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Document 62014TJ0827

Arrêt du Tribunal (neuvième chambre élargie) du 13 décembre 2018 (Extraits).
Deutsche Telekom AG contre Commission européenne.
Concurrence – Abus de position dominante – Marché slovaque des services de télécommunication à haut débit – Accès par des entreprises tierces à la “boucle locale” de l’opérateur historique sur ce marché – Décision constatant une infraction à l’article 102 TFUE et à l’article 54 de l’accord EEE – Infraction unique et continue – Notion d’“abus” – Refus d’accès – Compression des marges – Calcul de la compression des marges – Critère du concurrent aussi efficace – Droits de la défense – Imputation à la société mère de l’infraction commise par sa filiale – Influence déterminante de la société mère sur la politique commerciale de la filiale – Exercice effectif – Charge de la preuve – Calcul du montant de l’amende – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 – Amende distincte infligée uniquement à la société mère au titre de la récidive et de l’application d’un coefficient multiplicateur à des fins de dissuasion.
Affaire T-827/14.

Identifiant ECLI: ECLI:EU:T:2018:930

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

13 décembre 2018 ( *1 )

« Concurrence – Abus de position dominante – Marché slovaque des services de télécommunication à haut débit – Accès par des entreprises tierces à la “boucle locale” de l’opérateur historique sur ce marché – Décision constatant une infraction à l’article 102 TFUE et à l’article 54 de l’accord EEE – Infraction unique et continue – Notion d’“abus” – Refus d’accès – Compression des marges – Calcul de la compression des marges – Critère du concurrent aussi efficace – Droits de la défense – Imputation à la société mère de l’infraction commise par sa filiale – Influence déterminante de la société mère sur la politique commerciale de la filiale – Exercice effectif – Charge de la preuve – Calcul du montant de l’amende – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 – Amende distincte infligée uniquement à la société mère au titre de la récidive et de l’application d’un coefficient multiplicateur à des fins de dissuasion »

Dans l’affaire T‑827/14,

Deutsche Telekom AG, établie à Bonn (Allemagne), représentée par Mes K. Apel et D. Schroeder, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. M. Kellerbauer, L. Malferrari, C. Vollrath et Mme L. Wildpanner, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Slovanet, a.s., établie à Bratislava (Slovaquie), représentée par Me P. Tisaj, avocat,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, à titre principal, à l’annulation, dans son intégralité ou en partie, pour autant qu’elle concerne la requérante, de la décision C(2014) 7465 final de la Commission, du 15 octobre 2014, concernant une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire AT.39523 – Slovak Telekom), telle que rectifiée par la décision C(2014) 10119 final de la Commission, du 16 décembre 2014, ainsi que par la décision C(2015) 2484 final de la Commission, du 17 avril 2015, et, à titre subsidiaire, à l’annulation ou à la réduction du montant des amendes infligées à la requérante par ladite décision,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),

composé de MM. M. van der Woude, faisant fonction de président, S. Gervasoni, L. Madise, R. da Silva Passos (rapporteur) et Mme K. Kowalik-Bańczyk, juges,

greffier : Mme N. Schall, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 19 avril 2018,

rend le présent

Arrêt ( 1 )

I. Antécédents du litige

1

La requérante, Deutsche Telekom AG, est l’opérateur historique de télécommunications en Allemagne et la société à la tête du groupe Deutsche Telekom. La requérante a, à compter du 4 août 2000 et durant toute la période pertinente dans la présente affaire, détenu une participation de 51 % dans le capital de Slovak Telekom, a.s., qui est l’opérateur de télécommunications historique en Slovaquie. L’autre partie du capital de Slovak Telekom était détenue, respectivement, par le ministère de l’Économie de la République slovaque, à concurrence de 34 %, et par le fonds du patrimoine national de la République slovaque, à concurrence de 15 % (ci-après, pris ensemble, l’« État slovaque »).

2

Le 15 octobre 2014, la Commission européenne a adopté la décision C(2014) 7465 final, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire AT.39523 – Slovak Telekom), rectifiée par sa décision C(2014) 10119 final, du 16 décembre 2014, ainsi que par sa décision C(2015) 2484 final, du 17 avril 2015, adressée à la requérante ainsi qu’à Slovak Telekom (ci-après la « décision attaquée »). Slovak Telekom a, le 26 décembre 2014, introduit un recours distinct par lequel elle sollicite également l’annulation de la décision attaquée (affaire T‑851/14).

A. Contexte technologique, factuel et réglementaire de la décision attaquée

3

Slovak Telekom, qui a indirectement succédé à l’entreprise publique des postes et des télécommunications disparue en 1992, est le plus grand opérateur de télécommunications et fournisseur d’accès à la large bande en Slovaquie. Le monopole légal dont elle bénéficiait sur le marché slovaque des télécommunications a pris fin en 2000. Slovak Telekom offre un éventail complet de services de données et de services vocaux, et possède et exploite des réseaux fixes en cuivre et en fibre optique ainsi qu’un réseau mobile de télécommunications. Les réseaux en cuivre et mobile couvrent la quasi-totalité du territoire de la Slovaquie.

4

La décision attaquée concerne des pratiques anticoncurrentielles sur le marché slovaque des services Internet à haut débit. Elle vise, en substance, les conditions fixées par Slovak Telekom pour l’accès dégroupé d’autres opérateurs à la boucle locale en cuivre, en Slovaquie, entre 2005 et 2010.

5

La boucle locale désigne le circuit physique à paire torsadée métallique (également appelé « ligne ») qui relie le point de terminaison du réseau dans les locaux de l’abonné au répartiteur principal ou à toute autre installation équivalente du réseau téléphonique public fixe.

6

L’accès dégroupé à la boucle locale permet aux nouveaux entrants – dénommés habituellement « opérateurs alternatifs », par opposition aux opérateurs historiques des réseaux de télécommunications – d’utiliser l’infrastructure de télécommunications déjà existante et appartenant à ces opérateurs historiques afin d’offrir divers services aux utilisateurs finals, en concurrence avec les opérateurs historiques. Parmi les différents services de télécommunications qui peuvent être fournis aux utilisateurs finals à travers la boucle locale figure la transmission des données à haut débit pour un accès fixe à l’internet et pour les applications multimédias à partir de la technologie de ligne d’abonné numérique (digital subscriber line ou DSL).

7

Le dégroupage de la boucle locale a été organisé au niveau de l’Union européenne, notamment, par le règlement (CE) no 2887/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif au dégroupage de l’accès à la boucle locale (JO 2000, L 336, p. 4), et par la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (JO 2002, L 108, p. 33). Le règlement no 2887/2000 exigeait des opérateurs « puissants sur le marché » qu’ils accordent un accès aux boucles locales dont l’accès est dégroupé (unbundled local loop ou ULL) et qu’ils publient une offre de référence en matière de dégroupage. Ces dispositions ont été mises en œuvre en Slovaquie par le Zákon z 3. decembra 2003 č. 610/2003 Z.z. o elektronických komunikáciách, v znení neskorších predpisov (loi no 610/2003, du 3 décembre 2003, relative aux communications électroniques), tel que modifié, entré en vigueur, avec certaines exceptions, le 1er janvier 2004.

8

En substance, ce cadre réglementaire obligeait l’opérateur identifié par l’autorité réglementaire nationale comme l’opérateur doté d’une puissance significative sur le marché (en général, l’opérateur historique) à accorder aux opérateurs alternatifs l’accès dégroupé à sa boucle locale et aux services connexes à des conditions transparentes, équitables et non discriminatoires et à tenir à jour une offre de référence pour un tel accès dégroupé. L’autorité réglementaire nationale était tenue de veiller à ce que la tarification de l’accès dégroupé à la boucle locale, orientée en fonction des coûts, favorise l’établissement d’une concurrence loyale et durable. À cet effet, l’autorité réglementaire nationale pouvait notamment imposer des modifications de l’offre de référence.

9

Au terme d’une analyse du marché, l’autorité réglementaire nationale slovaque en matière de télécommunications (ci-après le « TUSR ») a adopté, le 8 mars 2005, la décision de première instance no 205/14/2005, dans laquelle elle a désigné Slovak Telekom comme opérateur disposant d’une puissance significative sur le marché de gros pour l’accès dégroupé à la boucle locale, au sens du règlement no 2887/2000. Le TUSR a, en conséquence, imposé à Slovak Telekom diverses obligations, dont celle de lui soumettre une offre de référence dans les 60 jours. Cette décision, contestée par Slovak Telekom, a été confirmée par le président du TUSR le 14 juin 2005. En application de cette décision confirmative, Slovak Telekom était tenue d’accéder à toutes les demandes de dégroupage de sa boucle locale considérées comme raisonnables et justifiées, afin de permettre à des opérateurs alternatifs d’utiliser cette boucle en vue d’offrir leurs propres services sur le « marché de détail de masse (ou grand public) » des services à haut débit en position fixe en Slovaquie. La décision du 14 juin 2005 a également enjoint à Slovak Telekom de publier toutes les modifications envisagées pour l’offre de référence en matière de dégroupage au moins 45 jours au préalable et de les soumettre au TUSR.

10

Slovak Telekom a publié son offre de référence en matière de dégroupage le 12 août 2005 (ci-après l’« offre de référence »). Cette offre, qui a été modifiée à neuf reprises entre cette date et la fin de l’année 2010, définit les conditions contractuelles et techniques pour un accès à la boucle locale de Slovak Telekom. Sur le marché de gros, Slovak Telekom offre un accès aux boucles locales dont l’accès est dégroupé dans ou à côté d’un répartiteur principal, sur lequel l’opérateur alternatif qui cherche un accès a déployé son propre réseau central.

11

Aux termes de la décision attaquée, le réseau de la boucle locale de Slovak Telekom, susceptible d’être utilisé pour fournir des services de haut débit après le dégroupage des lignes concernées de cet opérateur, couvrait 75,7 % de l’ensemble des ménages slovaques au cours de la période comprise entre les années 2005 et 2010. Cette couverture s’étendait à toutes les boucles locales situées dans le réseau d’accès métallique de Slovak Telekom pouvant être utilisé pour transmettre un signal à haut débit. Toutefois, au cours de cette même période, seules quelques rares boucles locales de Slovak Telekom ont vu leur accès dégroupé, à partir du 18 décembre 2009, et n’ont été utilisées que par un seul opérateur alternatif en vue de la fourniture de services de détail à très haut débit à des entreprises.

B. Procédure devant la Commission

12

La Commission a ouvert d’office une enquête ayant pour objet, notamment, les conditions d’accès dégroupé à la boucle locale de Slovak Telekom. À la suite de demandes de renseignements adressées aux opérateurs alternatifs le 13 juin 2008 et d’une inspection inopinée dans les locaux de Slovak Telekom entre les 13 et 15 janvier 2009, la Commission a, le 8 avril 2009, décidé d’ouvrir une procédure à l’encontre de cet opérateur, au sens de l’article 2 de son règlement (CE) no 773/2004, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18).

13

L’enquête s’est poursuivie par des demandes de renseignements supplémentaires adressées aux opérateurs alternatifs et au TUSR ainsi que par une inspection annoncée dans les locaux de Slovak Telekom les 13 et 14 juillet 2009.

14

Slovak Telekom a, dans plusieurs documents de réflexion adressés à la Commission entre le 11 août 2009 et le 31 août 2010, indiqué qu’il n’existait, selon elle, aucun fondement pour considérer qu’elle avait méconnu l’article 102 TFUE en l’espèce.

15

Dans le cadre de l’enquête, Slovak Telekom s’est opposée à la fourniture d’informations datant de la période antérieure au 1er mai 2004, date d’adhésion de la République slovaque à l’Union. Elle a introduit un recours en annulation, d’une part, contre la décision C(2009) 6840 de la Commission, du 3 septembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 18, paragraphe 3, et de l’article 24, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), ainsi que, d’autre part, contre la décision C(2010) 902 de la Commission, du 8 février 2010, relative à une procédure d’application de l’article 18, paragraphe 3, et de l’article 24, paragraphe 1, du règlement no 1/2003. Par arrêt du 22 mars 2012, Slovak Telekom/Commission (T‑458/09 et T‑171/10, EU:T:2012:145), le Tribunal a rejeté les recours introduits contre ces décisions.

16

Le 13 décembre 2010, à la suite de demandes de renseignements adressées à la requérante, la Commission a décidé d’ouvrir à l’encontre de celle-ci une procédure au sens de l’article 2 du règlement no 773/2004.

17

Le 7 mai 2012, la Commission a adressé une communication des griefs à Slovak Telekom. Cette communication des griefs a été envoyée à la requérante le lendemain. Dans cette communication des griefs, la Commission concluait, à titre préliminaire, que Slovak Telekom s’était potentiellement rendue coupable d’une violation de l’article 102 TFUE en raison d’une pratique aboutissant à la compression des marges en ce qui concerne l’accès dégroupé aux boucles locales de son réseau ainsi que l’accès de gros à haut débit national et régional à ses concurrents, ainsi que d’un refus d’accès aux opérateurs alternatifs à certains produits de gros. Elle concluait également, à titre préliminaire, que la requérante était potentiellement responsable de ce comportement infractionnel, en sa qualité de société mère de Slovak Telekom au cours de la période d’infraction.

18

Après avoir obtenu accès au dossier d’enquête, Slovak Telekom et la requérante ont, chacune, répondu à la communication des griefs le 5 septembre 2012. Une audition a ensuite été organisée les 6 et 7 novembre de cette même année.

19

Le 21 juin 2013, Slovak Telekom a soumis à la Commission une proposition d’engagements destinés à répondre à ses objections du point de vue du droit de la concurrence et a demandé à celle-ci d’adopter une décision d’acceptation d’engagements au sens de l’article 9 du règlement no 1/2003 plutôt qu’une décision d’interdiction. La Commission a toutefois considéré ces engagements insuffisants et a, dès lors, décidé de poursuivre la procédure.

20

La Commission a adressé à Slovak Telekom et à la requérante, respectivement le 6 décembre 2013 et le 10 janvier 2014, une lettre d’exposé des faits destinée à leur permettre de présenter des observations sur les éléments de preuve supplémentaires collectés à la suite de l’envoi de la communication des griefs. La Commission a indiqué que ces éléments de preuve, auxquels Slovak Telekom et la requérante ont eu accès, pourraient être utilisés dans une éventuelle décision finale.

21

Slovak Telekom et la requérante ont, respectivement le 21 février et le 6 mars 2014, répondu à la lettre d’exposé des faits.

22

La Commission a, lors de réunions qui se sont tenues avec Slovak Telekom le 16 septembre 2014 et avec la requérante le 29 septembre 2014, fourni à celles-ci des informations sur la décision qu’elle envisageait d’adopter sur le fondement de l’article 7 du règlement no 1/2003.

C. Décision attaquée

23

Dans la décision attaquée, la Commission considère que l’entreprise que forment Slovak Telekom et la requérante a commis une infraction unique et continue à l’article 102 TFUE et à l’article 54 de l’accord EEE concernant les services de haut débit en Slovaquie durant la période comprise entre le 12 août 2005 et le 31 décembre 2010 (ci-après la « période en cause »).

1.   Définition des marchés pertinents et position dominante de Slovak Telekom sur ceux-ci

24

Dans la décision attaquée, la Commission identifie deux marchés de produits concernés, à savoir :

le marché de masse de détail (ou grand public) pour les services à haut débit en position fixe ;

le marché de gros de l’accès aux boucles locales dont l’accès est dégroupé.

25

Le marché géographique en cause couvre, selon la décision attaquée, l’ensemble du territoire de la Slovaquie.

26

La Commission constate que, pendant la période en cause, Slovak Telekom a occupé une position de monopole sur le marché de gros pour l’accès dégroupé aux boucles locales et qu’il n’existait pas de pressions directes sous la forme d’une concurrence réelle ou potentielle ou une puissance d’achat compensatrice limitant la puissance de cette société sur le marché. Slovak Telekom bénéficiait donc d’une position dominante sur ce marché au cours de la période en cause. La Commission constate également que Slovak Telekom bénéficiait d’une position dominante, durant cette période, sur le marché de masse de détail (ou grand public) pour les services à haut débit en position fixe.

2.   Comportement de Slovak Telekom

a)   Refus de fourniture d’un accès dégroupé aux boucles locales de Slovak Telekom

27

La Commission relève, dans une première partie de son analyse intitulée « Refus de fourniture », que, bien que plusieurs opérateurs alternatifs aient eu un grand intérêt à se voir accorder un accès aux boucles locales de Slovak Telekom afin de concurrencer cette dernière sur le marché de détail des services à haut débit, cet opérateur a, dans l’offre de référence, fixé des modalités et des conditions abusives afin de rendre un tel accès inacceptable. Slovak Telekom aurait ainsi retardé, compliqué ou empêché l’entrée sur ce marché de détail des services à haut débit.

28

La Commission souligne à cet égard que, premièrement, l’accès dégroupé à la boucle locale par un opérateur alternatif suppose que ce dernier obtienne préalablement des informations suffisantes et adéquates concernant le réseau de l’opérateur historique. Ces informations doivent permettre à l’opérateur alternatif concerné d’évaluer ses opportunités commerciales et d’élaborer des modèles économiques appropriés pour ses futurs services de détail fondés sur le dégroupage de l’accès à la boucle locale. Or, en l’espèce, l’offre de référence n’aurait pas satisfait à cette exigence d’information des opérateurs alternatifs.

29

Ainsi, en dépit des exigences fixées par le cadre réglementaire pertinent (voir points 7 et 8 ci-dessus), l’offre de référence ne fournirait pas d’informations de base concernant les emplacements des points d’accès physiques et la disponibilité des boucles locales dans des parties bien déterminées du réseau. Les opérateurs alternatifs n’auraient eu accès à ces informations que sur demande, moyennant le paiement d’une redevance, dans les cinq jours à compter de l’entrée en vigueur d’un accord de confidentialité avec Slovak Telekom et uniquement après la constitution d’une garantie bancaire. La Commission estime, en substance, que ces exigences ont retardé indûment et compliqué la communication des informations pertinentes aux opérateurs alternatifs et, de cette façon, dissuadé lesdits opérateurs d’accéder aux boucles locales de Slovak Telekom.

30

Même en cas d’accès sur demande, la Commission estime que les informations communiquées par Slovak Telekom étaient insuffisantes. Slovak Telekom n’aurait notamment communiqué aucune information concernant la disponibilité de ses boucles locales, alors que ces informations étaient primordiales pour permettre aux opérateurs alternatifs d’élaborer à temps leurs modèles économiques et de déterminer le potentiel commercial du dégroupage. La Commission considère que Slovak Telekom aurait dû communiquer non seulement la liste des répartiteurs principaux et des ressources similaires, mais aussi la description de leur couverture géographique, des informations sur les séries de numéros téléphoniques desservis par ces centraux, l’utilisation effective des câbles (en pourcentage) pour les technologies DSL, le degré de déploiement de l’équipement de modulation par impulsion et codage (pulse code modulation ou PCM) concernant les câbles reliés aux différents répartiteurs principaux, les noms ou fonctions des répartiteurs et la façon dont ils sont utilisés dans les réglementations techniques et méthodologiques de ladite société, ou encore les longueurs maximales des boucles locales homogènes. Au demeurant, Slovak Telekom aurait été bien consciente du problème occasionné pour les opérateurs alternatifs par ces conditions d’accès aux informations et par la portée limitée de celles-ci. La Commission relève également que, alors que Slovak Telekom n’a publié un modèle concernant les demandes de dégroupage à soumettre par les opérateurs alternatifs qu’en mai 2009, l’offre de référence en matière de dégroupage prévoyait dès l’origine l’imposition de sanctions financières dans l’hypothèse où une demande d’accès serait jugée incomplète.

31

Deuxièmement, aux termes de la décision attaquée, Slovak Telekom a réduit de manière injustifiée la portée de son obligation en matière d’accès dégroupé à ses boucles locales.

32

Ainsi, en premier lieu, Slovak Telekom aurait indûment exclu de cette obligation les lignes « passives », à savoir les lignes qui, tout en existant physiquement, n’étaient pas utilisées. En procédant de cette façon, Slovak Telekom se serait réservé une quantité significative de clients potentiels qui n’achetaient pas encore ses services à haut débit, bien qu’ils fussent desservis par son réseau, et ce alors même que le cadre réglementaire pertinent ne prévoyait aucune limitation de l’obligation de dégroupage aux seules lignes actives et que ce marché était en pleine croissance. La limitation appliquée par Slovak Telekom n’était, selon la Commission, pas justifiée par une quelconque raison technique objective.

33

En deuxième lieu, Slovak Telekom aurait exclu de manière injustifiée de son obligation en matière de dégroupage les services qu’elle a qualifiés de « services en conflit », à savoir des services qu’elle était susceptible de proposer et qui pouvaient être en conflit avec l’accès d’un opérateur alternatif à la boucle locale. Outre que le concept même de services en conflit serait vague, la liste de tels services, établie unilatéralement par Slovak Telekom, serait ouverte et, par conséquent, génératrice d’incertitude pour les opérateurs alternatifs. Cette limitation aurait privé les opérateurs alternatifs d’un grand nombre de clients potentiels, réservés à Slovak Telekom et dès lors retirés du marché de détail.

34

En troisième lieu, la Commission relève le caractère injustifié de la règle imposée par Slovak Telekom dans l’offre de référence, selon laquelle seuls 25 % des boucles locales contenues dans un câble à paires multiples pouvaient être utilisés pour la prestation de services à haut débit, afin d’éviter le parasitage et les interférences. Cette règle ne serait pas justifiée, car elle présenterait un caractère général et abstrait et ne tiendrait ainsi pas compte des caractéristiques des câbles et de la combinaison concrète des techniques de transmission. La Commission relève, à cet égard, que la pratique dans d’autres États membres démontre l’existence d’alternatives à de telles limitations d’accès abstraites et en amont, telles que le principe d’une utilisation du câble à 100 % cumulée à la gestion a posteriori de tous problèmes concrets résultant des brouillages du spectre. Enfin, Slovak Telekom se serait appliquée à elle-même une règle d’utilisation maximale du câble de 63 %, moins stricte que celle qu’elle imposait aux opérateurs alternatifs.

35

Enfin, troisièmement, Slovak Telekom aurait fixé dans l’offre de référence plusieurs clauses et conditions inéquitables concernant l’accès dégroupé à ses boucles locales.

36

À cet égard, en premier lieu, aux termes de la décision attaquée, Slovak Telekom a inscrit dans l’offre de référence des clauses et des conditions inéquitables relatives à la colocalisation, définie dans cette offre comme « la fourniture d’un espace et de l’équipement technique nécessaires au placement adéquat de l’équipement de télécommunications du fournisseur autorisé en vue d’une prestation de services aux utilisateurs finals du fournisseur autorisé via un accès à la boucle locale ». L’obstacle ainsi créé pour les opérateurs alternatifs résultait plus particulièrement des éléments suivants : i) les conditions fixaient un examen préliminaire des possibilités de colocalisation qui n’était pas objectivement nécessaire ; ii) les opérateurs alternatifs ne pouvaient contester la détermination de la forme de colocalisation décidée par Slovak Telekom que moyennant le paiement de frais supplémentaires ; iii) l’expiration de la période de réservation après la signification à l’opérateur alternatif de l’avis concernant le résultat de l’examen préliminaire ou de l’examen détaillé, sans qu’un accord sur la colocalisation soit intervenu, impliquait que la procédure d’examen préliminaire ou d’examen détaillé devait être intégralement reprise ; iv) Slovak Telekom n’était tenue par aucun délai en cas d’examens détaillés supplémentaires découlant de négociations et avait le droit de retirer sans explication et sans conséquences juridiques une proposition d’accord de colocalisation pendant la durée d’acceptation de la proposition par les opérateurs alternatifs dans les délais établis ; v) Slovak Telekom ne s’engageait sur aucun calendrier précis pour la mise en œuvre de la colocalisation ; vi) Slovak Telekom imposait unilatéralement des tarifs déloyaux et non transparents pour la colocalisation.

37

En deuxième lieu, la Commission relève que, en vertu de l’offre de référence, les opérateurs alternatifs étaient tenus de soumettre des prévisions des demandes de qualification de la boucle locale douze mois à l’avance pour chaque espace de colocalisation, mois après mois, avant de pouvoir introduire une demande de qualification pour l’accès à la boucle locale correspondante. Or, la Commission estime qu’une telle exigence impose aux opérateurs alternatifs de soumettre des prévisions à un moment où ils ne sont pas en mesure d’estimer leurs besoins en termes d’accès dégroupé. Elle dénonce, de surcroît, la circonstance que la méconnaissance des conditions de prévision entraînait le paiement de pénalités, de même que le caractère contraignant de l’obligation de prévision et l’absence de délai de réponse, pour Slovak Telekom, à une demande de qualification en cas de non-conformité d’une telle demande avec le volume prévisionnel.

38

En troisième lieu, la Commission considère que la procédure obligatoire de qualification, qui devait permettre aux opérateurs alternatifs de déterminer si une boucle locale spécifique convenait pour la technologie DSL ou toute autre technologie à haut débit qu’ils auraient pu avoir l’intention d’utiliser avant de passer une commande ferme de dégroupage, était telle que ces opérateurs étaient dissuadés de solliciter un accès dégroupé aux boucles locales de Slovak Telekom. Ainsi, tout en admettant la nécessité de vérifier le caractère adéquat des boucles locales pour le dégroupage ou les conditions préalables essentielles pour le dégroupage d’une ligne spécifique, la Commission indique que la dissociation de cette procédure de qualification de la demande même d’accès à la boucle locale a inutilement retardé le dégroupage et occasionné des frais supplémentaires pour les opérateurs alternatifs. De surcroît, plusieurs aspects examinés dans le cadre de la procédure de qualification présenteraient un caractère superflu. La Commission relève encore le caractère injustifié du délai de validité limité à dix jours de la qualification d’une boucle locale, au-delà duquel une demande d’accès ne pouvait plus être introduite.

39

En quatrième lieu, aux termes de la décision attaquée, l’offre de référence aurait inclus des conditions désavantageuses en ce qui concerne les réparations, l’entretien et la maintenance, en raison i) de l’absence d’une définition appropriée des « travaux planifiés » et « non planifiés », ii) du manque de clarté de la distinction entre des « travaux non planifiés » et de simples « défauts », susceptible de donner lieu à des comportements injustifiés de la part de Slovak Telekom, iii) des délais très courts prévus pour informer un opérateur alternatif de tels travaux ainsi que pour répercuter cette information auprès des clients de ce dernier et, enfin, iv) du transfert à l’opérateur alternatif de la responsabilité des interruptions de service occasionnées par une réparation lorsque ledit opérateur était jugé non coopératif.

40

En cinquième lieu, la Commission considère déloyales plusieurs modalités et conditions entourant la garantie bancaire exigée de tout opérateur alternatif souhaitant conclure avec Slovak Telekom un accord de colocalisation et, au final, obtenir un accès à ses boucles locales. Ainsi, tout d’abord, Slovak Telekom bénéficierait d’une trop large marge d’appréciation pour accepter ou refuser une garantie bancaire et ne serait soumise au respect d’aucun délai à cet égard. Ensuite, le montant de la garantie, fixé à 66387,84 euros, serait disproportionné par rapport aux risques et aux coûts encourus par Slovak Telekom. Il en irait d’autant plus ainsi que l’offre de référence permettait à Slovak Telekom d’exiger une multiplication de cette garantie lorsqu’elle y faisait appel, le montant initial de la garantie bancaire pouvant être multiplié jusqu’à douze fois. De surcroît, Slovak Telekom aurait été en mesure de faire appel à la garantie bancaire afin de couvrir non seulement le défaut de paiement des services effectifs qu’elle fournissait, mais aussi toute demande de dédommagement qu’elle pouvait présenter. Au demeurant, Slovak Telekom aurait été en mesure d’actionner la garantie bancaire sans devoir démontrer qu’elle avait tout d’abord mis le débiteur en demeure, ledit débiteur ne pouvant en outre pas s’opposer à cet appel en garantie. Enfin, la Commission souligne que les opérateurs alternatifs ne bénéficient d’aucune garantie comparable, alors même qu’ils sont susceptibles d’encourir des pertes résultant du comportement de Slovak Telekom en matière d’accès dégroupé aux boucles locales.

41

La Commission conclut que ces aspects du comportement de Slovak Telekom, considérés conjointement, ont constitué un refus par cet opérateur de fournir un accès dégroupé à ses boucles locales.

b)   Compression des marges des opérateurs alternatifs dans le cadre de la fourniture d’accès dégroupé aux boucles locales de Slovak Telekom

42

Dans une deuxième partie de son analyse du comportement de Slovak Telekom, la Commission retient l’existence d’une compression des marges occasionnée par le comportement de cet opérateur s’agissant de l’accès dégroupé à ses boucles locales, constitutive d’une forme autonome d’abus de position dominante. Ainsi, l’écart entre les prix pratiqués par Slovak Telekom pour l’octroi d’un tel accès à des opérateurs alternatifs et les prix pratiqués à l’égard de ses propres clients aurait été soit négatif, soit insuffisant pour permettre à un opérateur aussi efficace que Slovak Telekom de couvrir les coûts spécifiques qu’elle devait supporter pour la fourniture de ses propres produits ou services sur le marché en aval, à savoir le marché de détail.

43

S’agissant d’un scénario où le portefeuille de services considéré inclut uniquement les services à haut débit, la Commission note qu’un concurrent aussi efficace aurait été en mesure, par le biais d’un accès dégroupé aux boucles locales de Slovak Telekom, de reproduire l’intégralité de l’offre DSL de détail de Slovak Telekom telle qu’elle a évolué au fil du temps. Or, l’approche dite « période par période » (à savoir le calcul des marges disponibles pour chaque année entre les années 2005 et 2010) démontrerait qu’un concurrent aussi efficace que Slovak Telekom affichait des marges négatives et ne pouvait, dès lors, reproduire de manière rentable le portefeuille de services de haut débit proposé par Slovak Telekom sur le marché de détail.

44

S’agissant d’un scénario où le portefeuille examiné inclut des services de téléphonie vocale en plus des services à haut débit par le biais d’un accès total à la boucle locale, la Commission aboutit également à la constatation qu’un concurrent aussi efficace que Slovak Telekom n’aurait pu, en raison des prix pratiqués par celle-ci sur le marché en amont de l’accès dégroupé, exercer de manière rentable des activités sur le marché de détail pertinent durant la période comprise entre les années 2005 et 2010. Un concurrent aussi efficace n’aurait donc pu reproduire de manière rentable, au cours de cette même période, le portefeuille proposé par Slovak Telekom. L’ajout, à un tel portefeuille de référence, des services multi-play, disponibles à partir de l’année 2007, ne modifierait pas ce constat.

45

Dès lors que ni Slovak Telekom ni la requérante n’auraient avancé, au cours de la procédure administrative, de justification objective quant à leur comportement d’exclusion, la Commission conclut que le comportement de Slovak Telekom pendant la période en cause doit s’analyser comme une compression abusive des marges.

3.   Analyse des effets anticoncurrentiels du comportement de Slovak Telekom

46

La Commission considère que ces deux types de comportement de Slovak Telekom, à savoir le refus de fourniture d’un accès dégroupé à la boucle locale et la compression des marges des opérateurs alternatifs, étaient susceptibles d’empêcher les opérateurs alternatifs de se fonder sur un accès dégroupé afin d’entrer sur le marché de détail de masse (ou grand public) en Slovaquie pour les services à haut débit en position fixe. Ces comportements ont, aux termes de la décision attaquée, rendu la concurrence sur ce marché moins effective dès lors qu’il n’existait pas de réelle alternative rentable pour les opérateurs concurrents à un accès de gros à haut débit à la technologie DSL fondée sur le dégroupage des boucles locales. L’impact du comportement de Slovak Telekom sur la concurrence aurait été d’autant plus marqué que le marché de détail des services de haut débit présentait un fort potentiel de progression durant la période en cause.

47

La Commission ajoute en substance que, conformément au concept de l’« échelle de l’investissement », ce blocage de l’accès au dégroupage de la boucle locale a privé les opérateurs alternatifs d’une source de revenus qui leur aurait permis de réaliser d’autres investissements dans le réseau, notamment en développant leur propre réseau d’accès afin d’y raccorder directement leurs clients.

48

La Commission conclut que le comportement anticoncurrentiel de Slovak Telekom sur le marché de masse (ou grand public) des services à haut débit en position fixe en Slovaquie était susceptible d’avoir des effets négatifs sur la concurrence et, eu égard à sa couverture géographique correspondant à l’ensemble du territoire de la Slovaquie, a pu affecter le commerce entre les États membres.

4.   Destinataires de la décision attaquée et amendes

49

Aux termes de la décision attaquée, la requérante, durant toute la période en cause, non seulement était en mesure d’exercer une influence déterminante sur la politique commerciale de Slovak Telekom, mais a effectivement exercé une telle influence. Dès lors que la requérante et Slovak Telekom font partie de la même entreprise, toutes deux sont tenues pour responsables de l’infraction unique et continue à l’article 102 TFUE qui fait l’objet de la décision attaquée.

50

S’agissant de la sanction de cette infraction, la Commission indique avoir fixé le montant des amendes par référence aux principes énoncés dans ses lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »).

51

Tout d’abord, la Commission calcule le montant de base de l’amende en retenant 10 % du chiffre d’affaires réalisé par Slovak Telekom sur le marché de l’accès dégroupé à la boucle locale et du haut débit de détail pour les services fixes lors du dernier exercice complet de sa participation à l’infraction, en l’espèce l’année 2010, et en multipliant le chiffre ainsi obtenu par 5,33 afin de tenir compte de la durée de l’infraction (cinq ans et quatre mois). Le montant de base obtenu au terme de ce calcul s’élève à 38838000 euros. Il s’agit de la première amende infligée pour l’infraction en cause et pour laquelle Slovak Telekom et la requérante sont, aux termes de l’article 2, premier alinéa, sous a), de la décision attaquée, tenues solidairement responsables.

52

Ensuite, la Commission procède à un double ajustement de ce montant de base. En premier lieu, elle constate que, au moment où a été commise l’infraction en cause, la requérante avait déjà été tenue pour responsable d’une infraction à l’article 102 TFUE, en raison d’une compression des marges dans le secteur des télécommunications, dans sa décision 2003/707/CE, du 21 mai 2003, relative à une procédure d’application de l’article 82 [CE] (affaires COMP/37.451, 37.578, 37.579 – Deutsche Telekom AG) (JO 2003, L 263, p. 9, ci-après la « décision Deutsche Telekom »), et que, à l’époque à laquelle cette décision a été adoptée, la requérante détenait déjà 51 % des parts de Slovak Telekom et était en mesure d’exercer une influence déterminante sur cette dernière. Par conséquent, la Commission conclut que, pour la requérante, le montant de base de l’amende doit être augmenté de 50 % au titre de la récidive. En second lieu, la Commission constate que le chiffre d’affaires mondial de la requérante s’élevait, en 2013, à 60,123 milliards d’euros et que, afin de donner à l’amende infligée à la requérante un effet dissuasif suffisant, il convient d’appliquer au montant de base un coefficient multiplicateur de 1,2. Le produit de ce double ajustement du montant de base, à savoir 31070000 euros, conformément à l’article 2, premier alinéa, sous b), de la décision attaquée, donne lieu à une amende distincte infligée uniquement à la requérante.

5.   Dispositif de la décision attaquée

53

Les articles 1er et 2 de la décision attaquée se lisent comme suit :

« Article premier

1.   L’entreprise composée de Deutsche Telekom AG et de Slovak Telekom a.s. a commis une infraction unique et continue à l’article 102 du traité et à l’article 54 de l’accord EEE.

2.   L’infraction a duré du 12 août 2005 au 31 décembre 2010 et a consisté dans les pratiques suivantes :

a)

dissimulation aux opérateurs alternatifs des informations relatives au réseau nécessaires pour le dégroupage des boucles locales ;

b)

réduction du champ d’application de ses obligations concernant le dégroupage des boucles locales ;

c)

fixation de modalités et conditions inéquitables dans son offre de référence en matière de dégroupage concernant la colocalisation, la qualification, les prévisions, les réparations et les garanties bancaires ;

d)

application de tarifs inéquitables ne permettant pas à un opérateur aussi efficace s’appuyant sur l’accès de gros aux boucles locales dégroupées de Slovak Telekom a.s. de reproduire les services de détail offerts par Slovak Telekom a.s. sans encourir de perte.

Article 2

Pour l’infraction visée à l’article 1er, les amendes suivantes sont infligées :

a)

une amende de 38838000 EUR à Deutsche Telekom AG et Slovak Telekom a.s., solidairement ;

b)

une amende de 31070000 EUR à Deutsche Telekom AG.

[...] »

II. Procédure et conclusions des parties

[omissis]

70

La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler totalement ou partiellement la décision attaquée, en tant qu’elle la concerne, et, à titre subsidiaire, annuler ou réduire les amendes qui lui ont été infligées ;

condamner la Commission aux dépens.

71

La Commission et l’intervenante, Slovanet, concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

72

La requérante invoque cinq moyens à l’appui tant de ses conclusions principales, qui tendent à l’annulation totale ou partielle de la décision attaquée, que de ses conclusions subsidiaires, qui tendent à l’annulation des amendes qui lui ont été infligées ou à la réduction de leur montant. Le premier moyen est pris d’erreurs de fait et de droit dans l’application de l’article 102 TFUE en ce qui concerne le comportement abusif de Slovak Telekom ainsi que d’une violation des droits de la défense. Le deuxième moyen est pris d’erreurs de droit et de fait en ce qui concerne la durée du comportement abusif de Slovak Telekom. Le troisième moyen est pris d’erreurs de droit et de fait dans l’imputation à la requérante du comportement abusif de Slovak Telekom, au motif que ces sociétés feraient partie de la même entreprise. Le quatrième moyen est pris d’une violation de la notion d’« entreprise » au sens du droit de l’Union et du principe d’individualisation des peines, en ce que la décision attaquée inflige également à la seule requérante une amende distincte, ainsi que d’un défaut de motivation. Le cinquième moyen, enfin, est pris d’erreurs dans le calcul du montant de l’amende infligée solidairement à Slovak Telekom et à la requérante.

A. Sur les conclusions, présentées à titre principal, tendant à l’annulation de la décision attaquée

73

Il y a lieu d’examiner successivement les cinq moyens invoqués par la requérante et mentionnés au point 72 ci-dessus.

1.   Sur le premier moyen, pris d’erreurs de droit et de fait dans l’application de l’article 102 TFUE en ce qui concerne le comportement abusif de Slovak Telekom ainsi que d’une violation des droits de la défense

74

Le premier moyen comprend trois branches, tirées, la première, d’une violation de l’article 102 TFUE dès lors que la Commission a constaté l’existence d’une infraction au sens de cette disposition sans examiner le caractère indispensable des infrastructures de télécommunication en cause, la deuxième, d’une violation du droit de la requérante à être entendue en ce qui concerne le calcul de la compression des marges et, la troisième, d’erreurs lors du calcul des coûts moyens incrémentaux à long terme (ci-après les « CMILT »).

75

Par ailleurs, la requérante indique se rallier, dans le cadre de son premier moyen, à l’argumentation présentée par Slovak Telekom dans son recours introduit le 26 décembre 2014 contre la décision attaquée (affaire T‑851/14). La requérante fait également valoir, en se référant notamment à l’arrêt du 22 janvier 2013, Commission/Tomkins (C‑286/11 P, EU:C:2013:29), que, si un moyen invoqué dans le cadre de ce recours devait être accueilli, elle devrait également bénéficier d’un tel résultat dans la présente affaire.

[omissis]

b)   Sur la première branche, tirée d’une violation de l’article 102 TFUE au motif que la Commission a constaté l’existence d’une infraction au sens de cette disposition sans examiner le caractère indispensable des infrastructures de télécommunication en cause

81

Par la première branche de son premier moyen, la requérante soutient que la Commission a erronément omis d’examiner, dans la décision attaquée, le caractère indispensable de l’accès au réseau DSL en cuivre de Slovak Telekom pour exercer une activité sur le marché de détail des services à haut débit en Slovaquie. La Commission aurait, ce faisant, méconnu le principe découlant de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), selon lequel un refus de fourniture ou d’accès ne constitue un abus de position dominante que lorsqu’il est de nature à éliminer toute concurrence sur le marché dérivé et que les intrants en cause en amont sont indispensables à l’exercice de l’activité en aval. L’application de ce principe en l’espèce ne serait pas mise en cause par la circonstance que la présente affaire concerne un refus implicite d’accès et non, comme dans l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), un refus total de fourniture. En effet, aucune raison ne justifierait que l’existence d’un abus en raison d’un refus implicite d’accès soit soumise à des exigences de preuve moins strictes que l’existence d’un abus en raison d’un refus total d’accès. La distinction opérée en ce sens par la Commission reposerait sur une lecture erronée des points 55 et 58 de l’arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83). Elle aboutirait de surcroît au résultat illogique que la démonstration de l’infraction la plus grave (à savoir le refus total d’accès) serait soumise à des conditions plus strictes que celles applicables à l’infraction la moins grave (à savoir le refus implicite d’accès). La requérante souligne au sujet de ce dernier point qu’au moins une entreprise a obtenu l’accès aux boucles locales de Slovak Telekom, ce qui aurait été exclu en présence d’un refus total d’accès.

82

La requérante fait également valoir que cette exigence de preuve ne serait pas diminuée par la circonstance que Slovak Telekom était soumise à une obligation réglementaire d’octroyer aux fournisseurs concurrents un accès dégroupé à sa boucle locale, cette obligation poursuivant d’autres objectifs et étant soumise à d’autres conditions que le contrôle a posteriori tenant à l’existence d’un abus au sens de l’article 102 TFUE. Une telle obligation, édictée en 2005 par le TUSR, ne serait au demeurant pas de nature à remplacer l’examen concret du caractère indispensable de l’accès aux boucles locales de Slovak Telekom à un moment ultérieur. Or, la Commission aurait omis de procéder à un tel examen concret en l’espèce, alors même que les marchés des télécommunications sont en constante évolution.

83

De même, la requérante conteste le point de vue de la Commission selon lequel, en substance, le principe issu de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), ne s’appliquerait pas en l’espèce dès lors que le réseau de télécommunications en cause a été développé dans des conditions de monopole par le gouvernement slovaque. La Commission ne justifierait pas en quoi cette circonstance lui permettait de constater l’existence d’un abus de position dominante sans vérifier le caractère indispensable de l’accès au réseau DSL en cuivre de Slovak Telekom. L’existence d’un abus devant toujours être appréciée indépendamment des conditions dans lesquelles une position dominante est née, aucune raison ne justifierait que des anciens monopoles d’État soient soumis à un traitement différent de celui d’autres entreprises dans le cadre de l’application de l’article 102 TFUE. La requérante ajoute que le réseau DSL de Slovak Telekom fondé sur le cuivre avait, à l’origine, un taux de couverture très faible et était de mauvaise qualité et que cela a conduit Slovak Telekom, ainsi qu’il ressort du considérant 891 de la décision attaquée, à investir en permanence dans des actifs à haut débit entre 2003 et 2010, soit postérieurement à la perte de son monopole.

84

En tout état de cause, le fait que plusieurs fournisseurs concurrents soient parvenus à entrer sur le marché de détail du haut débit à partir de leur propre infrastructure démontrerait que l’accès dégroupé à la boucle locale de Slovak Telekom n’était pas indispensable au développement d’offres concurrentes.

85

La Commission conteste ces allégations.

86

À cet égard, selon une jurisprudence constante, il incombe à l’entreprise qui détient une position dominante une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte, par son comportement, à une concurrence effective et non faussée dans le marché intérieur (voir arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 135 et jurisprudence citée), la circonstance qu’une telle position trouve son origine dans un ancien monopole légal devant, à cet égard, être prise en compte (arrêt du 27 mars 2012, Post Danmark, C‑209/10, EU:C:2012:172, point 23).

87

C’est pourquoi l’article 102 TFUE interdit, notamment, à une entreprise occupant une position dominante de mettre en œuvre des pratiques produisant des effets d’éviction pour ses concurrents considérés comme étant aussi efficaces qu’elle-même, renforçant sa position dominante en recourant à des moyens autres que ceux qui relèvent d’une concurrence par les mérites. Dans cette perspective, toute concurrence par les prix ne peut être considérée comme légitime (voir arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 136 et jurisprudence citée).

88

Il a été jugé, à cet égard, que l’exploitation abusive d’une position dominante interdite par l’article 102 TFUE est une notion objective qui vise les comportements d’une entreprise en position dominante qui, sur un marché où, à la suite précisément de la présence de l’entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli, ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou des services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence (voir arrêts du 19 avril 2012, Tomra Systems e.a./Commission, C‑549/10 P, EU:C:2012:221, point 17 et jurisprudence citée, et du 9 septembre 2009, Clearstream/Commission, T‑301/04, EU:T:2009:317, point 140 et jurisprudence citée).

89

L’article 102 TFUE vise non seulement les pratiques qui causent un préjudice immédiat aux consommateurs, mais également celles qui leur causent un préjudice en portant atteinte au jeu de la concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 27 mars 2012, Post Danmark, C‑209/10, EU:C:2012:172, point 20 et jurisprudence citée, et du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, point 171).

90

L’effet sur la situation concurrentielle auquel il est fait référence au point 88 ci-dessus ne concerne pas nécessairement l’effet concret du comportement abusif dénoncé. Aux fins de l’établissement d’une violation de l’article 102 TFUE, il y a lieu de démontrer que le comportement abusif de l’entreprise en position dominante tend à restreindre la concurrence ou, en d’autres termes, que le comportement est de nature à avoir un tel effet ou est susceptible d’avoir un tel effet (arrêt du 19 avril 2012, Tomra Systems e.a./Commission, C‑549/10 P, EU:C:2012:221, point 68 ; voir, également, arrêts du 9 septembre 2009, Clearstream/Commission, T‑301/04, EU:T:2009:317, point 144 et jurisprudence citée, et du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, point 268 et jurisprudence citée).

91

Par ailleurs, en ce qui concerne le caractère abusif d’une pratique aboutissant à la compression des marges, il convient de relever que l’article 102, second alinéa, sous a), TFUE interdit explicitement le fait pour une entreprise dominante d’imposer de façon directe ou indirecte des prix non équitables (arrêts du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, point 25, et du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, point 173). La liste des pratiques abusives figurant à l’article 102 TFUE n’étant néanmoins pas limitative, l’énumération des pratiques abusives contenues dans cette disposition n’épuise pas les modes d’exploitation abusive de position dominante interdits par le droit de l’Union (arrêts du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission, 6/72, EU:C:1973:22, point 26 ; du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, point 26, et du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, point 174).

92

En l’espèce, il convient de préciser que l’argumentation présentée par la requérante dans la première branche du présent moyen concerne uniquement le critère juridique appliqué par la Commission, dans la septième partie de la décision attaquée (considérants 355 à 821), en vue de qualifier une série de comportements de Slovak Telekom au cours de la période en cause de « refus de fourniture ». En revanche, la requérante ne conteste pas l’existence même des comportements constatés par la Commission dans cette partie de la décision attaquée. Ainsi qu’il ressort des considérants 2 et 1507 de ladite décision, ces comportements, qui ont contribué à l’identification par la Commission d’une infraction unique et continue à l’article 102 TFUE (considérant 1511 de la décision attaquée), ont consisté, premièrement, en une dissimulation aux opérateurs alternatifs d’informations relatives au réseau de Slovak Telekom, nécessaires au dégroupage de la boucle locale de cet opérateur, deuxièmement, en une réduction par Slovak Telekom de ses obligations relatives au dégroupage découlant du cadre réglementaire applicable et, troisièmement, en la fixation par ledit opérateur de plusieurs clauses et conditions inéquitables dans son offre de référence en matière de dégroupage.

93

Par ailleurs, et ainsi que l’a confirmé la requérante lors de l’audience, la première branche du premier moyen ne vise pas à remettre en cause l’analyse du comportement de Slovak Telekom ayant consisté en une compression des marges opérée par la Commission dans la huitième partie de la décision attaquée (considérants 822 à 1045 de la décision attaquée). En effet, dans son recours, la requérante ne conteste pas que ce type de comportement constitue une forme autonome d’abus différente du refus de fourniture d’accès et dont l’existence n’est, dès lors, pas soumise aux critères établis dans l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569) (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 75 et jurisprudence citée).

94

Ainsi, en substance, la requérante reproche à la Commission d’avoir qualifié les comportements rappelés au point 92 ci-dessus de « refus de fourniture » d’accès à la boucle locale de Slovak Telekom sans avoir vérifié le caractère « indispensable » d’un tel accès, au sens de la troisième condition édictée au point 41 de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569).

95

Dans cet arrêt, la Cour a certes considéré que, afin que le refus par une entreprise en position dominante d’accorder l’accès à un service puisse constituer un abus au sens de l’article 102 TFUE, il faut que ce refus soit de nature à éliminer toute concurrence sur le marché de la part du demandeur du service, que ce refus ne puisse être objectivement justifié et que le service en lui-même soit indispensable à l’exercice de l’activité du demandeur (arrêt du 26 novembre 1998, Bronner, C‑7/97, EU:C:1998:569, point 41 ; voir, également, arrêt du 9 septembre 2009, Clearstream/Commission, T‑301/04, EU:T:2009:317, point 147 et jurisprudence citée).

96

Par ailleurs, il ressort des points 43 et 44 de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), que, pour déterminer si un produit ou un service est indispensable pour permettre à une entreprise d’exercer son activité sur un marché déterminé, il convient de rechercher s’il existe des produits ou des services constituant des solutions alternatives, même si elles sont moins avantageuses, et s’il existe des obstacles techniques, réglementaires ou économiques de nature à rendre impossible, ou du moins déraisonnablement difficile, pour toute entreprise entendant opérer sur ledit marché la création, éventuellement en collaboration avec d’autres opérateurs, de produits ou de services alternatifs. Selon le point 46 de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), pour pouvoir admettre l’existence d’obstacles de nature économique, il doit à tout le moins être établi que la création de ces produits ou services n’est pas économiquement rentable pour une production à une échelle comparable à celle de l’entreprise contrôlant le produit ou le service existant (arrêt du 29 avril 2004, IMS Health, C‑418/01, EU:C:2004:257, point 28).

97

Toutefois, en l’espèce, dès lors que la réglementation relative au secteur des télécommunications définit le cadre juridique applicable à celui-ci et que, ce faisant, elle contribue à déterminer les conditions de concurrence dans lesquelles une entreprise de télécommunications exerce ses activités sur les marchés concernés, ladite réglementation constitue un élément pertinent pour l’application de l’article 102 TFUE aux comportements adoptés par cette entreprise, notamment pour apprécier le caractère abusif de tels comportements (arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, EU:C:2010:603, point 224).

98

Comme le fait valoir à juste titre la Commission, les conditions rappelées au point 95 ci-dessus ont été édictées et appliquées dans le contexte d’affaires dans lesquelles était en jeu la question de savoir si l’article 102 TFUE pouvait être de nature à requérir de l’entreprise en position dominante qu’elle fournisse à d’autres entreprises l’accès à un produit ou à un service, en l’absence de toute obligation réglementaire en ce sens.

99

Un tel contexte diffère de celui de la présente affaire, dans laquelle le TUSR a, par une décision du 8 mars 2005 confirmée par le directeur de cette autorité le 14 juin 2005, imposé à Slovak Telekom d’accéder à toutes les demandes de dégroupage de sa boucle locale considérées comme raisonnables et justifiées, afin de permettre à des opérateurs alternatifs, sur cette base, d’offrir leurs propres services sur le marché de détail de masse (ou grand public) des services à haut débit en position fixe en Slovaquie (voir point 9 ci-dessus). Cette obligation résultait de la volonté des autorités publiques d’inciter Slovak Telekom et ses concurrents à investir et à innover, tout en veillant à ce que la concurrence sur le marché soit préservée (considérants 218, 373, 388, 1053 et 1129 de la décision attaquée).

100

Comme cela est exposé aux considérants 37 à 46 de la décision attaquée, la décision du TUSR, prise en application de la loi no 610/2003, mettait en œuvre en Slovaquie l’exigence d’accès dégroupé à la boucle locale des opérateurs puissants sur le marché de la fourniture de réseaux téléphoniques publics fixes, prévue à l’article 3 du règlement no 2887/2000. Le législateur de l’Union a justifié cette exigence, au considérant 6 dudit règlement, par la circonstance qu'« [i]l ne serait pas économiquement viable pour les nouveaux arrivants de reproduire l’infrastructure d’accès local métallique des opérateurs en place, dans sa totalité et dans un laps de temps raisonnable[, l]es autres infrastructures [...] n’offr[a]nt en général ni la même fonctionnalité, ni la même densité de couverture ».

101

Ainsi, étant donné que le cadre réglementaire pertinent reconnaissait clairement la nécessité d’un accès à la boucle locale de Slovak Telekom, en vue de permettre l’émergence et le développement d’une concurrence efficace sur le marché slovaque des services Internet à haut débit, la démonstration, par la Commission, qu’un tel accès présentait bien un caractère indispensable au sens de la dernière condition édictée au point 41 de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), n’était pas requise.

102

Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel l’existence d’une obligation réglementaire d’accès à la boucle locale de Slovak Telekom ne signifie pas qu’un tel accès devait également être accordé en vertu de l’article 102 TFUE, dès lors qu’une telle obligation réglementaire ex ante poursuit d’autres objectifs et est soumise à d’autres conditions que le contrôle ex post du comportement d’une entreprise dominante, au titre dudit article.

103

En effet, il suffit, pour rejeter cet argument, de souligner que les éléments qui figurent aux points 97 à 101 ci-dessus ne reposent pas sur la prémisse selon laquelle l’obligation faite à Slovak Telekom d’accorder l’accès dégroupé à sa boucle locale résulterait de l’article 102 TFUE, mais se bornent à souligner, conformément à la jurisprudence citée au point 97 ci-dessus, que l’existence d’une telle obligation réglementaire constitue un élément pertinent du contexte économique et juridique dans lequel il convient d’apprécier si les pratiques de Slovak Telekom examinées dans la septième partie de la décision attaquée pouvaient être qualifiées de pratiques abusives au sens de cette disposition.

104

Au demeurant, la référence opérée par la requérante au point 113 de l’arrêt du 10 avril 2008, Deutsche Telekom/Commission (T‑271/03, EU:T:2008:101), en vue de soutenir l’argument rappelé au point 102 ci-dessus manque de pertinence. Le Tribunal a certes relevé, audit point, que les autorités réglementaires nationales agissent conformément au droit national, lequel peut avoir des objectifs qui diffèrent de ceux de la politique de l’Union en matière de concurrence. Ce point de raisonnement visait à étayer le rejet par le Tribunal de l’argument de la requérante, invoqué dans cette affaire, selon lequel, en substance, le contrôle ex ante de ses tarifs par l’autorité de régulation des télécommunications et des postes allemande excluait que l’article 102 TFUE puisse être appliqué à une éventuelle compression des marges résultant de ses tarifs pour l’accès dégroupé à sa propre boucle locale. Ce point était dès lors étranger à la question de savoir si l’existence d’une obligation réglementaire d’accès à la boucle locale de l’opérateur dominant est pertinente en vue d’apprécier la conformité de ses conditions d’accès avec l’article 102 TFUE.

105

Il résulte de ce qui précède qu’il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir omis d’établir le caractère indispensable de l’accès au réseau en cause.

106

Il y a lieu d’ajouter qu’un tel reproche ne saurait être davantage opposé à la Commission s’il devait être estimé que le refus implicite d’accès en cause était visé par les considérations de l’arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83). Dans cet arrêt, la Cour a jugé qu’il ne saurait être déduit des points 48 et 49 de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), que les conditions nécessaires afin d’établir l’existence d’un refus abusif de fourniture, qui faisait l’objet de la première question préjudicielle examinée dans cette dernière affaire, doivent nécessairement s’appliquer également dans le cadre de l’appréciation du caractère abusif d’un comportement consistant à soumettre la fourniture de services ou la vente de produits à des conditions désavantageuses ou auxquelles l’acheteur pourrait ne pas être intéressé (arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, point 55). À cet égard, la Cour a relevé que de tels comportements pourraient, en soi, être constitutifs d’une forme autonome d’abus différent du refus de fourniture (arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, point 56).

107

La Cour a indiqué par ailleurs qu’une interprétation différente de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), reviendrait à exiger, afin que tout comportement d’une entreprise dominante concernant les conditions commerciales de celle-ci puisse être considéré comme étant abusif, que soient toujours remplies les conditions requises pour établir l’existence d’un refus de livrer, ce qui réduirait indûment l’effet utile de l’article 102 TFUE (arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, point 58).

108

La requérante souligne à juste titre sur ce point que la pratique en cause dans l’affaire au principal examinée par la Cour dans l’arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83), consistait uniquement, ainsi qu’il ressort du point 8 de cet arrêt, en une possible compression des marges pratiquée par l’opérateur historique suédois du réseau de téléphonie fixe en vue de décourager les demandes d’opérateurs alternatifs d’accéder à sa boucle locale. Il ne saurait pour autant en être déduit que l’interprétation qu’a donnée la Cour de la portée des conditions posées au point 41 de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), est limitée à cette seule forme de comportement abusif et ne couvre pas des pratiques non strictement tarifaires telles que celles examinées en l’espèce par la Commission dans la septième partie de la décision attaquée (voir points 27 à 41 ci-dessus).

109

En effet, il convient tout d’abord de constater que, aux points 55 à 58 de l’arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83), la Cour ne s’est pas référée à la forme particulière d’abus que constitue la compression des marges d’opérateurs concurrents sur un marché en aval, mais plutôt à la « fourniture de services ou [à] la vente de produits à des conditions désavantageuses ou auxquelles l’acheteur pourrait ne pas être intéressé » ainsi qu’aux « conditions commerciales » fixées par l’entreprise dominante. Un tel libellé suggère que les pratiques d’éviction auxquelles il était ainsi fait référence concernaient non pas uniquement une compression des marges, mais aussi d’autres pratiques commerciales de nature à produire des effets d’éviction illicites pour des concurrents actuels ou potentiels, du type de celles qualifiées par la Commission de refus implicite de fourniture d’accès à la boucle locale de Slovak Telekom (voir, en ce sens, considérant 366 de la décision attaquée).

110

Cette lecture de l’arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83), est confortée par le renvoi opéré par la Cour, dans cette partie de son analyse, aux points 48 et 49 de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569). Ces points étaient en effet consacrés à la seconde question préjudicielle soumise à la Cour dans cette affaire et concernaient non pas le refus par l’entreprise dominante en cause dans le litige au principal de donner accès à son système de portage à domicile à l’éditeur d’un quotidien concurrent, examiné dans le cadre de la première question, mais l’éventuelle qualification d’abus de position dominante d’une pratique qui aurait consisté pour cette entreprise à soumettre un tel accès à la condition que l’éditeur en question lui confiât en même temps l’exécution d’autres services, tels que la vente dans les kiosques ou l’impression.

111

À cet égard, ne saurait être retenu l’argument de la requérante selon lequel, en substance, l’application en l’espèce du raisonnement suivi aux points 55 à 58 de l’arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83), aboutirait au résultat illogique que la démonstration d’un refus implicite de fourniture serait plus aisée que celle tenant à un refus pur et simple de fourniture, alors même que ce dernier type de comportement constitue une forme plus grave d’abus de position dominante. En effet, il suffit de constater que cet argument repose sur une prémisse erronée, à savoir que la gravité d’une infraction à l’article 102 TFUE consistant en un refus d’une entreprise dominante de fournir un produit ou un service à d’autres entreprises dépendrait uniquement de sa forme. Or, la gravité d’une telle infraction est susceptible de dépendre de nombreux facteurs indépendants du caractère explicite ou implicite dudit refus, tels l’étendue géographique de l’infraction, son caractère intentionnel, ou encore ses effets sur le marché. Les lignes directrices de 2006 confirment cette analyse lorsqu’elles indiquent, à leur point 20, que l’appréciation de la gravité d’une infraction à l’article 101 ou 102 TFUE est faite au cas par cas pour chaque type d’infraction, en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce.

112

Enfin, il doit être rappelé que, au point 69 de l’arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83), la Cour a relevé que le caractère indispensable du produit de gros pouvait être pertinent afin d’apprécier les effets d’une compression des marges. Toutefois, en l’espèce, force est de constater que la requérante n’a invoqué l’obligation pour la Commission de démontrer le caractère indispensable de l’accès dégroupé à la boucle locale de Slovak Telekom qu’à l’appui de son allégation selon laquelle la Commission n’aurait pas appliqué le critère juridique adéquat lors de son appréciation des pratiques examinées dans la septième partie de la décision attaquée (voir, par analogie, arrêt du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, point 182), et non en vue de remettre en cause l’appréciation par la Commission des effets anticoncurrentiels desdites pratiques, opérée dans la neuvième partie de ladite décision (considérants 1046 à 1109 de la décision attaquée).

113

Quant à la référence faite par la requérante au point 79 de la communication relative aux orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article [102 TFUE] aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes (JO 2009, C 45, p. 7), elle manque de pertinence en l’espèce.

114

En effet, d’une part, comme le relève à juste titre la Commission, la distinction opérée audit point entre un refus pur et simple et un « refus implicite » de fourniture n’est accompagnée d’aucune précision quant aux critères juridiques pertinents en vue d’aboutir, dans chacune de ces hypothèses, au constat d’une infraction à l’article 102 TFUE. D’autre part et en tout état de cause, cette communication indique qu’elle a pour seul objet de définir les priorités guidant l’action de la Commission dans l’application de l’article 102 TFUE aux pratiques d’éviction auxquelles se livrent les entreprises dominantes, et non pas d’établir le droit applicable (voir points 2 et 3 de la communication).

115

Compte tenu de ce qui précède, il convient de conclure que la qualification des comportements de Slovak Telekom examinés dans la septième partie de la décision attaquée de pratiques abusives au sens de l’article 102 TFUE ne supposait pas que la Commission établisse que l’accès à la boucle locale de Slovak Telekom était indispensable à l’exercice de l’activité des opérateurs concurrents sur le marché de détail pour les services à haut débit fixe en Slovaquie, au sens de la jurisprudence citée au point 96 ci-dessus.

116

Il résulte des éléments qui précèdent que la première branche du premier moyen doit être rejetée comme non fondée.

c)   Sur la deuxième branche, tirée d’une violation du droit de la requérante à être entendue en ce qui concerne le calcul de la compression des marges

117

Par la deuxième branche de son premier moyen, la requérante soutient que la Commission a méconnu à double titre son droit d’être entendue au stade de la procédure administrative.

118

Premièrement, la Commission aurait porté à la connaissance de la requérante un ensemble d’éléments nouveaux lors d’une réunion d’information qui s’est tenue le 29 septembre 2014. Un document intitulé « Calcul de la compression des marges (résultats préliminaires) » [Margin squeeze calculation (preliminary results)], communiqué à la requérante à cette occasion, aurait fait apparaître que la marge réalisée par Slovak Telekom en 2005 était positive sur la base d’un calcul des marges période par période (année par année). Ce document contiendrait par ailleurs des chiffres auxquels la requérante n’avait pas eu accès avant la réunion d’information. Enfin, la Commission aurait indiqué, lors de cette réunion, son intention, d’une part, d’appliquer une approche sur plusieurs périodes (ou pluriannuelle) pour le calcul des marges entre le 12 août 2005 et le 31 décembre 2010 et, d’autre part, de constater ainsi une marge négative également pour l’année 2005. Or, cette annonce aurait surpris tant la requérante que Slovak Telekom, aucune d’elles n’ayant jusque-là suggéré une telle méthode.

119

À la suite d’une demande présentée par la requérante, la Commission aurait informé celle-ci, le 1er octobre 2014, qu’elle pouvait lui communiquer ses observations sur ces éléments pour le 3 octobre 2014 au plus tard. Or, dès lors que cette dernière date était un jour férié légal en Allemagne, la requérante aurait disposé de moins de deux jours ouvrables pour présenter ses observations. Certains des chiffres utilisés pour le calcul révisé de la compression des marges ayant été fournis par Slovak Telekom dans sa réponse à l’exposé des faits et la requérante n’ayant pas eu accès à celle-ci, la Commission a, par lettre du 7 octobre 2014, autorisé la requérante à consulter cette réponse et à formuler ses observations sur celle-ci, au plus tard, pour le 9 octobre au soir.

120

Selon la requérante, ces délais très courts l’ont, en pratique, privée de toute possibilité réelle de faire connaître son point de vue sur les éléments nouveaux portés à sa connaissance le 29 septembre 2014, et ce alors même que lesdits éléments ont été pris en compte dans la décision attaquée. La requérante souligne que les données chiffrées présentées pour la première fois par la Commission à cette date étaient non seulement nouvelles, du fait notamment de l’utilisation des CMILT, mais aussi complexes. Elle n’aurait pas été en mesure de soumettre ces nouvelles données chiffrées à des économistes, ce qui lui aurait certainement permis d’influencer l’appréciation par la Commission de la durée de la compression des marges ayant fait l’objet de l’enquête.

121

Deuxièmement, la requérante reproche à la Commission d’avoir procédé dans la décision attaquée à des corrections et ajustements des données fournies par Slovak Telekom pour calculer les CMILT, sans toutefois l’avoir préalablement informée de ses objections à cet égard et, par conséquent, en l’ayant privée de toute possibilité de faire valoir utilement son point de vue.

122

La Commission conteste ces arguments.

123

Il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense dans la conduite des procédures administratives en matière de politique de la concurrence constitue un principe général du droit de l’Union, dont les juridictions de l’Union assurent le respect (voir arrêt du 18 juin 2013, ICF/Commission, T‑406/08, EU:T:2013:322, point 115 et jurisprudence citée).

124

Ce principe exige que l’entreprise intéressée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction aux règles de la concurrence. En ce sens, l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 prévoit l’envoi aux parties d’une communication des griefs. Cette communication doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure (arrêt du 5 décembre 2013, SNIA/Commission, C‑448/11 P, non publié, EU:C:2013:801, points 41 et 42).

125

Cette exigence est respectée dès lors que la décision définitive ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer au cours de la procédure (voir, en ce sens, arrêts du 24 mai 2012, MasterCard e.a./Commission, T‑111/08, EU:T:2012:260, point 266, et du 18 juin 2013, ICF/Commission, T‑406/08, EU:T:2013:322, point 117).

126

Toutefois, l’énonciation des éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde dans la communication des griefs peut être faite de manière sommaire et la décision ne doit pas nécessairement être une copie de la communication des griefs, car cette communication constitue un document préparatoire dont les appréciations de fait et de droit ont un caractère purement provisoire (voir, en ce sens, arrêts du 17 novembre 1987, British American Tobacco et Reynolds Industries/Commission, 142/84 et 156/84, EU:C:1987:490, point 70 ; du 5 décembre 2013, SNIA/Commission, C‑448/11 P, non publié, EU:C:2013:801, point 42 et jurisprudence citée, et du 24 mai 2012, MasterCard e.a./Commission, T‑111/08, EU:T:2012:260, point 267). Sont ainsi admissibles des ajouts à la communication des griefs effectués à la lumière du mémoire en réponse des parties, dont les arguments démontrent qu’elles ont effectivement pu exercer leurs droits de la défense. La Commission peut également, au vu de la procédure administrative, réviser ou ajouter des arguments de fait ou de droit à l’appui des griefs qu’elle a formulés (arrêt du 9 septembre 2011, Alliance One International/Commission, T‑25/06, EU:T:2011:442, point 181). En conséquence, jusqu’à ce qu’une décision finale soit adoptée, la Commission peut, au vu notamment des observations écrites ou orales des parties, soit abandonner certains ou même la totalité des griefs initialement articulés à leur égard et modifier ainsi sa position en leur faveur, soit, à l’inverse, décider d’ajouter de nouveaux griefs, pour autant qu’elle donne aux entreprises concernées l’occasion de faire valoir leur point de vue à ce sujet (voir arrêt du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑191/98 et T‑212/98 à T‑214/98, EU:T:2003:245, point 115 et jurisprudence citée).

127

Il découle du caractère provisoire de la qualification juridique des faits retenue dans la communication des griefs que la décision finale de la Commission ne saurait être annulée au seul motif que les conclusions définitives tirées de ces faits ne correspondent pas de manière précise à ladite qualification provisoire (arrêt du 5 décembre 2013, SNIA/Commission, C‑448/11 P, non publié, EU:C:2013:801, point 43). La prise en compte d’un argument avancé par une partie au cours de la procédure administrative, sans qu’elle ait été mise en mesure de s’exprimer, à cet égard, avant l’adoption de la décision finale, ne saurait dès lors constituer, en tant que telle, une violation de ses droits de la défense, lorsque la prise en compte de cet argument ne modifie pas la nature des griefs qui lui ont été adressés (voir, en ce sens, ordonnance du 10 juillet 2001, Irish Sugar/Commission, C‑497/99 P, EU:C:2001:393, point 24 ; arrêts du 28 février 2002, Compagnie générale maritime e.a./Commission, T‑86/95, EU:T:2002:50, point 447, et du 9 septembre 2011, Alliance One International/Commission, T‑25/06, EU:T:2011:442, point 182).

128

En effet, la Commission doit entendre les destinataires d’une communication des griefs et, le cas échéant, tenir compte de leurs observations visant à répondre aux griefs retenus en modifiant son analyse, précisément pour respecter leurs droits de la défense. Il doit ainsi être permis à la Commission de préciser cette qualification dans sa décision finale, en tenant compte des éléments résultant de la procédure administrative, soit pour abandonner des griefs qui se seraient révélés mal fondés, soit pour aménager et compléter tant en fait qu’en droit son argumentation à l’appui des griefs qu’elle retient, à condition toutefois qu’elle ne retienne que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer et qu’elle ait fourni, au cours de la procédure administrative, les éléments nécessaires à leur défense (voir arrêts du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, EU:C:2009:505, point 40 et jurisprudence citée, et du 5 décembre 2013, SNIA/Commission, C‑448/11 P, non publié, EU:C:2013:801, point 44 et jurisprudence citée).

129

Enfin, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, il y a une violation des droits de la défense lorsqu’il existe une possibilité que, en raison d’une irrégularité commise par la Commission, la procédure administrative menée par elle ait pu aboutir à un résultat différent. Une entreprise requérante établit qu’une telle violation a eu lieu lorsqu’elle démontre à suffisance non pas que la décision de la Commission aurait eu un contenu différent, mais bien qu’elle aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de l’irrégularité, par exemple en raison du fait qu’elle aurait pu utiliser pour sa défense des documents dont l’accès lui a été refusé lors de la procédure administrative (voir arrêts du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, EU:C:2003:527, point 31 et jurisprudence citée, et du 24 mai 2012, MasterCard e.a./Commission, T‑111/08, EU:T:2012:260, point 269 et jurisprudence citée ; arrêt du 9 septembre 2015, Philips/Commission, T‑92/13, non publié, EU:T:2015:605, point 93).

130

C’est à la lumière de ces principes qu’il convient tout d’abord d’examiner le premier grief de la requérante, selon lequel son droit à être entendue aurait été méconnu dès lors qu’elle n’a pas été en mesure de faire connaître utilement son point de vue, au cours de la procédure administrative, sur des éléments nouveaux portés à sa connaissance lors de la réunion d’information organisée par la Commission le 29 septembre 2014 et dont il aurait été tenu compte dans la décision attaquée. Ces éléments consistaient, premièrement, en de nouveaux chiffres concernant les calculs de compression des marges de Slovak Telekom, deuxièmement, en la circonstance que la marge pour l’année 2005 était positive sur la base d’un calcul des marges période par période (année par année) et, troisièmement, en l’intention manifestée par la Commission lors de cette réunion d’appliquer au surplus une méthode sur plusieurs périodes (pluriannuelle) de calcul des marges lui permettant de conclure à l’existence d’une marge négative également pour l’année 2005.

131

En ce qui concerne les deux premiers éléments, d’une part, il convient certes de relever que, aux termes du considérant 1010 de la décision attaquée, les marges identifiées pour l’année 2005 ont été positives en ce qui concerne les trois portefeuilles de services analysés. Cela contraste avec le calcul de compression des marges pour l’accès à la boucle locale de Slovak Telekom qui figurait dans la communication des griefs et qui faisait apparaître que la marge calculée pour cette même année était négative (voir tableau 88 et considérant 1203 de la communication des griefs). D’autre part, il est constant que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas repris l’ensemble des chiffres utilisés en vue du calcul de compression des marges dans la communication des griefs et que cette modification a donné lieu à l’identification dans ladite décision de marges différentes de celles calculées à titre prévisionnel dans cette communication.

132

Toutefois, comme la Commission le relève à juste titre dans ses écritures, sans être contredite par la requérante, ces changements concernant les calculs de compression des marges ont résulté de la prise en considération des données et des calculs fournis par Slovak Telekom elle-même en réponse à la communication des griefs. Cette prise en considération apparaît ainsi, notamment, aux considérants 910, 945, 963 et 984 de la décision attaquée. Il ressort, par ailleurs, des considérants 946 (note en bas de page no 1405) et 1000 de la décision attaquée que la Commission a tenu compte, lors de l’adoption de celle-ci, de l’actualisation des calculs de compression des marges fournie par Slovak Telekom dans sa réponse à la lettre d’exposé des faits (voir point 21 ci-dessus).

133

Ce faisant, en ce qui concerne son appréciation de la compression des marges, la Commission n’a pas modifié, dans la décision attaquée, la nature des griefs retenus à l’encontre de Slovak Telekom et, par extension, à l’encontre de la requérante en sa qualité de société mère, en mettant à leur charge des faits sur lesquels celles-ci n’auraient pas eu l’occasion de s’exprimer au cours de la procédure administrative. En effet, elle s’est bornée à tenir compte des objections formulées par Slovak Telekom au cours de ladite procédure en vue d’aménager et de compléter son analyse de la compression des marges contenue dans la communication des griefs. Cette prise en compte ayant précisément visé à satisfaire aux exigences rappelées au point 128 ci-dessus, le droit des parties à être entendues au cours de la procédure administrative ne requérait pas qu’une possibilité leur soit à nouveau offerte de faire connaître leur point de vue sur les calculs révisés de compression des marges préalablement à l’adoption de la décision attaquée.

134

En ce qui concerne le troisième élément cité au point 130 ci-dessus, relatif à la méthode de calcul de la compression des marges sur plusieurs périodes (pluriannuelle), il y a lieu de souligner que, au point 1281 de sa réponse à la communication des griefs reproduit dans le mémoire en défense de la Commission, Slovak Telekom s’est opposée à l’utilisation exclusive de la méthode période par période (année par année), qui avait été proposée par la Commission dans la communication des griefs.

135

En effet, Slovak Telekom a fait valoir en substance que, dans le secteur des télécommunications, les opérateurs étudiaient leur capacité à obtenir un rendement raisonnable sur une période plus longue qu’une année. Elle a ainsi suggéré, notamment, que l’examen d’une compression des marges soit complété par une analyse sur plusieurs périodes, dans laquelle la marge totale serait évaluée sur plusieurs années. Il découle par ailleurs du considérant 587 de la réponse de la requérante à la communication des griefs que celle-ci s’est ralliée à cette objection.

136

Or, comme il ressort du considérant 859 de la décision attaquée, la Commission a utilisé une approche sur plusieurs périodes (pluriannuelle) pour tenir compte de cette objection et afin d’établir si cette approche modifiait sa conclusion selon laquelle les tarifs pratiqués par Slovak Telekom auprès des opérateurs alternatifs pour l’accès dégroupé à sa boucle locale avaient entraîné une compression des marges au cours des années 2005 à 2010.

137

Dans le cadre de cet examen additionnel, dont le résultat figure aux considérants 1013 et 1014 de la décision attaquée, la Commission a identifié une marge totale négative en ce qui concerne chaque portefeuille de services, d’une part, pour la période comprise entre les années 2005 et 2010 (tableau 39 au considérant 1013 de la décision attaquée) et, d’autre part, pour la période comprise entre les années 2005 et 2008 (tableau 40 au considérant 1014 de la décision attaquée). La Commission en a déduit, au considérant 1015 de la décision attaquée, que l’analyse pluriannuelle (sur plusieurs périodes) ne modifiait pas son constat tenant à l’existence d’une compression des marges résultant d’une analyse période par période (année par année).

138

Il découle de ce qui précède que, d’une part, dans le cadre de l’établissement d’une compression des marges dans la décision attaquée, l’analyse sur plusieurs périodes (pluriannuelle) a fait suite à l’objection, formulée par Slovak Telekom dans sa réponse à la communication des griefs et à laquelle s’est ralliée la requérante, au sujet de la méthode de calcul des marges période par période (année par année). D’autre part, l’analyse sur plusieurs périodes (pluriannuelle) des marges pour l’accès dégroupé à la boucle locale de Slovak Telekom a, dans la décision attaquée, eu pour objet de s’ajouter à l’analyse période par période (année par année) figurant aux considérants 1175 à 1222 de ladite décision, sans se substituer à cette dernière analyse. Par ailleurs, l’analyse additionnelle sur plusieurs périodes (pluriannuelle) a conduit la Commission à conforter son constat tenant à l’existence d’une compression des marges sur le marché slovaque des services Internet à haut débit entre le 12 août 2005 et le 31 décembre 2010.

139

Partant, comme le soutient en substance la Commission, l’analyse sur plusieurs périodes (pluriannuelle) n’a pas eu pour conséquence de retenir à la charge de la requérante et de Slovak Telekom des faits sur lesquels ces dernières n’ont pas eu l’occasion de s’expliquer au cours de la procédure administrative, en modifiant la nature des griefs retenus à leur égard, mais seulement de procéder à une analyse additionnelle de la compression des marges résultant des tarifs pratiqués par Slovak Telekom pour l’accès dégroupé à sa boucle locale, à la lumière d’une objection soulevée par Slovak Telekom en réponse à la communication des griefs.

140

Dans ces circonstances, conformément à la jurisprudence citée aux points 127 et 128 ci-dessus, le droit de la requérante à être entendue n’exigeait pas de la Commission, préalablement à l’adoption de la décision attaquée, qu’elle lui offrît la possibilité de formuler de nouvelles observations au sujet de l’analyse de la compression des marges pour l’accès dégroupé à la boucle locale de Slovak Telekom fondée sur plusieurs périodes. Il y a lieu de souligner qu’une solution différente serait incompatible avec la jurisprudence rappelée au point 127 ci-dessus, dès lors qu’elle reviendrait à faire obstacle à ce que la décision attaquée contienne des éléments sur lesquels les parties n’ont pas spécifiquement été en mesure de se prononcer au cours de la procédure administrative, et ce même lorsque lesdits éléments ne modifient pas la nature des griefs retenus à leur égard.

141

Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel, en substance, la méthode de calcul de la compression des marges appliquée par la Commission dans le cadre de cet examen additionnel ne correspondrait pas à la méthode proposée par Slovak Telekom dans sa réponse à la communication des griefs et prétendument fondée sur la pratique décisionnelle de la Commission, cette dernière ayant en l’espèce utilisé l’analyse sur plusieurs périodes (pluriannuelle) dans le but d’augmenter la durée de l’infraction.

142

D’une part, cet argument repose sur une lecture erronée de la décision attaquée dans la mesure où, au terme de l’analyse période par période (année par année), la Commission était déjà parvenue à la conclusion qu’un concurrent aussi efficace que Slovak Telekom n’aurait pu, entre le 12 août 2005 et le 31 décembre 2010, reproduire de manière rentable le portefeuille de détail de Slovak Telekom comprenant les services à haut débit (considérant 1012 de la décision attaquée). Il ressort notamment du considérant 998 de la décision attaquée que, selon la Commission, l’existence d’une marge positive entre août et décembre 2005 ne faisait pas obstacle à ce que cette période soit incluse dans la période d’infraction sous la forme d’une compression des marges, dès lors que les opérateurs considèrent leur capacité à obtenir un rendement sur une période plus longue. En d’autres termes, la Commission a établi la durée de la pratique aboutissant à la compression des marges sur la base de l’approche période par période (année par année) et l’approche sur plusieurs périodes (pluriannuelle) a été utilisée uniquement à titre supplémentaire.

143

D’autre part et en tout état de cause, il découle de la jurisprudence citée au point 128 ci-dessus que le respect du droit de la requérante à être entendue imposait uniquement à la Commission de tenir compte, en vue de l’adoption de la décision attaquée, de la critique concernant la méthode de calcul des marges présentée par Slovak Telekom en réponse à la communication des griefs et partagée par la requérante (voir point 135 ci-dessus). En revanche, ce droit n’impliquait nullement que la Commission doive nécessairement aboutir au résultat auquel la requérante aspirait en se ralliant à la critique soumise par Slovak Telekom, à savoir le constat de l’absence de toute compression des marges entre le 12 août 2005 et le 31 décembre 2010.

144

À titre surabondant, c’est-à-dire à supposer que la Commission fût tenue d’offrir spécifiquement à la requérante la possibilité d’être entendue sur les éléments rappelés au point 130 ci-dessus préalablement à l’adoption de la décision attaquée, il conviendrait de constater qu’une telle exigence aurait été respectée. En effet, certes, les délais accordés par la Commission à la requérante pour formuler ses observations sur ces éléments étaient particulièrement brefs. Toutefois, il ne saurait en être déduit qu’ils privaient celle-ci de toute possibilité d’être utilement entendue à cet égard, compte tenu, premièrement, du stade très avancé de la procédure administrative auquel la réunion du 29 septembre 2014 a eu lieu, soit plus de deux ans et quatre mois après l’envoi de la communication des griefs et, deuxièmement, du degré élevé de connaissance du dossier qu’il est raisonnable de considérer que la requérante avait acquis à ce moment.

145

Il s’ensuit que le premier grief de la deuxième branche du présent moyen doit être rejeté.

146

Il convient également de rejeter le second grief, par lequel la requérante soutient que la Commission a méconnu son droit à être entendue en ne lui permettant pas de faire valoir utilement son point de vue au cours de la procédure administrative au sujet des corrections et des ajustements, opérés dans la décision attaquée, des données fournies par Slovak Telekom pour le calcul des CMILT.

147

À cet égard, il est certes exact que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas intégralement retenu les nouvelles données concernant le calcul des CMILT fournies par Slovak Telekom à la suite de l’envoi de la communication des griefs. Ce constat peut notamment être déduit des considérants 910, 945 et 963 de la décision attaquée. Toutefois, par analogie avec le raisonnement suivi au point 143 ci-dessus, la Commission ne saurait être tenue d’entendre à nouveau les parties lorsqu’elle envisage de ne pas retenir dans sa décision finale l’ensemble des objections formulées par celles-ci en réponse à la communication des griefs, sauf lorsque cela la conduit à modifier la nature des griefs retenus à leur égard.

148

La circonstance relevée au point précédent n’ayant pas eu pour effet de modifier les principaux éléments de fait et de droit sur lesquels reposaient les charges retenues à l’encontre de la requérante durant la procédure administrative, la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée dans son ensemble comme non fondée.

d)   Sur la troisième branche, tirée d’erreurs lors du calcul des coûts moyens incrémentaux à long terme (CMILT)

149

Dans une troisième branche, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir correctement calculé les CMILT de Slovak Telekom, c’est-à-dire les coûts que cet opérateur n’aurait pas eu à supporter s’il n’avait pas proposé les services correspondants. En effet, le rapport de consultance produit par Slovak Telekom en annexe à sa réponse à la communication des griefs (ci-après le « rapport de consultance ») proposait d’ajuster les actifs de Slovak Telekom au niveau d’un opérateur efficace qui concevrait un réseau de façon optimale en vue de répondre à la demande tant actuelle que future (ci-après les « ajustements d’optimisation »). Or, la Commission n’aurait finalement pas procédé à de tels ajustements. Plus précisément, la Commission n’aurait pas accepté de procéder au remplacement des actifs existants par leurs équivalents modernes (modern asset equivalent). Elle n’aurait pas davantage pris en compte la diminution des actifs sur la base de la capacité actuellement utilisée. Cette approche serait critiquable aux motifs que la Commission a par ailleurs accepté une réévaluation des actifs de Slovak Telekom dans la décision attaquée, que l’ajustement proposé dans le rapport de consultance reposait bien sur les coûts historiques de cet opérateur et non sur les coûts d’un concurrent hypothétique et que ces coûts doivent être appréciés par référence à un concurrent efficace. De surcroît, la requérante souligne que le calcul des CMILT figurant dans le rapport de consultance tenait compte d’une capacité de réserve suffisante pour Slovak Telekom et, contrairement à ce qu’allègue la Commission, ne prenait pas pour référence un concurrent pleinement efficace. Selon la requérante, en l’absence de cette erreur de calcul, la Commission aurait nécessairement conclu à l’existence de marges supérieures, voire positives pour certaines années, en raison d’une réévaluation vers le bas des CMILT.

150

La Commission conteste cette argumentation.

151

En ce qui concerne les arguments avancés par la requérante, il convient tout d’abord de relever que Slovak Telekom a proposé dans sa réponse à la communication des griefs, en se fondant sur le rapport de consultance, une méthode fondée sur la comptabilité en coûts actuels, au moyen de l’estimation des coûts en aval pour la période comprise entre 2005 et 2010 sur la base des données à partir de l’année 2011 (considérant 881 de la décision attaquée). En particulier, Slovak Telekom a soutenu, dans cette réponse, qu’il convenait, lors du calcul des CMILT, d’une part, de réévaluer les actifs et, d’autre part, de tenir compte des inefficiences de son réseau pour l’offre de haut débit. S’agissant, notamment, de la prise en compte de ces inefficiences, Slovak Telekom a proposé de procéder à des ajustements d’optimisation, à savoir, premièrement, le remplacement des actifs existants par leurs équivalents modernes, plus efficaces et moins coûteux (modern asset equivalent), deuxièmement, le maintien dans la mesure du possible de la cohérence technologique et, troisièmement, la diminution des actifs sur la base de la capacité actuellement utilisée par opposition à la capacité installée.

152

Dans ses propres calculs des CMILT, Slovak Telekom a ainsi ajusté le coût en capital des actifs ainsi que leurs valeurs d’amortissement au cours des années 2005 à 2010, de même que les frais d’exploitation desdits actifs, en se fondant sur le facteur d’ajustement moyen pondéré calculé par l’auteur du rapport de consultance pour l’année 2011 (considérant 897 de la décision attaquée). Slovak Telekom a fait valoir que les ajustements d’optimisation suggérés reflétaient la capacité de réserve identifiée dans les éléments dudit réseau, à savoir des actifs retirés de ce dernier, car ne faisant pas l’objet d’un usage productif, mais qui n’avaient pas encore été vendus par cet opérateur (considérant 898 de la décision attaquée).

153

La Commission a néanmoins refusé de procéder à ces ajustements d’optimisation dans la décision attaquée.

154

En premier lieu, s’agissant du remplacement des actifs existants par leurs équivalents plus modernes, la Commission a indiqué, au considérant 900 de la décision attaquée, qu’un tel remplacement ne pouvait être admis, dès lors qu’il reviendrait à ajuster les coûts sans procéder à un ajustement adéquat des amortissements. La Commission a renvoyé sur ce point aux considérants 889 à 893 de la décision attaquée, dans lesquels elle a exposé des doutes quant à l’ajustement, tel qu’il avait été proposé par Slovak Telekom, des coûts des actifs pour la période comprise entre 2005 et 2010 suggéré par Slovak Telekom. En outre, la Commission a estimé, au considérant 901 de la décision attaquée, qu’un tel remplacement des actifs existants n’était pas conforme au critère du concurrent aussi efficace. En effet, la jurisprudence aurait confirmé que le caractère abusif des pratiques tarifaires d’un opérateur dominant est en principe déterminé par rapport à sa propre situation. Or, en l’espèce, l’ajustement des CMILT suggéré par Slovak Telekom serait fondé sur un ensemble d’actifs hypothétiques et non sur les mêmes actifs que ceux détenus par cet opérateur.

155

En second lieu, s’agissant de la prise en compte de la capacité excédentaire des réseaux sur la base de la capacité « actuellement » utilisée, la Commission a relevé, au considérant 902 de la décision attaquée, en substance, que, dès lors que les investissements se fondent sur une prévision de la demande, il était inévitable que, dans le cadre d’un examen rétrospectif, certaines capacités demeurent parfois inutilisées.

156

Aucun des griefs formulés par la requérante à l’encontre de cette partie de la décision attaquée ne saurait être retenu.

157

Premièrement, c’est à tort que la requérante soutient qu’il existe une contradiction entre, d’une part, le rejet des ajustements d’optimisation des CMILT et, d’autre part, l’acceptation, au considérant 894 de la décision attaquée, de la réévaluation des actifs proposée par Slovak Telekom. La requérante ne saurait davantage faire valoir, dans la réplique, que la Commission aurait dû accepter les ajustements d’optimisation proposés par Slovak Telekom au motif que, comme pour la réévaluation des actifs, la Commission ne disposait pas de coûts historiques fiables en ce qui concernait les ajustements d’optimisation.

158

En effet, la réévaluation des actifs était fondée sur les actifs que Slovak Telekom détenait en 2011. En ce qui concerne cette réévaluation et ainsi qu’il ressort des considérants 885 à 894 de la décision attaquée, la Commission a souligné qu’elle ne disposait pas des données reflétant mieux les coûts des actifs à haut débit incrémentaux de Slovak Telekom pour la période comprise entre 2005 et 2010. Pour cette raison, la Commission a, dans l’analyse de la compression des marges qui figure dans la décision attaquée, inclus la réévaluation des actifs existants de Slovak Telekom proposée par cette dernière. Cependant, la Commission a précisé que ladite réévaluation était susceptible d’entraîner une sous-estimation des coûts des actifs en aval.

159

Par comparaison, ainsi qu’il ressort du considérant 895 de la décision attaquée, les ajustements d’optimisation proposés par Slovak Telekom consistaient à corriger les actifs au niveau approximatif d’un opérateur efficace qui construirait un réseau optimal adapté pour satisfaire une future demande fondée sur les informations « d’aujourd’hui » et les prévisions de la demande. Ces ajustements étaient fondés sur une projection ainsi que sur un modèle de réseau optimal et non sur une estimation reflétant les coûts incrémentaux des actifs existants de Slovak Telekom.

160

Il s’ensuit que les ajustements d’optimisation, en général, et le remplacement des actifs existants par leurs équivalents plus modernes, en particulier, avaient un objet différent de la réévaluation des actifs proposée par Slovak Telekom. Par ailleurs, la prise en compte, par la Commission, de la réévaluation des actifs existants proposée par Slovak Telekom, en raison de l’absence d’autres données plus fiables sur les CMILT de cet opérateur, ne supposait nullement que la Commission acceptât nécessairement les ajustements d’optimisation des CMILT. La Commission était donc fondée à traiter d’une manière différente, d’une part, le remplacement des actifs existants par leurs équivalents plus modernes et, d’autre part, la réévaluation des actifs proposée par Slovak Telekom.

161

Deuxièmement, la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle conteste la conclusion figurant au considérant 901 de la décision attaquée, selon laquelle les ajustements d’optimisation aboutiraient à calculer des CMILT sur la base des actifs d’un concurrent hypothétique et non pas sur ceux de l’opérateur historique en cause, Slovak Telekom.

162

À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’appréciation de la licéité de la politique de prix appliquée par une entreprise dominante, au regard de l’article 102 TFUE, suppose, en principe, de se référer à des critères de prix fondés sur les coûts encourus par l’entreprise dominante elle-même et sur la stratégie de celle-ci (voir arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, point 41 et jurisprudence citée ; arrêt du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, point 190 ; voir également, en ce sens, arrêt du 10 avril 2008, Deutsche Telekom/Commission, T‑271/03, EU:T:2008:101, point 188 et jurisprudence citée).

163

En particulier, s’agissant d’une pratique tarifaire aboutissant à la compression des marges, l’utilisation de tels critères d’analyse permet de vérifier si, conformément au critère du concurrent aussi efficace rappelé au point 87 ci-dessus, cette entreprise aurait été suffisamment efficace pour proposer ses prestations de détail aux clients finals autrement qu’à perte, si elle avait été préalablement obligée d’acquitter ses propres prix de gros pour les prestations intermédiaires (arrêts du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, point 42, et du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, point 191 ; voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, EU:C:2010:603, point 201).

164

Une telle approche est d’autant plus justifiée qu’elle est également conforme au principe général de sécurité juridique dès lors que la prise en compte des coûts de l’entreprise dominante permet à celle-ci, eu égard à la responsabilité particulière qui lui incombe au titre de l’article 102 TFUE, d’apprécier la légalité de ses propres comportements. En effet, si une entreprise dominante connaît ses propres coûts et tarifs, elle ne connaît en principe pas ceux de ses concurrents (arrêts du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, EU:C:2010:603, point 202 ; du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, point 44, et du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, point 192).

165

La Cour a certes précisé, aux points 45 et 46 de l’arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83), qu’il ne pouvait être exclu que les coûts et les prix des concurrents puissent être pertinents dans l’examen de la pratique aboutissant à la compression des marges. Il ressort toutefois de cet arrêt que ce n’est que lorsqu’il n’est pas possible, compte tenu des circonstances, de faire référence aux prix et aux coûts de l’entreprise dominante qu’il convient d’examiner ceux des concurrents sur le même marché, ce que la requérante n’a pas soutenu en l’espèce (voir, par analogie, arrêt du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, point 193).

166

En l’espèce, d’une part, le remplacement des actifs existants par leurs équivalents plus modernes visait à ajuster les coûts des actifs en retenant la valeur des actifs « actuels », sans toutefois procéder à des ajustements adéquats des amortissements (considérant 900 de la décision attaquée). Ce remplacement aurait conduit à calculer la compression des marges sur la base d’actifs hypothétiques, c’est-à-dire d’actifs ne correspondant pas à ceux que Slovak Telekom détenait. Les coûts afférents aux actifs de Slovak Telekom auraient donc été sous-estimés (considérants 893 et 900). D’autre part, la prise en compte de la capacité excédentaire des réseaux sur la base de la capacité « actuellement » utilisée aurait eu pour résultat d’exclure les actifs de Slovak Telekom ne faisant pas l’objet d’un usage productif (voir point 152 ci-dessus).

167

Dès lors, au regard des principes rappelés aux points 162 à 165 ci-dessus, la Commission a pu conclure sans commettre d’erreur que les ajustements d’optimisation des CMILT proposés par Slovak Telekom auraient conduit, lors du calcul de la compression des marges, à s’écarter des coûts encourus par cet opérateur lui-même entre le 12 août 2005 et le 31 décembre 2010.

168

Enfin, la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle soutient que, dans la décision attaquée, la Commission a méconnu le principe selon lequel l’examen d’une compression des marges doit se fonder sur un concurrent efficace, lorsqu’elle a relevé en substance qu’il était inévitable que certaines capacités demeurent parfois inutilisées (considérant 902 de la décision attaquée). En effet, il résulte des principes rappelés aux points 162 et 163 ci-dessus que l’examen d’une pratique tarifaire aboutissant à la compression des marges consiste, en substance, à apprécier si un concurrent aussi efficace que l’opérateur dominant serait susceptible de proposer les services concernés aux clients finals autrement qu’à perte. Un tel examen ne s’opère dès lors pas par référence à un opérateur parfaitement efficace au regard des conditions du marché à l’époque d’une telle pratique. Or, si la Commission avait accepté les ajustements d’optimisation liés aux capacités excédentaires, les calculs des CMILT de Slovak Telekom auraient reflété les coûts liés à un réseau optimal correspondant à la demande et ne souffrant pas des inefficiences du réseau de cet opérateur, à savoir les coûts d’un concurrent plus efficace que Slovak Telekom. Dès lors, en l’espèce, bien qu’il soit constant qu’une partie des actifs pertinents de Slovak Telekom est demeurée inutilisée entre le 12 août 2005 et le 31 décembre 2010, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a pu inclure ladite partie des actifs, en d’autres termes la capacité excédentaire, dans le calcul des CMILT.

169

Il résulte de ce qui précède qu’il convient de rejeter la troisième branche du premier moyen comme non fondée de même que ce moyen dans son ensemble.

2.   Sur le deuxième moyen, pris d’erreurs de droit et de fait s’agissant de la durée du comportement abusif de Slovak Telekom

170

Par son deuxième moyen, la requérante soutient, en se ralliant à l’argumentation présentée sur ce point par Slovak Telekom dans l’affaire T‑851/14, que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et méconnaît les principes d’égalité de traitement et de sécurité juridique dans la mesure où elle conclut à l’existence d’une infraction à compter du 12 août 2005. Elle se fonde à cet égard sur trois griefs. Par son premier grief, la requérante fait valoir, en substance, que la Commission a erronément considéré que le refus implicite d’accès à la boucle locale a débuté le 12 août 2005, c’est-à-dire à la date à laquelle Slovak Telekom a publié son offre de référence. Par ses deuxième et troisième griefs, la requérante soutient en substance que c’est à tort que la Commission a conclu à l’existence d’une compression des marges au cours de l’année 2005.

a)   Observations liminaires

[omissis]

172

Deuxièmement, sur le fond, il convient tout d’abord de rappeler que, ainsi que cela a été souligné au point 90 ci-dessus, dans la perspective de prouver un abus de position dominante au sens de l’article 102 TFUE, il suffit de démontrer que le comportement abusif de l’entreprise en position dominante tend à restreindre la concurrence ou que le comportement est susceptible d’avoir un tel effet. Ainsi, si la pratique d’une entreprise en position dominante ne saurait être qualifiée d’abusive en l’absence du moindre effet anticoncurrentiel sur le marché, il n’est en revanche pas requis qu’un tel effet soit nécessairement concret, étant suffisante la démonstration d’un effet anticoncurrentiel potentiel (voir arrêt du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission, C‑457/10 P, EU:C:2012:770, point 112 et jurisprudence citée).

173

En outre, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 89 ci-dessus, les pratiques qui portent atteinte au jeu de la concurrence, par exemple en empêchant ou en retardant l’entrée de concurrents sur le marché, sont couvertes par l’interdiction édictée à l’article 102 TFUE même lorsqu’elles ne causent pas un préjudice immédiat aux consommateurs.

174

En l’espèce, l’infraction à l’article 102 TFUE identifiée par la Commission a, aux termes du considérant 1497 de la décision attaquée, consisté en diverses pratiques de Slovak Telekom constitutives d’un refus de fourniture d’accès dégroupé à sa boucle locale ainsi que d’une compression des marges des opérateurs alternatifs dans le cadre de cet accès. Les pratiques ayant entraîné un refus de fourniture ont consisté, premièrement, dans une dissimulation aux opérateurs alternatifs d’informations relatives au réseau de Slovak Telekom, nécessaires au dégroupage de la boucle locale, deuxièmement, dans une réduction par Slovak Telekom de ses obligations relatives au dégroupage découlant du cadre réglementaire applicable et, troisièmement, dans la fixation par cet opérateur de plusieurs clauses et conditions inéquitables dans son offre de référence en matière de dégroupage (voir point 92 ci-dessus).

175

La Commission a par ailleurs constaté, aux considérants 1507 à 1511 de la décision attaquée, que ces diverses pratiques relevaient d’une même stratégie d’exclusion déployée par Slovak Telekom, visant à restreindre et à fausser le jeu de la concurrence sur le marché de détail pour les services à haut débit fixe en Slovaquie et à protéger les revenus et la position de cet opérateur sur ledit marché. Elle en a conclu que ces pratiques, dont la requérante devait également être tenue pour responsable en sa qualité de société mère de Slovak Telekom, relevaient d’un même plan global visant à restreindre la concurrence et constituaient dès lors une infraction unique et continue (considérant 1511 de la décision attaquée).

176

En l’espèce, et ainsi qu’elle l’a confirmé lors de l’audience, la requérante ne remet pas en cause cette qualification d’infraction unique et continue dans son recours. En revanche, par son deuxième moyen, elle conteste la conclusion figurant au considérant 1184 de la décision attaquée, selon laquelle cette infraction unique et continue a débuté le 12 août 2005, date à laquelle Slovak Telekom a publié son offre de référence en matière de dégroupage de l’accès à sa boucle locale.

177

La Commission a écarté sur ce point les arguments présentés par Slovak Telekom au cours de la procédure administrative, selon lesquels, notamment, l’infraction qui lui était reprochée n’avait pu débuter au moment de la publication de son offre de référence, dès lors que celle-ci constituait uniquement un contrat-cadre décrivant les conditions d’accès à la boucle locale et supposait dès lors des négociations avec les opérateurs alternatifs intéressés par un tel accès, et le refus de fourniture ne pouvait être identifié qu’en cas d’échec de telles négociations. La Commission a souligné à ce sujet, au considérant 1520 de la décision attaquée, qu’elle avait démontré le caractère inéquitable de plusieurs modalités et conditions prévues dans l’offre de référence pour l’obtention par un opérateur alternatif d’un accès dégroupé à la boucle locale de Slovak Telekom. Elle a considéré que l’offre de référence, qui vise à mettre en œuvre l’obligation réglementaire de dégroupage, devait dès le départ contenir des modalités et des conditions équitables.

178

De surcroît, la Commission a écarté, au considérant 1521 de la décision attaquée, l’argument de la requérante selon lequel la pratique consistant en une compression des marges par Slovak Telekom n’avait pu débuter avant le 1er janvier 2006, dès lors qu’aucune marge négative n’avait pu être identifiée en 2005. D’une part, elle a renvoyé à son analyse, figurant au considérant 998 de la décision attaquée, selon laquelle cette circonstance n’infirmait pas l’existence d’une compression des marges entre les 12 août et 31 décembre 2005, puisque, en substance, aucun opérateur alternatif n’aurait décidé d’entrer sur le marché en cause au terme d’une analyse prospective de rendement portant sur une période aussi courte. D’autre part, elle a souligné que ladite circonstance ne pouvait de toute façon pas influer sur la durée de l’infraction, dès lors que celle-ci est également constituée d’autres pratiques avec lesquelles elle forme une infraction unique et continue.

179

C’est à l’aune de ces observations liminaires qu’il convient d’examiner, d’une part, le premier grief invoqué par la requérante et tiré de ce que la Commission a erronément considéré que le refus implicite d’accès à la boucle locale a débuté le 12 août 2005 et, d’autre part, les deuxième et troisième griefs, tirés, en substance, d’erreurs commises par la Commission lorsqu’elle a conclu à l’existence d’une compression des marges au cours de l’année 2005.

b)   Sur la fixation au 12 août 2005 du début du refus implicite d’accès à la boucle locale de Slovak Telekom

180

Par son premier grief, la requérante fait valoir que l’offre de référence se serait limitée à fixer un cadre, qui ne pouvait par lui-même entraîner aucune compression des marges, mais devait être complété par des négociations individuelles avec d’éventuels candidats à l’accès dégroupé à la boucle locale. Or, ces négociations auraient abouti, dans la pratique, à des conditions plus favorables pour lesdits candidats. De même, un refus de fourniture ne pourrait être identifié qu’en cas d’échec de telles négociations. La décision attaquée ne serait pas conforme sur ce point à la pratique décisionnelle de la Commission, la requérante citant à cet égard les décisions C(2004) 1958 final, du 2 juin 2004 (affaire COMP/38.096 – Clearstream, ci-après la « décision Clearstream »), et C(2011) 4378 final, du 22 juin 2011 (affaire COMP/39.525 – Télécommunications polonaises, ci-après la « décision Télécommunications polonaises »). La demande limitée d’accès dégroupé aux boucles locales de Slovak Telekom s’expliquerait notamment par la circonstance que certains opérateurs alternatifs considéraient qu’il était plus avantageux d’entrer sur le marché en ayant recours à l’accès à haut débit ou en développant leurs propres infrastructures locales.

181

La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste cette argumentation.

182

À cet égard, il est constant que le président du TUSR a, par sa décision du 14 juin 2005, imposé à Slovak Telekom de fournir un accès dégroupé à sa boucle locale à des conditions équitables et raisonnables et que c’est en vue de satisfaire à cette obligation que Slovak Telekom a publié, le 12 août 2005, une offre de référence en matière de dégroupage (voir points 9 et 10 ci-dessus).

183

Par ailleurs, la requérante ne conteste pas la description du contenu de l’offre de référence opérée dans la section 7.6 de la décision attaquée (« Clauses et conditions inéquitables de ST »), au terme de laquelle la Commission a conclu, au considérant 820 de ladite décision, que les clauses et conditions de cette offre avaient été fixées de façon à rendre l’accès dégroupé à la boucle locale inacceptable pour les opérateurs alternatifs.

184

Or, il ressort de cette partie de la décision attaquée que les pratiques abusives qui y ont été qualifiées de « refus de fourniture » par la Commission résultaient, pour l’essentiel, de l’offre de référence elle-même.

185

Ainsi, s’agissant, premièrement, de la dissimulation aux opérateurs alternatifs d’informations relatives au réseau de Slovak Telekom, nécessaires au dégroupage de la boucle locale, il ressort tout d’abord du considérant 439 de la décision attaquée que la Commission a estimé que l’offre de référence ne contenait pas les informations de base concernant les emplacements des points d’accès physiques et la disponibilité des boucles locales dans des parties bien déterminées du réseau d’accès. Par ailleurs, aux considérants 443 à 528 de la décision attaquée, la Commission a certes examiné les informations relatives au réseau fournies par Slovak Telekom à la demande d’un opérateur alternatif dans la perspective d’un dégroupage. Toutefois, il ressort également de cette partie de la décision attaquée que les modalités d’accès à de telles informations considérées par la Commission comme inéquitables et, partant, dissuasives pour les opérateurs alternatifs résultaient de l’offre de référence elle-même. La Commission a notamment critiqué la circonstance, en premier lieu, que l’offre de référence n’avait pas déterminé la portée exacte des informations relatives au réseau que Slovak Telekom mettrait à la disposition des opérateurs alternatifs, en spécifiant les catégories d’informations concernées (considérant 507 de la décision attaquée), en deuxième lieu, que ladite offre ne prévoyait l’accès aux informations provenant de systèmes d’information non publics qu’après la conclusion de l’accord-cadre sur l’accès à la boucle locale (considérant 510 de la décision attaquée) et, en troisième lieu, que cette offre subordonnait un tel accès aux informations relatives au réseau de Slovak Telekom au paiement par l’opérateur alternatif de redevances élevées (considérants 519 et 527 de la décision attaquée).

186

S’agissant, deuxièmement, de la réduction par Slovak Telekom de la portée de son obligation réglementaire en matière d’accès dégroupé à la boucle locale, tout d’abord, il ressort des considérants 535 et 536 de la décision attaquée que la limitation de ladite obligation aux seules lignes actives (voir point 32 ci-dessus), reprochée par la Commission à Slovak Telekom, résultait du point 5.2 de la partie introductive de son offre de référence. Ensuite, il ressort en particulier des considérants 570, 572, 577, 578 et 584 de la décision attaquée que c’est au regard de stipulations contenues à l’annexe 3 de l’offre de référence que la Commission a déduit que Slovak Telekom avait exclu de manière injustifiée les services en conflit de son obligation en matière d’accès dégroupé à la boucle locale (voir point 33 ci-dessus). Enfin, il découle du considérant 606 de la décision attaquée que la règle de limitation d’utilisation du câble de 25 %, imposée par Slovak Telekom pour l’accès dégroupé à la boucle locale et considérée par la Commission comme injustifiée (voir point 34 ci-dessus), découlait de l’annexe 8 de l’offre de référence.

187

S’agissant, troisièmement, de la fixation par Slovak Telekom de conditions inéquitables en matière de dégroupage concernant la colocalisation, les prévisions, les réparations, l’entretien, la maintenance ainsi que la constitution d’une garantie bancaire, celles-ci résultaient toutes, ainsi que cela est démontré à la section 7.6.4 de la décision attaquée, de l’offre de référence publiée par cet opérateur le 12 août 2005. Aussi, les clauses considérées comme inéquitables par la Commission étaient-elles contenues aux annexes 4, 5, 14 et 15 de ladite offre en ce qui concerne la colocalisation (considérants 653, 655 et 683 de la décision attaquée), aux annexes 12 et 14 en ce qui concerne l’obligation de prévision par les opérateurs alternatifs (considérants 719 et 726 à 728 de la décision attaquée), à l’annexe 5 en ce qui concerne la procédure de qualification des boucles locales (considérants 740, 743, 767, 768 et 774 de la décision attaquée), à l’annexe 11 en ce qui concerne les clauses et conditions relatives aux réparations, à l’entretien et à la maintenance (considérants 780, 781, 787, 790 et 796 de la décision attaquée) et aux annexes 5 et 17 en ce qui concerne la garantie bancaire exigée de l’opérateur alternatif candidat à l’accès dégroupé (considérants 800, 802 à 807, 815 et 816 de la décision attaquée).

188

Il s’ensuit que, à supposer même que certaines de ces modalités d’accès aient été susceptibles de faire l’objet d’assouplissements dans le cadre de négociations bilatérales entre Slovak Telekom et des opérateurs candidats à l’accès, ce que la requérante se limite à affirmer sans preuve à l’appui, la Commission a conclu à juste titre que l’offre de référence publiée le 12 août 2005 avait pu dissuader dès cette date la présentation de demandes d’accès par des opérateurs alternatifs, en raison des clauses et des conditions inéquitables qu’elle contenait.

189

Dans ces circonstances, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a considéré que Slovak Telekom avait, en raison des modalités d’accès figurant dans son offre de référence publiée le 12 août 2005, compromis l’entrée d’opérateurs alternatifs sur le marché de détail de masse (ou grand public) pour les services à haut débit en position fixe en Slovaquie, en dépit de l’obligation qui pesait sur elle en ce sens en vertu de la décision du TUSR, et que ce comportement était dès lors de nature à avoir de tels effets négatifs sur la concurrence dès cette date (voir, notamment, considérants 1048, 1050, 1109, 1184 et 1520 de la décision attaquée).

190

Cette conclusion n’est pas contredite par l’allégation de la requérante, formulée dans la réplique, selon laquelle la demande limitée des opérateurs alternatifs pour obtenir l’accès dégroupé à la boucle locale de Slovak Telekom s’expliquait, d’une part, par la circonstance que l’accès de gros au haut débit [wholesale broadband access (WBA) ou bitstream], offert au moyen de produits dénommés « ISP Gate/ADSL Partner », représentait pour ces opérateurs une alternative intéressante en vue d’entrer sur le marché de détail compte tenu des investissements sensiblement moindres qu’il nécessitait et, d’autre part, par la préférence manifestée par certains opérateurs alternatifs d’entrer sur le marché au moyen de leurs propres infrastructures locales. Il suffit de constater que cette allégation, par laquelle la requérante vise à contester de manière générale les effets anticoncurrentiels des pratiques litigieuses, n’est aucunement étayée et n’est dès lors pas susceptible de remettre en cause l’analyse desdits effets par la Commission aux considérants 1049 à 1183 de la décision attaquée.

191

Au demeurant, la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle conteste la date du début de l’infraction retenue par la Commission en l’espèce par référence à l’approche retenue dans la décision Clearstream et dans la décision Télécommunications polonaises. En effet, sans même qu’il y ait lieu d’établir si de telles décisions sont susceptibles de relever du cadre juridique pertinent pour apprécier la légalité de la décision attaquée, ce que conteste la Commission, il suffit de constater qu’elles sont intervenues dans un contexte différent de celui de la présente affaire et qu’elles ne sont dès lors pas de nature à établir que la Commission s’est écartée dans la décision attaquée de sa pratique décisionnelle antérieure.

192

Ainsi, s’agissant de la décision Clearstream, il suffit de souligner que cette décision, à la différence de la décision attaquée en l’espèce, est intervenue dans un contexte caractérisé par l’absence de toute obligation réglementaire pour l’entreprise titulaire de l’infrastructure en cause d’octroyer à d’autres entreprises un accès à ladite infrastructure ainsi que par l’absence d’obligation faite à cette entreprise de publier une offre de référence précisant les modalités et conditions d’un tel accès.

193

S’agissant de la décision Télécommunications polonaises, la Commission y a constaté que l’opérateur historique en cause avait abusé de sa position dominante sur le marché polonais de gros de l’accès au haut débit et de l’accès dégroupé à la boucle locale, en refusant de donner accès à son réseau et de fournir des produits de gros relevant desdits marchés afin de protéger sa position sur le marché de détail. En outre, le contexte de l’affaire Télécommunications polonaises se caractérisait par une obligation réglementaire d’accès analogue à celle pesant sur Slovak Telekom dans la présente affaire ainsi que par l’exigence faite à l’opérateur de télécommunications polonais en cause de publier une offre de référence pour l’accès dégroupé à sa boucle locale. Cependant, il ressort d’une analyse détaillée de la décision Télécommunications polonaises que l’approche suivie dans cette décision ne présente aucune contradiction avec celle retenue dans la décision attaquée. En effet, dans la décision Télécommunications polonaises, la Commission a relevé que la stratégie anticoncurrentielle de l’opérateur dominant ne s’était pour l’essentiel matérialisée qu’au cours des négociations avec des opérateurs alternatifs candidats à l’obtention d’un accès dégroupé à la boucle locale ainsi que d’un accès de gros aux services de haut débit de l’opérateur dominant. Ainsi, les conditions déraisonnables d’accès résultaient des propositions de contrats d’accès faites par l’opérateur dominant en cause dans le cadre des négociations avec des opérateurs alternatifs. Par ailleurs, le retardement du processus de négociation des accords d’accès n’avait, par hypothèse, pas pu être identifié dès la publication de la première offre de référence de l’opérateur dominant. En outre, la limitation de l’accès à son réseau par l’opérateur dominant s’est développée à un stade postérieur à la conclusion des accords d’accès de gros avec les opérateurs alternatifs. De plus, la limitation d’accès effectif aux lignes d’abonnés est intervenue après l’obtention par l’opérateur alternatif concerné d’un accès à un espace de colocalisation ou de l’autorisation d’installer un câble de correspondance. Enfin, les problèmes d’accès à des informations générales fiables et exactes indispensables aux opérateurs alternatifs pour prendre des décisions en matière d’accès s’étaient manifestés à chaque étape du processus d’accès au réseau de l’opérateur dominant. Les comportements de l’opérateur dominant dans l’affaire Télécommunications polonaises différaient donc des pratiques qui ont été qualifiées de « refus de fourniture » par la Commission dans la décision attaquée, lesquelles, ainsi qu’il ressort de l’analyse figurant aux points 184 à 189 ci-dessus, résultaient pour l’essentiel de l’offre de référence pour l’accès dégroupé à la boucle locale de Slovak Telekom elle-même. Ces différences justifient que, à la différence de la décision Télécommunications polonaises dans laquelle le point de départ de l’infraction à l’article 102 TFUE a été fixé à la date à laquelle avaient débuté les premières négociations d’accès entre l’opérateur dominant en cause et un opérateur alternatif, postérieure de plusieurs mois à la publication de la première offre de référence (considérant 909 et note en bas de page no 1259 de la décision attaquée), la Commission ait retenu, en l’espèce, le 12 août 2005, à savoir la date de publication de l’offre de référence, comme date de début du refus implicite d’accès à la boucle locale.

194

Le premier grief, pris d’une erreur commise par la Commission lorsqu’elle a considéré que le refus implicite d’accès à la boucle locale avait débuté le 12 août 2005, doit donc être rejeté comme non fondé.

195

Il convient d’ajouter que la requérante ne conteste pas la qualification d’infraction unique et continue retenue par la Commission en ce qui concerne l’ensemble des pratiques mentionnées à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, à savoir a) la dissimulation aux opérateurs alternatifs des informations relatives au réseau nécessaires pour le dégroupage des boucles locales ; b) la réduction du champ d’application de ses obligations concernant le dégroupage des boucles locales ; c) la fixation de modalités et de conditions inéquitables dans son offre de référence en matière de dégroupage concernant la colocalisation, la qualification, les prévisions, les réparations et les garanties bancaires ; d) l’application de tarifs inéquitables ne permettant pas à un opérateur aussi efficace s’appuyant sur l’accès de gros aux boucles locales dégroupées de Slovak Telekom de reproduire les services de détail offerts par Slovak Telekom sans encourir de perte.

196

Dans ces circonstances, et dans la mesure où le premier grief de la requérante, pris d’une erreur commise par la Commission lorsqu’elle a considéré que le refus implicite d’accès à la boucle locale avait débuté le 12 août 2005, a été rejeté (voir point 194 ci-dessus), c’est à bon droit que la Commission a constaté que l’infraction unique et continue faisant l’objet de la décision attaquée avait débuté le 12 août 2005.

197

Cependant, cette conclusion ne fait pas obstacle à ce que le Tribunal examine les deuxième et troisième griefs invoqués par la requérante et apprécie si l’article 1er, paragraphe 2, sous d), de la décision attaquée pourrait être annulé partiellement en ce qu’il constate que, au cours de la période comprise entre le 12 août et le 31 décembre 2005, la requérante a appliqué des tarifs inéquitables ne permettant pas à un opérateur aussi efficace s’appuyant sur l’accès de gros aux boucles locales dégroupées de Slovak Telekom de reproduire les services de détail offerts par Slovak Telekom sans encourir de perte (voir, par analogie, arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission, T‑321/05, EU:T:2010:266, points 864 et 865 et point 1 du dispositif).

c)   Sur l’existence d’une compression des marges au cours de l’année 2005

198

Par ses deuxième et troisième griefs, la requérante soutient, en substance, que c’est à tort que la Commission a conclu à l’existence d’une compression des marges au cours de l’année 2005.

199

En effet, par son deuxième grief, la requérante soutient que la marge de Slovak Telekom durant l’année 2005 était positive, quel que soit le scénario envisagé. Une telle marge positive impliquant nécessairement que des concurrents aussi efficaces que Slovak Telekom ne subiraient aucune perte en cas d’entrée sur le marché, c’est à tort que la Commission aurait conclu à l’existence d’une compression des marges au cours de cette année. Il serait inexact, de surcroît, qu’une décision d’entrée sur le marché par un concurrent, en 2005, n’était pas concevable pour une période aussi brève que quatre mois et demi. À cette époque, en effet, les chiffres pour les années à venir n’étaient par hypothèse pas encore connus et ne pouvaient dès lors avoir une quelconque influence sur une telle décision d’investissement.

200

Par son troisième grief, la requérante soutient que la méthode de calcul des marges sur plusieurs périodes (pluriannuelle), qui n’avait jusqu’alors été appliquée qu’à titre additionnel et en faveur de l’entreprise concernée, aurait permis à la Commission d’identifier artificiellement des compressions de marges au cours d’années précédant celles au cours desquelles de telles compressions peuvent effectivement être constatées. Cette méthode ne saurait toutefois être utilisée pour étendre une compression des marges dans le passé. Dès lors que ni Slovak Telekom ni la requérante ne pouvaient prévoir l’évolution des tarifs après l’année 2005, conclure qu’elles ont commis une infraction dès cette époque méconnaîtrait l’article 23 du règlement no 1/2003. La circonstance que la Commission elle-même a mis plusieurs années avant d’être en mesure de présenter un calcul de compression des marges démontrerait que ni la requérante ni Slovak Telekom ne pouvaient avoir conscience que cette dernière commettait un abus sous la forme d’une telle compression à l’époque des faits.

201

La Commission rétorque, s’agissant du deuxième grief, que la légère marge positive qui a pu exister en 2005 est sans préjudice de la constatation d’une compression des marges à compter du 12 août de cette même année. Cette compression aurait en effet empêché les concurrents entrés sur le marché d’amortir leurs investissements liés à cette entrée. De surcroît, contrairement à ce qu’avance la requérante, aucun opérateur n’envisagerait d’entrer sur un marché sans perspective raisonnable de rendement sur plusieurs années.

202

Par ailleurs, la Commission répond au troisième grief en indiquant qu’elle n’a pas fixé le point de départ de l’infraction au 12 août 2005 de façon arbitraire, mais en raison de la publication à cette date de l’offre de référence et en tenant compte de la période à compter de laquelle cet opérateur était tenu de dégrouper l’accès à ses boucles locales. Quant à l’argument tiré de la violation de l’article 23 du règlement no 1/2003, la Commission rappelle qu’il suffit qu’une entreprise ait connaissance des éléments de fait relatifs à l’abus de position dominante qui lui est reproché pour établir sa responsabilité au titre de l’article 102 TFUE. En l’espèce, Slovak Telekom savait qu’un concurrent aussi efficace n’avait, dès 2005, aucune chance de réaliser une marge suffisamment positive en entrant sur le marché. Contrairement à ce qu’affirme la requérante, les coûts d’accès sur le marché de gros n’auraient d’ailleurs, pour l’essentiel, pas été litigieux. Au demeurant, la requérante n’expliquerait pas pourquoi la méthode sur plusieurs périodes (pluriannuelle) ne pourrait être utilisée que lorsqu’elle est avantageuse pour l’entreprise dominante en cause.

203

Enfin, la Commission soutient que, dès lors qu’elle a démontré l’existence de deux formes d’abus pendant toute la durée de l’infraction, l’éventuel constat de l’absence d’une compression des marges en 2005 n’impliquerait en tout état de cause pas que le 12 août 2005 ne pouvait être retenu comme date de début de l’infraction. Il s’ensuivrait qu’un tel constat ne procurerait à la requérante aucun avantage.

204

À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission a conclu, en s’appuyant sur l’approche dite « période par période » (année par année), que Slovak Telekom s’était engagée dans des pratiques de compression des marges dès le 12 août 2005. En effet, il ressort du considérant 997 de la décision attaquée que, sur la base d’une analyse portant sur chaque année durant la période en cause, un concurrent aussi efficace utilisant l’accès de gros à la boucle locale de Slovak Telekom affichait des marges négatives et ne pouvait reproduire de manière rentable le portefeuille de détail à haut débit de la requérante. Au considérant 998 de la décision attaquée, la Commission a précisé que le fait qu’il y ait eu une marge positive pendant quatre mois en 2005 n’infirmait pas cette conclusion, étant donné qu’une entrée pendant quatre mois ne pouvait être considérée comme une entrée sur une base durable. Selon la Commission, les opérateurs considèrent leur capacité à obtenir un rendement raisonnable sur une plus longue période, qui s’étend sur plusieurs années (considérant 998 de la décision attaquée). Sur cette base, la Commission a conclu, au considérant 1012 de ladite décision, que, au cours de la période allant du 12 août 2005 au 31 décembre 2010, un concurrent aussi efficace que Slovak Telekom n’aurait pu reproduire de manière rentable le portefeuille de détail de cet opérateur.

205

Toutefois, ainsi que cela a été rappelé au point 162 ci-dessus, afin d’apprécier la licéité de la politique de prix appliquée par une entreprise dominante, il y a lieu, en principe, de se référer à des critères de prix fondés sur les coûts encourus par l’entreprise dominante elle‑même et sur la stratégie de celle-ci.

206

En particulier, s’agissant d’une pratique tarifaire aboutissant à la compression des marges, l’utilisation de tels critères d’analyse permet de vérifier si cette entreprise aurait été suffisamment efficace pour proposer ses prestations de détail aux clients finals autrement qu’à perte, si elle avait été préalablement obligée d’acquitter ses propres prix de gros pour les prestations intermédiaires (voir point 163 ci-dessus et jurisprudence citée).

207

Une telle approche est d’autant plus justifiée qu’elle est également conforme au principe général de sécurité juridique dès lors que la prise en compte des coûts de l’entreprise dominante permet à celle-ci, eu égard à la responsabilité particulière qui lui incombe au titre de l’article 102 TFUE, d’apprécier la légalité de ses propres comportements. En effet, si une entreprise dominante connaît ses propres coûts et tarifs, elle ne connaît pas en principe ceux de ses concurrents. En outre, un abus d’exclusion affecte également les concurrents potentiels de l’entreprise dominante, que la perspective d’un manque de rentabilité pourrait dissuader de faire leur entrée sur le marché (voir point 164 ci-dessus et jurisprudence citée).

208

Il en découle que, pour établir les éléments constitutifs de la pratique de compression des marges, la Commission a retenu, à juste titre, au considérant 828 de la décision attaquée, le critère du concurrent aussi efficace, fondé sur la démonstration que l’entreprise dominante ne pourrait exercer des activités rentables en aval en se fondant sur le prix de gros appliqué à ses concurrents en aval et sur le prix de détail appliqué par la branche en aval de cette entreprise.

209

Or, ainsi qu’il résulte des tableaux 32 à 35 de la décision attaquée, l’analyse effectuée par la Commission a abouti, dans tous les scénarios envisagés et ainsi que cette dernière l’a elle-même admis au considérant 998 de ladite décision, à une marge positive pour la période comprise entre les 12 août et 31 décembre 2005.

210

Dans un tel cas de figure, la Cour a déjà jugé que, dans la mesure où l’entreprise occupant une position dominante fixe ses prix à un niveau qui couvre l’essentiel des coûts imputables à la commercialisation du produit ou à la fourniture de la prestation de services en question, un concurrent aussi efficace que cette entreprise a, en principe, la possibilité de concurrencer ces prix sans encourir des pertes insupportables à long terme (arrêt du 27 mars 2012, Post Danmark, C‑209/10, EU:C:2012:172, point 38).

211

Il en découle que, durant la période comprise entre les 12 août et 31 décembre 2005, un concurrent aussi efficace que Slovak Telekom avait, en principe, la possibilité de concurrencer cet opérateur sur le marché de détail des services à haut débit pour autant qu’un accès dégroupé à la boucle locale lui fût accordé, et ce sans encourir des pertes insupportables à long terme.

212

La Cour a certes jugé que, si une marge est positive, il n’est pas exclu que la Commission puisse, dans le cadre de l’examen de l’effet d’éviction d’une pratique tarifaire, démontrer que l’application de ladite pratique était, en raison, par exemple, d’une réduction de rentabilité, susceptible de rendre au moins plus difficile pour les opérateurs concernés l’exercice de leurs activités sur le marché concerné (voir, en ce sens, arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, point 74). Cette jurisprudence peut être rapprochée de l’article 2 du règlement no 1/2003, selon lequel, dans toutes les procédures d’application de l’article 102 TFUE, la charge de la preuve d’une violation de cet article incombe à la partie ou à l’autorité qui l’allègue, à savoir, en l’espèce, à la Commission.

213

Toutefois, en l’espèce, force est de constater que la Commission n’a pas démontré dans la décision attaquée que la pratique tarifaire de Slovak Telekom, au cours de la période comprise entre les 12 août et 31 décembre 2005, a emporté de tels effets d’éviction. Or, une telle démonstration s’imposait tout particulièrement en raison de la présence de marges positives.

214

La seule affirmation, au considérant 998 de la décision attaquée, que les opérateurs considèrent leur capacité à obtenir un rendement raisonnable sur une plus longue période, qui s’étend sur plusieurs années, ne saurait constituer une telle preuve. Une telle circonstance, à la supposer établie, repose en effet sur un examen prospectif de rentabilité, nécessairement aléatoire. De surcroît, dans la présente affaire, lesdites marges positives se sont présentées au tout début de la période en cause, à une époque à laquelle aucune marge négative n’avait encore pu être constatée. Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que le motif figurant au considérant 998 de la décision attaquée ne répond pas à l’exigence issue du principe de sécurité juridique et rappelée au point 164 ci-dessus, selon laquelle une entreprise dominante doit être en mesure d’apprécier la conformité de ses comportements avec l’article 102 TFUE.

215

Pour ce même motif, la constatation des marges négatives, par l’application de l’approche portant sur plusieurs périodes (pluriannuelle), ne saurait infirmer cette appréciation, dès lors que, en l’espèce, cette approche n’a abouti à un tel constat qu’au moyen d’une pondération des marges positives pour l’année 2005 avec les marges négatives constatées respectivement pour les années 2006 à 2010 (considérant 1013 de la décision attaquée) et les années 2006 à 2008 (considérant 1014 de la décision attaquée).

216

En outre, au considérant 1026 de la décision attaquée, la Commission a, sur la base de documents d’avril 2005 élaborés par le département réglementaire de Slovak Telekom et afférents à une stratégie de soumission de l’offre de référence concernant l’accès dégroupé à la boucle locale et les prix de l’ULL, considéré que cette dernière savait, dès le 12 août 2005, que les prix de gros au niveau de la boucle locale exerçaient une compression des marges des opérateurs alternatifs.

217

Cependant, il convient de souligner que, compte tenu de la présence de marges positives entre le 12 août et le 31 décembre 2005, la Commission était soumise à une obligation particulière en ce qui concernait la preuve des effets d’éviction de la pratique de compression des marges reprochée à Slovak Telekom au cours de cette période (voir la jurisprudence mentionnée au point 212 ci-dessus).

218

Ainsi, l’allégation de la Commission et les documents invoqués à son soutien ne suffisent pas à démontrer l’effet d’éviction de la pratique de compression des marges reprochée à Slovak Telekom et, par exemple, une réduction de rentabilité, susceptible de rendre au moins plus difficile pour les opérateurs concernés l’exercice de leurs activités sur le marché concerné.

219

D’ailleurs, les sections 9 et 10 de la décision attaquée, consacrées aux effets anticoncurrentiels du comportement de Slovak Telekom, ne comportent aucun examen des effets de la pratique de compression des marges alléguée au cours de la période comprise entre le 12 août et le 31 décembre 2005.

220

Dès lors, eu égard à une jurisprudence bien établie selon laquelle l’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction (arrêts du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, EU:T:2004:221, point 177, et du 12 juillet 2011, Hitachi e.a./Commission, T‑112/07, EU:T:2011:342, point 58), il convient de considérer que la Commission n’a pas apporté la preuve que la pratique aboutissant à une compression des marges par Slovak Telekom avait débuté avant le 1er janvier 2006. La décision attaquée étant, par conséquent, entachée d’une erreur d’appréciation sur ce point, il n’est pas nécessaire d’examiner si cette approche méconnaît également, ainsi que le soutient la requérante, l’article 23 du règlement no 1/2003.

221

Compte tenu de ce qui précède, le deuxième moyen invoqué par la requérante doit être partiellement accueilli et l’article 1er, paragraphe 2, sous d), de la décision attaquée doit être annulé en tant qu’il constate que, au cours de la période comprise entre le 12 août et le 31 décembre 2005, la requérante a appliqué des tarifs inéquitables ne permettant pas à un opérateur aussi efficace s’appuyant sur l’accès de gros aux boucles locales dégroupées de Slovak Telekom de reproduire les services de détail offerts par Slovak Telekom sans encourir de perte.

[omissis]

4.   Sur le quatrième moyen, pris d’une violation de la notion d’« entreprise » au sens du droit de l’Union et du principe d’individualisation des peines ainsi que d’un défaut de motivation

474

Par son quatrième moyen, la requérante soutient, dans une première branche, que la décision attaquée méconnaît la notion d’« entreprise » de même que le principe d’individualisation des peines, en ce qu’elle lui inflige au titre de la récidive et à des fins dissuasives une amende de 31070000 euros, distincte de l’amende infligée solidairement à Slovak Telekom et à elle-même et, dans une seconde branche, que la décision attaquée est entachée sur ce point d’un défaut de motivation.

475

Il convient d’examiner, premièrement, le défaut de motivation allégué et, deuxièmement, la violation alléguée de la notion d’« entreprise » et du principe d’individualisation des peines.

a)   Sur le défaut de motivation allégué

476

Par la seconde branche du quatrième moyen, la requérante reproche à la Commission de n’avoir fourni dans la décision attaquée aucune raison pour laquelle elle devrait supporter seule les majorations au titre de la récidive et de l’effet dissuasif, et d’avoir ainsi méconnu son obligation de motivation. La Commission se serait en effet limitée à établir les motifs aggravants justifiant un ajustement du montant de base de l’amende et à décréter ensuite que les majorations de l’amende devaient être supportées par la seule requérante. La décision attaquée ne permettrait pas à la requérante de comprendre le motif justifiant une telle approche, et ce d’autant plus que sa responsabilité résulte en l’espèce uniquement de la circonstance qu’une infraction commise par sa filiale Slovak Telekom lui a été imputée. Quant aux considérants 1533 et 1535 de la décision attaquée cités par la Commission dans le cadre de la présente procédure, ils permettraient certes de conclure que le chiffre d’affaires de la requérante est plus élevé que celui de Slovak Telekom. Toutefois, ces passages de la décision attaquée ne permettraient pas de comprendre pourquoi Slovak Telekom devait échapper à l’amende spécifiquement infligée à la requérante.

477

La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste cette argumentation.

478

Selon une jurisprudence bien établie, l’obligation de motiver une décision individuelle a pour but de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de cette décision et de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si ladite décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir, en ce sens, arrêts du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, EU:C:1983:313, point 14, et du 29 février 2016, Schenker/Commission, T‑265/12, EU:T:2016:111, point 230).

479

En l’espèce, s’agissant de la partie de l’amende infligée à la seule requérante et reflétant l’augmentation pour cause de récidive du montant de l’amende infligée solidairement à la requérante et à Slovak Telekom, il ressort sans ambiguïté des considérants 1525 à 1531 de la décision attaquée que ladite augmentation a été justifiée par la circonstance que la requérante, dont la responsabilité dans l’infraction en cause en l’espèce a pu être établie, avait déjà été sanctionnée pour une infraction similaire dans la décision Deutsche Telekom. Or, si ce passage de la décision attaquée n’expose pas pourquoi la requérante seule devait être tenue de supporter les conséquences de cette récidive, à l’exclusion de Slovak Telekom, il résulte implicitement de ladite décision que ce résultat était dû à la circonstance que seule la requérante avait été tenue pour responsable de l’infraction en cause dans la décision Deutsche Telekom et avait à ce titre été destinataire de cette décision.

480

S’agissant de la partie de l’amende infligée à la seule requérante et reflétant l’application d’un coefficient multiplicateur de 1,2 à des fins dissuasives, la Commission a souligné au considérant 1533 de la décision attaquée, premièrement, que le chiffre d’affaires mondial de la requérante s’élevait en 2013 à 60,132 milliards d’euros, deuxièmement, que la valeur des ventes des produits pertinents pour l’infraction en cause représentait moins de 0,067 % de ce chiffre d’affaires et, troisièmement, que la requérante était responsable de l’infraction commise par Slovak Telekom. La Commission en a déduit, aux considérants 1534 et 1535 de la décision attaquée, que la requérante devait, au titre du point 30 des lignes directrices de 2006, se voir infliger une amende plus élevée que l’amende de base augmentée de 50 % pour cause de récidive, afin d’assurer à ladite amende un effet dissuasif suffisant. Bien que ce passage de la décision attaquée n’expose pas pourquoi le résultat de l’application du coefficient multiplicateur de 1,2 ne devait pas être supporté également par Slovak Telekom, il résulte implicitement du raisonnement suivi par la Commission que cette approche était motivée par la circonstance que cette filiale avait un chiffre d’affaires nettement moins élevé que celui de la requérante au moment où a été adoptée la décision attaquée, et que l’amende de 38838000 euros présentait ainsi, à l’égard de ladite filiale, un effet dissuasif suffisant.

481

Il s’ensuit que, quand bien même la motivation de la décision attaquée apparaît sommaire s’agissant de l’amende infligée individuellement à la requérante, elle lui a fourni une indication suffisante quant au bien-fondé de la décision attaquée sur ce point et lui a ainsi permis d’en contester utilement la validité. De même, cette motivation permet au Tribunal d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée s’agissant de l’amende infligée individuellement à la requérante.

482

La seconde branche du quatrième moyen, tirée d’un défaut de motivation, doit donc être rejetée.

b)   Sur la violation de la notion d’« entreprise » au sens du droit de l’Union et du principe d’individualisation des peines

483

Par la première branche de son quatrième moyen, la requérante relève que l’amende spécifique qui lui a été infligée dans la décision attaquée résulte de deux circonstances dont la Commission a tenu compte dans ladite décision, à savoir, d’une part, la taille de l’entreprise dont elle fait partie, justifiant selon la Commission l’application d’un facteur de multiplication de l’amende de 1,2 et, d’autre part, la circonstance qu’elle avait déjà été tenue pour responsable d’une infraction similaire dans la décision Deutsche Telekom, justifiant une majoration du montant de base de l’amende de 50 %. Or, la requérante souligne que, dans la décision attaquée, la Commission retient sa responsabilité non pas en raison de sa participation directe aux faits constitutifs de l’infraction, mais en raison de ses liens avec Slovak Telekom. De surcroît, aux termes de la décision attaquée, la requérante et Slovak Telekom faisaient partie de la même entreprise non seulement durant l’ensemble de la période d’infraction, mais aussi à la date à laquelle a été adoptée la décision Deutsche Telekom, la prise de participation majoritaire de la requérante dans le capital de Slovak Telekom datant du 4 août 2000 et la structure de cette participation étant restée inchangée depuis lors.

484

Compte tenu de ces circonstances, la requérante soutient que c’est en méconnaissance de la notion d’« entreprise » en droit de l’Union et du principe d’individualisation des peines et des sanctions que la Commission lui a infligé une amende distincte. Ce principe exigerait, conformément à l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, que le montant de l’amende soit déterminé en fonction, d’une part, de la gravité de l’infraction individuellement reprochée à l’entreprise concernée et, d’autre part, de la durée de celle-ci. Ainsi, il résulterait de la jurisprudence de la Cour que la Commission peut infliger des amendes différentes uniquement à des entreprises différentes et non à différentes sociétés lorsque celles-ci font partie de la même entreprise. En effet, le principe d’individualisation des peines ne s’appliquerait pas à la relation interne entre différentes personnes morales composant une entreprise. Comme le confirmerait la pratique décisionnelle de la Commission, une amende distincte ne se justifierait que lorsque, du point de vue juridique, la composition de l’entreprise concernée a évolué durant la période pertinente et que, partant, des entreprises différentes peuvent être identifiées. Dès lors que tel n’a pas été le cas en l’espèce, la Commission ne pouvait infliger à la requérante une amende plus élevée que celle infligée à Slovak Telekom sans méconnaître le principe d’individualisation des peines et des sanctions. De plus, sous réserve d’évolutions dans la structure de l’entreprise responsable de l’infraction, le plafond de 10 % prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 devrait être calculé sur la base du chiffre d’affaires global de l’entreprise en question. S’agissant de la récidive, la requérante soutient que, dès lors qu’elle a elle-même commis l’infraction sanctionnée dans la décision Deutsche Telekom, il n’y a pas lieu de déterminer si Slovak Telekom faisait déjà partie de l’entreprise responsable de ladite infraction à l’époque à laquelle celle-ci a été commise. La seule considération pertinente à ce stade résiderait dans le fait que cette dernière entreprise a commis cette infraction et que la société du groupe qu’il convient de sanctionner désormais fait actuellement partie de cette même entreprise.

485

La requérante ajoute encore, en ce qui concerne le risque de récidive, qu’il pouvait en tout état de cause être considéré en l’espèce que Slovak Telekom non seulement faisait déjà partie de l’entreprise responsable de l’infraction sanctionnée dans la décision Deutsche Telekom, mais avait eu connaissance de cette infraction, compte tenu de la large publicité dont la décision sanctionnant celle-ci avait bénéficié. S’agissant de l’effet dissuasif, la requérante souligne en substance que, à suivre le raisonnement de la Commission, elle-même et Slovak Telekom font partie de la même entreprise et qu’il est, dès lors, erroné de tirer argument de leur taille différente aux fins du calcul du montant de l’amende.

486

Enfin, la requérante soutient, à titre subsidiaire, que la Commission ne dispose pas d’une marge d’appréciation telle qu’elle pourrait décider librement, sans raison objective, d’infliger une amende à une société d’un groupe et non à une autre société du même groupe. Or, en l’espèce, il serait inopportun de privilégier la société qui a commis les faits constitutifs de l’infraction et d’accorder un traitement moins favorable à sa société mère, dont la responsabilité n’est retenue qu’à titre purement dérivé.

487

La Commission s’oppose à ces arguments. Selon elle, la seule circonstance que la requérante possédait 51 % du capital social de Slovak Telekom à l’époque à laquelle l’infraction sanctionnée dans la décision Deutsche Telekom a été commise ne signifie pas que Slovak Telekom appartenait à l’entreprise ayant commis cette infraction. L’argumentation de la requérante procéderait, sur ce point, d’une prémisse erronée, dès lors que l’entreprise responsable de l’abus de position dominante en cause dans la décision Deutsche Telekom était uniquement composée de cette dernière société, et non de la requérante et de Slovak Telekom. Or, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission, lorsqu’elle sanctionne une infraction au droit de la concurrence, disposerait d’une large marge d’appréciation afin de tenir compte de la situation distincte de sociétés au sein d’un groupe. La Cour n’aurait à aucun moment sous-entendu qu’une telle marge de manœuvre serait limitée aux situations dans lesquelles la composition de l’entreprise en cause aurait évolué.

488

Cette conclusion ne serait pas incompatible avec le principe d’individualisation des peines et des sanctions, lequel impliquerait seulement que le montant de l’amende doit être déterminé en fonction de la gravité de l’infraction individuellement reprochée à l’entreprise concernée. Il s’ensuit que la sanction appliquée aux personnes morales qui composent l’entreprise qui a commis l’infraction ne pourrait dépasser ce qui se justifie au regard de celle-ci. En revanche, il ne découlerait pas du principe d’individualisation des peines et des sanctions que la Commission est tenue d’infliger la même amende à toutes les personnes morales qui composent l’entreprise en question.

489

En l’espèce, la Commission aurait fait usage de la large marge d’appréciation dont elle bénéficie en considérant que Slovak Telekom, qui est une société de taille relativement petite, ne devait pas être tenue pour responsable du paiement de la totalité des amendes infligées. À l’inverse, une majoration à des fins dissuasives se justifiait dans le cas de la requérante, dès lors que cette dernière est une très grande société et qu’une amende inférieure n’aurait pas d’effet dissuasif sur elle. La Commission souligne à cet égard que, dès lors que la jurisprudence admet qu’elle est libre de ne pas sanctionner une société mère bien qu’elle appartienne à une entreprise qui a enfreint le droit de la concurrence de l’Union, elle devrait a fortiori être en mesure, pour des raisons objectives, d’infliger à une société appartenant à une entreprise responsable d’une telle infraction une partie seulement de l’amende globale qui en résulte. La requérante n’aurait au demeurant avancé aucun argument de nature à établir qu’il était illégal pour la Commission de lui appliquer la circonstance aggravante de récidive ainsi que la majoration à des fins dissuasives.

490

La Commission souligne encore qu’une présomption d’influence déterminante de la requérante sur le comportement de Slovak Telekom sur le marché ne s’appliquait ni lorsqu’a été commise l’infraction ayant donné lieu à la décision Deutsche Telekom ni au cours de la période durant laquelle a été commise l’infraction sanctionnée dans la décision attaquée. Or, en l’absence de preuve concrète que Slovak Telekom et la requérante faisaient déjà partie de la même entreprise à l’époque où a été commise l’infraction en cause dans la décision Deutsche Telekom, la Commission ne pouvait majorer l’amende infligée à Slovak Telekom pour cause de récidive. En revanche, dès lors que la requérante était destinataire de la décision Deutsche Telekom, la Commission estime qu’elle devait être en mesure d’appliquer à celle-ci une majoration pour cause de récidive, sans qu’une instruction plus approfondie soit nécessaire afin de déterminer si elle formait déjà avec Slovak Telekom une même entreprise à l’époque de l’infraction sanctionnée dans ladite décision. Quant à la majoration de l’amende à des fins de dissuasion, la Commission admet certes qu’elle aurait pu l’appliquer également à Slovak Telekom, dès lors que cette dernière faisait partie de l’entreprise responsable de l’infraction au droit de la concurrence sanctionnée dans la présente affaire. La Commission soutient néanmoins que c’est au titre de la large marge d’appréciation dont elle dispose qu’elle a pu considérer davantage opportun de ne pas suivre une telle approche.

1) Rappel des principes

491

Il convient tout d’abord de rappeler le choix des auteurs des traités d’utiliser la notion d’« entreprise » pour désigner l’auteur d’une infraction au droit de la concurrence, susceptible d’être sanctionné en application de l’article 101 ou 102 TFUE (voir arrêt du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 46 et jurisprudence citée).

492

Le droit de la concurrence de l’Union vise ainsi les activités des entreprises, la notion d’« entreprise » comprenant toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (voir arrêt du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 47 et jurisprudence citée). La notion d’« entreprise », placée dans ce contexte, doit être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (voir arrêts du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, EU:C:2010:389, point 64 et jurisprudence citée, et du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 48 et jurisprudence citée).

493

Il s’ensuit que, lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (voir arrêts du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C‑90/09 P, EU:C:2011:21, points 35 et 36 et jurisprudence citée, et du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 49 et jurisprudence citée).

494

En outre, pour l’application et l’exécution des décisions prises par la Commission en application des articles 101 et 102 TFUE, il est nécessaire d’identifier une entité dotée de la personnalité juridique qui sera destinataire de la décision constatant et sanctionnant une infraction à l’une de ces dispositions (voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 2014, Saint-Gobain Glass France e.a./Commission, T‑56/09 et T‑73/09, EU:T:2014:160, point 312 et jurisprudence citée). Une infraction au droit de l’Union en matière de concurrence doit ainsi être imputée sans équivoque à une personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger des amendes et à qui la communication des griefs sera adressée (voir, en ce sens, arrêts du 5 mars 2015, Commission e.a./Versalis e.a., C‑93/13 P et C‑123/13 P, EU:C:2015:150, point 89 et jurisprudence citée ; du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 50, et du 27 mars 2014, Saint-Gobain Glass France e.a./Commission, T‑56/09 et T‑73/09, EU:T:2014:160, point 312 et jurisprudence citée).

495

À cet égard, ni l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 ni la jurisprudence ne déterminent quelle personne morale ou physique la Commission est dans l’obligation de tenir pour responsable de l’infraction et de sanctionner pour l’imposition d’une amende (voir arrêt du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 51 et jurisprudence citée).

496

En revanche, le comportement infractionnel d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (voir arrêts du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, EU:C:2009:536, points 58 et 72 et jurisprudence citée, et du 18 janvier 2017, Toshiba/Commission, C‑623/15 P, non publié, EU:C:2017:21, point 45 et jurisprudence citée).

497

Dans un tel cas, aux termes d’une jurisprudence de la Cour bien établie, la société mère qui s’est vu imputer le comportement infractionnel de sa filiale est personnellement condamnée pour une infraction aux règles de concurrence de l’Union qu’elle est censée avoir commise elle-même, en raison de l’influence déterminante qu’elle exerçait sur la filiale et qui lui permettait de déterminer le comportement de cette dernière sur le marché (voir arrêt du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 56 et jurisprudence citée).

498

Cela étant, lorsque la responsabilité de la société mère est purement dérivée, à savoir lorsqu’elle est encourue du seul fait de la participation directe d’une de ses filiales à l’infraction, cette responsabilité trouve son origine dans le comportement infractionnel de ladite filiale, que la société mère se voit attribuer compte tenu de l’unité économique que ces sociétés constituent. Par voie de conséquence, la responsabilité de la société mère est nécessairement fonction des faits constitutifs de l’infraction commise par sa filiale auxquels sa responsabilité est inextricablement liée (arrêt du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 61).

499

C’est pour cette raison que la Cour a précisé que, dans la situation où la responsabilité de la société mère est purement dérivée de celle de sa filiale et dans laquelle aucun autre facteur ne caractérise individuellement le comportement reproché à la société mère, la responsabilité de cette société mère ne saurait excéder celle de sa filiale (voir arrêts du 17 septembre 2015, Total/Commission, C‑597/13 P, EU:C:2015:613, point 38 et jurisprudence citée, et du 19 janvier 2017, Commission/Total et Elf Aquitaine, C‑351/15 P, EU:C:2017:27, point 44 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 62).

500

C’est à l’aune de ces principes qu’il convient d’examiner, en premier lieu, la partie de l’amende infligée à la seule requérante au titre de la récidive et, en second lieu, la partie de l’amende infligée à la seule requérante au titre de la dissuasion.

2) Sur la partie de l’amende infligée à la seule requérante au titre de la récidive

501

Par son argumentation invoquée au titre de la première branche du quatrième moyen, la requérante fait valoir que, pour autant que sa responsabilité purement dérivée pour l’infraction en cause dans le présent litige devrait être confirmée, la Commission ne pouvait lui imputer à elle seule, sans l’imputer à Slovak Telekom, les conséquences de la récidive résultant de l’infraction similaire antérieure sanctionnée dans la décision Deutsche Telekom.

502

Cette argumentation ne saurait toutefois être retenue.

503

Certes, ainsi que le souligne la requérante, la Cour a jugé que les principes du droit de l’Union de responsabilité personnelle pour l’infraction et d’individualisation des peines et des sanctions devant être respectés lors de l’exercice par la Commission de son pouvoir de sanction en matière d’infraction au droit de la concurrence ne concernent que l’entreprise en tant que telle et non les personnes physiques ou morales qui en font partie (arrêt du 10 avril 2014, Commission e.a./Siemens Österreich e.a., C‑231/11 P à C‑233/11 P, EU:C:2014:256, point 56).

504

Il n’en demeure pas moins que le principe d’individualisation des peines doit être concilié avec celui, issu de la jurisprudence rappelée au point 499 ci-dessus, selon lequel certains facteurs caractérisant individuellement le comportement propre de la société mère peuvent justifier de lui infliger une sanction plus lourde que celle résultant de l’imputation à ladite société de l’infraction commise par sa filiale.

505

À cet égard, le Tribunal a déjà jugé que, si l’unité du comportement d’une entreprise sur le marché justifie que, en cas d’une infraction aux règles de la concurrence, les différentes sociétés ayant fait partie de l’entreprise pendant la durée de l’infraction soient, en principe, toutes tenues pour solidairement responsables du paiement du même montant de l’amende, une exception doit être admise dans l’hypothèse de circonstances aggravantes ou atténuantes et, plus généralement, de circonstances justifiant une modulation du montant de l’amende qui ne seraient présentes qu’à l’égard de certaines d’entre elles et non des autres. Le Tribunal en a ainsi déduit qu’une entité à l’égard de laquelle la circonstance aggravante de la récidive n’a pas été retenue ne peut pas être tenue pour solidairement responsable, avec une autre entité à l’égard de laquelle cette circonstance a été retenue, de la partie de l’amende correspondant à la majoration pour récidive (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2014, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, T‑391/09, non publié, EU:T:2014:22, point 271).

506

Il s’ensuit que la circonstance aggravante de récidive peut constituer un facteur caractérisant individuellement le comportement d’une société mère, justifiant que l’étendue de sa responsabilité excède celle de sa filiale dont elle est entièrement dérivée (voir, en ce sens, arrêt du 29 février 2016, UTi Worldwide e.a./Commission, T‑264/12, non publié, EU:T:2016:112, point 332).

507

En l’espèce, premièrement, la requérante ne conteste pas qu’elle était le seul destinataire de la décision Deutsche Telekom et que la responsabilité de Slovak Telekom n’a pas été retenue s’agissant de l’infraction sanctionnée dans cette décision.

508

Ainsi, la responsabilité de la requérante établie dans la décision Deutsche Telekom, entretemps devenue définitive, constitue un facteur caractérisant individuellement le comportement reproché à celle-ci dans la présente affaire.

509

Deuxièmement, il est vrai que Slovak Telekom faisait déjà partie du groupe Deutsche Telekom durant une partie significative de l’infraction sanctionnée dans la décision Deutsche Telekom ainsi qu’au moment de l’adoption de cette décision, dont elle n’était pas destinataire.

510

Toutefois, il ressort de la jurisprudence qu’une société qui n’était pas destinataire d’une décision constatant une première infraction au droit de la concurrence de l’Union, mais qui est destinataire d’une décision lui infligeant une amende en raison de sa participation à une nouvelle infraction similaire ne saurait voir sa responsabilité accrue pour cause de récidive que pour autant que la Commission fournisse, dans cette dernière décision, un exposé permettant à cette société de saisir en quelle qualité et dans quelle mesure elle aurait été impliquée dans la première infraction (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2013, Eni/Commission, C‑508/11 P, EU:C:2013:289, point 129, et du 5 mars 2015, Commission e.a./Versalis e.a., C‑93/13 P et C‑123/13 P, EU:C:2015:150, point 98 et jurisprudence citée).

511

En l’espèce, aucun élément ne suggère que Slovak Telekom aurait été impliquée, en quelque qualité que ce soit, dans l’infraction sanctionnée par la Commission dans la décision Deutsche Telekom et que cette infraction aurait, dès lors, également pu lui être imputée.

512

Dans ces conditions, s’il était fait droit à l’argumentation de la requérante selon laquelle la Commission aurait dû retenir la circonstance aggravante de récidive à l’égard de Slovak Telekom, cela reviendrait à rendre cette filiale responsable du comportement antérieur de la requérante, sa société mère. Or, la Cour a jugé qu’il n’était pas possible d’imputer à une société l’ensemble des agissements d’un groupe si cette société n’était pas identifiée comme étant la personne juridique qui, à la tête du groupe, était responsable de la coordination de l’action de celui-ci (arrêt du 2 octobre 2003, Aristrain/Commission, C‑196/99 P, EU:C:2003:529, point 98).

513

En l’espèce, il est constant que Slovak Telekom n’était pas à la tête de l’entreprise qui a commis l’infraction sanctionnée par la décision Deutsche Telekom, cette dernière infraction ayant été commise directement par la seule requérante. Il s’ensuit que seule la requérante a pris part tant à l’infraction sanctionnée dans la décision Deutsche Telekom qu’à l’infraction sanctionnée dans la décision attaquée dans la présente affaire, ce qui caractérise individuellement son comportement.

514

Compte tenu de ce qui précède, il convient de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur lorsque, dans la décision attaquée, elle a, au titre de la récidive, majoré l’amende à l’égard de la seule requérante.

3) Sur la partie de l’amende infligée à la seule requérante au titre de la dissuasion

515

Il convient de rappeler que la notion de « dissuasion » constitue l’un des éléments à prendre en compte dans le calcul du montant de l’amende. Il est en effet de jurisprudence constante que les amendes infligées en raison de violations des articles 101 et 102 TFUE, telles que prévues à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, ont pour objet de réprimer les actes illégaux des entreprises concernées ainsi que de dissuader tant les entreprises en question que d’autres opérateurs économiques de violer, à l’avenir, les règles du droit de la concurrence de l’Union. Or, le lien entre, d’une part, la taille et les ressources globales des entreprises et, d’autre part, la nécessité d’assurer un effet dissuasif à l’amende ne saurait être contesté. Ainsi, la Commission, lorsqu’elle calcule le montant de l’amende, peut prendre en considération, notamment, la taille et la puissance économique de l’entreprise concernée (voir arrêts du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, EU:C:2010:346, point 102 et jurisprudence citée, et du 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑214/06, EU:T:2012:275, point 142 et jurisprudence citée).

516

La prise en considération de la taille et des ressources globales de l’entreprise en cause afin d’assurer un effet dissuasif suffisant à l’amende se justifie par l’impact recherché sur ladite entreprise, la sanction ne devant pas être négligeable au regard, notamment, de la capacité financière de celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑214/06, EU:T:2012:275, point 143 et jurisprudence citée, et du 6 février 2014, Elf Aquitaine/Commission, T‑40/10, non publié, EU:T:2014:61, point 312 et jurisprudence citée). Ainsi, il a été jugé notamment que l’objectif de dissuasion que la Commission est en droit de poursuivre lors de la fixation du montant d’une amende ne peut être valablement atteint qu’en considération de la situation de l’entreprise au jour où l’amende est infligée (voir arrêt du 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑214/06, EU:T:2012:275, point 143 et jurisprudence citée ; voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2014, Lucchini/Commission, T‑91/10, EU:T:2014:1033, point 314 et jurisprudence citée).

517

Au demeurant, dans la mesure où une entreprise disposant d’un chiffre d’affaires très important est en mesure de mobiliser plus facilement les fonds nécessaires pour le paiement de son amende, la Commission est en droit, ainsi que cela est prévu au point 30 des lignes directrices de 2006, de majorer à ce titre ladite amende en vue d’assurer un effet dissuasif suffisant à cette dernière (voir, en ce sens, arrêts du 17 mai 2011, Elf Aquitaine/Commission, T‑299/08, EU:T:2011:217, point 253 ; du 6 mars 2012, UPM-Kymmene/Commission, T‑53/06, non publié, EU:T:2012:101, point 76 et jurisprudence citée, et du 6 février 2014, Elf Aquitaine/Commission, T‑40/10, non publié, EU:T:2014:61, point 352).

518

Il a par ailleurs été jugé que le chiffre d’affaires global de l’entreprise en cause est celui qui donne une indication de la taille de celle-ci ainsi que de sa puissance économique, laquelle est déterminante pour évaluer la portée dissuasive d’une amende à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T‑220/00, EU:T:2003:193, point 96 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 22 mai 2008, Evonik Degussa/Commission, C‑266/06 P, non publié, EU:C:2008:295, point 120).

519

Dans les circonstances de la présente affaire, d’abord, il convient de souligner que la requérante et Slovak Telekom formaient, ainsi que la Commission l’a, à juste titre, constaté, une même unité économique durant la période en cause et que la responsabilité de la requérante pour l’infraction faisant l’objet de la décision attaquée est purement dérivée de celle de cette filiale.

520

Ensuite, il convient de rappeler que, certes, la jurisprudence admet qu’une société mère puisse se voir infliger une amende supérieure à celle de sa filiale, même si la responsabilité de la première est purement dérivée de celle de la seconde. Toutefois, tel peut être le cas uniquement en présence d’un facteur caractérisant individuellement le comportement reproché à ladite société mère (voir la jurisprudence citée au point 499 ci-dessus). Or, lorsque, comme en l’espèce, pour apprécier la gravité de l’infraction commise par l’entreprise et calculer l’amende qui doit être infligée à celle-ci, la Commission se fonde sur le chiffre d’affaires de la filiale, le chiffre d’affaires de la société mère, serait-il considérablement supérieur à celui de la filiale, n’est pas un élément de nature à caractériser le comportement individuel de la société mère dans la réalisation de l’infraction attribuée à l’entreprise, la responsabilité de la société mère à cet égard étant purement dérivée de celle de sa filiale. Par ailleurs, le simple constat d’un chiffre d’affaires est un élément de fait qui ne saurait individualiser le comportement de la société mère. La Commission ne pouvait donc, pour justifier l’application du coefficient de dissuasion spécifique à la requérante, prendre en considération le chiffre d’affaire de cette dernière.

521

Enfin, la Commission ne saurait être suivie lorsqu’elle invoque la marge d’appréciation dont elle dispose dans la fixation du montant des amendes sanctionnant des infractions à l’article 101 ou 102 TFUE. En effet, il est vrai que, selon la jurisprudence, l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 laisse à la Commission une marge d’appréciation à ce sujet. Toutefois, cette disposition limite l’exercice d’une telle marge d’appréciation en instaurant des critères objectifs auxquels celle-ci doit se tenir (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 55). Or, relève bien de tels éléments objectifs la notion d’« entreprise » à laquelle se réfère cette disposition et qui doit, ainsi que cela a été rappelé au point 492 ci-dessus, être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales.

522

En l’espèce, la Commission a établi que la requérante exerçait une influence déterminante sur Slovak Telekom durant la période en cause et a, pour ce motif, imputé la responsabilité de l’infraction qui fait l’objet de la décision attaquée à l’unité économique constituée de ces deux sociétés. Il convient, dès lors, de considérer que l’approche de la Commission ayant consisté à faire supporter les conséquences de l’application d’un coefficient multiplicateur de 1,2 à la requérante ne repose sur aucune justification objective.

523

Il résulte de ce qui précède que c’est en méconnaissance de la notion d’« entreprise » en droit de l’Union que la Commission a, dans la décision attaquée, fait supporter à la requérante le facteur de multiplication de 1,2 à des fins dissuasives.

524

Le quatrième moyen doit dès lors être accueilli dans cette seule mesure et l’article 2, premier alinéa, sous b), de la décision attaquée doit être annulé au motif qu’il fait supporter à la requérante le facteur de multiplication de 1,2 à des fins dissuasives.

5.   Sur le cinquième moyen, pris d’erreurs dans le calcul du montant de l’amende infligée solidairement à Slovak Telekom et à la requérante

525

Par son cinquième moyen, la requérante soutient que la Commission a commis plusieurs erreurs lors du calcul du montant de l’amende qui lui a été infligée solidairement à elle ainsi qu’à Slovak Telekom. Ce moyen, dans le cadre duquel la requérante déclare se rallier aux arguments exposés par Slovak Telekom dans son propre recours, se subdivise en deux branches, qu’il convient d’examiner successivement.

a)   Sur la première branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation du principe d’égalité de traitement du fait du calcul du montant de l’amende par référence au chiffre d’affaires de Slovak Telekom en 2010

526

La requérante soutient, dans une première branche, que, en calculant le montant de base de l’amende par référence au chiffre d’affaires réalisé par Slovak Telekom en 2010 sur le marché de l’accès au dégroupage de la boucle locale et sur le marché de détail des services à haut débit offerts en position fixe, la Commission a non seulement commis une erreur manifeste d’appréciation, mais a également méconnu le principe d’égalité de traitement. Bien que la décision attaquée soit conforme à cet égard au point 13 des lignes directrices de 2006, il résulterait de la pratique décisionnelle antérieure de la Commission que cette règle ne doit pas être appliquée lorsque le chiffre d’affaires réalisé lors de la dernière année complète de participation à l’infraction s’écarte sensiblement de la moyenne annuelle des ventes pertinentes durant les premières années de cette participation. En l’espèce, le chiffre d’affaires pertinent de Slovak Telekom a augmenté de 133 % entre 2005 et 2010. Une telle hausse étant significative, le seul chiffre d’affaires réalisé au cours de l’année 2010 ne serait pas suffisamment représentatif.

527

Dans ces circonstances, selon la requérante, il appartenait à la Commission de calculer le montant de base de l’amende par référence au chiffre d’affaires annuel moyen réalisé au cours de l’ensemble de la période d’infraction, à savoir entre les années 2005 et 2010. En s’écartant de sa pratique décisionnelle antérieure au motif que l’augmentation précitée du chiffre d’affaires n’était pas exponentielle, la Commission aurait méconnu le principe d’égalité de traitement. Enfin, l’allégation de la Commission selon laquelle cette augmentation du chiffre d’affaires s’expliquerait par le prétendu comportement abusif de Slovak Telekom sur le marché relèverait d’une simple spéculation. Cette augmentation serait due à la croissance rapide des marchés du haut débit au cours de la période d’infraction et non à l’accroissement de parts de marché de Slovak Telekom au cours de ladite période.

528

La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste ces arguments.

[omissis]

530

Sur le fond, il convient tout d’abord de rappeler, s’agissant de la première branche du moyen, que l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 dispose que, pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.

531

En outre, il y a lieu de rappeler que, en vertu du point 13 des lignes directrices de 2006, « [e]n vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte [...] avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE » et qu’à cette fin elle « utilisera normalement les ventes de l’entreprise durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction ».

532

Il ressort, en outre, de la jurisprudence que la part du chiffre d’affaires provenant des marchandises ou services faisant l’objet de l’infraction est de nature à donner une juste indication de l’ampleur d’une infraction sur le marché concerné, le chiffre d’affaires réalisé sur ceux-ci constituant un élément objectif qui donne une juste mesure de la nocivité de cette pratique pour le jeu normal de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission, T‑208/13, EU:T:2016:368, point 236 et jurisprudence citée).

533

Le point 13 des lignes directrices de 2006 a ainsi pour objectif, s’agissant d’une infraction à l’article 102 TFUE, de retenir comme point de départ pour le calcul du montant de l’amende infligée à l’entreprise en cause un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 76 ; du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 57, et du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C‑227/14 P, EU:C:2015:258, point 53).

534

Pour autant, il convient également de souligner que l’autolimitation du pouvoir d’appréciation de la Commission résultant de l’adoption des lignes directrices de 2006 n’est pas incompatible avec le maintien d’une marge d’appréciation substantielle pour cette institution. Lesdites lignes directrices contiennent en effet différents éléments de flexibilité qui permettent à la Commission d’exercer son pouvoir d’appréciation en conformité avec les dispositions du règlement no 1/2003, telles qu’interprétées par les juridictions de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 96 et jurisprudence citée), voire avec d’autres règles et principes du droit de l’Union. En particulier, le point 13 des lignes directrices de 2006 précise lui-même que la Commission doit « normalement » utiliser les ventes de l’entreprise concernée durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction lors du calcul du montant de l’amende de base (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Samsung SDI e.a./Commission, T‑84/13, non publié, EU:T:2015:611, point 214).

535

En l’espèce, il ressort des considérants 1490 à 1495 de la décision attaquée que, pour déterminer le montant de base de l’amende infligée solidairement à la requérante et à Slovak Telekom, la Commission a tenu compte des ventes réalisées par cette dernière au cours du dernier exercice complet de sa participation à l’infraction, à savoir le chiffre d’affaires réalisé par cet opérateur sur le marché de l’accès aux boucles locales dégroupées et du haut débit de détail pour les services fixes en 2010. La Commission a donc fait application du point 13 des lignes directrices de 2006.

536

Or, la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne s’écartant pas de cette règle en l’espèce, en dépit de la forte augmentation du chiffre d’affaires de Slovak Telekom durant la période en cause.

537

En effet, d’une part, si la requérante fait valoir que, au cours des années 2005 à 2010, le chiffre d’affaires pertinent de Slovak Telekom a augmenté de 133 %, passant de 31184949 euros à 72868176 euros, elle n’avance toutefois aucun élément de nature à établir que ce dernier chiffre d’affaires, réalisé au cours de la dernière année civile complète de l’infraction, ne constituait pas, au moment où la Commission a adopté la décision attaquée, une indication de sa véritable taille, de sa puissance économique sur le marché et de l’ampleur de l’infraction en cause.

538

D’autre part, la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle reproche à la Commission d’avoir méconnu en l’espèce le principe d’égalité de traitement, en ce qu’elle se serait écartée de sa pratique décisionnelle antérieure au motif que l’augmentation précitée du chiffre d’affaires n’était pas exponentielle.

539

À cet égard, il est certes exact que le respect du principe d’égalité de traitement, qui s’oppose à ce que des situations comparables soient traitées de manière différente et à ce que des situations différentes soient traitées de manière semblable, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié, s’impose à la Commission lorsqu’elle inflige une amende à une entreprise pour infraction aux règles de concurrence comme à toute institution dans l’ensemble de ses activités (arrêts du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, point 261, et du 9 septembre 2015, Philips/Commission, T‑92/13, non publié, EU:T:2015:605, point 204).

540

Néanmoins, il ressort d’une jurisprudence constante que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne saurait servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence et que des décisions concernant d’autres affaires ne revêtent qu’un caractère indicatif en ce qui concerne l’existence éventuelle d’une violation du principe d’égalité de traitement, étant donné qu’il est peu vraisemblable que les circonstances propres à celles-ci, telles que les marchés, les produits, les entreprises et les périodes concernés, soient identiques (voir arrêt du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P et C‑137/07 P, EU:C:2009:576, point 233 et jurisprudence citée ; arrêts du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, EU:T:2011:284, point 347, et du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T‑91/11, EU:T:2014:92, point 144).

541

Ainsi, les décisions antérieures de la Commission en matière d’amende ne peuvent être pertinentes au regard du respect du principe d’égalité de traitement que s’il est démontré que les données circonstancielles des affaires relatives à ces autres décisions, telles que les marchés, les produits, les pays, les entreprises et les périodes concernés, sont comparables avec celles de l’espèce (voir arrêts du 13 septembre 2010, Trioplast Industrier/Commission, T‑40/06, EU:T:2010:388, point 145 et jurisprudence citée ; du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, point 262 et jurisprudence citée, et du 9 septembre 2015, Philips/Commission, T‑92/13, non publié, EU:T:2015:605, point 205 et jurisprudence citée).

542

Or, en l’espèce, la requérante n’a avancé aucun élément de nature à établir que les données circonstancielles des affaires relatives aux décisions antérieures qu’elle invoque, à savoir la décision Télécommunications polonaises, la décision C(2010) 8761 final, du 8 décembre 2010 (affaire COMP/39.309 – LCD – Liquid Crystal Display) et la décision C(2009) 5355 final, du 8 juillet 2009 (affaire COMP/39.401 – E.ON/GDF), sont comparables à celles de l’espèce. En effet, la requérante se contente de citer ces trois décisions en relevant que les entreprises concernées avaient enregistré une forte augmentation de leur chiffre d’affaires tout au long de la période d’infraction et que la Commission avait utilisé dans chaque cas le chiffre d’affaires annuel moyen desdites entreprises pour calculer le montant de base de l’amende.

543

En tout état de cause, il convient de constater que les augmentations des chiffres d’affaires constatées au cours des périodes d’infraction en cause dans ces trois décisions étaient nettement plus élevées qu’en l’espèce. Ainsi, la Commission a précisé dans ses écritures que l’augmentation nette de chiffres d’affaires constatée au considérant 896 de la décision Télécommunications polonaises s’élevait, sur l’ensemble de la période d’infraction, à plus de 3000 %. Par ailleurs, en réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a précisé lors de l’audience que, sur l’ensemble de la période des infractions en cause, les augmentations pertinentes s’élevaient, d’une part, à 521,58 % sur un premier marché et à 422,65 % sur un second marché s’agissant de l’infraction sanctionnée dans la décision C(2010) 8761 final et, d’autre part, à 261 % s’agissant de l’infraction sanctionnée dans la décision C(2009) 5355 final.

544

Il découle de ce qui précède que, en prenant en compte en l’espèce le chiffre d’affaires réalisé par Slovak Telekom au cours de l’année qui s’est achevée le 31 décembre 2010, à savoir la dernière année complète de participation à l’infraction, et en se conformant ainsi à la règle qu’elle s’était fixée au point 13 des lignes directrices de 2006, la Commission n’a pas dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation en matière de fixation du montant des amendes.

545

La première branche du cinquième moyen doit dès lors être rejetée comme non fondée.

b)   Sur la seconde branche, tirée de l’erreur de calcul résultant de l’inclusion de l’année 2005 dans la période d’infraction

546

Dans une seconde branche, la requérante fait valoir que, dès lors que l’année 2005 a été incluse erronément dans la période d’infraction, c’est à tort que cette année a été prise en compte aux fins du calcul du montant de base de l’amende qui lui a été infligée solidairement à elle ainsi qu’à Slovak Telekom.

547

La Commission conclut au rejet de cette argumentation, dès lors que c’est à bon droit selon elle que l’année 2005 a été incluse dans la période d’infraction.

548

Il résulte des considérations exposées aux points 172 à 196 ci-dessus, en réponse au deuxième moyen, que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a conclu que l’offre de référence publiée par Slovak Telekom le 12 août 2005 avait pu dissuader dès cette date la présentation de demandes d’accès dégroupé à la boucle locale de cet opérateur par des opérateurs alternatifs en raison des clauses et des conditions inéquitables qu’elle contenait et que, partant, la Commission a pu conclure à bon droit que l’infraction unique et continue faisant l’objet de la décision attaquée avait débuté à cette date.

549

En revanche, toujours en réponse à ce deuxième moyen, le Tribunal a considéré que l’article 1er, paragraphe 2, sous d), de la décision attaquée devait être annulé en tant que cette disposition constate que, au cours de la période comprise entre le 12 août et le 31 décembre 2005, la requérante a appliqué des tarifs inéquitables ne permettant pas à un opérateur aussi efficace s’appuyant sur l’accès de gros aux boucles locales dégroupées de Slovak Telekom de reproduire les services de détail offerts par Slovak Telekom sans encourir de perte (voir point 221 ci-dessus).

550

Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que l’article 1er, paragraphe 2, sous d), de la décision attaquée doit être annulé en tant qu’il constate que, au cours de la période comprise entre le 12 août et le 31 décembre 2005, la requérante a appliqué des tarifs inéquitables ne permettant pas à un opérateur aussi efficace s’appuyant sur l’accès de gros aux boucles locales dégroupées de Slovak Telekom de reproduire les services de détail offerts par Slovak Telekom sans encourir de perte. Par voie de conséquence, ainsi que pour les motifs adoptés aux points 515 à 524 ci-dessus, l’article 2 de la décision attaquée doit également être annulé en tant qu’il concerne la requérante. Les conclusions visant à l’annulation de la décision attaquée doivent être rejetées pour le surplus.

B. Sur les conclusions, soulevées à titre subsidiaire, tendant à la suppression ou à la réduction du montant des amendes infligées à la requérante

551

La requérante sollicite encore du Tribunal, à titre subsidiaire, qu’il supprime ou réduise le montant des amendes qui lui ont été infligées par la décision attaquée.

552

Il convient de relever à cet égard que, selon une jurisprudence constante, le contrôle de légalité instauré à l’article 263 TFUE implique que le juge de l’Union exerce un contrôle, tant de droit que de fait, de la décision attaquée au regard des arguments invoqués par la partie requérante et qu’il a le pouvoir d’apprécier les preuves, d’annuler ladite décision et de modifier le montant des amendes (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, EU:C:2009:505, point 86 et jurisprudence citée ; du 26 janvier 2017, Duravit e.a./Commission, C‑609/13 P, EU:C:2017:46, point 30 et jurisprudence citée, et du 27 mars 2014, Saint-Gobain Glass France e.a./Commission, T‑56/09 et T‑73/09, EU:T:2014:160, point 461 et jurisprudence citée).

553

Le contrôle de légalité est complété par la compétence de pleine juridiction qui est reconnue au juge de l’Union à l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée (arrêts du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 63, et du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑389/10 P, EU:C:2011:816, point 130 ; voir, également, arrêt du 26 janvier 2017, Duravit e.a./Commission, C‑609/13 P, EU:C:2017:46, point 31 et jurisprudence citée).

554

Or, il importe de souligner que l’exercice de cette compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office et que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. Dès lors, à l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, c’est à la partie requérante qu’il appartient, en principe, de soulever les moyens à l’encontre de la décision attaquée et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 213 et jurisprudence citée).

555

C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’apprécier si le montant des amendes infligées par la Commission dans la décision attaquée doit être modifié.

556

En premier lieu, il convient de relever que l’argumentation présentée par la requérante à l’appui de ses conclusions subsidiaires, visant à la suppression des amendes qui lui ont été infligées ou à la réduction de leur montant, ne se distingue pas de celle présentée au soutien de ses conclusions en annulation. Dans ces circonstances, il convient de rejeter les griefs avancés au soutien de cette demande subsidiaire qui ont déjà été rejetés en tant qu’ils visaient à soutenir les conclusions en annulation.

557

En deuxième lieu, ainsi que cela ressort des points 204 à 221 ci-dessus, la Commission n’a pas apporté la preuve que la pratique aboutissant à une compression des marges commise par Slovak Telekom avait pu débuter avant le 1er janvier 2006 et, par voie de conséquence, l’article 1er, paragraphe 2, sous d), de la décision attaquée doit être annulé en tant qu’il concerne la requérante et en tant qu’il inclut dans l’infraction unique et continue une compression des marges qui aurait été commise entre le 12 août et le 31 décembre 2005.

558

S’agissant de l’incidence de cette erreur sur le montant de base de l’amende auquel est tenue solidairement la requérante, le Tribunal estime, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, qu’il y a lieu de réduire la proportion des ventes pertinentes de cette dernière retenue par la Commission et d’établir celle-ci à 9,8 % au lieu de 10 %. Slovak Telekom ayant réalisé au cours de la dernière année complète d’infraction un chiffre d’affaires pertinent de 72868176 euros, le montant devant servir au calcul du montant de base de l’amende auquel est tenue solidairement la requérante est de 7141081,20 euros. Le montant de base de cette amende correspond à la multiplication dudit montant par un coefficient de 5,33, reflétant la durée de l’infraction, et doit ainsi être établi à 38061963 euros.

559

En troisième lieu, il convient de tirer les conséquences du constat, opéré au point 523 ci-dessus, selon lequel c’est en méconnaissance de la notion d’« entreprise » en droit de l’Union que la Commission a, dans la décision attaquée, fait supporter à la seule requérante le facteur de multiplication de 1,2 à des fins dissuasives, en vue de tenir compte de la taille et de la puissance économique de l’entreprise tenue pour responsable de l’infraction en cause. En effet, cette erreur implique de recalculer le montant de l’amende distincte infligée à la requérante en vue de lui faire supporter les conséquences de la récidive identifiée par la Commission dans la décision attaquée. Cette amende, qui représente 50 % du montant de base de l’amende auquel est tenue solidairement la requérante avant l’application du coefficient multiplicateur de 1,2, doit ainsi être fixée à 19030981 euros.

560

En quatrième lieu, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de ce jour, Slovak Telekom/Commission (T‑851/14), le Tribunal a retenu une erreur commise par la Commission lorsque cette dernière a constaté que, au cours de la période comprise entre le 12 août et le 31 décembre 2005, Slovak Telekom avait mis en œuvre une pratique aboutissant à une compression des marges. En conséquence, le Tribunal a annulé partiellement l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée ainsi que l’article 2 de ladite décision, en tant qu’ils concernent Slovak Telekom, et a réduit le montant de l’amende auquel était tenue Slovak Telekom au titre de l’article 2, premier alinéa, sous a), de cette même décision.

561

En l’espèce, le Tribunal a tiré les mêmes conséquences de l’erreur mentionnée au point 560 ci-dessus (voir points 557 et 558 ci-dessus). Ainsi, la requérante ne peut utilement demander au Tribunal de tirer, dans la présente affaire, les conséquences de l’arrêt de ce jour, Slovak Telekom/Commission (T‑851/14). La demande formulée par la requérante sur le fondement de l’arrêt du 22 janvier 2013, Commission/Tomkins (C‑286/11 P, EU:C:2013:29), doit donc être rejetée.

562

Par conséquent, le montant de l’amende auquel est tenue solidairement Deutsche Telekom est fixé à 38061963 euros et le montant de l’amende auquel est tenue uniquement Deutsche Telekom est fixé à 19030981 euros. La demande en suppression de l’amende ou en réduction de son montant est rejetée pour le surplus.

IV. Sur les dépens

563

Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

564

En l’espèce, la Commission et l’intervenante succombent partiellement. Cependant, la requérante n’a pas conclu à la condamnation de l’intervenante aux dépens, mais uniquement à la condamnation de la Commission à ceux-ci.

565

Dans ces circonstances, il y a lieu de condamner la requérante à supporter quatre cinquièmes de ses propres dépens ainsi que quatre cinquièmes des dépens de la Commission et de l’intervenante, conformément aux conclusions de ces dernières. La Commission supportera un cinquième de ses propres dépens et de ceux de la requérante. L’intervenante supportera un cinquième de ses propres dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

déclare et arrête :

 

1)

L’article 1er, paragraphe 2, sous d), de la décision C(2014) 7465 final de la Commission, du 15 octobre 2014, concernant une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire AT.39523 – Slovak Telekom), est annulé en tant qu’il constate que, au cours de la période comprise entre le 12 août et le 31 décembre 2005, Deutsche Telekom AG a appliqué des tarifs inéquitables ne permettant pas à un opérateur aussi efficace s’appuyant sur l’accès de gros aux boucles locales dégroupées de Slovak Telekom, a.s. de reproduire les services de détail offerts par Slovak Telekom sans encourir de perte.

 

2)

L’article 2 de la décision C(2014) 7465 final est annulé en tant qu’il fixe le montant de l’amende auquel est tenue solidairement Deutsche Telekom à 38838000 euros et le montant de l’amende auquel est tenue uniquement Deutsche Telekom à 31070000 euros.

 

3)

Le montant de l’amende auquel est tenue solidairement Deutsche Telekom est fixé à 38061963 euros et le montant de l’amende auquel est tenue uniquement Deutsche Telekom est fixé à 19030981 euros.

 

4)

Le recours est rejeté pour le surplus.

 

5)

Deutsche Telekom supportera quatre cinquièmes de ses propres dépens, quatre cinquièmes des dépens de la Commission européenne et quatre cinquièmes des dépens de Slovanet, a.s.

 

6)

La Commission supportera un cinquième de ses propres dépens et un cinquième des dépens exposés par Deutsche Telekom.

 

7)

Slovanet supportera un cinquième de ses propres dépens.

 

Van der Woude

Gervasoni

Madise

da Silva Passos

Kowalik-Bańczyk

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2018.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.

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