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Document 51994IE0752
OPINION OF THE ECONOMIC AND SOCIAL COMMITTEE on the Social Aspects of the White Paper on Growth, Competitiveness, Employement
AVIS DU COMITE ECONOMIQUE ET SOCIAL SUR le Livre blanc: Croissance, compétitivité, emploi - Aspects sociaux
AVIS DU COMITE ECONOMIQUE ET SOCIAL SUR le Livre blanc: Croissance, compétitivité, emploi - Aspects sociaux
JO C 295 du 22.10.1994, p. 57–63
(ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT)
AVIS DU COMITE ECONOMIQUE ET SOCIAL SUR le Livre blanc: Croissance, compétitivité, emploi - Aspects sociaux
Journal officiel n° C 295 du 22/10/1994 p. 0057
Avis sur le Livre blanc : Croissance, compétitivité, emploi - Aspects sociaux (94/C 295/11) Le 20 décembre 1993, le Comité économique et social a décidé, conformément à l`article 20, paragraphe 4, du Règlement intérieur, d`élaborer un avis sur le thème : « Livre Blanc : Croissance, compétitivité, emploi - Aspects sociaux ». La section des affaires sociales, familiales, de l`éducation et de la culture, chargée de préparer les travaux en la matière, a élaboré son avis le 19 mai 1994 (rapporteur : M. Burnel). Au cours de sa 316e session plénière (séance du 1er juin 1994), le Comité économique et social a adopté à la majorité et 6 abstentions l`avis suivant. 1. À partir du Livre blanc, constat et observations générales sur l`état actuel du chômage 1.1. 17 millions de chômeurs sont officiellement recensés dans l`Union européenne, soit 11 % de la population active. Aujourd`hui, ils sont 19 millions. Le chômage est l`une des principales causes de l`exclusion sociale qui actuellement atteint plus de 50 millions de personnes (personnes seules et familles), soit environ 13 % de la population. Des chiffres qui éclairent l`ampleur du mal. 1.1.1. Au-delà d`un problème social et économique lourd, le chômage structurel (longue durée ou répétitif) constitue maintenant un problème de société très grave. Si les victimes de ces formes de chômage n`ont pas le réconfort d`un accompagnement familial ou social, et si elles ne perçoivent pas des aides appropriées, les risques sont très grands de les voir gravement atteints - elles et leurs familles -, dans leur équilibre psychologique, leur santé et leur dignité. Le chômage de longue durée détruit la personnalité de ceux qu`il frappe. Il brise l`espoir. Le rapport du Comité économique et social sur « la pauvreté en Europe » (1) a mis en évidence que chômage et exclusion s`auto-alimentent et peuvent contribuer à destructurer nos sociétés et nos cultures. 1.2. Le chômage se manifeste différemment d`un État, une région, une ville à l`autre, selon les secteurs d`activité et les professions. Pour certains lieux, situations et ensembles de productions il s`agit de véritables sinistres. 1.3. Des différences existent aussi : 1.3.1. selon les sexes : 12,6 % des femmes actives sont sans emploi contre 9,8 % d`hommes; 1.3.2. selon les âges : plus de 20 % des jeunes entre 18 et 25 ans sont sans travail avec des différences de niveau selon les États. En outre, nombreux sont les hommes et les femmes écartés d`une activité professionnelle, bien avant l`âge de la retraite, alors qu`ils restent en pleine possession de leurs capacités; 1.3.3. selon la nationalité : on enregistre, ici et là, des tendances défavorables à l`embauchage des candidats non nationaux. 1.3.4. Bien que personne ne puisse se prévaloir de sa formation pour ne pas avoir à craindre le chômage, la formation constitue un indispensable passeport pour accéder à l`emploi. 1.4. La seule comparaison arithmétique des taux de chômage de l`Union européenne avec les taux d`autres régions ou États serait peu significative si on ne l`élargissait pas à d`autres éléments tels que la nature, l`intérêt et la garantie des emplois, en intégrant de sucroît le type et le niveau de protection sanitaire et sociale. Bien qu`il soit difficile d`en chiffrer l`impact économique et social, le travail clandestin devrait être pris en compte dans une telle réflexion. 2. Remarques générales sur le Livre blanc 2.1. Le Livre blanc propose de rompre avec certaines approches antérieures. Ce faisant, il innove quant au fond et à la forme du discours sur l`emploi et le chômage. « Notre conviction est que les économies européennes ont un avenir. » « Nous avons l`immense responsabilité de trouver, en restant fidèle aux idéaux qui ont fait la personnalité et la marque de l`Europe, une nouvelle synthèse entre les buts poursuivis par la société - le travail comme facteur d`intégration sociale, l`égalité des chances - et les exigences de l`économie - la compétitivité et la création d`emplois. » « Ce défi majeur est l`affaire de tous. » 2.2. Le Comité économique et social approuve et il souhaite en conséquence que la volonté politique et les moyens pour relever ce défi, soient fermement et rapidement réunis. 2.3. Le Comité regrette que les auteurs du Livre blanc n`aient pas fait référence au Traité de Rome, et notamment à son Titre III qui, en matière d`emploi et de droits sociaux, a une signification déterminante. 2.4. Il regrette également que la Commission n`ait pas établi, dès les premières pages du Livre blanc, le bilan de son action, en mettant en vis-à-vis de ses propositions antérieures en matière d`emploi, de chômage, de protection sociale et de formation..., l`accueil politique qui leur a été réservé et les résultats acquis. 2.5. L`abondance des mesures préconisées par la Commission demanderait que certaines fussent rattachées, pour une meilleure compréhension, aux politiques antérieures ou actuelles, soit pour affirmer la continuité de l`action, soit pour marquer la nécessité de changer de cap. La crédibilité du projet ne pourrait qu`y gagner devant l`opinion. Alors que l`on doit concentrer sur un même objectif toutes les volontés et les volontés de tous, l`information objective constitue un élément très fort de la confiance. 3. Remarques particulières sur le Livre blanc 3.1. La croissance : élément-clé de la lutte contre le chômage Le thème de la croissance est traité sous son aspect économique et industriel à partir d`avis établis par la section des affaires économiques, financières et monétaires et de l`industrie. 3.1.1. La section des affaires sociales éclaire le problème à partir de la vision spécifique que lui confère sa vocation dans le Comité, sachant bien, par ailleurs, que l`on ne peut pas négliger les relations étroites et réciproques qui existent entre l`économie et le social. 3.1.2. Le Comité enregistre favorablement le rôle qu`attribue la Commission à la croissance comme facteur de redressement de la situation de l`emploi. Il soutient les projets d`actions spécifiques communautaires reposant sur des investissements promoteurs de croissance. 3.2. Pour nécessaire que soit la croissance, elle n`est pas suffisante. On ne peut donc pas se rapporter passivement à elle seule pour traiter la situation actuelle du chômage. Ainsi en est-il par exemple, de l`importance déterminante du dialogue social et de la négociation - dont le Conseil a opportunément souligné la nécessité et qu`il a encouragée - (1), comme moyens d`alerte et de prévention du chômage et pour mettre en oeuvre les solutions que la situation requiert. 3.3. Aujourd`hui, des indications convergent qui permettent d`entrevoir une légère reprise de la croissance dont on perçoit ici un redémarrage et là les frémissements (USA, Canada et quelques-uns des États de l`Union européenne). Aussi positif que soit ce constat, il situe la croissance à un niveau très inférieur au niveau nécessaire à une lutte efficace contre le chômage. 3.4. Croissance et consommation 3.4.1. La croissance ne se décrète pas. Elle se produit sous l`effet de moyens, conditions et facteurs conjugués, parmi lesquels les facteurs humains et sociaux. 3.4.2. La croissance est liée à la consommation, or celle-ci stagne, voire se restreint sous l`effet du chômage qui réduit le montant des revenus individuels et familiaux, tandis que, dans le même temps, la crainte de perdre son emploi pousse à l`épargne de précaution. Les consommateurs orientent leurs achats vers des produits les moins chers qui sont souvent d`origines extra-communautaires. Au-delà de la diminution, parfois drastique de certaines consommations, s`ajoute l`effet de la modification de certains types de consommation. 3.4.3. On ne saurait donc sous-estimer le rôle de la demande, et agir uniquement sur l`offre de biens et de services. 3.5. Croissance, technologie et emploi 3.5.1. Trop souvent, la recherche de la compétitivité, pour nécessaire qu`elle soit, s`est fondée sur la suppression d`emplois en nombre important (concentrations des moyens, délocalisation des centres de production, restructuration...). 3.5.1.1. La Commission énonce que la société industrielle a su « se transformer non sans à-coups en intégrant le progrès technique ». Ainsi la Commission note-t-elle avec réalisme que les progrès n`ont pas eu que des conséquences positives. 3.5.1.2. La suppression d`un emploi est toujours une dure réalité, même si la Commission souligne que « la situation de l`emploi est en moyenne plus favorable dans les entreprises ayant introduit l`usage de la micro-électronique que dans celles qui n`y ont pas recours ». Il faut se méfier des jugements fondés sur des moyennes. Il eut été logique de préciser qu`il s`agit souvent du cas d`entreprises performantes ou protégées, pouvant trouver en elles-mêmes une forte capacité d`investisse-ments technologiques et dans la formation, et d`entreprises qui ont pu assurer le redéploiement de leurs ressources humaines. 3.5.2. La Commission affirme : « Qu`il serait suicidaire et irréaliste de demander une pause dans le développement technologique qui, sur le long terme devrait être bénéfique à l`emploi sous les conditions de formation, existence d`un marché, organisations du travail... » 3.5.2.1. L`observation et les conditions énoncées sont vraies. Là où le bât blesse, c`est que le chômage est une réalité immédiate, de pleine actualité, qui ne souffre pas d`attendre longtemps sa solution. Les chômeurs, pas plus que les entreprises en péril, ne pourraient se rassurer de savoir qu`il est possible que, plus tard, la situation soit, pour eux, bien meilleure. Piètre consolation chez celui qui est en train de mourir d`apprendre qu`un jour sa maladie serait sûrement guérissable ! 3.5.2.2. D`où la nécessité de mettre en oeuvre des moyens à effets rapides et perceptibles contre la destruction d`emplois. 3.5.2.3. La Commission précise que : « les progrès technologiques offrent des opportunités pour la croissance et l`emploi. À condition d`infléchir notre modèle de développement : satisfaire les bouleversements de la vie sociale, de la vie familiale et de la civilisation urbaine, de nouveaux modes de consommation; préserver nos espaces ruraux; améliorer l`environnement et la qualité de notre capital naturel. Ainsi préparerons-nous notre entrée dans le 21ème siècle ». Il s`agit d`un pari auquel a souscrit déjà le CES. De telles réformes imposeront des modifications d`attitudes personnelles et culturelles. 3.6. Innovation technique et dialogue social 3.6.1. Les effets de l`innovation et du développement technologique seront d`autant plus positifs qu`ils auront été précédés d`un dialogue social actif. Il s`agit d`une impérieuse nécessité. 3.6.2. Il y a déjà longtemps que le Comité a recommandé que les initiatives conduisant à la mise en oeuvre d`une nouvelle technologie ou la création d`un produit ou d`un service, soient en amont l`objet d`une information objective et, si nécessaire, d`une concertation entre les partenaires sociaux de l`entreprise, pour l`examen et le traitement des incidences que ces novations exerceront sur l`organisation et les conditions du travail, sur les besoins de formation et, éventuellement, sur la reconversion de certains travailleurs. 3.6.3. Il avait aussi suggéré que les effets sur l`usage et la consommation des services ou des biens nouveaux conduisent à une réflexion avec les organisations de consommateurs, engagées également en amont, pour éviter d`affronter, plus tard, des conflits qui pourraient naître de l`inadaptation ou de la mauvaise utilisation de certains produits, avec les conséquences éventuelles pour l`entreprise et son développement et ce faisant sur l`emploi. 3.7. Croissance, PME, entreprises artisanales et professions libérales 3.7.1. Des PME, des entreprises artisanales et des professions libérales sont en mesure de créer des emplois. Certaines sont prêtes à s`y engager. Pour ce faire, des dispositions sont, par elles demandées : simplification administrative, aides fiscales et pour le financement des charges sociales, aides à la formation, appui aux créateurs d`entreprises qui s`engagent à embaucher... 3.8. Croissance, échanges et approvisionnements extérieurs 3.8.1. À juste titre, le Livre blanc met en garde les États ... « contre tout protectionnisme qui aurait pour objectif de défendre l`emploi ». Avec la Commission, le CES considère en effet qu`il s`agirait d`une « politique suicidaire ». Il demande qu`un effort d`information et de communication soit mené en direction des citoyens de l`Union européenne qui comprennent et vivent difficilement la concurrence venant de pays plus offensifs. 3.8.2. Il convient donc de rappeler ici l`avis (1) sur le « Troisième rapport de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social sur l`application de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs » dans son point 5.1 : « Le Comité préconise à nouveau instamment la promotion d`une « clause sociale » dans le cadre des procédures de l`organisation mondiale du commerce avec une référence aux normes établies par l`OIT, notamment en ce qui concerne : - l`interdiction du travail forcé ( Conventions 29 et 105); - le droit d`organisation et de négociation collective (Conventions 87 et 98); - l`âge minimum d`admission à l`emploi et l`abolition du travail des enfants (Convention 138); - l`égalité des chances et de traitement (Conventions 100 et 111). » 3.9. Le souhait du Livre blanc : création de 15 millions d`emplois d`ici à la fin du siècle 3.9.1. La Commission le justifie en précisant que « pour renverser la tendance funeste de nos sociétés gangrenées par le chômage, il serait souhaitable que l`Union européenne puisse créer 15 millions d`emplois d`ici à la fin du siècle ». L`emploi du conditionnel est signe de prudence. Si la Commission doit impulser et faciliter la création d`emplois nouveaux, elle n`a pas la capacité de décider ni de créer. Certes, des aides et des appuis à la création d`emplois sont nécessaires, mais un entrepreneur n`embauche qu`à la condition de pouvoir garantir une rémunération et, ce faisant, une couverture sociale à ses salariés. Il doit y avoir travail à fournir et clients pour acheter la production. 3.9.2. Ainsi le Comité fait-il deux observations à propos de l`objectif que la Commission propose d`atteindre : - la première porte sur la nécessité d`expliquer les calculs pour que leur fiabilité soit admise; - la seconde concerne la nécessité, en premier lieu, de freiner fermement les destructions d`emplois pour qu`il s`agisse vraiment de la création de 15 millions d`emplois nets. 4. Le coût du travail Le Livre blanc indique à juste titre que des obstacles à la création résident dans le coût des charges liées aux salaires. 4.1. Le débat sur « le coût du travail » ouvre sur une réflexion fondamentale à propos : - du coût de la protection sociale, et plus généralement de toutes charges sur salaires; - des modes de financement de la protection sociale. 4.2. Le Comité réaffirme l`obligation de maintenir les principes sur lesquels la protection sociale et sanitaire des travailleurs et de leurs familles, et des retraités, est fondée, pour que soient préservées les valeurs d`équité et de solidarité qui sont les références des cultures sociales européennes. 4.2.1. Les taux actuels de la croissance et la structure démographique de la plupart des pays de l`Union européenne présentent parfois le risque de créer des disparités très fortes entre ceux qui ont un emploi stable et qui auront donc une retraite en rapport, et ceux qui sont exclus du marché du travail avec les conséquences immédiates et à terme liées à cette exclusion (protection sanitaire et sociale, retraite). Il y a ici un ensemble de situations qui, d`un point de vue éthique, nous interroge tous. 4.3. La section des affaires sociales prépare actuellement un avis d`initiative sur « les systèmes de financement de la sécurité sociale » dont on ne peut pas présumer les conclusions. Néanmoins, d`ores et déjà, le Comité rappelle qu`à la nature des divers risques à couvrir et des situations et charges à compenser, réponde une logique des prestations, avec pour chacune d`entre elles, une logique de son financement. 4.4. Le Comité met en garde contre les risques que pourrait faire courir à la protection sociale une réduction des cotisations sociales assises sur les salaires et notamment pour les titulaires de bas salaires. Rien ne permet d`avancer que ces mesures aient pour contrepartie la création d`emplois. 5. La réduction généralisée des durées du travail 5.1. La Commission tient « pour irréaliste la réduction généralisée des durées de travail » et justifie son point de vue en exposant « qu`il en résulterait un ralentissement de la production dû à la difficulté de trouver les bons ajustements entre la demande de personnel qualifié, l`utilisation optimale des équipements et l`offre de main-d`oeuvre ». Sans méconnaître l`inadéquation entre certaines offres et demandes de travail, le CES observe que de nombreuses personnes qualifiées sont au chômage, qui seraient capables d`occuper efficacement les emplois disponibles. 5.1.1. D`une manière générale, le Comité estime que la réduction de la durée du travail ne peut être exclue d`une manière aussi catégorique. Celle-ci constitue, parmi d`autres, une mesure pouvant s`inscrire dans la lutte contre le chômage, à condition de ne pas remettre en cause la compétitivité des entreprises pour ne pas à terme nuire à l`emploi. 5.2. À l`appui de nombreux faits, le Comité estime que des mesures spécifiques à une entreprise, voire à une branche d`activité, conduisant à sauver des emplois de la suppression doivent donc être recherchées. 5.2.1. Des exemples d`entreprises - notamment celui récent de Volkswagen - en Allemagne et ailleurs - montrent que par la négociation sociale, centrée sur la lutte contre la destruction d`emplois, des résultats consensuels positifs peuvent être acquis. 5.2.2. Pour ce faire, il est indispensable que toutes les solutions soient étudiées et négociées, en amont, par les partenaire sociaux. La négociation sociale est un impératif souligné par le Livre blanc et conforté par le Conseil tenu à Bruxelles, les 10 et 11 décembre 1993 : « Le succès du plan d`action suppose l`adhésion de tous, afin de préserver la cohésion sociale : celle-ci sera facilitée par l`instauration d`un dialogue à tous les niveaux appropriés sur les objectifs et les moyens à mettre en oeuvre. Dans ce contexte, le Conseil invite la Commission à poursuivre son effort d`animation du dialogue social et à faire pleinement usage des nouvelles possibilités offertes par le Traité sur l`Union et les partenaires sociaux à y répondre de façon constructive. » Le Comité soutient ces positions. 5.3. Le Comité souhaite donc ardemment que les partenaires sociaux continuent de rechercher des solutions d`aménagement du temps de travail, avec en perspective l`offre, chaque fois que c`est faisable, de nouvelles possibilités de maintien ou de création d`emplois. Ainsi en est-il, par exemple, de mesures ouvrant sur diverses formes de « travail à temps choisi », qui ont l`avantage de concilier activité professionnelle, fonctions parentales, formation, activités culturelles et autres ... et maintien ou création d`emplois. 5.3.1. Fondées sur le volontariat, et en conséquence sur des choix responsables et réalistes, ces dispositifs, outre qu`ils peuvent protéger et conforter l`emploi, contribuent à améliorer la qualité de vie des travailleurs en maintenant globalement le volume de la production, sous des conditions de part et d`autre acceptées. 5.3.2. Le Comité encourage fermement la mise en oeuvre, énoncée par la Commission, d`un « pacte social » qui tiendrait compte de l`optimisation économique afin de développer un véritable arbitrage entre le revenu du travail, son organisation et la préservation de l`emploi. 6. La flexibilité du travail 6.1. La Commission plaide en faveur de la flexibilité du marché du travail. Elle suggère notamment : - « d`assouplir les conditions de licenciement des travailleurs à contrat à durée indéterminée, « ce qui contribuerait à limiter le travail précaire », - et « de diminuer certaines prestations de chômage et abaisser la fiscalité directe sur les bas revenus pour contribuer à la lutte contre le travail au noir ». 6.2. Le Comité s`associe à la prudence de la Commission, par exemple lorsqu`elle note qu`il y a des limites à la réduction des prestations de chômage « en-deçà desquelles s`installe la pauvreté ». 6.3. Il insiste pour que l`on veille à préserver les principes sociaux fondamentaux dont le contournement continuerait à s`éloigner des modèles sociaux européens et nuirait à la nécessité du dialogue social. 7. Pour le développement des services aux personnes et pour la protection de la qualité de la vie et la protection de l`environnement 7.1. La création d`emplois résultera aussi, dans l`avenir, des réponses apportées à des besoins non satisfaits aujourd`hui, bien que socialement importants. Ces emplois demandent généralement peu d`investissements et sont peu exposés à la concurrence internationale. Le Comité rejoint l`analyse de la Commission. 7.1.1. Il existe en effet des fonctions dont l`utilité économique, sociale et culturelle est réelle, mais qui ne sont plus ou ne sont pas assumées. Ainsi en est-il, par exemple, des aides à apporter à la clientèle et aux usagers, dans certains secteurs du commerce, les administrations et services publics, de la garde des jeunes enfants, du suivi scolaire quotidien des élèves à la sortie de l`école, de l`accompagnement sanitaire et social des personnes handicapées ou âgées, de l`aide à ceux qui cherchent un emploi, de l`accompagnement des immigrés, de la protection de l`environnement et des patrimoines naturels et, plus généralement, de l`amélioration de la qualité de la vie qu`il s`agisse d`information, de culture, de santé, de sécurité, de sports, de loisirs ... 7.2. Le Comité estime qu`il convient d`apprécier ces besoins, non pas sous une forme théorique, à partir de leur recensement au plus près des réalités, notamment en interrogeant les populations et les organismes et associations spécialisés. 7.3. Ces services devront avoir les caractéristiques de vrais emplois. Pour ce faire, il est nécessaire que leurs titulaires les perçoivent comme tels, en constatant concrètement qu`ils exercent une fonction utile, efficace et respectée. 7.4. À l`évidence se pose le problème du financement de ces emplois. Selon leur nature et leurs destinataires, il devra être fait appel lorsque c`est possible à la participation des usagers et à la contribution publique (collectivités, institutions sociales ...). 8. Une politique active de l`emploi 8.1. La Commission observe que « deux-tiers environ des dépenses publiques consenties pour les chômeurs consistent en assistance et le reste en mesures actives ». 8.1.1. Le coût des mesures d`assistance est lié au nombre des chômeurs et à la durée du chômage. Il est très souvent difficile de réduire le montant des aides, ou d`accentuer l`effet des modulations qui leur sont déjà appliquées ici et là. En revanche, il est souhaitable d`accompagner socialement les chômeurs et d`investir dans leur formation et leur réinsertion. Outre qu`elles exercent un effet humain et social nécessaire et bénéfique, ces mesures sont réductrices du montant global des prestations d`assistance et constituent une utilisation active des fonds publics et sociaux. 8.1.2. Le Comité soutient la suggestion de la Commission qui souhaite - parce que c`est un élément d`insertion et de responsabilisation à la conduite de leur vie - que les « chômeurs soient directement associés au dialogue social qui les concerne ». Les organisations syndicales jouent en la matière leur rôle. 8.2. Le Comité est également d`accord sur la nécessité d`aider les services de l`emploi à aller au-delà de leur mission de gestion du chômage pour assumer des actions fortes « d`information, de conseil, de placement, d`accompagnement ». 8.3. La Commission incite à se préoccuper plus particulièrement des chômeurs de longue durée, « tâche difficile mais non impossible ». Elle encourage à reproduire les exemples de plusieurs États qui ont pris des initiatives pour offrir à ces personnes, de véritables « parcours d`emplois », en coopération avec les autorités locales, les organisations socio-professionnelles et le monde associatif. L`information sur ces réalisations devra être développée. 8.3.1. Le Comité soutient cette recommandation. Il insiste sur la gravité du chômage répétitif qui touche tout particulièrement les jeunes non qualifiés. Aussi, des programmes spécifiques devront-ils être mis en oeuvre à leur intention, assortis d`un accompagnement pédagogique et social adapté. 9. La formation 9.1. La formation générale et professionnelle, et la formation continue sont trois nécessités. Il est important que toute formation ait un double objectif : d`une part son application immédiate ou au moins rapide à un emploi et d`autre part sa capacité à ouvrir ultérieurement sur l`évolution technologique. 9.2. La Commission recommande qu`à tous ceux qui quittent « le système scolaire avant l`âge de 18 ans, sans avoir acquis un véritable diplôme professionnel, soit donnée la garantie d`une dernière chance ». C`est une proposition déjà faite par le Comité. Pour être efficace, cette « chance » offerte devrait être précédée d`un bilan intellectuel et psychologique. Autant de mesures qui demandent le concours de personnels dûment préparés. 9.3. Le Comité confirme que les formations faisant appel à l`alternance et à l`apprentissage, lorsqu`elles sont organisées avec des soucis pédagogiques confirmés et à la condition d`avoir un objectif qualifiant, constituent des solutions positives d`accès à l`emploi et facilitent l`insertion en entreprise. 9.3.1. L`apprentissage ne devrait plus être perçu par les jeunes ni leurs parents, comme l`ultime issue de l`échec scolaire. Les résultats obtenus par certains États, attestent l`intérêt de cette filière de formation lorsqu`elle est bien organisée et menée sans dévier de sa vocation : intérêt immédiat et pour l`avenir professionnel. 9.4. Le Comité a déjà plaidé en faveur de la réhabilitation du travail manuel. Celle-ci sera réelle si elle s`accompagne d`une réflexion sur l`accès à la culture et l`ouverture de ses patrimoines et moyens à tous, de telle sorte que les travailleurs manuels n`aient pas le sentiment d`appartenir à une catégorie sociale culturellement et socialement inférieure. 9.5. L`orientation scolaire et professionnelle doit être valorisée. C`est un facteur fort de la réussite scolaire. 9.5.1. Le « droit à l`erreur » doit être tenu pour une réalité et non pas systématiquement présenté comme un échec imputable prioritairement à ses victimes que sont d`abord les jeunes et ensuite leurs parents. 9.6. Les enseignements et en conséquence les enseignants doivent s`intégrer à la vie. Le Livre blanc y insiste. Pour ce faire, la relation entre l`école, les parents et le monde du travail est à privilégier. C`est ainsi que le temps consacré par les enseignants, pour recevoir les familles et prendre contact avec le monde du travail, devrait s`inscrire dans leurs obligations professionnelles et se voir rémunérer comme tel. 10. Le problème spécifique du chômage des femmes 10.1. Il doit être l`objet d`une attention tout à fait particulière. Le droit à l`emploi doit être, dans les faits, ouvert d`une manière égale aux femmes et aux hommes. Ce n`est pas toujours le cas, tant s`en faut. Les statistiques du chômage le montrent. 10.1.1. Les rémunérations doivent être identiques entre hommes et femmes, si la nature du travail, la responsabilité et la compétence demandées sont analogues. 10.1.2. Même si l`on n`ose pas l`avouer, on vit encore dans un monde fait et organisé par les hommes et pour eux. Ceci en dépit des améliorations que les femmes ont su obtenir, année après année. 10.2. Les dispositions permettant aux parents de mieux assumer leurs fonctions et responsabilités d`entretien et d`éducation de leurs enfants doivent se fonder, d`une part sur l`intérêt des enfants et d`autre part sur un véritable libre choix ouvert aux parents. En toute hypothèse, le droit d`avoir une activité professionnelle - notamment pour les mères de famille - doit être respecté. Le parent qui interrompt son activité professionnelle pour élever ses enfants doit bénéficier de mesures qui lui permettront, d`une part le retour au travail et d`autre part le maintien de sa qualification professionnelle, grâce à une formation dispensée, en période d`interruption de son activité professionnelle. 10.3. Dans la recherche des dispositions destinées à lutter contre le chômage féminin, il faut se garder de prendre des mesures qui pourraient se retourner contre l`intérêt des femmes, en se fondant sur des spécificités féminines réelles ou imaginées. Seule la mise en oeuvre d`une réelle égalité des droits peut équilibrer la complémentarité des sexes. 11. Les distorsions entre ressortissants de la Communauté européenne et ressortissants non communautaires 11.1. On ne peut ni négliger, ni taire les différences existant en matière d`emploi entre les uns et les autres ressortissants. 11.2. Dans le respect des droits des personnes, des dispositions doivent être prises pour que ne se développent, ni ne s`aggravent, des situations d`exclusion et de ghetto, ni des attitudes xénophobes. Il y a la loi; il y a aussi les attitudes personnelles et l`opinion ... Ce sont là des réalités que le débat récent sur la Citoyenneté a mises en lumière. 11.3. L`accès à la formation doit être ouvert aux immigrés, appliquée à l`apprentissage de la langue et des technologies professionnelles, tout en maintenant pour eux la possibilité de préserver leur culture originelle. 12. Conclusion 12.1. Le droit au travail, à l`éducation, à la formation et la culture, à la protection sociale, à l`accès aux soins de santé ... sont autant de droits essentiels reconnus à tout être humain, parce que liés au respect de sa dignité. 12.2. Au niveau qui est depuis plusieurs années le sien, le chômage met au grand jour des situations d`inégalité et d`injustice personnelles et familiales très lourdes, aboutissant à la marginalisation et à l`exclusion. Ainsi plus de 50 millions de personnes sont-elles en état de grande pauvreté à l`intérieur de l`Union européenne, soit plus d`une personne sur sept. 12.3. Dans ses formes, eu égard à sa durée et au nombre des personnes - et notamment des jeunes - qu`il frappe, le chômage est devenu le plus grave problème de société dans l`immédiat et à terme, pour les chômeurs et leurs familles, et pour nos sociétés et nos cultures. 12.4. Au-delà des dispositions législatives réglementaires et techniques qu`il faut modifier parce qu`elles démontrent leurs limites ou leur inefficacité, et de nouvelles mesures qu`il faut prendre, il est indispensable d`unir tous les efforts et les efforts de tous sur la lutte contre le chômage, sans inutiles atermoiements ni envies de privilégier des intérêts personnels. 12.5. L`action des partenaires sociaux est donc capital : la concertation et la négociation sociales constituent la clé ouvrant sur des solutions équitables, réalistes et efficaces. 12.6. Le courage des décideurs politiques est indispensable, sachant qu`il est souvent le reflet direct du courage politique dont les citoyens sont capables. Fait à Bruxelles, le 1er juin 1994Le Président du Comité économique et social Susanne TIEMANN (1) Doc. CES 421/88 fin du 15 mars 1989. (2) Réunion de Bruxelles - décembre 1993. (3) Doc. COM(93) 668 final.