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Document 52018IP0376

    Résolution du Parlement européen du 4 octobre 2018 sur les Émirats arabes unis, et notamment la situation du défenseur des droits de l’homme Ahmed Mansoor (2018/2862(RSP))

    JO C 11 du 13.1.2020, p. 21–24 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    13.1.2020   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 11/21


    P8_TA(2018)0376

    Les Émirats arabes unis, et notamment la situation du défenseur des droits de l’homme Ahmed Mansoor

    Résolution du Parlement européen du 4 octobre 2018 sur les Émirats arabes unis, et notamment la situation du défenseur des droits de l’homme Ahmed Mansoor (2018/2862(RSP))

    (2020/C 011/06)

    Le Parlement européen,

    vu ses résolutions antérieures, notamment celle du 26 octobre 2012 sur la situation des droits de l’homme aux Émirats arabes unis (1),

    vu la déclaration du 4 juin 2018 du président de la sous-commission «Droits de l’homme» condamnant la peine de dix ans de prison prononcée à l’encontre d’Ahmed Mansoor,

    vu l’article 30 de la Constitution des Émirats arabes unis,

    vu la charte arabe des droits de l’homme, à laquelle les Émirats arabes unis sont partie,

    vu le cadre stratégique et le plan d’action de l’Union européenne en faveur des droits de l’homme et de la démocratie pour la période 2015-2019,

    vu les conclusions du Conseil du 16 octobre 2017 sur l’examen à mi-parcours du plan d’action en faveur des droits de l’homme et de la démocratie,

    vu les orientations de l’Union européenne concernant les défenseurs des droits de l’homme, adoptées en 2004 et actualisées en 2008,

    vu la déclaration du 12 juin 2018 des experts des droits de l’homme des Nations unies, par laquelle ils demandent la libération immédiate du défenseur des droits de l’homme incarcéré Ahmed Mansoor,

    vu la déclaration faite le 18 juillet 2016 par les coprésidents lors de la 25e session du Conseil conjoint et de la réunion ministérielle de l’Union européenne et du Conseil de coopération des États arabes du Golfe, à Bruxelles,

    vu la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948,

    vu la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et le pacte international relatif aux droits civils et politiques, auxquels les Émirats arabes unis sont partie,

    vu l’article 135, paragraphe 5, et l’article 123, paragraphe 4, de son règlement intérieur,

    A.

    considérant qu’Ahmed Mansoor a été arrêté par des agents de sécurité des Émirats arabes unis en mars 2017; que c’est un éminent militant des droits de l’homme et le lauréat 2015 du prix Martin Ennals pour les défenseurs des droits de l’homme; que c’est peut-être le dernier défenseur des droits de l’homme aux Émirats arabes unies à avoir été en mesure de critiquer publiquement les autorités;

    B.

    considérant que le ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale des Émirats arabes unis a expliqué dans une déclaration du 29 mars 2017 que «l’office du ministère public pour les infractions électroniques a ordonné la détention d’Ahmed Mansoor pour diffusion d’informations fausses et trompeuses sur l’internet, dans l’intention de répandre l’aversion et le sectarisme»; considérant que dans cette déclaration ainsi que dans d’autres déclarations officielles, les autorités des Émirats arabes unis ont indiqué que le seul motif de sa détention, de son procès et de sa condamnation réside dans le contenu de ses propos en ligne, et que les charges qui pèsent sur lui sont fondées sur des présomptions de violation de la loi de 2012 sur la cybercriminalité, qui a permis aux autorités de réduire au silence des défenseurs des droits de l’homme et d’imposer de longues peines d’emprisonnement et de lourdes sanctions financières aux personnes qui critiquent les dirigeants du pays;

    C.

    considérant que le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a estimé que l’arrestation et la détention secrète d’Ahmed Mansoor constitue sans doute un acte de représailles pour sa participation aux mécanismes de protection des droits de l’homme des Nations unies, pour les opinions qu’il a exprimées sur les réseaux sociaux, notamment Twitter, et pour sa participation active à des organisations telles que le Centre des droits de l’homme des pays du Golfe;

    D.

    considérant qu’un groupe d’experts des droits de l’homme des Nations unies a demandé au gouvernement des Émirats arabes unis de libérer M. Mansoor, qualifiant son arrestation d’attaque directe contre le travail légitime des défenseurs des droits de l’homme dans ce pays;

    E.

    considérant que le 29 mai 2018, Ahmed Mansoor a été condamné à dix ans de prison pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression dans des messages sur Twitter, à l’issue d’un procès manifestement inique qui a eu lieu à Abou Dhabi; qu’il s’est également vu infliger une amende d’un million de dirhams des Émirats arabes unis (232 475 EUR) et qu’après sa libération, il devrait être mis sous surveillance pendant trois ans; que M. Mansoor a fait appel de sa condamnation, mais que le calendrier de la procédure d’appel demeure peu clair;

    F.

    considérant qu’après son arrestation en mars 2017, il aurait été interdit à M. Mansoor d’établir tout type de contact avec sa famille et que seules quatre visites de son épouse lui auraient été accordées depuis lors; qu’il serait resté en cellule d’isolement depuis son arrestation et qu’il aurait été torturé; que, selon les autorités des Émirats arabes unis, il est détenu à la prison Al Sadr à Abou Dhabi;

    G.

    considérant qu’il apparaît que M. Mansoor n’a pas été en mesure de désigner un avocat indépendant de son choix contrairement à ce qu’affirme le gouvernement; considérant que le droit de consulter un avocat est un droit fondamental de toute personne détenue, conformément à l’article 16 de la charte arabe des droits de l’homme, que les Émirats arabes unis ont ratifiée;

    H.

    considérant qu’Ahmed Mansoor est harcelé et persécuté par les autorités des Émirats depuis plus de six ans et qu’il a régulièrement fait l’objet de violences physiques, de menaces de mort et d’une surveillance physique et électronique; qu’après sept mois de détention provisoire, il a été condamné à trois ans de prison pour avoir «insulté des fonctionnaires» en 2011, lors d’un procès jugé inique; qu’il a bénéficié d’une grâce présidentielle et a été libéré au bout de huit mois, mais que les autorités ne lui ont jamais rendu son passeport, lui imposant de facto une interdiction de voyager;

    I.

    considérant qu’avant son arrestation, M. Mansoor avait été l’un des 133 signataires d’une pétition demandant l’organisation d’élections au suffrage universel direct aux Émirats arabes unis et l’attribution de pouvoirs législatifs au Conseil national fédéral, un conseil consultatif du gouvernement; que M. Mansoor gérait également un forum en ligne intitulé Al-Hiwar al-Emarati, qui critiquait la politique du gouvernement et les dirigeants des Émirats arabes unis; qu’il est membre du comité consultatif sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Human Rights Watch et qu’il s’est investi activement dans les mécanismes de protection des droits de l’homme des Nations unies;

    J.

    considérant que les résidents des Émirats arabes unis qui s’expriment sur les questions des droits de l’homme sont exposés à un risque sérieux de détention arbitraire, d’emprisonnement et de torture; que la répression des actions militantes pacifiques appelant à une réforme constitutionnelle et à des changements dans la politique des droits de l’homme se poursuit encore; que les attaques visant des membres de la société civile, comme les tentatives pour réduire au silence, emprisonner ou harceler des militants des droits de l’homme, des journalistes, des avocats et autres personnes, sont devenues de plus en plus fréquentes ces dernières années;

    K.

    considérant que la rapporteure spéciale des Nations unies sur l’indépendance des juges et des avocats a indiqué, après s’être rendue aux Émirats arabes unis en 2014, que les avocats qui reprennent des cas liés à la sûreté de l’État «sont harcelés, menacés et sous pression»; qu’elle a dénoncé le fait que «[l]’intervention de l’exécutif a mis le système judiciaire sous contrôle»;

    L.

    considérant qu’il est apparu que des États membres de l’Union avaient approuvé l’exportation de diverses technologies de cybersurveillance vers des pays dont le bilan en matière de droits de l’homme est épouvantable, dont les Émirats arabes unis;

    M.

    considérant que la peine de mort continue d’être appliquée aux Émirats arabes unis; considérant qu’au moins 19 personnes seraient actuellement dans le couloir de la mort et qu’une personne a été exécutée en 2017;

    1.

    condamne fermement le harcèlement, la persécution et la détention d’Ahmed Mansoor ainsi que de tous les autres défenseurs des droits de l’homme au seul motif de leurs activités en faveur des droits de l’homme et de l’exercice de leur droit à la liberté d’expression, en ligne comme hors ligne; prie instamment les autorités des Émirats arabes unis de mener des enquêtes approfondies et impartiales sur les agressions d’acteurs de la société civile afin que leurs auteurs soient traduits en justice;

    2.

    invite les autorités à libérer immédiatement et sans condition M. Mansoor et à abandonner toutes les charges retenues contre lui, car c’est un prisonnier d’opinion détenu uniquement pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d’expression, notamment à travers ses activités en faveur des droits de l’homme; exige la libération immédiate et inconditionnelle de tous les prisonniers d’opinion aux Émirats arabes unis ainsi que l’abandon des charges qui pèsent sur eux;

    3.

    exprime sa vive préoccupation face aux informations selon lesquelles Ahmed Mansoor a fait l’objet de formes de torture ou de mauvais traitements pendant sa détention et qu’il est détenu en cellule d’isolement; prie instamment les autorités d’enquêter sur ces allégations et de lui accorder un accès immédiat et régulier à un avocat, à sa famille et aux soins médicaux dont il pourrait avoir besoin; rappelle aux autorités des Émirats arabes unis que le placement prolongé et pour une période indéterminée en cellule d’isolement peut être assimilé à une forme de torture ou à d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants en vertu du droit international en matière de droits de l’homme, et que l’absence d’un mandat d’arrêt ou d’un contrôle judiciaire lors de son arrestation et de sa détention constitue une violation des principes fondamentaux de régularité de la procédure conformément au droit international en matière de droits de l’homme;

    4.

    invite les autorités des Émirats arabes unis à veiller à ce que les détenus supposés avoir enfreint la loi fassent l’objet d’une procédure régulière et bénéficient d’un procès libre et équitable conformément aux normes internationales;

    5.

    demande aux Émirats arabes unis de réviser la loi fédérale sur la lutte contre la cybercriminalité afin de la rendre conforme aux normes internationales relatives au droit de tout individu de chercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées, au droit à la liberté d’opinion, d’expression et d’information, au droit d’accès à l’internet et au droit à la vie privée; demande instamment aux autorités des Émirats arabes unis de modifier la loi antiterroriste, la loi de 2012 contre la cybercriminalité et la loi fédérale no 2/2008, qui sont régulièrement utilisées pour engager des poursuites contre des défenseurs des droits de l’homme,

    6.

    demande aux autorités des Émirats arabes unis de mettre un terme à toutes les formes de harcèlement à l’encontre de personnes et de lever immédiatement l’interdiction de voyager imposée aux défenseurs des droits de l’homme et insiste pour qu’elles garantissent en toutes circonstances que les défenseurs des droits de l’homme aux Émirats arabes unis puissent mener leurs activités légitimes de défense des droits de l’homme, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, sans crainte de représailles;

    7.

    demande une interdiction à l’échelle de l’Union de l’exportation, de la vente, de la mise à jour et de l’entretien de toute forme d’équipement de sécurité aux Émirats arabes unis pouvant être ou étant utilisée à des fins de répression interne, y compris les technologies de surveillance de l’internet; exprime sa préoccupation face à l’utilisation de plus en plus répandue de certaines technologies de cybersurveillance à double usage à l’encontre de militants et de journalistes; salue, à cet égard, les efforts actuellement déployés par les institutions de l’Union pour mettre à jour la réglementation sur le contrôle des exportations de technologies à double usage;

    8.

    est préoccupé par le nombre croissant de personnes qui sont sanctionnées pour leur collaboration avec les Nations unies et ses différents organes; prie instamment les autorités des Émirats arabes unis de cesser d’entraver et de harceler les personnes qui s’investissent dans les divers mécanismes de protection des droits de l’homme des Nations unies; invite instamment les autorités, par ailleurs, à permettre aux experts de l’Union, aux ONG internationales ou aux responsables de l’Union de se rendre auprès de M. Mansoor;

    9.

    appelle de ses vœux plus de libertés aux Émirats arabes unis; souligne qu’il est important que les Émirats arabes unis respectent les obligations internationales qui leur incombent en vertu du droit en matière des droits de l’homme et prie instamment les autorités de garantir la protection de la liberté de parole, de pensée et d’expression en ligne comme hors ligne pour tous les citoyens du pays et de respecter l’ensemble des dispositions de la déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme, en particulier l’article 1er, l’article 6, point a), et l’article 12, paragraphe 2; souligne que ces libertés sont garanties non seulement par des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, mais aussi par la charte arabe des droits de l’homme, à laquelle les Émirats arabes unis sont partie;

    10.

    invite les Émirats arabes unis à confirmer leur intention de «se conformer aux normes les plus élevées en ce qui concerne la promotion et la protection des droits de l’homme» en ratifiant le pacte international relatif aux droits civils et politiques et ses protocoles facultatifs, de même qu’en adressant aux représentants des Nations unies titulaires d’un mandat au titre des procédures spéciales une invitation permanente à se rendre sur leur territoire;

    11.

    invite la VP/HR, l’Union européenne et ses États membres à adopter une position publique ferme à l’égard de cette violation flagrante des droits de l’homme, notamment en exigeant la libération de M. Mansoor dans tous leurs contacts avec les autorités des Émirats arabes unis; prie instamment la délégation de l’Union à Abou Dhabi d’apporter tout le soutien nécessaire à Ahmed Mansoor, notamment sous la forme de visites de prison, d’observations de procès et d’assistance juridique ou de toute autre forme d’assistance dont il pourrait avoir besoin; invite le Service européen pour l’action extérieure à faire rapport au Parlement européen sur les actions entreprises à ce jour par la délégation de l’Union européenne pour soutenir M. Mansoor;

    12.

    demande au SEAE de proposer des mesures ciblées de l’Union liées aux violations graves des droits de l’homme, et aux États membres de les adopter;

    13.

    réitère son opposition à la peine de mort en toutes circonstances et demande la mise en place d’un moratoire en vue de son abolition;

    14.

    encourage la poursuite du dialogue entre l’Union européenne, ses États membres et les Émirats arabes unis; estime que les rencontres interparlementaires régulières entre le Parlement européen et ses partenaires de la région du Golfe sont un important moyen de nourrir un dialogue constructif et franc sur les questions d’intérêt commun; souligne que les débats interparlementaires ne devraient pas être uniquement axés sur les questions de sécurité et de commerce, mais devraient également considérer le respect des droits de l’homme comme un enjeu essentiel;

    15.

    charge son Président de transmettre la présente résolution au gouvernement et au parlement des Émirats arabes unis, à la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, à la Commission, au représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de l’homme, aux parlements et aux gouvernements des États membres, au haut-commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme ainsi qu’aux États membres du Conseil de coopération du Golfe; demande que la présente résolution soit traduite en arabe.

    (1)  JO C 72 E du 11.3.2014, p. 40.


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