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Document 62006TJ0011

    Arrêt du Tribunal (troisième chambre) du 5 octobre 2011.
    Romana Tabacchi Srl contre Commission européenne.
    Concurrence - Ententes - Marché italien de l’achat et de la première transformation de tabac brut - Décision constatant une infraction à l’article 81 CE - Fixation des prix et répartition du marché - Participation à l’infraction - Durée de l’infraction - Amendes - Circonstances atténuantes - Limite maximale de 10 % du chiffre d’affaires - Égalité de traitement - Pouvoir de pleine juridiction.
    Affaire T-11/06.

    Recueil de jurisprudence 2011 II-06681

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:T:2011:560

    Affaire T-11/06

    Romana Tabacchi Srl

    contre

    Commission européenne

    « Concurrence — Ententes — Marché italien de l’achat et de la première transformation de tabac brut — Décision constatant une infraction à l’article 81 CE — Fixation des prix et répartition du marché — Participation à l’infraction — Durée de l’infraction — Amendes — Circonstances atténuantes — Limite maximale de 10 % du chiffre d’affaires — Égalité de traitement — Pouvoir de pleine juridiction »

    Sommaire de l'arrêt

    1.      Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Appréciation — Obligation de prendre en compte l'impact concret sur le marché — Absence — Rôle primordial du critère tiré de la nature de l'infraction

    (Art. 81, § 1, a) et b), CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A)

    2.      Concurrence — Amendes — Lignes directrices pour le calcul des amendes — Nature juridique

    (Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03)

    3.      Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Infractions très graves

    (Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A)

    4.      Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Effet d'une pratique anticoncurrentielle — Critère non déterminant

    (Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A)

    5.      Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Parts de marché détenues par l'entreprise concernée

    (Art. 81, § 1, CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A)

    6.      Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Impact concret sur le marché — Critères d'appréciation

    (Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A)

    7.      Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Fixation de l'amende proportionnellement aux éléments d'appréciation de la gravité de l'infraction

    (Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A)

    8.      Concurrence — Amendes — Décision infligeant des amendes — Obligation de motivation — Portée

    (Art. 253 CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2 et 3)

    9.      Procédure — Production de moyens nouveaux en cours d'instance — Conditions — Moyen nouveau — Notion

    (Règlement de procédure du Tribunal, art. 48, § 2)

    10.    Concurrence — Ententes — Accords entre entreprises — Preuve de l'infraction et de sa durée à la charge de la Commission — Applicabilité du principe de la présomption d'innocence

    (Art. 81, § 1, CE; charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, art. 48, § 1)

    11.    Concurrence — Ententes — Preuve — Degré de précision exigé des éléments de preuve retenus par la Commission

    (Art. 81, § 1, CE)

    12.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Appréciation — Prise en compte de la réalité économique à l'époque de la commission de l'infraction

    (Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 3; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A)

    13.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Répartition des entreprises concernées dans des catégories — Conditions — Respect du principe d'égalité de traitement

    (Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2 ; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A)

    14.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Circonstances atténuantes — Menaces et pressions subies par une entreprise — Exclusion

    (Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 3)

    15.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Circonstances atténuantes — Rôle passif ou suiviste de l'entreprise — Critères d'appréciation

    (Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 3, 1er tiret)

    16.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Entreprises concernées faisant partie des petites et moyennes entreprises — Absence d'incidence

    (Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A, al. 5)

    17.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Circonstances atténuantes — Comportement divergent de celui convenu au sein de l'entente

    (Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 3, 2e tiret)

    18.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Circonstances atténuantes — Appréciation

    (Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 3)

    19.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Montant maximal — Calcul — Distinction entre montant final et montant intermédiaire de l'amende — Conséquences

    (Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03)

    20.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Situation financière de l'entreprise concernée — Prise en considération — Obligation — Absence

    (Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2)

    21.    Concurrence — Amendes — Montant — Pouvoir d'appréciation de la Commission — Contrôle juridictionnel — Compétence de pleine juridiction

    (Art. 229 CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 31; communication de la Commission 98/C 9/03)

    22.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Caractère dissuasif — Respect du principe de proportionnalité

    (Art. 81 CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2)

    1.      L’article 81, paragraphe 1, sous a) et b), CE, déclare expressément incompatibles avec le marché commun les accords et les pratiques concertées qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction ou à limiter ou à contrôler la production ou les débouchés. Les infractions de ce type, notamment lorsqu’il s’agit d’ententes horizontales, sont qualifiées de particulièrement graves dès lors qu’elles ont une incidence directe sur les paramètres essentiels de la concurrence sur le marché concerné ou d’infractions patentes aux règles de concurrence.

    La gravité des infractions au droit de la concurrence de l'Union doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive des critères devant obligatoirement être pris en compte.

    Selon la méthode prévue par les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, l’évaluation de la gravité de l'infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné. Toutefois, ces trois aspects de l’évaluation de la gravité de l’infraction n’ont pas le même poids dans le cadre de l’examen global. La nature de l’infraction joue un rôle primordial notamment pour caractériser les infractions très graves. En revanche, ni l’impact concret sur le marché ni l’étendue du marché géographique ne constituent des éléments nécessaires à la qualification de l’infraction de très grave dans le cas d’ententes horizontales visant notamment à la fixation des prix. Ainsi, les ententes horizontales de ce type peuvent être qualifiées de « très graves » sur le seul fondement de leur nature propre, sans que la Commission soit tenue de démontrer un impact concret de l’infraction sur le marché.

    (cf. points 67, 69, 74, 76-78)

    2.      Les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA sont un instrument destiné à préciser, dans le respect du droit de rang supérieur, les critères que la Commission compte appliquer dans le cadre de l’exercice du pouvoir d’appréciation dans la fixation des amendes que lui confère l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003. Lesdites lignes directrices ne constituent pas le fondement juridique d’une décision infligeant des amendes, cette dernière se fondant sur le règlement nº 1/2003, mais elles déterminent, de manière générale et abstraite, la méthodologie que la Commission s’est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes infligées par cette décision et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des entreprises.

    Ainsi, si les lignes directrices ne sauraient être qualifiées de règle de droit à l’observation de laquelle l’administration serait, en tout cas, tenue, elles énoncent toutefois une règle de conduite indicative de la pratique à suivre, dont l’administration ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans présenter des justifications.

    L’autolimitation du pouvoir d’appréciation de la Commission résultant de l’adoption des lignes directrices n’est toutefois pas incompatible avec le maintien d’une marge d’appréciation substantielle pour la Commission. En effet, le fait que la Commission ait précisé, par les lignes directrices, son approche quant à l’évaluation de la gravité d’une infraction ne s’oppose pas à ce qu’elle apprécie ce critère globalement en fonction de toutes les circonstances pertinentes, y compris des éléments qui ne sont pas expressément mentionnés dans les lignes directrices.

    (cf. points 71-73)

    3.      Le montant de départ minimal de 20 millions d’euros fixé par les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, en ce qui concerne les infractions très graves, se réfère à une seule entreprise et non à l’ensemble des entreprises ayant commis l’infraction.

    (cf. point 86)

    4.      En ce qui concerne l'impact concret sur le marché d'une pratique restrictive contraire aux règles de concurrence de l'Union, il y a lieu de tenir compte, pour la détermination du montant de l'amende infligée pour une telle infraction, de la durée et de tous les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité de l'infraction, tels que le comportement de chacune des entreprises, le rôle joué par chacune d’elles dans l’établissement des pratiques concertées, le profit qu'elles ont pu tirer de ces pratiques, leur taille et la valeur des marchandises concernées ainsi que le risque que des infractions de ce type représentent pour les objectifs de l'Union. Il s’ensuit que l’effet d’une pratique anticoncurrentielle n’est pas, en soi, un critère déterminant dans l’appréciation du montant adéquat de l’amende. En particulier, des éléments relevant de l’aspect intentionnel peuvent avoir plus d’importance que ceux relatifs audit effet, surtout lorsqu’il s’agit d’infractions intrinsèquement graves, telles qu’une répartition des marchés.

    (cf. point 90)

    5.      La part de marché de chacune des entreprises concernées sur le marché ayant fait l’objet d’une pratique restrictive au sens du droit de la concurrence de l'Union constitue, même en l’absence de preuve d’une incidence concrète de l’infraction sur le marché, un élément objectif qui donne une juste mesure de la responsabilité de chacune d’entre elles en ce qui concerne la nocivité potentielle de ladite pratique pour le jeu normal de la concurrence. Ainsi, en vue de la fixation du montant de l’amende, les parts de marché détenues par une entreprise sont pertinentes afin de déterminer l’influence que celle-ci a pu exercer sur le marché.

    (cf. point 97)

    6.      Pour apprécier la gravité de l’infraction, il est décisif de savoir que les membres de l’entente ont fait tout ce qui était en leur pouvoir afin de donner un effet concret à leurs intentions. Ce qui s’est passé ensuite, quant aux prix de marché effectivement réalisés, étant susceptible d’être influencé par d’autres facteurs, hors du contrôle des membres de l’entente, ceux-ci ne sauraient porter à leur propre crédit, en en faisant des éléments justifiant une réduction de l’amende, des facteurs externes, tels qu'une augmentation des prix sur le marché concerné, qui ont contrecarré leurs efforts.

    (cf. points 99-100)

    7.      Le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l'Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. Dans le cadre des procédures engagées par la Commission pour sanctionner les violations des règles de concurrence, l’application de ce principe implique que les amendes ne doivent pas être démesurées par rapport aux objectifs visés, c’est-à-dire par rapport au respect de ces règles, et que le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence doit être proportionné à l’infraction, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de la gravité de celle-ci. En particulier, le principe de proportionnalité implique que la Commission doit fixer l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée.

    Dans ces conditions, la Commission ne viole pas le principe de proportionnalité en fixant le montant de départ d'une amende pour infraction aux règles de concurrence à 10 millions d'euros, dès lors que cette infraction constitue une infraction très grave et intentionnelle aux règles de concurrence et que ledit montant a été fixé à un niveau nettement inférieur au seuil minimal prévu par les lignes directrices pour ce type d'entente.

    (cf. points 104-105, 107)

    8.      Dans le cadre de la fixation d’amendes au titre de la violation du droit de la concurrence de l'Union, l’obligation de motivation est remplie lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction.

    À cet égard, si la Commission est tenue, en vertu de l’article 253 CE, de motiver ses décisions en mentionnant les éléments de fait dont dépend la justification de la décision et les considérations qui l’ont amenée à prendre celle-ci, cette disposition n’exige pas que la Commission discute tous les points de fait et de droit qui auraient été traités au cours de la procédure administrative.

    En ce qui concerne une décision infligeant des amendes à plusieurs entreprises, la portée de l’obligation de motivation doit être notamment appréciée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte.

    (cf. points 109, 233)

    9.      Selon l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, la production de nouveaux moyens en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés pendant la procédure. À cet égard, un moyen qui constitue une ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable.

    (cf. point 124)

    10.    Il appartient à la Commission de prouver non seulement l’existence d'une entente contraire aux règles de concurrence de l'Union, mais aussi sa durée. Plus particulièrement, en ce qui concerne l’administration de la preuve d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, la Commission doit rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction. L’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant l’infraction. Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation et/ou à la réformation d’une décision infligeant une amende. En effet, dans cette dernière situation, il est nécessaire de tenir compte du principe de la présomption d’innocence, lequel fait partie des droits fondamentaux qui sont protégés dans l’ordre juridique de l’Union et a été consacré par l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, le principe de la présomption d’innocence s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes. Ainsi, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction alléguée a été commise.

    Chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence.

    (cf. points 129-130, 143)

    11.    Il est usuel que les activités que les accords anticoncurrentiels comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation y afférente soit réduite au minimum. Il s’ensuit que, même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, telles que les comptes rendus de réunions, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dès lors, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de concurrence.

    En outre, en l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement la durée d’une infraction, la Commission se fonde, au moins, sur des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises.

    À cet égard, il suffit que la Commission démontre que l’entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, sans s’y être manifestement opposée, pour prouver à suffisance la participation de ladite entreprise à l’entente. Lorsque la participation à de telles réunions a été établie, il incombe à cette entreprise d’avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur. La raison qui sous-tend ce principe de droit est que, ayant participé à ladite réunion sans se distancier publiquement de son contenu, l’entreprise a donné à penser aux autres participants qu’elle souscrivait à son résultat et qu’elle s’y conformerait. En revanche, la Commission commet une erreur d'appréciation en concluant à la participation d'une entreprise à une entente contraire aux règles de concurrence de l'Union en l'absence d'indices suffisants à cet égard.

    (cf. points 131-132, 158, 165-166)

    12.    S’agissant du choix de l’année de référence afin d’établir le poids relatif des entreprises, dans le domaine d'une entente contraire aux règles de concurrence de l'Union, si les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA prévoient, au point 1 A, quatrième et cinquième alinéas, un traitement différencié des entreprises en fonction de leur importance économique, elles n’indiquent pas par rapport à quelle année le poids relatif des entreprises doit être établi.

    À cet égard, la Commission est tenue de choisir une méthode de calcul lui permettant de tenir compte de la taille et de la puissance économique de chaque entreprise concernée ainsi que de l’ampleur de l’infraction commise par chacune d’entre elles, en fonction de la réalité économique telle qu’elle apparaissait à l’époque de la commission de l’infraction. En outre, il convient de délimiter la période à prendre en considération de manière que les chiffres d’affaires, voire les parts de marché, obtenus soient aussi comparables que possible. Il s’ensuit que l’année de référence ne doit pas nécessairement être la dernière année complète durant laquelle l’infraction a perduré.

    (cf. points 176-177)

    13.    La méthode consistant à répartir les membres d’une entente en catégories aux fins de réaliser un traitement différencié au stade de la fixation des montants de départ des amendes, bien qu’elle revienne à ignorer les différences de taille entre entreprises d’une même catégorie, entraîne une forfaitisation du montant de départ fixé aux entreprises appartenant à une même catégorie.

    Cependant, une telle répartition en catégories doit respecter le principe d’égalité de traitement, selon lequel il est interdit de traiter des situations comparables de manière différente et des situations différentes de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié. Par ailleurs, le montant des amendes doit au moins être proportionné par rapport aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction. Pour vérifier si une répartition des membres d’une entente en catégories est conforme aux principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, il convient de contrôler si cette répartition est cohérente et objectivement justifiée.

    À cet égard, s’il est loisible à la Commission de tenir compte des parts de marché détenues par une entreprise membre d’une entente lors de la dernière année complète de l’infraction constatée pour apprécier sa taille et sa puissance économique dans un marché donné ainsi que l’ampleur de l’infraction commise par elle, elle doit néanmoins veiller à ce que les parts de marché de chacune des entreprises impliquées reflètent correctement la réalité économique telle qu’elle apparaissait à l’époque de la commission de l’infraction. Or, en règle générale, dans le cas d’infractions de longue durée, ce n’est que lorsque la dernière année complète de l’infraction, telle que prise en compte par la Commission, coïncide avec la durée de participation de chacune de ces entreprises que les parts de marché qui y sont afférentes sont de nature à servir d’indicateurs pertinents à cet égard et à permettre d’obtenir des résultats aussi comparables que possible, surtout afin de répartir les entreprises impliquées en catégories.

    (cf. points 180-182, 184, 186)

    14.    L'existence de menaces et de pressions, visant à amener une entreprise à participer à une infraction au droit de la concurrence de l'Union, ne fait pas partie des circonstances atténuantes énumérées dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA. Les pressions exercées par des entreprises et visant à amener d’autres entreprises à participer à une infraction au droit de la concurrence de l'Union ne dégagent pas, quelle que soit leur importance, l’entreprise concernée de sa responsabilité pour l’infraction commise, ne modifient en rien la gravité de l’entente et ne sauraient constituer une circonstance atténuante aux fins du calcul des montants des amendes, dès lors que l’entreprise concernée aurait pu dénoncer les éventuelles pressions aux autorités compétentes et introduire auprès d’elles une plainte. Par conséquent, la Commission n'est pas tenue de prendre en compte de telles menaces comme circonstance atténuante.

    (cf. points 211-213)

    15.    Parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d’une entreprise au sein d’une entente, qui peuvent justifier la diminution d'une amende au titre du point 3, premier tiret, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, peuvent être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de sa participation aux réunions par rapport à celle des autres membres de l’entente, de même que son entrée tardive sur le marché ayant fait l’objet de l’infraction, indépendamment de la durée de sa participation à celle-ci, ou encore l’existence de déclarations expresses en ce sens émanant de représentants d’entreprises tierces ayant participé à l’infraction. Par ailleurs, le rôle exclusivement passif d’un membre d’une entente implique l’adoption par celui-ci d’un « profil bas », c’est-à-dire une absence de participation active à l’élaboration du ou des accords anticoncurrentiels.

    À cet égard, il ne suffit pas que, pendant certaines périodes de l’entente, ou à l’égard de certains accords de celle-ci, l’entreprise concernée ait adopté, à le supposer établi, un profil bas. Ainsi, le fait de convoquer, lors d'autres périodes, des réunions, de proposer un ordre du jour et de distribuer des documents préparatoires en vue de réunions est incompatible avec un rôle passif de suiveur adoptant un profil bas. De telles initiatives révèlent une attitude favorable et active de l'entreprise concernant l’élaboration, la continuation et le contrôle de l’entente.

    De plus, dès lors qu’une entreprise a participé, même sans y jouer un rôle actif, à des réunions ayant un objet anticoncurrentiel, elle doit être considérée comme ayant participé à l’entente, à moins qu’elle ne prouve s’être ouvertement distanciée de la concertation illicite. En effet, par sa présence aux réunions, l'entreprise a adhéré ou tout au moins a fait croire aux autres participants qu’elle adhérait, en principe, au contenu des accords anticoncurrentiels qui y étaient conclus.

    (cf. points 217-218, 220, 223, 225)

    16.    Le point 1 A, cinquième alinéa, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA permet à la Commission d’augmenter les amendes des entreprises de grande dimension, mais ne lui impose pas de réduire celles fixées pour des entreprises de taille modeste. La taille de l’entreprise est, en effet, prise en considération par le plafond fixé par l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 et par les dispositions des lignes directrices. À part ces considérations relatives à la taille, il n’y a aucune raison de traiter les petites et moyennes entreprises différemment des autres entreprises. Le fait que les entreprises soient de petites ou moyennes entreprises ne les exonère pas de leur devoir de respecter les règles de concurrence.

    Par ailleurs, l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 n’exige pas que, lorsque des amendes sont imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, le montant de l’amende infligée à une entreprise de petite ou de moyenne taille ne soit pas supérieur, en pourcentage du chiffre d’affaires, à celui des amendes infligées aux entreprises plus grandes. En effet, il ressort de cette disposition que, tant pour les entreprises de petite ou de moyenne taille que pour celles de taille supérieure, il y a lieu de prendre en considération, pour déterminer le montant de l’amende, la gravité et la durée de l’infraction.

    (cf. points 226, 228, 260)

    17.    La Commission n’est tenue de reconnaître l’existence d’une circonstance atténuante, au titre d'une non-application effective d'accords infractionnels, en vertu du point 3, deuxième tiret, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, que si l’entreprise qui invoque l'absence de mise en oeuvre de l'entente peut démontrer qu’elle s’est clairement, et de manière considérable, opposée à la mise en œuvre de cette entente, au point d’en avoir perturbé le fonctionnement même, et qu’elle n’a pas adhéré à l’accord en apparence et, de ce fait, incité d’autres entreprises à mettre en œuvre l’entente en cause. Il serait effectivement trop aisé pour les entreprises de minimiser le risque de devoir payer une lourde amende si elles pouvaient profiter d’une entente illicite et bénéficier ensuite d’une réduction de l’amende au motif qu’elles n’avaient joué qu’un rôle limité dans la mise en œuvre de l’infraction, alors que leur attitude a incité d’autres entreprises à se comporter de manière plus nuisible à la concurrence.

    (cf. points 240-241)

    18.    Il n’est pas indiqué dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, que la Commission doit systématiquement prendre en compte séparément chacune des circonstances atténuantes énumérées au point 3 desdites lignes directrices. Il s’ensuit qu’elle n’est pas obligée d’accorder une réduction supplémentaire à ce titre de manière automatique, le caractère adéquat d’une éventuelle réduction de l’amende au titre des circonstances atténuantes devant être apprécié d’un point de vue global en tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes.

    (cf. point 242)

    19.    La limite maximale de 10 % du chiffre d’affaires global, prévue par l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, a un objectif distinct et autonome par rapport à celui des critères de gravité et de durée de l’infraction, à savoir éviter que ne soient infligées des amendes dont il est prévisible que les entreprises, au vu de leur taille, telle que déterminée par leur chiffre d’affaires global, fût-ce de façon approximative et imparfaite, ne seront pas en mesure de s’acquitter. Ainsi, cette limite est uniformément applicable à toutes les entreprises et articulée en fonction de la taille de chacune d’entre elles et vise à éviter des amendes d’un niveau excessif et disproportionné. Une telle limite a comme seule conséquence possible que le montant de l’amende calculé sur la base des critères de gravité et de durée de l’infraction soit réduit au niveau maximal autorisé lorsqu’il dépasse ce dernier. Son application implique que l’entreprise concernée ne paie pas la totalité de l’amende qui, en principe, serait due au titre d’une appréciation fondée sur lesdits critères.

    Par ailleurs, l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 n’interdit pas à la Commission de se référer, au cours de son calcul, à un montant intermédiaire supérieur à ladite limite, pour autant que l’amende finalement imposée ne la dépasse pas. Il s’ensuit que la Commission ne peut être tenue, à aucun stade de l’application des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, d’assurer que les montants intermédiaires des amendes retenus traduisent toute différence existant entre les chiffres d’affaires globaux des entreprises concernées. D’ailleurs, la Commission n’est pas non plus tenue d’assurer que les montants finaux des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différence entre celles-ci quant à leur chiffre d’affaires.

    (cf. points 257, 259)

    20.    La Commission n’est pas obligée, lors de la détermination du montant de l’amende, de tenir compte de la situation financière déficitaire d’une entreprise intéressée, étant donné que la reconnaissance d’une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché.

    (cf. point 258)

    21.    La compétence de pleine juridiction conférée, en application de l’article 229 CE, au Tribunal par l’article 31 du règlement nº 1/2003 habilite ce dernier, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, qui ne permet que de rejeter le recours en annulation ou d’annuler l’acte attaqué, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à réformer l’acte attaqué, même en l’absence d’annulation, compte tenu de toutes les circonstances de fait, en modifiant notamment l’amende infligée lorsque la question du montant de celle-ci est soumise à son appréciation.

    Par nature, la fixation d’une amende par le Tribunal n’est pas un exercice arithmétique précis. Par ailleurs, le Tribunal n’est pas lié par les calculs de la Commission ni par ses lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, lorsqu’il statue en vertu de sa compétence de pleine juridiction, mais doit effectuer sa propre appréciation, en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce.

    (cf. points 265-266)

    22.    Les amendes infligées en raison des violations de l’article 81 CE, telles que prévues à l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, ont pour objet de réprimer les actes illégaux des entreprises concernées ainsi que de dissuader tant les entreprises en question que d’autres opérateurs économiques de violer, à l’avenir, les règles du droit de la concurrence de l’Union. Ainsi, la prise en considération de la taille et des ressources globales de l’entreprise en cause afin d’assurer un effet dissuasif suffisant à l’amende réside dans l’impact recherché sur ladite entreprise, la sanction ne devant pas être négligeable au regard, notamment, de la capacité financière de celle-ci.

    En outre, le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la disposition en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés. Il s’ensuit que les amendes ne doivent pas être démesurées par rapport aux objectifs visés, c’est-à-dire par rapport au respect des règles de concurrence, et que le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence doit être proportionné à l’infraction, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de la gravité de celle-ci.

    (cf. points 279-280)







    ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

    5 octobre 2011 (*)

      « Concurrence – Ententes – Marché italien de l’achat et de la première transformation de tabac brut – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Fixation des prix et répartition du marché – Participation à l’infraction – Durée de l’infraction – Amendes – Circonstances atténuantes – Limite maximale de 10 % du chiffre d’affaires – Égalité de traitement – Pouvoir de pleine juridiction »

    Dans l’affaire T‑11/06,

    Romana Tabacchi Srl, anciennement Romana Tabacchi SpA, établie à Rome (Italie), représentée par Mes M. Siragusa et G. C. Rizza, avocats,

    partie requérante,

    contre

    Commission européenne, représentée initialement par MM. É. Gippini Fournier et F. Amato, puis par MM. Gippini Fournier et V. Di Bucci, et enfin par MM. Gippini Fournier et L. Malferrari, en qualité d’agents,

    partie défenderesse,

    ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation partielle de la décision C (2005) 4012 final de la Commission, du 20 octobre 2005, relative à une procédure d’application de l’article 81, paragraphe 1, [CE] (Affaire COMP/C.38.281/B.2 – Tabac brut – Italie), et, d’autre part, une demande de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante,

    LE TRIBUNAL (troisième chambre),

    composé de M. J. Azizi, président, Mme E. Cremona (rapporteur) et M. S. Frimodt Nielsen, juges,

    greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er décembre 2010,

    rend le présent

    Arrêt

     Antécédents du litige

    1        La requérante, Romana Tabacchi Srl, est une société italienne, actuellement en liquidation, ayant pour activité principale la première transformation du tabac brut. Au moment des faits qui font l’objet de la présente affaire, les seuls actionnaires de la requérante étaient les époux B., qui en détenaient – et en détiennent encore à ce jour – conjointement la totalité des actions.

    1.     Procédure administrative

    2        Le 15 janvier 2002, la Commission des Communautés européennes a adressé, au titre de l’article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), des demandes de renseignements, concernant le marché italien du tabac brut, aux associations professionnelles des transformateurs et des producteurs de tabac italiens, à savoir, respectivement, l’Associazione professionale trasformatori tabacchi italiani (APTI, Association professionnelle des transformateurs de tabac brut italiens) et l’Unione italiana tabacco (Unitab, Union italienne du tabac).

    3        Le 19 février 2002, la Commission a reçu une demande d’immunité en matière d’amendes de la part de Deltafina SpA, transformateur italien membre de l’APTI, en application de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci‑après la « communication sur la coopération »). Le 6 mars 2002, la Commission a accordé une immunité conditionnelle à Deltafina en application du paragraphe 15 de ladite communication.

    4        Le 4 avril 2002, la Commission a reçu une demande d’immunité en matière d’amendes, au titre du paragraphe 8 de la communication sur la coopération, et, à titre subsidiaire, une demande de réduction de toute amende, au titre des paragraphes 20 à 27 de ladite communication, de la part de Dimon Italia Srl (filiale de Dimon Inc. et devenue Mindo Srl) ainsi qu’une demande de réduction de toute amende, au même titre, de la part de Transcatab SpA (filiale de Standard Commercial Corp., ci‑après « SCC »).

    5        Les 18 et 19 avril 2002, la Commission a effectué des vérifications, au titre de l’article 14 du règlement n° 17, dans les locaux de Dimon Italia et de Transcatab ainsi que dans les locaux de Trestina Azienda Tabacchi SpA et de la requérante.

    6        Le 8 octobre 2002, la Commission a informé Dimon Italia et Transcatab que, celles-ci ayant été respectivement la première et la seconde entreprise à fournir des éléments de preuve de l’infraction au sens de la communication sur la coopération, elle avait l’intention de leur accorder, au terme de la procédure administrative, une réduction du montant de l’amende qui leur aurait été infligée au titre des infractions éventuellement constatées.

    7        Le 25 février 2004, la Commission a adopté une communication des griefs qu’elle a adressée à dix entreprises ou associations d’entreprises, dont Deltafina, Dimon Italia, Transcatab et la requérante (ci‑après les « transformateurs ») ainsi que les sociétés mères de certaines d’entre elles, notamment Universal Corp., Dimon et SCC. Les destinataires de la communication des griefs ont eu accès au dossier administratif, dont une copie sur CD‑ROM leur a été communiquée par la Commission, et ont transmis des observations écrites en réponse aux griefs soulevés par cette dernière. Une audition s’est ensuite tenue le 22 juin 2004.

    8        À la suite de l’adoption, le 21 décembre 2004, d’un addendum à la communication des griefs du 25 février 2004, une seconde audition s’est tenue le 1er mars 2005.

    9        Après avoir consulté le comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes, et au vu du rapport final du conseiller‑auditeur, la Commission a adopté, le 20 octobre 2005, la décision C (2005) 4012 final, du 20 octobre 2005, relative à une procédure d’application de l’article 81, paragraphe 1, [CE] (Affaire COMP/C.38.281/B.2 – Tabac brut – Italie) (ci‑après la « décision attaquée »), dont un résumé a été publié au Journal officiel de l’Union européenne du 13 février 2006 (JO L 353, p. 45).

    2.     Décision attaquée

    10      La décision attaquée concerne, en premier lieu, une entente horizontale mise en œuvre par les transformateurs sur le marché italien du tabac brut (considérant 1 de la décision attaquée).

    11      La Commission a constaté, dans la décision attaquée, que, dans le cadre de cette entente, pendant la période allant de 1995 au début de l’année 2002, les transformateurs avaient fixé les conditions de transaction pour l’achat de tabac brut en Italie, en ce qui concerne tant les achats directs aux producteurs que les achats auprès des « tiers tasseurs », notamment par la fixation des prix et par le partage du marché (considérant 1 de la décision attaquée).

    12      La décision attaquée concerne, en second lieu, deux autres infractions, distinctes de l’entente mise en œuvre par les transformateurs, qui ont eu lieu entre le début de l’année 1999 et la fin de l’année 2001 et ont consisté, pour l’APTI, à fixer les prix contractuels qu’elle négocierait, pour le compte de ses membres, en vue de la conclusion d’accords interprofessionnels avec l’Unitab, et, pour cette dernière, à fixer les prix qu’elle négocierait avec l’APTI, pour le compte de ses membres, en vue de la conclusion de ces mêmes accords.

    13      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les pratiques des transformateurs constituaient une infraction unique et continue à l’article 81, paragraphe 1, CE (voir, notamment, considérants 264 à 269 de la décision attaquée).

    14      À l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée, elle a imputé la responsabilité de l’entente aux transformateurs ainsi qu’à Universal, société mère de Deltafina, et à Alliance One International, Inc. (ci‑après « Alliance One »), en tant que société issue de la fusion entre Dimon et SCC. Elle a également constaté, à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, que l’APTI et l’Unitab avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE en adoptant des décisions portant fixation des prix qu’elles négocieraient, pour le compte de leurs membres, en vue de la conclusion d’accords interprofessionnels.

    15      À l’article 2 de la décision attaquée, la Commission a infligé des amendes aux entreprises visées au point 14 ci‑dessus ainsi qu’à l’APTI et à l’Unitab (voir point 42 ci‑après).

    16      Aux considérants 356 à 404 de la décision attaquée, la Commission a procédé à la détermination des amendes à infliger aux destinataires de celle‑ci.

    17      Les montants des amendes ont été déterminés par la Commission en fonction de la gravité et de la durée des infractions en cause, soit les deux critères explicitement mentionnés à l’article 23, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), et à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 (considérants 356 et 357 de la décision attaquée).

     Fixation du montant de départ des amendes

     Gravité

    18      S’agissant de la gravité de l’infraction en cause, la Commission a rappelé que, pour évaluer ce facteur, elle devait prendre en considération la nature propre de celle‑ci, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique en cause (considérant 365 de la décision attaquée).

    19      Ensuite, la Commission a indiqué que la production de tabac brut en Italie correspondait à 38 % de la production sous quota dans l’Union européenne, ce qui représentait 67,338 millions d’euros en 2001, soit la dernière année complète de l’infraction (considérant 366 de la décision attaquée).

    20      S’agissant de la nature de l’infraction, la Commission a constaté qu’elle était très grave, car l’infraction a consisté en la fixation des prix d’achat de variétés de tabac brut en Italie et en la répartition des quantités achetées. La Commission a ajouté, en se référant à la partie de la décision attaquée concernant l’analyse de la restriction de la concurrence (considérants 272 et suivants), qu’une entente en matière d’achat était susceptible de fausser la volonté des producteurs de générer un certain rendement de même que de limiter la concurrence entre les transformateurs sur les marchés en aval. Elle a également affirmé qu’il en était particulièrement ainsi lorsque, comme dans le cas présent, le produit visé par l’entente, en l’espèce le tabac brut, constituait un « intrant » important des activités exercées par les participants en aval, en l’espèce la première transformation de tabac et la vente de tabac transformé (considérants 367 et 368 de la décision attaquée).

    21      Au considérant 369 de la décision attaquée, la Commission a conclu des considérations qui précèdent que l’infraction commise par les transformateurs devait être qualifiée de très grave.

     Traitement différencié

    22      Aux considérants 370 à 376 de la décision attaquée, la Commission a examiné la question du « poids spécifique » et de la « dissuasion ». À cet égard, elle a indiqué que, lors de la fixation du montant de l’amende, il convenait de tenir compte du « poids spécifique de chaque entreprise et des répercussions probables de son comportement illicite » (considérant 370 de la décision attaquée).

    23      Ainsi, la Commission a estimé que les amendes devaient être fixées en fonction de la position de chaque partie en cause sur le marché (considérant 371 de la décision attaquée).

    24      À cet égard, la Commission a considéré que, s’agissant de Deltafina, le montant de départ de l’amende devait être le plus élevé, car elle s’avérait être le plus gros acheteur, sa part de marché étant d’environ 25 % en 2001 (considérant 372 de la décision attaquée).

    25      Étant donné qu’elles détenaient des parts du marché en cause plus réduites, d’environ 9 à 11 % en 2001, la Commission a considéré que Transcatab, Dimon Italia et Romana Tabacchi « devaient être regroupées » et que le montant de départ de l’amende devait être plus faible en ce qui les concernait (considérant 373 de la décision attaquée).

    26      La Commission a toutefois considéré qu’un montant de départ reflétant uniquement la position sur le marché n’aurait pas un effet suffisamment dissuasif sur Deltafina, Dimon Italia (Mindo) et Transcatab, car, en dépit de leur chiffre d’affaires relativement limité, chacune appartenait – ou, dans le cas de Mindo, avait appartenu – à des groupes multinationaux dotés d’une force économique et financière considérable, qui étaient les principaux négociants en tabac mondiaux et opéraient à différents niveaux d’activité au sein de l’industrie du tabac et sur différents marchés géographiques (considérant 374 de la décision attaquée).

    27      Par conséquent, en vue de conférer un caractère dissuasif à l’amende, la Commission a considéré qu’il y avait lieu d’appliquer un coefficient multiplicateur de 1,5 – soit une majoration de 50 % – au montant de départ déterminé pour Deltafina et un coefficient multiplicateur de 1,25 – soit une majoration de 25 % – au montant de départ déterminé pour Dimon Italia (Mindo) et Transcatab (considérant 375 de la décision attaquée).

    28      Ainsi, la Commission a fixé, au considérant 376 de la décision attaquée, le montant de départ des amendes comme suit :

    –        Deltafina :           37,5 millions d’euros ;

    –        Transcatab :           12,5 millions d’euros ;

    –        Dimon Italia (Mindo) : 12,5 millions d’euros ;

    –        Romana Tabacchi :  10 millions d’euros.

     Fixation du montant de base des amendes

    29      Aux considérants 377 et 378 de la décision attaquée, la Commission a examiné la question de la durée de l’infraction.

    30      Elle a considéré que l’entente mise en œuvre par les transformateurs avait commencé le 29 septembre 1995 et avait cessé d’exister, selon les déclarations de ceux-ci, le 19 février 2002. S’agissant, en particulier, de la requérante, la Commission a exposé qu’elle avait rejoint l’entente en octobre 1997 et qu’elle avait suspendu sa participation du 5 novembre 1999 au 29 mai 2001, pour la rejoindre de nouveau du 29 mai 2001 au 19 février 2002. Sa participation à l’infraction n’ayant duré que deux ans et huit mois, la Commission a estimé qu’il convenait d’appliquer une majoration de 25 % au montant de départ de son amende, alors que des majorations de 60 % ont été appliquées au montant de départ des amendes infligées aux autres transformateurs.

    31      Les montants de base des amendes infligées aux destinataires de la décision attaquée ont, dès lors, été établis comme suit :

    –        Deltafina :           60 millions d’euros ;

    –        Transcatab :           20 millions d’euros ;

    –        Dimon Italia (Mindo) :  20 millions d’euros ;

    –        Romana Tabacchi : 12,5 millions d’euros.

     Circonstances atténuantes

    32      Aux considérants 380 à 398 de la décision attaquée, la Commission a examiné s’il y avait lieu de prendre en considération des circonstances atténuantes.

    33      En ce qui concerne la requérante, la Commission a précisé, au considérant 380 de la décision attaquée, qu’elle « n’a[vait] pas pris part à certains aspects de l’entente (à savoir, principalement, ceux ayant trait aux achats directs aux producteurs, auxquels elle n’a commencé à acheter des quantités limitées qu’en 2000) ». En outre, elle a considéré que, en 1997, lorsque la requérante avait rejoint l’entente, sa part de marché était faible. Enfin, elle a précisé que le « comportement de la requérante a[vait] souvent perturbé l’objet de l’entente à tel point que les autres participants [avaient] été amenés à discuter ensemble de la réaction à avoir face à ce comportement ».

    34      Eu égard à ces éléments, la Commission a décidé de réduire à concurrence de 30 % le montant de base de l’amende infligée à la requérante.

    35      En ce qui concerne la situation de Dimon Italia et de Transcatab, la Commission a rejeté l’ensemble de leurs arguments visant à les faire bénéficier de circonstances atténuantes (considérants 381 à 384 de la décision attaquée).

    36      Enfin, la Commission a pris en compte la situation particulière de Deltafina et a conclu qu’il convenait de réduire à concurrence de 50 % son amende, en raison de la coopération fournie par celle-ci (considérants 385 à 398 de la décision attaquée).

    37      La Commission a fixé le montant des amendes à la suite de l’application des circonstances atténuantes comme suit (considérant 399 de la décision attaquée) :

    –        Deltafina :           30 millions d’euros ;

    –        Dimon Italia (Mindo) : 20 millions d’euros ;

    –        Transcatab :           20 millions d’euros ;

    –        Romana Tabacchi :  8,75 millions d’euros.

     Limite maximale de l’amende prévue à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003

    38      Aux considérants 400 à 404 de la décision attaquée, la Commission a examiné s’il y avait lieu d’adapter les montants de base ainsi calculés pour les différents destinataires afin qu’ils n’excèdent pas la limite de 10 % du chiffre d’affaires prévue par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

    39      À ce titre, elle a énoncé que le montant de l’amende infligée à la requérante ne devait pas excéder 2,05 millions d’euros et qu’il n’était pas nécessaire de réduire les autres amendes au titre de ladite disposition (considérants 402 et 403 de la décision attaquée).

     Application de la communication sur la coopération

    40      Aux considérants 405 à 500 de la décision attaquée, la Commission s’est prononcée sur l’application de la communication sur la coopération.

    41      Après avoir constaté que Dimon Italia et Transcatab s’étaient conformées aux conditions qui leur étaient imposées au titre de leur demande de réduction de l’amende, la Commission a déduit de l’appréciation des éléments de preuve fournis et de leur coopération pendant la procédure qu’elles bénéficieraient du taux de réduction le plus élevé prévu à l’intérieur des fourchettes qui leur avaient été indiquées à la suite de leur demande de réduction, soit respectivement 50 % et 30 % (considérants 492 à 499 de la décision attaquée). En revanche, aucune immunité ou réduction de l’amende n’a été accordée à Deltafina.

     Montant final des amendes

    42      Conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, la Commission a fixé, à l’article 2 de la décision attaquée, les montants des amendes à infliger aux entreprises et aux associations d’entreprises destinataires de la décision attaquée comme suit :

    –        Deltafina et Universal, solidairement : 30 millions d’euros ;

    –        Dimon Italia (Mindo) et Alliance One : 10 millions d’euros ; Alliance One étant responsable pour la totalité et Mindo n’étant solidairement responsable que pour 3,99 millions d’euros ;

    –        Transcatab et Alliance One, solidairement : 14 millions d’euros ;

    –        Romana Tabacchi : 2,05 millions d’euros ;

    –        APTI : 1 000 euros ;

    –        Unitab : 1 000 euros.

     Procédure et conclusions des parties

    43      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 janvier 2006, la requérante a introduit le présent recours.

    44      Par acte séparé, enregistré au greffe du Tribunal le même jour (affaire T‑11/06 R), la requérante a introduit, sur le fondement de l’article 242 CE et de l’article 104 du règlement de procédure du Tribunal, une demande en référé visant à ce que, d’une part, il soit sursis à l’exécution de la décision attaquée et, d’autre part, elle soit dispensée de l’obligation de constituer une garantie bancaire pour le paiement de l’amende, comme condition de son non‑recouvrement immédiat.

    45      Par ordonnance du président du Tribunal du 13 juillet 2006, Romana Tabacchi/Commission (T‑11/06 R, Rec. p. II‑2491), il a été sursis à l’obligation pour la requérante de constituer en faveur de la Commission une garantie bancaire pour éviter le recouvrement immédiat de l’amende qui lui a été infligée par l’article 2 de la décision attaquée, à certaines conditions, et les dépens ont été réservés.

    46      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a invité les parties à déposer des documents. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

    47      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience qui s’est tenue le 1er décembre 2010.

    48      Par lettres des 7 et 10 décembre 2010, la requérante et la Commission ont, respectivement, répondu à une mesure d’organisation de la procédure du Tribunal adoptée lors de l’audience et déposé des documents.

    49      Le 19 janvier 2011, la Commission a, sur demande du Tribunal, déposé d’autres documents.

    50      Le 8 février 2011, la requérante a présenté ses observations sur ces documents.

    51      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    –        annuler partiellement la décision attaquée, pour la partie de celle‑ci relative au calcul de l’amende qui lui a été infligée ; 

    –        réduire substantiellement le montant de l’amende qui lui a été infligée ;

    –        ordonner toute autre mesure, y compris des mesures d’instruction, que le Tribunal pourrait considérer comme appropriée ;

    –        condamner la Commission aux dépens.

    52      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    –        rejeter le recours ;

    –        condamner la requérante aux dépens.

     En droit

    53      À l’appui de son recours, la requérante invoque cinq moyens. Le premier moyen est tiré d’un défaut d’instruction, d’un défaut de motivation ou du caractère illogique de celle‑ci ainsi que d’une violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, en ce qui concerne l’omission, par la Commission, de prendre en compte, aux fins du calcul du montant de départ de l’amende, l’absence d’impact concret de l’entente sur le marché. Le deuxième moyen est tiré du caractère illogique de la motivation et de la violation du principe d’égalité de traitement dans la gradation du montant de départ de l’amende afin de le proportionner au poids spécifique de la requérante. Le troisième moyen est pris d’un défaut de motivation et d’instruction ainsi que de la violation de la charge de la preuve, quant au constat de la durée de la participation de la requérante à l’infraction. Le quatrième moyen est tiré d’une réduction insuffisante du montant de l’amende au titre du rôle « perturbant » joué par la requérante ainsi que de l’absence de prise en compte d’autres circonstances atténuantes. Le cinquième moyen est pris du caractère inique et disproportionné de l’amende, au regard de la structure patrimoniale et de la capacité contributive réelle de la requérante dans un contexte social particulier.

    54      Le Tribunal examinera d’abord le premier moyen, ensuite le troisième moyen et, enfin, les deuxième, quatrième et cinquième moyens.

    1.     Sur la demande de preuve par témoin 

    55      S’agissant de l’appréciation des déclarations que la requérante a annexées à la requête, en tant que moyens de preuve, il y a lieu d’observer, tout d’abord, que le règlement de procédure ne s’oppose pas à ce que les parties produisent de telles déclarations. Toutefois, leur appréciation reste réservée au Tribunal, qui peut, si les faits qui y sont décrits sont cruciaux aux fins de la résolution du litige, ordonner, sous forme de mesure d’instruction, l’audition, en tant que témoin, de l’auteur d’un tel document (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, BASF et UCB/Commission, T‑101/05 et T‑111/05, Rec. p. II‑4949, point 97). Or, en l’espèce, eu égard aux écritures des parties, aux pièces versées au dossier et aux résultats de l’audience, le Tribunal s’estime suffisamment informé pour statuer sur le présent litige (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, Rec. p. II‑4441, point 80).

    56      Dès lors, la demande de mesure d’instruction présentée par la requérante est rejetée.

    2.     Sur le premier moyen, tiré d’un défaut d’instruction, d’un défaut de motivation ou du caractère illogique de celle‑ci ainsi que d’une violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, en ce qui concerne l’omission, par la Commission, de prendre en compte l’absence d’impact concret de l’entente sur le marché

     Arguments des parties

    57      Par le premier moyen, la requérante soutient, tout d’abord, que, aux fins du calcul du montant de départ de l’amende qui lui a été infligée, la Commission aurait dû prendre en compte « l’absence d’impact concret sur le marché » de l’entente. En particulier, la Commission n’aurait pas tiré de conséquences, d’une part, des constatations faites dans la décision attaquée (considérants 97 et 98 de la décision attaquée), selon lesquelles les prix payés aux producteurs pour le tabac brut auraient augmenté en Italie dans une mesure bien supérieure à la moyenne communautaire, et, d’autre part, du fait que les participants à l’entente, ne représentant pas plus de 55 % du marché, seraient restés inévitablement exposés à l’intense pression concurrentielle des transformateurs n’ayant pas adhéré à l’accord.

    58      Selon la requérante, dans le calcul de l’amende, la Commission serait tenue, conformément à sa pratique décisionnelle approuvée par la jurisprudence, de distinguer les ententes ayant un impact concret considérable de celles dénuées d’effets ou dont les effets sont limités. La Commission serait ainsi tenue à une « obligation positive » de mesurer l’impact effectif de l’entente sur le marché lorsqu’elle en établit la gravité pour fixer le montant de départ des amendes. L’obligation de prendre en compte l’« impact concret [de l’infraction] sur le marché lorsqu’il est mesurable » ressortirait explicitement du texte des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices »), desquelles la Commission ne pourrait pas se départir.

    59      Plus particulièrement, pour apprécier l’impact concret d’une infraction sur le marché, la Commission devrait se référer au jeu de la concurrence qui aurait normalement existé en l’absence d’infraction. Ainsi, d’une part, dans le cas d’ententes sur les prix, il devrait être constaté que les accords ont effectivement permis aux entreprises concernées d’atteindre un niveau de prix de transaction supérieur à celui qui aurait prévalu en l’absence d’entente. D’autre part, la Commission devrait prendre en compte, dans le cadre de son appréciation, toutes les conditions objectives du marché concerné, eu égard au contexte économique. D’ailleurs, évaluer l’impact sur les prix d’une entente ne serait nullement impossible et la Commission serait en mesure d’effectuer une telle analyse, comme le prouverait sa pratique décisionnelle en matière de contrôle des concentrations.

    60      Selon la requérante, une conception schématique et mécanique du calcul des amendes ne tenant pas compte des effets concrets de l’infraction sur le marché est également contraire aux principes d’égalité de traitement et de proportionnalité. Le respect du premier principe imposerait à la Commission de différencier les amendes selon l’impact concret des ententes sur le marché, sanctionnées au cas par cas. Le respect du second principe imposerait, lors du calcul de l’amende, de faire en sorte qu’elle ait un rapport sensé et raisonnable avec l’impact réel du comportement illicite et, en particulier, avec le préjudice causé aux clients et aux consommateurs finaux, qui en l’espèce aurait fait défaut. En effet, le niveau d’un tel préjudice constituerait le premier critère distinctif entre les ententes. L’amende infligée pour une entente dont l’impact réel sur le marché ne serait pas significatif et ne porterait pas préjudice aux clients des entreprises participantes et aux consommateurs devrait correspondre au degré minimal de l’échelle des amendes, y compris pour les infractions « très graves ».

    61      La requérante conteste, en outre, l’argument de la Commission selon lequel le montant de 20 millions d’euros, cité au point 1 A des lignes directrices, représenterait le montant minimal de la sanction de base applicable en principe à l’entreprise qui détient la position la plus importante sur le marché concerné par l’infraction et non à l’ensemble des entreprises participant à l’entente. Par ailleurs, dans l’affaire ayant donné lieu à la décision C (2004) 4030 final, du 20 octobre 2004, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (Affaire COMP/C.38.238/B.2 – Tabac brut – Espagne), présentant des analogies évidentes avec l’affaire qui est à l’origine du présent recours, la Commission aurait dérogé au montant minimal de 20 millions d’euros.

    62      En outre, la caractérisation formelle fondée sur la distinction « grave/très grave » ne revêtirait pas la pertinence que lui attribue la Commission, dès lors que l’objet des griefs soulevés par la requérante est le résultat final du calcul de la Commission au regard de ses lignes directrices. Par ailleurs, il résulterait de la jurisprudence que, lorsque les effets sur le marché sont réduits, une entente sur les prix peut aussi être qualifiée d’infraction « grave », plutôt que « très grave ». Enfin, pour tenir compte de manière adéquate de l’impact limité de l’infraction sur le marché, la Commission pourrait aussi réduire le montant fixé au titre de la gravité par rapport au montant minimal retenu habituellement dans le cas d’une infraction « très grave ».

    63      En définitive, faute de preuves de l’impact concret de l’entente sur le marché, le montant de départ de l’amende infligée à la requérante aurait dû être fixé à un niveau correspondant au degré le plus bas de l’échelle des amendes appropriées aux ententes.

    64      La Commission conclut au rejet du moyen.

     Appréciation du Tribunal

    65      Dans le cadre du premier moyen, la requérante soulève plusieurs griefs, tous mettant en cause l’absence de prise en compte par la Commission, dans la détermination du montant de départ de l’amende, de la circonstance que l’entente n’aurait pas eu d’impact concret sur le marché.

    66      À cet égard, avant d’aborder les griefs soulevés par la requérante, le Tribunal estime nécessaire de rappeler les principes généraux régissant la détermination du montant des amendes en matière d’ententes contraires à l’article 81 CE et, plus particulièrement, l’appréciation de la gravité de l’infraction.

     Considérations générales

    67      L’article 81, paragraphe 1, sous a) et b), CE déclare expressément incompatibles avec le marché commun les accords et les pratiques concertées qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction ou à limiter ou à contrôler la production ou les débouchés. Les infractions de ce type, notamment lorsqu’il s’agit d’ententes horizontales, sont qualifiées par la jurisprudence de particulièrement graves dès lors qu’elles ont une incidence directe sur les paramètres essentiels de la concurrence sur le marché concerné (arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, Rec. p. II‑347, point 675) ou d’infractions patentes aux règles de concurrence (arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission, T‑148/89, Rec. p. II‑1063, point 109, et du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T‑311/94, Rec. p. II‑1129, point 303).

    68      Aux termes de l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, pour déterminer le montant de l’amende à infliger pour des violations de l’article 81, paragraphe 1, CE, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.

    69      Il est de jurisprudence constante que la gravité des infractions au droit de la concurrence doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive des critères devant obligatoirement être pris en compte (arrêts de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 241 ; du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, Rec. p. I‑7415, point 54, et du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 91).

    70      Afin d’assurer la transparence et le caractère objectif de ses décisions fixant des amendes pour les violations des règles de concurrence, la Commission a adopté les lignes directrices (premier alinéa des lignes directrices).

    71      Les lignes directrices sont un instrument destiné à préciser, dans le respect du droit de rang supérieur, les critères que la Commission compte appliquer dans le cadre de l’exercice du pouvoir d’appréciation dans la fixation des amendes que lui confère l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. Les lignes directrices ne constituent pas le fondement juridique d’une décision infligeant des amendes, cette dernière se fondant sur le règlement n° 1/2003, mais elles déterminent, de manière générale et abstraite, la méthodologie que la Commission s’est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes infligées par cette décision et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des entreprises (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 69 supra, points 209 à 213, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, points 219 et 223).

    72      Ainsi, si les lignes directrices ne sauraient être qualifiées de règle de droit à l’observation de laquelle l’administration serait, en tout cas, tenue, elles énoncent toutefois une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont l’administration ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans présenter des justifications (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 69 supra, points 209 et 210, et du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C‑397/03 P, Rec. p. I‑4429, point 91).

    73      L’autolimitation du pouvoir d’appréciation de la Commission résultant de l’adoption des lignes directrices n’est toutefois pas incompatible avec le maintien d’une marge d’appréciation substantielle pour la Commission (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T‑44/00, Rec. p. II‑2223, points 246, 274 et 275). En effet, le fait que la Commission ait précisé, par les lignes directrices, son approche quant à l’évaluation de la gravité d’une infraction ne s’oppose pas à ce qu’elle apprécie ce critère globalement en fonction de toutes les circonstances pertinentes, y compris des éléments qui ne sont pas expressément mentionnés dans les lignes directrices (arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 71 supra, point 237).

    74      Selon la méthode prévue par les lignes directrices, la Commission prend comme point de départ pour le calcul du montant des amendes à infliger aux entreprises concernées un montant déterminé en fonction de la gravité « intrinsèque » de l’infraction. L’évaluation de ladite gravité doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné (point 1 A, premier alinéa des lignes directrices).

    75      Dans ce cadre, les infractions sont classées en trois catégories, à savoir les « infractions peu graves », pour lesquelles le montant des amendes envisageables est compris entre 1 000 et 1 million d’euros, les « infractions graves », pour lesquelles le montant des amendes envisageables est compris entre 1 million et 20 millions d’euros, et les « infractions très graves », pour lesquelles le montant des amendes envisageables va au-delà de 20 millions d’euros (point 1 A, deuxième alinéa, premier à troisième tiret des lignes directrices). En ce qui concerne les infractions très graves, la Commission précise qu’il s’agit pour l’essentiel de restrictions horizontales de type « cartels de prix » et de quotas de répartition des marchés, ou d’autres pratiques portant atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur, telles que celles visant à cloisonner les marchés nationaux, ou d’abus caractérisés de position dominante d’entreprises en situation de quasi-monopole (point 1 A, deuxième alinéa, troisième tiret des lignes directrices).

    76      Par ailleurs, il convient de relever que les trois aspects de l’évaluation de la gravité de l’infraction mentionnés au point 74 ci-dessus n’ont pas le même poids dans le cadre de l’examen global. La nature de l’infraction joue un rôle primordial, notamment, pour caractériser les infractions « très graves » (arrêt Erste Group Bank e.a./Commission, point 69 supra, point 101, et arrêt du Tribunal du 28 avril 2010, Gütermann et Zwicky/Commission, T‑456/05 et T‑457/05, non encore publié au Recueil, point 137).

    77      En revanche, ni l’impact concret sur le marché ni l’étendue du marché géographique ne constituent des éléments nécessaires à la qualification de l’infraction de très grave dans le cas d’ententes horizontales visant notamment, comme en l’espèce, à la fixation des prix. En effet, si ces deux critères sont des éléments à prendre en considération pour évaluer la gravité de l’infraction, il s’agit de critères parmi d’autres aux fins de l’appréciation globale de la gravité (voir, en ce sens, arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, point 69 supra, points 74 et 81, et arrêts du Tribunal Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 71 supra, points 240 et 311, et du 8 octobre 2008, Carbone‑Lorraine/Commission, T‑73/04, Rec. p. II‑2661, point 91).

    78      Ainsi, selon une jurisprudence également désormais bien établie, il ressort des lignes directrices que les ententes horizontales visant notamment, comme en l’espèce, à la fixation des prix peuvent être qualifiées de « très graves » sur le seul fondement de leur nature propre, sans que la Commission soit tenue de démontrer un impact concret de l’infraction sur le marché (arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, point 69 supra, point 75 ; voir également, en ce sens, arrêts du Tribunal du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T‑49/02 à T‑51/02, Rec. p. II‑3033, point 178, et du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 150).

    79      Cette conclusion est corroborée par le fait que, si la description des infractions graves mentionne expressément l’impact sur le marché, celle des infractions très graves, en revanche, ne mentionne aucune exigence d’impact concret sur le marché (arrêt Gütermann et Zwicky/Commission, point 76 supra, point 137 ; voir également, en ce sens, arrêt Brasserie nationale e.a./Commission, point 78 supra, point 178).

    80      C’est donc à la lumière de ces principes jurisprudentiels qu’il y a lieu d’analyser les différents griefs soulevés par la requérante.

     Sur l’absence de prise en compte de l’impact concret de l’entente sur le marché dans la détermination de l’amende

    81      La requérante reproche tout d’abord à la Commission de ne pas avoir pris en compte l’absence d’impact concret de l’entente sur le marché dans le calcul du montant de départ de l’amende.

    82      Or, il importe, tout d’abord, de relever qu’il ressort de la décision attaquée que la Commission a déterminé le montant de l’amende infligée aux différents destinataires sur la base de la méthode générale qu’elle s’est imposée dans les lignes directrices, et ce même si elle ne fait pas explicitement mention de ces dernières dans ladite décision.

    83      S’agissant spécifiquement de la nature de l’infraction en cause, il y a lieu de constater que l’entente entre les transformateurs avait pour objet, notamment, la fixation en commun des prix payés par les transformateurs pour le tabac brut ainsi que la répartition des fournisseurs et des quantités de tabac brut. De telles pratiques constituent des restrictions horizontales de type « cartel de prix » au sens des lignes directrices et donc des violations « très graves » par nature. Ainsi qu’il a été rappelé au point 67 ci-dessus, les ententes de ce type sont qualifiées par la jurisprudence d’infractions patentes aux règles de concurrence ou d’infractions particulièrement graves dès lors qu’elles ont une incidence directe sur les paramètres essentiels de la concurrence sur le marché concerné.

    84      Il s’ensuit que, en l’espèce, la Commission pouvait, sans commettre d’erreur, qualifier l’entente d’infraction très grave sur la base de la nature propre de celle‑ci, et ce indépendamment de l’impact concret sur le marché (voir la jurisprudence mentionnée aux points 76 et 77 ci‑dessus et, notamment, l’arrêt Erste Groupe Bank e.a./Commission, point 69 supra, point 103).

    85      Lors de l’audience, la requérante a toutefois affirmé, contrairement à ce qu’elle avait fait valoir dans ses écritures, qu’elle ne contestait pas la qualification de très grave de l’infraction en tant que telle. Ainsi, elle a précisé la portée de son grief comme suit. En substance, elle a fait valoir que le seuil de 20 millions d’euros prévu par les lignes directrices pour les infractions très graves s’appliquait à la valeur de la sanction totale pour toutes les entreprises ayant pris part à l’entente. La Commission ayant fixé, en l’espèce, un montant de départ total de 55 millions d’euros pour toutes les entreprises participant à l’entente, elle aurait dépassé ledit seuil. De ce fait, elle aurait été tenue de prendre en considération l’absence d’impact de l’infraction sur le marché et de motiver la raison pour laquelle elle a dépassé ce seuil.

    86      À cet égard, il convient, en premier lieu, de relever que l’argument de la requérante se fonde sur une prémisse erronée. En effet, il ressort de la jurisprudence que le montant de départ minimal de 20 millions d’euros fixé par les lignes directrices en ce qui concerne les infractions très graves se réfère à une seule entreprise et non à l’ensemble des entreprises ayant commis l’infraction (voir, en ce sens, arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 69 supra, points 306 et 311 ; Prym et Prym Consumer/Commission, point 69 supra, point 81, et arrêts du Tribunal du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T‑69/04, Rec. p. II‑2567, point 187, et du 30 avril 2009, Nintendo et Nintendo of Europe/Commission, T‑13/03, Rec. p. II‑947, point 44).

    87      D’ailleurs, la conclusion selon laquelle les « montants envisageables » mentionnés dans les lignes directrices se réfèrent à l’amende applicable à une seule entreprise et non à la somme des amendes applicables à toutes les entreprises participant à l’entente est corroborée par une interprétation systématique du texte des lignes directrices. En effet, le terme « montant de base » y est systématiquement utilisé comme s’appliquant à l’amende à imposer à une seule entreprise et non à l’ensemble des membres de l’entente. Cela ressort, notamment, du deuxième alinéa des lignes directrices, selon lequel la nouvelle méthodologie repose sur la fixation d’un montant de base auquel s’appliquent les majorations et diminutions au titre de circonstances aggravantes ou atténuantes. Or, ces circonstances sont appliquées à chaque entreprise et non à l’ensemble des membres de l’entente, de sorte que le terme « montant de base » ne peut que se référer à l’amende applicable à une seule entreprise. De même, le sixième alinéa du point 1 A des lignes directrices, dans la mesure où il indique que, « [d]ans le cas d’infractions impliquant plusieurs entreprises […], il pourra convenir de pondérer, dans certains cas, les montants déterminés à l’intérieur de chacune des trois catégories retenues [dans les lignes directrices] », confirme que ces montants se réfèrent aux montants des amendes applicables à chaque entreprise participant à l’infraction et non à la somme de ces montants. Enfin, c’est à bon droit que la Commission avance que, si, au point 1 A des lignes directrices, elle avait effectivement voulu se référer, comme le prétend la requérante, au montant total minimal des amendes applicables à toutes les entreprises, elle aurait clarifié une telle approche en utilisant une expression explicite telle que le « montant minimal des amendes applicables à toutes les entreprises ».

    88      Ainsi, force est de constater que, en l’espèce, la Commission a fixé le montant de départ de l’amende à imposer à la requérante à 10 millions d’euros, ce qui correspond à un montant nettement inférieur au seuil de 20 millions d’euros tel que prévu par les lignes directrices.

    89      À cet égard, est dépourvu de pertinence l’argument de la requérante selon lequel le raisonnement de la Commission n’expliquerait pas la raison pour laquelle, dans l’affaire ayant donné lieu à la décision C (2004) 4030 final, les montants de départ étaient largement inférieurs au montant de 20 millions d’euros susmentionné. En effet, ainsi qu’il a été précisé par la jurisprudence, le montant de 20 millions d’euros prévu par le point 1 A, troisième tiret, deuxième alinéa, des lignes directrices pour les infractions très graves ne constitue pas un seuil minimal en dessous duquel il ne serait pas possible de descendre (voir, en ce sens, arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, point 69 supra, point 97 ; voir, également, arrêt du Tribunal du 29 novembre 2005, SNCZ/Commission, T‑52/02, Rec. p. II‑5005, point 42).

    90      En deuxième lieu, en ce qui concerne spécifiquement la prise en compte de l’impact concret sur le marché dans la détermination du montant de l’amende, il convient de rappeler que, pour cette détermination, il y a lieu de tenir compte de la durée des infractions et de tous les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité de celles-ci, tels que le comportement de chacune des entreprises, le rôle joué par chacune d’entre elles dans l’établissement des pratiques concertées, le profit qu’elles ont pu tirer de ces pratiques, leur taille et la valeur des marchandises concernées ainsi que le risque que des infractions de ce type représentent pour les objectifs de l’Union (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 129, et Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 69 supra, point 242). Il s’ensuit que l’effet d’une pratique anticoncurrentielle n’est pas, en soi, un critère déterminant dans l’appréciation du montant adéquat de l’amende. En particulier, des éléments relevant de l’aspect intentionnel peuvent avoir plus d’importance que ceux relatifs audit effet, surtout lorsqu’il s’agit d’infractions intrinsèquement graves, telles qu’une répartition des marchés, élément présent en l’espèce (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, Rec. p. I‑10821, point 118 ; Prym et Prym Consumer/Commission, point 69 supra, point 96, et du 12 novembre 2009, Carbone-Lorraine/Commission, C‑554/08 P, non publié au Recueil, point 44).

    91      En l’espèce, force est de constater que l’analyse de la partie de la décision attaquée concernant les faits incriminés montre que les transformateurs ont consciemment mis en œuvre les conduites anticoncurrentielles pour lesquelles ils ont été sanctionnés (voir, notamment, les considérants 124, 132, 133 et 141 de la décision attaquée). Ainsi qu’il ressort des considérants 363 et 473 de la décision attaquée, cette considération trouve d’ailleurs confirmation dans la circonstance que l’entente avait un caractère secret.

    92      En outre, il ressort également de la décision attaquée que les transformateurs sont convenus à plusieurs reprises de mesures destinées à assurer la mise en œuvre effective de l’entente, telles que l’envoi réciproque des factures de leurs fournisseurs respectifs (considérants 122 et 129 de la décision attaquée), une obligation de consultation en cas d’achats en dehors des accords (considérant 139 de la décision attaquée), des obligations de contrôle des employés afin d’éviter qu’ils ne prennent des initiatives sans la coordination nécessaire (considérant 140 de la décision attaquée). À cet égard, il ressort du considérant 383 de la décision attaquée que la Commission a également établi que l’entente avait été mise en œuvre.

    93      Ainsi, le cas d’espèce est caractérisé par la présence non seulement d’une infraction très grave aux règles de concurrence, mais également d’éléments relevant de l’aspect intentionnel tels que ceux mentionnés aux points 91 et 92 ci‑dessus.

    94      En outre, il ressort du considérant 376 de la décision attaquée que le montant de départ de l’amende infligée à la requérante correspond à un montant nettement inférieur à celui que, en vertu des lignes directrices, la Commission aurait pu envisager pour des infractions très graves.

    95      Dans ces circonstances, la requérante ne saurait faire valoir une erreur de la part de la Commission dans la détermination de l’amende qui lui a été appliquée en ce que la Commission n’aurait pas considéré une prétendue absence d’impact de l’infraction sur le marché, même à le supposer mesurable.

    96      En troisième lieu, force est de constater que, dans la fixation du montant de départ de l’amende, la Commission a tenu compte des effets probables du comportement illicite de chaque entreprise en cause. En effet, il ressort du considérant 370 de la décision attaquée que la Commission a considéré approprié de fixer les amendes en fonction de la position de chaque partie en cause sur le marché afin de tenir compte, outre de son poids spécifique, des répercussions probables du comportement illicite de chacune d’entre elles.

    97      Or, il ressort de la jurisprudence que la part de marché de chacune des entreprises concernées sur le marché ayant fait l’objet d’une pratique restrictive constitue, même en l’absence de preuve d’une incidence concrète de l’infraction sur le marché, un élément objectif qui donne une juste mesure de la responsabilité de chacune d’entre elles en ce qui concerne la nocivité potentielle de ladite pratique pour le jeu normal de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, Rec. p. I‑1181, points 196 à 198). Ainsi, selon la jurisprudence, en vue de la fixation du montant de l’amende, les parts de marché détenues par une entreprise sont pertinentes afin de déterminer l’influence que celle-ci a pu exercer sur le marché (arrêts de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 139, et Prym et Prym Consumer/Commission, point 69 supra, point 62).

    98      Conformément à ces principes, en l’espèce, en fixant le montant de départ de l’amende en fonction des parts de marché détenues par chaque partie à l’entente, la Commission a utilisé un critère pertinent, selon la jurisprudence, afin de déterminer l’influence que le comportement de la requérante pouvait avoir eu sur le marché.

    99      En quatrième lieu, s’agissant des données mentionnées dans la décision attaquée qui, selon la requérante, prouveraient l’absence d’effets de l’entente sur le marché, il ressort de la jurisprudence que, pour apprécier la gravité de l’infraction, il est décisif de savoir que les membres de l’entente avaient fait tout ce qui était en leur pouvoir afin de donner un effet concret à leurs intentions. Ce qui s’est passé ensuite, quant aux prix de marché effectivement réalisés, étant susceptible d’être influencé par d’autres facteurs, hors du contrôle des membres de l’entente, ceux-ci ne sauraient porter à leur propre crédit, en en faisant des éléments justifiant une réduction de l’amende, des facteurs externes qui ont contrecarré leurs efforts (voir arrêts Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 71 supra, point 287, et Gütermann et Zwicky/Commission, point 76 supra, point 130, et la jurisprudence citée).

    100    Ainsi, en l’espèce, les membres de l’entente ayant adopté des mesures pour donner un effet concret à leurs buts anticoncurrentiels (voir points 91 et 92 ci‑dessus), une évolution des prix sur le marché telle que l’augmentation des prix du tabac mentionnée par la requérante ne saurait à elle seule justifier une réduction de l’amende. En effet, il ne saurait être exclu que, en l’absence de l’entente, l’augmentation des prix aurait été plus importante que l’augmentation susmentionnée.

    101    Enfin, en ce qui concerne l’argument selon lequel l’activité et la stabilité de l’entente auraient souvent été perturbées par la requérante, ce qui renforcerait, selon elle, l’hypothèse de l’absence d’effets de l’infraction sur le marché, il suffit d’observer que le comportement « perturbant » de la requérante par rapport à l’entente a été apprécié par la Commission comme circonstance atténuante (considérant 380 de la décision attaquée).

     Sur la violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité

    102    En ce qui concerne, tout d’abord, la prétendue violation du principe d’égalité de traitement, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, ledit principe n’est violé que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt de la Cour du 13 décembre 1984, Sermide, 106/83, Rec. p. 4209, point 28, et arrêt du Tribunal du 30 septembre 2009, Hoechst/Commission, T‑161/05, Rec. p. II‑3555, point 79).

    103    Or, force est de constater que, en l’espèce, la requérante se borne à faire valoir que le respect du principe d’égalité de traitement imposerait à la Commission de différencier les amendes selon l’impact concret des ententes sur le marché, sanctionnées au cas par cas. Elle n’explique toutefois pas en quoi la Commission aurait en l’espèce violé ce principe à son égard. Par ailleurs, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, des décisions concernant d’autres affaires, que la requérante ne mentionne même pas, ne revêtent qu’un caractère indicatif en ce qui concerne l’éventuelle existence d’une discrimination, étant donné qu’il est peu vraisemblable que les circonstances propres à celles-ci, telles que les marchés, les produits, les entreprises et les périodes concernés, soient identiques (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 21 septembre 2006, JCB Service/Commission, C‑167/04 P, Rec. p. I‑8935, points 201 et 205 ; du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C‑76/06 P, Rec. p. I‑4405, point 60, et arrêt du Tribunal du 30 avril 2009, Itochu/Commission, T‑12/03, Rec. p. II‑883, point 124).

    104    En ce qui concerne, ensuite, la prétendue violation du principe de proportionnalité, il y a lieu de rappeler que ce principe exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêts de la Cour du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, Rec. p. I‑4023, point 13, et du 5 mai 1998, Royaume‑Uni/Commission, C‑180/96, Rec. p. I‑2265, point 96 ; arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, T‑30/05, non publié au Recueil, point 223).

    105    Dans le cadre des procédures engagées par la Commission pour sanctionner les violations des règles de concurrence, l’application de ce principe implique que les amendes ne doivent pas être démesurées par rapport aux objectifs visés, c’est‑à‑dire par rapport au respect de ces règles, et que le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence doit être proportionné à l’infraction, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de la gravité de celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 532, et du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, point 104 supra, points 223 et 224, et la jurisprudence citée). En particulier, le principe de proportionnalité implique que la Commission doit fixer l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (arrêts du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, Rec. p. II‑3435, points 226 à 228, et du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, non encore publié au Recueil, point 171).

    106    Or, à cet égard, force est de constater que la requérante n’a pas démontré l’absence de préjudice aux clients et aux consommateurs finaux, sur laquelle elle entend fonder son grief tiré de la violation du principe de proportionnalité. En effet, les données qu’elle a invoquées dans le cadre du présent moyen ne permettent pas de prouver une telle absence d’effets, dans la mesure où elles peuvent avoir été influencées par d’autres facteurs (voir points 99 et 100 ci‑dessus).

    107    En outre, la requérante ne saurait faire valoir que la Commission a violé le principe de proportionnalité en fixant le montant de départ de l’amende à 10 millions d’euros dès lors que cette infraction constitue une infraction très grave et intentionnelle aux règles de concurrence. Le caractère proportionné du montant de départ imposé en l’espèce est confirmé par la circonstance que celui-ci a été fixé à un niveau nettement inférieur au seuil minimal prévu par les lignes directrices pour ce type d’entente.

     Sur le défaut de motivation et le caractère illogique de celle‑ci

    108    S’agissant du présent grief, il importe d’observer que la requérante a évoqué le défaut de motivation ou le caractère illogique de celle‑ci dans l’intitulé du moyen, sans toutefois développer aucun argument à l’appui de ce grief dans le corps du moyen. En réponse à une question du Tribunal, lors de l’audience, la requérante a précisé qu’elle faisait valoir l’existence d’une motivation illogique en ce que la Commission avait infligé une sanction supérieure au minimum prévu par les lignes directrices sans avoir analysé l’impact de l’entente sur le marché.

    109    À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que, dans le cadre de la fixation d’amendes au titre de la violation du droit de la concurrence, l’obligation de motivation est remplie lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction. En ce qui concerne une décision infligeant des amendes à plusieurs entreprises, la portée de l’obligation de motivation doit être notamment appréciée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, dit « PVC II », C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, points 463 et 465).

    110    En l’espèce, la Commission a indiqué, aux considérants 365 à 376 de la décision attaquée, les éléments qu’elle a pris en compte dans la fixation des montants de départ des amendes infligées aux différentes entreprises en cause. La Commission y a notamment indiqué les critères sur le fondement desquels, d’une part, elle a apprécié la gravité de l’infraction et, d’autre part, elle a ensuite fixé le montant de départ en classant les entreprises en fonction de leur importance sur le marché déterminée par leur part de marché, en tenant compte du poids spécifique de chaque entreprise et des répercussions probables de leur comportement illicite. Les conditions imposées par la jurisprudence en ce qui concerne l’obligation de motivation ont ainsi été remplies.

    111    Enfin, dans la mesure où il a été constaté (voir point 88 ci‑dessus) que la Commission a fixé le montant de départ de l’amende à imposer à la requérante à un montant nettement inférieur au seuil minimal prévu par les lignes directrices pour les infractions très graves, l’argument tiré d’une motivation illogique ne saurait prospérer.

    112    À la lumière des considérations qui précèdent, le premier moyen doit être rejeté.

    3.     Sur le troisième moyen, tiré d’un défaut de motivation et d’instruction ainsi que de la violation de la charge de la preuve, quant à la durée de la participation de la requérante à l’infraction alléguée

     Arguments des parties

    113    La requérante estime que, en fixant à deux ans et huit mois – à savoir d’octobre 1997 au 19 février 2002, avec une interruption du 5 novembre 1999 au 29 mai 2001 – la durée de sa participation à l’entente, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation des faits. À cet égard, elle rappelle avoir fait valoir, lors de la procédure administrative, que sa participation à l’entente a été interrompue en février 1999 sans jamais avoir été reprise par la suite. Dès lors, la durée de sa participation à l’entente aurait été d’un peu plus d’un an. Elle reproche également à la Commission d’avoir fondé ses conclusions sur des preuves inappropriées et de ne pas avoir fourni une motivation suffisante à cet égard.

    114    S’agissant, en premier lieu, de la phase finale de la première période de sa participation à l’entente, la requérante estime qu’il convient de retenir ce qui suit :

    –        contrairement à une jurisprudence bien établie, les considérants 157 à 201 de la décision attaquée ne mentionnent aucune preuve relative à sa participation à des réunions ou à d’autres activités au cours de l’année 1999 ;

    –        il résulte des preuves fournies par la Commission que la dernière réunion à laquelle la requérante a participé a été celle du 14 décembre 1998 (considérant 155 de la décision attaquée) ; en outre, un mémorandum interne de Dimon Italia, daté du 20 octobre 1998 (considérant 145 de la décision attaquée) et négligé par la Commission, indique que, dès le 16 octobre 1998, les « multinationales » se plaignaient du fait que la requérante ignorait les règles de conduite imposées par l’entente ; 

    –        en dépit du fait qu’en 1999 l’entente a été très active, il ne résulte pas de la décision attaquée que la requérante y a pris part ; en effet, selon la décision attaquée : (i) les autres transformateurs, à savoir Deltafina, Transcatab, Dimon Italia et Trestina Azienda Tabacchi, ont exercé des pressions continues sur l’APTI afin d’influer sur les négociations en vue de la conclusion d’accords interprofessionnels (considérant 165 de la décision attaquée) ; (ii) différentes réunions de l’entente se sont tenues en 1999 entre Deltafina, Transcatab et Dimon Italia, dont, notamment, certaines particulièrement importantes au cours du mois d’octobre, sans que la requérante y ait participé ou y ait été invitée (considérant 184 de la décision attaquée) ; (iii) un mémorandum concernant les variétés de tabac brut Bright et Burley a été approuvé uniquement par certains transformateurs (considérant 186 de la décision attaquée).

    115    S’agissant, en second lieu, de la période allant du 29 mai 2001 au 19 février 2002, la requérante fait observer ce qui suit :

    –        la preuve déterminante de la reprise de sa participation à l’entente a été la réception d’une télécopie, qui lui a été envoyée le 29 mai 2001 par Deltafina, indiquant le prix auquel cette dernière signerait les contrats pour la variété Bright avec les associations des producteurs ; cette communication n’avait toutefois pas un caractère anticoncurrentiel ; en effet, il s’agissait d’un contact isolé, ayant pour but de lui faire surmonter la difficulté de compréhension des valeurs de marché qui primaient dans les contrats entre cultivateurs et transformateurs, dont la procédure de signature était régie par les règles de la politique agricole commune, qui avait fait l’objet d’importantes modifications ;

    –        les initiatives commerciales entreprises par la requérante étaient attentivement suivies lors des réunions de l’entente, auxquelles elle ne participait pas (considérant 209 de la décision attaquée) ; en outre, les relations de l’entente avec la requérante figuraient même dans un ordre du jour, adressé par Dimon Italia à Deltafina et à Transcatab, proposé pour une réunion qui devait se dérouler le 18 septembre 2001, à savoir après la date de réception de ladite télécopie (considérant 212 de la décision attaquée) ;

    –        la prétendue participation de la requérante à l’entente aurait été limitée, ainsi qu’il ressort des déclarations de Transcatab lors de la vérification effectuée le 18 avril 2002, à deux réunions du 16 novembre 2001 et du 8 janvier 2002 ; la requérante y aurait participé, car Deltafina, Dimon Italia et Transcatab l’auraient invitée à agir comme « médiateur » afin de lever l’opposition du « consortium de protection et de valorisation du tabac Burley Campano » (ci-après le « consortium Burley ») à l’introduction d’un système d’enchères pour la vente du tabac, dont l’Unitab et l’APTI s’étaient faits les promoteurs, qui aurait été géré par le comité de gestion nationale du tabac Burley  (ci-après le « Cogentab ») ; de son côté, la requérante aurait invité les parties intéressées à la réunion du 8 janvier 2002 (considérant 222 de la décision attaquée), qui aurait été précédée la veille par une autre réunion, au cours de laquelle Deltafina, Dimon Italia et Transcatab auraient vraisemblablement débattu entre elles, en l’absence de la requérante et des fournisseurs adhérents au consortium Burley, de l’attitude commune à adopter lors des négociations, le jour suivant.

    116    La Commission expose, en premier lieu, qu’elle a retenu la date du 5 novembre 1999 comme date à laquelle la requérante a interrompu sa participation à l’entente, car une note manuscrite du responsable des achats de Deltafina, relative à une réunion du même jour, montrait que la requérante était inscrite à l’ordre du jour comme une entité désormais externe à l’entente.

    117    À cet égard, elle rejette l’argumentation de la requérante selon laquelle la date à prendre en considération pour l’interruption de sa participation à l’entente serait le 14 décembre 1998 (date de la dernière réunion de l’entente à laquelle celle‑ci aurait participé) ou devrait être déterminée sur la base du mémorandum interne de Dimon Italia du 20 octobre 1998, mentionné au considérant 145 de la décision attaquée. En effet, d’une part, la requérante aurait reconnu elle-même, dans sa réponse à la communication des griefs, avoir participé à l’entente au moins jusqu’en février 1999 et, d’autre part, ledit mémorandum de Dimon Italia ne saurait constituer une preuve de l’interruption de la participation de la requérante à l’entente en 1998, étant donné que, selon une jurisprudence constante, jusqu’au moment où une entreprise ne se distancie pas publiquement du contenu des réunions, elle demeure pleinement responsable du fait de sa participation à l’entente. À défaut de preuves en ce sens, la décision attaquée aurait donc correctement établi que la participation de la requérante à l’entente s’était poursuivie au moins jusqu’au 5 novembre 1999.

    118    En deuxième lieu, la Commission expose avoir retenu le 29 mai 2001 comme date de la reprise par la requérante de sa participation à l’entente, car ce serait ce jour‑là que cette dernière a reçu une télécopie lui communiquant le prix auquel Deltafina allait signer les contrats avec les associations de producteurs.

    119    Une telle communication entre concurrents constituerait une preuve de la reprise de sa participation à l’entente, compte tenu du fait qu’elle en avait déjà fait partie jusqu’en 1999 et que, peu de temps après, c’est‑à‑dire le 16 novembre 2001, elle allait également reprendre sa participation aux réunions de l’entente.

    120    En outre, la Commission rejette, dans la duplique, la thèse de la requérante selon laquelle la requête ferait clairement apparaître son intention de contester non seulement la durée de l’adhésion, mais aussi l’existence même de la reprise de cette adhésion, à l’entente au cours de la période comprise entre mai 2001 et le début de l’année 2002. La Commission estime, premièrement, que ce n’est que dans la réplique que la requérante conteste pour la première fois le caractère illicite desdites réunions, en niant qu’elle a rejoint l’entente en 2001. Ce grief serait irrecevable, en vertu des dispositions combinées des articles 44, paragraphe 1, sous c), et 48, paragraphe 2, du règlement de procédure. Deuxièmement, la Commission considère que le grief est de toute façon dénué de fondement. En effet, la déclaration de Transcatab du 18 avril 2002 (document n° 38281/03488) contiendrait une liste des différentes réunions tenues entre les membres de l’entente, liste sur laquelle la réunion du 16 novembre 2001 serait désignée comme une réunion « restreinte » (type de réunion à laquelle participent les administrateurs délégués) et celle du 8 janvier 2002 comme une réunion « de travail » (type de réunion à laquelle participent les responsables des achats). Selon la Commission, ces deux réunions avaient donc un caractère et un objet anticoncurrentiels et relevaient par conséquent des activités de l’entente. Le fait que, au cours de ces réunions, il ait également été discuté de la possibilité d’instituer un système de vente de tabac aux enchères n’impliquerait pas nécessairement que des questions relatives à l’entente n’y étaient pas discutées ni que la requérante n’était pas impliquée dans ces discussions. En outre, la requérante n’aurait fourni aucune preuve qu’elle se serait publiquement distanciée, au cours de ces réunions, des discussions qui avaient un objet anticoncurrentiel.

    121    En troisième lieu, la Commission estime que, en tout état de cause, le présent moyen est inopérant. En effet, même si ce moyen devait être accueilli, cela signifierait uniquement que le montant de départ de l’amende établi pour la requérante aurait dû être majoré à concurrence de 15 % et non de 25 %, ce qui n’aurait aucune incidence sur le montant final de l’amende, au vu de sa réduction à 2,05 millions d’euros, conformément à la limite maximale de 10 % prévue à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

     Appréciation du Tribunal

    122    En ce qui concerne la durée de la participation de la requérante à l’infraction (considérants 302 et 378 de la décision attaquée), il y a lieu de relever, tout d’abord, qu’il est constant entre les parties que la requérante a rejoint l’entente en octobre 1997. En revanche, les parties s’opposent, en substance, d’une part, sur la question de savoir si la Commission a établi correctement que la participation de la requérante avait pris fin le 5 novembre 1999 et, d’autre part, sur la question de savoir si la Commission a établi correctement que la requérante avait rejoint de nouveau l’entente à partir du 29 mai 2001 jusqu’à la fin de l’infraction, à savoir le 19 février 2002.

    123    Ensuite, il convient de relever que, selon la Commission, l’argument de la requérante visant à contester l’illégalité des réunions du 16 novembre 2001 et du 8 janvier 2002 constitue un moyen nouveau, soulevé au stade de la réplique, qui est, par conséquent, irrecevable.

    124    À ce propos, le Tribunal rappelle que, selon l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, la production de nouveaux moyens en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés pendant la procédure. À cet égard, un moyen qui constitue une ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (arrêts du Tribunal du 10 avril 2003, Travelex Global and Financial Services et Interpayment Services/Commission, T‑195/00, Rec. p. II‑1677, points 33 et 34, et du 24 mai 2007, Duales System Deutschland/Commission, T‑151/01, Rec. p. II‑1607, point 71).

    125    En l’espèce, il y a lieu de constater que le moyen considéré comme nouveau par la Commission constitue une ampliation des arguments développés par la requérante en réponse à l’argumentation présentée par la Commission dans son mémoire en défense au titre du troisième moyen, concernant la durée de la participation de la requérante à l’entente. Ainsi, l’allégation d’irrecevabilité soulevée par la Commission doit être rejetée.

    126    En outre, il importe de constater que la requérante ne sollicite pas explicitement l’annulation de l’article 1er, sous b), de la décision attaquée, qui définit la durée de sa participation à l’entente.

    127    Néanmoins, en l’occurrence, il résulte de ses écritures que la requérante conteste, en substance, la légalité de la décision attaquée en ce que la Commission constate, ainsi qu’il est indiqué dans l’article 1er, sous b), de son dispositif, que l’infraction s’est étalée, en ce qui la concerne, sur une période allant d’octobre 1997 au 5 novembre 1999 et du 29 mai 2001 au 19 février 2002. Ainsi, la requérante a indiqué, dans ses écritures, que la durée de sa participation à l’entente devait être fixée à un peu plus d’une année, à savoir d’octobre 1997 à février 1999 et que la Commission, en énonçant que l’infraction qu’elle avait commise avait une durée de loin supérieure, « a […] commis une erreur dans la constatation des faits et dans l’appréciation des éléments de preuve apportés par [la requérante] ». Par ailleurs, il est constant que la requérante a contesté la durée de sa participation à l’entente durant la procédure administrative, notamment dans sa réponse à la communication des griefs (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Groupe Danone/Commission, point 78 supra, point 212).

    128    Eu égard à ce qui précède, il y a donc lieu de considérer que, par le présent moyen, la requérante vise non seulement la réduction de l’amende, mais également l’annulation partielle de la décision attaquée et notamment de son article 1er, sous b), en ce que la Commission y constaterait à tort que l’infraction s’est poursuivie d’octobre 1997 jusqu’au 19 février 2002, avec une interruption du 5 novembre 1999 au 29 mai 2001 (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Groupe Danone/Commission, point 78 supra, point 213).

    129    Or, il ressort de la jurisprudence qu’il appartient à la Commission de prouver non seulement l’existence de l’entente, mais aussi sa durée (voir arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, point 2802, et la jurisprudence citée). Plus particulièrement, en ce qui concerne l’administration de la preuve d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, la Commission doit rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Baustahlgewebe/Commission, point 97 supra, point 58 ; du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 86, et arrêt Groupe Danone/Commission, point 78 supra, point 215). L’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant l’infraction. Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation et/ou à la réformation d’une décision infligeant une amende. En effet, dans cette dernière situation, il est nécessaire de tenir compte du principe de la présomption d’innocence, lequel fait partie des droits fondamentaux qui sont protégés dans l’ordre juridique de l’Union et a été consacré par l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2007, C 303, p. 1). Eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, le principe de la présomption d’innocence s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, points 149 et 150 ; voir également, en ce sens, arrêt Groupe Danone/Commission, point 78 supra, points 215 et 216). Ainsi, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction alléguée a été commise (voir arrêt Groupe Danone/Commission, point 78 supra, point 217, et la jurisprudence citée).

    130    Il est de jurisprudence constante que chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 105 supra, point 180, et la jurisprudence citée).

    131    Par ailleurs, il est usuel que les activités que les accords anticoncurrentiels comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation y afférente soit réduite au minimum. Il s’ensuit que, même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, telles que les comptes rendus de réunions, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dès lors, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de concurrence (arrêts de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, points 55 à 57, et du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, Rec. p. I‑729, point 51).

    132    En outre, la jurisprudence exige que, en l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement la durée d’une infraction, la Commission se fonde, au moins, sur des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises (arrêt du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T‑43/92, Rec. p. II‑441, point 79 ; voir arrêt Peróxidos Orgánicos/Commission, point 55 supra, point 51, et la jurisprudence citée).

    133    En l’espèce, eu égard aux griefs invoqués, se pose la question de savoir si la Commission avait à sa disposition suffisamment de preuves pour conclure que la requérante a participé à l’entente pendant la période allant d’octobre 1997 au 5 novembre 1999 et qu’elle a repris sa participation pendant la période allant du 29 mai 2001 au 19 février 2002.

     Sur la date de cessation de la participation de la requérante à l’entente en 1999

    134    Il y a lieu de relever, à titre liminaire, qu’il n’est pas contesté que la requérante a interrompu sa participation à l’entente en 1999. En revanche, les parties s’opposent sur la date exacte de cette interruption. La requérante conteste avoir participé à l’entente au‑delà du 19 février 1999, date de la dernière réunion à laquelle elle affirme avoir participé, alors que la Commission a fixé la date dudit retrait au 5 novembre 1999. Cette date a été déterminée sur le fondement des indications contenues dans les notes manuscrites rédigées le 5 novembre 1999 par un employé de Deltafina et ayant trait à une réunion de l’entente du même jour (voir la note en bas de page n° 263 de la décision attaquée). En effet, il ressortirait de ces notes que les relations entre les membres de l’entente et la requérante étaient inscrites parmi les points à traiter lors de ladite réunion, ce qui démontrerait que celle‑ci était considérée comme une entité externe à l’entente.

    135    Or, il convient de relever que ces notes manuscrites, sur la base desquelles la Commission a établi la date à laquelle la requérante a interrompu sa participation à l’entente en 1999, ne contiennent en réalité aucune référence à la date de cessation de cette participation. La seule date certaine qui peut être déduite de ces notes est celle de leur établissement par leur auteur.

    136    Force est, dès lors, de constater que les faits sur lesquels l’auteur de ces notes s’exprime implicitement, à savoir la circonstance que la requérante était devenue une entité externe à l’entente, précèdent nécessairement, ainsi que le reconnaît, par ailleurs, la Commission elle‑même à la note en bas de page n° 263 de la décision attaquée, la date à laquelle lesdites notes ont été rédigées.

    137    Par conséquent, contrairement à ce que soutient la Commission dans la décision attaquée, lesdites notes ne permettent pas de retenir le 5 novembre 1999 comme date à laquelle la requérante a interrompu sa participation à l’entente.

    138    À cet égard, il y a lieu d’observer, d’abord, que, au considérant 157 de la décision attaquée, qui se situe au début de la partie de celle‑ci consacrée à l’examen des faits incriminés pendant l’année 1999, la Commission affirme que « Deltafina, Dimon [Italia] et Transcatab ont régulièrement entretenu des contacts informels pour discuter des prévisions et de l’évolution des prix d’achat en Italie », sans mentionner la requérante [ce qui ressort d’ailleurs clairement du point 2.3 de la demande de clémence de Dimon Italia du 4 avril 2002 (document n° 38281/04998), mentionnée au considérant 7 de la décision attaquée]. Ensuite, aux considérants 165, 184 et 185 de la décision attaquée, la Commission mentionne plusieurs contacts entre ces trois transformateurs au cours de l’année 1999, mais aucun de ces contacts ne concerne la requérante. Par ailleurs, ainsi qu’il est indiqué au considérant 186 de la décision attaquée, en octobre 1999, Deltafina, Dimon Italia et Transcatab « ont conclu un [accord] concernant le Bright et le Burley, dont le fond et la forme sont très semblables à l’accord de la Villa Grazioli ». Selon la Commission, cet accord « visait principalement à fixer les prix d’achat du tabac brut […] auprès des tiers tasseurs, à attribuer des tiers tasseurs avec des quantités définies à chaque transformateur et à boycotter les tiers tasseurs qui n’avaient pas adhéré au Cogentab ». Or, ainsi que le relève la Commission elle‑même dans la note en bas de page n° 263 de la décision attaquée, il ressort des déclarations écrites de Transcatab du 18 avril 2002, fournies par celle‑ci lors de la vérification effectuée dans ses locaux (voir également point 159 ci‑après), que la requérante a quitté l’entente « parce qu’elle n’était pas d’accord avec la création du Cogentab », qui était une association créée par l’APTI et l’Unitab en octobre 1999, en application de l’accord interprofessionnel pour la récolte 1999 de Burley (considérant 182 de la décision attaquée). En outre, il résulte du considérant 159 de la décision attaquée que les deux réunions des transformateurs ayant eu lieu à Rome (Italie) en février 1999, dans le cadre desquelles la requérante ne figure pas parmi les participants, « ont également été l’occasion de discuter […] de la création d’un comité mixte d’achats […], qui a par la suite été nommé Cogentab ».

    139    En définitive, dans la décision attaquée, aucun élément de preuve n’est indiqué par la Commission s’agissant de la participation de la requérante à l’entente jusqu’au 5 novembre 1999.

    140    Ce n’est qu’à l’audience que la Commission a évoqué pour la première fois la prétendue participation de la requérante à une réunion « opérationnelle » du 22 juillet 1999, dont elle n’avait fait mention ni dans la communication des griefs ni dans la décision attaquée.

    141    En revanche, il ressort uniquement de la décision attaquée que la requérante « a quitté l’entente » en 1999 « parce qu’elle n’était pas d’accord avec la création du Cogentab » (considérant 302 et note en bas de page n° 263 de la décision attaquée) et que la discussion concernant la création de celui‑ci avait été entamée lors des deux réunions de février 1999 (voir considérant 159 de la décision attaquée), sans que la Commission ait établi dans ladite décision que la requérante a participé à ces réunions.

    142    La Commission a, dès lors, commis une erreur d’appréciation des faits en considérant, dans la décision attaquée, que la requérante avait cessé sa participation à l’entente le 5 novembre 1999.

    143    Ainsi, au vu des considérations qui précèdent, à défaut d’avoir établi une date précise de cessation de la participation de la requérante à l’entente, la Commission n’était pas fondée à retenir la date du 5 novembre 1999, et il convient donc, conformément au principe in dubio pro reo (voir point 129 ci‑dessus), de retenir le mois de février 1999 comme dernier mois de participation de la requérante à l’entente.

    144    Cette appréciation ne saurait être remise en cause par l’argument de la Commission selon lequel, conformément à la jurisprudence, en l’absence de preuves démontrant que la requérante a pris publiquement ses distances vis‑à‑vis des autres membres de l’entente dès 1998, ou en tout état de cause dès février 1999, ce serait à bon droit qu’elle a établi que la participation de celle‑ci à l’entente s’était poursuivie jusqu’au 5 novembre 1999, compte tenu des éléments de preuve indiquant que, à cette date, les autres membres de l’entente considéraient que la requérante avait mis fin à sa participation.

    145    À cet égard, il suffit de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas établi que, durant l’année 1999 et précisément jusqu’au 5 novembre de cette année, la requérante a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus ou mis en œuvre (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 131 supra, points 81). Au contraire, s’agissant des réunions de février 1999, il est précisé au considérant 159 de la décision attaquée que, mis à part Deltafina, Dimon Italia et Transcatab, le présence d’autres transformateurs, y compris la requérante, ne pouvait pas « être clairement établie ».

    146    En outre, l’argument de la Commission est en contradiction avec le constat figurant dans la décision attaquée, fondé sur les déclarations écrites de Transcatab du 18 avril 2002 (voir note en bas de page n° 263 de la décision attaquée), selon lequel, le 5 novembre 1999, la requérante « avait déjà quitté l’entente » du fait qu’elle n’approuvait pas la création du Cogentab. Or, il ressort également des constatations faites dans la décision attaquée (voir considérant 159 de la décision attaquée) que les premières discussions concernant la création du Cogentab avaient déjà été entamées lors des réunions de février 1999 (voir également points 138 et 141 ci‑dessus).

    147    De même, est dépourvu de pertinence l’argument de la Commission – avancé, pour la première fois, lors de l’audience – selon lequel elle aurait été « généreuse » vis‑à‑vis de la requérante en prenant en compte la date du 5 novembre 1999, puisque, aux termes du considérant 199 de la décision attaquée, la requérante aurait participé, le 22 novembre 1999, à une réunion des transformateurs ayant un contenu « probablement » anticoncurrentiel. En effet, tant dans la communication des griefs que dans la décision attaquée, la Commission a renoncé à attribuer à l’éventuelle participation de la requérante à une telle réunion une valeur probante lui permettant de la qualifier d’élément incriminant, raison pour laquelle elle n’a pas retenu cette affirmation dans le cadre de l’appréciation de la durée de participation de la requérante à l’entente, pour enfin conclure que, à la date du 5 novembre 1999, la requérante « avait déjà quitté l’entente » (note en bas de page n° 263 de la décision attaquée). Cette appréciation est d’ailleurs confirmée, d’une part, par la demande de clémence de Dimon Italia du 4 avril 2002 et, d’autre part, par les déclarations de Transcatab du 18 avril 2002 (voir point 138 ci-dessus).

    148    Enfin, la Commission n’a pas non plus établi que, durant l’année 1999, la requérante a participé à la mise en œuvre des accords interprofessionnels concernant les différentes variétés de tabac ou aux réunions des transformateurs visant à définir une position commune qu’ils défendraient ensuite au sein de l’APTI afin d’en conditionner la position lors des négociations avec l’Unitab concernant lesdits accords (voir considérant 165 de la décision attaquée).

    149    À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de faire droit au grief tiré de ce que la Commission a constaté, de manière erronée, que la requérante a cessé sa participation à l’entente le 5 novembre 1999, les preuves appréciées à cet égard dans la décision attaquée ainsi que les autres éléments du dossier lui permettant seulement de considérer que cette participation n’était avérée que jusqu’en février 1999 (considérant 159 de la décision attaquée et note en bas de page n° 263).

     Sur la participation de la requérante à l’entente entre le 29 mai 2001 et le 19 février 2002

    150    S’agissant de la période de la prétendue reprise de la participation de la requérante à l’entente, à savoir du 29 mai 2001 au 19 février 2002, il convient d’observer que la Commission a fondé son appréciation sur trois éléments de fait. S’agissant de la date à laquelle la requérante aurait repris sa participation, la Commission a retenu la date du 29 mai 2001, car ce serait ce jour-là qu’un employé de Deltafina a envoyé à un employé de la requérante une télécopie contenant des informations concernant le prix, par kilogramme, auquel Deltafina signerait les contrats de culture pour la variété Bright (considérants 211 et 302 de la décision attaquée). Cette circonstance, en combinaison avec la participation de la requérante à deux réunions ayant eu lieu le 16 novembre 2001 (considérant 213 de la décision attaquée) et le 8 janvier 2002 (considérant 222 de la décision attaquée), a ensuite induit la Commission à considérer que la participation de la requérante à l’entente avait perduré, à l’instar de Deltafina, de Transcatab et de Dimon Italia, jusqu’au 19 février 2002.

    –       Sur la télécopie envoyée par Deltafina le 29 mai 2001

    151    S’agissant, en premier lieu, de la télécopie du 29 mai 2001, il convient de relever que celle‑ci n’indiquait que les prix que Deltafina allait insérer dans les contrats de culture avec les associations de producteurs pour la variété de tabac Bright, selon le grade qualitatif de celui‑ci.

    152    À cet égard, il y a lieu d’observer, premièrement, qu’il ne ressort pas de la décision attaquée que ces prix aient été ceux déterminés dans le cadre de l’entente, ni que Deltafina ait été chargée par l’entente de communiquer de tels prix. Cette télécopie constitue donc un contact isolé entre Deltafina et la requérante concernant une information commerciale sensible, mais limitée aux prix à insérer dans les contrats de culture pour une seule variété parmi d’autres visées au considérant 87 de la décision attaquée. En outre, cette télécopie ne précisait pas quelles régions étaient concernées par ces prix, bien que la Commission elle‑même ait constaté, au considérant 99 de la décision attaquée, que « les prix du tabac brut varient considérablement selon les régions en fonction de la variété ».

    153    Deuxièmement, il y a lieu d’observer que le prix visé par la télécopie de Deltafina, qui se référait explicitement à des contrats de culture, ne peut être qu’un « prix contractuel ». En effet, il ressort de la décision attaquée que ce prix est mentionné par les contrats de ce type – qui sont généralement conclus, entre les producteurs ou associations de producteurs et les transformateurs, entre le mois de mars et le mois de mai de l’année de la récolte – et représente le « prix que les transformateurs s’engagent à payer en fonction de la qualité du tabac » (considérants 90 et 91 de la décision attaquée).

    154    Ainsi qu’il est expliqué au considérant 92 de la décision attaquée, ce prix diffère du prix qui est « effectivement payé à la réception du tabac et qui est directement proportionnel aux grades qualitatifs et à d’autres facteurs ». Ce prix, appelé « prix de livraison », est, en effet, « habituellement déterminé entre les mois de décembre et février ». Par ailleurs, il ressort du considérant 279, sous a), de la décision attaquée que l’infraction unique et continue mise en œuvre par les transformateurs comprenait, parmi d’autres, la pratique de « la fixation des prix d’achats communs que les transformateurs paieraient à la livraison du tabac ».  

    155    Troisièmement, il y a lieu d’observer, d’une part, que la réception de ladite télécopie par la requérante a été précédée par l’établissement par Dimon Italia, le 10 mai 2001, d’un ordre du jour, discuté en interne chez elle et ayant trait à une réunion qui devait avoir lieu dans les bureaux de cette dernière deux semaines plus tard, qui prévoyait, parmi les différents points à traiter, une discussion concernant « Romana Tabacchi/ATI » (considérant 209 de la décision attaquée). D’autre part, après la réception par la requérante de ladite télécopie, un ordre du jour a été envoyé par Dimon Italia à Deltafina et à Transcatab le 14 septembre 2001, concernant une réunion, qui a effectivement eu lieu le 18 septembre 2001, à laquelle la requérante n’a pas participé. Dans cet ordre du jour figure un point libellé comme suit : « Ns. rapporti Versus ATI, ETI, ROM TAB » (« Nos relations avec ATI/ETI et Romana Tabacchi ») (voir considérant 212 de la décision attaquée). Le même ordre du jour comportant un premier point libellé « Ribadire ns. rapporti » (« Renforcer nos relations »), l’affirmation qui y est contenue ne peut être considérée que comme visant à confirmer, à l’instar de ce que fait valoir la requérante, que celle-ci était externe à l’entente. En effet, l’utilisation du mot « versus », d’une part, et l’incitation à renforcer les relations entre membres de l’entente, d’autre part, ne soulèvent pas de doutes quant à la position de la requérante à l’égard de Dimon Italia, de Transcatab et de Deltafina. D’ailleurs, il ressort également du considérant 204 de la décision attaquée qu’une autre réunion opérationnelle de l’entente a eu lieu à Caserte (Italie) le 5 juin 2001, à savoir entre la date de réception de la télécopie de Deltafina et la réunion du 18 septembre 2001, sans que la requérante y ait participé.

    156    Or, si la télécopie de Deltafina peut être considérée comme un élément prouvant que la requérante était entrée de nouveau en contact avec un membre de l’entente afin d’obtenir une information ponctuelle sur le « prix contractuel » d’une variété de tabac particulière à insérer dans les contrats de culture qu’elle allait stipuler avec les associations de producteurs, cet élément, à lui seul, ne donne pas une indication suffisante de ce que la requérante était de nouveau impliquée dans l’entente, surtout à la lumière du contexte qui a été exposé aux points 152 à 155 ci‑dessus.

    –       Sur les réunions du 16 novembre 2001 et du 8 janvier 2002

    157    Il y a lieu de constater que la requérante concède avoir participé aux réunions du 16 novembre 2001 et du 8 janvier 2002. Elle soutient, toutefois, avoir été « convoquée » par Dimon Italia à une réunion, qui s’est tenue dans les bureaux de l’APTI le 16 novembre 2001, au cours de laquelle il lui aurait été demandé d’agir comme « médiateur » pour lever l’opposition du consortium Burley au système d’enchères pour la vente de tabac – dont les promoteurs étaient l’Unitab et l’APTI – qui aurait dû être géré par le Cogentab. Ce serait donc à ce titre que la requérante a ensuite invité dans ses locaux les parties intéressées à la réunion du 8 janvier 2002.

    158    À cet égard, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il suffit que la Commission démontre que l’entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, sans s’y être manifestement opposée, pour prouver à suffisance la participation de ladite entreprise à l’entente. Lorsque la participation à de telles réunions a été établie, il incombe à cette entreprise d’avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur. La raison qui sous-tend ce principe de droit est que, ayant participé à ladite réunion sans se distancier publiquement de son contenu, l’entreprise a donné à penser aux autres participants qu’elle souscrivait à son résultat et qu’elle s’y conformerait (voir arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 131 supra, points 81 et 82, et la jurisprudence citée).

    159    Or, premièrement, il convient de relever que, dans ses déclarations du 18 avril 2002, Transcatab affirme que la requérante a quitté l’entente en 1999, lors de l’introduction du « système d’achats Cogentab », afin de gagner, d’après elle, des parts de marché auprès d’autres transformateurs, qui avaient créé entre-temps le consortium Burley dans le but, en substance, de contrecarrer le système Cogentab ainsi que l’introduction du « système des enchères ». Transcatab précise, en outre, ce qui suit : 

    « Après environ deux ans, Romana Tabacchi, étant donné entre autres les accords de commercialisation obtenus avec l’ATI [qui était la division ‘feuilles’ de l’ancien monopole italien (voir considérant 39 de la décision attaquée) et était devenu membre du Cogentab en 2001 (voir considérant 183 de la décision attaquée)], estime nécessaire de demander à être admise à l’APTI. Par conséquent, elle se trouve amenée à se prononcer sur la politique d’achat au sein du Cogentab ainsi que sur l’application du système des enchères. Ainsi, une série de réunions ont lieu, fin 2001 et début 2002, à l’APTI et chez Romana Tabacchi, au cours desquelles cette dernière a modifié sa position en ce qui concerne les enchères et s’est déclarée favorable à une médiation entre la position du [consortium Burley] et celle de Cogentab. »

    160    À cet égard, il est constant entre les parties qu’une adaptation du système des enchères pour l’achat de tabac brut, qui était en discussion à la fin de l’année 2001, a été prévue, quelques mois plus tard, par le règlement (CE) n° 546/2002 du Conseil, du 25 mars 2002, fixant les primes et les seuils de garantie pour le tabac en feuilles par groupe de variétés, par État membre et pour les récoltes 2002, 2003 et 2004 et modifiant le règlement (CEE) n° 2075/92 (JO L 84, p. 4).

    161    Il ressort, dès lors, des déclarations de Transcatab que la requérante a quitté définitivement l’entente en 1999 et que, en 2001, après avoir demandé à être admise à l’APTI, elle a participé aux réunions en cause afin de discuter le système des enchères et de promouvoir une médiation entre le consortium Burley et le Cogentab au regard de ce système. Ainsi, selon Transcatab, la requérante a participé à ces réunions en poursuivant un but particulier et, donc, dans une optique différente de celle des membres de l’entente, ne révélant pas l’existence dans son chef d’un esprit anticoncurrentiel.

    162    Deuxièmement, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 138 ci‑dessus, il ressort du point 2.3 de la demande de clémence de Dimon Italia du 4 avril 2002 que, en ce qui concerne la période comprise entre 1999 et 2002, seulement les trois « transformateurs principaux », à savoir Deltafina, Dimon Italia et Transcatab, avaient des contacts réguliers en ce qui concerne l’objet de l’entente. En revanche, la requérante n’est pas identifiée par Dimon Italia comme un membre actif de l’entente pendant ladite période. Force est, dès lors, de constater que, d’après la reconstitution qu’elle a effectuée de ladite période d’activité de l’entente, Dimon Italia n’avait pas perçu la participation de la requérante aux réunions en question comme ayant été guidée par un esprit anticoncurrentiel.

    163    Troisièmement, la Commission a reconnu lors de l’audience que, durant la période allant du 29 mai 2001, au mois de février 2002, il y a eu six réunions et que la requérante n’a participé qu’à deux de celles‑ci, dont celle du 16 novembre 2001 qui n’était pas une réunion proprement dite de l’entente, mais de l’APTI. S’agissant, en outre, de la réunion du 8 janvier 2002, la seconde à laquelle la requérante a participé pendant toute la période allant du 29 mai 2001 jusqu’à la date de fin de l’infraction, il convient d’observer, d’une part, que, selon les déclarations de Transcatab du 18 avril 2002, outre elle-même, Dimon Italia, Deltafina et la requérante, un représentant d’une autre entité était également présent à cette réunion. D’autre part, il convient de relever que cette réunion a été précédée la veille par une autre réunion, à laquelle seulement Dimon Italia, Transcatab et Deltafina ont participé (voir considérant 222 de la décision attaquée). Eu égard aux affirmations contenues, respectivement, dans les déclarations de Transcatab et dans la demande de clémence de Dimon Italia (voir, notamment, points 161 et 162 ci-dessus), la Commission n’a donc pas établi à suffisance de droit que ladite réunion du 8 janvier 2002 constituait une réunion de l’entente.

    164    Au vu des considérations qui précèdent, il convient de conclure que, dans un contexte tel que celui décrit ci-dessus, la Commission ne disposait pas de preuves ou d’un faisceau d’indices ayant une force probante suffisante en ce qui concerne l’implication de la requérante dans l’entente dans la période comprise entre le 29 mai 2001 et le 19 février 2002. Au contraire, ainsi qu’il ressort également de la décision attaquée, plusieurs éléments présents dans le dossier administratif étaient susceptibles d’amener la Commission à une conclusion différente de celle qu’elle a finalement retenue quant à la durée de la participation de la requérante.

    165    Étant donné que l’ensemble des indices invoqués par la Commission n’est pas suffisant pour conclure à la participation de la requérante à l’entente pendant la période susvisée, il y a lieu de constater que la Commission a commis une erreur d’appréciation des faits en ce qu’elle a considéré que la requérante avait participé à l’entente au cours de la période comprise entre le 29 mai 2001 et le 19 février 2002, qui correspond à la date de fin de l’infraction.

    166    Eu égard à tout ce qui précède, le présent moyen doit être accueilli. Il s’ensuit que l’article 1er, sous b), de la décision attaquée, en ce qu’il retient l’infraction commise par la requérante au‑delà du mois de février 1999, doit être annulé. Les conséquences qu’il convient d’en tirer pour la détermination du montant de l’amende seront examinées aux points 265 et suivants ci‑après.

    4.      Sur le deuxième moyen, tiré du caractère illogique de la motivation et de la violation du principe d’égalité de traitement dans la gradation du montant de départ de l’amende

      Arguments des parties

    167    La requérante fait valoir, d’une part, que la Commission n’aurait pas dû choisir l’année 2001 comme année de référence pour déterminer sa part de marché. En effet, étant donné que sa participation à l’infraction a été fragmentée, soit la Commission aurait dû retenir comme base de son calcul la moyenne des parts de marché détenues sur l’ensemble de la période considérée – s’élevant, dans son cas, à 4,69 % du marché –, ce qui serait d’autant plus approprié dans le cas des infractions de durée moyenne, soit elle aurait dû, tout au plus, prendre en compte la part de marché qu’elle détenait en 1998 et non celle de 2001, année pour laquelle sa participation aurait été, à la supposer établie, en tout cas partielle. Elle fait également valoir que, au vu de sa part de marché plus faible que celle de Transcatab et celle de Dimon Italia, elle n’aurait pas dû être inscrite dans la même catégorie d’entreprises que celle dans laquelle ces dernières ont été placées, pour lesquelles la Commission a fixé un montant de départ identique de 10 millions d’euros. Avant même l’application d’un coefficient multiplicateur, la Commission aurait donc dû fixer des montants de départ eux aussi différenciés.

    168    La requérante conteste, en particulier, l’utilisation de la part de marché détenue au cours de la dernière année complète de l’infraction comme critère de référence pour établir le poids spécifique d’une entreprise. L’utilisation d’une telle part de marché devrait être adaptée dans tous les cas dans lesquels, comme en l’espèce, la participation d’une entreprise à l’entente a subi des interruptions. En effet, dans un tel cas, la part de marché relative à la dernière année complète d’infraction ne reflèterait pas seulement les bénéfices obtenus par l’entreprise grâce au comportement anticoncurrentiel, mais aussi ceux obtenus grâce à son action sur le marché durant les périodes de non-participation à l’entente. Or, ce serait précisément le cas en l’espèce, l’accroissement le plus important réalisé par la requérante ayant été enregistré entre 1999 et 2000, période au cours de laquelle il est constant qu’elle ne faisait pas partie de l’entente.

    169    Au vu du fait que la Commission a utilisé la même méthode de calcul tant pour la requérante que pour les autres entreprises, dont la participation à l’entente n’a subi aucune interruption, la décision attaquée serait viciée par une violation du principe d’égalité de traitement et par le caractère illogique de sa motivation pour la partie concernée.

    170    La Commission conclut au rejet des arguments de la requérante.

    171    Premièrement, elle rappelle que, selon la jurisprudence, l’application d’un même montant de départ à des entreprises détenant une part de marché comprise dans une fourchette de faible ampleur – tel qu’en l’espèce – ne constitue pas une violation du principe d’égalité de traitement. En outre, lors de la fixation des amendes elle disposerait d’une ample marge discrétionnaire et ne serait pas tenue d’appliquer une formule mathématique précise. En tout état de cause, cet argument serait inopérant du fait que le montant final de l’amende infligée à la requérante a finalement été réduit à 2,05 millions d’euros, conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

    172    Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante visant à contester l’utilisation de la part de marché détenue au cours de la dernière année complète de l’infraction comme critère de référence, la Commission fait valoir que, selon la jurisprudence, elle agit dans les limites de sa marge discrétionnaire lorsqu’elle procède de manière cohérente et objectivement justifiée à la répartition des entreprises concernées en catégories aux fins de la fixation du montant des amendes. Les parts de marché détenues pendant la dernière année complète de l’infraction constitueraient un indice idoine du poids spécifique et de l’impact sur la concurrence des comportements illicites, puisqu’elles pourraient notamment être le résultat, au moins partiellement, de l’infraction elle‑même.

    173    Troisièmement, s’agissant de l’argument tiré de ce que, pour les infractions de durée moyenne, il serait plus approprié de prendre comme critère de référence la moyenne des parts détenues par les entreprises concernées pendant les années de l’infraction, la Commission rétorque, tout d’abord, que l’infraction n’était pas, en l’espèce, de « moyenne » durée, mais de « longue » durée. Ensuite, elle relève que c’est précisément parce que la requérante a suspendu sa participation à l’entente pendant une certaine période que ladite moyenne des parts de marché ne peut pas constituer un paramètre permettant de répartir les entreprises concernées en catégories en vue de fixer le montant des amendes. En outre, pour calculer cette moyenne, la Commission aurait dû obtenir de chacune des entreprises impliquées dans l’entente non seulement les données relatives aux propres achats de tabac brut de 1995 à 2000 inclus, mais aussi la valeur totale des achats de tabac brut pour chacune desdites années, ce qui correspondrait également aux achats de n’importe quel autre transformateur de tabac italien durant les six années de l’entente, avec toutes les difficultés que cela pouvait comporter.

    174    En tout état de cause, même à vouloir prendre en considération la moyenne des parts de marché des entreprises concernées au cours des années de l’entente et à supposer que celle de la requérante soit de 5 % environ, une fourchette comprise entre 5 % et 11 % ne serait pas sensiblement plus large que celle comprise entre 11 % et 18 %, jugée raisonnable par la jurisprudence. Par ailleurs, la thèse de la requérante ne serait même pas envisageable si, par exemple, elle avait participé à l’infraction uniquement au cours de la dernière année de l’entente. Il ne serait donc pas justifiable que la requérante puisse tirer un quelconque avantage, en termes de réduction de l’amende, du fait que sa participation aux activités de l’entente a été d’une durée plus longue qu’un an.

    175    Quatrièmement, s’agissant de l’argument selon lequel il conviendrait d’adapter l’utilisation de la part de marché de la dernière année complète de l’infraction dans tous les cas dans lesquels la participation à l’entente aurait subi des interruptions, la Commission fait observer que la décision attaquée a déjà pris en compte la durée plus réduite de la participation de la requérante en vue du calcul du montant de base de l’amende qui lui a été infligée. Dès lors, selon la Commission, il n’est pas clair pour quelle raison cette participation moindre, en termes de durée, devrait être prise en considération également à titre de circonstance atténuante.

     Appréciation du Tribunal

    176    Il importe de relever, tout d’abord, que, s’agissant du choix de l’année de référence afin d’établir le poids relatif des entreprises, si les lignes directrices prévoient, au point 1 A, quatrième et cinquième alinéas, un traitement différencié des entreprises en fonction de leur importance économique, elles n’indiquent pas par rapport à quelle année le poids relatif des entreprises doit être établi. À cet égard, le seul point des lignes directrices qui prévoit de prendre en compte l’exercice qui précède l’année de la prise de décision est le point 5, sous a), deuxième alinéa, de celles‑ci, qui ne s’applique toutefois qu’à la détermination du chiffre d’affaires au titre du respect de la limite de 10 %, prévue à l’article 23, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 1/2003. Il s’ensuit qu’il n’est pas applicable aux fins de la détermination du poids relatif des entreprises qui participent à l’entente.

    177    Il résulte de la jurisprudence que la Commission est tenue de choisir une méthode de calcul lui permettant de tenir compte de la taille et de la puissance économique de chaque entreprise concernée ainsi que de l’ampleur de l’infraction commise par chacune d’entre elles, en fonction de la réalité économique telle qu’elle apparaissait à l’époque de la commission de l’infraction. En outre, selon la jurisprudence, il convient de délimiter la période à prendre en considération de manière que les chiffres d’affaires, voire les parts de marché, obtenus soient aussi comparables que possible. Il s’ensuit que l’année de référence ne doit pas nécessairement être la dernière année complète durant laquelle l’infraction a perduré (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 septembre 2010, Trioplast Wittenheim/Commission, T‑26/06, non publié au Recueil, points 81 et 82, et la jurisprudence citée).

    178    Ainsi qu’il ressort du considérant 372 de la décision attaquée, ayant trait à la détermination de la part de marché de Deltafina, l’année 2001, qui a été choisie en l’espèce comme année de référence afin d’établir le poids relatif des entreprises, était la dernière année complète de l’infraction commise par les transformateurs.

    179    Ainsi, la Commission a classé Deltafina, avec une part de marché en 2001 de 25 %, dans une catégorie (considérant 372 de la décision attaquée), et regroupé Dimon Italia, Transcatab et la requérante, avec des parts de marché en 2001 respectivement de 11,28 % (considérant 35 de la décision attaquée), de 10,8 % (considérant 37 de la décision attaquée) et de 8,86 % (considérant 40 de la décision attaquée), dans une autre catégorie (considérant 373 de la décision attaquée). À la suite de ce classement, et après avoir appliqué un coefficient multiplicateur de 1,5 pour Deltafina et de 1,25 pour Transcatab et Dimon Italia, les montants de départ ont été fixés à 37,5 millions d’euros pour Deltafina, 12,5 millions d’euros pour Transcatab et Dimon Italia et 10 millions d’euros pour la requérante (considérant 376 de la décision attaquée).

    180    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la méthode consistant à répartir les membres d’une entente en catégories aux fins de réaliser un traitement différencié au stade de la fixation des montants de départ des amendes, bien qu’elle revienne à ignorer les différences de taille entre entreprises d’une même catégorie, entraîne une forfaitisation du montant de départ fixé aux entreprises appartenant à une même catégorie (voir arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, Daiichi Pharmaceutical/Commission, T‑26/02, Rec. p. II‑713, point 83, et la jurisprudence citée, et arrêt Itochu/Commission, point 103 supra, point 73).

    181    Cependant, une telle répartition en catégories doit respecter le principe d’égalité de traitement selon lequel il est interdit de traiter des situations comparables de manière différente et des situations différentes de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir, à cet égard, la jurisprudence citée au point 102 ci‑dessus). Par ailleurs, selon la jurisprudence, le montant des amendes doit au moins être proportionné par rapport aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction. Pour vérifier si une répartition des membres d’une entente en catégories est conforme aux principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, il convient de contrôler si cette répartition est cohérente et objectivement justifiée (voir, en ce sens, arrêts Daiichi Pharmaceutical/Commission, point 180 supra, points 84 et 85, et Itochu/Commission, point 103 supra, point 74).

    182    Selon la décision attaquée, la requérante a participé à l’entente durant une première période, allant d’octobre 1997 au 5 novembre 1999, et durant une seconde période, allant du 29 mai 2001 au 19 février 2002, alors que les autres membres y ont participé, sans interruption, du 29 septembre 1995 au 19 février 2002. Or, bien que la Commission ait relevé que la requérante a participé à l’entente pendant une période plus courte et fragmentée – dont la durée exacte, ainsi qu’il a été constaté dans le cadre du troisième moyen ci‑dessus, est contestée par celle‑ci – par rapport aux autres membres de l’entente, la Commission s’est fondée sur les parts de marché détenues par les entreprises concernées, y compris la requérante, au cours de l’année 2001, dernière année complète de l’infraction, indépendamment du fait que la requérante n’avait, selon les termes de la décision attaquée, repris sa participation à cette infraction qu’à partir du 29 mai 2001.

    183    En utilisant, aux fins de la détermination du montant de départ des amendes, le critère de la part de marché relative à la dernière année complète de l’infraction, la Commission a donc traité des situations différentes de manière identique. En effet, la situation de la requérante était différente de celle des trois autres transformateurs en ce que, aux termes de la décision attaquée, d’une part, elle avait globalement participé à l’entente pour une période plus courte et fragmentée et, d’autre part, elle n’y avait prétendument participé que pour une partie limitée de l’année 2001, alors même que ces autres transformateurs avaient continué d’y participer, de manière ininterrompue, de septembre 1995 à février 2002. Ainsi, le choix de l’année 2001 comme année de référence est constitutif d’une inégalité de traitement au détriment de la requérante.

    184    Un tel traitement inégal est dépourvu de justification objective. En effet, s’il est loisible à la Commission de tenir compte des parts de marché détenues par une entreprise membre d’une entente lors de la dernière année complète de l’infraction constatée pour apprécier sa taille et sa puissance économique dans un marché donné ainsi que l’ampleur de l’infraction commise par elle (voir point 177 ci‑dessus), elle doit néanmoins veiller à ce que les parts de marché de chacune des entreprises impliquées reflètent correctement la réalité économique telle qu’elle apparaissait à l’époque de la commission de l’infraction. Or, en règle générale, dans le cas d’infractions de longue durée, comme en l’espèce, ce n’est que lorsque la dernière année complète de l’infraction, telle que prise en compte par la Commission, coïncide avec la durée de participation de chacune de ces entreprises que les parts de marché qui y sont afférentes sont de nature à servir d’indicateurs pertinents à cet égard et à permettre d’obtenir des résultats aussi comparables que possible, surtout afin de répartir les entreprises impliquées en catégories.

    185    Toutefois, en l’espèce, la Commission n’indique aucune justification valable, dans la décision attaquée, pour son choix de répartir les quatre transformateurs concernés en deux catégories et, en particulier, de regrouper la requérante ainsi que Transcatab et Dimon Italia, filiales, respectivement, des groupes multinationaux SCC et Dimon, dans une même catégorie du fait de leurs parts de marché respectives en 2001. À cet égard, la Commission se limite à constater que, Transcatab, Dimon Italia et la requérante détenant des parts plus réduites du marché, elles devaient « recevoir un montant de départ de l’amende plus faible » par rapport à Deltafina (considérant 373 de la décision attaquée). En revanche, compte tenu de la différente durée de leur participation à l’entente, y compris durant l’année 2001, des rôles distincts qu’elles ont joués dans la conception et dans la mise en œuvre de celle‑ci ainsi que de leurs tailles et puissances économiques différentes, il n’existait aucune justification objective à ce que la Commission assimile la requérante à Dimon Italia et à Transcatab et inclue ces trois entreprises dans une même catégorie, en leur appliquant un même montant de départ de l’amende.

    186    Dans ces conditions et eu égard aux considérations figurant aux considérants 301 et 302 de la décision attaquée quant à la durée de l’infraction, la Commission ne pouvait pas tenir compte de l’année 2001 comme dernière année complète de l’infraction constatée sans enfreindre le principe d’égalité de traitement à l’égard de la requérante, dès lors que celle-ci n’y avait participé, selon la Commission, qu’à partir du 29 mai de cette année (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Fiskeby Board/Commission, T‑319/94, Rec. p. II‑1331, point 43).

    187    Cela est d’autant plus vrai à la lumière des considérations développées aux points 150 à 165 ci-dessus, dans le cadre de l’appréciation du troisième moyen, selon lesquelles la Commission a considéré à tort que la requérante avait repris sa participation à l’entente le 29 mai 2001 pour y prendre part jusqu’à la fin de l’infraction.

    188    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que, en utilisant le critère de la part de marché relative à la dernière année complète de l’infraction, à savoir 2001, pour toutes les entreprises impliquées, ce qui est à l’origine du choix de la Commission de regrouper dans une même catégorie la requérante, Mindo et Transcatab et de leur appliquer un même montant de départ, la Commission a violé le principe d’égalité de traitement.

    189    Les arguments avancés par la Commission dans ce contexte ne sont pas susceptibles de remettre en cause cette conclusion.

    190    En premier lieu, s’agissant de l’argument selon lequel les parts de marché ayant trait à la dernière année complète de l’infraction constitueraient un indice idoine du poids spécifique et de l’impact sur la concurrence des comportements illicites, même en considération du fait que, normalement, elles pourraient être le résultat, au moins partiellement, de l’infraction même, il suffit de constater que tel n’est précisément pas le cas lorsque l’entreprise en cause n’a pas participé à cette infraction tout au long de cette dernière année (voir point 184 ci-dessus). Il convient d’observer, en outre, qu’un tel constat ne saurait empêcher une entreprise de démontrer, comme c’est le cas en l’espèce, que la part de marché détenue au cours de la période retenue ne constitue pas, pour des raisons qui lui sont propres, une indication de sa véritable taille et de sa puissance économique, ni de l’ampleur de l’infraction qu’elle a commise (voir, en ce sens, arrêt Fiskeby Board/Commission, point 186 supra, point 42). En effet, la part de marché détenue par la requérante en 2001, comparée à l’évolution remarquable de ses parts de marché pendant la période durant laquelle elle ne faisait pas partie de l’entente, ne saurait être considérée comme le résultat de sa participation à l’infraction ou, à tout le moins, il ne pourrait l’être que dans une moindre mesure, ainsi que l’a reconnu la Commission lors de l’audience. À cet égard, l’argument soulevé par la Commission à l’audience selon lequel, en tout état de cause, la requérante aurait participé à l’entente dans la partie décisive, à savoir la seconde partie de l’année 2001, ne saurait prospérer. En effet, cet argument n’a pas été étayé par la Commission et est, en substance, en contradiction avec le choix, que celle‑ci a fait dans la décision attaquée, de se référer à la dernière année complète de l’infraction. En tout état de cause, ainsi qu’il a été constaté dans le cadre de l’appréciation du troisième moyen (voir points 150 à 165 ci‑dessus), la Commission n’a pas prouvé à suffisance de droit que la requérante avait participé à l’entente au cours du second semestre de l’année 2001.

    191    En deuxième lieu, s’agissant de l’argument visant, en substance, à contester l’utilisation des parts de marché moyennes, du fait que la Commission aurait dû obtenir un certain nombre d’informations qu’il lui aurait été difficile de se procurer, il suffit de relever que, en ce qui concerne les parts de marché qu’elle a retenues pour l’année 2001, la Commission s’est bornée à utiliser les informations qui lui ont été fournies par les entreprises elles-mêmes. Il ressort, en effet, des considérants 31, 35, 37 et 40 de la décision attaquée que les parts de marché respectives de Deltafina, de Dimon Italia, de Transcatab et de la requérante qui ont été utilisées par la Commission aux considérants 372 et 373 de la décision attaquée, en vue de déterminer le montant de départ des amendes et le traitement différencié, correspondent aux propres estimations de chacune de ces entreprises. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort des documents que la Commission a versés au dossier à la demande du Tribunal, celle‑ci était en possession des données relatives aux parts de marché de ces entreprises pour les années 1999 à 2002, qui lui avaient été transmises lors de la procédure administrative à la suite de sa demande expresse. Ainsi, l’argument selon lequel il aurait été particulièrement difficile pour la Commission d’acquérir d’autres données ne saurait prospérer, dès lors qu’il ressort de la décision attaquée que la Commission a fondé cette décision sur des données, ayant trait aux années 1999 à 2002, qu’elle a elle‑même estimé approprié de demander aux transformateurs et qui lui ont été fournies par ceux‑ci.

    192    En troisième lieu, s’agissant de l’argument tiré de ce que la décision attaquée aurait déjà pris en compte la durée moins longue de la participation de la requérante en vue du calcul du montant de base de l’amende qui lui a été infligée, il suffit de constater que le présent moyen vise, en réalité, à contester la fixation du montant de départ, qui est faite sur la base de la gravité de l’infraction et non de la durée de celle‑ci. Par ailleurs, contrairement à ce que prétend la Commission, la requérante n’a pas exigé que sa participation moindre, en termes de durée, soit prise en considération au titre de circonstances atténuantes.

    193    En quatrième lieu, s’agissant de l’argument de la Commission selon lequel le présent moyen supposerait nécessairement que la participation de la requérante à l’entente a duré bien plus qu’un an et qu’il serait, par conséquent, difficile de justifier que celle‑ci puisse tirer de cette circonstance un quelconque avantage en termes de réduction de l’amende, force est de constater qu’il s’agit d’un argument purement hypothétique dépourvu de valeur probante. En effet, dans l’hypothèse, évoquée par la Commission, où la participation d’une entreprise à une entente se limiterait à la dernière année, seule la part de marché relative à cette année pourrait être prise en considération. Cela n’étant toutefois pas le cas en l’espèce, la Commission reste en défaut d’expliquer comment et dans quelle mesure la requérante serait susceptible de tirer un avantage du fait que sa participation à l’entente aurait largement dépassé la dernière année de l’infraction.

    194    Enfin, s’agissant de la lecture de la valeur des achats de la requérante en 2001, proposée par la Commission lors de l’audience et visant à démontrer que la part de marché de celle‑ci en 2001 aurait été, en substance, sous-estimée, il suffit d’observer que cet argument doit être écarté dans la mesure où il remet en cause ce qui a été constaté par la Commission dans la décision attaquée.

    195    Le deuxième moyen doit donc être accueilli, en ce que, en fondant le montant de départ attribué à la requérante sur la part de marché détenue par celle‑ci au cours de l’année de référence 2001, la Commission a violé le principe d’égalité de traitement. Les conséquences qu’il convient d’en tirer pour la détermination du montant de l’amende seront examinées aux points 265 et suivants ci‑après.

    5.      Sur le quatrième moyen, tiré d’une réduction insuffisante du montant de l’amende au titre du rôle « perturbant » joué par la requérante ainsi que de l’absence de prise en compte d’autres circonstances atténuantes

    196    La requérante reproche à la Commission de ne lui avoir appliqué qu’une réduction de 30 % du montant de base de l’amende.

    197    L’argumentation de la requérante s’articule en deux branches. Dans le cadre de la première branche, la requérante fait valoir que la Commission a méconnu la circonstance atténuante relative aux pressions qu’elle aurait subies ainsi que le rôle purement passif qu’elle a joué dans l’infraction. Dans le cadre de la seconde branche, la requérante allègue que, en reconnaissant la circonstance atténuante du « fréquent bouleversement des finalités de l’entente », la Commission n’a pas reconnu un poids approprié, au titre des lignes directrices, au fait qu’elle n’avait systématiquement pas appliqué, de facto, les décisions de l’entente.

     Sur la première branche, tirée de la méconnaissance par la Commission, au titre de circonstances atténuantes, des pressions subies par la requérante ainsi que du rôle purement passif joué par celle‑ci

     Arguments des parties

    198    La requérante rappelle avoir déjà expliqué, lors de la procédure administrative, que son implication formelle dans l’entente était le résultat des pressions subies par les autres transformateurs et que la crainte de rétorsions de la part de ceux‑ci l’avait amenée à une attitude d’adhésion apparente aux desiderata du « noyau dur » de l’entente, représenté par Deltafina, Dimon Italia et Transcatab.

    199    Au soutien de son affirmation, elle rappelle avoir fourni les éléments de preuve suivants :

    –        le mémorandum interne de Dimon Italia du 9 octobre 1997 (document n° 39281-4670/4671), se référant à l’initiative de Deltafina visant à réaliser un accord entre les « cinq grands » transformateurs italiens, qui témoigne de l’existence de pressions exercées par cette dernière sur toutes les entreprises du secteur ayant une présence significative sur le marché, en vue de la création d’une entente entre les transformateurs ;

    –        le document relatif à la récolte de 1997 (document n° 38281-434/435), envoyé par Deltafina aux autres transformateurs, se référant à « l’intention d’agir de concert à l’encontre d’éventuelles perturbations externes du marché » ;

    –        le mémorandum présenté par Transcatab le 9 avril 2002 (document n° 38281-04103), dans lequel celle‑ci admet avoir convenu, en 1996, avec Deltafina et Dimon Italia « d’exercer les pressions qui étaient possibles pour que [des] stratégies [anticoncurrentielles] soient aussi adoptées par les autres transformateurs opérant en Italie » ;

    –        le courriel envoyé le 10 mai 2001 par un employé de Dimon Italia à un collègue de la même entreprise (document n° 38281-04856), dans lequel il est fait mention de l’intention de celle‑ci d’effectuer une visite commune avec Transcatab auprès de certains clients (acheteurs), afin de débattre avec eux de la « situation au regard du marché » et des risques liés à l’achat de tabac auprès d’autres transformateurs (ne faisant pas partie de l’entente), parmi lesquels figurait vraisemblablement la requérante, qui, à ce moment-là, opérait en pleine autonomie et était perçue comme un élément de perturbation du marché.

    200    En outre, la requérante affirme avoir également soutenu, dans le cadre de la procédure administrative, que sa participation a été dès le début passive et/ou suiviste et a perduré comme telle pour toute la période infractionnelle qui lui a été reprochée.

    201    Malgré de telles preuves et les affirmations ponctuelles de la requérante au cours de la procédure administrative, la décision attaquée ne contiendrait aucune référence à la contrainte exercée à son égard par Deltafina et les deux autres membres du « noyau dur ».

    202    Dans la réplique, la requérante précise que, dans le cadre du calcul de l’amende, la Commission est obligée de prendre en compte toutes les circonstances atténuantes dont une entreprise aurait prouvé pouvoir se prévaloir et ne peut pas en négliger une ou plusieurs sans motiver son choix.

    203    L’absence de prise en compte des pressions subies par la requérante constituerait également une violation du devoir de mener l’instruction de manière diligente et impartiale.

    204    Enfin, elle conteste l’application à son égard du principe jurisprudentiel visant à nier le caractère exclusivement passif de l’implication d’une entreprise dans l’infraction au seul motif qu’elle n’aurait pas dénoncé l’entente. En effet, l’application de ce principe avec la même sévérité aux « entreprises de grande dimension » et à celles de dimension familiale serait inique et disproportionnée.

    205    La Commission conclut au rejet de la première branche du quatrième moyen.

     Appréciation du Tribunal

    206    Il y a lieu, tout d’abord, d’observer que l’argumentation de la requérante n’opère pas une distinction claire entre, d’une part, le fait, évoqué à plusieurs reprises, qu’elle aurait été forcée, sous menace de rétorsions, par le « noyau dur » de l’entente, à y participer, dans la mesure où elle se trouvait dans une situation de faiblesse structurelle par rapport à ses concurrents, et, d’autre part, le fait qu’elle aurait choisi d’y participer en gardant toutefois un « profil bas », de sorte que sa participation n’aurait été que de façade et son comportement passif et/ou suiviste.

    207    Il convient d’examiner séparément les deux éléments évoqués par la requérante. En effet, bien que ces deux éléments puissent être étroitement liés et susceptibles d’être compris comme l’un étant la conséquence de l’autre, le « profil bas » pouvant être une expression et une manifestation d’une situation de contrainte, il n’en reste pas moins qu’ils sont inhérents à deux situations et moments différents, les pressions subies par la requérante se concrétisant surtout au moment qui précède son adhésion « forcée » à l’entente et le comportement « passif » et/ou « suiviste » étant postérieur à celle‑ci.

    208    Dès lors, il y a lieu d’examiner successivement les griefs tirés du défaut de prise en compte, d’abord, du caractère forcé de la participation de la requérante à l’entente et, ensuite, de la circonstance atténuante tirée de son rôle exclusivement passif ou suiviste dans la réalisation de l’infraction.

    209    En particulier, il convient d’établir si c’est à bon droit et sans violer l’obligation de motivation qui lui incombe que la Commission a refusé, premièrement, de reconnaître que la requérante avait été forcée à participer à l’entente et, deuxièmement, qu’elle avait joué un rôle passif dans le cadre de la mise en œuvre de celle‑ci.

    –       Sur le grief tiré du défaut de prise en compte du caractère forcé de la participation de la requérante à l’entente

    210    La requérante fait valoir que, bien que les éléments de preuve obtenus dans le cadre de la procédure administrative aient démontré l’existence de menaces ou de pressions à son égard, essentiellement de la part de Deltafina, mais également des autres membres du « noyau dur » de l’entente, la Commission ne les a pas pris en compte.

    211    Force est de constater, tout d’abord, que l’existence de menaces et de pressions visant à amener une entreprise à participer à une infraction au droit de la concurrence ne fait pas partie des circonstances atténuantes énumérées dans les lignes directrices.

    212    Il ressort de la jurisprudence que les pressions exercées par des entreprises et visant à amener d’autres entreprises à participer à une infraction au droit de la concurrence ne dégagent pas, quelle que soit leur importance, l’entreprise concernée de sa responsabilité pour l’infraction commise, ne modifient en rien la gravité de l’entente et ne sauraient constituer une circonstance atténuante aux fins du calcul des montants des amendes, dès lors que l’entreprise concernée aurait pu dénoncer les éventuelles pressions aux autorités compétentes et introduire auprès d’elles une plainte (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 69 supra, points 369 et 370, et arrêt du Tribunal du 29 novembre 2005, Union Pigments/Commission, T‑62/02, Rec. p. II‑5057, point 63).

    213    Par conséquent, la Commission n’était pas tenue de prendre en compte des menaces, telles qu’alléguées en l’espèce, comme circonstance atténuante (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T‑109/02, T‑118/02, T‑122/02, T‑125/02, T‑126/02, T‑128/02, T‑129/02, T‑132/02 et T‑136/02, Rec. p. II‑947, point 640).

    214    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments soulevés par la requérante.

    215    En effet, s’il ressort du dossier que, bien que la requérante ait pu être victime de pressions de la part des autres entreprises, qui avaient déjà mis en place l’entente en question, lorsque, en 1997, elle a fait son entrée sur le marché en tant qu’opérateur indépendant, il ne ressort toutefois pas du dossier qu’elle a, à tout le moins, essayé de dénoncer ces pressions auprès des autorités compétentes, ni, d’ailleurs, qu’elle les a subies, surtout dans les premiers temps, de manière totalement passive (voir points 221 à 224 ci‑après).

    216    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent grief.

    –       Sur le grief tiré du défaut de prise en compte du rôle exclusivement passif ou suiviste de la requérante

    217    Au point 3, premier tiret, des lignes directrices, il est précisé qu’une diminution du montant de l’amende au titre des circonstances atténuantes est accordée si, par exemple, l’entreprise concernée a joué un « rôle exclusivement passif ou suiviste dans la réalisation de l’infraction ».

    218    À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d’une entreprise au sein d’une entente, peuvent être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de sa participation aux réunions par rapport à celle des autres membres de l’entente (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T‑220/00, Rec. p. II‑2473, point 168 ; voir arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, point 97 supra, point 331, et la jurisprudence citée) de même que son entrée tardive sur le marché ayant fait l’objet de l’infraction, indépendamment de la durée de sa participation à celle-ci (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 décembre 1985, Stichting Sigarettenindustrie e.a./Commission, 240/82 à 242/82, 261/82, 262/82, 268/82 et 269/82, Rec. p. 3831, point 100, et arrêt du 8 octobre 2008, Carbone‑Lorraine/Commission, point 77 supra, point 164, et la jurisprudence citée), ou encore l’existence de déclarations expresses en ce sens émanant de représentants d’entreprises tierces ayant participé à l’infraction (voir arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, point 95 supra, point 331, et la jurisprudence citée). Par ailleurs, le Tribunal a jugé que le « rôle exclusivement passif » d’un membre d’une entente implique l’adoption par celui-ci d’un « profil bas », c’est-à-dire une absence de participation active à l’élaboration du ou des accords anticoncurrentiels (voir arrêt Jungbunzlauer/Commission, point 105 supra, point 252, et la jurisprudence citée).

    219    Tout d’abord, il convient de préciser que, au vu des conclusions tirées dans le cadre du troisième moyen s’agissant de la date de cessation de la participation de la requérante à l’entente en 1999 et de sa participation au cours de la période allant du 29 mai 2001 au 19 février 2002, il n’y a lieu de se prononcer sur l’existence d’un rôle exclusivement passif ou suiviste de la requérante que pendant la période allant d’octobre 1997 à février 1999.

    220    Or, en premier lieu, s’agissant de ladite période infractionnelle, la requérante ne saurait valablement soutenir avoir été contrainte à participer à l’entente pour réclamer le bénéfice de circonstances atténuantes. En effet, même à supposer qu’il soit établi que les autres membres de l’entente – ceux qu’elle définit de « noyau dur » – aient exercé des pressions économiques à son égard afin qu’elle souscrive aux accords de l’entente, il n’en reste pas moins que – une fois qu’elle y a adhéré – elle s’est conformée aux décisions des membres de l’entente sans adopter de rôle exclusivement passif ou suiviste dans la réalisation de l’infraction. Ainsi qu’il est précisé dans les lignes directrices, seul un rôle « exclusivement » passif ou suiviste peut donner lieu à une réduction du montant de l’amende. Il ne suffit donc pas que, pendant certaines périodes de l’entente, ou à l’égard de certains accords de celle‑ci, l’entreprise concernée ait adopté, à le supposer établi, un « profil bas » (voir, en ce sens, arrêts Jungbunzlauer/Commission, point 105 supra, point 254, et du 8 octobre 2008, Carbone‑Lorraine/Commission, point 77 supra, point 179).

    221    En deuxième lieu, cette appréciation est confirmée par le fait que, pendant la période concernée, la requérante a, de façon très régulière, participé aux réunions de l’entente. Ainsi que le relève la Commission, entre octobre 1997 et décembre 1998, la requérante a participé à dix réunions sur douze (voir, à cet égard, les considérants 124, 128, 129, 131, 132, 142, 144, 146 et 155 de la décision attaquée), les seules réunions auxquelles la requérante n’a pas participé durant cette période étant celles des 16 et 22 octobre 1998 (considérants 145 et 152 de la décision attaquée). En outre, deux de ces réunions ont eu lieu dans ses locaux. Il s’agit des réunions du 20 octobre 1997 (considérant 128 de la décision attaquée) et du 2 décembre 1998 (considérant 146 de la décision attaquée). Enfin, il ressort du considérant 150 de la décision attaquée qu’elle est convenue, le 2 juillet 1998, avec Dimon Italia, Deltafina et Transcatab, du prix maximal à offrir lors d’un appel d’offres de l’ATI.

    222    En troisième lieu, il ressort également de la décision attaquée (voir considérant 131 de la décision attaquée) que, le 29 mai 1998, la requérante a invité les présidents de Deltafina, de Dimon Italia et de Transcatab à participer à la réunion qui a eu lieu le 4 juin 1998. À la suite de cette réunion, elle en a convoqué une autre pour le 2 juillet 1998, qui a toutefois eu lieu le 4 juillet 1998. Au cours de celle-ci, il a été conclu un accord écrit, préparé ou transcrit par le représentant de la requérante, l’accord dit « de la Villa Grazioli », visant à fixer les prix d’achat du tabac brut pour les variétés Burley, Bright et DAC (considérant 132 de la décision attaquée).

    223    À cet égard, c’est à tort que la requérante sous-estime le rôle de président qu’elle a eu lors des réunions de l’entente visant à la préparation de cet accord, en alléguant que ce rôle impliquait, en substance, uniquement des tâches administratives et ne lui conférait aucune influence du point de vue de sa conception et de sa rédaction. En effet, le fait de convoquer des réunions, de proposer un ordre du jour et de distribuer des documents préparatoires en vue de réunions est incompatible avec un rôle passif de suiveur adoptant un profil bas. De telles initiatives révèlent une attitude favorable et active de la requérante concernant l’élaboration, la continuation et le contrôle de l’entente. D’ailleurs, à cet égard, le fait que le président de la requérante, M. B. (qui détenait le contrôle de la société), ait lui‑même participé aux réunions de l’entente n’est pas dépourvu de toute signification, malgré le fait que, au sein de cette entreprise, il n’y avait pas de structure hiérarchique équivalente à celle des autres membres de l’entente. Or, ces éléments ne sont pas, en tout état de cause, de nature à établir que le rôle de la requérante était « exclusivement passif ou suiviste » (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Jungbunzlauer/Commission, point 105 supra, point 257).

    224    D’ailleurs, la requérante n’avance pas de circonstances spécifiques, ni d’éléments de preuve, tels que des déclarations d’autres membres de l’entente, susceptibles de démontrer que son attitude lors des réunions en question s’est distinguée significativement de celle des autres membres de l’entente par son caractère purement passif ou suiviste.

    225    De plus, dès lors qu’une entreprise a participé, même sans y jouer un rôle actif, à des réunions ayant un objet anticoncurrentiel, elle doit être considérée comme ayant participé à l’entente à moins qu’elle ne prouve s’être ouvertement distanciée de la concertation illicite. En effet, par sa présence aux réunions, la requérante a adhéré ou tout au moins a fait croire aux autres participants qu’elle adhérait en principe au contenu des accords anticoncurrentiels qui y étaient conclus (voir, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 131 supra, points 81, 82 et 85).

    226    À cet égard, ne saurait prospérer l’allégation de la requérante selon laquelle, en substance, il serait inique et disproportionné d’appliquer cette jurisprudence avec la même sévérité aux entreprises de grande dimension, disposant de connaissances et d’infrastructures juridico-économiques qui leur permettraient de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence, et aux petites entreprises de dimension familiale, qui ne percevraient pas forcément comme illicites certains comportements. En effet, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, le point 1 A, cinquième alinéa, des lignes directrices permet à la Commission d’augmenter les amendes des entreprises de grande dimension, mais ne lui impose pas de réduire celles fixées pour des entreprises de taille modeste. De plus, étant donné que l’incompatibilité de l’entente en cause avec les règles de concurrence est explicitement affirmée à l’article 81, paragraphe 1, sous a) à c), CE et qu’elle est consacrée par une jurisprudence constante, la requérante ne saurait prétendre qu’elle ne connaissait pas suffisamment le droit pertinent. Par ailleurs, il ressort de la décision attaquée que les entreprises incriminées étaient bien conscientes de l’illégalité d’une entente qui visait la fixation de prix, la répartition du marché et l’attribution de clients (voir, en ce sens et par analogie, arrêt SNCZ/Commission, point 89 supra, point 82).

    227    En tout état de cause, selon la jurisprudence, pour qu’une infraction aux règles de concurrence puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n’est pas nécessaire que l’entreprise ait eu conscience d’enfreindre ces règles, mais il suffit qu’elle n’ait pu ignorer que sa conduite avait pour objet de restreindre la concurrence (arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Ferriere Nord/Commission, T‑143/89, Rec. p. II‑917, et SNCZ/Commission, point 89 supra, point 83).

    228    En outre, rien n’oblige la Commission à atténuer des amendes lorsque les entreprises concernées sont des petites ou moyennes entreprises (PME). La taille de l’entreprise est, en effet, prise en considération par le plafond fixé par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 et par les dispositions des lignes directrices. À part ces considérations relatives à la taille, il n’y a aucune raison de traiter les PME différemment des autres entreprises. Le fait que les entreprises soient des PME ne les exonère pas de leur devoir de respecter les règles de concurrence (voir, en ce sens, arrêt SNCZ/Commission, point 89 supra, point 84 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 avril 2009, CD-Contact Data/Commission, T‑18/03, Rec. p. II‑1021, point 115).

    229    Par conséquent, la Commission n’a pas méconnu les lignes directrices en refusant d’octroyer à la requérante le bénéfice de circonstances atténuantes au titre du rôle exclusivement passif ou suiviste que cette dernière aurait joué dans la réalisation de l’infraction.

    –       Sur le défaut de motivation

    230    La requérante fait valoir, en substance, que la décision attaquée n’est pas motivée en ce qui concerne tant son rôle passif au sein de l’entente que l’existence de pressions l’ayant forcée à participer à celle‑ci.

    231    À cet égard, il convient de constater, d’une part, que, parmi les éléments que la requérante a invoqués explicitement en tant que circonstances atténuantes dans sa réponse à la communication des griefs, ne figure que celui ayant trait au rôle passif qu’elle aurait joué dans l’infraction et, d’autre part, que la Commission n’a effectivement pas retenu cette circonstance atténuante dans la décision attaquée.

    232    Il ne saurait toutefois être tiré argument du fait que, dans la partie de la décision attaquée consacrée aux circonstances atténuantes, la Commission n’a pas fourni d’explication sur les raisons pour lesquelles elle avait estimé ne pas devoir retenir certains éléments invoqués à ce titre par la requérante dans sa réponse à la communication des griefs.

    233    À cet égard, il importe de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que, si la Commission est tenue, en vertu de l’article 253 CE, de motiver ses décisions en mentionnant les éléments de fait dont dépend la justification de la décision et les considérations qui l’ont amenée à prendre celle‑ci, cette disposition n’exige pas que la Commission discute tous les points de fait et de droit qui auraient été traités au cours de la procédure administrative (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden‑Industrie‑Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, points 14 et 15, et arrêt Fiskeby Board/Commission, point 186 supra, point 127).

    234    Or, il ressort du considérant 380 de la décision attaquée que la Commission a réduit de 30 % le montant de base de l’amende à infliger à la requérante, en ayant apprécié le caractère adéquat d’une éventuelle réduction de l’amende au titre des circonstances atténuantes d’un point de vue global et en tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes.

    235    Ce grief doit dès lors être rejeté. Il s’ensuit que la première branche du quatrième moyen doit être rejetée dans son ensemble.

     Sur la seconde branche, tirée de l’omission, par la Commission, de prendre dûment en compte la circonstance atténuante du « fréquent bouleversement des finalités de l’entente », qui aurait consisté en une inapplication systématique des décisions de l’entente

     Arguments des parties

    236    La requérante fait valoir que, dans le cadre de la procédure administrative, elle a également soutenu ne pas avoir exécuté les décisions de l’entente. L’inapplication des accords aurait été totale et systématique, et ce non seulement au cours de la quasi-totalité de l’année 1999, mais aussi au cours de la période s’étendant de mai 2001 à février 2002. Quant à la période s’étendant d’octobre 1997 à février 1999, il serait également possible d’évoquer une application partielle et erratique des décisions de l’entente par la requérante, qui aurait mérité une réduction de l’amende, au titre de la circonstance atténuante consistant en la non-application effective des accords ou des pratiques infractionnelles.

    237    En effet, les lignes directrices n’indiqueraient pas qu’une telle circonstance ne serait applicable que dans le cas d’une inapplication totale et systématique. Ainsi, il serait contraire aux principes de non-discrimination et de proportionnalité de ne pas reconnaître qu’un participant à l’entente n’a exécuté que partiellement les accords restrictifs, car cela ne respecterait pas l’obligation de distinguer les différents niveaux de gravité des comportements individuels des entreprises impliquées dans une infraction.

    238    En conclusion du présent moyen, la requérante demande ainsi au Tribunal de reconsidérer le montant de la réduction appliquée au montant de base de l’amende qui lui a été infligée, en augmentant sensiblement cette réduction, afin de prendre en compte la circonstance atténuante de la contrainte exercée à son égard et de son rôle exclusivement passif ainsi que l’incidence réelle de la circonstance atténuante des fréquents bouleversements des finalités de l’entente.

    239    La Commission conclut au rejet de la seconde branche du quatrième moyen.

     Appréciation du Tribunal

    240    Par la présente branche, la requérante prétend à une réduction du montant de son amende au titre de la « non-application effective des accords ou pratiques infractionnelles », qui fait partie des circonstances atténuantes visées au point 3 des lignes directrices. Selon elle, la diminution de 30 % du montant de base de l’amende ne reflète pas pleinement la circonstance atténuante inhérente au bouleversement fréquent des finalités de l’entente, qui s’est avéré, en réalité, être une inapplication systématique effective de ses décisions.

    241    Or, selon une jurisprudence bien établie, la Commission n’est tenue de reconnaître l’existence d’une circonstance atténuante du fait de l’absence de mise en œuvre d’une entente que si l’entreprise qui invoque cette circonstance peut démontrer qu’elle s’est clairement, et de manière considérable, opposée à la mise en œuvre de cette entente, au point d’en avoir perturbé le fonctionnement même, et qu’elle n’a pas adhéré à l’accord en apparence et, de ce fait, incité d’autres entreprises à mettre en œuvre l’entente en cause (arrêts Daiichi Pharmaceutical/Commission, point 180 supra, point 113, et du 8 octobre 2008, Carbone‑Lorraine/Commission, point 77 supra, point 196). Il serait effectivement trop aisé pour les entreprises de minimiser le risque de devoir payer une lourde amende si elles pouvaient profiter d’une entente illicite et bénéficier ensuite d’une réduction de l’amende au motif qu’elles n’avaient joué qu’un rôle limité dans la mise en œuvre de l’infraction, alors que leur attitude a incité d’autres entreprises à se comporter de manière plus nuisible à la concurrence (arrêts Mannesmannröhren-Werke/Commission, point 73 supra, points 277 et 278, et Itochu/Commission, point 103 supra, point 145).

    242    En outre, il n’est pas indiqué dans les lignes directrices que la Commission doit systématiquement prendre en compte séparément chacune des circonstances atténuantes énumérées au point 3 des lignes directrices. Il s’ensuit, selon cette jurisprudence, qu’elle n’est pas obligée d’accorder une réduction supplémentaire à ce titre de manière automatique, le caractère adéquat d’une éventuelle réduction de l’amende au titre des circonstances atténuantes devant être apprécié d’un point de vue global en tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes.

    243    En l’espèce, la Commission a précisé, au considérant 380 de la décision attaquée, ce qui suit :

    « Romana Tabacchi n’a pas pris part à certains aspects de l’entente (à savoir, principalement, ceux ayant trait aux achats directs aux producteurs, auxquels elle n’a commencé à acheter des quantités limitées qu’en 2000) […] De plus, le comportement de Romana Tabacchi a souvent perturbé l’objet de l’entente à tel point que les autres participants ont été amenés à discuter ensemble de la réaction à avoir face à ce comportement […] Ces éléments donnent lieu à une réduction de 30 % du montant de base de l’amende à infliger à Romana Tabacchi. »

    244    Ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, il ressort de la seule lecture de ce considérant que la circonstance évoquée par la requérante dans ce grief a déjà été dûment prise en compte.

    245    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les griefs et arguments que la requérante formule dans le cadre de ce moyen doivent être rejetés comme non fondés.

    6.     Sur le cinquième moyen, tiré du caractère inique et disproportionné de l’amende au regard de la structure patrimoniale et de la capacité contributive de la requérante

     Arguments des parties

    246    La requérante estime que l’amende qui lui a été infligée, équivalant presque au double du montant de son capital social, est injuste et disproportionnée. En particulier, le cas d’espèce révélerait un cas exemplaire de « mauvaise administration » de la Commission. En effet, l’exercice abusif de ses pouvoirs discrétionnaires en matière de calcul des amendes revêtirait, en l’espèce, une gravité inhabituelle dès lors qu’il s’accompagne de l’application d’une politique de clémence à l’égard des membres les plus importants et les plus puissants de l’entente, aboutissant à un résultat global d’une rare iniquité. La négligence et l’attitude superficielle de la Commission à l’égard de la requérante auraient produit une situation paradoxale dans laquelle elle serait l’entreprise destinataire de la sanction la plus lourde en pourcentage, à savoir 10 % de son chiffre d’affaires, et serait condamnée, en substance, à quitter le marché, bien qu’elle ait été la seule à avoir mis en péril la stabilité de l’entente et à y avoir pris part au cours d’un laps de temps réduit, sa participation se limitant d’ailleurs à quelques aspects de l’entente.

    247    La répartition inégale opérée par la décision attaquée entre les membres du « noyau dur » de l’entente, ayant bénéficié de la clémence de la Commission, et la requérante, découlerait d’une application mécanique et formaliste des lignes directrices, qui serait contraire aux exigences d’individualisation et de gradation de la peine.

    248    À cet égard, la requérante souligne également que le montant de son amende avant application de la limite maximale de 10 % du chiffre d’affaires prévue par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 (8,75 millions d’euros) équivalait à plus de 42 % de son chiffre d’affaires en 2004/2005, alors que l’amende imposée à Deltafina (30 millions d’euros) ne représentait que 31 % du chiffre d’affaires de celle‑ci dans la même période. La Commission aurait dû prévenir de tels « effets collatéraux », en y accordant une attention maximale lors de l’application des lignes directrices, au stade de la décision finale.

    249    Par ailleurs, non seulement l’amende qui a été infligée à la requérante enfreindrait le principe de proportionnalité, mais elle serait, en substance, dépourvue d’effet utile, dans la mesure où elle mettrait irrémédiablement en danger l’existence de celle‑ci. En effet, dès lors que cette amende équivaudrait à environ le double du capital social de la requérante, elle serait susceptible, en cas d’exécution, d’entraîner sa mise en liquidation.

    250    En outre, la requérante invoque le point 5, sous b), des lignes directrices, qui devrait être interprété en ce sens qu’une entreprise est considérée comme se trouvant dans l’incapacité de payer si l’imposition d’une sanction pécuniaire d’un montant élevé est susceptible de lui causer un préjudice financier et économique des plus graves ou même de provoquer immédiatement sa mise en liquidation ou son insolvabilité, entraînant sa faillite. D’ailleurs, elle rappelle que, selon la jurisprudence, la capacité contributive réelle d’une entreprise ne jouerait que dans son contexte social particulier, constitué par les conséquences que le paiement de l’amende aurait en ce qui concerne l’augmentation du chômage ou la détérioration des secteurs économiques en amont et en aval de l’entreprise concernée. D’après la requérante, l’amende qui lui a été infligée est de nature à entraîner une telle détérioration du marché en amont.

    251    En effet, ainsi que le confirmerait la déclaration rendue en date du 16 janvier 2006 par M. F., directeur du Centre coopératif agroalimentaire (Centro cooperativo agroalimentare, CECAS) et vice-président de la Fédération nationale des coopératives agricoles et agroalimentaires (Federazione nazionale delle cooperative agricole e agroalimentari, Fedagri) ainsi que président du comité « Tabac » (Consulta Tabacco) au sein de cette organisation, la disparition de la requérante du marché aurait pour conséquence la mise à néant ou la réduction drastique des exportations du tabac cultivé par des opérateurs établis en Italie, pour lesquels elle représente un point de référence pour exporter vers certains « marchés de niche ». La requérante allègue que sa disparition aurait des conséquences désastreuses sur le secteur du tabac noir italien et de la variété de tabac Burley produite dans la zone de Bénévent (Italie). En cas de disparition de la requérante, les entreprises productrices des variétés qu’elle commercialise ne trouveraient plus de débouchés, ce qui aurait un impact sur l’emploi et, de manière plus générale, sur l’économie de régions ayant une vocation éminemment agricole.

    252    Par ailleurs, sa disparition du marché ne correspondrait nullement à l’objectif de promotion de la concurrence et du marché, ce dernier subissant une aggravation de son degré de concentration. En effet, étant donné que, le 13 mai 2005, Dimon et SCC ont fusionné aux États‑Unis pour former Alliance One, ce qui a entraîné la sortie du marché de leurs filiales italiennes respectives Dimon Italia et Transcatab, le marché du tabac italien se trouverait désormais entre les mains d’un seul transformateur, Deltafina. Le paiement de l’amende de 2 millions d’euros infligée par la Commission aurait ainsi pour effet de faire disparaître la requérante du marché pour le plus grand bénéfice de Deltafina, qui serait le dernier transformateur d’importance présent en Italie.

    253    En infligeant une sanction à ce point disproportionnée, la Commission aurait en l’espèce négligé l’aspect de « prévention spéciale » et infligé une sanction « exemplaire » illicite.

    254    La Commission conclut au rejet du moyen.

     Appréciation du Tribunal

    255    En substance, la requérante allègue que, dans la décision attaquée, la Commission lui a infligé une amende qui violerait en tant que telle le principe de proportionnalité et ne tiendrait pas compte de sa capacité contributive réelle dans le contexte social particulier.

    256    À cet égard, premièrement, la requérante fait valoir, de manière générale, que, dans la décision attaquée, la Commission lui a infligé une amende inique et disproportionnée au regard de son chiffre d’affaires comme de son capital social, ce qui mettrait sérieusement en danger son existence.

    257    Cependant, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que l’allégation de la requérante selon laquelle une sanction équivalant à la limite maximale de 10 % de son chiffre d’affaires global, prévue par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, équivaut à une sanction maximale est erronée. En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, cette limite a un objectif distinct et autonome par rapport à celui des critères de gravité et de durée de l’infraction, à savoir éviter que ne soient infligées des amendes dont il est prévisible que les entreprises, au vu de leur taille, telle que déterminée par leur chiffre d’affaires global, fût-ce de façon approximative et imparfaite, ne seront pas en mesure de s’acquitter (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 69 supra, points 280 et 282, et arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Knauf Gips/Commission, T‑52/03, non publié au Recueil, point 452). Ainsi, contrairement, à ce que laisse entendre la requérante, cette limite, prévue par le législateur, est uniformément applicable à toutes les entreprises et articulée en fonction de la taille de chacune d’entre elles et vise à éviter des amendes d’un niveau excessif et disproportionné (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 69 supra, point 281, et arrêt Knauf Gips/Commission, précité, point 453, et la jurisprudence citée). Une telle limite a comme seule conséquence possible que le montant de l’amende calculé sur la base des critères de gravité et de durée de l’infraction soit réduit au niveau maximal autorisé lorsqu’il dépasse ce dernier. Son application implique que l’entreprise concernée ne paie pas la totalité de l’amende qui, en principe, serait due au titre d’une appréciation fondée sur lesdits critères (voir arrêt Knauf Gips/Commission, précité, point 454, et la jurisprudence citée).

    258    Ensuite, s’agissant de l’argument selon lequel l’amende qui a été infligée à la requérante mettrait sérieusement en danger son existence et pourrait mener à sa liquidation, il convient de relever que, selon la jurisprudence, la Commission n’est pas obligée, lors de la détermination du montant de l’amende, de tenir compte de la situation financière déficitaire d’une entreprise intéressée, étant donné que la reconnaissance d’une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché (arrêts de la Cour Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 69 supra, point 327, et du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C‑308/04 P, Rec. p. I‑5997, point 105 ; voir, également, arrêts du Tribunal Union Pigments/Commission, point 212 supra, point 175, et la jurisprudence citée, et du 28 avril 2010, BST/Commission, T‑452/05, non encore publié au Recueil, point 95). De plus, en l’espèce, la requérante n’a même pas évoqué un tel argument lors de la procédure administrative.

    259    Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante visant, plus précisément, à comparer le montant de départ de son amende, équivalant à plus de 42 % de son chiffre d’affaires, à celui de l’amende infligée à Deltafina, ne représentant que 31 % du chiffre d’affaires de cette dernière, il convient de rappeler que c’est la seule amende finalement imposée qui doit être réduite à la limite maximale visée par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. Cette disposition n’interdit pas à la Commission de se référer, au cours de son calcul, à un montant intermédiaire supérieur à ladite limite, pour autant que l’amende finalement imposée ne la dépasse pas (voir, en ce sens, arrêts PVC II, point 109 supra, points 592 et 593, et Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 69 supra, point 278 ; voir également, en ce sens, arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, point 97 supra, point 367). Il s’ensuit que la Commission ne peut être tenue, à aucun stade de l’application des lignes directrices, d’assurer que les montants intermédiaires des amendes retenus traduisent toute différence existant entre les chiffres d’affaires globaux des entreprises concernées (arrêt du Tribunal du 6 mai 2009, Wieland‑Werke/Commission, T‑116/04, Rec. p. II‑1087, point 87). D’ailleurs, la Commission n’étant pas non plus tenue d’assurer que les montants finaux des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différence entre celles-ci quant à leur chiffre d’affaires, la requérante ne saurait en l’espèce lui reprocher de s’être vu imposer une amende supérieure, en pourcentage du chiffre d’affaires global, à celle imposée à Deltafina (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 69 supra, point 315 ; voir également, en ce sens, arrêt SNCZ/Commission, point 89 supra, point 114).

    260    Par ailleurs, contrairement à ce que prétend la requérante, l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 n’exige pas que, lorsque des amendes sont imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, le montant de l’amende infligée à une entreprise de petite ou de moyenne taille ne soit pas supérieur, en pourcentage du chiffre d’affaires, à celui des amendes infligées aux entreprises plus grandes. En effet, il ressort de cette disposition que, tant pour les entreprises de petite ou de moyenne taille que pour celles de taille supérieure, il y a lieu de prendre en considération, pour déterminer le montant de l’amende, la gravité et la durée de l’infraction. À cet égard, il convient encore de souligner que, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 228 ci-dessus, rien n’oblige la Commission à atténuer des amendes lorsque les entreprises concernées sont des PME. En effet, il n’y a aucune raison de traiter les PME différemment des autres entreprises. Le fait que les entreprises soient des PME ne les exonère pas de leur devoir de respecter les règles de concurrence.

    261    Troisièmement, s’agissant des arguments de la requérante relatifs à la nécessité pour la Commission de prendre en compte sa capacité contributive réelle dans un « contexte social particulier », au sens du point 5, sous b), des lignes directrices, force est de constater que, pour pertinents que soient ces arguments, il ne ressort d’aucun élément du dossier que, au cours de la procédure administrative, la requérante a allégué l’existence d’un tel « contexte » ou soulevé des questions inhérentes à sa capacité contributive réelle.

    262    Ce n’est qu’en cours d’instance que la requérante a allégué que sa disparition du marché, en raison du montant élevé de l’amende, entraînerait, d’une part, une détérioration du marché en amont, dans la mesure où cette disparition impliquerait la mise à néant ou la réduction drastique des exportations du tabac cultivé par certains opérateurs établis en Italie, et, d’autre part, des effets désastreux pour l’emploi et l’économie de certaines régions concernées ayant une vocation éminemment agricole, dans la mesure où la requérante serait le seul acheteur des tabacs noirs vendus par le plus important consortium de coopératives de cette production ainsi que d’une variété de tabac (le Burley) produite dans la zone de Bénévent.

    263    En conséquence, la requérante ne saurait aujourd’hui reprocher à la Commission d’avoir commis un défaut d’instruction en ce qui concerne l’application du point 5, sous b), des lignes directrices, dont la portée a, par exemple, été appréciée au considérant 384 de la décision attaquée s’agissant d’un argument évoqué à cet égard par Transcatab en réponse à la communication des griefs.

    264    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les griefs et arguments avancés par la requérante dans le cadre du cinquième moyen doivent être rejetés comme non fondés.

    7.     Sur l’exercice par le Tribunal de son pouvoir de pleine juridiction et sur la détermination du montant final de l’amende

    265    La compétence de pleine juridiction conférée, en application de l’article 229 CE, au Tribunal par l’article 31 du règlement n° 1/2003 habilite ce dernier, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, qui ne permet que de rejeter le recours en annulation ou d’annuler l’acte attaqué, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à réformer l’acte attaqué, même en l’absence d’annulation, compte tenu de toutes les circonstances de fait, en modifiant notamment l’amende infligée lorsque la question du montant de celle-ci est soumise à son appréciation (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C‑3/06 P, Rec. p. I‑1331, points 61 et 62, et du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, point 69 supra, point 86, et la jurisprudence citée).

    266    À cet égard, il importe de relever que, par nature, la fixation d’une amende par le Tribunal n’est pas un exercice arithmétique précis. Par ailleurs, le Tribunal n’est pas lié par les calculs de la Commission ni par ses lignes directrices lorsqu’il statue en vertu de sa compétence de pleine juridiction (voir, en ce sens, arrêt BASF et UCB/Commission, point 55 supra, point 213, et la jurisprudence citée), mais doit effectuer sa propre appréciation, en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce.

    267    Il résulte de l’appréciation effectuée par le Tribunal dans le cadre des deuxième et troisième moyens ci‑dessus que, lors du calcul du montant de l’amende, la Commission a, d’une part, commis des erreurs d’appréciation des faits en ce qui concerne la durée de la participation de la requérante à l’entente et, d’autre part, violé le principe d’égalité de traitement en appréciant le poids spécifique de cette participation.

    268    S’agissant de l’illégalité commise par la Commission qui a trait au calcul de la durée de l’infraction pour ce qui concerne la requérante, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté au point 30 ci‑dessus, la Commission lui a reproché d’avoir participé à l’entente des transformateurs d’octobre 1997 jusqu’au 19 février 2002, cette dernière date correspondant à la date de fin de l’infraction, sa participation ayant été suspendue entre le 5 novembre 1999 et le 29 mai 2001 (considérants 302 et 378 de la décision attaquée). La participation de la requérante ayant duré plus de deux ans et huit mois, la Commission a appliqué une majoration de 25 % à l’amende à lui infliger. Le montant de base de celle‑ci a donc été fixé à 12,5 millions d’euros (voir considérant 379 de la décision attaquée).

    269    Or, ainsi qu’il a été relevé dans le cadre de l’appréciation du troisième moyen (voir points 134 à 143 et 150 à 165 ci‑dessus), c’est à tort que la Commission a considéré que la requérante avait participé à l’entente durant ladite période et avait suspendu sa participation entre novembre 1999 et mai 2001. En effet, s’agissant de la période allant jusqu’au 5 novembre 1999, il ressort des considérations développées, notamment, aux points 134 à 149 ci‑dessus que la Commission n’était pas fondée à retenir cette date comme celle de cessation de la participation de la requérante à l’entente, dès lors que les éléments de preuve qu’elle a appréciés à cet égard dans la décision attaquée ainsi que les autres éléments du dossier lui permettaient seulement de considérer que cette participation n’était avérée que jusqu’en février 1999.

    270    S’agissant de la prétendue reprise de la participation de la requérante à l’entente pendant la période allant du 29 mai 2001 au 19 février 2002, il ressort des considérations développées, notamment, aux points 150 à 164 ci‑dessus que l’ensemble des indices dont disposait la Commission n’était pas suffisant pour conclure à la participation de la requérante à l’entente au cours de ladite période et que, par conséquent, la Commission a commis une erreur d’appréciation des faits en ce qu’elle a considéré que la requérante avait rejoint de nouveau l’entente pendant cette période.

    271    Eu égard aux considérations qui précèdent, la durée de l’infraction à prendre en compte pour la fixation de l’amende doit être réduite à seize mois.

    272    S’agissant de l’autre illégalité commise par la Commission, il ressort des points 176 à 195 ci‑dessus que la décision attaquée comporte une violation du principe d’égalité de traitement, en ce que la Commission a retenu, à l’égard de la requérante, l’année 2001 comme année de référence pour la détermination du montant de départ de l’amende.

    273    En effet, il ressort des considérants 370 à 373 de la décision attaquée que la Commission a déterminé le poids relatif des entreprises ayant participé à l’entente en fonction des parts de marché qu’elles détenaient lors de la dernière année complète de l’infraction.

    274    Toutefois, le choix de retenir l’année 2001, qui, pour les raisons exposées aux points 182 à 186 ci‑dessus, ne pouvait être considérée en aucun cas comme la dernière année complète de la participation de la requérante à l’infraction, a amené la Commission à prendre en compte une part de marché de celle‑ci de 8,86 % (voir considérant 40 de la décision attaquée). Or, cette part de marché était sensiblement supérieure à celle que la requérante détenait lors de la dernière année complète de sa participation à l’infraction, à savoir une part de marché de 2,71 % en 1998, ainsi qu’il ressort de la communication de la requérante – que la Commission a versée au dossier à la suite d’une mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal – mentionnée à la note en bas de page n° 21 de la décision attaquée (voir également, à cet égard, point 191 ci‑dessus).

    275    Ainsi, l’écart existant entre la part de marché de la requérante prise en considération par la Commission et celles détenues, respectivement, par Mindo et Transcatab en 2001 n’étant prétendument pas significatif, dès lors qu’elles se situaient toutes dans une fourchette d’environ 9 à 11 % (voir considérant 373 de la décision attaquée), la Commission a considéré que ces trois entreprises pouvaient être classées dans une même catégorie, pour laquelle le montant de départ de l’amende a été fixé à 10 millions d’euros, montant qui, compte tenu des considérations qui précèdent, ne reflétait pas le « poids spécifique » de la requérante et les répercussions probables de son comportement illicite.

    276    Il s’ensuit que l’erreur que la Commission a commise, en retenant la part de marché détenue par la requérante en 2001, a déterminé le classement erroné de celle‑ci dans une catégorie d’entreprises qui n’était pas la sienne, ce qui a, en dernier ressort, induit la Commission à déterminer un montant de départ de l’amende à infliger à la requérante qui était disproportionné par rapport à son poids relatif réel dans l’infraction.

    277    En conséquence, les erreurs commises par la Commission, d’une part, quant à la durée de la participation de la requérante à l’infraction et, d’autre part, quant à la détermination de la part de marché de la requérante et, de ce fait, à son classement dans une même catégorie avec des entreprises ayant une taille différente ainsi qu’un poids différent dans l’entente, ont amené la Commission à attribuer, en substance, à la requérante un rôle dans l’entente semblable à celui des trois autres transformateurs, à savoir Deltafina, Dimon Italia et Transcatab.

    278    À cet égard, il convient de relever que la participation de la requérante à l’entente se distingue nettement de celle de ces trois autres transformateurs, qui appartenaient tous à des groupes multinationaux. Ces derniers sont, en effet, les seuls à avoir mis en place l’entente et à avoir participé à tous ses aspects du début de l’infraction jusqu’à la fin de celle-ci. En outre, à la différence de la requérante, les trois transformateurs susmentionnés étaient tous membres de l’APTI (considérant 45 de la décision attaquée), dont ils ont tenté de conditionner le comportement (considérant 244 de la décision attaquée). Enfin, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée (voir, notamment, considérant 380), la requérante a non seulement participé de façon discontinue à l’entente, mais, lors de sa participation, en a également souvent perturbé le fonctionnement.

    279    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que les amendes infligées en raison des violations de l’article 81 CE, telles que prévues à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, ont pour objet de réprimer les actes illégaux des entreprises concernées ainsi que de dissuader tant les entreprises en question que d’autres opérateurs économiques de violer, à l’avenir, les règles du droit de la concurrence de l’Union (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, non encore publié au Recueil, point 102, et la jurisprudence citée). Ainsi, la prise en considération de la taille et des ressources globales de l’entreprise en cause afin d’assurer un effet dissuasif suffisant à l’amende réside dans l’impact recherché sur ladite entreprise, la sanction ne devant pas être négligeable au regard, notamment, de la capacité financière de celle‑ci (voir, en ce sens, arrêt Lafarge/Commission, précité, point 104).

    280    En outre, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la disposition en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir la jurisprudence mentionnée au point 104 ci‑dessus). Il s’ensuit que les amendes ne doivent pas être démesurées par rapport aux objectifs visés, c’est-à-dire par rapport au respect des règles de concurrence, et que le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence doit être proportionné à l’infraction, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de la gravité de celle-ci (voir la jurisprudence mentionnée au point 105 ci‑dessus).

    281    En l’espèce, la requérante est une entreprise de petite taille, dont le capital social ne s’élevait en 2005 qu’à 1,1 million d’euros et dont la structure de l’actionnariat est familiale, ce capital n’étant détenu que par deux personnes physiques, les époux B. (ordonnance Romana Tabacchi/Commission, point 45 supra, points 70 et 123). Il ressort également des constatations effectuées dans le cadre de la procédure de référé ayant trait à la présente affaire que, en 2005, afin de contribuer à la constitution d’une réserve pour couvrir le risque d’un paiement de l’amende à hauteur de 1 million d’euros, la requérante a dû procéder à la vente d’une usine située à Cerratina, dans la commune de Pianella (Italie), en réduisant ainsi la valeur des actifs immobiliers à une somme inférieure au montant de l’amende infligée par la Commission (ordonnance Romana Tabacchi/Commission, point 45 supra, points 87 et 107).

    282    En ce qui concerne les effets de l’inscription d’une amende d’un montant de 2,05 millions d’euros dans ses comptes, la requérante a également allégué lors de la procédure de référé, sans être contestée sur ce point par la Commission, que, en vertu des articles 2447 et 2484, quatrième alinéa, du codice civile (code civil italien), l’inscription au bilan d’un poste du passif équivalant au double du capital social, comme c’est le cas en l’espèce, est de nature à réduire ce capital à néant. Plus particulièrement, en cas de réduction du capital social d’une société par actions (SpA) à un niveau inférieur au minimum légal, celle-ci se trouve essentiellement confrontée au choix suivant : organiser sa dissolution ou se recapitaliser (voir, en ce sens, ordonnance Romana Tabacchi/Commission, point 45 supra, points 88 et 123). À cet égard, il ressort des constatations effectuées dans le cadre de la procédure de référé, que, à compter du 13 juillet 2006, la requérante a démontré à suffisance de droit qu’elle n’était pas, tout comme ses deux actionnaires, en mesure de constituer ne serait-ce qu’une garantie bancaire pour le paiement de l’amende de 2,05 millions d’euros infligée par la Commission (ordonnance Romana Tabacchi/Commission, point 45 supra, points 100 à 122). Il convient tout particulièrement de relever qu’il est avéré que les actionnaires de la requérante n’ont pas la possibilité de constituer une garantie bancaire pour la totalité du montant de l’amende et ne peuvent donc pas, en toute hypothèse, contribuer au capital de la société dans une mesure suffisante pour éviter sa mise en liquidation (voir, en ce sens, ordonnance Romana Tabacchi/Commission, point 45 supra, point 123). Les banques habituelles de la requérante avaient également interrompu leurs lignes de crédit en raison de la détérioration de sa situation (ordonnance Romana Tabacchi/Commission, point 45 supra, point 85). En outre, en l’espèce, aucun élément ne permet d’indiquer que cette détérioration ait une origine frauduleuse visant à éviter le paiement de l’amende.

    283    Compte tenu de ces circonstances, le Tribunal considère qu’une amende d’un montant de 2,05 millions d’euros, telle qu’infligée par la Commission le 20 octobre 2005, est de nature à entraîner, en tant que telle, la mise en liquidation de la requérante et, par voie de conséquence, sa disparition du marché, laquelle paraît, par ailleurs, susceptible d’avoir des répercussions importantes, évoquées par la requérante dans le cadre de son cinquième moyen.

    284    Au vu des considérations qui précèdent, compte tenu notamment de l’effet cumulatif des illégalités précédemment constatées ainsi que de la faible capacité financière de la requérante, le Tribunal considère qu’il sera fait une juste appréciation de toutes les circonstances de l’espèce en fixant le montant final de l’amende infligée à la requérante à 1 million d’euros. En effet, une amende d’un tel montant permet de réprimer efficacement le comportement illégal de la requérante, d’une manière qui n’est pas négligeable et qui reste suffisamment dissuasive. Toute amende supérieure à ce montant serait disproportionnée au regard de l’infraction reprochée à la requérante appréciée dans son ensemble.

    285    Dans la présente affaire, une amende d’un montant de 1 million d’euros constitue la juste sanction du comportement qui est reproché à la requérante.

    286    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu, premièrement, d’annuler l’article 1er, sous b), de la décision attaquée, en ce qu’il porte sur l’infraction reprochée à la requérante pour la période au‑delà du mois de février 1999, deuxièmement, de fixer le montant de l’amende infligée à la requérante à 1 million d’euros et, troisièmement, de rejeter le recours pour le surplus.

     Sur les dépens

    287    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En application du paragraphe 3, premier alinéa, de la même disposition, le Tribunal peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

    288    En l’espèce, il convient de relever qu’il a été fait droit pour l’essentiel aux conclusions de la requérante. Il sera, dès lors, fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la Commission supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante.

    289    En ce qui concerne la procédure en référé dans l’affaire T-11/06 R, le Tribunal estime, à la lumière de l’ordonnance du président du Tribunal du 13 juillet 2006, qu’il y a lieu d’ordonner que la Commission supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante dans le cadre de cette procédure.

    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL (troisième chambre)

    déclare et arrête :

    1)      L’article 1er, sous b), de la décision C (2005) 4012 final de la Commission, du 20 octobre 2005, relative à une procédure d’application de l’article 81, paragraphe 1, [CE] (Affaire COMP/C.38.281/B.2 – Tabac brut – Italie), est annulé pour autant que la Commission européenne y a constaté que Romana Tabacchi Srl avait pris part à l’infraction au-delà du mois de février 1999.

    2)      Le montant de l’amende infligée à Romana Tabacchi est fixé à 1 million d’euros.

    3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

    4)      La Commission supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Romana Tabacchi.

    5)      Dans l’affaire T-11/06 R, la Commission supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Romana Tabacchi.

    Azizi

    Cremona

    Frimodt Nielsen

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 octobre 2011.

    Signatures




    Table des matières


    Antécédents du litige

    1.  Procédure administrative

    2.  Décision attaquée

    Fixation du montant de départ des amendes

    Gravité

    Traitement différencié

    Fixation du montant de base des amendes

    Circonstances atténuantes

    Limite maximale de l’amende prévue à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003

    Application de la communication sur la coopération

    Montant final des amendes

    Procédure et conclusions des parties

    En droit

    1.  Sur la demande de preuve par témoin

    2.  Sur le premier moyen, tiré d’un défaut d’instruction, d’un défaut de motivation ou du caractère illogique de celle‑ci ainsi que d’une violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, en ce qui concerne l’omission, par la Commission, de prendre en compte l’absence d’impact concret de l’entente sur le marché

    Arguments des parties

    Appréciation du Tribunal

    Considérations générales

    Sur l’absence de prise en compte de l’impact concret de l’entente sur le marché dans la détermination de l’amende

    Sur la violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité

    Sur le défaut de motivation et le caractère illogique de celle‑ci

    3.  Sur le troisième moyen, tiré d’un défaut de motivation et d’instruction ainsi que de la violation de la charge de la preuve, quant à la durée de la participation de la requérante à l’infraction alléguée

    Arguments des parties

    Appréciation du Tribunal

    Sur la date de cessation de la participation de la requérante à l’entente en 1999

    Sur la participation de la requérante à l’entente entre le 29 mai 2001 et le 19 février 2002

    –  Sur la télécopie envoyée par Deltafina le 29 mai 2001

    –  Sur les réunions du 16 novembre 2001 et du 8 janvier 2002

    4.  Sur le deuxième moyen, tiré du caractère illogique de la motivation et de la violation du principe d’égalité de traitement dans la gradation du montant de départ de l’amende

    Arguments des parties

    Appréciation du Tribunal

    5.  Sur le quatrième moyen, tiré d’une réduction insuffisante du montant de l’amende au titre du rôle « perturbant » joué par la requérante ainsi que de l’absence de prise en compte d’autres circonstances atténuantes

    Sur la première branche, tirée de la méconnaissance par la Commission, au titre de circonstances atténuantes, des pressions subies par la requérante ainsi que du rôle purement passif joué par celle‑ci

    Arguments des parties

    Appréciation du Tribunal

    –  Sur le grief tiré du défaut de prise en compte du caractère forcé de la participation de la requérante à l’entente

    –  Sur le grief tiré du défaut de prise en compte du rôle exclusivement passif ou suiviste de la requérante

    –  Sur le défaut de motivation

    Sur la seconde branche, tirée de l’omission, par la Commission, de prendre dûment en compte la circonstance atténuante du « fréquent bouleversement des finalités de l’entente », qui aurait consisté en une inapplication systématique des décisions de l’entente

    Arguments des parties

    Appréciation du Tribunal

    6.  Sur le cinquième moyen, tiré du caractère inique et disproportionné de l’amende au regard de la structure patrimoniale et de la capacité contributive de la requérante

    Arguments des parties

    Appréciation du Tribunal

    7.  Sur l’exercice par le Tribunal de son pouvoir de pleine juridiction et sur la détermination du montant final de l’amende

    Sur les dépens


    * Langue de procédure : l’italien.

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