu, elles lui semblent incompatibles avec le plan de restructuration en cause. Le maintien en activité et le retour à la viabilité à long terme de Kem One passent, selon elle, par le maintien d'une chaîne de production verticalement intégrée présentant, comme c'est le cas aujourd'hui, un équilibre économique entre les capacités des deux sites en amont pour le chlore et le CVM, d'un côté, et celles des cinq sites de production de PVC en aval, de l'autre côté. Ainsi, une fermeture de site ou une réduction des capacités de Kem One mettrait en danger l'équilibre industriel de son activité. Les autorités françaises confirment en revanche que l'engagement finalement proposé de ne pas augmenter la capacité nominale de production de chlore et de soude à Fos-sur-Mer et Lavéra pendant […] constitue une mesure compensatoire adaptée. Cet engagement présente l'avantage de préserver l'intensité concurrentielle du marché du PVC et les perspectives de retour à la viabilité de Kem One, d'une part, et, d'autre part, de préserver les emplois dont le maintien a été permis par le plan de restructuration. Enfin, la France tient à faire remarquer que la décision de Kem One de se retirer de l'ECVM était parfaitement justifiée par des raisons liées à sa gouvernance et ses frais de fonctionnement, ce qui n'empêche aucunement Kem One de conduire une politique environnementale volontariste.

(198)

Limitation de l'aide au minimum par la contribution propre. La France rappelle qu'elle a évalué le montant des contributions privées à 356,3 millions d'EUR, soit 68,6 % de la totalité des contributions.

(199)

La France répond aux objections des parties intéressées sur le prêt bancaire de [55-65] millions d'EUR, sur l'abandon des créances par les partenaires privés ainsi que sur le caractère indispensable du projet SAM.

(200)

La France souligne que les observations des tiers sur le prêt bancaire sont inopérantes, compte tenu du fait qu'elle n'a pas intégré le montant de ce prêt dans la contribution propre de l'entreprise. Ce prêt ne constitue pas un élément jugé indispensable pour permettre le financement des investissements propres au projet SAM. Même en l'absence de prise en compte du prêt bancaire, la contribution propre de Kem One représente plus de 50 % des contributions totales mises en œuvre pour la restructuration de l'entreprise.

(201)

La France souhaite rappeler que la Commission a déjà été amenée, dans sa pratique décisionnelle, à prendre en compte l'abandon de créances dans le calcul de la contribution du bénéficiaire. En outre, cette prise en compte de l'abandon de créances est prévue par les nouvelles lignes directrices concernant les aides d'État au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté autres que les établissements financiers (16) (ci-après «les nouvelles lignes directrices»), entrées en vigueur le 1er août 2014. La France considère que, par l'amélioration de la situation des fonds propres — permettant de libérer des liquidités que Kem One pourra ensuite consacrer à sa restructuration — cette mesure a le même effet qu'un flux financier positif. Comme Arkema, la France note de surcroît que l'abandon de créances est un indicateur de la confiance des partenaires privés dans la poursuite de l'activité de l'entreprise. En tout état de cause, même dans l'hypothèse où l'abandon des créances privées serait exclu du calcul de la contribution propre, cette dernière resterait supérieure à 50 % des coûts de restructuration.

(202)

Vestolit considère que les mesures d'aide en cause permettront à Kem One de maintenir des actifs non viables, alors que ses concurrents ont été contraints de moderniser leurs actifs par leur contribution propre. Pour autant, la France précise que de nombreux concurrents de Kem One ont déjà bénéficié d'aides d'État autorisées par la Commission pour la mise en œuvre de mesures de reconversion technologique similaire à celle entreprise par Kem One. Cette situation se justifie compte tenu des faibles retours sur investissement des projets de conversion en question. Devant les objections de l'entreprise anonyme 1, qui précise que Kem One sera contrainte en tout état de cause d'entreprendre les travaux visés par le projet SAM en vertu de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil (17), la France répond que l'investissement est d'ores et déjà engagé et que la réalisation en est escomptée avant la fin de l'année 2016, soit un an avant la date imposée par ladite directive. Par ailleurs, le projet SAM ne concerne pas uniquement la ou les unités d'électrolyse à mercure. Il concerne également la modernisation de l'unité d'électrolyse à diaphragme de Lavéra, ce qui justifie son importance dans le dossier de restructuration et permet à l'entreprise de maintenir l'équilibre de ses capacités de production entre l'amont (chlore) et l'aval (vinylique), tout en diminuant considérablement les coûts.

6.   APPRÉCIATION DES MESURES D'AIDE

(203)

La France a notifié les trois mesures suivantes: i) le prêt FDES (de 30 millions d'EUR), ii) une subvention (de 15 millions d'EUR) et des avances remboursables (de 80 millions d'EUR) et iii) l'éventuel abandon de créances fiscales et sociales (pour 42 millions d'EUR, finalement ramenés à […] EUR).

6.1.   ÉVALUATION DE LA PRÉSENCE D'AIDE AU SENS DE L'ARTICLE 107, PARAGRAPHE 1, DU TFUE

(204)

La Commission doit examiner si les mesures notifiées sont susceptibles de constituer une aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE.

(205)

Selon l'article 107, paragraphe 1, du TFUE, sont «incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions».

(206)

Sur la base de cette disposition, la qualification d'une mesure publique en tant qu'aide d'État suppose que les conditions cumulatives suivantes soient remplies, à savoir: i) que la mesure en question confère un avantage économique à son bénéficiaire, ii) que cet avantage ait une origine étatique, iii) que cet avantage soit sélectif et iv) que la mesure en cause fausse ou menace de fausser la concurrence et soit susceptible d'affecter les échanges entre États membres.

6.1.1.   Présence de ressources d'État et critère de l'imputabilité

(207)

Le prêt FDES est octroyé par arrêté du ministre de l'Économie et des Finances et son exécution est confiée au directeur général du Trésor. La loi de finances pour 2014 a doté le FDES d'un budget de 300 millions d'EUR. Il est utile de préciser que le FDES, doté d'une personnalité juridique différente de celle de l'État, ne peut être assimilé à un fonds géré avec une obligation d'équilibre financier entre les remboursements en capital et leur utilisation pour de nouvelles interventions. Les prêts du FDES sont réalisés par l'intermédiaire d'un compte spécial du Trésor et constituent les dépenses de ce compte. Les intérêts des prêts sont versés quant à eux au budget général de l'État. La doctrine d'emploi du FDES s'appuie toujours sur la circulaire du 26 novembre 2004 visée au point 28. L'octroi de prêts par le FDES fait toujours l'objet d'un examen au cas par cas. Ils ne font pas l'objet d'une attribution automatique en fonction de critères précédemment établis.

(208)

Il est prévu que la subvention et les avances remboursables soient consenties au titre du dispositif des aides à la réindustrialisation, dans le cadre d'une convention conclue avec Bpifrance au nom de l'État.

(209)

Les abandons de créances fiscales et sociales seront décidés dans le cadre de la CCSF. Cette commission est présidée par le directeur départemental des finances publiques.

(210)

Le prêt FDES, la subvention, les avances remboursables et l'abandon de créances fiscales et sociales sont donc consentis au moyen de ressources publiques et octroyés par des décisions prises par l'État.

6.1.2.   Sélectivité

(211)

Les mesures examinées sont prévues de façon ad hoc, exclusivement en faveur de Kem One pour les besoins de la reprise.

6.1.3.   Présence d'un avantage économique

(212)

Un avantage économique existe dès lors que la situation financière d'une entreprise est améliorée du fait de l'intervention de l'État. Cependant, l'intervention d'une autorité publique ne confère pas un avantage à leur bénéficiaire et, de ce fait, ne constitue pas une aide si elle est réalisée dans des conditions normales de marché, c'est-à-dire si l'autorité publique s'est comportée comme un opérateur en économie de marché l'aurait fait en pareille situation.

6.1.3.1.   Le prêt FDES (30 millions d'EUR)

(213)

Valeur des sûretés. À la suite de l'ouverture de la procédure, la France a communiqué à la Commission la liste des actifs faisant l'objet de la sûreté de premier rang de la France.

(214)

La France a présenté un rapport d'évaluation de ces biens, établi par des experts indépendants. Ce rapport appelle trois types de commentaires. Tout d'abord, la Commission remarque que le rapport concerne l'évaluation des biens immobiliers de Kem One et non les matériels et équipements gagés. Au surplus, il convient de remarquer que les experts ont évalué la valeur des biens à [110-120] millions d'EUR, soit [20-30] millions d'EUR de moins que la valeur nette comptable telle qu'avancée par la France, ce qui confirme les doutes de la Commission selon lesquels la valeur nette comptable ne reflète pas la valeur réelle des biens. Enfin, ce rapport date de juillet 2012, c'est-à-dire avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, qui date de mars 2013. Or, la valeur d'actif à prendre en compte est non pas la valeur comptable mais la valeur à laquelle les biens s'échangeraient si le créancier, en l'occurrence l'État, venait à exercer son droit de gage. Lorsqu'une entreprise est en difficulté et est acculée à vendre ses actifs, sa position de faiblesse et l'urgence dans laquelle elle se trouve font qu'en général ses biens se négocient à un prix inférieur aux prix du marché.

(215)

Dans sa réponse, la France fait par ailleurs référence aux montants des transactions intervenues en 2014 dans le secteur du PVC. Ce type de comparaison n'est certes pas dénué de valeur dans l'absolu. Toutefois, ni Vestolit ni Vinnolit n'étaient des entreprises en difficulté lors de leur rachat, contrairement à Kem One. En outre, ces transactions concernaient l'ensemble de l'entreprise et non les seuls équipements et matériels. Cette comparaison n'est donc pas valide en l'espèce.

(216)

Enfin, la Commission avait demandé à la France de fournir une estimation de la valeur des biens gagés en fonction des recettes nettes que leur exploitation pouvait dégager. Or, la France a fourni une évaluation de la valeur de l'entreprise dans son ensemble et non des seuls biens gagés. Au surplus, pour déterminer la valeur future de l'entreprise au titre des années 2014, 2015 et 2016, elle prend en compte les investissements de reconversion des installations d'électrolyse de Lavéra, celles-là mêmes que le prêt FDES va contribuer à financer. En somme, pour déterminer le montant des sûretés du prêt FDES, la France prend en compte la valeur d'un bien modernisé grâce à ce même prêt FDES. Cette évaluation ne peut donc être retenue.

(217)

Enfin, dans sa réponse à la décision d'ouverture, la France n'a apporté aucun élément permettant de dissiper les doutes de la Commission concernant le caractère vieillissant et sous-performant, voire obsolète, de certains outils de production sur lesquels porte le gage de la France.

(218)

Au regard de ces éléments, il convient d'adopter une approche conservatrice et donc de considérer les sûretés comme «faibles» au sens de la communication sur les taux de référence de 2008 afin de déterminer un niveau de rémunération du prêt FDES conforme aux conditions du marché.

(219)

Niveau de rémunération. La Commission concède que le niveau de rémunération calculé selon la méthodologie basée sur les données Bloomberg et Capital IQ (qui aboutit à un taux de 20,95 %) n'est pas à même de conduire à une approximation de la réalité des taux de marché, faute de prise en compte des sûretés et garanties. En outre, aucun établissement bancaire n'a octroyé de prêt à Kem One sur les mêmes bases que l'État.

(220)

En conséquence et comme énoncé au point 92 de la décision d'ouverture, faute de réelles données de marché satisfaisantes disponibles, il convient pour la Commission de déterminer le taux applicable en vertu de la communication sur les taux de référence de 2008, qui précise: «Ces taux [de référence et d'actualisation] servent d'indicateurs du taux du marché et permettent de calculer l'équivalent-subvention d'une aide d'État».

(221)

Comme il a été démontré, les sûretés constituées pour garantir le prêt FDES ne peuvent être considérées comme fortes et ne peuvent donc pas justifier l'application de 400 points de base comme le soutient la France.

(222)

Par ailleurs, la France n'a apporté aucun élément nouveau permettant de justifier que la mise en œuvre effective du plan de redressement et l'engagement de Kem One d'appliquer une gestion financière solide ne constituent pas des obligations et des contreparties habituelles à une mesure de restructuration, mais qu'au contraire elles justifient une rémunération inférieure à un taux de marché.

(223)

Enfin, la comparaison avec le contrat d'affacturage de [opérateur privé 2] est sans objet étant donné que le débiteur n'est pas Kem One, mais les débiteurs de celle-ci.

(224)

Compte tenu de ses difficultés financières, Kem One doit être considérée comme une entreprise notée CCC au sens de la communication sur les taux de référence de 2008. De même, les sûretés peuvent être qualifiées de «faibles» au sens de ladite communication. En l'absence d'éléments mettant en cause les taux d'intérêt figurant dans la communication sur les taux de référence de 2008, la Commission considère que le taux d'intérêt aux conditions de marché peut être calculé sur la base de cette dernière et s'élève à 10,53 % (0,53 % pour le taux de référence de la France au moment de l'octroi du prêt + 1 000 points de base).

(225)

Montant de l'aide. Au regard de sa pratique passée, la Commission considère que le montant de l'aide équivaut à la différence entre le taux d'intérêt calculé en vertu de la communication sur les taux de référence de 2008 (10,53 %) et le taux d'intérêt pratiqué par la France (3,5 %). Pour chaque échéance de versement (chaque année), on calcule la différence entre, d'une part, le produit du taux d'intérêt effectif (3,5 %) par le capital restant à payer et, d'autre part, le produit du taux d'intérêt retenu par la Commission (10,53 %) par le capital restant à payer. Les montants obtenus (sept au total, pour les sept années de remboursement du prêt) sont ensuite actualisés et additionnés pour parvenir au chiffre de […] EUR.

6.1.3.2.   La subvention (15 millions d'EUR) et les avances remboursables (80 millions d'EUR)

(226)

La subvention. La Commission est d'avis qu'une subvention constitue un avantage économique que le bénéficiaire n'obtiendrait pas à des conditions de marché. En effet, une subvention est un instrument financier dont le capital n'est pas remboursable et qui ne génère pas d'intérêt à payer par le bénéficiaire. Il est donc exclu qu'un prêteur privé, qui a un coût de financement et doit rémunérer son capital, accepte de financer une entreprise par des subventions. Le montant d'aide équivaut par conséquent à l'intégralité de la subvention octroyée, soit 15 millions d'EUR.

(227)

Les avances remboursables. La Commission note la présence de certaines conditions liées à leur octroi qu'un prêteur privé n'aurait vraisemblablement pas exigées. Il s'agit notamment de la condition relative au maintien de l'activité et des emplois sur le site de Lavéra pendant les cinq ans qui suivent la réalisation du projet, sauf si la pérennité de Kem One le justifiait et après accord préalable de l'État. Cependant, l'obligation de remboursement confirme que ces avances remboursables peuvent être assimilées à un prêt pour les besoins de la présente décision.

(228)

S'agissant du montant d'aide, faute de réelles données de marché satisfaisantes disponibles (par exemple un prêt bancaire effectivement accordé à Kem One dans les mêmes conditions que les avances remboursables), il convient pour la Commission de déterminer le taux applicable en vertu de la communication sur les taux de référence de 2008. Compte tenu de son état d'entreprise en difficulté, Kem One doit être considérée comme une entreprise notée CCC au sens de ladite communication. Par ailleurs, les avances ne sont garanties par aucune sûreté. En conséquence, le taux d'intérêt aux conditions de marché calculé sur la base de la communication sur les taux de référence de 2008 est de 10,53 % (0,53 % pour le taux de référence de la France au moment de l'octroi du prêt + 1 000 points de base).

(229)

Sur la tranche 1 (65 millions d'EUR), le montant d'aide est donc égal à la différence entre le taux d'intérêt calculé en vertu de la communication sur les taux de référence de 2008 (10,53 %) et le taux d'intérêt pratiqué par la France (3,5 %), soit 21,77 millions d'EUR. Ces avances remboursables sont en effet assimilées à des prêts lors du calcul du montant d'aide actualisé, de sorte que la méthode de calcul est similaire à celle adoptée pour le prêt FDES. Pour chaque échéance de versement (chaque année), on calcule la différence entre, d'une part, le produit du taux d'intérêt effectif (3,5 %) par le capital restant à payer et, d'autre part, le produit du taux d'intérêt retenu par la Commission (10,53 %) par le capital restant à payer. Les montants obtenus (sept au total, pour les sept années de remboursement du «prêt») sont ensuite actualisés et additionnés pour parvenir au chiffre de 21,77 millions d'EUR. De la même manière, sur la tranche 2 (15 millions d'EUR), le montant d'aide est égal à la différence entre le taux d'intérêt calculé en vertu de la communication sur les taux de référence de 2008 (10,53 %) et le taux d'intérêt pratiqué par la France (10 %), soit 1,64 million d'EUR.

(230)

Ainsi le montant total de l'avantage économique au titre de cette mesure s'élève à […] EUR.

6.1.3.3.   L'éventuel abandon des créances fiscales et sociales

(231)

Il convient tout d'abord de noter que dans sa réponse à la décision d'ouverture, la France a clarifié que le montant des créances sociales et fiscales ne s'élevait pas à 42 millions d'EUR comme cela avait été indiqué dans la notification, mais à […] EUR. En effet, le montant de 42 millions d'EUR correspondait à un montant estimé de façon très large par les administrations fiscales et sociales et avait été déclaré à titre provisoire dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouverte par le tribunal de commerce de Lyon, avant tout inventaire détaillé des créances effectives.

(232)

Concernant les dettes vis-à-vis des créanciers privés, la majorité d'entre elles a été abandonnée au minimum à 70 %.

(233)

À ce titre, les abandons de créances consentis par [opérateur privé 3] et [opérateur privé 1] doivent être analysés de manière séparée. En effet, ces deux créanciers sont tous les deux des partenaires commerciaux étroitement liés à Kem One. […] et certaines productions de Lavéra (CVM, résidus chlorés, chloroforme) sont essentielles pour [opérateur privé 1] en raison de l'intégration verticale de la chaîne de fabrication des gaz fluorés, qui implique les sites de Lavéra, Saint-Aubain et Pierre-Bénite, tous situés dans le Sud de la France. Ces productions sont très difficilement remplaçables par des sources de produit plus lointaines. Concernant [opérateur privé 3], ses installations sont reliées à celles de Kem One par des canalisations. De plus, il n'existe pas de débouché alternatif pour la production d'éthylène par vapocraqueur de [opérateur privé 3] à Lavéra qui puisse faire l'objet d'une valorisation équivalente.

(234)

Par ailleurs, les partenaires industriels connaissent leur client et sont indispensables au fonctionnement de l'entreprise et à sa continuation. Ils ont donc intérêt à rester impliqués dans l'entreprise et à consentir un abandon de créances, contrairement à un créancier purement financier dont le seul objectif est de récupérer sa créance. Ainsi, compte tenu de la particularité de la situation de ces deux créanciers, estimer que le niveau moyen d'abandon de créances est de […] % n'est pas recevable.

(235)

Néanmoins, tous les autres créanciers ayant accepté un abandon de créances l'ont fait à hauteur de 70 % (soit 368 créanciers, pour un montant total de 33,4 millions d'EUR). Ces créanciers ne jouissaient d'aucun privilège ni sûreté et ne se trouvaient donc pas dans une situation comparable à celle des créanciers fiscaux et sociaux. Par conséquent, en acceptant d'abandonner […] % des dettes rémissibles, la France est allée au-delà de ce que les créanciers privés ont accepté.

(236)

Cependant, la France explique qu'accorder un abandon de créances de […] EUR permet d'éviter une perte éventuelle […] EUR. Toutefois, la différence de […] EUR est faible par rapport aux sommes irrémédiablement perdues ([…] EUR), en particulier au regard du caractère incertain de la perte de […] EUR. Cette solution n'apparaît donc pas comme étant celle qu'adopterait un créancier privé en économie de marché.

(237)

Au regard de ces éléments, le montant d'aide équivaut à la différence entre le niveau d'abandon de créances appliqué par la France ([…] % ou […] EUR) et le niveau d'abandon de créances des investisseurs privés (70 % ou […] EUR), soit […] EUR.

6.1.4.   Affectation de la concurrence et des échanges entre États membres

(238)

Les mesures de soutien public favorisent Kem One en lui fournissant des ressources financières additionnelles et en lui évitant de cesser ses activités. Elles lui permettent en effet de conserver une position concurrentielle plus forte que celle qu'elle aurait eue en l'absence d'aide. Elles menacent donc de fausser la concurrence entre les opérateurs présents dans le secteur du PVC et sur le marché de la production de chlore et de soude.

(239)

Par ailleurs, ces différents secteurs sont caractérisés par des échanges commerciaux importants entre les États membres sur le territoire européen. Le marché du PVC est relativement concentré: cinq opérateurs, dont Kem One, représentent 90 % du marché, Kem One se situant au troisième rang européen des producteurs de S-PVC. La Commission a déjà eu l'occasion de considérer que la dimension géographique de ce marché recouvre au moins l'Europe du Nord-Ouest, ce qui implique des conditions de concurrence relativement homogènes dans cet espace (18). Par conséquent, l'avantage accordé par les mesures examinées à une entreprise active sur un marché ouvert à la concurrence et relativement concentré est de nature à pouvoir fausser la concurrence et à affecter les échanges entre États membres.

6.1.5.   Conclusion quant à la présence d'aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE

(240)

Au regard des éléments qui ont été exposés, la Commission conclut que l'ensemble des mesures examinées constituent des aides d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE, d'un montant total équivalent à 49,27 millions d'EUR.

6.2.   ÉVALUATION DE LA COMPATIBILITÉ DES MESURES AVEC LES RÈGLES D'AIDES D'ÉTAT APPLICABLES

6.2.1.   Base juridique applicable

(241)

L'interdiction des aides d'État prévue à l'article 107, paragraphe 1, du TFUE n'est ni absolue ni inconditionnelle. En particulier, les paragraphes 2 et 3 de l'article 107 du TFUE constituent des bases juridiques permettant de considérer certaines aides comme compatibles avec le marché intérieur. En l'espèce, la Commission considère que les aides notifiées prévues au seul bénéfice de Kem One ont pour but de restaurer la viabilité à long terme d'une entreprise en difficulté.

(242)

Malgré l'entrée en vigueur des nouvelles lignes directrices le 1er août 2014, les aides en cause seront analysées à l'aune des lignes directrices de 2004. En effet, le point 136 des nouvelles lignes directrices prévoit que les mesures dont la notification a été enregistrée par la Commission avant le 1er août 2014 seront examinées à la lumière des critères en vigueur au moment de cette notification. Étant donné que les mesures en cause ont été notifiées le 30 juillet 2014 et enregistrées avant le 1er août 2014, elles seront examinées à la lumière des lignes directrices de 2004.

(243)

Par conséquent, il convient d'analyser si les mesures examinées pourraient être considérées comme compatibles avec le marché intérieur sur la base de l'article 107, paragraphe 3, du TFUE, en application des critères indiqués dans les lignes directrices de 2004.

6.2.2.   Éligibilité de Kem One aux aides à la restructuration

(244)

Une nouvelle société, K1, a été constituée pour acquérir et détenir les titres de Kem One conformément au plan de continuation et de redressement validé par le tribunal de commerce de Lyon. K1 assure donc la continuité économique avec Kem One.

(245)

La Commission ne conteste pas les conditions d'éligibilité de Kem One à l'application des lignes directrices de 2004 invoquées par les autorités françaises. En redressement judiciaire depuis le 27 mars 2013, Kem One remplit les critères du point 10 c) des lignes directrices de 2004.

6.2.3.   Retour à la viabilité à long terme

(246)

Le point 17 des lignes directrices de 2004 prévoit que «[u]ne restructuration, en revanche, se fonde sur un plan réaliste, cohérent et de grande envergure, visant à rétablir la viabilité à long terme de l'entreprise. Elle comporte habituellement un ou plusieurs des éléments suivants: la réorganisation et la rationalisation des activités de l'entreprise sur une base plus efficace, la conduisant généralement à se désengager des activités déficitaires, à restructurer les activités existantes dont la compétitivité peut être restaurée et, parfois, à se diversifier en se tournant vers des activités nouvelles et rentables. Normalement, la restructuration industrielle doit s'accompagner d'une restructuration financière (injections de capital, désendettement). Une restructuration au sens des présentes lignes directrices ne peut toutefois se limiter à une aide financière destinée à combler les pertes antérieures, sans intervention sur les causes de ces pertes».

(247)

Par ailleurs, les points 34 et suivants des lignes directrices de 2004 précisent les caractéristiques que doit présenter un plan de restructuration afin d'assurer la compatibilité de l'aide octroyée avec les règles d'aides d'État.

6.2.3.1.   Sur les coûts liés à la restructuration

(248)

Au cours de son enquête approfondie, la Commission a eu l'opportunité d'examiner les arguments que la France a avancés dans sa réponse à la décision d'ouverture, en particulier la question de l'absence de coûts relatifs à la restructuration de l'effectif. La France a clarifié que sur les [90-110] postes de travail qui allaient être supprimés, seuls [35-45] départs effectifs de l'entreprise allaient avoir lieu. Arkema a confirmé reprendre [25-35] salariés, sans dédommagement et seuls [1-15] salariés ont dû être indemnisés par Kem One, pour un montant total de […] million d'EUR Cette somme a été intégrée dans les projections en déduction du compte de résultat au début de la période de restructuration. Les autres postes supprimés l'ont été sur des postes qui étaient jusque-là vacants.

(249)

Par ailleurs, il a été confirmé par la France et Kem One que la restructuration n'engendrerait aucun coût additionnel.

6.2.3.2.   Sur la durée du plan de restructuration

(250)

En réponse aux doutes exprimés dans la décision d'ouverture, la France a expliqué que le point de départ de la période de restructuration est le 5 février 2014, c'est-à-dire le jour de la reprise des activités de Kem One par le nouvel actionnaire (transfert des actions de Kem One Holding, précédente société mère de Kem One, à K1, société holding porteuse des titres de Kem One). Le terme de la période de restructuration est le 31 décembre 2016, date à laquelle le projet SAM aura été réalisé. À cette date, toutes les actions du plan de restructuration auront été mises en œuvre.

(251)

La durée du plan de restructuration est donc inférieure à trois ans, ce qui est conforme à l'exigence du point 35 des lignes directrices de 2004, qui prévoit que la durée du plan de restructuration doit être «la plus courte possible». Ainsi, le plan de restructuration serait à même de rétablir la rentabilité de Kem One dans un délai raisonnable.

6.2.3.3.   Sur le caractère réaliste des scénarios de retour à la viabilité

(252)

Dans la décision d'ouverture, la Commission s'interrogeait sur la crédibilité de certains éléments des scénarios de retour à la viabilité à long terme présentés par les autorités françaises. Elle observait notamment que le scénario nominal, s'agissant du rétablissement de la trésorerie, ne laissait qu'un faible excédent de trésorerie à la fin de la clôture en 2020. Les résultats de trésorerie étaient bien plus dégradés dans le scénario pessimiste, dans lequel la trésorerie affichait un montant négatif de [100-150] millions d'EUR en 2020.

(253)

Les tiers ont largement repris les doutes exprimés par la Commission dans la décision d'ouverture.

(254)

La Commission constate que, dans la réponse à la décision d'ouverture, les autorités françaises ont apporté les précisions et les mises à jour nécessaires en ce qui concerne les hypothèses initiales du plan d'affaires.

(255)

Tout d'abord, la France a confirmé que le besoin et l'obtention du prêt bancaire de [60-70] millions d'EUR étaient hypothétiques et qu'un tel prêt n'interviendrait en tout état de cause pas avant 2016. Compte tenu des incertitudes entourant tant l'obtention du prêt que le moment de cette obtention et les conditions de ce prêt, la Commission estime qu'il est peu pertinent de prendre en compte les [60-70] millions d'EUR apportés par cet hypothétique prêt dans l'analyse du retour à la viabilité. En conséquence, à la demande de la Commission, les autorités françaises ont communiqué des projections comptables basées sur des hypothèses pessimistes, médianes et optimistes n'incluant pas le prêt bancaire.

(256)

La Commission note ensuite que le projet d'investissement lié à la restructuration se déroule mieux que prévu par les prévisions initiales. Ainsi, le montant de l'investissement prévu de [150-250] millions d'EUR a été revu à la baisse de [15-25] millions d'EUR. Sa réalisation a également été avancée et serait envisagée pour le quatrième trimestre 2016, soit quatre à cinq mois plus tôt que la date prévue. Cette anticipation permet une économie estimée à [10-20] millions d'EUR. Par conséquent, dans le scénario médian, la trésorerie est améliorée de [30-40] millions d'EUR. Dans le scénario pessimiste, le niveau de trésorerie est affecté dans les mêmes proportions et s'élève désormais à un montant négatif de [70-80] millions d'EUR.

(257)

En outre, la Commission constate que Kem One a enregistré une progression globale des volumes produits et vendus de […] % en 2014 par rapport en 2013, progression qui se rapproche des niveaux de production historique de 2007/2008 et du niveau cible prévu par le plan de restructuration pour les exercices 2017/2018. Cette augmentation des volumes de production de PVC et de soude découle de la mise en place progressive du plan de restructuration et de l'absence d'incidents techniques sur les sites de production.

(258)

Par ailleurs, en raison de la baisse continue en 2014 des cours du baril de pétrole et donc des prix de l'éthylène, conjuguée à celle du prix de la soude, Kem One a enregistré une baisse de chiffre d'affaires supérieure aux prévisions. Cependant, la Commission note que cette baisse du chiffre d'affaires n'entraîne pas de dégradation des marges de l'entreprise dans la mesure où les prix des matières premières nécessaires à la fabrication de PVC baissent dans des proportions équivalentes, voire supérieures.

(259)

La Commission en conclut que les précisions apportées par les autorités françaises à la suite de la décision d'ouverture permettent de confirmer la crédibilité du retour à la viabilité à long terme de Kem One. Les mesures de restructuration envisagées visent, conformément aux exigences des lignes directrices de 2004, à accomplir la transition nécessaire de Kem One vers une structure industrielle plus intégrée verticalement, et donc plus efficace en termes de rentabilité, grâce au projet SAM et à la maîtrise des coûts de production relatifs à l'approvisionnement en matières premières.

6.2.4.   Prévention de toute distorsion excessive de la concurrence

(260)

Le point 38 des lignes directrices de 2004 prévoit que «[p]our faire en sorte que les effets défavorables sur les conditions des échanges soient réduits au minimum, de manière que les effets positifs recherchés l'emportent sur les conséquences défavorables, des mesures compensatoires doivent être prises. À défaut, l'aide sera considérée comme “contraire à l'intérêt commun” et donc incompatible avec le marché commun». Le point 39 des lignes directrices de 2004 précise que «[p]armi les mesures possibles figurent la cession d'actifs, la réduction de capacité ou de la présence sur le marché et la réduction des barrières à l'entrée sur les marchés concernés».

(261)

Le but des mesures compensatoires est donc de permettre de limiter les effets des mesures d'aide sur les marchés sur lesquels le bénéficiaire est présent, sans pour autant mettre en jeu la structure de la concurrence sur ces marchés, ni la viabilité in fine du bénéficiaire.

6.2.4.1.   La cession d'actifs n'est pas une mesure compensatoire adéquate en l'espèce

(262)

Le point 40 des lignes directrices de 2004 précise que les mesures compensatoires «devraient porter, en particulier, sur le ou les marchés sur lesquels l'entreprise détiendra une position important après la restructuration». Comme expliqué dans la section 2.1 de la présente décision, Kem One est principalement active sur le marché du PVC, et plus particulièrement le S-PVC de base et le E-PVC, et elle détient des positions relativement importantes en France et en Italie.

(263)

Cependant, le point 39 des lignes directrices de 2004 prend soin de préciser que «[p]our apprécier si les mesures compensatoires sont adéquates, la Commission tiendra compte de la structure du marché et des conditions de concurrence de manière à s'assurer qu'aucune des mesures en question n'entraîne de détérioration de la structure du marché, par exemple par un effet indirect de création d'une situation de monopole ou d'oligopole étroit. Si un État membre est en mesure de prouver qu'une telle situation se produirait, les contreparties doivent être interprétées de manière à l'éviter».

(264)

Concernant la structure du marché, le marché du PVC en général est caractérisé par un besoin pour les acteurs d'être intégrés verticalement afin de contrôler toute la chaîne de valeur et de pouvoir être compétitifs. Ainsi, la nécessité pour un opérateur de disposer d'une structure de production autonome et intégrée a été mise en avant par la Commission dans le cadre de la décision Ineos/Solvay/JV.

(265)

Plus particulièrement, la Commission a été amenée à apprécier dans la décision Ineos/Solvay/JV, l'existence de plusieurs modèles d'entreprises de niveau d'intégration différent dans le secteur du PVC. Elle relève à cet égard que les modèles n'offrant pas une intégration verticale du PVC jusqu'au chlore sont l'exception en Europe et que «the current competitive landscape indicates that full vertical integration is the general trend in the industry» («le paysage concurrentiel actuel indique que l'intégration verticale totale est la tendance générale dans le secteur»).

(266)

Quant à recréer une «simili-intégration» en liant entre eux différents acteurs par des contrats privilégiés de fourniture, plusieurs exemples passés, certains impliquant d'ailleurs la société Kem One, confirment les risques associés à une telle structure, fondée sur la fourniture extérieure des matières premières clés.

(267)

L'importance d'une intégration verticale pour les opérateurs actifs sur le marché du PVC a été confirmée par les engagements proposés par les parties notifiantes et acceptés par la Commission dans l'affaire Ineos/Solvay/JV. En effet, celles-ci se sont engagées à céder un actif verticalement intégré afin de garantir sa viabilité sur le marché et de régler les problèmes de concurrence identifiés par la Commission sur le marché du S-PVC.

(268)

En outre, par le passé, quelques producteurs indépendants de PVC non verticalement intégrés ont tenté de s'imposer sur le marché du PVC, sans succès.

(269)

Enfin, dès lors qu'il existe une séparation géographique entre les unités de la chaîne verticale, les coûts de transport de CVM sont particulièrement onéreux en raison de la nature du produit (gaz liquéfié extrêmement toxique), quel que soit le mode de transport considéré (rail, route ou transport maritime). Ces coûts de transport élevés (environ 10 % de la valeur du produit) aggravent considérablement la situation dans le cas de marges faibles, comme la Commission l'a relevé au point 1452 de la décision Ineos/Solvay/JV: «As regards imports from other areas, VCM transport costs seem to constitute a major hurdle. IHS, a global information company that provides, among other things, monthly and annual indexes, reports and news related to the vinyl industry, talks about “prohibitive freight rates”. This is not surprising, as VCM is a chemical product that is hazardous and difficult to transport, as acknowledged by the Notifying Parties» («En ce qui concerne les importations d'autres zones, les coûts de transport de CVM semblent constituer un obstacle majeur. IHS, entreprise mondiale d'information qui fournit entre autres des indices, des rapports et des informations mensuels et annuels relatifs au secteur du vinyle, parle de “taux de fret prohibitifs”. Cela n'est pas surprenant, dès lors que le CVM est un produit chimique dangereux et difficile à transporter, ainsi que l'ont reconnu les parties notifiantes»).

(270)

Au surplus, il est intéressant de noter que la principale mesure compensatoire proposée par Ineos concerne la cessation des activités de l'ensemble de la chaîne de production de Lavéra, y inclus les sites en aval. Cela montre que tous les acteurs du marché, y compris les concurrents de Kem One, reconnaissent que la viabilité sur le marché dépend de l'intégration verticale.

(271)

En conséquence, une mesure compensatoire consistant dans la cession de l'un des sites de production de PVC de Kem One (tel que le site de Balan ou de Berre) n'apparaît pas comme une solution viable. En effet, faute d'accès en interne aux entrants situés en amont (chlore, éthylène), l'acquéreur se verrait dans l'obligation de conclure des accords de fourniture avec Kem One, ce qui le mettrait dans une situation intenable du point de vue tant de son indépendance commerciale que de sa capacité à exercer une réelle pression concurrentielle. En outre, amputer Kem One de l'un de ses sites en aval déstabiliserait toute la chaîne de production de l'entreprise en privant ses sites de production de chlore et d'éthylène en amont de débouchés internes.

(272)

Dans le cadre de l'affaire Ineos/Solvay/JV, la Commission a souligné l'incertitude quant à la question de savoir si Kem One pouvait constituer un concurrent agressif vis-à-vis de l'entreprise commune d'Ineos et Solvay, compte tenu des difficultés de Kem One et de l'absence de certitude quant au succès de la mise en œuvre du plan de restructuration examiné. Toutefois, la Commission a noté qu'une réduction de la capacité de production de Kem One se traduirait par une augmentation de la part de marché de l'entreprise commune d'Ineos et Solvay, alors que, par ailleurs, la mise en œuvre du plan de restructuration pouvait avoir pour effet de réduire les incitations de Kem One à augmenter sa production de façon significative en réaction à un accroissement de prix de l'entreprise commune. En outre, dans son évaluation de la situation concurrentielle du marché à la suite de la concentration, la Commission a adopté une approche conservatrice en considérant que Kem One garderait pleinement sa force concurrentielle (19).

(273)

Dans ces conditions, transformer la structure de Kem One en réduisant ses ventes sur le marché du PVC ou en modifiant substantiellement son périmètre d'activité remettrait en cause l'équilibre du marché du PVC tel qu'il a émergé à la suite de la création de l'entreprise commune d'Ineos et Solvay et à la mise en œuvre des engagements pris par les parties au cours de l'instruction de la transaction (20).

(274)

En effet, malgré la mise en œuvre des engagements pris dans la décision Ineos/Solvay/JV, qui a eu pour effet d'éliminer les chevauchements horizontaux entre Ineos et Solvay sur le marché du S-PVC de l'Europe du Nord-Ouest, l'entreprise commune d'Ineos et Solvay reste de loin l'acteur le plus important du marché avec une part de marché de [30-40] % en 2012. En conséquence, imposer une cession d'actifs à Kem One affaiblirait significativement cette dernière et amoindrirait la pression concurrentielle qu'elle est en mesure d'exercer sur l'entreprise commune d'Ineos et Solvay.

(275)

En effet, une mesure compensatoire qui consisterait à couper les activités S-PVC de Kem One en deux entités verticalement intégrées par la vente d'un site de production de S-PVC (Balan ou de Berre) conjointement avec un site de production d'entrants (le site de production de Fos-sur-Mer) aurait le mérite de préserver le caractère verticalement intégré de la production de S-PVC. Cependant, une telle solution amputerait Kem One d'environ […] % de ses activités dans le domaine du S-PVC et affaiblirait sa capacité de concurrencer l'entreprise commune d'Ineos et Solvay. Ainsi, par son ampleur, une telle solution aurait pour conséquence d'ébranler la structure du marché du S-PVC qui résulte de la création de l'entreprise commune d'Ineos et Solvay et de rendre insuffisants les engagements mis en œuvre pour remédier aux problèmes de concurrence suscités par cette concentration et garantir une concurrence effective sur le marché du S-PVC.

(276)

Incidemment, une mesure compensatoire de ce type mettrait en cause le retour à la viabilité de Kem One. Enfin, une telle mesure pourrait apparaître comme disproportionnée au regard tant du montant d'aides perçu par l'entreprise (environ 10 fois moins important) que des coûts de restructuration (environ 100 millions d'EUR de moins).

6.2.4.2.   Absence de surcapacité structurelle à long terme sur le marché en cause

(277)

Les parties intéressées ont insisté sur la situation de surcapacité du marché européen du PVC. Elles ont en conséquence invoqué le point 42 des lignes directrices de 2004, qui précise: «Lorsque le bénéficiaire est actif sur un marché affecté par une surcapacité structurelle à long terme au sens de l'encadrement multisectoriel des aides à finalité régionale en faveur des grands projets d'investissement, il est possible que la réduction de la capacité de la société ou de sa présence sur le marché doive atteindre 100 %».

(278)

Dans la décision Ineos/Solvay/JV, la Commission a effectivement constaté une situation de surcapacité sur le marché du PVC européen. Néanmoins, la Commission insiste sur deux points:

elle ne retient pas la méthode de calcul de la surcapacité utilisée par Ineos et l'entreprise anonyme 1. La définition de la surcapacité présume en effet que les installations industrielles fonctionnent constamment à 100 % de leur capacité technique;

la décision Ineos/Solvay/JV prend appui sur des données de 2012.

(279)

Or, depuis 2012, la Commission constate que plusieurs facteurs indiquent clairement que la situation de surcapacité sur le marché du PVC européen a évolué.

(280)

Calcul de la surcapacité. La Commission insiste en premier lieu sur le fait que, si des surcapacités ont effectivement existé par le passé, leur ampleur semble avoir été surévaluée par les tiers intéressés. En effet, la capacité de production effective d'un opérateur présent sur le marché dépend in fine de la saisonnalité des ventes (les ventes de S-PVC en Europe sont en baisse en août et en décembre). En outre, les arrêts de production programmés pour maintenance, le ralentissement de la production de chlore lors des périodes hivernales et le coût élevé de l'électricité font que les capacités de production sont très rarement utilisées à 100 %. Par ailleurs, l'activité industrielle de production du PVC se caractérise par la survenue épisodique d'incidents de fabrication et de défauts d'approvisionnement en matières premières. Enfin, les capacités libres ne sauraient s'additionner, compte tenu des facteurs d'éloignement géographique et de coût de transports non négligeables au sein même de l'Europe.

(281)

En réalité, la production effective de PVC ne dépasse que rarement, sur une base annuelle, 90 % des capacités affichées par l'ensemble des producteurs.

(282)

D'après les données FIDES (statistiques internes à la profession), en 2014, la capacité nominale de production de PVC pour l'Europe de l'Ouest et centrale était de [6 000-7 000] kt, et la production effective de [5 000-6 000] kt, ce qui revient à un taux d'utilisation des capacités nominales de [80-90] %. La surcapacité réelle en 2014 est donc limitée sur ce marché. La Commission note par ailleurs que le taux d'utilisation des capacités de production de S-PVC est également de l'ordre de 84,3 % aux États-Unis [selon les données de l'IHS, l'un des principaux analystes spécialisés du marché avec l'ICIS (Independent Chemical Information Services)].

(283)

La surcapacité du marché du S-PVC. Depuis l'été 2014, plusieurs facteurs ont affecté l'offre sur le marché européen. En premier lieu, la baisse de l'euro, accompagnée d'une forte baisse du prix du pétrole, a largement contribué à la croissance des ventes à l'exportation (en Turquie, en Inde, en Afrique du Nord). Ces marchés d'exportation sont en effet facilement accessibles pour les producteurs européens: ainsi, pour Kem One, le coût de transport de S-PVC de son usine de Berre vers la Turquie est de l'ordre de […] EUR/t, contre […] EUR/t vers l'Allemagne et le Nord de l'Europe. En conséquence, les exportations totales de Kem One au premier trimestre de 2015 s'élevaient à […] kt, en progression par rapport à la même période un an plus tôt ([…] kt). Un rapport de l'IHS de mars 2015 souligne cette évolution de la situation des producteurs européens de PVC. Il indique qu'en 2009 les exportations des producteurs de S-PVC localisés en Europe de l'Ouest représentaient 19 % de la production, contre 30 % à la fin de l'année 2014. Cette évolution est à l'origine d'une tension croissante sur les disponibilités — situation strictement contraire à la surcapacité sur un marché — sans que celle-ci exerce une pression concurrentielle sur l'entreprise commune d'Ineos et Solvay. Cette tension a entraîné une hausse des prix de vente au début de l'année 2015. Par ailleurs, la baisse de l'offre sur le marché européen accroît le pouvoir de négociation des producteurs de PVC. Un article de l'ICIS du 10 avril 2015 dresse ce constat, en appuyant son analyse sur les communications de clients sur le marché: «One buyer said that with European market seeing low imports, production difficulties and an increase in demand, April will be a month in which producers potentially can break long standing records for margin improvements» («Un acheteur a déclaré que, dès lors que le marché européen connaît une situation d'importations faibles, de difficultés de production et d'augmentation de la demande, avril sera un mois au cours duquel les producteurs pourraient battre des records établis de longue date en matière d'amélioration de leur marge»). Cette situation a conduit les producteurs à soumettre les gros clients à des quotas et à augmenter les prix de vente. Dans ces conditions, un démembrement de Kem One et/ou une réduction durable de ses ventes ne feraient que renforcer la position concurrentielle de l'entreprise commune d'Ineos et Solvay au détriment de la concurrence sur les marchés non européens.

(284)

La Commission en conclut que les parties intéressées, dans leur analyse de l'état de surcapacité du marché, n'ont pas suffisamment pris en compte l'évolution du marché du PVC depuis la décision Ineos/Solvay/JV, alors même que cette évolution peut donner lieu à une situation dans laquelle des exportations stratégiquement ciblées vers des pays tiers et des réorientations de la production pourraient, en cas de concurrence affaiblie, se traduire par des hausses de prix préjudiciables aux clients situés en Europe de l'Ouest.

6.2.4.3.   Les mesures compensatoires jugées adéquates par la Commission

(285)

À titre liminaire, il convient de noter que le point 39 des lignes directrices de 2004 ne propose pas de liste limitative des mesures compensatoires possibles, mais se borne à énumérer quelques-unes des solutions a priori acceptables, sans pour autant restreindre la capacité de la Commission de retenir des mesures compensatoires ne figurant pas dans cette énumération.

(286)

À l'issue de son enquête, la Commission est parvenue à la conclusion que les mesures suivantes sont des mesures compensatoires adéquates:

plafonnement de la capacité nominale de production de chlore ([600-700] kt/an) et de soude ([600-700] kt/an hors autoconsommation) sur les sites de Fos-sur-Mer et Lavéra, et ce pour une durée de […] à partir de la date d'adoption de la présente décision;

plafonnement de la part de marché de S-PVC de Kem One sur la zone de l'Europe du Nord-Ouest (Allemagne, Belgique, Danemark, France, Irlande, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède pris ensemble) (21), à hauteur de [10-20] % en volume, et ce pour une durée de […] à partir de la date d'adoption de la présente décision;

interdiction de procéder à l'acquisition de participations ou d'actifs d'entreprises sur les marchés de produits de l'EEE sur lesquels Kem One est présente, et ce pour une durée de […] à partir de la date d'adoption de la présente décision. Cette interdiction s'étend à Kem One et à toute personne physique ou morale exerçant actuellement ou venant à exercer dans les […] à venir un contrôle sur Kem One au sens de l'article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) n 139/2004 du Conseil (22).

(287)

Ces trois mesures compensatoires sont de nature à contrebalancer les effets défavorables des mesures d'aide sur les conditions des échanges en empêchant Kem One d'utiliser les aides reçues pour accroître sa présence tant sur le marché du PVC que sur les autres marchés où elle est active.

(288)

Plafonnement pour une durée […] à partir de la date d'adoption de la présente décision de la capacité nominale de production de chlore ([600-700] kt/an) et de soude ([600-700] kt/an hors autoconsommation) des sites de production de Fos-sur-Mer et Lavéra. Cette mesure revient déjà à «réduire» la production effective de chlore de […] kt par rapport aux capacités de production effective de Kem One telles que prévues après la réalisation du projet SAM. Le taux actuel d'utilisation des capacités de production de chlore et de soude est de [80-90] % ([85-95] % correspondant à un taux d'utilisation pratique habituel, amputé d'environ [5-15] % en conséquence d'un incident exceptionnel intervenu sur le site de Fos-sur-Mer en juin 2014). L'utilisation de la capacité de production à [90-100] % en 2015 et 2016 correspond à […] kt/an. Ce taux d'utilisation devrait augmenter à [85-95] % une fois la reconversion des installations d'électrolyse chlore/soude réalisée à Lavéra, du fait d'une fiabilité intrinsèquement plus élevée, pour atteindre la production effective de chlore prévue par le plan d'affaires, soit […] kt/an. Toutefois, il faut noter que la nouvelle installation d'électrolyse à membrane serait capable de produire [5-15] % de plus que la production «nominale» de […] kt/an, en augmentant l'intensité de courant électrique de […] à […] kA/m2. Cette option technique a été retenue par Kem One, et l'acquisition du matériel adéquat a été négociée avec le fournisseur, afin de faciliter une augmentation du niveau de production ultérieur, en ligne avec la croissance attendue du marché du chlore pour les années 2017 et suivantes.

(289)

En effet, si l'on considère l'ensemble des débouchés du chlore pour Kem One, par ses fabrications en aval (S-PVC, PVC pâte, PVC surchloré et chlorométhanes), Kem One dispose de capacités suffisantes pour absorber une production de […] kt/an de chlore. Par ailleurs, les prévisions de croissance de Kem One pour la demande en chlore et en soude en Europe de l'Ouest sont, respectivement, de l'ordre de […] % et […] % par an (23). Le plafonnement des capacités de production empêchera donc Kem One de développer sa production de chlore jusqu'à [600-700] kt/an en production effective, ce qui lui aurait permis d'approcher la saturation de l'ensemble de ses débouchés potentiels, c'est-à-dire de maximiser le taux d'utilisation de ses actifs en aval du chlore. En définitive, le plafonnement de la capacité nominale à [600-700] kt/an de chlore, soit une production effective attendue de […] kt/an de chlore, prive Kem One de la possibilité d'accompagner la croissance du marché de la soude, ce qui se traduit par une perte d'opportunité de […] % environ sur la croissance des ventes en […]. La part de marché de Kem One pour la soude en Europe de l'Ouest, estimée à [5-15] %, passerait dès lors à [5-15] %.

(290)

En outre, cette mesure mettrait Kem One dans l'impossibilité d'augmenter ses propres débouchés et parts de marché en Europe et/ou à l'exportation pour les dérivés du chlore que sont le S-PVC, le E-PVC (ou PVC pâte), le PVC-C (ou PVC surchloré), les chlorométhanes et, dans une moindre mesure, le chlore liquide. La perte d'opportunité est de l'ordre de […] kt de chlore sur […]. À titre d'illustration, […] kt de chlore permettent par exemple de fabriquer […] kt de S-PVC, grâce auxquels la part de marché de Kem One pourrait passer de [10-20] % à [10-20] %, si l'on se réfère au niveau de ventes de PVC de Kem One ([…] kt/an) et à la taille du marché du S-PVC accessible aux producteurs européens ([…] Mt).

(291)

Plafonnement pour une durée de […] à partir de la date d'adoption de la présente décision de la part de marché de S-PVC de Kem One et de ses filiales présentes ou futures sur la zone de l'Europe du Nord-Ouest (Allemagne, Belgique, Danemark, France, Irlande, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède pris ensemble), à hauteur de [10-20] % en volume. (24) S'agissant du S-PVC (y compris le M-PVC ou «PVC masse» de Saint-Fons, qui lui est assimilé sur le marché), Kem One dispose d'une capacité nominale de production de […] kt/an, ce qui représente près de […] % des capacités de production totales de l'Europe de l'Ouest ([…] Mt/an).

(292)

[…]

(293)

La combinaison de ces actions industrielles et commerciales devrait conduire à une augmentation significative des volumes commercialisés sur cette zone géographique (environ […] Kt), de façon à porter la part de marché du S-PVC de l'entreprise dans cette zone à [10-20] %.

(294)

Ainsi, la Commission estime que le plafonnement de la part de marché de Kem One à [10-20] % (en volume) sur le marché du S-PVC […] à partir de la date d'adoption de la présente décision dans la zone de l'Europe du Nord-Ouest permettrait de garantir que les mesures d'aide ne soient pas utilisées par Kem One dans le cadre de son activité commerciale dans cette zone. Ce plafonnement permet également d'atténuer les effets de l'aide et d'éviter tout risque d'atteinte excessive à la concurrence. En outre, l'inclusion dans ce périmètre géographique de la France, où Kem One a sa principale implantation industrielle et commerciale dans le domaine du S-PVC, répond aux exigences de la jurisprudence en matière de mesures compensatoires (25). Cette solution offre aussi l'avantage de maintenir la pression concurrentielle sur l'entreprise commune d'Ineos et Solvay, qui est le principal acteur sur le marché du S-PVC en Europe du Nord-Ouest (26) et ce sans pour autant geler la situation concurrentielle pour une durée démesurément longue.

(295)

Au vu de ces qui précède la Commission considère que ces plafonnements temporaires sont en effet des mesures plus appropriées que la cession d'actifs pour prévenir la distorsion excessive de concurrence par les aides en question tout en maintenant une pression concurrentielle sur le marché de S-PVC en Europe du Nord-Ouest.

(296)

Interdiction d'acquisition. Cette interdiction concernera non seulement Kem One, mais aussi toute personne physique ou morale exerçant actuellement ou venant à exercer dans les […] à venir un contrôle sur Kem One au sens de l'article 3, paragraphe 2, du règlement CE sur les concentrations, qui précise que «[l]e contrôle découle des droits, contrats ou autres moyens qui confèrent, seuls ou conjointement et compte tenu des circonstances de fait ou de droit, la possibilité d'exercer une influence déterminante sur l'activité d'une entreprise, et notamment: a) des droits de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens d'une entreprise; b) des droits ou des contrats qui confèrent une influence déterminante sur la composition, les délibérations ou les décisions des organes d'une entreprise». Ainsi, ni Kem One ni les entités qui la contrôleront ne seront en mesure de détourner les aides versées par la France et de les utiliser pour accroître leur pouvoir de marché au détriment des opérateurs qui n'ont pas reçu de subsides publics.

(297)

L'interdiction ne couvrira pas les acquisitions i) qui sont nécessaires au retour à la viabilité de Kem One et ii) qui ne constituent pas un contournement de l'obligation de limitation des effets de l'aide au strict minimum nécessaire pour accomplir les objectifs du plan de restructuration de Kem One. Une acquisition ne pourra avoir lieu tant que la Commission n'aura pas jugé que les conditions prévues aux points i) et ii) sont remplies. L'intention de réaliser une acquisition et les éléments permettant à la Commission de juger si ces conditions sont remplies devront être communiqués à la Commission dans un délai raisonnable.

6.2.4.4.   Contrôle et rapports semestriels

(298)

Le point 49 des lignes directrices de 2004 prévoit: «La Commission doit être mise en mesure de s'assurer de la bonne mise en œuvre du plan de restructuration, au moyen de rapports réguliers, détaillés, qui lui sont communiqués par l'État membre concerné».

(299)

En l'espèce, compte tenu du montant d'aide en jeu, de la nature des mesures compensatoires nécessaires pour assurer la compatibilité des aides avec les règles d'aides d'État, de l'objectif d'assurer le retour à la viabilité de Kem One et de la situation concurrentielle sur le marché en cause, la Commission estime qu'il est nécessaire que la France lui adresse des rapports semestriels présentant les éléments suivants:

la bonne mise en œuvre du plan de restructuration, avec une appréciation quant à la poursuite de l'objectif de retour à la viabilité de Kem One;

le plafonnement effectif de la capacité nominale de production de chlore et de soude à Fos-sur-Mer et à Lavéra;

le plafonnement effectif de la part de marché de Kem One sur le marché du S-PVC dans la zone de l'Europe du Nord-Ouest (Allemagne, Belgique, Danemark, France, Irlande, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède pris ensemble), à hauteur de [10-20] %;

l'absence d'acquisition de participations ou d'actifs d'entreprises sur les marchés de produits de l'EEE sur lesquels Kem One est présente;

un état des lieux de la situation concurrentielle du marché du PVC et des marchés en amont et en aval dans l'EEE, incluant, notamment, les parts de marché et les capacités des opérateurs, les changements dans la structure des marchés, l'évolution des prix et tout autre élément utile à la bonne compréhension de la Commission.

(300)

Ces rapports devront être fournis pendant […] à compter de la date d'adoption de la présente décision. Le premier rapport devra parvenir à la Commission six mois après la date d'adoption de la présente décision.

(301)

En conclusion, en ce qui concerne la prévention de toute distorsion excessive de la concurrence due aux mesures d'aide, compte tenu de la présence de l'entreprise commune Ineos/Solvay, qui est un acteur bien plus fort sur le marché du S-PVC, au fait que des mesures compensatoires plus drastiques prenant la forme d'une cession d'actifs telles qu'énoncées au point 39 des lignes directrices de 2004 risqueraient de mettre en péril la viabilité de Kem One et affaibliraient sa force concurrentielle, ce qui serait nuisible à la structure et performance concurrentielle du marché et étant donné que les mesures compensatoires examinées dans cette section 6.2.4 de la présente décision sont à même d'atténuer suffisamment les effets et d'apporter un remède approprié, dans les circonstances de l'espèce, à la distorsion de concurrence introduite par l'aide et seront évaluées conjointement avec la situation concurrentielle du marché dans des rapports réguliers, lesdites mesures compensatoires sont jugées adéquates par la Commission.

6.2.5.   Limitation de l'aide au minimum: contribution réelle, exempte d'aide

(302)

Le point 43 des lignes directrices de 2004 prévoit que «[l]e montant et l'intensité de l'aide doivent être limités au strict minimum des coûts de restructuration nécessaire pour permettre la réalisation de la restructuration en fonction des disponibilités financières de l'entreprise, de ses actionnaires ou du groupe dont elle fait partie». Le point 44 des lignes directrices de 2004 précise que «[l]a Commission considérera normalement que les contributions suivantes à la restructuration seront appropriées: […] 50 % pour les grandes entreprises».

(303)

Tout d'abord, les éléments recueillis à la suite de l'ouverture de la procédure n'ont pas permis de justifier l'inclusion du prêt de [60-70] millions d'EUR dans la contribution propre de Kem One. En effet, la France a confirmé le caractère hypothétique et incertain du prêt, tout en soulignant qu'il n'interviendrait en tout état de cause pas avant 2016. Ce prêt ne satisfait donc pas à la condition d'effectivité réelle de la contribution propre du bénéficiaire précisée dans les lignes directrices de 2004. Par conséquent, la Commission considère qu'il n'est pas justifié de le prendre en compte dans le calcul.

(304)

L'enquête de la Commission a montré que les ressources à prendre en compte pour le calcul de la contribution propre de Kem One aux coûts de restructuration sont les suivantes:

Tableau 4

Sources des contributions privées prévues dans le plan de restructuration selon la Commission

Source de la contribution

Montant (Mio EUR)

Autofinancement de Kem One

[10-20]

Financement [opérateur privé 1]

[35-45]

Financement [opérateur privé 2]

[55-65]

Augmentation de capital par des repreneurs

10

Désintéressement des créances d'[opérateur privé 6]

[0-10]

Total

133,4

Source: Commission.

(305)

Plusieurs éléments nouveaux sont apparus en cours d'enquête. Tout d'abord, concernant l'autofinancement de Kem One, seuls 18 millions d'EUR ont été injectés par Kem One dans le projet de modernisation à ce jour. Le caractère hypothétique du versement du solde empêche ces sommes d'être qualifiées de contribution propre. Par ailleurs, l'affacturage de [opérateur privé 2] s'élève in fine à [55-65] millions d'EUR (contre [40-50] millions d'EUR initialement prévus) à la suite des négociations entre Kem One et [opérateur privé 2].

(306)

Le coût de la restructuration est estimé à 222 millions d'EUR. La contribution propre de Kem One à cette restructuration représente donc 60 % des coûts de restructuration.

(307)

En conséquence, il peut être conclu que l'aide est limitée au minimum, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la nature des abandons de créances consentis par les créanciers privés.

6.2.6.   Principe de non-récurrence

(308)

En vertu des points 72 et suivants des lignes directrices de 2004, une aide à la restructuration ne peut être accordée à une entreprise qu'une fois sur une période de dix années.

(309)

La France a précisé dans sa notification que ni Kem One ni le groupe auquel elle appartient n'ont déjà bénéficié d'une aide au sauvetage ou à la restructuration dans le passé.

(310)

En conséquence, le principe de non-récurrence est respecté.

7.   CONCLUSION

(311)

La Commission estime que les mesures d'aide en cause peuvent être déclarées compatibles avec le marché intérieur en application de l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE, à condition que les mesures compensatoires énumérées à la section 6.2.4.3 de la présente décision soient respectées et que les rapports prévus à la section 6.2.4.4 de la présente décision soient présentés à la Commission dans les délais impartis,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

Les aides que la France envisage de mettre à exécution en faveur de Kem One SAS (ci-après «Kem One») sous la forme i) d'un prêt du Fonds de développement économique et social, ii) d'une subvention et d'avances remboursables et iii) d'éventuels abandons de créances fiscales et sociales sont compatibles avec le marché intérieur aux conditions prévues à l'article 2.

Article 2

1.   La France fait en sorte que la capacité nominale de production de chlore ([600-700] kt/an) et de soude ([600-700] kt/an hors autoconsommation) de Kem One sur les sites de Fos-sur-Mer et Lavéra demeure inchangée pendant […] à compter de la date d'adoption de la présente décision.

2.   La France fait en sorte que la part de marché de Kem One sur le marché du S-PVC en Europe du Nord-Ouest (Allemagne, Belgique, Danemark, France, Irlande, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède pris ensemble) ne dépasse pas [10-20] % pendant une durée de […] à compter de la date d'adoption de la présente décision.

3.   La France fait en sorte que Kem One et toute personne physique ou morale exerçant actuellement ou venant à exercer, dans les […] suivant la date d'adoption de la présente décision, un contrôle sur Kem One, s'abstiennent de procéder à l'acquisition de participations ou d'actifs d'entreprises sur les marchés de produits de l'Espace économique européen (EEE) sur lesquels Kem One est présente, et ce pour une durée de […] à compter de la date d'adoption de la présente décision.

L'interdiction prévue à ce paragraphe ne s'applique pas aux acquisitions:

a)

qui sont nécessaires au retour à la viabilité de Kem One, et

b)

qui ne constituent pas un contournement de l'obligation de limitation des effets de l'aide au strict minimum nécessaire pour accomplir les objectifs du plan de restructuration de Kem One.

L'intention de réaliser une acquisition visée à ce paragraphe et les éléments permettant à la Commission de juger si les conditions prévues aux points a) et b) sont remplies sont communiqués à la Commission dans un délai raisonnable. L'acquisition ne peut avoir lieu tant que la Commission n'a pas jugé que lesdites conditions sont remplies.

Article 3

La France communique à la Commission des rapports semestriels présentant les éléments suivants:

a)

la bonne mise en œuvre du plan de restructuration avec une appréciation quant à la poursuite de l'objectif de retour à la viabilité de Kem One;

b)

toute information utile concernant le respect des conditions énoncées à l'article 2, et notamment l'évolution de la part de marché de Kem One sur le marché visé au paragraphe 2 dudit article;

c)

un état des lieux de la situation concurrentielle du marché du PVC et des marchés en amont et en aval dans l'EEE, incluant, notamment, les parts de marché et les capacités des opérateurs, les changements dans la structure des marchés, l'évolution des prix et tout autre élément utile à la bonne compréhension de la Commission.

Ces rapports sont fournis pendant […] à compter de la date d'adoption de la présente décision. Le premier rapport devra parvenir à la Commission six mois après la date d'adoption de la présente décision.

Article 4

La France informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, des mesures prises pour s'y conformer.

Article 5

La République française est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 28 juillet 2015.

Par la Commission

Margrethe VESTAGER

Membre de la Commission


(1)  JO C 460 du 19.12.2014, p. 40.

(2)  Voir note de bas de page 1.

(*)  Information confidentielle.

(3)  Voir notamment la décision de la Commission du 8 mai 2014 dans l'affaire M.6905 — Ineos/Solvay/JV (ci-après la «décision Ineos/Solvay/JV»).

(4)  Le chlore est utilisé pour la fabrication du chlorure de vinyle monomère (CVM) utilisé à son tour pour la fabrication du PVC.

(5)  […]

(6)  Journal officiel de la République française no 279 du 1.12.2004, p. 20468.

(7)  D'après la définition retenue par l'Institut national de la statistique et des études économiques, une entreprise de taille intermédiaire est une entreprise qui a entre 250 et 4 999 salariés, et soit un chiffre d'affaires n'excédant pas 1,5 milliard d'EUR, soit un total de bilan n'excédant pas 2 milliards d'EUR. Une entreprise qui a moins de 250 salariés, mais plus de 50 millions d'EUR de chiffre d'affaires et plus de 43 millions d'EUR de total de bilan est aussi considérée comme une entreprise de taille intermédiaire.

(8)  «Une modification substantielle dans les objectifs ou les moyens du plan ne peut être décidée que par le tribunal, à la demande du débiteur et sur le rapport du commissaire à l'exécution du plan. Lorsque la situation du débiteur permet une modification substantielle du plan au profit des créanciers, la saisine du tribunal peut émaner du commissaire à l'exécution du plan».

(9)  La décision de souscrire cet emprunt sera prise en fonction du cash-flow généré par Kem One en 2014 et 2015.

(10)  «Lorsqu'une demande d'autorisation concerne une installation classée à implanter sur un site nouveau et susceptible de créer, par danger d'explosion ou d'émanation de produits nocifs, des risques très importants pour la santé ou la sécurité des populations voisines et pour l'environnement, des servitudes d'utilité publique peuvent être instituées concernant l'utilisation du sol ainsi que l'exécution de travaux soumis au permis de construire».

(11)  JO C 14 du 19.1.2008, p. 2.

(12)  Application de la majoration de 650 points de base pour un niveau de sûretés qualifié de normal et de 1 000 points de base pour un niveau de sûretés qualifié de faible.

(13)  JO C 244 du 1.10.2004, p. 2.

(14)  […] EUR de cotisations patronales + […] EUR d'impôts et taxes + […] EUR de cotisations relevant du régime obligatoire dues au groupe Malakoff Médéric.

(15)  Quote-part de […] % des dettes non remises, soit […] EUR, plus les dettes non rémissibles, soit […] EUR, plus les dettes sociales constituées postérieurement au redressement judiciaire, soit 13 millions d'EUR.

(16)  JO C 249 du 31.7.2014, p. 1.

(17)  Directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) ( JO L 334 du 17.12.2010, p. 17).

(18)  Décision de la Commission du 26 juillet 2011 dans l'affaire M.6218 — Ineos/Tessenderlo Group S-PVC Assets. Voir aussi la décision Ineos/Solvay/JV.

(19)  Voir points 805, 828 et 838 de la décision Ineos/Solvay/JV.

(20)  Ainsi, le 9 juin 2015, la Commission a autorisé l'acquisition de certaines entreprises de la branche «chlorures de vinyle» d'Ineos par ICIG et approuvé cette dernière en tant qu'acquéreur des actifs cédés en lien avec la création d'une entreprise commune (IP/15/5147).

(21)  Voir point 403 de la décision Ineos/Solvay/JV.

(22)  Règlement (CE) n 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises («le règlement CE sur les concentrations») (JO L 24 du 29.1.2004, p. 1).

(23)  L'historique des dix dernières années tend en effet à montrer que la demande de soude, dont l'usage est extrêmement varié, croît selon un taux très proche de celui du PIB, tandis que celle de chlore croît à un taux très légèrement plus faible.

(24)  Dès lors que les volumes de vente sur la zone géographique sont connus avec un certain délai dans les statistiques professionnelles et ne dépendent pas uniquement de Kem One et que le respect du seuil peut requérir des adaptations relativement rapides de la politique commerciale en redéployant les ventes au sein de la zone géographique couverte, il convient d'encadrer le seuil de part de marché retenu. Ainsi si la part de marché dépasse de 10 % le plafond fixé par la présente décision, le plafond sera réputé ne pas avoir été dépassé si le bénéficiaire rétablit la part de marché à 11 % dans un délai maximum d'un an à partir du premier rapport semestriel faisant état de ce dépassement.

(25)  T-115/09 et T-116/09 — Electrolux et Whirlpool/Commission. EU:T:2012:76, points 50 à 58.

(26)  Voir points 403 et suivants de la décision Ineos/Solvay/JV.


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