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Document 52019IP0045

Résolution du Parlement européen du 17 janvier 2019 sur l’enquête stratégique OI/2/2017 de la Médiatrice sur la transparence des débats législatifs dans les instances préparatoires du Conseil de l’Union européenne (2018/2096(INI))

JO C 411 du 27.11.2020, p. 149–152 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

27.11.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 411/149


P8_TA(2019)0045

Enquête stratégique OI/2/2017 de la Médiatrice sur la transparence des débats législatifs dans les instances préparatoires du Conseil de l’Union européenne

Résolution du Parlement européen du 17 janvier 2019 sur l’enquête stratégique OI/2/2017 de la Médiatrice sur la transparence des débats législatifs dans les instances préparatoires du Conseil de l’Union européenne (2018/2096(INI))

(2020/C 411/20)

Le Parlement européen,

vu l’article 15, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE) et ses dispositions concernant l’accès aux documents des institutions de l’Union,

vu l’article 228 du traité FUE,

vu la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et notamment son article 11,

vu l’article 3, paragraphe 7, du statut du Médiateur européen,

vu le règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2001 relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (1),

vu sa résolution du 28 avril 2016 sur l’accès du public aux documents (article 116, paragraphe 7) pour les années 2014-2015 (2),

vu sa résolution du 16 février 2017 sur l’amélioration du fonctionnement de l’Union européenne en mettant à profit le potentiel du traité de Lisbonne (3),

vu sa résolution du 14 septembre 2017 sur la transparence, la responsabilité et l’intégrité au sein des institutions européennes (4),

vu sa résolution du 30 mai 2018 sur l’interprétation et la mise en œuvre de l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer» (5),

vu les articles 2.6 et 2.7 de la contribution de la 59e session plénière de la Conférence des organes parlementaires spécialisés dans les affaires de l’Union européenne (LIX COSAC) des 17 et 19 juin 2018 à Sofia,

vu le rapport spécial de la Médiatrice au Parlement européen faisant suite à l’enquête stratégique OI/2/2017/TE sur la transparence de la procédure législative du Conseil,

vu l’article 52 de son règlement intérieur,

vu les délibérations tenues conjointement par la commission des affaires constitutionnelles et la commission des pétitions au titre de l’article 55 du règlement intérieur,

vu le rapport de la commission des affaires constitutionnelles et de la commission des pétitions (A8-0420/2018),

A.

considérant que l’article 228 du traité FUE ainsi que l’article 3 du statut du médiateur européen permettent à la Médiatrice de procéder aux enquêtes qu’elle estime justifiées, soit de sa propre initiative, soit sur la base des plaintes qui lui ont été présentées;

B.

considérant que l’article premier et l’article 10, paragraphe 3, du traité sur l’Union européenne (traité UE) établissent qu’au niveau de l’Union, les décisions doivent être prises dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture et le plus près possible des citoyens;

C.

considérant que le Parlement européen, en tant qu’institution représentant directement les citoyens, et le Conseil de l’Union européenne, qui représente les États membres, sont les deux composantes du corps législatif européen et la double source de légitimité de l’Union européenne;

D.

considérant que le Parlement européen fait preuve d’un haut degré de transparence dans sa procédure législative, y compris au niveau des commissions, ce qui permet aux citoyens, aux médias et aux parties prenantes de cerner clairement les différentes positions au sein du Parlement ainsi que l’origine des propositions, et de suivre l’adoption de ses décisions finales;

E.

considérant qu’en vertu de l’article 16, paragraphe 8, du traité UE, le Conseil doit siéger en public lorsqu’il délibère et vote sur un projet d’acte législatif;

F.

considérant que le Conseil prend la majorité des décisions qui pourraient être adoptées par un vote à la majorité qualifiée sous la forme de consensus et sans vote formel;

G.

considérant que la Médiatrice a ouvert une enquête sur la transparence des débats législatifs au sein des instances préparatoires du Conseil, et qu’elle a, dans ce cadre, adressé 14 questions au Conseil le 10 mars 2017 et lancé une consultation publique;

H.

considérant qu’à la suite de cette enquête, la Médiatrice a estimé que le manque de transparence du Conseil, tant du point de vue de l’accès public à ses documents législatifs que de son processus décisionnel, notamment pendant la phase préparatoire au niveau du Coreper et des groupes de travail, relevait d’une mauvaise administration;

I.

considérant que, le 9 février 2018, la Médiatrice a adressé six suggestions d’améliorations et trois recommandations spécifiques au Conseil en matière de transparence de ses instances préparatoires et lui a demandé d’y répondre;

J.

considérant que le Conseil n’a pas répondu aux recommandations contenues dans le rapport de la Médiatrice dans le délai légalement prescrit de trois mois et qu’en raison de l’importance que revêt la transparence législative, la Médiatrice a décidé de ne pas accorder de prorogation au Conseil au-delà de ce délai et a présenté le rapport au Parlement;

1.

est profondément préoccupé par le fait qu’une critique courante à l’encontre de l’Union européenne est son déficit démocratique; souligne par conséquent que le fait que l’une de ses trois principales institutions prenne des décisions sans la transparence escomptée d’un établissement démocratique est préjudiciable à l’entreprise ambitieuse qu’est le projet européen;

2.

est profondément convaincu que le processus décisionnel au niveau européen doit être pleinement démocratique et d’une très grande transparence pour renforcer la confiance des citoyens dans le projet européen et les institutions de l’Union, notamment dans la perspective des élections européennes de mai 2019, et est donc déterminé à consolider la responsabilité démocratique de toutes les institutions de l’Union;

3.

partage le point de vue de la Médiatrice selon lequel les traités imposent l’obligation légale de faire en sorte que les citoyens soient en mesure de comprendre, de suivre en détail et de participer au processus législatif, condition essentielle à l’établissement d’un système démocratique moderne;

4.

souligne qu’un niveau élevé de transparence du processus législatif est essentiel pour permettre aux citoyens, aux médias et aux parties prenantes de demander des comptes à leurs représentants élus et à leur gouvernement;

5.

estime qu’un niveau élevé de transparence permet de se prémunir contre la diffusion des spéculations, les fausses informations et des théories du complot, en ce qu’il fournit des données factuelles pour réfuter publiquement de telles allégations;

6.

rappelle que le Parlement européen représente les intérêts des citoyens européens dans un esprit d’ouverture et de transparence, comme l’a confirmé la Médiatrice, et prend acte des progrès accomplis par la Commission dans l’amélioration de ses normes de transparence; regrette que le Conseil n’applique pas encore de normes comparables;

7.

fait observer que les travaux des instances préparatoires du Conseil, c’est-à-dire des comités des représentants permanents (Coreper I + II) et des plus de 150 groupes de travail, font partie intégrante de la procédure décisionnelle du Conseil;

8.

déplore que, contrairement aux réunions des commissions au Parlement, les réunions des instances préparatoires et la majorité des débats au Conseil se tiennent à huis clos; estime que les citoyens, les médias et les parties prenantes doivent avoir accès aux réunions du Conseil et de ses instances préparatoires, y compris par retransmission en direct et en différé sur le web, et que les procès-verbaux de ces réunions devraient être publiés afin de garantir un niveau élevé de transparence du processus législatif dans les deux composantes du corps législatif européen; souligne que, conformément au principe de légitimité démocratique, le public doit pouvoir tenir ces deux composantes pour comptables de leurs actes;

9.

déplore qu’une grande partie des documents relatifs aux dossiers législatifs ne soient pas publiés spontanément par le Conseil ce qui empêche les citoyens de savoir quels documents existent réellement et d’exercer leur droit à y accéder; regrette que les informations disponibles sur les documents législatifs soient présentées par le Conseil dans un registre incomplet et peu convivial; invite le Conseil à consigner dans son registre public tous les documents relatifs aux dossiers législatifs, quel que soit leur format et leur classification; prend acte, à cet égard, des efforts déployés par la Commission, le Parlement et le Conseil visant à créer une base de données commune pour les dossiers législatifs et souligne que les trois institutions ont la responsabilité de finaliser rapidement ces travaux;

10.

estime que la pratique du Conseil consistant à classer systématiquement les documents relatifs aux dossiers législatifs diffusés dans ses instances préparatoires sous la mention «LIMITE» constitue une violation de la jurisprudence (6) de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et de l’obligation légale d’assurer l’accès le plus large possible du public aux documents législatifs; invite le Conseil à mettre pleinement en œuvre les arrêts de la CJUE et à supprimer les incohérences et les pratiques divergentes qui subsistent; rappelle que la mention «LIMITE» n’a pas de base juridique solide et estime que les orientations internes du Conseil devraient être révisées afin de garantir que les documents ne puissent porter cette mention que dans des cas dûment justifiés et en accord avec la jurisprudence de la CJUE;

11.

déplore qu’à la suite de l’arrêt rendu en 2013 par la CJUE dans l’affaire Access Info Europe, le Coreper ait décidé que l’auteur d’un document relatif à une procédure législative pourrait choisir de mentionner ou non l’identité des États membres ayant pris position au sein des instances préparatoires; juge inacceptable que les positions adoptées au sein des instances préparatoires du Conseil par les différents États membres ne soient ni publiées ni systématiquement enregistrées, de sorte qu’il est impossible aux citoyens, aux médias et aux parties prenantes d’exercer efficacement leur droit de regard sur le comportement des instances élues;

12.

souligne que ce manque d’information empêche également les parlements nationaux de contrôler l’action des gouvernements au sein du Conseil, ce qui est leur fonction première dans le cadre de la procédure législative de l’Union, et qu’il permet aux membres des gouvernements de se dissocier, dans leur pays, des décisions qu’ils ont eux-mêmes élaborées et adoptées au niveau européen; estime que cette pratique est contraire à l’esprit des Traités et qu’il est irresponsable de la part des membres des gouvernements nationaux d’ébranler la confiance des citoyens dans l’Union européenne en reprochant à «Bruxelles» les décisions qu’eux-mêmes ont prises; fait valoir qu’un enregistrement systématique des positions des États membres au sein des instances préparatoires du Conseil aurait un effet dissuasif sur cette pratique à laquelle il convient de mettre un terme au plus vite; note également que cette pratique fait le jeu des responsables politiques qui cherchent à délégitimer l’Union aux yeux des citoyens;

13.

considère qu’il est incompatible avec les principes démocratiques que, dans les négociations interinstitutionnelles entre les colégislateurs, le manque de transparence dont fait preuve le Conseil entraîne un déséquilibre des informations disponibles et lui permette ainsi de bénéficier d’un avantage structurel par rapport au Parlement; demande une nouvelle fois d’améliorer les échanges de documents et d’informations entre le Parlement et le Conseil et de laisser les représentants du Parlement accéder en tant qu’observateurs aux réunions du Conseil et de ses instances, en particulier aux réunions liées aux procédures législatives, de la même manière que le Parlement laisse les représentants du Conseil accéder à ses réunions;

14.

rappelle que les recommandations formulées par la Médiatrice à la suite de son enquête stratégique sur la transparence des trilogues n’ont pas été suivies d’effets, en grande partie en raison de la réticence du Conseil; estime que les trilogues étant devenus monnaie courante pour parvenir à des accords sur les dossiers législatifs, un niveau élevé de transparence devrait leur être appliqué; considère que relèvent de cette transparence la publication spontanée des documents pertinents, la définition d’un calendrier interinstitutionnel et l’adoption d’une règle générale selon laquelle les négociations ne peuvent commencer qu’après l’adoption des mandats publics, conformément aux principes de publicité et de transparence inhérents au processus législatif de l’Union;

15.

demande qu’en sa qualité de composante du corps législatif européen, le Conseil aligne ses méthodes de travail sur les normes d’une démocratie parlementaire et participative, comme l’exige les traités, plutôt que de se comporter comme une enceinte diplomatique, ce qui ne relève pas de ses fonctions telles qu’elles sont définies par les textes officiels;

16.

est d’avis que les gouvernements des États membres privent les citoyens de leur droit à l’information et se soustraient aux normes de transparence ainsi qu’à un contrôle démocratique adéquat en élaborant ou en prédéfinissant des décisions économiques et financières de grande portée dans des formats informels tels que l’Eurogroupe et le sommet de la zone euro; insiste pour que la législation de l’Union sur la transparence et l’accès aux documents soit appliquée sans délai aux organes informels et aux instances préparatoires au sein du Conseil, en particulier l’Eurogroupe, le groupe de travail de l’Eurogroupe, le comité des services financiers et le comité économique et financier; demande que l’Eurogroupe soit pleinement formalisé lors de la prochaine révision des traités afin de garantir un accès public et un contrôle parlementaire appropriés;

17.

demande une nouvelle fois que le Conseil se mue en une véritable chambre législative afin de créer ainsi un système législatif vraiment bicaméral intégrant le Conseil et le Parlement, la Commission agissant en tant que pouvoir exécutif; propose que les formations spécialisées du Conseil actuellement actives et dotées d’une fonction législative servent, comme les commissions du Parlement européen, d’organes préparatoires à un Conseil unique doté d’une fonction législative par lequel toutes les décisions législatives finales du Conseil seraient prises, les instances préparatoires et le Conseil unique se réunissant en séance publique;

18.

estime que le vote public est un élément fondamental de la prise de décision démocratique; invite instamment le Conseil à recourir au vote à la majorité qualifiée et à s’abstenir, dans la mesure du possible, de prendre des décisions par consensus et donc sans vote formel en public;

19.

souscrit pleinement aux recommandations de la Médiatrice européenne adressées au Conseil et invite instamment ce dernier à prendre au minimum toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre dans les meilleurs délais les recommandations de la Médiatrice, à savoir:

a)

répertorier systématiquement l’identité des gouvernements des États membres lorsqu’ils expriment leurs positions au sein des instances préparatoires;

b)

définir et rendre publics des critères clairs sur lesquels il fonde sa décision de désigner des documents comme «LIMITE», conformément à la législation de l’Union;

c)

réexaminer systématiquement le statut «LIMITE» des documents à un stade précoce, avant l’adoption finale d’un instrument législatif, notamment avant le début des négociations informelles en trilogues, stade auquel le Conseil aura abouti à une première prise de position concernant la proposition législative;

20.

estime que le secret professionnel ne peut être invoqué pour empêcher systématiquement l’enregistrement et la divulgation de documents;

21.

prend acte de la déclaration de la présidence autrichienne à la commission des affaires constitutionnelles et à la commission des pétitions sur le fait de tenir le Parlement informé des réflexions que mène actuellement le Conseil sur le renforcement de la transparence de ses règles et procédures législatives et sur l’engagement qu’il entend nouer avec le Parlement dans le cadre d’une réflexion commune sur les sujets qui nécessitent une coordination interinstitutionnelle, et regrette que le Conseil ne se soit pas encore manifesté à ce propos;

22.

charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Médiatrice européenne, au Conseil européen, à la Commission ainsi qu’aux parlements et aux gouvernements des États membres.

(1)  JO L 145 du 31.5.2001, p. 43.

(2)  JO C 66 du 21.2.2018, p. 23.

(3)  JO C 252 du 18.7.2018, p. 215.

(4)  JO C 337 du 20.9.2018, p. 120.

(5)  Textes adoptés de cette date, P8_TA(2018)0225.

(6)  Sur le principe de l’accès public le plus large possible, voir: affaires jointes C-39/05 P et C-52/05 P, Suède et Turco / Conseil [2008] ECLI:EU:C:2008:374, point 34; affaire C-280/11 P, Conseil / Access Info Europe [2013] ECLI:EU:C:2013:671, point 27; et affaire T-540/15, De Capitani / Parlement [2018] ECLI:EU:T:2018:167, point 80.


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