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Document 52019IP0044

    Résolution du Parlement européen du 17 janvier 2019 sur l’intégration différenciée (2018/2093(INI))

    JO C 411 du 27.11.2020, p. 145–148 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    27.11.2020   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 411/145


    P8_TA(2019)0044

    Intégration différenciée

    Résolution du Parlement européen du 17 janvier 2019 sur l’intégration différenciée (2018/2093(INI))

    (2020/C 411/19)

    Le Parlement européen,

    vu le livre blanc de la Commission du 1er mars 2017 sur l’avenir de l’Europe: réflexions et scénarios pour l’UE-27 à l’horizon 2025 (COM(2017)2025) et les documents de réflexion y afférents sur l’avenir des finances de l’Union, sur l’avenir de la défense de l’Europe, sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, sur la maîtrise de la mondialisation et sur la dimension sociale de l’Europe,

    vu sa résolution du 16 février 2017 sur l’amélioration du fonctionnement de l’Union européenne en mettant à profit le potentiel du traité de Lisbonne (1),

    vu sa résolution du 16 février 2017 sur les évolutions et adaptations possibles de la structure institutionnelle actuelle de l’Union européenne (2),

    vu sa résolution du 12 décembre 2013 sur les problèmes constitutionnels d'une gouvernance à plusieurs niveaux dans l'Union européenne (3),

    vu l’article 52 de son règlement intérieur,

    vu le rapport de la commission des affaires constitutionnelles et les avis de la commission des affaires économiques et monétaires et de la commission des budgets (A8-0402/2018),

    A.

    considérant que l’intégration différenciée est un concept polysémique qui peut décrire différents phénomènes d’un point de vue tant politique que technique;

    B.

    considérant que les processus d’intégration dans l’Union se caractérisent par l’augmentation rapide du nombre de situations d’intégration différenciée et de leur diversité, dans le contexte tant du droit primaire que du droit secondaire;

    C.

    considérant que les perceptions politiques de l’intégration différenciée varient considérablement en fonction du contexte national; que, dans certains États membres qui font partie de l’Union depuis longtemps, l’intégration différenciée peut porter une connotation positive et être rattachée à l’idée de créer un «groupe pionnier» destiné à accomplir plus rapidement des progrès sur la voie de l’approfondissement de l’intégration, tandis que, dans les États membres qui ont adhéré plus récemment à l’Union, cette notion est souvent perçue comme une étape menant à la création de membres de première classe et de deuxième classe de l’Union;

    D.

    considérant que l’intégration différenciée renvoie également à un large éventail de mécanismes différents pouvant avoir des répercussions très diverses sur l’intégration européenne; qu’une distinction peut être opérée entre la différenciation temporelle — l’Europe à plusieurs vitesses, où l’on poursuit les mêmes objectifs, mais à des rythmes différents –, la différenciation de moyens — l’Europe à la carte — et la différenciation spatiale, souvent qualifiée de géométrie variable;

    E.

    considérant que la différenciation est une constante de l’intégration européenne, non seulement dans les domaines relevant de la compétence de l’Union, mais également dans d’autres domaines, et qu’elle a parfois permis que l’approfondissement et l’élargissement de l’Union se fassent simultanément; qu’en conséquence, on ne peut opposer la différenciation à l’intégration ni présenter la différenciation comme une voie novatrice pour l’avenir de l’Union;

    F.

    considérant que si l’intégration différenciée peut être une solution pragmatique pour faire progresser l’intégration européenne, elle devrait être utilisée avec parcimonie et dans des limites étroitement définies en raison du risque de fragmentation de l’Union et de son cadre institutionnel; que l’objectif final de l’intégration différenciée doit être de promouvoir l’inclusion des États membres, et non leur exclusion;

    G.

    considérant que l’expérience montre que si l’interdépendance est un facteur d’intégration, la politisation y fait souvent obstacle; que, dès lors, les domaines d’action de l’Union présentant le plus haut degré d’intégration, tels que l’harmonisation et la régulation du marché intérieur, sont pour la plupart les moins politisés, tandis qu’une intégration différenciée semble plus susceptible de voir le jour dans des domaines caractérisés par une forte polarisation politique, tels que la politique monétaire, la défense, le contrôle des frontières, les droits fondamentaux ou la fiscalité;

    H.

    considérant que la création de liens politiques et de relations d’interdépendance entre les États membres contribue de manière décisive à leur intégration au sein de l’Union;

    I.

    considérant que les traités prévoient la possibilité pour les États membres d’emprunter des voies différentes d’intégration, à savoir la coopération renforcée (article 20 du traité sur l’Union européenne) et la coopération structurée permanente (article 46 du traité UE), sans toutefois contenir de dispositions définissant la flexibilité permanente ou l’intégration différenciée comme un principe ou un objectif à long terme de l’intégration européenne; que les différentes voies d’intégration ne devraient être appliquées qu’à un nombre limité de politiques, tout en étant inclusives, pour permettre à tous les États membres de participer et ne devraient pas compromettre le processus de création d’une Union sans cesse plus étroite, comme le prévoit l’article 1er du traité UE; considérant, par ailleurs, que la coopération renforcée dans le domaine de la politique de sécurité et de défense commune est aujourd’hui une réalité, contribuant à la construction d’une véritable Union européenne de la défense;

    J.

    considérant qu’à l’exception de la taxe sur les transactions financières, tous les cas existants d’intégration différenciée auraient pu être adoptés au Conseil à la majorité qualifiée si cette règle avait été prévue à l’article 329, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne en lieu et place de l’unanimité;

    K.

    considérant que certaines formes d’intégration différenciée peuvent avoir des effets centripètes et inciter plus d’États membres à se joindre ultérieurement à l’initiative;

    L.

    considérant que le processus de différenciation a conduit à la création d’initiatives dans le cadre juridique de l’Union, mais aussi à certaines dispositions juridiques intergouvernementales plus souples, qui ont abouti à la création d’un système complexe et difficile à comprendre pour les citoyens;

    M.

    considérant que les États membres ne sont pas les seuls acteurs potentiels de l’intégration différenciée; que le règlement (CE) no 1082/2006 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006, relatif à un groupement européen de coopération territoriale (GECT) (4) permet déjà une coopération transnationale sur la base d’un intérêt commun;

    1.

    insiste sur le fait que le débat concernant l’intégration différenciée ne saurait porter sur l’opportunité de la différenciation, mais sur les meilleurs moyens de faire fonctionner l’intégration différenciée — qui est déjà une réalité politique — dans le cadre institutionnel de l’Union dans l’intérêt de l’Union et de ses citoyens;

    2.

    rappelle que, selon ses conclusions, les structures et processus intergouvernementaux de prise de décision accroissent la complexité de la responsabilité institutionnelle et réduisent la transparence et la responsabilité démocratique, et que la méthode communautaire est la meilleure pour le fonctionnement de l’Union;

    3.

    considère que l’intégration différenciée devrait porter l’idée que l’Europe ne fonctionne pas selon une approche unique, mais qu’elle doit s’adapter aux besoins et aux souhaits de ses citoyens; estime que la différenciation peut parfois être nécessaire pour s’engager dans de nouveaux projets européens et surmonter les blocages découlant de circonstances politiques nationales étrangères au projet commun; estime en outre qu’elle devrait être utilisée comme un instrument constitutionnel afin d’offrir de la souplesse sans compromettre l’intérêt général de l’Union et l’égalité des droits et des chances pour les citoyens; réaffirme que la différenciation ne doit se concevoir qu’à titre d’étape temporaire sur la voie d’une politique plus efficace et plus intégrée;

    4.

    estime que le Conseil européen doit prendre le temps nécessaire pour formuler l’agenda européen en démontrant les avantages d’actions communes et en tentant de convaincre tous les États membres de participer à de telles actions souligne que tout type d’intégration différenciée adoptée en commun accord constitue de ce fait une option secondaire, et non une priorité stratégique;

    5.

    réaffirme sa conviction selon laquelle, conformément aux articles 20 et 46 du traité UE, l’intégration différenciée doit rester ouverte à tous les États membres et qu’elle doit continuer à servir d’exemple d’approfondissement de l’intégration européenne, aucun État membre ne restant exclu d’une politique à long terme, et qu’elle ne devrait pas être considérée comme un moyen de favoriser les solutions «à la carte», qui risquent de compromettre la méthode de l’Union et son système institutionnel;

    6.

    affirme que toute forme d’initiative de différenciation conduisant à la création ou à la perception de la création d’États membres de première classe et de deuxième classe de l’Union serait un échec politique considérable ayant des conséquences dommageables pour le projet de l’Union;

    7.

    demande que tout nouveau modèle d’intégration différenciée soit conçu de manière à encourager et soutenir pleinement les États membres désireux de participer dans leurs efforts de développement économique et de réforme en vue de respecter les critères nécessaires dans un délai raisonnable;

    8.

    estime que pour répondre comme il se doit au besoin de disposer d’outils de flexibilité, il faut s’attaquer à l’une des causes du problème; réclame donc la poursuite de l’abandon, dans les procédures de vote du Conseil, de l’unanimité au profit de la majorité qualifiée, en recourant pour ce faire à la «clause passerelle» prévue à l’article 48, paragraphe 7, du traité UE;

    9.

    considère que l’intégration différenciée devrait toujours se faire dans le cadre des dispositions des traités et préserver l’unité des institutions de l’Union, et qu’elle ne saurait conduire à la création de dispositions institutionnelles parallèles ou de dispositions qui enfreignent indirectement l’esprit et les principes fondamentaux du droit de l’Union, mais qu’elle devrait permettre la création d’éventuels organes spécifiques s’il y a lieu, sans préjudice des compétences et du rôle des institutions de l’Union; rappelle que la flexibilité et l’adaptation aux spécificités nationales, régionales ou locales pourraient également être garanties par des dispositions de droit dérivé;

    10.

    souligne que l’intégration différenciée ne saurait conduire à des processus décisionnels plus complexes qui réduiraient la responsabilité démocratique des institutions de l’Union;

    11.

    voit dans le Brexit une occasion d’abandonner les modèles proposant des possibilités de dérogation, au profit de modèles non discriminatoires et coopératifs de participation volontaire; souligne que ces modèles permettraient de progresser vers une «union sans cesse plus étroite» sans devoir trouver une solution unique pour tous, qui impose de se limiter au plus petit dénominateur commun, mais seraient suffisamment souples pour aller de l’avant sans fermer la porte aux États membres disposés et aptes à satisfaire aux conditions requises;

    12.

    exige que la prochaine révision des traités mette de l’ordre dans le processus actuel de différenciation en mettant un terme à la pratique des dérogations et exceptions permanentes au droit primaire de l’Union applicables à certains États membres, car elles entraînent une différenciation négative dans le droit primaire de l’Union, entament l’homogénéité du droit de l’Union d’une manière générale et mettent en péril la cohésion sociale de l’Union;

    13.

    reconnaît toutefois que certaines périodes transitoires peuvent être nécessaires pour les nouveaux membres à titre exceptionnel et temporaire et au cas par cas; insiste sur le fait que des dispositions juridiques claires et exécutoires devraient être introduites afin d’éviter que ces périodes transitoires ne se prolongent indéfiniment;

    14.

    insiste sur le fait qu’une adhésion à l’Union doit induire le plein respect du droit primaire de l’Union dans tous les domaines d’action, tandis que les pays qui souhaitent une relation étroite avec l’Union sans vouloir s’engager à respecter pleinement le droit primaire et qui ne comptent pas ou ne peuvent pas adhérer à l’Union devraient se voir proposer une forme de partenariat; estime que cette relation devrait s’accompagner d’obligations correspondant aux droits respectifs, comme une contribution au budget de l’Union, et devrait être subordonnée au respect des valeurs fondamentales de l’Union, de l’état de droit et, en ce qui concerne la participation au marché intérieur, des quatre libertés;

    15.

    souligne que le respect et la protection des valeurs fondamentales de l'Union constituent la pierre angulaire de l'Union européenne en tant que communauté fondée sur des valeurs, et que ces deux objectifs lient les États membres les uns aux autres; estime dès lors que la différenciation ne devrait pas être autorisée lorsqu’il s’agit du respect des valeurs et des droits fondamentaux existants consacrés à l’article 2 du traité UE; insiste en outre sur le fait que la différenciation ne devrait pas être autorisée dans les domaines d’action où les États membres non participants pourraient générer des externalités négatives telles que le dumping économique et social; demande instamment que la Commission examine soigneusement les effets centrifuges potentiels, y compris à long terme, lorsqu’elle présente une proposition de coopération renforcée;

    16.

    rappelle sa recommandation de définir un partenariat afin de réunir autour de l’Union des États partenaires qui ne peuvent ou n’entendent pas adhérer à l’Union, mais souhaitent nouer une relation étroite avec elle (5);

    17.

    suggère la création d’une procédure spéciale qui permettrait, après approbation du Parlement européen, d’intégrer à l’acquis de l’Union les dispositions d’une coopération renforcée lorsque cette coopération renforcée a été lancée par un nombre d’États représentant la majorité qualifiée au Conseil et a duré un certain nombre d’années;

    18.

    souligne que la flexibilité et la différenciation devraient aller de pair avec un renforcement des règles communes dans des domaines essentiels afin que la différenciation n’entraîne pas de fragmentation politique; estime dès lors qu’un futur cadre institutionnel européen devrait inclure des piliers européens de droits politiques, économiques, sociaux et environnementaux auxquels il ne serait pas possible de déroger;

    19.

    est conscient que la coopération régionale joue un rôle important dans le renforcement de l’intégration européenne et estime que son développement présente un fort potentiel pour consolider et approfondir l’intégration en l’adaptant aux spécificités locales et à la volonté de coopérer;

    20.

    suggère d’élaborer, dans le cadre du droit et du budget de l’Union, des outils appropriés permettant de tester les initiatives transfrontières à l’intérieur de l’Union sur des questions présentant un intérêt à l’échelle de l’Union, qui pourraient en fin de compte se muer en propositions législatives ou en coopérations renforcées;

    21.

    charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, ainsi qu'aux parlements des États membres.

    (1)  JO C 252 du 18.7.2018, p. 215.

    (2)  JO C 252 du 18.7.2018, p. 201.

    (3)  JO C 468 du 15.12.2016, p. 176.

    (4)  JO L 210 du 31.7.2006, p. 19.

    (5)  JO C 252 du 18.7.2018, p. 207.


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