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Dokuments 52022AE1395

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique [COM(2022) 105 final]

EESC 2022/01395

JO C 443 du 22.11.2022., 93./100. lpp. (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, GA, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

22.11.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 443/93


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique

[COM(2022) 105 final]

(2022/C 443/13)

Rapporteur:

José Antonio MORENO DÍAZ

Corapporteure:

Ody NEISINGH

Consultation

Commission européenne, 2.5.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

22.6.2022

Adoption en session plénière

13.7.2022

Session plénière no

571

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

200/7/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de l’innovation réglementaire que représente une directive sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes, dans laquelle est adoptée l’approche intersectionnelle et que la société appelle largement de ses vœux.

1.2.

En outre, compte tenu de la portée et de la diffusion des multiples formes de violence dont sont victimes les femmes, il est nécessaire que les politiques visant à contrer ce phénomène ne prennent pas la forme d’actions neutres, mais soient élaborées dans une perspective claire et univoque en matière d’égalité entre les hommes et les femmes, de manière à ce que leur nécessité et leur efficacité soient plus aisément appréhendées.

1.3.

Le CESE tient à rappeler qu’il juge indispensable et urgent d’encourager tous les États membres qui ne l’ont pas encore fait, ainsi que l’Union européenne elle-même, à ratifier tant la convention no 190 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur la violence et le harcèlement que celle d’Istanbul.

1.4.

Le CESE estime qu’il conviendrait d’inclure dans la directive à l’examen toutes les formes de violence à l’égard des femmes, telles que, entre autres, la violence institutionnelle, l’exploitation sexuelle et génésique, le harcèlement au travail, la violence fondée sur le genre dans le cadre familial, la soumission chimique, le harcèlement de rue, le harcèlement sexuel fondé sur le sexe ou le genre, ou encore la stérilisation forcée des femmes handicapées.

1.5.

Le CESE considère qu’il faut opter pour l’inclusion de la violence à l’égard des femmes parmi les infractions pénales de portée européenne («eurocrimes») visées à l’article 83, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

1.6.

Le CESE est d’avis que dans le cadre du dialogue social et de la négociation collective, il conviendrait de prévoir des mesures concrètes afin de garantir que les victimes de violences à l’égard des femmes puissent conserver leur emploi et, si elles en sont dépourvues, bénéficier d’actions d’insertion professionnelle.

1.7.

Dans la droite ligne de la position adoptée par le Parlement européen et en accord avec la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF), le CESE est d’avis qu’il y a lieu d’utiliser l’expression «femmes en situation de prostitution» en remplacement de la notion de «travailleuses sexuelles».

1.8.

Le Comité juge que des aspects tels que l’existence d’une menace préalable à l’encontre de la victime ou de son entourage affectif ou familial, ainsi que le profit, constituent des facteurs qui devraient être pris en compte au titre des circonstances aggravantes.

1.9.

En outre, il y aurait lieu d’accorder une attention particulière aux femmes et aux filles issues de minorités ethniques ou culturelles, telles que les Roms, aux femmes migrantes, en particulier celles qui sont en situation administrative irrégulière, ainsi qu’aux filles et aux femmes réfugiées qui ont fui la guerre.

1.10.

Le CESE demande également de prêter tout spécialement attention aux femmes handicapées, qui sont davantage exposées à des agressions fondées sur le genre en raison même de leur handicap.

1.11.

En ce qui concerne le cyberharcèlement, l’opinion du CESE est que l’absence de consentement et l’exposition publique devraient être constitutifs en soi de cette infraction.

1.12.

Le Comité est d’avis qu’orienter les victimes vers des services d’aide est une démarche qui doit s’effectuer non seulement en temps utile et de manière coordonnée, mais aussi à titre prioritaire et urgent.

1.13.

Le Comité demande à la Commission européenne d’ajouter les prestations de santé, y compris sexuelle et génésique, à la liste des services essentiels de soutien aux victimes, et d’exhorter tous les États membres de l’Union européenne à lever d’urgence tous les obstacles qui entravent l’accès à la contraception d’urgence et aux services d’interruption volontaire de grossesse à la suite d’un viol.

1.14.

Le Comité est d’avis que les ordonnances d’injonction et de protection d’urgence, visant à préserver l’intégrité physique et psychologique des victimes, doivent nécessairement prévoir des mesures qui empêchent les auteurs des violences de les harceler ou de s’en approcher physiquement.

1.15.

Le CESE estime que l’accessibilité et la gratuité devraient également être explicitement prévues dans tous les dispositifs et mesures de soutien aux victimes de violences sexuelles.

1.16.

Le Comité attire l’attention sur les limitations qui affectent la directive à l’examen dès lors que les services de conseil et de prise en charge envisagés dans le cadre du harcèlement sexuel sur le lieu de travail ne présentent qu’un caractère externe et qu’il n’est tenu aucun compte de l’importance que revêtent le dialogue social, les négociations collectives ou la nécessité d’assurer la participation des partenaires sociaux à la démarche et de négocier avec eux.

1.17.

Eu égard à l’influence que l’enseignement exerce en ce qui concerne la formation de rôles et de stéréotypes liés au genre, la fonction préventive qu’il joue, notamment au moyen d’une éducation complète à la sexualité, devrait être envisagée à toutes les étapes du parcours formatif, et il conviendrait que la coopération institutionnelle prévoie explicitement une participation à la démarche de la communauté pédagogique, des organisations de la société civile, dont, en particulier, les associations féministes, des partenaires sociaux et des communautés concernées.

1.18.

Le Comité s’accorde à considérer que l’intérêt supérieur du mineur devrait prévaloir sur le droit de visite lorsqu’il existe des doutes raisonnables quant à la possibilité de garantir que ces contacts avec lui se déroulent en toute sécurité, tant sur le plan physique qu’émotionnel.

1.19.

Le Comité se félicite que les mutilations génitales féminines soient incluses dans la directive en tant qu’infraction spécifique.

1.20.

Le CESE considère toutefois que les violations plus larges qui portent atteinte à la santé et aux droits en matière de sexualité et de procréation, comme la violence gynécologique et obstétrique, la grossesse forcée et le refus de soins à l’avortement, devraient également être combattues à titre de violences à l’égard des femmes. De même, le Comité constate avec préoccupation que la définition de la violence à l’égard des femmes n’englobe ni les restrictions qui existent concernant la possibilité d’une interruption volontaire de grossesse pratiquée en toute liberté et en toute sécurité, ni le harcèlement dont sont victimes, principalement à proximité immédiate des cliniques concernées, celles qui choisissent cette option de leur plein gré.

1.21.

Le Comité relève avec inquiétude que la directive n’aborde pas la question du droit que les orphelines et orphelins des victimes de violence à l’égard des femmes ont de mener une vie épanouissante, dans des conditions de liberté et d’égalité.

1.22.

Le CESE constate avec une profonde inquiétude que l’extrême droite s’est fixé pour objectif de s’opposer aux propositions relatives à l’égalité de genre, notamment en niant systématiquement l’existence de la violence structurelle dont les femmes sont victimes, c’est-à-dire celle qu’elles subissent du seul fait d’être femmes. Cette négation a pour effet non seulement de miner leur coexistence en toute égalité avec les hommes, mais porte également atteinte aux valeurs et principes consacrés à l’article 2 du traité sur l’Union européenne.

1.23.

Le Comité recommande que la directive comporte un volet financier de nature à permettre que les mesures adoptées soient réellement appliquées, grâce à un financement public adéquat.

2.   Observations générales

2.1.

La violence à l’égard des femmes représente l’expression par excellence de la discrimination qui s’exerce à leur encontre. Elle constitue un mécanisme de contrôle qui a son origine dans leur inégalité par rapport aux hommes et qui la perpétue et l’alimente en retour.

2.2.

Le CESE constate avec une profonde inquiétude que l’extrême droite s’est fixé pour objectif de s’opposer aux propositions relatives à l’égalité de genre, notamment en niant systématiquement l’existence de la violence structurelle dont les femmes sont victimes, c’est-à-dire celle qu’elles subissent du seul fait d’être femmes. Cette négation a pour effet non seulement de miner leur coexistence en toute égalité avec les hommes, mais porte également atteinte aux valeurs et principes consacrés à l’article 2 du traité sur l’Union européenne.

2.3.

La lutte contre la violence fondée sur le genre compte parmi les principaux buts que s’assigne la stratégie européenne en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes pour la période 2020-2025, laquelle vise notamment à lutter contre les stéréotypes sexistes, à éliminer l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes sur le marché du travail et le déséquilibre qu’elles subissent dans les responsabilités familiales, de même qu’à assurer la participation des femmes sur un pied d’égalité dans les différents secteurs de l’économie et à parvenir à un équilibre entre les genres dans la prise de décision et l’activité politique.

2.4.

La violence à l’égard des femmes et des filles représente une des formes les plus persistantes de discrimination fondée sur le genre et constitue une violation des droits humains. Dans l’Union européenne, la moitié des femmes, plus précisément 53 %, évitent certains lieux ou certaines situations de peur d’être victimes d’agressions physiques ou sexuelles (1) et un tiers d’entre elles, en l’occurrence 33 %, indiquent avoir été victimes de violences physiques ou sexuelles.

2.5.

Compte tenu de la portée et de la diffusion des multiples formes de violence dont sont victimes les femmes, il est nécessaire que les politiques visant à contrer ce phénomène ne prennent pas la forme d’actions neutres mais soient élaborées dans une perspective claire et univoque en matière d’égalité entre les hommes et les femmes, de manière que leur nécessité et leur efficacité soient plus aisément appréhendées.

2.6.

Chaque jour, les femmes risquent de subir des violences sur leur lieu de travail, en particulier quand elles travaillent dans le secteur des transports, où 63 % d’entre elles déclarent avoir subi au moins un acte de violence récemment (2), ainsi que dans celui des services et de la vente (3).

2.7.

La violence domestique a également augmenté sous l’effet des mesures de confinement mises en place pour enrayer la crise sanitaire provoquée par la pandémie de COVID-19 (4).

2.8.

Le CESE se félicite que la proposition de directive s’attache à prévenir et à combattre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique afin de leur garantir ainsi un niveau élevé de sécurité et la pleine jouissance de leurs droits fondamentaux, dont celui à l’égalité de traitement et à la non-discrimination. Tout en comprenant que dans la lutte contre les violences faites aux femmes, l’approche pénale est nécessaire, le CESE estime qu’elle doit absolument s’accompagner d’une démarche globale et complète pour prévenir, combattre et éradiquer les actes de violence machistes.

3.   Observations particulières

3.1.

Le CESE se félicite de l’innovation réglementaire que représente une directive sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes qui adopte une approche intersectionnelle. Toutefois, il tient à signaler qu’il est nécessaire de mettre en place des protocoles, des campagnes de sensibilisation et des formations à l’intention des professionnels afin d’éviter que les victimes subissent une violence institutionnelle ou une culpabilisation en raison de facteurs extérieurs, étrangers au fait violent lui-même, tels que leur apparence ou leur attitude, leur statut, leur origine ou toute autre caractéristique ou situation.

3.2.

À cet égard, si le CESE approuve la clarification, d’ordre conceptuel et pénal, qu’implique l’inclusion dans la directive de définitions relatives à certaines formes de violence à l’égard des femmes, il juge indispensable que la proposition aborde toutes les formes de violence fondée sur le genre qu’elles subissent, et fixe une acception générale de la violence de genre, telle qu’elle figure aux articles 1 et 2 de la déclaration des Nations unies de 1993 sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes ou à l’article 3 de la convention d’Istanbul.

3.3.

Le CESE estime qu’il aurait fallu opter pour l’inclusion de la violence à l’égard des femmes parmi les infractions pénales de portée européenne («eurocrimes») visées à l’article 83, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

3.4.

Le CESE se félicite que le viol soit criminalisé sur la base de la simple absence de consentement, l’usage de la force ou de la menace n’étant plus nécessaire pour enclencher une poursuite judiciaire en l’espèce. La définition juridique ainsi donnée à cette infraction l’intègre dans la logique de la convention d’Istanbul: dans cette acception, elle doit également s’appliquer à de nouvelles formes de viol, telles que la «soumission chimique».

3.5.

Tout en reconnaissant qu’il importe de prévoir des mesures spécifiques visant à la protection des victimes de violences sexistes dans le cadre familial et à leur accès à la justice, le Comité demande que cette forme de violence soit reprise parmi les infractions visées par la directive, qui établit un cadre commun en matière de sanctions, de circonstances aggravantes, de compétence et de délais de prescription.

3.6.

Plus de la moitié des Européennes, en l’occurrence 55 %, déclarent avoir été victimes de harcèlement sexuel à un moment donné (5), et le CESE estime donc que la directive ne saurait ignorer cette forme de violence à l’égard des femmes, ni dans sa proposition de définition, ni dans le régime des sanctions, circonstances aggravantes, compétences et délais de prescription qui est envisagé (6).

3.7.

Un tiers des femmes qui ont été victimes de harcèlement sexuel l’ayant vécu dans la sphère professionnelle (7), le CESE estime nécessaire que la directive aborde cette forme de violence et veille à ce que les employeurs mettent en œuvre, en les actualisant au besoin, des actions spécifiques visant à lutter contre le harcèlement sexuel et à caractère sexuel dans le monde du travail, y compris la cyberviolence ou le harcèlement en ligne (8). En conséquence, le Comité demande que le délit de harcèlement sur le lieu de travail soit repris dans le texte à l’examen.

3.8.

La violence indirecte, qui touche les femmes à travers celle exercée contre des personnes de leur entourage affectif ou familial dans le but de les agresser émotionnellement, prend principalement pour cible leurs enfants. Le CESE estime que l’intérêt supérieur du mineur devrait prévaloir sur le droit de visite lorsqu’il existe des doutes raisonnables quant à la possibilité de garantir que ces contacts avec lui se déroulent en toute sécurité, sur le plan tant physique qu’émotionnel.

3.9.

Étant donné que l’autonomie économique constitue un élément essentiel de l’autonomisation et du rétablissement des victimes de violence intrafamiliale, le CESE s’inquiète de constater qu’il n’est pas prévu de prendre des mesures concrètes dans le cadre du dialogue social et des négociations collectives afin de garantir la préservation de l’emploi de ces personnes et l’insertion sur le marché du travail de celles qui sont sans travail.

3.10.

Ayant pris connaissance des résultats du rapport du Parlement européen sur l’exploitation sexuelle et la prostitution et leur impact sur l’égalité entre les femmes et les hommes (9), le CESE estime, dans la droite ligne de l’article 6 de la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) et de la recommandation générale no 38 que le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes des Nations unies a émise le 6 novembre 2020, concernant sur la traite des femmes et des filles dans le contexte des migrations internationales, qu’il convient de qualifier les femmes qui en sont victimes de «femmes en situation de prostitution» et non de «travailleuses sexuelles».

3.11.

La directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil (10) considère que l’argument du consentement de la victime est caduc en cas de menace, de recours à la force, de contrainte, d’abus d’autorité ou de situation de vulnérabilité, ou encore, d’offre ou d’acceptation de paiements ou d’avantages en vue d’obtenir ledit consentement. Le CESE estime que le proxénétisme ou le profit tiré de l’exploitation sexuelle d’autrui devraient tomber sous le coup des sanctions prévues au chapitre 2 de la directive, qui traite des «infractions liées à l’exploitation sexuelle».

3.12.

Le CESE partage l’inquiétude de la rapporteure spéciale du Conseil des droits de l’homme des Nations unies (11) concernant la montée en puissance de la pratique dite de la «gestation pour autrui». Il rejoint le point de vue du Parlement européen (12) quand il y voit une forme d’exploitation à des fins de reproduction qui porte atteinte à la dignité des femmes. Par conséquent, il estime que cette pratique, lorsqu’elle intervient dans le cadre d’une transaction légale donnant lieu à un profit ou un bénéfice pour l’une ou l’autre des parties, y compris sous forme de publicité, doit être considérée comme une forme de violence à l’égard des femmes et qu’il y a lieu de la mettre sur le même pied que l’exploitation sexuelle, en l’incluant dans le chapitre 2 et l’article 1.

3.13.

La violence à l’égard des femmes constitue la violation des droits de l’homme la plus répandue dans l’Union, mais elle l’est davantage parmi les femmes et les filles en situation de vulnérabilité, une attention particulière devant être accordée à celles qui sont issues de minorités ethniques ou culturelles, telles que les Roms.

3.14.

Le CESE soutient toute mesure législative appropriée prise pour protéger les femmes handicapées contre l’ensemble des formes que peuvent revêtir l’exploitation, la violence et la maltraitance, y compris celles liées au sexe, ainsi que toutes les initiatives de prévention appropriées, dont, en particulier les formules adaptées d’assistance et de soutien qui tiennent compte de la dimension de genre pour les femmes handicapées. À cette fin, il est favorable à ce que toutes les installations et tous les programmes conçus pour venir en aide aux femmes handicapées fassent l’objet d’une supervision efficace de la part d’autorités indépendantes.

3.15.

De même, le CESE exprime son soutien à toutes les mesures appropriées qui, en offrant notamment des services de protection, sont destinées à favoriser tant le rétablissement physique, cognitif et psychologique que la réadaptation et la réinsertion sociale des femmes handicapées qui ont été victimes d’une quelconque forme de violence ou d’abus, et il réclame par ailleurs qu’une attention particulière soit accordée à ces femmes, qui sont les plus vulnérables à des agressions fondées sur le genre, et ce, en raison de leur handicap même, sous la forme de stérilisations forcées ou de déclarations d’incapacité juridique effectuées par des membres de leur entourage familial.

3.16.

Les femmes migrantes, surtout lorsqu’elles sont en situation administrative irrégulière, doivent être protégées par l’octroi immédiat d’un titre de séjour spécifique et provisoire lorsqu’elles introduisent une plainte (13). En outre, s’il s’avère au cours de la procédure qu’elles ne possèdent pas de documents officiels, il conviendrait que les autorités compétentes en matière de migration n’en soient pas informées.

3.17.

Le CESE se félicite vivement que le cyberharcèlement et le partage non consenti de matériels intimes ou manipulés soient inclus parmi les formes de violence à l’encontre des femmes et des filles, mais constate avec inquiétude que le texte dispose que pour que ces agissements soient considérés comme une infraction pénale, il est nécessaire que lesdits matériels aient été mis à disposition d’une «multitude d’utilisateurs». Il s’agit là d’une exigence qui est imprécise, indéterminée et terriblement sujette à appréciation et qui, par ailleurs, ne tient pas compte du préjudice réel pour la réputation, lequel est parfois plus grave si l’échange ne s’est effectué qu’avec des personnes du cercle rapproché de la victime, qu’il soit social, familial ou professionnel. Le Comité estime que l’absence de consentement et l’exposition publique devraient constituer en soi un cyberharcèlement, sans que l’on soit tenu de se poser la question de savoir, en ce qui concerne les articles 7, lettres a) et b), 8, lettre c) et 9, lettre a), s’il y a eu partage avec une «multitude d’utilisateurs», ou seulement de «nombreux utilisateurs» ou «suffisamment d’utilisateurs».

3.18.

L’utilisation de l’internet et des réseaux sociaux ne cessant de s’étendre, il en résulte que le partage non consenti de matériels à contenus sexuels constitue une pratique de plus en plus répandue, dont l’incidence s’accroît et qui s’avère dès lors d’autant plus dommageable pour les victimes. Le Comité est préoccupé par la diffusion de cette pratique et estime que les peines et les délais de prescription qui s’appliquent à ce partage non consenti, faisant l’objet de l’article 7, devraient être équivalents à ceux prévus aux articles 12 et 15 pour la traque furtive en ligne, visée à l’article 8.

3.19.

Par ailleurs, le CESE se félicite que pour les infractions ciblées par la directive, il soit prévu de mettre en place des formations spécifiques à l’intention des autorités compétentes en ce qui concerne l’enregistrement des signalements et la suite à leur réserver, mais il estime qu’il conviendrait en outre d’envisager des mesures concrètes destinées à contrôler et évaluer l’efficacité du dispositif, de même qu’il serait nécessaire d’instaurer une disposition concernant des sanctions concrètes au cas où lesdites autorités ne respecteraient pas le principe de diligence raisonnable dans le contexte de l’article 37, paragraphe 6.

3.20.

Le Comité accueille favorablement l’exigence d’une expertise «suffisante» que doivent posséder les personnes, instances et services chargés d’enquêter sur les violences à l’égard des femmes et des filles et de les poursuivre, en particulier les agents des services juridiques, les autorités et le personnel des tribunaux, les juges, les procureurs, les avocats, les services d’aide aux victimes et ceux de justice réparatrice, les professionnels de soins, les services sociaux et éducatifs et tout autre personnel concerné susceptible d’entrer en contact avec les groupes vulnérables ou les victimes. Toutefois, il met en garde contre la subjectivité qui peut intervenir dans l’appréciation du degré de suffisance ou d’insuffisance de ladite expertise. L’une des principales erreurs d’intervention en la matière étant précisément que les acteurs concernés ne sont pas suffisamment formés et sensibilisés à la question, il recommande que le prérequis de formation spécifique soit exigé non seulement pour les professionnels qui aiguillent les plaintes ou qui sont en contact avec les victimes, mais aussi pour ceux qui participent à la procédure d’enquête ou de poursuite prévue au chapitre 3 de la directive à l’examen, dans son article 17, paragraphe 1.

3.21.

La rapidité de la prise en charge des victimes constitue un paramètre essentiel pour le bon aboutissement de leur processus de réparation, de réhabilitation et de rétablissement. Le CESE est dès lors d’avis qu’orienter les victimes vers des services d’aide constitue une démarche qui doit s’effectuer non seulement en temps utile et de manière coordonnée, comme en dispose l’article 20, paragraphe 2, mais aussi à titre prioritaire et urgent.

3.22.

Le CESE se félicite des mesures proposées pour garantir l’accès des victimes à des services de soutien complets et adaptés, tant généraux que spécialisés, qui répondent à leurs besoins spécifiques. Il regrette cependant que la liste de soutiens spécialisés que les États membres doivent fournir aux victimes, en vertu de l’article 27, paragraphe 1, ne porte que sur l’assistance prévue à l’étape de la procédure légale ou de l’enquête et des procédures judiciaires, et qu’elle ne mentionne pas l’accès aux services de santé, y compris sexuelle et génésique à titre de besoin essentiel pour les victimes. En outre, il constate avec beaucoup d’inquiétude que l’article 28 de la directive à l’examen ne mentionne pas explicitement les services de santé sexuelle et génésique, dont la contraception d’urgence et l’avortement, parmi les dispositifs de soutien revêtant non seulement une importance capitale mais aussi un caractère urgent, auxquels les victimes de violences sexuelles doivent pouvoir accéder. Selon les Nations unies et la Cour européenne des droits de l’homme, être obligée de mener à terme une grossesse résultant d’un viol peut constituer une forme de violence qui est cruelle, inhumaine et dégradante et, par conséquent, d’une haute gravité. Le Comité demande à la Commission européenne d’ajouter les prestations de santé, y compris sexuelle et génésique, à la liste des services essentiels de soutien aux victimes, et d’exhorter tous les États membres de l’Union européenne à lever d’urgence tous les obstacles qui entravent l’accès à la contraception d’urgence et aux services d’interruption volontaire de grossesse à la suite d’un viol.

3.23.

Les femmes déplacées et celles fuyant un conflit courent un risque plus élevé d’être victimes d’actes de violence fondée sur le genre. La violence sexuelle est souvent utilisée comme arme de guerre et les femmes et les filles risquent davantage d’être soumises à la traite des êtres humains et à l’exploitation sexuelle. Le CESE souligne que le soutien, la protection et l’accès aux services de santé essentiels, tels que la prise en charge des traumatismes psychologiques et l’accès aux services de santé sexuelle et génésique, dont la contraception d’urgence et les soins à l’avortement revêtent la plus haute importance et devraient être accordés dans tous les pays européens.

3.24.

Le Comité est d’avis que les ordonnances d’injonction et de protection d’urgence, visant à préserver l’intégrité physique et psychologique des victimes, doivent nécessairement prévoir des mesures qui empêchent les auteurs des violences de les harceler ou de s’en approcher physiquement. Cet impératif vaut non seulement pour la restriction ou l’interdiction de l’accès au logement ou au lieu de travail, visés à l’article 21, paragraphe 1, mais aussi pour l’espace public en général, si l’on envisage les cas dans lesquels il y a lieu de considérer comme comportement dangereux de la part de l’auteur ou auteur présumé de l’acte de violence tout rapprochement avec sa victime, au titre de l’article 21, paragraphe 2.

3.25.

Le CESE accueille très favorablement la disposition concernant l’accessibilité et la gratuité des lignes d’assistance téléphonique et des soins spécialisés dans les centres d’aide d’urgence pour les victimes de violences sexuelles, mais considère que cette possibilité d’accès devrait également être explicitement prévue pour tous les dispositifs et mesures de soutien aux victimes de violences sexuelles, pour les actions préventives à caractère informatif sur les droits dont elles bénéficient, ainsi que pour les procédures de réparation et d’indemnisation.

3.26.

Le Comité se félicite qu’un soutien spécialisé soit prévu en cas de harcèlement sexuel sur le lieu de travail et qu’il soit prescrit aux États membres d’aborder ce phénomène dans leurs politiques publiques de prévention, mais il attire l’attention sur la restriction qui s’applique en la matière du fait que les services de conseil et de prise en charge, tels qu’évoqués à l’article 30, sont de nature exclusivement externe et qu’il n’est tenu aucun compte ni de l’importance du dialogue social et de la négociation collective, ni de l’impératif d’associer à la démarche les partenaires sociaux, en particulier les organisation syndicales, en tant que représentants légitimes des intérêts et des droits des travailleurs, et de négocier sur ce point avec eux. De même, il constate avec inquiétude et étonnement que dans ce type de violence à l’égard des femmes, il est envisagé de recourir à la «médiation».

3.27.

À cet égard, le CESE estime qu’il est impératif et urgent d’encourager tous les États membres qui ne l’ont pas encore fait, ainsi que l’Union européenne elle-même, à ratifier tant la convention no 190 de l’Organisation internationale du travail sur la violence et le harcèlement que celle d’Istanbul.

3.28.

Le Comité se félicite que le texte à l’examen comporte des mesures préventives contre la violence fondée sur le genre qui concernent le domaine éducatif, incluant aussi un renforcement de l’éducation sexuelle afin qu’elle soit complète. Toutefois, compte tenu de la fonction que joue l’éducation dans la formation de rôles et de stéréotypes sexistes, il convient d’étendre cette disposition à toutes les étapes du parcours formatif, quelles qu’elles soient, et de prévoir explicitement que la communauté pédagogique, les organisations de la société civile, les associations féministes, en particulier, les partenaires sociaux et les communautés affectées par cette problématique prennent part à la coopération institutionnelle en la matière, visée à l’article 36, paragraphe 2.

3.29.

De même, le CESE accueille très favorablement l’action de coopération et de coordination qui est prévue à l’article 44, paragraphe 7, entre les États membres en matière de collecte de données et de recherche sur les causes, la prévalence et les effets de la violence à l’égard des femmes mais il émet des doutes quant à l’engagement réel que peut susciter une simple invitation à agir en ce sens, telle qu’induite par l’emploi du verbe «soutiennent» dans ledit paragraphe, étant entendu qu’il serait beaucoup plus efficace et ambitieux d’établir, dans ce même article, une disposition qui fasse obligation d’adopter des mesures spécifiques et concrètes et soit assortie d’un délai déterminé.

3.30.

Étant donné que les différents pays de l’Union accueillent sur leur territoire des diasporas migratoires, il s’impose de prendre en considération les formes de violence à l’encontre des femmes et des filles qui font partie des règles culturelles des communautés d’origine de ces populations. C’est pourquoi le Comité approuve que les mutilations génitales féminines soient reprises dans la directive à titre d’infraction spécifique, tout en soulignant la nécessité de faire preuve d’une extrême prudence pour que les campagnes de sensibilisation ou de prévention évitent de stigmatiser les femmes appartenant à ces groupes de population et que la prise en compte de la sensibilité culturelle que l’article 37, paragraphe 2, prévoit en ce qui concerne le relevé des conséquences desdites mutilations, s’applique également à ces campagnes préventives. En ce qui concerne l’article 36, paragraphe 6, le Comité estime qu’il est essentiel à ce sujet de travailler avec le concours et au départ des communautés concernées elles-mêmes, afin de prévenir et de déconstruire les significations culturelles de la pratique (14).

3.31.

Le CESE se félicite que la directive à l’examen reconnaisse que l’avortement forcé et la stérilisation forcée constituent des formes spécifiques de violence. Toutefois, les violations plus larges qui portent atteinte à la santé et aux droits en matière de sexualité et de procréation, comme la violence gynécologique et obstétrique, la grossesse forcée et le refus de soins à l’avortement, devraient également être combattues en tant que violences à l’égard des femmes. Le Comité constate avec préoccupation que la définition de la violence à l’égard des femmes n’englobe ni les restrictions qui existent concernant la possibilité d’une interruption volontaire de grossesse pratiquée en toute liberté et en toute sécurité, ni le harcèlement dont sont victimes, principalement à proximité immédiate des cliniques concernées, celles qui choisissent cette option de leur plein gré.

3.32.

Le Comité relève avec inquiétude que la directive n’aborde pas la question du droit que les orphelines et orphelins des victimes de violence à l’égard des femmes ont de mener une vie épanouissante, dans des conditions de liberté et d’égalité, lequel implique nécessairement qu’elles aient la possibilité de surmonter leur situation de vulnérabilité particulière, résultant du contexte violent subi, encore aggravé en cas d’assassinat de leurs mères, et qu’elles puissent obtenir réparation. Dans ce dernier cas, il est essentiel de faciliter l’accès aux indemnisations qui leur sont dues au civil pour les infractions pénales dont elles ont eu à pâtir et d’accélérer la procédure successorale consécutive crime, afin qu’elles soient en mesure de bénéficier de toute urgence de leurs biens et droits successoraux (15).

3.33.

Le Comité regrette que la directive ne s’accompagne pas d’un volet financier et que dès lors, son financement public, de même que celui des services et actions proposés, ne soient pas garantis.

Bruxelles, le 13 juillet 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA, 2014), Violence à l’égard des femmes: une enquête à l’échelle de l’UE.

(2)  Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF, 2019), Time’s Up for Violence Against Women! (L’heure est venue de combattre la violence contre les femmes).

(3)  Eurofound (2017), Sixth European Working Conditions Survey (Sixième enquête européenne sur les conditions de travail).

(4)  Union européenne (2021), 2021 report on gender equality in the EU (Rapport 2021 sur l’égalité entre les hommes et les femmes dans l’Union européenne).

(5)  Étude réalisée auprès d’un échantillon de 42 000 femmes. Source: Violence à l’égard des femmes: une enquête à l’échelle de l’UE, Agence des droits fondamentaux (FRA), 2014.

(6)  Cette démarche s’inscrit dans la foulée des engagements pris lors des Journées «Me Too» du Parlement européen en février 2019, au cours desquelles les candidats et candidates aux élections de mai ont pris l’engagement ferme de lutter spécifiquement contre le harcèlement sexuel.

(7)  Étude réalisée auprès d’un échantillon de 42 000 femmes. Source: Violence à l’égard des femmes: une enquête à l’échelle de l’UE, Agence des droits fondamentaux (FRA), 2014.

(8)  À cet égard, on mentionnera à titre de bonne pratique, en Espagne, l’article 48 de la loi organique 3/2007 du 22 mars 2007 relative à l’égalité effective entre les femmes et les hommes.

(9)  Rapport du Parlement européen sur l’exploitation sexuelle et la prostitution et leur impact sur l’égalité entre les femmes et les hommes, 2013/2103 (INI), commission des droits de la femme et de l’égalité des genres, rapporteure: Mary Honeyball, A7-0071/2014, 3 février 2014. Voir également la résolution du Parlement européen du 10 février 2021 sur la mise en œuvre de la directive 2011/36/UE concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes, 2020/2029 (INI).

(10)  Directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil (JO L 101 du 15.4.2011, p. 1).

(11)  Nations unies, Conseil des droits de l’homme. Rapport de la rapporteure spéciale sur la vente et l’exploitation sexuelle d’enfants, y compris la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et autres contenus montrant des violences sexuelles sur enfant, A/HRC/37/60. Conseil des droits de l’homme. 37e session, du 26 février au 23 mars 2018.

(12)  Le Parlement européen a exprimé cette position dans sa résolution du 17 décembre 2015 sur le rapport annuel sur les droits de l’homme et la démocratie dans le monde et la politique de l’Union européenne en la matière, 2015/2229 (INI), dans laquelle il condamne la pratique de la gestation pour autrui ou les «ventres à louer», «qui va à l’encontre de la dignité humaine de la femme, dont le corps et les fonctions reproductives sont utilisés comme des marchandises», et «estime que cette pratique, par laquelle les fonctions reproductives et le corps des femmes, notamment des femmes vulnérables dans les pays en développement, sont exploités à des fins financières ou pour d’autres gains, doit être interdite et qu’elle doit être examinée en priorité dans le cadre des instruments de défense des droits de l’homme».

(13)  Dans ce domaine, la loi espagnole sur l’immigration constitue une bonne pratique (voir l’article 31 bis de la loi organique 4/2000).

(14)  The Multisectorial Academic Program to prevent and combat female Genital Mutilation (FGM/C). («Programme universitaire plurisectoriel pour prévenir et combattre les mutilations génitales féminines»), Commission européenne, 2016-2018.

(15)  À cet égard, le Comité considère qu’en Espagne, la loi organique 2/2022, du 21 mars 2022, relative à l’amélioration de la protection des personnes orphelines victimes de la violence fondée sur le genre, constitue une bonne pratique.


Augša