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Document 52022IP0023

    Résolution du Parlement européen du 15 février 2022 sur l’impact des réformes fiscales nationales sur l’économie de l’UE (2021/2074(INI))

    JO C 342 du 6.9.2022, p. 14–21 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, GA, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    6.9.2022   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 342/14


    P9_TA(2022)0023

    L'impact des réformes fiscales nationales sur l'économie de l'UE

    Résolution du Parlement européen du 15 février 2022 sur l’impact des réformes fiscales nationales sur l’économie de l’UE (2021/2074(INI))

    (2022/C 342/02)

    Le Parlement européen,

    vu les articles 110 à 113 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE), qui portent sur l’harmonisation de la législation relative à la taxe sur le chiffre d’affaires, les droits d’accises et d’autres formes de fiscalité indirecte,

    vu les articles 114 à 118 du traité FUE, qui couvrent les taxes ayant un effet indirect sur l’établissement du marché unique,

    vu le rapport annuel 2021 de la Commission sur la fiscalité — Examen des politiques fiscales dans les États membres de l’Union,

    vu la communication de la Commission du 15 juillet 2020 intitulée «Un plan d’action pour une fiscalité équitable et simplifiée à l’appui de la stratégie de relance» (COM(2020)0312),

    vu la communication de la Commission du 18 mai 2021 intitulée «Fiscalité des entreprises pour le XXIe siècle» (COM(2021)0251),

    vu la communication de la Commission du 24 septembre 2020 intitulée «Une union des marchés des capitaux au service des personnes et des entreprises — nouveau plan d’action» (COM(2020)0590),

    vu les recommandations par pays publiées par la Commission dans le cadre du Semestre européen et ses évaluations des plans pour la reprise et la résilience présentés par les États membres dans le cadre de la facilité pour la reprise et la résilience,

    vu l’enquête de la Commission de 2020 intitulée «Tax policies in the European Union» («Politiques fiscales dans l’Union européenne»),

    vu les conclusions de la réunion du Conseil «Affaires économiques et financières» du 1er décembre 1997 en matière de politique fiscale — Résolution du Conseil et représentants des États membres, réunis au sein du Conseil, du 1er décembre 1997, sur un code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises — Fiscalité de l’épargne (1),

    vu le rapport de la Commission du 29 septembre 2015 intitulé «Tax reforms in EU Member States 2015 — Tax policy challenges for economic growth and fiscal sustainability» («Réformes fiscales dans les États membres de l’UE en 2015: les enjeux de la politique fiscale en matière de croissance économique et de viabilité budgétaire»),

    vu la vue d’ensemble des régimes fiscaux préférentiels examinés par le groupe «Code de conduite (fiscalité des entreprises)» depuis sa création en mars 1998,

    vu le rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) du 21 avril 2021 intitulé «Tax Policy Reforms 2021 — Special Edition on Tax Policy during the COVID-19 Pandemic» («Réformes de politique fiscale 2021 — Édition spéciale sur la politique fiscale pendant la pandémie de COVID19»),

    vu la solution reposant sur deux piliers pour résoudre les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie convenue par le cadre inclusif de l’OCDE et du G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices,

    vu le rapport de l’OCDE du 19 mai 2020 intitulé «Les réponses de politiques fiscale et budgétaire à la crise du coronavirus: Accroître la confiance et la résilience»,

    vu le document d’orientation du Fonds monétaire international du 25 mai 2021 intitulé «Taxing Multinationals in Europe» («Taxer les multinationales en Europe»),

    vu son rapport d’initiative sur la réforme de la politique de l’Union en matière de pratiques fiscales dommageables (y compris la réforme du groupe «Code de conduite»),

    vu sa résolution du 7 octobre 2021 sur la réforme de la politique de l’Union en matière de pratiques fiscales dommageables (y compris la réforme du groupe «Code de conduite») (2),

    vu sa résolution du 16 septembre 2021 sur l’application des exigences de l’Union en matière d’échange de renseignements fiscaux: progrès, enseignements tirés et obstacles à surmonter (3),

    vu sa résolution du 15 janvier 2019 sur l’égalité des genres et les politiques fiscales dans l’Union européenne (4),

    vu sa résolution du 21 octobre 2021 sur les Pandora Papers: implications pour les efforts de lutte contre le blanchiment de capitaux, la fraude et l’évasion fiscales (5),

    vu le rapport de l’Observatoire européen de la fiscalité intitulé «New Forms of Tax Competition in the European Union: an Empirical Investigation» («Nouvelles formes de concurrence fiscale au sein de l’Union européenne: une enquête empirique») publié en novembre 2021,

    vu la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE (directive relative à la coopération administrative) (6),

    vu l’article 54 de son règlement intérieur,

    vu le rapport de la commission des affaires économiques et monétaires (A9-0348/2021),

    A.

    considérant que la question des pratiques fiscales dommageables était abordée, et des réformes en la matière proposées, dans la résolution du Parlement du 7 octobre 2021 sur la réforme de la politique de l’Union en matière de pratiques fiscales dommageables (y compris la réforme du groupe «Code de conduite»); que les effets à court terme de la pandémie de COVID-19 et les transformations structurelles à long terme dues aux tendances démographiques, à la numérisation et à la transition vers un modèle économique neutre en carbone ont influencé les choix des États membres concernant l’élaboration des futures politiques fiscales;

    B.

    considérant que, bien que la politique fiscale relève en grande partie de la responsabilité des États membres, le marché unique exige une harmonisation et une coordination dans la définition de la politique fiscale afin d’accroître l’intégration du marché unique et de prévenir l’érosion des bases d’imposition; que les mesures nationales peuvent avoir une incidence sur la perception des impôts dans d’autres États membres et peuvent avoir un effet de distorsion tant sur l’équité de la concurrence que sur les investissements;

    C.

    considérant que la fragmentation de la politique fiscale crée divers obstacles pour les citoyens et les entreprises dans le marché unique, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME), dont notamment une insécurité juridique, un excès de formalités administratives, un risque de double imposition et des difficultés à demander des remboursements d’impôts; que ces obstacles découragent l’activité économique transfrontière et peuvent provoquer des distorsions du marché unique; que la fragmentation des politiques crée aussi des risques pour les autorités fiscales, tels que la double non-imposition et l’arbitrage (comme la planification fiscale et les pratiques d’évasion fiscale agressives); que les États membres continuent de perdre des recettes fiscales en raison de pratiques fiscales dommageables permises par des lacunes fiscales entre les législations des États membres, ou entre des États membres et des pays tiers, et que les pertes de recettes estimées du fait de l’évasion fiscale des entreprises varient entre 36 à 37 milliards d’euros et 160 à 190 milliards d’euros par an; que la fragmentation des politiques accroît les coûts d’exécution qui incombent aux autorités fiscales;

    D.

    considérant qu’au sein de l’économie sociale de marché de l’Union, des niveaux d’imposition adéquats ainsi que des lois fiscales simples et claires devraient viser à provoquer le moins de distorsions possible; que des politiques fiscales saines devraient favoriser la réalisation des objectifs politiques énoncés à l’article 3 du traité sur l’Union européenne en vue de sociétés plus justes et plus durables et d’une amélioration de la compétitivité de l’Union et de ses États membres; que la reprise économique et les défis liés à la crise climatique, à la transition écologique et à la numérisation de l’économie supposent des changements profonds et une réévaluation des politiques fiscales actuelles; que les mesures fiscales ne doivent pas faire obstacle aux initiatives privées qui génèrent de la croissance économique, relancent l’économie des pays et favorisent la création d’emplois dans l’Union;

    E.

    considérant que pour être efficaces, les systèmes fiscaux doivent être transparents, pouvoir être facilement appliqués et générer des recettes fiscales stables; que des réformes fiscales axées sur la croissance déplacent la charge fiscale vers la fiscalité sur la consommation et la propriété foncière et visent à élargir l’assiette fiscale;

    F.

    considérant que les motifs sous-jacents aux réformes de la politique fiscale nationale diffèrent d’un pays à l’autre, reflétant les caractéristiques structurelles des économies des États membres, et qu’ils peuvent comprendre des objectifs tels que rendre la fiscalité plus fiable et plus sûre, permettre la croissance économique, augmenter les recettes, améliorer la répartition, mettre en place des incitations comportementales et suivre les changements structurels dans l’économie;

    G.

    considérant que le niveau global de l’imposition (comprise comme les impôts et les cotisations sociales obligatoires) varie considérablement d’un État membre à l’autre, comme en témoigne le fait qu’en 2019, le ratio impôts-PIB allait de 22,1 % en Irlande à 46,1 % au Danemark; que, globalement, la charge fiscale dans l’Union (40,1 %) est plus élevée que dans certaines autres économies avancées (la moyenne de l’OCDE était de 34,3 % en 2018); que le taux légal moyen pondéré de l’impôt sur les sociétés dans les pays de l’OCDE est passé de 46,52 % en 1980 à 25,85 % en 2020, ce qui représente une baisse de 44 % au cours des 40 dernières années;

    H.

    considérant que la composition du bouquet fiscal total dans l’Union est restée globalement stable au cours de la période 2004-2019, tandis que le niveau global des recettes fiscales a légèrement augmenté; que la composition du bouquet fiscal (parts relatives de la fiscalité sur le travail, la consommation et le capital, ainsi que de la fiscalité environnementale et des autres taxes et impôts) varie considérablement dans l’Union, certains États membres ayant un bouquet fiscal plus favorable à la croissance que d’autres;

    I.

    considérant que la forte concurrence fiscale dans l’Union semble avoir été l’un des principaux facteurs du net abaissement des taux d’imposition des sociétés, qui a porté le taux moyen d’imposition des sociétés en Europe en dessous du taux moyen dans les pays de l’OCDE;

    J.

    considérant qu’au cours de la pandémie, de nombreux pays ont eu recours à des réformes fiscales pour soutenir l’économie et que seule une partie de ces mesures était temporaire; que ces réformes fiscales comprenaient des mesures d’allègement immédiat pour les entreprises et les ménages, telles que des reports de paiement, le renforcement des reports de pertes ou des remboursements d’impôts accélérés, ainsi que des mesures de stimulation axées sur la relance;

    K.

    considérant que le cadre inclusif de l’OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices s’est entendu sur une réforme du système fiscal international reposant sur deux piliers afin de relever les défis découlant de la numérisation de l’économie, y compris un taux d’imposition effectif minimal de 15 % sur les sociétés;

    Remarques générales

    1.

    rappelle que les États membres sont libres de décider de leurs propres politiques économiques et en particulier de leurs propres politiques fiscales dans les limites des traités de l’Union et dans la mesure où le droit de l’Union est transposé et correctement appliqué, même si cela peut conduire à une fragmentation des politiques et à des conditions de concurrence inégales au sein de l’Union; rappelle que cela permet une concurrence équitable et limite les distorsions du marché unique de l’Union;

    2.

    constate que le marché unique, avec la libre circulation des facteurs de production et les relations économiques étroites avec des pays voisins non membres de l’Union qu’il suppose, a généré d’importants flux commerciaux, financiers et d’investissement entre les États membres; relève que cette profonde interdépendance a produit une sensibilité des assiettes fiscales et des taux d’imposition de chaque pays à ceux des autres pays, ce qui amplifie en particulier les retombées de l’impôt sur les sociétés;

    Incidences sur les PME

    3.

    relève que les coûts induits par le respect des obligations fiscales sont estimés, pour les grandes entreprises multinationales, à environ 2 % des impôts acquittés, mais s’élèveraient à 30 % de ceux-ci pour les PME; rappelle que les entreprises européennes, en particulier les PME, sont les principaux moteurs de la croissance économique et de la création d’emplois; rappelle que certains États membres ont mis au point des régimes en application desquels les bénéfices réalisés dans un contexte international seraient imposés à un taux inférieur au taux nominal national, ce qui placerait les PME en position de désavantage concurrentiel (7); note également que les données empiriques suggèrent que les bénéfices des entreprises multinationales tendent à être moins imposés que ceux des entreprises nationales équivalentes, ce qui révèle un transfert des bénéfices des filiales fortement imposées vers des filiales assujetties à un impôt moins élevé;

    4.

    souligne que les différences entre les régimes fiscaux nationaux peuvent constituer des obstacles pour les PME qui tentent d’exercer leurs activités au-delà des frontières; souligne que, par rapport aux entreprises multinationales, les PME disposent de moins de ressources à consacrer au respect des obligations fiscales et à l’optimisation fiscale; fait observer que la part des dépenses utilisée à des fins de respect des obligations fiscales est plus élevée pour les PME que pour les entreprises multinationales;

    5.

    relève qu’une harmonisation de l’assiette fiscale, telle que l’assiette commune pour l’impôt sur les sociétés ou le dispositif «Entreprises en Europe: cadre pour l’imposition des revenus» (BEFIT), pourrait réduire les coûts de respect des obligations fiscales pour les PME menant des activités dans plus d’un État membre; se félicite, par conséquent, de la communication de la Commission sur la fiscalité des entreprises pour le XXIe siècle, selon laquelle «l’absence d’un système commun d’imposition des sociétés au sein du marché unique constitue un frein à la compétitivité […] et crée un désavantage concurrentiel par rapport aux marchés des pays tiers»; réaffirme que l’imposition des bénéfices dans le pays où les activités économiques ont lieu permettra aux pouvoirs publics d’offrir des conditions de concurrence équitables à leurs PME; souligne la nécessité d’imposer les sociétés en recourant à une formule équitable et efficace pour la répartition des droits d’imposition entre les pays, qui tienne compte de facteurs tels que la main-d’œuvre et l’existence d’actifs corporels; relève que la publication de la proposition BEFIT de la Commission n’est attendue qu’en 2023; invite la Commission à accélérer le processus d’adoption et demande aux États membres de se mettre rapidement d’accord sur une proposition ambitieuse de corpus réglementaire européen en matière d’impôt sur les sociétés;

    6.

    relève que le Parlement, après un dialogue avec des spécialistes, les parlements nationaux et les citoyens, contribuera à l’élaboration des principes directeurs en vue de la proposition BEFIT de la Commission prévue pour 2023;

    7.

    note que de nombreux États membres ainsi que l’Union européenne ont mis en place des régimes spécifiques favorables aux PME, tels que des règles spéciales en matière de TVA, afin de compenser les taux d’imposition effectifs plus élevés et les coûts de respect des obligations fiscales plus élevés pour les PME; souligne que ce traitement spécial, bien que souhaitable en règle générale, risque, s’il est utilisé à grande échelle, de créer de nouvelles distorsions et de nouvelles possibilités de planification fiscale agressive et pourrait accroître encore la complexité globale du système; invite les États membres à créer des avantages fiscaux pour les PME d’une manière qui soit cohérente avec le régime fiscal global et qui n’encourage pas les PME à conserver une taille modeste;

    8.

    prend note du fait que les PME sont souvent moins en mesure d’absorber ou de financer des pertes que les grandes entreprises en raison de leurs flux de trésorerie plus limités; salue, à cet égard, la recommandation de la Commission du 18 mai 2021 en ce qui concerne le traitement fiscal des pertes pendant la crise de la COVID-19 (8) et invite les États membres à prendre ces recommandations en considération;

    Harmonisation et coordination des politiques fiscales

    9.

    souligne que la fragmentation des politiques fiscales nationales peut avoir un effet de distorsion sur le marché unique de l’Union et nuire à l’économie de cette dernière; se félicite que l’Union ait mis en place des mécanismes de coordination tels que des procédures d’examen par les pairs au sein du groupe «Code de conduite» et des recommandations par pays dans le cadre du Semestre européen; estime que ces deux mécanismes doivent être encore améliorés; souligne que, dans le cadre du groupe «Code de conduite», les États membres réexaminent, modifient ou suppriment leurs mesures fiscales en vigueur qui constituent une concurrence fiscale dommageable, et s’abstiennent d’en introduire de nouvelles à l’avenir; rappelle, à cet égard, la position adoptée par le Parlement en octobre 2021 lorsqu’il a appelé de ses vœux la réforme des critères, du champ d’application et de la gouvernance du Code de conduite afin de garantir une fiscalité équitable au sein de l’Union européenne;

    10.

    fait observer que la Commission a recommandé à six États membres de lutter contre la planification fiscale agressive dans le cadre des recommandations par pays de 2020; constate l’incidence positive des recommandations par pays dans la promotion des réformes fiscales nécessaires dans les États membres qui ont reçu des recommandations en matière de planification fiscale agressive, tout en regrettant que certains États membres doivent encore faire suite aux recommandations par pays en matière de planification fiscale agressive;

    11.

    rappelle que la facilité pour la reprise et la résilience et les recommandations par pays, y compris celles relatives à l’imposition, sont étroitement liées, comme il ressort du règlement (UE) 2021/241 du Parlement européen et du Conseil du 12 février 2021 établissant la facilité pour la reprise et la résilience (9);

    12.

    souligne que, depuis 2011, la directive relative à la coopération administrative fixe les règles de coopération entre les autorités fiscales des États membres dans le but d’assurer le bon fonctionnement du marché unique; se félicite que, depuis 2011, le champ d’application de cette directive ait été continuellement élargi à de nouveaux domaines afin d’enrayer la fraude et l’évasion fiscales et que des progrès considérables aient été accomplis dans les dernières décennies; rappelle le rapport d’exécution du Parlement adopté en septembre 2021, qui recense les lacunes dans la bonne mise en œuvre de la directive relative à la coopération administrative par les États membres et souligne la nécessité de renforcer l’échange d’informations entre les autorités fiscales nationales;

    13.

    prend acte des limites du processus actuel de prise de décisions au sein du Conseil pour répondre aux besoins législatifs lorsqu’il s’agit de favoriser la coordination entre les États membres et de lutter contre les pratiques fiscales dommageables; demande que toutes les possibilités offertes par le traité FUE soient explorées; rappelle que la procédure prévue à l’article 116 du traité FUE peut s’appliquer lorsque des pratiques fiscales dommageables entraînent une distorsion des conditions de concurrence dans le marché unique;

    14.

    souligne que le niveau idéal de coordination des politiques fiscales pour assurer une incidence maximale est la scène internationale, à travers le G20/l’OCDE; souligne, néanmoins, que les pays en développement devraient être pleinement intégrés au processus de négociation; note que les propositions fiscales de l’Union fondées sur des accords internationaux ont toujours été plus susceptibles d’être adoptées par le Conseil;

    15.

    constate, toutefois, que les négociations internationales dans le domaine de la fiscalité peinent parfois à déboucher sur un consensus et sont donc lentes à remédier aux lacunes du système d’imposition international; recommande, dans de tels cas, que l’Union européenne envisage de montrer l’exemple, sans préjudice des négociations internationales;

    16.

    se félicite de l’accord historique conclu au sein du cadre inclusif de l’OCDE/G20 sur la réforme du système fiscal international fondée sur la solution à deux piliers en vue d’assurer une répartition plus équitable des bénéfices et des droits d’imposition entre les pays en ce qui concerne les entreprises multinationales les plus grandes et les plus rentables, qui propose que les entreprises multinationales soient soumises à un taux d’imposition effectif de 15 %; demande instamment à la Commission et aux États membres de collaborer et d’assurer la transposition dans le droit de l’Union de l’accord du cadre inclusif de l’OCDE/G20 sur les deux piliers, comme l’a annoncé la présidente de la Commission dans sa lettre d’intention sur l’état de l’Union de 2021; invite le Conseil à adopter rapidement ces propositions afin qu’elles prennent effet à partir de 2023; invite les États membres à envisager de plaider pour des accords internationaux similaires pour d’autres types d’imposition pertinents;

    Recommandations et domaines de réforme

    17.

    souligne que dans les domaines qui revêtent une grande importance pour le fonctionnement du marché unique, notamment la fiscalité et l’union des marchés des capitaux, une plus grande harmonisation se justifie, soit par une meilleure coordination entre les États membres, soit par une action de l’Union;

    18.

    souligne que les États membres utilisent toujours des critères différents pour déterminer le statut en matière de résidence fiscale, ce qui crée un risque de double imposition ou de double non-imposition; rappelle, à cet égard, les initiatives décrites dans le plan d’action de la Commission de juillet 2020 en vue de la présentation d’une proposition législative en 2022 ou 2023 afin de préciser le lieu de résidence qu’il convient de prendre en compte à des fins fiscales pour les contribuables exerçant des activités transfrontières dans l’Union; attend avec intérêt cette proposition, qui devrait viser à garantir une détermination plus cohérente de la résidence fiscale au sein du marché unique;

    19.

    constate que la numérisation et la forte dépendance à l’égard des actifs incorporels qui constituent des défis pour le système fiscal actuel justifient un degré élevé de coordination et d’harmonisation des politiques en vue d’établir des conditions de concurrence équitables et de veiller à ce que les entreprises numériques apportent une contribution équitable dans les sociétés au sein desquelles elles exercent leurs activités; constate que certains États membres ont insisté sur la mise en place de taxes numériques nationales malgré les négociations en cours au niveau de l’Union et de l’OCDE; constate que ceci a eu un effet favorable sur le débat international; souligne que ces mesures nationales devraient être progressivement supprimées à la suite de la mise en œuvre d’une solution internationale efficace;

    20.

    rappelle que l’Union a accepté de mettre en œuvre une nouvelle ressource propre fondée sur une redevance numérique qui permettra de financer l’instrument de l’Union pour la relance NextGenerationEU et invite la Commission à présenter d’autres propositions compatibles avec ses engagements internationaux;

    21.

    déplore que les différences entre les procédures de retenue à la source et de remboursement de la retenue à la source demeurent un obstacle considérable à la poursuite de l’intégration de l’union des marchés des capitaux; se félicite de l’annonce par la Commission d’une proposition d’initiative législative en vue de l’introduction d’un système commun, normalisé et à l’échelle de l’Union pour la réduction de la retenue à la source;

    22.

    déplore les incitations fiscales favorisant l’endettement dans le domaine de l’imposition des sociétés, qui permettent des déductions fiscales généreuses sur les paiements d’intérêts, tandis que les coûts de financement sur fonds propres ne peuvent pas être déduits de la même manière; souligne le désavantage structurel auquel sont confrontées les entreprises qui dépendent du financement sur fonds propres, en particulier les entreprises jeunes et de petite taille ayant un accès limité au crédit; relève que les incitations fiscales favorisant l’endettement pourraient pousser les entreprises à recourir excessivement à l’endettement;

    23.

    note que les incitations fiscales favorisant l’endettement varient considérablement d’un État membre à l’autre; constate que certains États membres ont introduit des déductions pour capital à risque pour remédier à ce problème; rappelle qu’une partie de ces déductions pour capital à risque ont été exploitées comme des failles fiscales permettant aux entreprises multinationales de déduire artificiellement des intérêts nationaux; souligne qu’une approche européenne commune serait préférable afin d’éviter les distorsions au sein du marché unique;

    24.

    rappelle qu’il est possible de réduire ces incitations soit en autorisant une nouvelle déduction des coûts de financement sur fonds propres soit en réduisant les possibilités de déduction des intérêts; rappelle que le Parlement a proposé de limiter la déduction des surcoûts d’emprunt jusqu’à hauteur de 20 % du résultat avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement du contribuable, alors que le Conseil a adopté un seuil plus élevé allant jusqu’à 30 % (10); rappelle que, selon l’OCDE, un ratio de 30 % peut être trop élevé pour empêcher efficacement l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (11);

    25.

    attend avec intérêt la proposition de la Commission relative à une franchise pour la réduction des incitations fiscales favorisant l’endettement; demande instamment à la Commission de réaliser une analyse d’impact approfondie et d’intégrer des dispositions efficaces visant à lutter contre l’évasion fiscale pour éviter toute utilisation de la franchise favorisant les fonds propres comme un nouvel outil d’érosion de la base d’imposition;

    26.

    constate que le taux d’imposition effectif marginal peut être un facteur déterminant pour les entreprises qui prennent des décisions d’investissement, de même que la qualité des infrastructures, la disponibilité d’une main-d’œuvre formée et en bonne santé, ainsi que la stabilité du pays (12); constate qu’il existe des différences considérables entre les États membres en ce qui concerne le taux d’imposition effectif marginal; invite la Commission à examiner si certains États membres faussent la concurrence en abaissant artificiellement leur taux d’imposition effectif marginal, par exemple par des plans d’amortissements accélérés ou l’adaptation de la déductibilité fiscale de certains postes, et à transmettre ses conclusions au Parlement;

    27.

    relève que si les décisions fiscales anticipées peuvent créer de la clarté juridique pour les entreprises, elles peuvent également donner lieu à des abus par l’octroi d’un traitement fiscal préférentiel; souligne cependant qu’un système fiscal simple reste le meilleur moyen de créer une sécurité juridique;

    28.

    se félicite de la volonté de la Commission de remplir son rôle constitutionnel qui est de lutter contre la distorsion de la concurrence en recourant au droit de la concurrence; déplore l’annulation par des tribunaux nationaux et la Cour de justice de l’Union européenne de plusieurs décisions récentes de la Commission concernant de célèbres affaires de concurrence dans le domaine de la fiscalité;

    29.

    souligne que les incitations fiscales, appliquées de manière fiscalement responsable, en faveur de la recherche et du développement privés (par exemple au moyen de crédits d’impôt, de franchises renforcées ou de plans d’amortissements ajustés) peuvent contribuer à réduire les dépenses globales d’une économie en faveur de la recherche et du développement, ce qui entraîne souvent des externalités positives; est toutefois préoccupé par le fait que certains types d’incitations fiscales, comme les régimes fiscaux favorables aux brevets ou à la propriété intellectuelle, n’augmentent guère les dépenses consacrées à la recherche et au développement et peuvent en fait fausser le marché unique en incitant au transfert de bénéfices et à la planification fiscale agressive; note que les incitations fiscales devraient viser à attirer les investissements vers l’économie réelle et donc être fondées sur les dépenses plutôt que sur les bénéfices afin de mieux cibler l’apport d’innovations; invite la Commission à proposer des lignes directrices sur les incitations fiscales qui n’entraînent pas de distorsion pour le marché unique, notamment en favorisant les incitations fondées sur les coûts, limitées dans le temps et dans l’espace, évaluées régulièrement et abrogées en l’absence d’effets positifs, ainsi que les exonérations partielles plutôt que totales;

    30.

    souligne qu’une harmonisation plus poussée des incitations fiscales en faveur des dépenses de recherche et développement pourrait se justifier; relève que cela faisait partie de la proposition initiale de la Commission concernant l’assiette commune pour l’impôt sur les sociétés; déplore que ce sujet n’ait pas été abordé dans la récente communication sur la fiscalité des entreprises pour le XXIe siècle;

    31.

    constate qu’une part importante de la capacité budgétaire est consacrée à des incitations fiscales sous forme d’exonérations, de déductions, de crédits, de reports et de taux d’imposition réduits; invite la Commission à présenter une évaluation de toutes les incitations et subventions fiscales inefficaces, en particulier celles qui sont nuisibles à l’environnement et qui entraînent des distorsions économiques préjudiciables; invite la Commission à établir un cadre de contrôle des incitations fiscales dans l’Union et à obliger les États membres à publier le coût budgétaire de leurs incitations fiscales; invite les États membres à réaliser des analyses annuelles, détaillées et publiques des coûts et avantages de chaque disposition fiscale; estime que la sécurité fiscale serait renforcée si les États membres avaient une définition commune des incitations fiscales qui n’entraînent pas de distorsion; invite la Commission à publier des lignes directrices sur les incitations fiscales qui ne présentent pas de risque de distorsion du marché unique;

    32.

    invite les États membres à trouver un compromis sur une réforme forte, complète et ambitieuse de la fiscalité indirecte, principalement de la TVA; souligne que la réduction de la complexité et de la bureaucratie ainsi que le traitement adéquat de la fraude et de l’évasion fiscales en matière de TVA sont essentiels pour préserver l’intégrité du marché unique;

    33.

    invite les États membres à poursuivre la réforme des autorités fiscales, à accélérer la numérisation et à initier la mise en œuvre d’approches stratégiques visant à soutenir les PME en matière de respect des obligations fiscales ainsi qu’à recenser les possibilités de réduction des charges; invite les États membres à engager des réformes profondes et judicieuses s’agissant de la complexité des systèmes fiscaux, afin de réduire la bureaucratie, les charges administratives et les coûts de respect des obligations; rappelle que la coopération européenne en la matière ainsi que l’échange de bonnes pratiques entre les autorités fiscales présentent une forte valeur ajoutée;

    34.

    invite les États membres à faire un meilleur usage du programme Fiscalis de l’Union pour améliorer la coopération entre les autorités fiscales dans leurs efforts de réforme; invite à cet égard la Commission à mettre en place un programme d’échange Erasmus pour les agents fiscaux afin d’encourager l’adoption des bonnes pratiques;

    35.

    demande à la Commission de suivre et de contrôler les nouvelles réformes ou mesures fiscales nationales mises en œuvre à la suite de la pandémie de COVID-19 pour soutenir l’économie, en particulier les mesures non temporaires; invite les États membres à procéder à des réformes des systèmes fiscaux et à tirer parti des possibilités offertes par les instruments européens qui visent à soutenir la reprise économique; souligne que ces réformes doivent respecter le cadre budgétaire européen; rappelle qu’il convient que ces réformes soient réalisées dans le plein respect des compétences nationales en matière de fiscalité, mais souligne qu’une solide coordination entre les États membres apporterait une valeur ajoutée significative;

    36.

    s’engage en faveur de normes exigeantes en ce qui concerne le respect des droits des contribuables, notamment en matière de respect de la vie privée et de protection des données, tout particulièrement pour les personnes physiques, dans tout processus politique et législatif concernant la fiscalité;

    37.

    fait observer que la plupart des procédures nationales de passation de marchés dans les États membres utilisent le prix le plus bas comme seul critère d’attribution des marchés publics; rappelle que le Conseil a demandé à la Commission d’examiner de quelle manière remédier aux effets de distorsion résultant de la participation de soumissionnaires qui exercent des activités dans des pays et territoires figurant sur la liste de l’Union des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales; invite la Commission à revoir sa stratégie en matière de passation des marchés publics à cet égard;

    Tableau de bord de la fiscalité dans l’UE

    38.

    prend acte des travaux en cours de la Commission sur un tableau de bord de la fiscalité dans l’UE; recommande le recours à des indicateurs économiques qui permettent de repérer les distorsions du marché unique, tels que les niveaux d’IDE, les redevances et les paiements d’intérêts; souligne que ce tableau de bord doit contribuer à la lutte contre la concurrence fiscale dommageable; demande à la Commission de prendre dûment en considération les lourdes pertes de recettes publiques qu’entraînent les politiques fiscales nationales qui facilitent l’évasion fiscale; comprend qu’il convient de concevoir ce tableau de bord de la fiscalité comme un instrument destiné à aider les États membres à mettre en œuvre des réformes profondes et judicieuses en matière fiscale; met en garde contre toute utilisation du tableau de bord pour montrer du doigt certains États membres, mais estime que cet outil pourrait nourrir le débat sur les réformes nécessaires; encourage une coopération étroite avec les plateformes européennes existantes pour élaborer ce tableau de bord; estime que ce nouvel instrument pourrait être utile au processus du Semestre européen, et en particulier pour les recommandations par pays;

    o

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    39.

    charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu’aux gouvernements et aux parlements des États membres.

    (1)  JO C 2 du 6.1.1998, p. 1.

    (2)  Textes adoptés de cette date, P9_TA(2021)0416.

    (3)  Textes adoptés de cette date, P9_TA(2021)0392.

    (4)  JO C 411 du 27.11.2020, p. 38.

    (5)  Textes adoptés de cette date, P9_TA(2021)0438.

    (6)  JO L 64 du 11.3.2011, p. 1.

    (7)  Communiqué de presse de la Commission du 16 septembre 2019 intitulé «Aides d’État: la Commission ouvre des enquêtes approfondies concernant les décisions anticipées relatives à des “bénéfices excédentaires” accordées par la Belgique à 39 sociétés multinationales».

    (8)  JO L 179 du 20.5.2021, p. 10.

    (9)  JO L 57 du 18.2.2021, p. 17.

    (10)  Position du Parlement européen du 8 juin 2016 sur la proposition de directive du Conseil établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur (JO C 86 du 6.3.2018, p. 176).

    (11)  OCDE, «Projet de discussion public sur le plan d’action concernant l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices», Action 4 sur les déductions d’intérêts et autres frais financiers, 2014.

    (12)  Forum économique mondial, «Rapport sur la compétitivité mondiale 2019».


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