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Document 32006D0431

    2006/431/CE: Décision de la Commission du 5 octobre 2005 relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE à l’encontre d’Automobiles Peugeot SA et de Peugeot Nederland NV (Affaires COMP/E2/36623 36820 37275 — SEP et autres/Automobiles Peugeot SA) [notifiée sous le numéro C(2005) 3683] (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

    JO L 173 du 27.6.2006, p. 20–24 (ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, NL, PL, PT, SK, SL, FI, SV)

    Legal status of the document Date of entry into force unknown (pending notification) or not yet in force.

    ELI: http://data.europa.eu/eli/dec/2006/431/oj

    27.6.2006   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    L 173/20


    DÉCISION DE LA COMMISSION

    du 5 octobre 2005

    relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE à l’encontre d’Automobiles Peugeot SA et de Peugeot Nederland NV

    (Affaires COMP/E2/36623 36820 37275 — SEP et autres/Automobiles Peugeot SA)

    [notifiée sous le numéro C(2005) 3683]

    (Le texte en langue française est le seul faisant foi.)

    (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

    (2006/431/CE)

    Le 5 octobre 2005, la Commission a adopté une décision relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE. Conformément aux dispositions de l’article 30 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil (1), la Commission publie ci-après les noms des parties et l’essentiel de la décision, ainsi que les sanctions qui leur ont, le cas échéant, été infligées, en tenant compte de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués. Une version non confidentielle du texte intégral de la décision est disponible dans les langues faisant foi en l’espèce et dans les langues de travail de la Commission sur le site web de la DG COMP, à l’adresse suivante: http://ec.europa.eu/comm/competition/index_fr.html

    1.   RÉSUMÉ DE L’INFRACTION

    1.1.   Introduction

    (1)

    À la suite des plaintes dont elle avait été saisie de la part de certains intermédiaires français, la Commission a adopté, le 5 octobre 2005, une décision aux termes de l’article 7 du règlement (CE) no 1/2003 (ci-après «la décision»), adressée aux sociétés Automobiles Peugeot SA, constructeur automobile, et Peugeot Nederland NV, sa filiale à 100 % chargée de l’importation des véhicules de marque Peugeot aux Pays-Bas (ci-après «PNE»), pour violation de l’article 81 du traité. En effet, ces entreprises ont, en accord avec les concessionnaires membres du réseau Peugeot aux Pays-Bas, commis une infraction à l’article 81 en mettant en œuvre deux mesures visant à entraver les ventes transfrontalières de voitures en provenance de ce pays et destinées aux consommateurs finaux établis dans d’autres États membres, en particulier la France. La première mesure, mise en œuvre de 1997 à 2003, a consisté en un système de bonus versé aux concessionnaires discriminant les ventes à l’exportation et qui, considéré sous l’angle de son mode de fonctionnement objectif, allait au-delà de ce qui était nécessaire pour inciter les concessionnaires néerlandais à consacrer leurs meilleurs efforts de vente sur leur territoire contractuel. La seconde mesure, mise en œuvre de 1997 à 2001, a consisté en des pressions d’Automobiles Peugeot SA sur les concessionnaires actifs à l’exportation, mesure directe qui est venue renforcer l’impact du bonus discriminatoire.

    1.2.   Faits

    1.2.1.   Les entreprises et le produit visé

    1.2.1.1.   Les entreprises

    (2)

    Peugeot SA (ci-après dénommé «PSA») est le deuxième constructeur automobile européen avec 15,5 % des ventes en 2002 (voitures particulières et véhicules utilitaires légers) qui comprend les marques Peugeot et Citroën. Automobiles Peugeot SA est un constructeur automobile généraliste filiale à 100 % de PSA, qui développe, produit et distribue des voitures sous la marque Peugeot. Dans chacun des vingt-cinq États membres, la distribution des produits et services Peugeot est assurée par un réseau national de distribution au détail. Aux Pays-Bas, ce réseau est organisé et animé par un importateur contrôlé à 100 % par Automobiles Peugeot SA, en l’occurrence PNE, situé à Utrecht, Pays-Bas.

    (3)

    Aux Pays-Bas, le réseau Peugeot est composé par des concessionnaires et des agents revendeurs qui leur sont contractuellement liés. Le nombre de concessionnaires et d’agents revendeurs membres du réseau Peugeot aux Pays-Bas a été sensiblement réduit entre 1995 et 2003.

    1.2.1.2.   Le marché en cause

    (4)

    Le marché des voitures particulières se divise en un certain nombre de segments. La restriction de concurrence considérée par la décision est une restriction par objet, qui demeure appréciable non seulement lorsque le marché est considéré à travers chacun des segments concernés pris individuellement, mais également si l’on considère qu’un segment pertinent pour cette affaire et les deux segments voisins se chevauchent en formant un marché pertinent, ou si l’on considère que ce dernier est constitué par l’ensemble des segments mentionnés au considérant. Il n’est donc ici pas nécessaire de prendre une décision définitive quant au segment qui doit être considéré comme le marché en cause, ni de trancher la question de savoir si le marché pour les voitures particulières comprend la Communauté dans son ensemble ou si chaque État membre constitue un marché géographique distinct.

    (5)

    Entre 1995 et 2002, le total des voitures particulières neuves immatriculées chaque année dans l’Union européenne et l’Espace économique européen est passé de 12 034 316 à 14 398 718 unités. La marque Peugeot prise isolément a représenté un total de 861 696 immatriculations en 1995 et 1 277 738 immatriculations en 2002, passant du sixième au troisième rang des marques dans l’Union européenne avec une part de marché passant de 7,2 % en 1995 à 8,9 % en 2002 (2). La marque Peugeot a également connu aux Pays-Bas une croissance forte et continue de ses parts de marché, qui sont passées de 6,5 % en 1997 à 10,7 % en 2003 pour les véhicules particuliers.

    1.2.2.   L’accord en cause

    (6)

    La décision vise une infraction mise en œuvre dans le cadre des accords de distribution exclusive et sélective régissant les relations entre Peugeot et ses concessionnaires néerlandais. Cette infraction s’est articulée autour de deux mesures spécifiques aptes à restreindre le commerce parallèle: un système de rémunération des concessionnaires dépendant de la destination géographique du véhicule, et des pressions sur les concessionnaires actifs à l’exportation.

    1.2.2.1.   Bonus discriminatoire

    (7)

    Aux Pays-Bas, la rémunération des concessionnaires était composée d’une partie fixe [la marge sur facture (3)] et d’une partie liée aux résultats du concessionnaire [ou bonus (4)], dont le concessionnaire avait besoin afin de dégager un profit de son activité. Or, ce bonus ne pouvait être obtenu par le concessionnaire néerlandais qu’à condition que les voitures vendues par lui soient immatriculées sur le territoire de son État membre. Le système mis en place par Peugeot distinguait deux phases régissant le mécanisme d’octroi du bonus: l’acquisition du droit au bonus était établie sur base d’une échelle progressive de réalisation d’un objectif convenu en début d’exercice, objectif de ventes à effectuer sur le territoire du concessionnaire. Dans un second temps, lorsque l’objectif de ventes était atteint, la liquidation du droit ainsi acquis s’effectuait également sur la base de véhicules vendus dans le territoire. Une telle immatriculation sur le territoire de l’État membre était requise par Automobiles Peugeot SA à la fois 1) pour la satisfaction de tout objectif de vente permettant l’acquisition du droit au bonus et la détermination du niveau de rabais par voiture, mais également 2) pour identifier chaque véhicule vendu par Automobiles Peugeot SA qui pouvait bénéficier de cette rémunération (la liquidation du bonus).

    (8)

    Dans la période comprise entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 1999, Automobiles Peugeot SA a en effet appliqué un système de rémunération des concessionnaires qui consistait dans le versement au concessionnaire d’une rémunération forfaitaire supplémentaire («bonus» et «superbonus») pour la vente de tous les modèles de voitures particulières qui étaient immatriculées aux Pays-Bas à partir du 1er janvier 1997. Ensuite, dans la période 1er janvier 2000 au 1er octobre 2003, Automobiles Peugeot SA a modifié le système de rémunération des concessionnaires afin d’introduire une partie variable de la marge, tout en conservant un «bonus quantitatif» payé au concessionnaire qui atteignait ses objectifs d’immatriculations de véhicules de marque Peugeot aux Pays-Bas. Le principe du bonus quantitatif n’a que peu varié durant ces deux périodes. Pour l’application du bonus, les concessionnaires ont été divisés en catégories selon le nombre de voitures figurant dans leur objectif. La détermination du bonus avait lieu selon le modèle de voiture, la catégorie de concessionnaire et le pourcentage de l’objectif atteint.

    (9)

    Dès janvier 1997, les circulaires annuelles à tous les concessionnaires concernant la mise en œuvre d’un nouveau système de bonus, confirmées par d’autres éléments probatoires, prévoyaient que les voitures particulières prises en compte pour la liquidation du bonus étaient, de manière générale, uniquement celles immatriculées sur le marché néerlandais.

    1.2.2.2.   Pressions sur les concessionnaires

    (10)

    La seconde mesure susmentionnée concerne l’exercice de pressions sur les concessionnaires par Automobiles Peugeot SA, pressions qui sont venues renforcer l’impact du système de bonus discriminatoire par des interventions directes auprès des concessionnaires, ou des tentatives de limiter, au moyen de menaces de restrictions de livraison, l’activité à l’exportation qu’ils avaient manifestement développée.

    (11)

    Il convient ici de souligner que la stratégie d’Automobiles Peugeot SA visant à limiter les exportations à partir des Pays-Bas était connue des membres du réseau de distribution qui craignaient les effets à long terme des exportations sur leurs profits, et qui ont exprimé lors de trois réunions avec l’importateur qu’ils partageaient l’objectif des mesures demandées par ce dernier. Peugeot a tenu à assurer la cohésion du comportement des membres du réseau néerlandais, l’importateur intervenant en cas d’exportations au moyen de menaces directes et de restrictions de livraison en vue de confirmer la discipline ainsi établie.

    (12)

    En premier lieu, PNE a effectué des pressions directes en intervenant occasionnellement pour limiter les ventes à l’exportation de certains concessionnaires. PNE a mis en œuvre ces pressions notamment à travers ses Account Managers Dealernet (AMD), employés faisant partie du service en charge des ventes de voitures de l’importateur. Dans une partie des rapports de visite de ces AMD, mention était faite des ventes de véhicules à des consommateurs résidant à l’étranger. Les remarques de ces AMD relevées dans la décision ne trouvent leur sens que dans un contexte où les exportations devaient, du point de vue d’Automobiles Peugeot SA, conserver un caractère tout à fait exceptionnel. D’autres exemples confirment l’exercice de pressions visant le même objet et dont la mise en œuvre ne s’appuyait pas sur les AMD. Les interventions directes ont concerné huit concessionnaires entre 1997 et 2001.

    (13)

    En second lieu, dès 1997, ces pressions ont également pris la forme de menaces de réductions des livraisons, notamment sur les modèles les plus exportés tels que la 806. Pour l’exercice 1997 certains modèles tels que la 406 Airlines et les 106 Accents ont été strictement réservés au marché néerlandais: leur exportation constituait un acte répréhensible entraînant la responsabilité du concessionnaire exportateur. Les menaces de restrictions de livraison, suivies par des restrictions ponctuelles, ont notamment concerné le modèle 306 break. De plusieurs minutes de réunion, il ressort que VPDN a également soutenu dès 1997 l’adoption des mesures de limitation de l’approvisionnement de certains modèles, ainsi que de l’élimination de la gamme des modèles les plus exportés. En outre, en 1998 au titre du modèle 206, les concessionnaires de la partie occidentale du pays ont pris acte de leur intérêt à mettre fin aux exportations.

    2.   APPRÉCIATION JURIDIQUE

    2.1.   L’accord sur les mesures en cause

    (14)

    Les mesures adoptées par Automobiles Peugeot SA en vue de restreindre les ventes à l’exportation et la concurrence intramarque n’ont pas constitué des comportements unilatéraux. Elles ont relevé au contraire de l’article 81, paragraphe 1, du traité. Elles se sont insérées dans les relations contractuelles entre Automobiles Peugeot SA, d’une part, et les concessionnaires appartenant à ses réseaux de distribution sélective et exclusive aux Pays-Bas, d’autre part, dont l’objet est la vente des véhicules Peugeot et d’autres biens contractuels.

    (15)

    Dans le cadre de la présente affaire, et concernant le bonus discriminatoire, l’accord est constitué entre Automobiles Peugeot SA et les membres de son réseau néerlandais. En effet, les modalités pratiques de fonctionnement du réseau Peugeot entre 1997 et 2003 démontrent qu’il y a eu acquiescement tacite par les concessionnaires Peugeot aux Pays-Bas, et donc constitution d’une rencontre de volontés, à chaque opération de vente (5).

    (16)

    Concernant les pressions sur les concessionnaires, Automobiles Peugeot SA a adressé une invitation claire à ses concessionnaires néerlandais, par l’entremise de VPDN, visant à introduire une discipline de limitation des exportations vers d’autres États membres, à partir au moins de 1997. Ensuite, les épisodes de pressions sur les concessionnaires tels que décrits dans la décision démontrent que l’invitation adressée par Automobiles Peugeot SA/PNE à ses concessionnaires visant à assurer que les activités à l’exportation de ces derniers conservent un caractère exceptionnel a obtenu une adhésion de principe par tous les membres du réseau, sous réserve d’interventions ponctuelles par lesquelles le constructeur a pu maintenir la discipline ainsi fixée.

    2.2.   L’objet de l’infraction concernant les deux mesures

    (17)

    Automobiles Peugeot SA et PNE ont adopté une stratégie visant à limiter les ventes à l’exportation depuis les Pays-Bas. Cette stratégie, mise en œuvre en accord avec les concessionnaires et en liaison avec VPDN, ainsi que chacune des mesures qui la composent, a eu pour objet et pour effet de restreindre la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1.

    2.2.1.   Un bonus discriminatoire de nature à freiner les exportations

    (18)

    Dans sa réponse aux griefs, Automobiles Peugeot SA s’était prévalu du caractère pro-concurrentiel du bonus quantitatif mis en place aux Pays-Bas, dont l’objectif «unique et manifeste» aurait été de motiver les concessionnaires en leur fournissant les incitations économiques nécessaires, sous forme de bonus, pour concentrer leurs meilleurs efforts de vente sur leur territoire contractuel, et permettre ainsi à Automobiles Peugeot SA d’accroître sa part de marché aux Pays-Bas.

    (19)

    Dans ce contexte, il convient de noter que la décision ne conteste pas au constructeur la possibilité de moduler sa politique commerciale en fonction des exigences des différents marchés nationaux, en vue d’obtenir des meilleurs taux de pénétration sur ces marchés. En effet, la décision ne conteste ni la faculté du constructeur de convenir avec ses concessionnaires d’objectifs de vente fixés par rapport aux ventes à réaliser sur le territoire contractuel, ni sa faculté d’adopter des mesures d’incitation appropriées, notamment sous forme de bonus fondé sur la performance, afin de pousser ses concessionnaires à augmenter leur volume de ventes sur le territoire qui leur a été concédé. Cette possibilité, qui stimule la concurrence entre marques, était d’ailleurs explicitement prévue par le règlement (CE) no 1475/95 (6) de la Commission (règlement d’exemption).

    (20)

    Mais dès janvier 1997, les circulaires annuelles à tous les concessionnaires concernant la mise en œuvre d’un nouveau système de bonus, confirmées par d’autres éléments probatoires, prévoyaient que les voitures particulières prises en compte pour la liquidation du bonus étaient uniquement celles immatriculées sur le marche néerlandais. Par conséquent, tout concessionnaire qui avait pleinement satisfait à ses objectifs de vente territoriaux, et qui donc avait acquis un droit au bonus, se voyait néanmoins nier le bénéfice du bonus ainsi acquis pour le versement (ou liquidation) de ce droit pour les ventes à des consommateurs non résidents. Un tel système, considéré sous l’angle de son mode de fonctionnement objectif, allait donc au-delà de ce qui était nécessaire pour inciter les concessionnaires néerlandais à consacrer leurs meilleurs efforts de vente sur leur territoire contractuel. Il était de nature à constituer l’une des restrictions caractérisées mentionnées dans le règlement (CE) no 1475/95, et à enfreindre l’article 6, paragraphe 1, point 8, au terme duquel l’exemption ne s’applique pas «dès lors que le fournisseur, sans raison objectivement justifiée, octroie aux distributeurs des rémunérations calculées en fonction du lieu de destination des véhicules automobiles revendus ou du domicile de l’acheteur». En outre, PNE réduisait les possibilités pour les concessionnaires de contourner ce système en vérifiant la cohérence entre, d’une part, les références de la commande de la voiture introduites par le concessionnaire dans le logiciel par lequel le constructeur gérait ses relations avec son réseau (DIALOG) et, d’autre part, les données obtenues de l’organisme d’immatriculation national.

    (21)

    Par ailleurs, dans sa réponse aux griefs, Automobiles Peugeot SA avait contesté l’effectivité d’une telle mesure en soutenant que le montant de ce bonus était trop faible pour que son non versement désincite les concessionnaires à exporter.

    (22)

    Mais il convient d’abord de relever le caractère intrinsèquement contradictoire de la défense avancée par Automobiles Peugeot SA. D’une part, en effet, Automobiles Peugeot SA fait valoir que le niveau du bonus maintenu en place de 1997 à 2003 aurait été trop faible pour avoir pu influer sur le comportement du concessionnaire. D’autre part, Automobiles Peugeot SA souligne que le système en cause, et notamment le niveau de rabais octroyé aux concessionnaires ayant atteint leurs objectifs de ventes, aurait été indispensable pour fournir les incitations économiques appropriées pour s’assurer les meilleurs efforts de vente de la part des concessionnaires sur leurs territoires contractuels respectifs. En outre, les éléments probants recueillis au cours de l’enquête valident les griefs sur l’impact significatif des mesures en démontrant que le bonus était important pour les concessionnaires durant toute la période, et que sa perte sur les ventes à l’export a eu un impact significatif sur l’intérêt des concessionnaires à vendre à des consommateurs non résidents.

    2.2.2.   Des pressions démontrant l’intention de Peugeot de freiner les exportations

    (23)

    À partir de 1997, jusqu’à une période plus récente en 2001, Automobiles Peugeot SA est ponctuellement intervenu afin de dissuader certains concessionnaires néerlandais de livrer de véhicules à des consommateurs finals d’autres États membres. Les pressions sur les concessionnaires néerlandais, comme les éléments de rémunération discriminant dans les faits les exportations, avaient pour objet de freiner le commerce transfrontalier de voitures entre les concessionnaires néerlandais et ceux d’autres États membres dans le but de cloisonner le marché néerlandais par rapport aux autres marchés de l’Union européenne. C’est dans le cadre de cette stratégie que les documents acquis au dossier concernant les pressions aux concessionnaires doivent être appréciés.

    2.3.   Un impact significatif et chiffré des mesures

    (24)

    Il convient en premier lieu de souligner que, dans le cas d’espèce, on note une diminution des exportations parallèles à partir des Pays-Bas après 1997, date de mise en œuvre du système de rémunération en cause, puis une chute de ces exportations d’environ 50 % après 1999. Dans sa réponse aux griefs, Automobiles Peugeot SA attribue cette chute à d’autres facteurs que le système de rémunération contesté, à savoir le «rôle essentiel» joué par la diminution des différentiels de prix. Cependant, plusieurs éléments viennent contredire cette analyse.

    (25)

    En premier lieu, l’on ne remarque pas de variation significative du différentiel de prix au niveau communautaire durant la période considérée.

    (26)

    En second lieu, une note interne de PNE datée de 2002 a chiffré l’impact du système de rémunération sur le commerce parallèle en établissant une estimation du volume des ventes supplémentaires aux consommateurs finaux non résidents par rapport à l’année précédente qui aurait pu être atteint si le bonus était effectivement versé en 2003 aux véhicules vendus à l’exportation.

    (27)

    En troisième lieu, concernant les pressions sur les concessionnaires, un total de vingt-deux consommateurs français a déposé plainte devant la Commission pour le préjudice causé par des retards de livraison liés aux menaces de Peugeot.

    3.   AMENDE

    (28)

    La Commission a considéré qu’il convenait, par conséquent, d’infliger une amende qui sanctionne de manière appropriée cette infraction, et dont l’effet dissuasif exclut toute récidive. Pour la fixation du montant d’une amende, la Commission a pris en compte toutes les circonstances appropriées et particulièrement la gravité et la durée de l’infraction, qui sont les critères retenus explicitement à l’article 23, paragraphe 3, du règlement (CE) no 1/2003.

    (29)

    En considération de ce qui précède, l’infraction à l’article 81 commise par Automobiles Peugeot SA et sa filiale PNE a été qualifiée de très grave, cette appréciation valant tant pour la politique en matière de bonus que pour les autres mesures de pressions prises par Automobiles Peugeot SA. En effet, Automobiles Peugeot SA a agi de propos délibéré, ne pouvant ignorer que les mesures contestées avaient pour objet de restreindre la concurrence. La Commission et la Cour ont déjà eu l’occasion de se prononcer sur les systèmes de rémunération discriminatoires en fonction de la destination du véhicule (7). L’évaluation de la gravité de l’infraction est fondée sur les dispositions des Lignes directrices pour le calcul des amendes (8).

    (30)

    Il s’agit également d’une infraction de durée significative. En effet, de début janvier 1997 à fin septembre 2003, Automobiles Peugeot SA a reconduit chaque année le système de rémunération discriminatoire pour les exportations dans le cadre de ses circulaires annuelles. De 1997 à 2001, Automobiles Peugeot SA a également complété la mise en œuvre de la stratégie de restrictions aux exportations par des mises en garde et injonctions directes adressées à plusieurs concessionnaires. Quant à la fin de l’infraction, les éléments acquis au dossier ne permettent pas d’affirmer que l’infraction se soit poursuivie après novembre 2001 en ce qui concerne les pressions aux concessionnaires, et octobre 2003, date du changement du système de rémunération visé par la présente décision.

    (31)

    Il n’y a ni circonstances aggravantes, ni circonstances atténuantes en l’espèce.

    4.   DÉCISION

    (32)

    Automobiles Peugeot SA et sa filiale Peugeot Nederland NV ont enfreint l’article 81, paragraphe 1, du traité en concluant des accords avec des concessionnaires du réseau de distribution Peugeot aux Pays-Bas ayant comme objet et comme effet d’entraver les ventes aux consommateurs finals d’autres États membres, soit en personne, soit représentés par des intermédiaires agissant en leur nom. L’infraction a commencé au début du mois de janvier 1997 et a continué jusqu’à la fin du mois de septembre 2003.

    (33)

    Dans la mesure où elles ne l’ont pas encore fait, les entreprises visées à l’article 1er mettent fin à l’infraction constatée audit article. Elles s’abstiennent à l’avenir de mettre de nouveau en œuvre ou de poursuivre la mise en œuvre de toute mesure constitutive de ladite infraction, et d’adopter des mesures ayant un objet ou un effet équivalent.

    (34)

    Pour l’infraction visée à l’article 1er, une amende de 49,5 millions EUR est infligée à Automobiles Peugeot SA et à sa filiale Peugeot Nederland NV, qui sont solidairement responsables.


    (1)  JO L 1 du 4.1.2003, p. 1. Règlement modifié par le règlement (CE) no 411/2004 (JO L 68 du 6.3.2004, p. 1).

    (2)  PSA détenait, avec les marques Peugeot et Citroën, une part de marché en augmentation et comprise entre 12 % (en 1995) et 15,3 % (sur les six premiers mois de 2003) sur la base des nouvelles immatriculations, ce qui en faisait à partir de 1999 le deuxième fournisseur de voitures particulières en Europe derrière le groupe Volkswagen.

    (3)  La marge du concessionnaire est la différence entre le prix catalogue recommandé d’un modèle déterminé et le prix auquel le concessionnaire achète la voiture au fournisseur. Cette remise sert à financer les coûts de distribution et les frais généraux du distributeur, ainsi que les rabais que celui-ci doit la plupart du temps consentir aux consommateurs finals.

    (4)  Le bonus consiste en une rémunération forfaitaire versée au concessionnaire par son fournisseur, à intervalles réguliers, pour chaque véhicule vendu conformément aux conditions applicables. Le versement du bonus est subordonné à la réalisation de certaines cibles qualitatives et quantitatives.

    (5)  En effet, la volonté du constructeur était constituée par la circulaire reçue par le concessionnaire en début d’année. Cette circulaire fixait les conditions de rémunération du concessionnaire (marge et bonus). L’acceptation intervenait chaque fois qu’un concessionnaire souhaitait faire comptabiliser un véhicule commandé par lui dans les objectifs de ventes (qui conditionnaient 1’obtention du bonus) ainsi que quand celui-ci réclamait le paiement du bonus pour chaque véhicule immatriculé (une fois que les objectifs de vente avaient été atteints). Dans le cas d’espèce, 1’acceptation du concessionnaire était constituée par l’action d’introduire les références de la commande de la voiture dans le logiciel par lequel le constructeur gérait ses relations avec son réseau (DIALOG). La mesure concernée a ainsi fait 1’objet d’un consentement par les concessionnaires concernés, puisque, en tout état de cause, ceux-ci ont effectué des ventes dans le cadre de ce système.

    (6)  JO L 145 du 29.6.1995, p. 25. Article 4, paragraphe 1: Ne fait pas obstacle à 1’exemption l’engagement par lequel le distributeur s’oblige: […] 3) à s’efforcer d’écouler pendant une période déterminée à l’intérieur du territoire convenu un nombre minimal de produits contractuels, fixé par les parties de commun accord ou, en cas de désaccord sur le nombre minimal de produits contractuels à écouler annuellement, par un tiers expert, en tenant compte notamment des ventes précédemment réalisées dans ce territoire ainsi que des estimations prévisionnelles de ventes pour ce territoire et au niveau national.

    (7)  Décision 98/273/CE de la Commission du 28 janvier 1998, Volkswagen AG (JO L 124 du 25.4.1998, p. 60), considérant 129; décision 2001/146/CE de la Commission du 20 septembre 2000, Opel Nederland BV/General Motors Nederland BV (JO L 59 du 28.2.2001, p. 1), considérant 117.

    (8)  Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de 1’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de 1’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (publiées au JO C 9 du 14.1.1998). Le point A définit les infractions très graves: «il s’agira pour l’essentiel de […] pratiques portant atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur, telles que celles visant à cloisonner les marchés nationaux», ce qui est le cas ici.


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