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Document 62015TO0600

    Ordonnance du Tribunal (première chambre) du 28 septembre 2016.
    Pesticide Action Network Europe (PAN Europe) e.a. contre Commission européenne.
    Recours en annulation – Produits phytopharmaceutiques – Substance active sulfoxaflor – Inscription à l’annexe du règlement d’exécution (UE) no 540/2011 – Défaut d’affectation directe – Irrecevabilité.
    Affaire T-600/15.

    Recueil – Recueil général

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:T:2016:601

    ORDONNANCE DU TRIBUNAL (première chambre)

    28 septembre 2016 ( *1 )

    «Recours en annulation — Produits phytopharmaceutiques — Substance active sulfoxaflor — Inscription à l’annexe du règlement d’exécution (UE) no 540/2011 — Défaut d’affectation directe — Irrecevabilité»

    Dans l’affaire T‑600/15,

    Pesticide Action Network Europe (PAN Europe), établie à Bruxelles (Belgique),

    Bee Life European Beekeeping Coordination (Bee Life), établie à Louvain-la-Neuve (Belgique),

    Unione nazionale associazioni apicoltori italiani (Unaapi), établie à Castel San Pietro Terme (Italie),

    représentées par Mes B. Kloostra et A. van den Biesen, avocats,

    parties requérantes,

    contre

    Commission européenne, représentée par Mme L. Pignataro-Nolin, MM. G. von Rintelen et P. Ondrůšek, en qualité d’agents,

    partie défenderesse,

    ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2015/1295 de la Commission, du 27 juillet 2015, portant approbation de la substance active sulfoxaflor, conformément au règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, et modifiant l’annexe du règlement d’exécution (UE) no 540/2011 de la Commission (JO 2015, L 199, p. 8),

    LE TRIBUNAL (première chambre),

    composé, lors des délibérations, de M. H. Kanninen, président, Mme I. Pelikánová (rapporteur) et M. L. Calvo-Sotelo Ibáñez-Martín, juges,

    greffier : M. E. Coulon,

    rend la présente

    Ordonnance

    Antécédents du litige

    1

    Le 1er septembre 2011, l’Irlande a reçu, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil (JO 2009, L 309, p. 1), une demande d’approbation de la substance active sulfoxaflor.

    2

    Le 23 novembre 2012, l’Irlande a soumis à la Commission européenne un projet de rapport d’évaluation qui visait à déterminer si la substance active en cause était susceptible de satisfaire aux critères d’approbation de l’article 4 du règlement no 1107/2009.

    3

    En application de l’article 12, paragraphe 3, du règlement no 1107/2009, l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA) a invité le demandeur de l’approbation à fournir des informations complémentaires. L’évaluation des informations complémentaires par l’Irlande a été soumise à l’EFSA en janvier 2014 sous la forme d’un projet de rapport d’évaluation mis à jour.

    4

    Le 12 mai 2014, l’EFSA a publié ses conclusions sur l’examen par les pairs de l’évaluation des risques liés à la substance sulfoxaflor utilisée comme pesticide, dans le cadre du règlement no 1107/2009. Une nouvelle version de ces conclusions a été publiée par l’EFSA le 11 mars 2015.

    5

    Le 11 décembre 2014, la Commission a présenté au comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux le rapport d’examen du sulfoxaflor et un projet de règlement portant approbation de cette substance active.

    6

    Le 27 juillet 2015, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2015/1295, portant approbation de la substance active sulfoxaflor, conformément au règlement no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, et modifiant l’annexe du règlement d’exécution (UE) no 540/2011 de la Commission (JO 2015, L 199, p. 8) (ci-après l’« acte attaqué »).

    Procédure et conclusions des parties

    7

    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 octobre 2015, les requérantes, Pesticide Action Network Europe (PAN Europe), Bee Life European Beekeeping Coordination (Bee Life) et l’Unione nazionale associazioni apicoltori italiani (Unaapi), ont introduit le présent recours.

    8

    Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 25 janvier 2016, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal. Les requérantes ont déposé leurs observations sur cette exception le 11 mars 2016.

    9

    Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement le 31 mars et le 5 avril 2016, l’European Crop Protection Association (ECPA), ainsi que Dow AgroSciences Ltd et Dow AgroSciences Iberica SA ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.

    10

    La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    déclarer le recours irrecevable ;

    condamner les requérantes aux dépens.

    11

    Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

    annuler l’acte attaqué ;

    condamner la Commission aux dépens.

    En droit

    12

    En vertu de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité ou l’incompétence sans engager le débat au fond.

    13

    Dans ce cas, au titre de l’article 130, paragraphe 7, du règlement de procédure, le Tribunal statue dans les meilleurs délais sur la demande ou, si des circonstances particulières le justifient, joint l’examen de celle-ci au fond.

    14

    En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure.

    Sur la qualité pour agir des requérantes

    15

    La Commission conteste la qualité pour agir des requérantes, sous différents aspects. Elle soutient, d’une part, que l’acte attaqué ne concerne pas les requérantes directement et, d’autre part, qu’il ne les concerne pas individuellement et qu’il comporte des mesures d’exécution.

    16

    Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

    17

    Il est constant que les requérantes ne sont pas destinataires de l’acte attaqué. Dès lors, elles ne peuvent avoir une qualité pour agir qu’au titre de la deuxième ou de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Ces deux hypothèses présupposant que l’acte attaqué concerne directement les requérantes, il convient d’examiner d’abord cette condition.

    18

    S’agissant de l’affectation directe, il est de jurisprudence constante que cette condition requiert, premièrement, que la mesure incriminée produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et, deuxièmement, qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires (arrêts du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, EU:C:1998:193, point 43 ; du 29 juin 2004, Front national/Parlement, C‑486/01 P, EU:C:2004:394, point 34, et du 10 septembre 2009, Commission/Ente per le Ville vesuviane et Ente per le Ville vesuviane/Commission, C‑445/07 P et C‑455/07 P, EU:C:2009:529, point 45).

    19

    Par ailleurs, s’il est exact, ainsi que l’observent les requérantes, que l’article 263, quatrième alinéa, TFUE n’est pas une copie de l’ancien article 230, quatrième alinéa, CE, toujours est-il que, étant donné que la condition de l’affectation directe posée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE n’a pas été modifiée, la jurisprudence citée au point 18 ci-dessus s’applique également en l’espèce (voir, en ce sens, ordonnances du 9 juillet 2013, Regione Puglia/Commission, C‑586/11 P, non publiée, EU:C:2013:459, point 31 ; du 15 juin 2011, Ax/Conseil, T‑259/10, non publiée, EU:T:2011:274, point 21, et du 12 octobre 2011, GS/Parlement et Conseil, T‑149/11, non publiée, EU:T:2011:590, point 19).

    20

    À cet égard, en premier lieu, la Commission soutient que le mécanisme établi par le cadre réglementaire applicable en l’espèce exclut que les requérantes puissent être directement concernées par l’acte attaqué. En particulier, les États membres n’agiraient pas de manière automatique dans le cadre de la procédure d’autorisation ; au contraire, ils jouiraient d’un pouvoir discrétionnaire et d’une marge de manœuvre considérables, en particulier en ce qui concerne l’évaluation technique complexe et la détermination des conditions d’autorisation propres à la situation qui prévaut dans leur territoire et dans la zone à laquelle ils appartiennent.

    21

    En second lieu, la Commission relève que, même si un État membre accordait à l’avenir une autorisation pour un produit phytopharmaceutique contenant du sulfoxaflor, les incidences possibles de cette autorisation sur la situation des requérantes n’auraient qu’un caractère factuel et leurs droits et obligations, et donc leur situation juridique, n’en seraient nullement affectés.

    22

    Premièrement, les requérantes font valoir que l’approbation de la substance active sulfoxaflor par le règlement attaqué déploie des effets juridiques directs.

    23

    Deuxièmement, les requérantes soutiennent qu’il découle de la jurisprudence des juridictions de l’Union que les particuliers doivent être regardés comme directement concernés par un acte non seulement si celui-ci affecte directement leur situation de droit, mais également lorsqu’il affecte directement leur situation de fait.

    24

    L’acte attaqué a pour objet l’approbation, sous réserve de certaines conditions, de la substance active sulfoxaflor en tant qu’ingrédient de produits phytopharmaceutiques au titre du règlement no 1107/2009 et l’inscription de cette substance à l’annexe du règlement d’exécution (UE) no 540/2011 de la Commission, du 25 mai 2011, portant application du règlement no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, en ce qui concerne la liste des substances actives approuvées (JO 2011, L 153, p. 1).

    25

    L’approbation du sulfoxaflor et son inscription sur la liste des substances actives approuvées ont pour conséquence juridique de donner la possibilité aux États membres, sous réserve d’une série de conditions supplémentaires énoncées à l’article 29 du règlement no 1107/2009, d’autoriser la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques contenant le sulfoxaflor, si une demande en ce sens est présentée.

    26

    C’est donc sur la situation juridique des États membres, ainsi que sur celle des potentiels demandeurs d’autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques contenant le sulfoxaflor, que l’acte attaqué produit directement des effets, au sens de la jurisprudence citée au point 18 ci-dessus.

    27

    Aucun des arguments avancés par les requérantes ne saurait par ailleurs remettre en cause la conclusion selon laquelle l’acte attaqué n’a ni pour objet ni pour conséquence de donner des droits ou d’imposer des obligations à des sujets autres que les États membres et les demandeurs potentiels d’autorisations de mise sur le marché.

    Sur les arguments tirés des droits de propriété et d’exercer un commerce

    28

    Les requérantes font valoir que l’approbation de la substance active sulfoxaflor par le règlement attaqué déploie des effets juridiques directs sur les membres de l’Unaapi, en déterminant de façon définitive, par exemple, les niveaux acceptables d’exposition et les conditions d’atténuation des risques. Ainsi, étant donné l’effet nocif du sulfoxaflor sur les abeilles, son approbation représenterait une menace pour l’activité de production exercée par les apiculteurs et engendrerait par conséquent des effets juridiques sur leur droit de propriété et leur droit d’exercer un commerce.

    29

    À cet égard, il ressort du dossier que l’Unaapi est une association d’apiculteurs italiens dont le but est de promouvoir, de protéger et de valoriser à tous points de vue l’apiculture italienne avec l’aide, la coordination et la représentation des apiculteurs et associations apicoles qui en sont membres. En particulier, l’Unaapi représente les intérêts des apiculteurs auprès des institutions et des administrations aux niveaux national et international.

    30

    Il convient de rappeler, dans ce contexte, que les recours formés par des associations représentatives telles que l’Unaapi sont notamment recevables, selon la jurisprudence, lorsqu’elles représentent les intérêts de leurs membres qui seraient recevables à agir (voir, en ce sens, ordonnances du 30 septembre 1997, Federolio/Commission, T‑122/96, EU:T:1997:142, point 61 ; du 28 juin 2005, FederDoc e.a./Commission, T‑170/04, EU:T:2005:257, point 49, et arrêt du 18 mars 2010, Forum 187/Commission, T‑189/08, EU:T:2010:99, point 58). En l’espèce, il convient donc de vérifier si les membres de l’Unaapi sont directement concernés par l’acte attaqué.

    31

    En outre, s’agissant des prétendus effets juridiques sur le droit de propriété et le droit d’exercer un commerce dont sont titulaires les membres de l’Unaapi, les requérantes se prévalent du fait que l’approbation du sulfoxaflor représenterait une menace pour leur activité de production.

    32

    D’une part, il suffit de relever, à cet égard, que, à supposer que l’emploi de produits phytopharmaceutiques contenant du sulfoxaflor soit réellement susceptible de mettre en danger les activités commerciales des membres de l’Unaapi, ces conséquences économiques ne concerneraient pas leur situation juridique, mais uniquement leur situation de fait (voir, en ce sens, arrêt du 27 juin 2000, Salamander e.a./Parlement et Conseil, T‑172/98 et T‑175/98 à T‑177/98, EU:T:2000:168, point 62, et ordonnance du 11 juillet 2005, Bonino e.a./Parlement et Conseil, T‑40/04, EU:T:2005:279, point 56).

    33

    D’autre part, il convient de rappeler que cette prétendue menace présuppose encore l’autorisation par un État membre d’un produit phytopharmaceutique contenant le sulfoxaflor. Or, ainsi que la Commission l’a souligné à juste titre, la délivrance d’une telle autorisation n’est pas la conséquence automatique de l’approbation du sulfoxaflor. En effet, les États membres jouissent, dans le cadre de l’examen des conditions d’autorisation énoncées à l’article 29 du règlement no 1107/2009, d’un pouvoir d’appréciation et d’une marge de manœuvre considérables. En outre, la rubrique « Dispositions particulières » de l’annexe du règlement d’exécution no 540/2011, tel que modifié par l’acte attaqué, contient des critères supplémentaires et spécifiques à apprécier par l’État membre faisant face à une demande d’autorisation. Comme la Commission l’a observé, le risque pour les abeilles dépendra des conditions d’utilisation d’un produit particulier, qui seront définies dans les autorisations délivrées par les États membres. Par conséquent, l’affectation par l’acte attaqué du droit de propriété et des activités commerciales des membres de l’Unaapi, même à vouloir la qualifier de juridique, ne saurait, en tout état de cause, être qualifiée de directe.

    34

    Pour cette même raison, il convient également de rejeter les arguments des requérantes tirés de la prétendue prise en compte, notamment par la jurisprudence relative aux aides d’État, d’une affectation purement factuelle, au titre de l’affectation directe.

    35

    Les mêmes considérations sont valables s’agissant des niveaux acceptables d’exposition et des conditions d’atténuation des risques, dont les requérantes affirment qu’ils sont déterminés de manière définitive par l’acte attaqué. En effet, ces niveaux et ces conditions, à supposer qu’ils soient effectivement susceptibles de mettre en danger les activités commerciales et les ruches appartenant aux membres de l’Unaapi, ne pourront concrètement déployer de tels effets que dans l’hypothèse, incertaine, où les États membres autoriseraient des produits phytopharmaceutiques contenant du sulfoxaflor.

    36

    Par conséquent, les membres de l’Unaapi ne sauraient se fonder sur les prétendues atteintes à leur droit de propriété et à leur droit d’exercer un commerce pour affirmer qu’ils sont directement concernés par l’acte attaqué.

    Sur les arguments tirés des incidences sur les objectifs de la campagne poursuivie par PAN Europe et Bee Life

    37

    Les requérantes soutiennent que l’acte attaqué a une incidence directe sur les objectifs poursuivis par la campagne européenne en faveur de la protection des abeilles contre les insecticides nocifs comme le sulfoxaflor, conduite par PAN Europe et Bee Life, raison pour laquelle il affecte directement ces deux requérantes.

    38

    À cet égard, tout d’abord, il ressort de la requête que PAN Europe est une organisation de défense de l’environnement, à vocation paneuropéenne, active dans 24 pays dont 21 sont membres de l’Union. En vertu de ses statuts, elle a notamment pour objectif de promouvoir les activités visant à réduire, voire à éliminer, l’utilisation des pesticides. De même, il ressort du dossier que Bee Life est une organisation de défense de l’environnement. Ainsi, conformément à ses statuts, elle a notamment pour but de révéler et de résoudre les problèmes environnementaux des insectes pollinisateurs, et plus particulièrement des abeilles mellifères, et d’œuvrer pour une meilleure protection de l’environnement, en particulier pour une agriculture compatible avec le bien-être des pollinisateurs et de la biodiversité.

    39

    En outre, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les organisations de défense de l’environnement, telles que PAN Europe et Bee Life, doivent pouvoir bénéficier d’une protection juridictionnelle effective des droits qu’ils tirent de l’ordre juridique de l’Union, le droit à une telle protection n’étant toutefois pas en mesure de remettre en cause les conditions posées pour toutes les personnes, qu’elles soient physiques ou morales, à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir ordonnance du 24 septembre 2009, Município de Gondomar/Commission, C‑501/08 P, non publiée, EU:C:2009:580, point 38 et jurisprudence citée ; ordonnance du 13 mars 2015, European Coalition to End Animal Experiments/ECHA, T‑673/13, EU:T:2015:167, point 63).

    40

    En l’espèce, d’une part, il suffit de constater que l’acte attaqué n’affecte pas le droit de PAN Europe et de Bee Life de conduire des campagnes pour poursuivre tout objectif environnemental qu’elles pourraient choisir et que, en revanche, les organisations de défense de l’environnement n’ont aucun droit, dans l’ordre juridique de l’Union, à ce que les objectifs de leurs campagnes ne soient pas influencés par des actes de l’Union. Par conséquent, pour autant que l’acte attaqué ait une incidence sur l’objectif de la campagne conduite par PAN Europe et Bee Life, il ne s’agirait, en tout état de cause, que d’une incidence factuelle et non juridique.

    41

    D’autre part, ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, une utilisation effective de produits phytopharmaceutiques contenant du sulfoxaflor dépendant de l’autorisation, incertaine, de tels produits par les États membres, les éventuelles incidences de l’acte attaqué sur les objectifs de la campagne de PAN Europe et de Bee Life ne seraient qu’indirects.

    42

    Par conséquent, PAN Europe et Bee Life ne sauraient se fonder sur les prétendues incidences de l’acte attaqué sur la campagne conduite par elles pour affirmer qu’elles sont directement concernées par cet acte.

    Sur les arguments tirés de la participation au processus décisionnel

    43

    Les requérantes soutiennent que Bee Life bénéficie de la qualité pour agir en raison de sa participation au processus décisionnel. Bee Life a en effet présenté, en vertu de l’article 12 du règlement no 1107/2009, des observations écrites sur le projet de rapport d’évaluation du sulfoxaflor.

    44

    Il suffit d’observer, à cet égard, que certes, dans certains cas, le fait qu’une partie requérante ait participé à la procédure administrative ayant précédé l’adoption de l’acte attaqué a permis, conjointement avec d’autres circonstances, de la qualifier d’individuellement concernée par cet acte, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 19 mai 1994, Air France/Commission, T‑2/93, EU:T:1994:55, points 44 et 47, et du 6 juillet 1995, AITEC e.a./Commission, T‑447/93 à T‑449/93, EU:T:1995:130, point 36). En revanche, une telle participation ne permet pas de conclure que l’acte en cause concerne directement une partie requérante.

    45

    Par conséquent, Bee Life ne saurait se fonder sur le fait qu’elle a déposé des observations écrites sur le projet de rapport d’évaluation du sulfoxaflor pour affirmer qu’elle est directement concernée par l’acte attaqué.

    Sur les arguments tirés de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

    46

    Les requérantes soutiennent que, pour interpréter la condition tenant à l’affectation directe, il convient de tenir compte de leurs droits à la protection de l’environnement et à une protection juridictionnelle effective, consacrés respectivement à l’article 37 et à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, TUE, a la même valeur juridique que les traités de l’Union, ce qui devrait conduire à une interprétation de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE de nature à leur ouvrir la faculté d’introduire un recours en annulation devant les juridictions de l’Union en matière d’environnement. Il résulterait de la jurisprudence du Tribunal que l’application des principes généraux de rang supérieur reçus dans le droit de l’Union peut conduire, dans certains cas, à interpréter plus largement les critères de recevabilité.

    47

    À cet égard, dans la mesure où les requérantes invoquent l’article 37 de la charte des droits fondamentaux, il suffit d’observer que cet article ne contient qu’un principe prévoyant une obligation générale pour l’Union quant aux objectifs à poursuivre dans le cadre de ses politiques, et non un droit à introduire des recours devant les juridictions de l’Union, en matière d’environnement.

    48

    La charte des droits fondamentaux distingue en effet les principes et les droits, ainsi que cela découle par exemple de son article 51, paragraphe 1, deuxième phrase, ainsi que de son article 52, paragraphes 2 et 5. Les explications relatives à la charte des droits fondamentaux (JO 2007, C 303, p. 17), qui, selon l’article 52, paragraphe 7, de cette même charte « sont dûment prises en considération par les juridictions de l’Union », précisent d’ailleurs, concernant l’article 52, paragraphe 5, de la charte des droits fondamentaux, que les principes peuvent être mis en œuvre par le biais d’actes législatifs ou exécutifs adoptés par l’Union dans le cadre de ses compétences et par les États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union, de sorte qu’ils n’acquièrent une importance particulière pour les tribunaux que lorsque ces actes sont interprétés ou contrôlés, mais que, en revanche, ils ne donnent pas lieu à des droits immédiats à une action positive de la part des institutions de l’Union ou des autorités des États membres, ce qui correspond tant à la jurisprudence de la Cour qu’à l’approche suivie par les systèmes constitutionnels des États membres à l’égard des « principes ». À cet égard, lesdites explications citent notamment, à titre d’illustration, l’article 37 de la charte des droits fondamentaux.

    49

    S’agissant par ailleurs de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, il ressort d’une jurisprudence constante que cette disposition n’a pas pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités, et notamment les règles relatives à la recevabilité des recours formés directement devant la juridiction de l’Union, ainsi que cela découle également des explications afférentes à cet article, lesquelles doivent, conformément à l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE et à l’article 52, paragraphe 7, de la charte des droits fondamentaux, être prises en considération pour l’interprétation de celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11,EU:C:2013:28, point 42; du 18 juillet 2013, Alemo-Herron e.a., C‑426/11, EU:C:2013:521, point 32, et du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 97).

    50

    Ainsi, les conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE doivent être interprétées à la lumière du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, sans pour autant aboutir à écarter ces conditions, qui sont expressément prévues par le traité FUE (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 98 et jurisprudence citée).

    51

    Il est certes exact, ainsi que les requérantes le soutiennent, qu’elles n’ont pas fait valoir que l’article 47 de la charte des droits fondamentaux devrait se substituer à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, mais que cette dernière disposition, et en particulier le critère de l’affectation directe, devrait être interprétée moins strictement, en conformité avec la première. Toutefois, il n’apparaît pas que la garantie conférée par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux irait au-delà des garanties déjà conférées par le droit de l’Union, telles que consacrées, notamment, par la jurisprudence citée au point 18 ci-dessus. Les requérantes n’ont d’ailleurs elles-mêmes pas allégué que cela serait le cas.

    52

    Il s’ensuit que les requérantes ne sauraient se prévaloir des articles 37 et 47 de la charte des droits fondamentaux pour remettre en question l’interprétation de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE et, notamment, du critère de l’affectation directe, telle que découlant de la jurisprudence constante des juridictions de l’Union.

    Sur les arguments tirés de la convention d’Aarhus

    53

    Les requérantes font valoir que le Tribunal devrait adopter une interprétation de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE à la lumière de la convention de la Commission économique pour l’Europe des Nations unies (CEE-ONU) sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus (Danemark) le 25 juin 1998 et approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005 (JO 2005, L 124, p. 1, ci-après la « convention d’Aarhus »).

    54

    En particulier, les requérantes se prévalent de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, qui prévoit que « chaque partie veille à ce que les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d’autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement ». Elles déduisent de cette disposition que la condition tenant à l’affectation directe posée par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE devrait être interprétée de manière à assurer une protection juridique efficace et l’accès à la justice, en matière d’environnement, au bénéfice du public et des organisations de défense de l’environnement.

    55

    Premièrement, à cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 216, paragraphe 2, TFUE, les accords internationaux conclus par l’Union lient les institutions de celle-ci et bénéficient, par conséquent, de la primauté sur les actes de droit de l’Union dérivé (arrêts du 3 juin 2008, Intertanko e.a., C‑308/06, EU:C:2008:312, point 42, du 13 janvier 2015, Conseil e.a./Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht, C‑401/12 P à C‑403/12 P, EU:C:2015:4, point 52, et du 13 janvier 2015, Conseil et Commission/Stichting Natuur en Milieu et Pesticide Action Network Europe, C‑404/12 P et C‑405/12 P, EU:C:2015:5, point 44).

    56

    Il s’ensuit que les accords internationaux conclus par l’Union, dont la convention d’Aarhus, ne bénéficient pas de la primauté sur le droit primaire de l’Union, de sorte qu’il ne saurait être admis qu’il soit dérogé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, sur le fondement de ladite convention.

    57

    Deuxièmement, il découle d’une jurisprudence constante de la Cour que les dispositions d’un accord international auquel l’Union est partie ne peuvent être directement invoquées par les justiciables qu’à la condition, d’une part, que la nature et l’économie de cet accord ne s’y opposent pas et, d’autre part, que ces dispositions apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises (voir arrêts du 14 décembre 2000, Dior e.a., C‑300/98 et C‑392/98, EU:C:2000:688, point 42, et du 13 janvier 2015, Conseil e.a./Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht, C‑401/12 P à C‑403/12 P, EU:C:2015:4, point 54 et jurisprudence citée).

    58

    Or, la Cour a déjà constaté que l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus ne contenait aucune obligation inconditionnelle et suffisamment précise de nature à régir directement la situation juridique des particuliers et ne remplissait pas, de ce fait, ces conditions. En effet, dès lors que seuls « les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par [le] droit interne » sont titulaires des droits prévus audit article 9, paragraphe 3, cette disposition est subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l’intervention d’un acte ultérieur (arrêts du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie, C‑240/09, EU:C:2011:125, point 45, et du 13 janvier 2015, Conseil e.a./Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht, C‑401/12 P à C‑403/12 P, EU:C:2015:4, point 55).

    59

    Par conséquent, les justiciables ne sauraient se prévaloir directement de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus devant les juridictions de l’Union.

    60

    Troisièmement, en tout état de cause, il convient de relever que les requérantes n’ont pas démontré que l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, tel qu’interprété par les juridictions de l’Union, était incompatible avec l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus. En effet, c’est en fait la convention d’Aarhus elle-même, par la formulation « les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par [le] droit interne », qui soumet les droits que son article 9, paragraphe 3, est censé conférer aux membres du public à la condition que ces derniers répondent aux critères de recevabilité découlant de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

    61

    Il s’ensuit que les arguments des requérantes tirés de la convention d’Aarhus doivent être rejetés.

    Conclusion sur la qualité pour agir des requérantes

    62

    Il découle de ce qui précède qu’aucune disposition de l’acte attaqué n’est directement applicable aux requérantes, en ce sens qu’elle leur conférerait des droits ou leur imposerait des obligations. Par conséquent, l’acte attaqué n’a aucune incidence sur leur situation juridique, de sorte qu’il n’est pas satisfait à la condition de l’affectation directe telle qu’elle découle de la deuxième et de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

    63

    Les requérantes n’étant pas destinataires de l’acte attaqué (voir point 17 ci‑dessus), le présent recours doit dès lors être rejeté comme irrecevable, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres conditions de recevabilité.

    Sur les demandes d’intervention

    64

    Conformément à l’article 142, paragraphe 2, du règlement de procédure, l’intervention est accessoire au litige au principal et perd son objet, notamment, lorsque la requête est déclarée irrecevable.

    65

    Par conséquent, il n’y a plus lieu de statuer sur les demandes en intervention de l’ECPA, de Dow AgroSciences et de Dow AgroSciences Iberica.

    Sur les dépens

    66

    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

    67

    Les requérantes ayant succombé en leur recours, il y a lieu de les condamner à supporter leur propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

    68

    Aux termes de l’article 144, paragraphe 10, du règlement de procédure, s’il est mis fin à l’instance dans l’affaire principale avant qu’il ne soit statué sur une demande d’intervention, le demandeur en intervention et les parties principales supportent chacun leurs propres dépens afférents à la demande d’intervention.

    69

    En l’espèce, les requérantes, la Commission, l’ECPA, Dow AgroSciences et Dow AgroSciences Iberica supporteront donc chacune leurs propres dépens afférents aux demandes d’intervention de l’ECPA, de Dow AgroSciences de Dow AgroSciences Iberica.

     

    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL (première chambre)

    ordonne :

     

    1)

    Le recours est rejeté comme irrecevable.

     

    2)

    Il n’y a plus lieu de statuer sur les demandes d’intervention de l’European Crop Protection Association (ECPA), de Dow AgroSciences Ltd et de Dow AgroSciences Iberica SA.

     

    3)

    Pesticide Action Network Europe (PAN Europe), Bee Life European Beekeeping Coordination (Bee Life) et l’Unione nazionale associazioni apicoltori italiani (Unaapi) supporteront leur propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

     

    4)

    PAN Europe, Bee Life, l’Unaapi, la Commission, l’ECPA, Dow AgroSciences et Dow AgroSciences Iberica supporteront chacune leurs propres dépens relatifs aux demandes d’intervention.

    Fait à Luxembourg, le 28 septembre 2016.

     

    Le greffier

    E. Coulon

    Le président

    H. Kanninen


    ( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

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