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Document 52018IE1123

    Avis du Comité économique et social européen sur «Défis et mutations industrielles dans le secteur aérospatial de l’Union européenne»

    EESC 2018/01123

    JO C 62 du 15.2.2019, p. 1–7 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    15.2.2019   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 62/1


    Avis du Comité économique et social européen sur «Défis et mutations industrielles dans le secteur aérospatial de l’Union européenne»

    (2019/C 62/01)

    Rapporteur:

    Thomas KROPP

    Corapporteur:

    Enrico GIBELLIERI

    Décision de l’assemblée plénière

    15.2.2018

    Base juridique

    Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

    Compétence

    Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

    Adoption par la CCMI

    25.9.2018

    Adoption en session plénière

    17.10.2018

    Session plénière no

    538

    Résultat du vote

    (pour/contre/abstentions)

    184/1/3

    1.   Conclusions et recommandations

    1.1.

    Nécessité pour l’Union européenne de développer une politique industrielle pour le secteur aéronautique qui permette à son industrie aéronautique d’opérer dans des conditions de concurrence équitables, dans un contexte de vive concurrence de la part des acteurs établis (en particulier les États-Unis) et de concurrence croissante de la part d’acteurs émergents (notamment la Chine). Dans ce contexte, il y a lieu de mettre en place une «sentinelle» de l’aéronautique au niveau de l’Union européenne et de faire de ce secteur un élément central de la diplomatie économique et de la politique commerciale de l’Union.

    1.2.

    Défis en matière de compétences, notamment la nécessité de faire en sorte que la main-d’œuvre vieillissante du secteur, qui est hautement spécialisée, ait la possibilité de partager son expérience et ses compétences avec des travailleurs plus jeunes; nécessité d’attirer davantage de jeunes dans le secteur, dans lequel les compétences en matière d’ingénierie et de technologies de l’information et de la communication (TIC) sont de plus en plus recherchées, et impérieuse nécessité de mettre à niveau les compétences des travailleurs existants en lien avec la numérisation.

    1.3.

    Nécessité de maintenir la recherche en matière d’aviation civile au rang des grandes priorités du programme Horizon Europe et d’augmenter le budget qui lui est alloué par rapport au programme Horizon 2020. Dans ce contexte, il convient d’assurer la poursuite des entreprises technologiques fructueuses visant à réduire l’incidence environnementale des émissions en lançant les initiatives Clean Sky 3 et SESAR 3.

    1.4.

    Nécessité de déployer de toute urgence les solutions SESAR et de mettre en place le ciel unique européen (SES) après des décennies de discussions. Nécessité d’investir dans des capacités efficaces au sol et dans les airs, afin de faciliter la croissance de l’aviation tout en réduisant ses incidences sur l’environnement et en relevant les niveaux de sécurité.

    1.5.

    Nécessité de renforcer le rôle international de l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) et d’axer davantage sa réglementation sur les performances, pour pouvoir déployer les nouvelles technologies de manière sûre et plus efficace et garantir des conditions de concurrence équitables pour les exportateurs européens.

    1.6.

    Nécessité de trouver des solutions en vue d’un accord post-Brexit efficace couvrant: le régime douanier, les cadres réglementaires, la coopération en matière de recherche et de déploiement et la mobilité des travailleurs. Les discussions techniques portant sur la réglementation doivent débuter dans les plus brefs délais, pour garantir la mise en place de mesures d’atténuation.

    1.7.

    Nécessité de progresser en matière de filtrage des investissements directs étrangers (IDE) par l’Union européenne, afin de protéger les technologies qui revêtent un caractère critique pour les industries européennes de la production et de la maintenance, réparation et révision (MRR) actives dans le secteur aéronautique.

    1.8.

    Nécessité d’assurer un dialogue social continu entre les employeurs, les employés et la société civile. Il est nécessaire également d’engager un dialogue social spécifique pour le secteur de l’aéronautique au titre de la décision 98/500/CE de la Commission.

    2.   Observations générales

    L’industrie aéronautique de l’Union européenne est l’un de ses principaux secteurs de haute technologie sur le marché mondial. Elle génère 500 000 emplois directs de qualité (1) (auxquels s’ajoutent 1 million d’emplois indirects) et se compose d’un écosystème de petites et grandes entreprises couvrant tout le spectre de l’aéronautique.

    L’industrie aéronautique européenne est un acteur technologique de premier plan dans son domaine et détient actuellement une part d’environ un tiers du marché mondial. Elle contribue positivement à la balance commerciale de l’Union européenne (46 milliards d’EUR d’exportations européennes(2).

    Portée de l’avis

    Les secteurs de la défense et de l’espace ne sont pas spécifiquement couverts par le présent avis. Il importe toutefois de noter que l’industrie aéronautique civile contribue à ces secteurs, notamment en soutenant l’autonomie stratégique de l’Europe grâce aux synergies développées sur le plan technologique avec l’industrie de la défense et aux centres de décision qu’elle partage avec elle.

    La force de l’industrie aéronautique européenne et sa position dominante sur la scène mondiale sont le fruit de solides stratégies et activités productives. Cette position de force ne doit pas être tenue pour acquise, le secteur étant confronté à de nombreux défis:

    1)

    Une féroce concurrence de la part des acteurs établis et d’acteurs émergents, qui bénéficient d’un soutien important de la part de leurs gouvernements respectifs;

    2)

    Un déplacement vers l’Est de la croissance et du pouvoir économiques, qui représente à la fois une occasion à saisir et une menace;

    3)

    Des défis opérationnels à court terme tels que le Brexit, les contraintes budgétaires de l’Union européenne et les mesures protectionnistes de pays tiers;

    4)

    La nécessité pour l’industrie aéronautique européenne de maintenir son avance technologique, notamment concernant la réduction de l’incidence environnementale des émissions;

    5)

    l’absence de politique industrielle cohérente de la part de l’Union européenne;

    6)

    la nécessité de développer une stratégie cohérente de l’Union en matière de filtrage des investissements directs étrangers;

    7)

    la nécessité de renforcer la présence internationale de l’AESA;

    8)

    la nécessité d’accroître la compétitivité de l’industrie MRR de l’Union européenne;

    9)

    l’importance de faire en sorte que les travailleurs de demain disposent des compétences spécialisées dont le secteur a besoin, notamment dans le domaine de la numérisation.

    Observations particulières

    3.   Le marché mondial et ses défis

    3.1.

    La position dominante actuelle de l’industrie européenne ne devrait pas être tenue pour acquise. Le PIB de l’Union européenne en proportion du PIB mondial connaîtra une baisse de 30 %, passant de 17 % actuellement à 12 % (3).

    3.2.

    De nombreux pays ont développé et mis en œuvre des stratégies ambitieuses concernant la manière de se positionner, de déployer leurs travailleurs et de se tailler une position de choix dans la chaîne de valeur mondiale, dans un contexte d’automatisation et de déplacement vers l’Est de la puissance économique.

    3.3.

    L’Europe devra faire face à une situation concurrentielle tout à fait nouvelle, qui regorgera d’occasions à saisir si nous parvenons à tirer le meilleur parti de nos efforts et à prendre des décisions courageuses, mais qui sera lourde de menaces si nous considérons comme acquise notre position de chef de file.

    4.   Soutien des gouvernements étrangers à l’industrie des pays tiers

    4.1.

    L’industrie américaine (principale concurrente de l’industrie européenne) continue de bénéficier d’un large soutien public de la part du gouvernement des États-Unis et de ses 34 agences et départements différents. L’ensemble de règles, politiques et instruments mis en place au fil des ans par les administrations américaines successives pour soutenir le secteur national de l’aéronautique civile couvre un large éventail de domaines et permet des synergies très efficaces avec le secteur de la défense, notamment concernant la recherche, la technologie et le développement (y compris grâce aux fonds du budget fédéral alloués aux programmes de recherche). D’autres acteurs établis (Canada et Brésil) continuent eux aussi de recevoir un soutien important de la part de leurs gouvernements respectifs au moyen d’une stratégie industrielle globale.

    4.2.

    Outre les acteurs établis de l’aéronautique civile, plusieurs pays émergents (Chine, Indonésie, Inde, Corée du Sud, Philippines et autres) renforcent leur engagement en faveur du développement d’industries aéronautiques nationales compétitives dans les années à venir.

    4.3.

    Parmi ceux-ci, c’est la Chine qui possède la stratégie la plus complète, alliant planification centralisée et entreprises détenues par l’État. Le gouvernement chinois a fait du développement d’une industrie aéronautique civile nationale l’une de ses grandes priorités dans plusieurs documents officiels (adoptés aux plus hauts niveaux de l’État), dont l’initiative «Made in China 2025». Le plan quinquennal actuel de la Chine préconise «des avancées en matière de technologies des moteurs dans l’aviation civile» et «l’accélération de la recherche sur les gros porteurs, les hélicoptères, les avions de transport régional et l’aviation générale». Il importe également de noter que le secteur chinois du transport aérien est aux mains de l’État et que la Commission nationale chinoise pour le développement et la réforme a le pouvoir d’approuver tous les achats d’aéronefs envisagés par les compagnies aériennes chinoises, prérogative dont elle fait usage pour encourager l’achat d’avions de ligne produits dans le pays, tels que le COMAC C919 (4). Dernier point, mais non le moindre: le plan «Internet Plus» instaure également un partenariat entre les géants chinois du secteur des technologies et les industries traditionnelles, dont l’aéronautique.

    5.   Stratégie industrielle de l’Union européenne

    5.1.

    L’absence d’une politique industrielle européenne pour soutenir l’industrie aéronautique, combinée à une approche fragmentée entre les institutions de l’Union européenne et les gouvernements nationaux, représente un défi majeur dans le contexte de l’évolution du paysage concurrentiel. Il y a lieu d’élaborer une stratégie industrielle européenne pour le secteur aéronautique de l’Union, afin d’assurer sa compétitivité et de faire en sorte qu’il reste un acteur de premier plan sur le marché mondial de l’aviation civile.

    5.2.

    Cela exige une stratégie et un engagement à l’échelle de l’Union, au titre desquels tous les acteurs concernés aux niveaux européen, national et intergouvernemental (notamment la Commission européenne, le Service européen pour l’action extérieure ainsi que les agences concernées, telles que l’AESA et Eurocontrol, et les initiatives technologiques communes telles que SESAR et Clean Sky) œuvreraient ensemble à la réalisation d’un objectif commun afin de soutenir la compétitivité de l’industrie européenne sur le marché mondial de l’aviation civile.

    5.3.

    Un engagement à l’échelle de l’Union européenne est nécessaire pour assurer à ce secteur essentiel un financement public continu, en particulier dans le domaine de la recherche et de l’innovation, sur la base d’une feuille de route à long terme.

    5.4.

    Une «sentinelle de l’aéronautique» devrait être établie au niveau de la Commission, afin de contrôler les barrières non tarifaires dans les principales régions aéronautiques et d’évaluer la compétitivité relative de l’industrie aéronautique européenne.

    5.5.

    L’aéronautique devrait par ailleurs devenir un secteur clé de la diplomatie économique et de la politique commerciale de l’Union, et la voix de l’Union européenne devrait être renforcée au niveau international, par exemple au sein de l’Organisation de l’aviation civile internationale.

    6.   La recherche et développement au service d’une plus grande efficacité et d’une réduction des émissions

    6.1.

    Les deux principaux programmes européens de recherche dans le domaine de l’aviation, Clean Sky (technologies de l’aviation plus écologiques et plus efficaces) et SESAR (recherche et innovation concernant la gestion du trafic aérien et déploiement de solutions en la matière), servent de catalyseurs pour l’ensemble de la chaîne d’innovation en Europe.

    6.2.

    Grâce à leur feuille de route technologique et à leur engagement financier sur le long terme, ils ont démontré leur efficacité et leur valeur ajoutée tant pour les pouvoirs publics que pour la chaîne d’innovation, principalement en ce qui concerne: (1) la conception, le développement, la fabrication et l’exploitation d’aéronefs et de systèmes de gestion du trafic aérien plus compétitifs, plus sûrs et plus durables sur le plan environnemental; (2) la création d’une vaste et efficace communauté scientifique et technologique de chercheurs universitaires et d’entreprises, regroupant aussi bien de grandes entreprises que des PME, dans l’ensemble des 28 États membres de l’Union européenne, et (3) la fourniture de démonstrateurs remarquables ayant une réelle incidence sur les programmes et le marché du secteur aéronautique.

    6.3.

    Parmi les réussites du programme Clean Sky, citons les vols d’essai de la voilure laminaire BLADE (affichant une réduction de 50 % de la friction au niveau des ailes et jusqu’à 5 % de réduction des émissions de CO2) ainsi que le rotor non caréné contrarotatif (qui réduit la consommation de carburant et les émissions de CO2 d’environ 30 %).

    6.4.

    Les réussites du programme SESAR ressortent le plus clairement de ses réalisations porteuses d’une réelle différence: une fois déployées, les 63 solutions fournies grâce au programme devraient augmenter de 34 % la capacité de l’espace aérien et réduire de 30 % la variance sur les durées de vol, ce qui implique une réduction des retards sur tous les vols européens et le respect de leur horaire par 95 % des vols, ainsi qu’une baisse de 2,3 % de la combustion de carburant et des émissions par vol.

    6.5.

    L’aviation civile devrait rester l’une des grandes priorités du programme Horizon Europe et voir son budget augmenter par rapport au financement actuel au titre du programme Horizon 2020. La recherche et l’innovation constituent le moteur de l’industrie aéronautique européenne, et la longueur des cycles de recherche dans le secteur nécessite un partage des risques entre secteur public et secteur privé, au moyen d’un financement fondé sur des subventions reposant sur un engagement à long terme en faveur du développement de feuilles de route en matière de recherche. Un tel système est essentiel pour la compétitivité de l’industrie aéronautique européenne. Les deux initiatives technologiques communes (Clean Sky et SESAR) devraient dès lors être maintenues. Dans le contexte du mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE), le financement devrait rester une priorité de premier plan en vue d’accélérer et d’encourager le déploiement des technologies qui ont été développées lors des activités de recherche et innovation menées au titre des programmes Clean Sky et SESAR.

    6.6.

    L’aviation civile a montré au fil du temps sa capacité à réduire son impact sur l’environnement. Une nouvelle génération d’aéronefs réduit globalement les émissions de 15 à 20 %. L’industrie mondiale de l’aviation civile a été la première à souscrire à une approche globale en vue de réduire ses émissions. Cette approche repose sur la «stratégie des quatre piliers» que sont la technologie, les opérations, l’infrastructure et le régime de mesure mondiale basée sur le marché.

    6.7.

    Il est essentiel que l’Union européenne continue de soutenir la recherche et l’innovation pour garantir de nouvelles avancées en matière de réduction de l’empreinte environnementale de l’aviation civile (pilier technologique), plus de 70 % de toutes les activités de recherche étant liées aux objectifs environnementaux.

    6.8.

    Le rapport «Flightpath 2050» du Conseil consultatif pour la recherche sur l’aéronautique en Europe a fixé l’objectif selon lequel à l’horizon 2050, les technologies et les procédures utilisées devraient permettre une réduction de 75 % des émissions de CO2 par kilomètre-passager, une baisse de 90 % des émissions de NOx et une diminution de 65 % des émissions de bruit perçu produites par les aéronefs en vol (par rapport aux capacités d’un nouvel aéronef standard en l’an 2000).

    6.9.

    En outre, les mouvements d’aéronefs ne devraient plus produire d’émissions lors de la circulation au sol, et les véhicules aériens devraient être conçus et fabriqués de façon à pouvoir être recyclés. L’Europe devrait également s’assurer un statut de centre d’excellence pour les carburants de substitution durables, y compris dans le domaine de l’aviation, grâce à une solide politique énergétique.

    6.10.

    L’Europe devrait être à la pointe de la recherche atmosphérique et jouer un rôle moteur dans l’élaboration d’un plan d’action environnemental fondé sur une liste de priorités et dans l’établissement de normes environnementales mondiales. Si des progrès significatifs ont été réalisés au titre du programme Horizon 2020, il conviendrait d’accélérer le rythme de la recherche et de l’innovation dans le cadre du programme Horizon Europe, y compris concernant l’électrification et l’hybridation des aéronefs.

    7.   Numérisation

    7.1.

    La numérisation (y compris l’infrastructure numérique nécessaire à l’accueil de nouvelles plateformes de vol automatisées), l’automatisation, ainsi que les technologies de réalité virtuelle et augmentée, constitueront-elles aussi une priorité de premier plan de la recherche aéronautique. Associées à la nécessité d’améliorer plus encore les niveaux de sécurité de l’aviation et de poursuivre les efforts de réduction de son empreinte environnementale, elles constitueront la feuille de route pour la recherche et l’innovation au titre des programmes SESAR 3 et Clean Sky 3.

    7.2.

    Le déploiement des solutions SESAR devrait être accéléré, et la mise en place du ciel unique européen (SES) est indispensable pour garantir un déploiement efficace au sein de l’Union européenne.

    8.   Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA)

    8.1.

    Il est capital pour l’industrie aéronautique européenne (y compris les entreprises de la MRR) que l’AESA voie son rôle international renforcé, de manière à pouvoir rivaliser avec le rôle majeur que continue de jouer l’autorité de l’aviation civile américaine (FAA) sur la scène internationale lorsqu’il s’agit de promouvoir l’industrie de l’aviation américaine sur les marchés de pays tiers.

    8.2.

    L’AESA devrait être autorisée à ouvrir davantage de bureaux dans les pays tiers, qui contribueraient de manière décisive à promouvoir les règles de sécurité, les normes de certification et les politiques européennes, à faire en sorte que l’industrie européenne puisse entrer en concurrence sur un pied d’égalité sur les principaux marchés d’exportation grâce à des contacts quotidiens avec les autorités de l’aviation civile des pays tiers, et à éviter les obstacles techniques à la validation des produits européens sur ces marchés d’exportation.

    8.3.

    Les accords bilatéraux sur la sécurité aérienne conclus entre l’Union européenne et des pays tiers devraient être élargis pour limiter les redondances en matière de supervision de la sécurité, tant pour les certificats de type et la navigabilité initiale que pour le maintien de la navigabilité et la maintenance.

    8.4.

    Enfin, et surtout, les règles détaillées de l’AESA devraient s’appuyer davantage sur les performances et sur les normes industrielles, afin de permettre un déploiement en toute sécurité des nouvelles technologies de manière plus rapide et plus efficace. Dans ce contexte, il convient de saluer la révision du règlement de base de l’AESA (révision du règlement no 216/2008) qui vient d’être approuvée.

    9.   Infrastructures

    9.1.

    L’industrie aéronautique de l’Union européenne bénéficie également de la bonne santé du secteur européen de l’aviation civile au sens large (c’est-à-dire les compagnies aériennes, les exploitants d’hélicoptères, les exploitants d’avions d’affaires et autres usagers de l’espace aérien), étant donné qu’un supplément de croissance pour ces usagers renforce la demande d’aéronefs et les besoins technologiques correspondants.

    9.2.

    Dans ce contexte, il est donc primordial de continuer à investir dans des infrastructures sûres présentant un bon rapport coût/efficacité, tant au sol que dans les airs, tout en évitant de taxer excessivement le transport aérien.

    9.3.

    La stratégie de l’Union européenne en matière d’aviation est donc la bienvenue car elle prévoit une palette d’outils destinés à améliorer la compétitivité du secteur européen de l’aviation civile au sens large, dont une révision du règlement de base de l’AESA, une stratégie visant à assurer la prééminence de l’Union européenne sur le marché émergent des systèmes d’aéronef télépiloté à usage civil et des systèmes de gestion du trafic sans pilote, ainsi que d’autres propositions ayant une incidence sur la compétitivité de l’industrie du transport aérien [révision du règlement (CE) no 868/2004 et révision éventuelle de la directive de l’Union européenne sur les redevances aéroportuaires].

    9.4.

    La révision du règlement (CE) no 1008/2008 (règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté) doit également être replacée dans ce contexte; elle doit permettre de garantir que le marché unique reste adapté aux évolutions futures. En outre, compte tenu de la nécessité reconnue de poursuivre la consolidation dans le secteur européen du transport aérien, il convient de trouver un équilibre entre une plus grande consolidation de ce secteur et les avantages que représentent, pour les consommateurs de l’Union, la possibilité de choisir entre plusieurs compagnies aériennes et l’existence d’une réelle concurrence.

    10.   Services de maintenance, réparation et révision (MRR)

    10.1.

    Les activités de MRR représentent également un segment important de l’industrie aéronautique européenne, contribuant à la fois à la création d’emplois au sein de l’Union européenne et aux exportations de services MRR. Il est donc également crucial d’accroître la compétitivité de l’industrie MRR de l’Union européenne (qu’il s’agisse d’entreprises indépendantes ou de structures rattachées à des compagnies aériennes ou des équipementiers), pour permettre au secteur de continuer à créer de l’emploi et à capter de nouveaux marchés.

    10.2.

    L’utilisation des mégadonnées et des nouvelles technologies dans le cadre des services de MRR sera également un élément important à prendre en considération dans les programmes en faveur de la recherche et de l’innovation.

    11.   Investissements directs étrangers (IDE)

    11.1.

    La proposition de la Commission sur le filtrage des IDE [COM(2017) 487] permettra d’améliorer l’échange d’informations et l’évaluation d’impact ainsi que d’accroître la transparence transnationale, tout en laissant la décision finale à la discrétion de chaque État membre. Elle prévoit également un filtrage par la Commission européenne pour des raisons de sécurité ou d’ordre public, pour les cas susceptibles d’avoir une incidence sur des projets ou programmes qui présentent un intérêt pour l’ensemble de l’Union européenne.

    11.2.

    Cette proposition de la Commission doit être accueillie favorablement en tant que première étape, étant donné qu’elle revêt une importance capitale non seulement en lien avec les investissements directs étrangers dans le secteur aéronautique de l’Union européenne et dans sa chaîne d’approvisionnement, mais aussi dans le contexte des technologies critiques pour l’industrie manufacturière de l’Union (automatisation, intelligence virtuelle, mégadonnées et cybernétique).

    12.   Brexit

    Le secteur européen de l’aéronautique est pleinement intégré, nombre de ses composants traversant plusieurs fois les frontières nationales avant leur assemblage final. La chaîne d’approvisionnement se compose d’un grand nombre de grandes, moyennes et petites entreprises opérant en flux tendus.

    Le marché unique et l’union douanière revêtent une importance capitale en ce qu’ils réduisent la charge administrative et la bureaucratie qui pèsent sur l’industrie, permettant ainsi de limiter les coûts.

    L’EU-27 et le Parlement européen ont affirmé sans ambiguïté qu’ils protégeraient l’intégrité du marché unique, y compris les quatre libertés, ainsi que la juridiction de la Cour de justice, et qu’il n’y aurait de «choix à la carte» pour aucune industrie.

    Le gouvernement britannique a fait savoir clairement qu’il serait un pays tiers à compter du 29 mars 2019.

    12.1.

    Il convient d’éviter un scénario qui verrait le Royaume-Uni quitter l’Union européenne en l’absence d’accord, étant donné qu’il serait particulièrement néfaste pour la compétitivité de l’industrie aéronautique européenne sur la scène mondiale et qu’il menacerait des milliers d’emplois de part et d’autre de la Manche. Il y a lieu de trouver des solutions en vue d’un accord post-Brexit couvrant les éléments suivants:

    un régime douanier exempt de frictions prévoyant un contrôle des exportations pour les biens à double usage;

    le maintien de l’adhésion à l’AESA et à l’ECHA (REACH);

    une poursuite de la coopération dans le cadre des initiatives technologiques conjointes pour ce qui est de la recherche dans le domaine de l’aéronautique civile;

    la possibilité pour les travailleurs hautement qualifiés de se déplacer par-delà les frontières.

    Les discussions techniques sur l’environnement réglementaire en lien avec l’AESA et l’ECHA doivent débuter dans les plus brefs délais, afin de garantir que des mesures d’atténuation seront mises en place pour réduire au minimum les éventuelles perturbations.

    Les gouvernements nationaux doivent fournir des orientations claires pour aider leurs entreprises à se préparer à tout changement induit par le Brexit, de façon à limiter au maximum les perturbations.

    13.   Compétences

    13.1.

    La poursuite du succès de l’industrie aéronautique de l’Union européenne est également fortement tributaire de sa capacité à attirer une main-d’œuvre qualifiée. Dans un contexte de vieillissement de la main-d’œuvre et de nouveaux défis technologiques (numérisation, automatisation, cybersécurité, industrie 4.0), il y a lieu d’élaborer à cette fin une stratégie globale de l’Union prévoyant le développement de programmes européens d’éducation et de formation, qui accorderait une place centrale à l’apprentissage tout au long de la vie et à une formation de qualité.

    13.2.

    Au niveau national, les États membres sont encouragés à promouvoir le choix des filières des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (STEM), notamment auprès des filles et ce dès leur plus jeune âge, ainsi que la participation aux programmes Erasmus+.

    13.3.

    Il convient de développer des passerelles flexibles entre le monde du travail et celui de l’enseignement (formation par le travail, apprentissages de qualité et initiatives de formation sectorielles), et les PME devraient pouvoir bénéficier d’un soutien supplémentaire en cas de besoin.

    13.4.

    Compte tenu de ces défis sociaux substantiels et spécifiques, l’industrie aéronautique européenne bénéficierait d’un dialogue social sectoriel au niveau de l’Union européenne (décision 98/500/CE), qui permettrait aux partenaires sociaux de débattre de questions spécifiques.

    Bruxelles, le 17 octobre 2018.

    Le président du Comité économique et social européen

    Luca JAHIER


    (1)  Source: ASD Facts and Figures.

    (2)  Source: ASD Facts and Figures.

    (3)  Source: PWC.

    (4)  Source: RAND, Chinese Investment in U.S. Aviation, 2017.


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