Choisissez les fonctionnalités expérimentales que vous souhaitez essayer

Ce document est extrait du site web EUR-Lex

Document 62005TJ0109

Arrêt du Tribunal (quatrième chambre) du 24 mai 2011.
Navigazione Libera del Golfo Srl (NLG) contre Commission européenne.
Accès aux documents - Règlement (CE) nº 1049/2001 - Documents concernant les éléments de coûts découlant des obligations de service public en matière d’aides d’État - Refus d’accès - Exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers - Secret professionnel - Obligation de motivation - Égalité de traitement - Documents émanant d’un État membre.
Affaires jointes T-109/05 et T-444/05.

Recueil de jurisprudence 2011 II-02479

Identifiant ECLI: ECLI:EU:T:2011:235

Affaires jointes T-109/05 et T-444/05

Navigazione Libera del Golfo Srl (NLG)

contre

Commission européenne

« Accès aux documents — Règlement (CE) nº 1049/2001 — Documents concernant les éléments de coûts découlant des obligations de service public en matière d’aides d’État — Refus d’accès — Exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers — Secret professionnel — Obligation de motivation — Égalité de traitement — Documents émanant d’un État membre »

Sommaire de l'arrêt

1.      Recours en annulation — Intérêt à agir — Requérant attaquant une décision lui refusant l'accès à des documents d'une institution

(Art. 230 CE)

2.      Union européenne — Institutions — Droit d'accès du public aux documents — Règlement nº 1049/2001 — Exceptions au droit d'accès aux documents — Obligation de motivation — Portée

(Art. 253 CE; règlement du Parlement européen et du Conseil nº 1049/2001)

3.      Recours en annulation — Actes susceptibles de recours — Notion — Actes produisant des effets juridiques obligatoires — Actes préparatoires — Exclusion

(Art. 230 CE; règlement du Parlement européen et du Conseil nº 1049/2001)

4.      Union européenne — Institutions — Droit d'accès du public aux documents — Règlement nº 1049/2001 — Exceptions au droit d'accès aux documents — Interprétation et application strictes

(Règlement du Parlement européen et du Conseil nº 1049/2001, art. 4, § 2, 3)

5.      Union européenne — Institutions — Droit d'accès du public aux documents — Règlement nº 1049/2001 — Exceptions au droit d'accès aux documents — Protection des intérêts commerciaux d’un tiers — Possibilité de se fonder sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents

(Art. 255 CE; règlement du Parlement européen et du Conseil nº 1049/2001, art. 4, § 2, 1er tiret; règlement du Conseil nº 659/1999)

6.      Union européenne — Institutions — Droit d'accès du public aux documents — Règlement nº 1049/2001 — Exceptions au droit d'accès aux documents — Protection des intérêts commerciaux d’un tiers — Notion de secret d'affaires

(Art. 287 CE; règlement du Parlement européen et du Conseil nº 1049/2001, art. 4, § 2, 1er tiret)

7.      Union européenne — Institutions — Droit d'accès du public aux documents — Règlement nº 1049/2001 — Exceptions au droit d'accès aux documents — Intérêt public supérieur justifiant la divulgation de documents

(Règlement du Parlement européen et du Conseil nº 1049/2001, art. 4, § 2 et 3)

8.      Union européenne — Institutions — Droit d'accès du public aux documents — Règlement nº 1049/2001 — Exceptions au droit d'accès aux documents — Documents émanant d'un État membre

(Règlement du Parlement européen et du Conseil nº 1049/2001, art. 4, § 5)

9.      Union européenne — Institutions — Droit d'accès du public aux documents — Règlement nº 1049/2001 — Exceptions au droit d'accès aux documents — Documents émanant d'un État membre — Faculté de l'État membre de demander à l'institution la non-divulgation de documents

(Art. 10 CE; règlement du Parlement européen et du Conseil nº 1049/2001, art. 4, § 1 à 3 et 5, 7 et 8)

10.    Actes des institutions — Motivation — Obligation — Portée — Régularisation d'un défaut de motivation au cours de la procédure contentieuse — Inadmissibilité

(Art. 253 CE)

1.      Toute personne peut demander à avoir accès à n’importe quel document des institutions, sans qu’une justification particulière à l’accès aux documents ne soit demandée. Par conséquent, une personne qui s’est vu refuser l’accès à un document ou à une partie d’un document a déjà, de ce seul fait, un intérêt à l’annulation de la décision de refus. Le fait que la décision ayant motivé la demande d'accès aux documents ait été annulée n'empêche pas l'intéressé de conserver un intérêt à agir contre une décision de refus d'accès à des documents, lorsque les documents demandés n'ont pas été divulgués et que la décision de refus d'accès reste en vigueur.

(cf. points 62-63)

2.      S’agissant d’une demande d’accès à des documents, lorsque l’institution en cause refuse un tel accès, elle doit démontrer dans chaque cas d’espèce, sur la base des informations dont elle dispose, que les documents auxquels l’accès est sollicité relèvent effectivement des exceptions énumérées dans le règlement nº 1049/2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission. Toutefois, il peut être impossible d’indiquer les raisons justifiant la confidentialité à l’égard de chaque document, sans divulguer le contenu de ce dernier, et, partant, priver l’exception de sa finalité essentielle.

Il appartient donc à l’institution ayant refusé l’accès à un document de fournir une motivation permettant de comprendre et de vérifier, d’une part, si le document demandé est effectivement concerné par le domaine visé par l’exception invoquée et, d’autre part, si le besoin de protection relatif à cette exception est réel. La motivation d’une décision refusant l’accès à des documents doit ainsi contenir, à tout le moins pour chaque catégorie de documents concernée, les raisons spécifiques pour lesquelles l’institution en cause considère que la divulgation des documents demandés tombe sous le coup d’une des exceptions prévues par le règlement nº 1049/2001.

Il n’est donc pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences du règlement nº 1049/2001 doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée.

(cf. points 82-84, 88)

3.      Dans le cadre de la procédure d’accès du public aux documents de la Commission, il ressort de l’article 8 du règlement nº 1049/2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, que la réponse à la demande initiale ne constitue qu’une première prise de position, conférant au demandeur la possibilité d’inviter le secrétaire général de la Commission à réexaminer la position en cause.

Par conséquent, seule la mesure adoptée par le secrétaire général de la Commission, ayant la nature d’une décision et remplaçant intégralement la prise de position précédente, est susceptible de produire des effets juridiques de nature à affecter les intérêts du demandeur et, partant, de faire l’objet d’un recours en annulation. Il s’ensuit que la réponse à la demande initiale ne produit pas d’effets juridiques et ne peut être considérée comme constituant un acte attaquable.

(cf. points 101-102)

4.      Les exceptions à l’accès aux documents doivent être interprétées et appliquées de manière stricte, de façon à ne pas tenir en échec l’application du principe général consistant à conférer au public le plus large accès possible aux documents détenus par les institutions.

L’examen requis pour le traitement d’une demande d’accès aux documents doit revêtir un caractère concret. La seule circonstance qu’un document concerne un intérêt protégé par une exception ne saurait suffire à justifier l’application de cette dernière. Une telle application ne saurait, en principe, être justifiée que dans l’hypothèse où l’institution a préalablement apprécié, premièrement, si l’accès au document était susceptible de porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé et, deuxièmement, dans les hypothèses visées à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 1049/2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, s’il n’existait pas un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document visé. De surcroît, le risque d’atteinte à un intérêt protégé doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique.

Par ailleurs, le droit d’accès du public à un document des institutions ne vise que des documents et non pas des informations entendues de manière plus générale et n’implique pas, pour les institutions, le devoir de répondre à toute demande de renseignements d’un particulier.

(cf. points 123-125, 129)

5.      Pour procéder à une appréciation concrète et individuelle du contenu des documents visés par une demande d'accès à des documents, il est loisible à l’institution concernée de se fonder sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature. En ce qui concerne les procédures de contrôle des aides d’État, de telles présomptions générales peuvent résulter du règlement nº 659/1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE], ainsi que de la jurisprudence relative au droit de consulter les documents du dossier administratif de la Commission.

Toutefois, aux fins de l'interprétation de l'exception prévue à l'article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement nº 1049/2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, même lorsque les documents en cause relèvent du dossier administratif de la Commission dans le cadre du contrôle d'une aide d'État, il ne peut être présumé que la divulgation de tous les éléments de ce dossier porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux de la personne en cause. Une telle présomption générale irait à l’encontre de la communication sur le secret professionnel dans les décisions en matière d’aides d’État qui prévoit en son considérant 17 que les informations relatives à l’organisation et aux coûts des services publics ne seront normalement pas considérées comme constituant d’autres informations confidentielles.

(cf. points 131-132, 135-136)

6.      Dans le cadre de l'appréciation par la Commission d'une demande d'accès à des documents, celle-ci est tenue, en vertu de l’article 287 CE, de ne pas divulguer aux intéressés des informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel, telles que, notamment, des données relatives au fonctionnement interne d'une entreprise bénéficiaire d'une aide d'État.

Les secrets d'affaires sont des informations dont non seulement la divulgation au public, mais également la simple transmission à un sujet de droit différent de celui qui a fourni l’information, peut gravement léser les intérêts de celui-ci. Il est cependant nécessaire que les intérêts susceptibles d’être lésés par la divulgation de l’information soient objectivement dignes de protection. L’appréciation du caractère confidentiel d’une information nécessite ainsi une mise en balance entre les intérêts légitimes qui s’opposent à sa divulgation et l’intérêt général qui veut que les activités des institutions se déroulent dans le plus grand respect du principe d’ouverture.

Les informations relatives à l’organisation et aux coûts des services publics ne sont normalement pas considérées comme constituant des informations confidentielles comme il ressort du considérant 17 de la communication sur le secret professionnel dans les décisions en matière d’aides d’État. Toutefois, de telles informations peuvent relever des secrets d'affaires lorsqu'elles ont trait à une entreprise et possèdent une valeur économique réelle, ou potentielle, et leur divulgation ou leur utilisation pourrait présenter une valeur économique pour d’autres entreprises.

(cf. points 140, 143-144)

7.      Le règlement nº 1049/2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, prévoit que l’application des exceptions consacrées par son article 4, paragraphes 2 et 3, est écartée si la divulgation du document en cause est justifiée par un intérêt public supérieur. Dans ce contexte, il y a lieu pour l'institution de mettre en balance, d’une part, l’intérêt spécifique devant être protégé par la non-divulgation du document concerné et, d’autre part, notamment, l’intérêt général à ce que ce document soit rendu accessible, eu égard aux avantages découlant, ainsi qu’il est précisé au considérant 2 du règlement nº 1049/2001, d’une transparence accrue, à savoir une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel ainsi qu’une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l'égard des citoyens dans un système démocratique.

L'intérêt particulier que peut faire valoir un demandeur à l'accès à un document le concernant personnellement ne saurait, toutefois, être pris en compte en tant qu'intérêt public supérieur au sens des dispositions de l'article 4, paragraphe 2, du règlement nº 1049/2001.

(cf. points 147-148)

8.      Loin de ne viser que les documents dont les États membres sont les auteurs ou qui auraient été établis par ces derniers, l’article 4, paragraphe 5, du règlement nº 1049/2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, concerne potentiellement tout document émanant d’un État membre, c’est-à-dire l’intégralité des documents, quel qu’en soit l’auteur, qu’un État membre transmet à une institution. En l’occurrence, le seul critère pertinent est celui de la provenance du document et du dessaisissement par l’État membre concerné d’un document qui était en sa possession.

Interpréter ledit article 4, paragraphe 5, comme investissant l’État membre d’un droit de veto général et inconditionnel à l’effet de s’opposer, de manière purement discrétionnaire et sans avoir à motiver sa décision, à la divulgation de tout document détenu par une institution du seul fait que ledit document émane de cet État n’est pas compatible avec les objectifs poursuivis par le règlement nº 1049/2001.

En revanche, divers éléments militent en faveur d’une interprétation dudit article 4, paragraphe 5, selon laquelle l’exercice du pouvoir dont cette disposition investit l’État membre concerné se trouve encadré par les exceptions matérielles qu’énumèrent les paragraphes 1 à 3 de ce même article, l’État membre se voyant à cet égard simplement reconnaître un pouvoir de participation à la décision communautaire. Dans cette perspective, l’accord préalable de l’État membre auquel se réfère ledit paragraphe 5 s’apparente ainsi non pas à un droit de veto discrétionnaire, mais à une forme d’avis conforme quant à l’absence de motifs d’exception tirés des paragraphes 1 à 3.

(cf. points 188, 191-192)

9.      Dès lors que la mise en œuvre de l’article 4, paragraphe 5, du règlement nº 1049/2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, est confiée conjointement à l’institution et à l’État membre qui a exercé la faculté ouverte par ce paragraphe 5, et que, partant, une telle mise en œuvre est tributaire du dialogue devant se nouer entre eux, ceux-ci sont tenus, conformément à l’obligation de coopération loyale énoncée à l’article 10 CE, d’agir et de coopérer de sorte que lesdites règles puissent recevoir une application effective.

Un État membre qui, au terme du dialogue avec une institution communautaire concernant l’application éventuelle des exceptions prévues à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement nº 1049/2001, serait opposé à la divulgation du document en cause est tenu de motiver cette opposition au regard desdites exceptions. L’institution ne saurait en effet donner suite à l’opposition manifestée par un État membre à la divulgation d’un document qui émane de lui si cette opposition est dénuée de toute motivation ou si la motivation avancée n’est pas articulée par référence aux exceptions énumérées à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement nº 1049/2001. Lorsque, nonobstant l’invitation expresse en ce sens adressée par l’institution à l’État membre concerné, ce dernier demeure en défaut de lui fournir une telle motivation, ladite institution doit, si elle considère pour sa part qu’aucune desdites exceptions ne s’applique, donner accès au document sollicité.

L'obligation de motivation qui, ainsi qu’il ressort notamment des articles 7 et 8 dudit règlement, incombe à l’institution implique que cette dernière fasse état, dans sa décision, non seulement de l’opposition manifestée par l’État membre concerné à la divulgation du document demandé, mais également des raisons invoquées par cet État membre aux fins de conclure à l’application de l’une des exceptions au droit d’accès prévues à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du même règlement. De telles indications sont, en effet, de nature à permettre au demandeur de comprendre l’origine et les raisons du refus qui lui est opposé et à la juridiction compétente d’exercer, le cas échéant, le contrôle qui lui est dévolu.

(cf. points 193, 195-196)

10.    La motivation d’une décision doit figurer dans le corps même de celle-ci et des explications postérieures fournies par la Commission ne sauraient, sauf circonstances exceptionnelles, être prises en compte. Il s’ensuit qu'une décision doit se suffire à elle-même et sa motivation ne saurait résulter des explications écrites ou orales données ultérieurement, alors que la décision en question fait déjà l’objet d’un recours devant le juge de l’Union.

(cf. point 199)







ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

24 mai 2011 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Documents concernant les éléments de coûts découlant des obligations de service public en matière d’aides d’État – Refus d’accès – Exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers – Secret professionnel – Obligation de motivation – Égalité de traitement – Documents émanant d’un État membre »

Dans les affaires jointes T‑109/05 et T‑444/05,

Navigazione Libera del Golfo Srl (NLG), anciennement Navigazione Libera del Golfo SpA, établie à Naples (Italie), représentée par Mes S. Ravenna, et A. Abate, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme P. Costa de Oliveira et M. V. Di Bucci, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République italienne, représentée initialement par MM. I. Braguglia, en qualité d’agent, et M. Fiorilli, avvocato dello Stato, puis par MM. Fiorilli et R. Adam, en qualité d’agent, et enfin par Mme I. Bruni, avvocato dello Stato,

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. B. Driessen et A. Vitro, en qualité d’agents,

parties intervenantes dans l’affaire T‑444/05,

et par

Caremar SpA, établie à Naples, représentée initialement par Mes G. M. Roberti, A. Franchi et G. Bellitti, puis par Mes Roberti, Bellitti et I. Perego, avocats,

partie intervenante dans les affaires T‑109/05 et T‑444/05,

ayant pour objet une demande d’annulation des décisions D (2005) 997, du 3 février 2005, et D (2005) 9766, du 12 octobre 2005, de la Commission, refusant à la requérante l’accès à certaines données qui ne sont pas reproduites dans la version publiée de la décision 2005/163/CE de la Commission, du 16 mars 2004, concernant les aides d’État versées par l’Italie aux compagnies maritimes Adriatica, Caremar, Siremar, Saremar et Toremar (Gruppo Tirrenia) (JO 2005, L 53, p. 29),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka et M. K. O’Higgins (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er juin 2010,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Aux termes de l’article 255 CE :

« 1.      Tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre a un droit d’accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, sous réserve des principes et des conditions qui seront fixés aux paragraphes 2 et 3.

2.      Les principes généraux et les limites qui, pour des raisons d’intérêt public ou privé, régissent l’exercice de ce droit d’accès aux documents sont fixés par le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251, dans les deux ans suivant l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam.

3.      Chaque institution visée ci-dessus élabore dans son règlement intérieur des dispositions particulières concernant l’accès à ses documents. »

2        Aux termes de l’article 287 CE :

« Les membres des institutions de la Communauté, les membres des comités ainsi que les fonctionnaires et agents de la Communauté sont tenus, même après la cessation de leurs fonctions, de ne pas divulguer les informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel, et notamment les renseignements relatifs aux entreprises et concernant leurs relations commerciales ou les éléments de leur prix de revient. »

3        Le règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), définit les principes, les conditions et les limites du droit d’accès aux documents de ces institutions prévu à l’article 255 CE.

4        Sous l’intitulé « Objet », l’article 1er, sous a), du règlement n°1049/2001 énonce que celui-ci vise à « définir les principes, les conditions et les limites, fondés sur des raisons d’intérêt public ou privé, du droit d’accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission prévu à l’article 255 [CE] de manière à garantir un accès aussi large que possible aux documents ».

5        Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de ce règlement :

« Tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre a un droit d’accès aux documents des institutions, sous réserve des principes, conditions et limites définis par le présent règlement. »

6        Aux termes de l’article 3, sous a), du règlement n° 1049/2001, aux fins de celui-ci, un « document » est défini comme « tout contenu quel que soit son support (écrit sur support papier ou stocké sous forme électronique, enregistrement sonore, visuel ou audiovisuel) concernant une matière relative aux politiques, activités et décisions relevant de la compétence de l’institution ».

7        L’article 4 du règlement n° 1049/2001, qui définit les exceptions au droit d’accès, énonce ce qui suit :

« […]

2. Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection :

–        des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle,

–        des procédures juridictionnelles et des avis juridiques,

–        des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit,

à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

[…]

4. Dans le cas de documents de tiers, l’institution consulte le tiers afin de déterminer si une exception prévue au paragraphe 1 ou 2 est d’application, à moins qu’il ne soit clair que le document doit ou ne doit pas être divulgué.

5. Un État membre peut demander à une institution de ne pas divulguer un document émanant de cet État sans l’accord préalable de celui-ci.

6. Si une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions susvisées, les autres parties du document sont divulguées.

7. Les exceptions visées aux paragraphes 1, 2 et 3 s’appliquent uniquement au cours de la période durant laquelle la protection se justifie eu égard au contenu du document. Les exceptions peuvent s’appliquer pendant une période maximale de trente ans. Dans le cas de documents relevant des exceptions concernant la vie privée ou les intérêts commerciaux et de documents sensibles, les exceptions peuvent, si nécessaire, continuer de s’appliquer au-delà de cette période. »

8        L’article 7, intitulé « Traitement des demandes initiales », prévoit :

« 1.      Les demandes d’accès aux documents sont traitées avec promptitude. Un accusé de réception est envoyé au demandeur. Dans un délai de quinze jours ouvrables à partir de l’enregistrement de la demande, l’institution soit octroie l’accès au document demandé et le fournit dans le même délai conformément à l’article 10, soit communique au demandeur, dans une réponse écrite, les motifs de son refus total ou partiel et l’informe de son droit de présenter une demande confirmative conformément au paragraphe 2 du présent article.

2.      En cas de refus total ou partiel, le demandeur peut adresser, dans un délai de quinze jours ouvrables suivant la réception de la réponse de l’institution, une demande confirmative tendant à ce qu’elle révise sa position.

[…] »

9        Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001 :

« Les demandes confirmatives sont traitées avec promptitude. Dans un délai de quinze jours ouvrables à partir de l’enregistrement de la demande, l’institution soit octroie l’accès au document demandé et le fournit dans le même délai conformément à l’article 10, soit communique, dans une réponse écrite, les motifs de son refus total ou partiel. Si elle refuse totalement ou partiellement l’accès, l’institution informe le demandeur des voies de recours dont il dispose, à savoir former un recours juridictionnel contre l’institution et/ou présenter une plainte au médiateur, selon les conditions prévues respectivement aux articles 230 [CE] et 195 [CE]. »

10      Par ailleurs, le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), définit les procédures applicables à l’exercice, par la Commission européenne, du pouvoir qui lui est conféré par l’article 88 CE de se prononcer sur la compatibilité des aides d’État avec le marché commun.

11      Sous l’intitulé « Droits des parties intéressées », l’article 20 du règlement n° 659/1999 prévoit :

« 1.      Toute partie intéressée peut présenter des observations conformément à l’article 6 suite à une décision de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen. Toute partie intéressée qui a présenté de telles observations et tout bénéficiaire d’une aide individuelle reçoivent une copie de la décision prise par la Commission conformément à l’article 7.

2.      Toute partie intéressée peut informer la Commission de toute aide illégale prétendue et de toute application prétendue abusive de l’aide. Lorsque la Commission estime, sur la base des informations dont elle dispose, qu’il n’y a pas de motifs suffisants pour se prononcer sur le cas, elle en informe la partie intéressée. Lorsque la Commission prend une décision sur un cas concernant la teneur des informations fournies, elle envoie une copie de cette décision à la partie intéressée.

3.      À sa demande, toute partie intéressée obtient une copie de toute décision prise dans le cadre de l’article 4, de l’article 7, de l’article 10, paragraphe 3, et de l’article 11. »

12      L’article 25, intitulé « Destinataire des décisions », dispose :

« Les décisions prises […] sont adressées à l’État membre concerné. La Commission notifie ces décisions sans délai à l’État membre concerné et donne à ce dernier la possibilité de lui indiquer les informations qu’il considère comme étant couvertes par l’obligation du secret professionnel. »

13      La communication C (2003) 4582 de la Commission, du 1er décembre 2003, sur le secret professionnel dans les décisions en matière d’aide d’État (JO C 297, p. 6) (ci-après la « communication sur le secret professionnel dans les décisions en matière d’aides d’État »), laquelle expose les modalités de traitement que la Commission entend réserver aux demandes présentées par les États membres en qualité de destinataires des décisions en matière d’aides d’État afin que certaines parties de celles-ci soient considérées comme couvertes par le secret professionnel et comme ne devant donc pas apparaître dans la version publiée de la décision, prévoit au point 3.1 :

« Les secrets d’affaires ne peuvent concerner que des informations ayant trait à une entreprise et possédant une valeur économique réelle, ou potentielle, et dont la divulgation ou l’utilisation pourrait présenter une valeur économique pour d’autres entreprises. À titre d’exemples représentatifs, citons les méthodes d’évaluation des coûts de fabrication et de distribution, les secrets de fabrication […] et les procédés de fabrication, les sources d’approvisionnement, les quantités produites et vendues, les parts de marché, les fichiers clients et distributeurs, les stratégies commerciales, la structure du prix de revient, la politique des ventes et les informations relatives à l’organisation interne de l’entreprise. »

14      Il est également notamment prévu au point 3.2, intitulé « Autres informations confidentielles », que les informations relatives à l’organisation et aux coûts des services publics ne seront normalement pas considérées comme constituant d’autres informations confidentielles bien qu’ils puissent s’agir de secrets d’affaires si les critères énoncés au point 3.1 sont satisfaits.

 Antécédents des litiges et procédure

15      Dans sa décision 2005/163/CE, du 16 mars 2004, concernant les aides d’État versées par l’Italie aux compagnies maritimes Adriatica, Caremar, Siremar, Saremar et Toremar (Gruppo Tirrenia) (JO 2005 L 53, p. 29), la Commission a partiellement fait droit à une demande présentée par les autorités italiennes de supprimer, dans la version publique de la décision, les données relatives aux éléments de coût des compagnies maritimes Adriatica, Caremar, Siremar, Saremar et Toremar (ci-après le « groupe Tirrenia ») qui figurent dans les tableaux insérés dans les considérants 128 et 140 de ladite décision.

16      La Commission a communiqué à la requérante, Navigazione Libera del Golfo Srl (NLG), la version non confidentielle de la décision 2005/163, conformément à l’article 20, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement n° 659/1999.

17      Par lettre du 24 novembre 2004, MS. Ravenna, avocat de la requérante, a demandé à la Commission, en vertu des articles 6 et 7 du règlement n° 1049/2001, de leur transmettre le texte intégral de la décision 2005/163, comprenant « les données analytiques qui [n’étaient] pas reproduites dans les tableaux insérés aux [considérants] 128 et 140 de [ladite] décision, y compris les éléments détaillés des surcoûts supportés annuellement par Caremar et tout particulièrement quant aux services de transport de passagers assurés sur la ligne Naples/Capri, tant par ferries que par unités rapides ».

18      La direction générale (DG) « Énergie et transports » de la Commission a répondu à la demande d’accès auxdits documents, par lettre du 7 décembre 2004, en refusant l’accès aux données des tableaux figurant aux considérants 128 et 140 de la décision 2005/163. Elle a considéré que lesdits considérants étaient couverts par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, qui prévoit que l’institution refuse l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale. Elle a précisé que lesdites données devaient être considérées comme confidentielles, conformément à la communication sur le secret professionnel dans les décisions en matière d’aides d’État.

19      Par lettre du 4 janvier 2005, Me Ravenna a présenté une demande confirmative, conformément à l’article 8 du règlement n° 1049/2001.

20      Par lettre du 3 février 2005 portant la référence D (2005) 997 (ci-après la « première décision attaquée »), le secrétariat général de la Commission a confirmé le refus d’accès aux documents, considérant que la divulgation des données demandées concernant la répartition des coûts pour chacune des sociétés dans le calcul de la compensation annuelle accordée pour l’exécution de services d’intérêt général pourrait nuire aux intérêts commerciaux des entreprises du groupe Tirrenia et constituer un avantage pour d’autres entreprises. Selon la Commission, ce type d’informations n’est pas communiqué aux parties intéressées auxquelles la décision est notifiée en application de l’article 20 du règlement n° 659/1999. De surcroît, la Commission serait tenue, en vertu de l’article 287 CE, de ne pas divulguer aux intéressés des informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret d’affaires. Elle justifie le refus, a fortiori, par l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001 dans la mesure où la publication des coûts pourrait nuire aux intérêts commerciaux des entreprises concernées.

21      La Commission a ajouté qu’aucun intérêt public supérieur ne justifiait d’écarter la nécessité de protéger les intérêts commerciaux des entreprises en rendant publiques des informations relatives à leur fonctionnement interne. Elle a considéré, également, qu’un accès partiel au document, tel que prévu par l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001, avait déjà été accordé.

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 mars 2005, la requérante a introduit un recours en annulation à l’encontre de la première décision attaquée, enregistré sous la référence T‑109/05.

23      Par ordonnance du 7 septembre 2005 du président de la première chambre du Tribunal, Caremar SpA a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

24      La Commission ayant excipé de l’irrecevabilité du recours dans son mémoire en défense, au motif que ledit recours n’aurait pas été précédé par une demande initiale puis confirmative de la requérante elle-même, conformément aux articles 6 et 8 du règlement n° 1049/2001, MRavenna, spécifiant explicitement qu’il était mandaté par la requérante, a réitéré, par lettre du 9 juin 2005, sa demande d’accès aux documents. Il a demandé spécifiquement la communication des seuls documents contenant des renseignements et des données détaillés transmis par les autorités italiennes pour justifier les différents surcoûts supportés annuellement par Caremar dans l’exécution des obligations de service public qui lui ont été conférées pour le transport de passagers sur la ligne Naples-Beverello/Capri (Italie), tant par ferries que par unités rapides.

25      Par lettre du 28 juillet 2005, la DG « Énergie et transports » de la Commission a refusé l’accès auxdits documents, conformément à l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001. Elle a motivé son refus en précisant que, puisque ces derniers émanaient des autorités italiennes, elle avait, conformément à l’article 4, paragraphes 4 et 5, du règlement n° 1049/2001 et de l’article 5, paragraphe 4, sous b), de sa décision 2001/937/CE, CECA, Euratom, du 5 décembre 2001, modifiant son règlement intérieur (JO L 345, p. 94), consulté les autorités italiennes qui lui avaient fait savoir qu’elles s’opposaient à la divulgation desdits documents.

26      Par lettre du 19 août 2005, la requérante a présenté une demande confirmative d’accès aux documents concernant les surcoûts exposés annuellement par la compagnie maritime Caremar afin d’exécuter les obligations de service public qui lui ont été conférées sur la ligne Naples-Beverello/Capri.

27      Par lettre du 12 octobre 2005 portant la référence D (2005) 9766 (ci-après la « seconde décision attaquée »), le secrétariat général de la Commission a confirmé le refus initial de la DG « Énergie et transports » du 28 juillet 2005. Dans la mesure où les autorités italiennes s’étaient opposées à la divulgation des données relatives aux surcoûts supportés par Caremar pour assurer le service public sur les lignes concernées et la subvention annuelle versée à la compagnie pour l’exécution de cette mission, elle a considéré qu’il convenait de faire application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001. Elle a précisé que, puisque les autorités italiennes s’étaient explicitement opposées à la divulgation desdites données, elle n’était pas en mesure de garantir un accès partiel au document en question, conformément à l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001. De surcroît, selon elle, n’étaient pas pertinents pour apprécier la demande confirmative les arguments, auxquels se réfère la requérante dans sa demande, concernant les articles 87 CE et 88 CE, le règlement (CEE) n° 3577/92 du Conseil, du 7 décembre 1992, concernant l’application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l’intérieur des États membres (cabotage maritime) (JO L 364, p. 7), et la communication sur le secret professionnel dans les décisions en matière d’aides d’État, puisque lesdites dispositions relèvent des procédures en matière d’aides d’État et des droits des parties dans le cadre de ces procédures. Le droit d’accès aux documents, consacré par le règlement n° 1049/2001, ne dépendrait pas de la qualité ni des intérêts spécifiques du demandeur.

28      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 décembre 2005, la requérante a introduit un recours en annulation à l’encontre de la seconde décision attaquée, enregistré sous la référence T‑444/05.

29      Par ordonnances du 19 septembre 2006 du président de la première chambre du Tribunal, le Conseil de l’Union européenne et la République italienne ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

30      Par ordonnance du 27 octobre 2006, le président de la première chambre du Tribunal a admis Caremar à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

31      Par ordonnance du 11 décembre 2006 du président de la première chambre du Tribunal, les affaires T‑109/05 et T‑444/05 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

32      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

33      Conformément à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, le Tribunal a posé deux questions écrites aux parties. Par la première question, notifiée aux parties le 10 octobre 2008, la requérante a été invitée à préciser si elle conservait un intérêt à agir dans l’affaire T‑109/05 compte tenu de l’adoption, par la Commission, de la seconde décision attaquée, qui fait l’objet du recours dans l’affaire T‑444/05. Par la seconde, le Tribunal a invité les parties à lui présenter leurs observations sur les conséquences éventuelles, pour les présentes affaires, de l’arrêt de la Cour du 18 décembre 2007, Suède/Commission (C‑64/05 P, Rec. p. I‑11389).

34      La requérante a répondu qu’elle conservait un intérêt à agir dans l’affaire T‑109/05 tant que la Commission maintiendrait la première décision attaquée. La Commission a, quant à elle, fait observer que, si les deux recours tendent, en substance, à obtenir l’accès aux mêmes documents, le recours dans l’affaire T‑444/05 se substituait au recours dans l’affaire T‑109/05, qui devient dès lors sans objet.

35      À la seconde question, la Commission a répondu en précisant que les autorités italiennes avaient dûment motivé leur opposition sur la base d’une des exceptions prévues à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement n° 1049/2001 et qu’un éventuel défaut de motivation n’aurait de toute façon aucune incidence, en l’espèce, sur la légalité de l’acte, puisque le refus motivé des autorités italiennes la liait et l’obligeait à rejeter la demande d’accès.

36      Le 22 janvier 2009, le Tribunal a pris une deuxième mesure d’organisation de la procédure, conformément à l’article 64 du règlement de procédure, en demandant à la Commission de clarifier ce qu’elle entendait lorsqu’elle soutenait, dans sa réponse aux questions du Tribunal du 10 octobre 2008, que « le recours dans l’affaire T‑444/05 se substituait de fait au recours dans l’affaire T‑109/05 », qui était donc devenu sans objet. Le Tribunal l’a invitée à préciser s’il devait en déduire qu’elle avait effectivement retiré la première décision attaquée, faisant l’objet du recours dans l’affaire T‑109/05, et, si tel n’était pas le cas, si elle avait l’intention de retirer cette première décision.

37      La Commission a répondu que le recours dans l’affaire T‑444/05 avait été introduit uniquement en raison du fait que le premier recours n’avait pas été dûment précédé de la phase administrative au nom de la requérante et que, de ce fait, il devrait être rejeté comme irrecevable. Pour ce motif, le second recours se substituerait au premier, lequel n’aurait plus lieu d’exister de manière autonome et, en ce sens, serait devenu sans objet.

38      À la suite de l’arrêt du Tribunal du 4 mars 2009, Tirrenia di Navigazione/Commission (T‑265/04, T‑214/04 et T‑504/04, non publié au Recueil), annulant la décision 2005/163, le Tribunal a posé une troisième question écrite, conformément à l’article 64 du règlement de procédure, notifiée le 17 mars 2009, invitant les parties à présenter leurs observations sur les conséquences à tirer dudit arrêt pour les affaires T‑109/05 et T‑444/05.

39      La requérante a considéré qu’elle conservait un intérêt tout à fait actuel à agir dans les deux affaires en raison de la nécessité de disposer des données relatives au montant des charges effectivement supportées par Caremar, au titre des services publics rendus sur la ligne Naples-Beverello/Capri, ainsi que des subventions qui lui ont été accordées annuellement à ce titre dans la mesure où ces documents pourraient lui permettre d’engager d’éventuelles actions judiciaires.

40      La Commission considérait que, à la suite de l’annulation de la décision 2005/163 par le Tribunal, les recours dans les affaires T‑109/05 et T‑444/05 étaient devenus sans objet, la requérante n’ayant plus d’intérêt à demander l’annulation des décisions lui refusant l’accès aux documents sollicités.

41      De nouvelles mesures d’organisation de la procédure ont été adoptées, conformément à l’article 64 du règlement de procédure, le 7 avril 2010.

42      Par ordonnance du 12 avril 2010, le Tribunal a demandé à la Commission, en vertu de l’article 65, sous b), de l’article 66, paragraphe 1, et de l’article 67, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement de procédure de produire un certain nombre de documents.

43      Lors de l’audience du 1er juin 2010, le Tribunal a pris acte que la Commission a renoncé à son exception d’irrecevabilité dans l’affaire T‑444/05.

44      Par ordonnance du 9 juillet 2010, le Tribunal a rouvert, en vertu de l’article 62 du règlement de procédure, la procédure orale. Les parties ont été invitées à se prononcer sur les conséquences qu’elles tiraient de l’arrêt de la Cour du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau (C‑139/07 P, non encore publié au Recueil).

 Conclusions des parties

45      Dans l’affaire T‑109/05, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la première décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

46      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

47      Caremar conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        accueillir les conclusions de la Commission ;

–        rejeter le recours comme irrecevable et non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

48      Dans l’affaire T‑444/05, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la seconde décision attaquée et, à titre subsidiaire, déclarer inapplicable aux faits de l’espèce l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

49      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable et non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

50      La République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours comme irrecevable ou non fondé.

51      Le Conseil conclut en substance à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours comme non fondé.

52      Caremar conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        accueillir les conclusions de la Commission en rejetant le recours comme irrecevable ou non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

A –  Quant au recours dans l’affaire T‑109/05

1.     Sur l’objet du litige

a)     Arguments des parties

53      La Commission soutient que l’objet du recours se limite aux seuls documents demandés lors de la phase administrative et non, comme le soutient la requérante, aux éléments de coûts liés aux obligations de service public de Caremar pour les dix liaisons quotidiennes avec l’île de Capri. Selon elle, la requérante a modifié l’objet du litige.

54      De surcroît, la Commission considère, dans sa réponse du 27 mars 2009 à la question écrite posée par le Tribunal, que, à la suite de l’arrêt Tirrenia di Navigazione/Commission, point 38 supra, annulant la décision 2005/163, les recours dans les affaires T‑109/05 et T‑444/05 sont devenus sans objet, puisque la requérante n’a plus d’intérêt à demander l’annulation des décisions lui refusant l’accès aux documents sollicités.

55      La requérante rétorque que sa demande consiste essentiellement à obtenir les données et documents relatifs aux coûts supplémentaires liés aux obligations de service public imposées à Caremar sur la ligne maritime Naples-Beverello/Capri.

56      Dans sa réponse à la question écrite qui lui a été notifiée le 10 octobre 2008, la requérante a indiqué qu’elle conservait un intérêt à agir dans l’affaire T‑109/05 tant que la Commission maintiendrait la première décision attaquée. Elle a réitéré cette position dans sa réponse du 23 mars 2009 à la question posée par le Tribunal quant aux conséquences qu’elle tirait pour les présents recours de l’arrêt Tirrenia di Navigazione/Commission, point 38 supra, annulant la décision 2005/163.

57      Caremar considère que la demande initiale de la requérante se limite à la version intégrale de la décision 2005/163 ainsi qu’aux données analytiques non reproduites aux considérants 128 et 140 de celle-ci. Lors de l’audience, Caremar a considéré que le présent recours était privé d’objet étant donné que, à la suite de l’annulation de la décision 2005/163 par le Tribunal dans l’arrêt Tirrenia di Navigazione/Commission, point 38 supra, les données figurant aux considérants 128 et 140 de ladite décision n’existent plus. Elle en conclut que les conditions d’un non-lieu à statuer sont réunies en l’espèce.

b)      Appréciation du Tribunal

58      Il y a lieu de relever que la demande d’accès aux documents, telle qu’elle ressort de la lettre du 24 novembre 2004, consiste en l’obtention du texte intégral de la décision 2005/163, comprenant les données analytiques qui ne sont pas reproduites dans les tableaux insérés dans les considérants 128 et 140 de la décision 2005/163, y compris les éléments détaillés des surcoûts supportés annuellement par Caremar et concernant de manière particulière et spécifique les services de transport de passagers assurés sur la ligne maritime Naples-Beverello/Capri.

59      Dans son recours à l’encontre de la première décision attaquée, la requérante a précisé vouloir obtenir les données concernant les coûts supplémentaires liés aux obligations de service public supportés par Caremar pour les liaisons avec l’île de Capri.

60      Il convient de constater que, contrairement à ce qu’allèguent la Commission et Caremar, il n’y a pas eu, en l’espèce, modification de l’objet du litige, lequel vise à l’annulation de la première décision attaquée, en ce que la requérante aurait modifié la teneur des documents par rapport à sa demande initiale. Si la requérante a, au cours de la procédure écrite, précisé les documents qu’elle souhaitait obtenir, force est néanmoins de constater que les éléments détaillés des surcoûts supportés annuellement par Caremar et concernant de manière particulière et spécifique les services de transport de passagers assurés sur la ligne maritime Naples-Beverello/Capri tant par ferries que par unités rapides faisaient partie des documents demandés dans sa demande initiale.

61      Quant à l’argument selon lequel le présent recours serait privé d’objet dans la mesure où la requérante n’aurait plus d’intérêt à demander l’annulation de la première décision attaquée à la suite de l’annulation de la décision 2005/163 par le Tribunal dans l’arrêt Tirrenia di Navigazione/Commission, point 38 supra, puisque les données figurant aux considérants 128 et 140 de ladite décision n’existeraient plus, il ne saurait davantage être accueilli.

62      En effet, il convient de rappeler que toute personne peut demander à avoir accès à n’importe quel document des institutions, sans qu’une justification particulière à l’accès aux documents ne soit demandée. Par conséquent, une personne qui s’est vu refuser l’accès à un document ou à une partie d’un document a déjà, de ce seul fait, un intérêt à l’annulation de la décision de refus (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 17 juin 1998, Svenska Journalistförbundet/Conseil, T‑174/95, Rec. p. II‑2289, points 66 et 67, et du 11 décembre 2001, Petrie e.a./Commission, T‑191/99, Rec. p. II‑3677, point 26). Même si la décision 2005/163 a été annulée, les documents qui ont permis d’établir les données analytiques des considérants 128 et 140 de la décision 2005/163 existent toujours.

63      Il s’ensuit que, malgré l’annulation de la décision 2005/163, la requérante conserve un intérêt à agir contre la première décision attaquée dans la mesure où les documents demandés n’ont pas été divulgués et que la première décision attaquée est toujours en vigueur. Dès lors, le présent recours visant à l’annulation de ladite décision n’est pas devenu sans objet.

2.     Sur la recevabilité

a)     Arguments des parties

64      Sans soulever d’exception formelle d’irrecevabilité, la Commission soutient que le recours est irrecevable au motif que la phase précontentieuse obligatoire a été engagée par l’avocat de la requérante en son nom propre et pour son propre compte et non par la requérante elle-même.

65      Tout en admettant qu’elle a toujours été consciente du fait que Me Ravenna agissait dans le cadre d’une activité professionnelle dans l’intérêt de la requérante, la Commission estime néanmoins qu’il ne pouvait pas agir au nom de la requérante lors de la phase contentieuse alors qu’il avait effectué les deux phases initiales de la procédure d’accès en son nom propre.

66      En outre, la Commission soutient que la requérante ne peut invoquer un prétendu intérêt individuel, au sens de l’article 230 CE, puisque l’accès du public aux documents des institutions n’est pas subordonné à l’existence d’un quelconque intérêt, mais est régi selon les principes et les conditions définis par le règlement n° 1049/2001.

67      La requérante rétorque que les arguments de la Commission sont excessivement formalistes, car elle savait qu’elle était régulièrement représentée et défendue par MRavenna. De surcroît, le contenu de la demande serait suffisamment motivé pour comprendre qu’il s’agissait de préserver ses droits en vue d’un éventuel recours judiciaire.

68      La requérante fait également valoir qu’elle peut à bon droit être considérée comme directement et individuellement concernée au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE dans la mesure où la décision 2005/163 la mentionne explicitement.

69      Caremar soutient les conclusions de la Commission, en considérant qu’il appartenait à Me Ravenna d’introduire, en tant que demandeur dans la procédure précontentieuse, le recours en annulation à l’encontre de la première décision attaquée.

b)     Appréciation du Tribunal

70      Il y a lieu de rappeler que la procédure administrative d’accès aux documents, régie par le règlement n° 1049/2001, se déroule en deux étapes successives, conformément aux articles 7 et 8 dudit règlement. L’article 7 régit le traitement des demandes initiales. Une réponse à une telle demande contenant un refus total ou partiel ou une absence de réponse dans le délai requis habilitent le demandeur à adresser une demande tendant à ce que l’institution révise sa position. En application de l’article 8 du règlement n° 1049/2001, qui régit le traitement des demandes confirmatives, le refus total ou partiel d’accorder l’accès aux documents sollicités dans une demande confirmative habilite le demandeur à former un recours juridictionnel contre l’institution, dans les conditions prévues pour l’exercice du recours en annulation.

71      Il convient tout d’abord de relever que la demande initiale du 24 novembre 2004 ainsi que la demande confirmative d’accès aux documents du 4 janvier 2005 ont été effectuées et signées par MRavenna, avocat de la requérante, sans qu’il y soit fait explicitement mention, en tant que tel, d’un lien de représentation avec la requérante.

72      Toutefois, il ressort des termes de la demande initiale que MRavenna agissait au nom de la requérante, celui-ci ayant invité la Commission à leur transmettre le texte intégral de la décision 2005/163 et ayant précisé que la requérante avait besoin de ces informations pour prendre parfaitement connaissance de la décision en question.

73      De surcroît, force est de constater que la Commission savait que MRavenna représentait la requérante, puisqu’était mentionné dans le courrier de la DG « Énergie et transports » du 7 décembre 2004, en réponse à la demande initiale d’accès aux documents, « la compagnie maritime NLG que vous représentez ». En outre, elle a utilisé, dans la première décision attaquée, les expressions suivantes : « la décision notifiée à votre cliente » et « des intérêts de votre cliente ».

74      Il s’ensuit, eu égard au contenu des lettres tant de MRavenna que de la Commission, que celui-ci agissait au nom de la requérante lors de la phase administrative.

75      Partant, contrairement à ce que soutient la Commission, le recours est recevable.

3.     Sur le fond

76      À l’appui de son recours, la requérante soulève quatre moyens, tirés, le premier, d’une erreur de droit de la Commission dans l’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, le deuxième, de la violation du principe de non-discrimination, le troisième, de la violation du principe de proportionnalité et, le quatrième, de la violation de l’obligation de motivation.

77      Il y a lieu d’examiner tout d’abord le quatrième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation.

a)     Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

 Arguments des parties

78      La requérante considère que la Commission n’a pas analysé l’objet de sa demande de documents qui consistait en la communication des documents dans lesquels figuraient les données relatives aux surcoûts liés aux obligations de service public de Caremar relatives à la ligne Naples-Beverello/Capri. Elle n’aurait pas davantage analysé les dispositions de la communication sur le secret professionnel dans les décisions en matière d’aides d’État, qui prévoit expressément aux points 14 et 17 la nécessité de publier les données concernant les coûts supplémentaires, au titre des obligations de service public.

79      Elle soutient également que la Commission aurait omis de considérer la divulgation des données eu égard à la jurisprudence de l’arrêt de la Cour du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, Rec. p. I‑7747, ci-après l’« arrêt Altmark »), et aurait fait une lecture partielle de l’arrêt du Tribunal du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission (T‑371/94 et T‑394/94, Rec. p. II‑2405).

80      La Commission et Caremar soutiennent que les arguments relatifs au défaut de motivation de la première décision attaquée sont dénués de tout fondement.

 Appréciation du Tribunal

81      Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences dudit article doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, Rec. p. I‑2125, point 55, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 26 avril 2005, Sison/Conseil, T‑110/03, T‑150/03 et T‑405/03, Rec. p. II‑1429, point 59).

82      S’agissant d’une demande d’accès aux documents, lorsque l’institution en cause refuse un tel accès, elle doit démontrer dans chaque cas d’espèce, sur la base des informations dont elle dispose, que les documents auxquels l’accès est sollicité relèvent effectivement des exceptions énumérées dans le règlement n° 1049/2001 (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 11 janvier 2000, Pays‑Bas et van der Wal/Commission, C‑174/98 P et C‑189/98 P, Rec. p. I‑1, point 24). Toutefois, il peut être impossible d’indiquer les raisons justifiant la confidentialité à l’égard de chaque document, sans divulguer le contenu de ce dernier, et, partant, priver l’exception de sa finalité essentielle (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 avril 2007, WWF European Policy Programme/Conseil, T‑264/04, Rec p. II‑911, point 37).

83      Dans le cadre de cette jurisprudence, il appartient donc à l’institution ayant refusé l’accès à un document de fournir une motivation permettant de comprendre et de vérifier, d’une part, si le document demandé est effectivement concerné par le domaine visé par l’exception invoquée et, d’autre part, si le besoin de protection relatif à cette exception est réel.

84      La motivation d’une décision refusant l’accès à des documents doit ainsi contenir, à tout le moins pour chaque catégorie de documents concernée, les raisons spécifiques pour lesquelles l’institution en cause considère que la divulgation des documents demandés tombe sous le coup d’une des exceptions prévues par le règlement n° 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt Interporc/Commission, point 81 supra, point 56, et arrêt du Tribunal du 19 janvier 2010, Co-Frutta/Commission, T‑355/04 et T‑446/04, Rec. p. II‑1, point 101).

85      En l’espèce, il convient de relever que la demande d’accès de la requérante concerne les documents suivants : le texte intégral de la décision 2005/163, comprenant les données analytiques qui ne sont pas reproduites dans les tableaux insérés dans les considérants 128 et 140 de la décision 2005/163, y compris les éléments détaillés des surcoûts supportés annuellement par Caremar et concernant les services de transport de passagers assurés sur la ligne Naples-Beverello/Capri, tant par ferries que par unités rapides.

86      La Commission a motivé son refus de divulguer les documents demandés selon les termes suivants :

« […]

1.      Objet de la demande

Votre demande porte sur certaines données chiffrées figurant aux tableaux des [considérants] 128 et 140 de la décision [2005/163]. En effet, dans la version publique de la décision [2005/163], dont vous disposez, la répartition des coûts a été omise, tandis que le montant des coûts apparaît.

2.       Protection des intérêts commerciaux

Les données omises de la version de la décision [2005/163] destinée au public concernent la répartition des coûts qui a été prise en considération, pour chacune des compagnies régionales, dans le calcul de la compensation annuelle accordée pour l’exécution de services d’intérêt général.

La divulgation des données chiffrées pourrait nuire aux intérêts commerciaux des entreprises concernées et constituer un avantage pour d’autres entreprises. Il s’agit de données relatives au fonctionnement interne des entreprises du groupe Tirrenia. Les informations de cette nature ne sont pas communiquées aux parties intéressées auxquelles la décision est notifiée en application de l’article 20 du règlement n° 659/1999, portant modalités d’application de l’article 93 [CE]. Par conséquent, les données couvertes par le secret d’affaires ont été omises de la décision notifiée à votre cliente, la société Navigazione Libera del Golfo [NLG] par lettre recommandée du 20 juillet 2004.

Selon la jurisprudence, la Commission est tenue, en application de l’article 287 […] CE de ne pas divulguer aux intéressés des informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel, telles que, notamment, des données relatives au fonctionnement interne de l’entreprise bénéficiaire.

À plus forte raison, le règlement n° 1049/2001, relatif à l’accès du public aux documents, interdit la communication de ces données. En effet, la publication pourrait nuire aux intérêts commerciaux des entreprises concernées et conviendrait aux dispositions de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001.

3.      Accès partiel

La demande d’accès ne concerne que certaines données chiffrées qui ont été omises de la version publiée. Ces données sont toutes couvertes par l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux. Un accès partiel au document, tel que prévu par l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001, a donc déjà été accordé.

[…] »

87      S’agissant de la motivation relative au refus de divulgation des données analytiques dans les tableaux insérés dans les considérants 128 et 140 de la décision 2005/163, il convient de constater tout d’abord que la Commission précise explicitement au point 2 de la première décision attaquée que la divulgation des données chiffrées demandées par la requérante pourrait nuire aux intérêts commerciaux des entreprises concernées et constituer un avantage pour d’autres entreprises et contreviendrait à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001. Elle précise également que ces données sont couvertes par le secret d’affaires et que, de surcroît, en vertu de l’article 20 du règlement n° 659/1999, de telles données ne sont pas communiquées aux parties intéressées. Au point 4 de la première décision attaquée, elle a considéré qu’il n’existait aucun intérêt public supérieur justifiant de s’écarter de la nécessité de protéger les intérêts commerciaux des entreprises en rendant publiques les informations relatives à leur fonctionnement interne.

88      Quant aux griefs selon lesquels la Commission n’a pas suffisamment expliqué les raisons pour lesquelles elle n’aurait pas appliqué les dispositions de la communication sur le secret professionnel dans les décisions en matière d’aides d’État et n’aurait pas expliqué l’application de l’arrêt Altmark et de l’arrêt British Airways e.a./Commission, point 79 supra, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt Co-Frutta/Commission, point 84 supra, point 100, et la jurisprudence citée).

89      Dès lors, en ce qui concerne les données analytiques figurant aux considérants 128 et 140 de la décision 2005/163, la première décision attaquée fait apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de la Commission, de manière à permettre à la requérante de connaître les justifications de la mesure prise et au Tribunal d’exercer son contrôle.

90      Toutefois, il convient de constater que la Commission a limité l’objet de la demande de documents, comme il ressort du point 1 de la première décision attaquée, aux seules données chiffrées figurant dans les tableaux insérés dans les considérants 128 et 140 de la décision 2005/163. Elle n’a pas pris en considération la seconde partie de la demande de la requérante relative aux données détaillées ayant permis de calculer les surcoûts supportés annuellement par Caremar et concernant spécifiquement les services de transport de passagers assurés sur la ligne Naples-Beverello/Capri, tant par ferries que par unités rapides.

91      En l’absence d’indication des raisons pour lesquelles la divulgation des documents contenant lesdites données serait effectivement susceptible de porter atteinte à un aspect quelconque de la protection des intérêts commerciaux, la requérante n’a pas été en mesure de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre ses droits et le Tribunal est lui-même, par conséquent, dans l’impossibilité d’apprécier les raisons pour lesquelles les documents dont l’accès a été refusé relèveraient d’une des exceptions tirées de l’article 4 du règlement n° 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt Svenska Journalistförbundet/Conseil, point 62 supra, points 115 à 118, 122,125,127).

92      Il s’ensuit que la première décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation en ce que la Commission n’a pas communiqué les raisons permettant à la requérante de connaître les justifications du refus d’accès aux éléments de surcoûts supportés annuellement par Caremar concernant les services de transport des passagers assurés sur la ligne Naples-Beverello/Capri tant par ferries que par unités rapides.

93      Partant, il y a lieu d’annuler la décision attaquée en ce qu’elle est entachée d’un défaut de motivation concernant la demande spécifique des éléments détaillés des surcoûts supportés annuellement par Caremar et relative aux services de transport de passagers assurés sur la ligne Naples-Beverello/Capri tant par ferries que par unités rapides.

94      Il convient toutefois d’examiner la légalité au fond de la première décision attaquée en ce qu’elle concerne les données analytiques des considérants 128 et 140 de la décision 2005/163, la motivation fournie par la Commission à cet égard ayant été suffisante.

b)     Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001

95      Ce premier moyen se subdivise en deux branches, dont la première est tirée d’une base juridique erronée et la seconde de la violation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001.

 Sur la première branche, tirée d’une erreur de droit dans le choix de la base juridique

–       Arguments des parties

96      La requérante relève que, pour refuser l’accès aux documents relatif aux coûts supplémentaires liés aux obligations de service public de Caremar, la Commission se fonde non seulement sur l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, mais également sur l’article 20 du règlement n° 659/1999, sur l’article 287 CE ainsi que sur la communication sur le secret professionnel dans les décisions en matière d’aides d’État.

97      La requérante considère que la Commission se fonde à tort dans sa lettre du 7 décembre 2004 sur la communication sur le secret professionnel dans les décisions en matière d’aides d’État. Dans la mesure où la première décision attaquée confirmerait la décision de refus du 7 décembre 2004 et se fonderait donc sur les mêmes dispositions et notamment sur la communication sur le secret professionnel dans les décisions en matière d’aides d’État, elle serait entachée d’un vice de forme.

98      Dans l’hypothèse où il conviendrait de se référer à ladite communication, la requérante soutient que cette dernière prime sur le règlement n° 1049/2001 en ce que les notions de secret professionnel et/ou d’informations confidentielles sont plus spécifiques et complètes que l’article 4 du règlement n° 1049/2001.

99      La Commission soutient que la première branche manque en fait, puisque la première décision attaquée ne mentionne pas la communication sur le secret professionnel dans les décisions en matière d’aides d’État, mais se fonde sur l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001.

100    Caremar soutient les arguments avancés par la Commission.

–       Appréciation du Tribunal

101    Selon la jurisprudence, en vertu de l’article 8 du règlement n° 1049/2001, la réponse à la demande initiale ne constitue qu’une première prise de position, conférant au demandeur la possibilité d’inviter le secrétaire général de la Commission à réexaminer la position en cause (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 6 juillet 2006, Franchet et Byk/Commission, T‑391/03 et T‑70/04, Rec. p. II‑2023, point 47, et Co-Frutta/Commission, point 84 supra, point 35).

102    Par conséquent, seule la mesure adoptée par le secrétaire général de la Commission, ayant la nature d’une décision et remplaçant intégralement la prise de position précédente, est susceptible de produire des effets juridiques de nature à affecter les intérêts du demandeur et, partant, de faire l’objet d’un recours en annulation (voir, en ce sens, arrêts Franchet et Byk/Commission, point 101 supra, points 47 et 48 ; voir également, en ce sens, arrêt Co‑Frutta/Commission, point 84 supra, points 34 à 36). Il s’ensuit que la réponse à la demande initiale ne produit pas d’effets juridiques et ne peut être considérée comme constituant un acte attaquable.

103    En l’espèce, seule la réponse de la DG « Energie et transports » du 7 décembre 2004 fait mention de la communication sur le secret professionnel dans les décisions en matière d’aides d’État pour considérer que les données demandées sont confidentielles en vertu de ladite communication.

104    La première décision attaquée, adoptée par le secrétaire général de la Commission, qui constitue la seule mesure ayant la nature d’une décision et qui remplace intégralement la prise de position précédente du 7 décembre 2004 (voir, en ce sens, arrêts Franchet et Byk/Commission, point 101 supra, points 47 et 48 ; voir également, en ce sens, arrêt Co‑Frutta/Commission, point 84 supra, points 34 à 36), ne fait pas référence à ladite communication, contrairement à ce que soutient la requérante.

105    Dès lors, le Tribunal n’a pas à se prononcer sur la motivation sur laquelle la DG « Énergie et transports » s’est fondée dans la prise de position initiale et qui n’a pas été invoquée par le secrétaire général dans la première décision attaquée (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 16 octobre 2003, Co-Frutta/Commission, T‑47/01, Rec. p. II‑4441, points 28 à 33).

106    Partant, il y a lieu de rejeter la première branche du présent moyen.

 Sur la seconde branche, tirée d’une violation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001

–       Arguments des parties

107    À titre subsidiaire, la requérante soutient que la divulgation des données correspondant aux coûts supplémentaires liées aux obligations de service public de Caremar ne saurait porter atteinte aux intérêts commerciaux de celle-ci. Les données relatives aux coûts supplémentaires liés aux obligations de service public ne relèveraient pas des méthodes d’évaluation des coûts de fabrication, de distribution, des secrets de fabrication, et ne seraient donc pas des secrets d’affaires.

108    La requérante considère que le respect de la transparence imposée par le système de contrôle des aides d’État, prévu aux articles 87 CE et 88 CE, impose la publicité des coûts supplémentaires liés aux obligations de service public, puisqu’il s’agit de services d’intérêt public. Cette exigence de publicité et de transparence, qui résulterait des règles du traité, aurait été confirmée par la jurisprudence ainsi que par l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement (CEE) n° 2408/92 du Conseil, du 23 juillet 1992, concernant l’accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires (JO L 240, p. 8), et l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 3577/92. L’exigence de transparence s’imposerait d’autant plus en l’espèce, Caremar n’ayant pas été sélectionnée dans le cadre d’un appel d’offres d’un marché public.

109    Elle estime également que le refus de la Commission de divulguer les données correspondants aux coûts supplémentaires litigieux n’est pas compatible avec l’arrêt Altmark, point 79 supra, dans la mesure où la Commission a élaboré des règles ad hoc contraignantes en imposant dans des cas analogues le recours à des analyses comparatives des coûts des services litigieux avec ceux des entreprises opérant dans des conditions similaires. De telles analyses seraient inconciliables avec les exigences de confidentialité et/ou de protection des intérêts commerciaux de Caremar.

110    Elle conteste également la référence effectuée par la Commission à l’arrêt British Airways e.a./Commission, point 79 supra, dans la mesure où il ne serait pas pertinent en l’espèce.

111    Selon elle, l’intérêt public justifierait la divulgation des documents demandés, eu égard aux dispositions du traité CE dans le cadre du contrôle des aides d’État. Elle considère que, dans la mesure où il n’existe aucun intérêt commercial à protéger, il n’y a pas lieu de prouver l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation.

112    Elle relève également que Caremar ne justifie ni n’apporte la moindre preuve du caractère confidentiel des données demandées et surtout des avantages commerciaux qu’elle pourrait en tirer dans l’hypothèse où elle en aurait eu connaissance. Or, elle considère que Caremar ne court aucun risque commercial en rendant publiques ces données, qui correspondent aux pertes et aux subventions octroyées par les autorités italiennes et qui ne relèvent donc pas de l’intérêt commercial.

113    La requérante conteste l’argument de la Commission selon lequel sa demande est étrangère à l’objet de la présente procédure au motif qu’elle concernerait le texte intégral de la décision 2005/163. Bien qu’elle reconnaisse que « les tableaux figurant aux considérants 128 et 140 de la décision [2005/163] se limitent à reproduire les données agrégées concernant l’ensemble des activités des sociétés [du groupe Tirrenia] », la requérante estime que la Commission est en possession des documents qui ont permis de calculer les données chiffrées demandées.

114    La requérante fait observer, dans son mémoire en réplique, que les documents demandés sont en partie à caractère historique dans la mesure où ils concernent des subventions accordées à Caremar à une époque antérieure à la période de cinq ans prévue au point 14, deuxième tiret, de la communication sur le secret professionnel dans les décisions en matière d’aides d’État.

115    À la suite de la question écrite posée par le Tribunal sur les conséquences à tirer de l’arrêt Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, point 44 supra, la requérante soutient, en substance, que les conditions de fait et de droit dudit arrêt ne sont pas remplies, ceux-ci étant relatifs à l’interprétation de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001 qui n’est pas invoqué en l’espèce.

116    La Commission rétorque qu’elle a effectivement publié les données globales relatives aux coûts liés aux obligations de service public et n’a occulté que les données relatives aux éléments du prix de revient, c’est-à-dire concernant la structure des coûts de production de la société.

117    Rappelant que l’objet du présent litige se limite au seul document demandé lors de la phase administrative, la Commission considère que la requérante ne tient pas compte de la distinction faite par la jurisprudence entre la notion de documents et celle d’information.

118    S’agissant de la portée de l’arrêt Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, point 44 supra, la Commission soutient que la nécessité soulignée par la Cour de maintenir une cohérence entre les procédures relatives aux aides d’État et le traitement des demandes d’accès aux documents a une portée générale et s’applique également lorsque la Commission doit protéger les intérêts commerciaux des tiers, que ce soit dans le cadre de la publication d’une décision en matière d’aide d’État ou dans le cadre d’une demande d’accès aux documents en vertu du règlement n° 1049/2001.

119    Caremar soutient que c’est à bon droit que la Commission a considéré que les données demandées entraient dans le champ d’application de l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux, prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001. Elle fait observer que les données omises dans les tableaux insérés dans les considérants 128 et 140 de la décision 2005/163 se rapportaient au total des coûts supportés par chacune des compagnies régionales, aux produits d’exploitation et au montant des subventions annuelles qui leur ont été octroyées. À l’instar de la Commission, elle considère que la requérante ne démontre pas d’erreur d’appréciation dans l’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, ni quel serait l’intérêt public supérieur susceptible de justifier la divulgation des documents demandés. Or, il lui incomberait de l’invoquer dans le cadre de sa demande afin d’inviter l’institution à se prononcer sur ce point.

120    S’agissant de la portée de l’arrêt Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, point 44 supra, à l’instar de la Commission, Caremar soutient que la Commission pouvait à bon droit fonder son interprétation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001 eu égard à la présomption générale découlant de la procédure d’aide d’état dans laquelle s’inscrit la demande d’accès aux documents.

–       Appréciation du Tribunal

121    Le règlement n° 1049/2001 vise, comme l’indiquent le quatrième considérant et l’article 1er de celui-ci, à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible. Il s’applique à tous les documents détenus par une institution, c’est-à-dire établis ou reçus par elle et en sa possession, dans tous les domaines d’activité de l’Union, conformément à l’article 2, paragraphe 3, dudit règlement.

122    En vertu de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

123    Selon une jurisprudence constante, les exceptions à l’accès aux documents doivent être interprétées et appliquées de manière stricte, de façon à ne pas tenir en échec l’application du principe général consistant à conférer au public le plus large accès possible aux documents détenus par les institutions (arrêt de la Cour du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, Rec. p. I‑4723, point 36).

124    En outre, l’examen requis pour le traitement d’une demande d’accès aux documents doit revêtir un caractère concret. En effet, la seule circonstance qu’un document concerne un intérêt protégé par une exception ne saurait suffire à justifier l’application de cette dernière. Une telle application ne saurait, en principe, être justifiée que dans l’hypothèse où l’institution a préalablement apprécié, premièrement, si l’accès au document était susceptible de porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé et, deuxièmement, dans les hypothèses visées à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001, s’il n’existait pas un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document visé (arrêt du 19 janvier 2010, Co-Frutta/Commission, point 84 supra, point 123 ; voir également, en ce sens, arrêt Suède et Turco/Conseil, point 123 supra, point 49).

125    De surcroît, le risque d’atteinte à un intérêt protégé doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique. L’examen auquel doit, en principe, procéder l’institution afin d’appliquer une exception doit être effectué de façon concrète et doit ressortir des motifs de la décision (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, Rec. p. II‑1121, point 69, et Franchet et Byk/Commission, point 101 supra, point 115).

126    C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner l’application que la Commission a faite de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001 pour refuser l’accès aux documents demandés.

127    En l’espèce, la Commission a refusé l’accès aux documents aux motifs que la divulgation des données chiffrées figurant aux considérants 128 et 140 de la décision 2005/163 pourrait nuire aux intérêts commerciaux des entreprises concernées et constituer un avantage pour d’autres entreprises et contreviendrait ainsi aux dispositions de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001.

128    En premier lieu, il y a lieu de constater que les documents pour lesquels l’exception est invoquée sont susceptibles de contenir des informations confidentielles entrant dans le champ d’application de l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux. En effet, les données chiffrées non divulguées correspondent à la répartition des coûts et des recettes du groupe Tirrenia à partir desquels a été prise en considération la compensation annuelle accordée pour l’exécution de services d’intérêt général et sont donc susceptibles d’être couvertes par des secrets d’affaires.

129    Certes, le droit d’accès du public à un document des institutions ne vise que des documents et non pas des informations entendues de manière plus générale et n’implique pas pour les institutions le devoir de répondre à toute demande de renseignements d’un particulier (voir, en ce sens, arrêt WWF European Policy Programme/Conseil, point 82 supra, point 76, et la jurisprudence citée). Toutefois, contrairement à ce qu’allègue la Commission, la requérante a effectivement demandé l’accès à des documents dans lesquels figurent les données analytiques qui ne sont pas reproduites dans la décision 2005/163.

130    En deuxième lieu, il convient d’examiner si la Commission a procédé à une appréciation concrète et individuelle du contenu des documents visés par la demande de la requérante.

131     À cet égard, la Cour a reconnu qu’il est loisible à l’institution concernée de se fonder sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature (voir arrêt Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, point 44 supra, point 54, et la jurisprudence citée).

132    Elle a ainsi considéré que, en ce qui concerne les procédures de contrôle des aides d’État, de telles présomptions générales peuvent résulter du règlement n° 659/1999 ainsi que de la jurisprudence relative au droit de consulter les documents du dossier administratif de la Commission (voir, en ce sens, arrêt Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, point 44 supra, point 55).

133    La Cour en a conclu que, aux fins de l’interprétation de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, il convient de tenir compte de la circonstance que les intéressés autres que l’État membre concerné dans les procédures de contrôle des aides ne disposent pas du droit de consulter les documents du dossier administratif de la Commission et dès lors de reconnaître l’existence d’une présomption générale selon laquelle la divulgation des documents du dossier administratif porterait, en principe, atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête (arrêt Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, point 44 supra, point 61).

134    En l’espèce, les documents demandés correspondent à la version confidentielle de la décision 2005/163 ainsi qu’à ceux ayant permis d’obtenir les données chiffrées qui ne sont pas reproduites aux considérants 128 et 140 de la version non confidentielle.

135    Même si lesdits documents relèvent du dossier administratif de la Commission dans le cadre du contrôle d’une aide d’État, le Tribunal estime qu’il ne peut être présumé que la divulgation des éléments de surcoûts liés aux obligations de service public ainsi que de tous les documents ayant permis d’obtenir ces données chiffrées porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux de Caremar, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret du règlement n° 1049/2001.

136    De surcroît, une telle présomption générale irait à l’encontre de la communication sur le secret professionnel dans les décisions en matière d’aides d’État, qui prévoit en son considérant 17 que les informations relatives à l’organisation et aux coûts des services publics ne seront normalement pas considérées comme constituant d’autres informations confidentielles.

137    Par conséquent, il incombait en l’espèce à la Commission d’examiner si la divulgation des documents entrant dans le champ d’application de l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux portait concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé.

138    Il ressort de la décision attaquée que, en relevant que les données omises concernent la répartition des coûts qui a été prise en considération pour chacune des compagnies régionales dans le calcul de la compensation annuelle accordée pour l’exécution de services d’intérêt général et en considérant que la divulgation des données chiffrées pourrait nuire aux intérêts commerciaux de Caremar, la Commission a effectué un examen concret et effectif des documents en cause. En effet, eu égard à la nature des documents demandés qui consistent en des données chiffrées de même nature, à savoir les différents éléments de coûts de Caremar tirés de son compte d’exploitation et qui ont été pris en considération pour le calcul de la compensation annuelle ainsi que les modes de calcul pour leur obtention, la Commission a pu, en les regroupant sous une dénomination commune, apprécier concrètement et effectivement lesdites données.

139    Quant à la question du bien-fondé du refus de la Commission de communiquer les documents demandés, les données analytiques qui ne sont pas reproduites aux considérants 128 et 140 de la décision 2005/163 correspondent aux différents éléments de coûts pris en considération pour le calcul de la subvention annuelle et sont tirées d’une étude d’un consultant sur l’évaluation des critères de présentation des comptes d’exploitation par ligne et par saison des sociétés du groupe Tirrenia. Ces différents éléments de coûts tirés des comptes d’exploitation de Caremar pour l’année 2000 (considérant 128 de la décision 2005/163) et de l’évolution des différents éléments de coûts pris en considération pour le calcul de la subvention annuelle entre 1992 et 2000 (considérant 140 de la décision 2005/163) comprennent : i) les commissions d’agence et les frais d’acquisition, ii) les taxes portuaires et les dépenses de transit portuaire et autres dépenses liées à la circulation des navires, iii) les coûts d’exercice qui correspondent aux dépenses relatives au personnel naviguant, iv) les dépenses d’entretien des navires, v) les coûts d’amortissement, vi) les charges financières nettes, vii) les coûts relatifs au personnel administratif et aux frais généraux, viii) les autres coûts qui correspondent aux impôts et aux taxes, à l’exclusion de l’impôt sur les sociétés.

140    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission est tenue, en vertu de l’article 287 CE, de ne pas divulguer aux intéressés des informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel, telles que, notamment, des données relatives au fonctionnement interne de l’entreprise bénéficiaire (arrêt British Airways e.a./Commission, point 79 supra, point 63). Les secrets d’affaires ont été définis comme des informations dont non seulement la divulgation au public, mais également la simple transmission à un sujet de droit différent de celui qui a fourni l’information, peut gravement léser les intérêts de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 septembre 1996, Postbank/Commission, T‑353/94, Rec. p. II‑921, point 87). Il est nécessaire que les intérêts susceptibles d’être lésés par la divulgation de l’information soient objectivement dignes de protection. L’appréciation du caractère confidentiel d’une information nécessite ainsi une mise en balance des intérêts légitimes qui s’opposent à sa divulgation et de l’intérêt général, qui veut que les activités des institutions se déroulent dans le plus grand respect du principe d’ouverture (arrêts du Tribunal du 30 mai 2006, Bank Austria Creditanstalt/Commission, T‑198/03, Rec. p. II‑1429, point 71, et du 12 octobre 2007, Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, T‑474/04, Rec. p. II‑4225, point 65).

141    En l’espèce, les données en cause, ainsi que les documents dont elles sont tirées, qui correspondent aux comptes d’exploitation tels qu’analysés par une société d’audit, relèvent des secrets d’affaires de la société concernée. En effet, en communiquant de telles données, la Commission transmettrait aux concurrents de Caremar ses comptes de résultats sur plusieurs années, ce qui reviendrait à transmettre à ses concurrents son prix de revient sur les différentes lignes de transport et serait susceptible de léser les intérêts de cette société.

142    Dès lors, c’est à bon droit que la Commission a considéré que la divulgation de telles données correspondant aux éléments de coûts tirés des comptes d’exploitation de Caremar pourrait nuire à ses intérêts commerciaux et contreviendrait aux dispositions de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001.

143    Certes, comme le fait observer la requérante, les informations relatives à l’organisation et aux coûts des services publics ne sont normalement pas considérées comme constituant des informations confidentielles, comme cela ressort du considérant 17 de la communication sur le secret professionnel dans les décisions en matière d’aides d’État.

144    Toutefois, force est de constater qu’il est précisé au point 3.1 de ladite communication que de telles informations relatives à l’organisation et aux coûts des services publics peuvent relever des secrets d’affaires lorsque ces informations ont trait à une entreprise et possèdent une valeur économique réelle, ou potentielle, et leur divulgation ou leur utilisation pourrait présenter une valeur économique pour d’autres entreprises. Même si, comme le soulève la requérante, le respect du principe de transparence justifierait la publicité des éléments pris en considération pour le calcul d’une subvention publique dans une décision d’aide d’État, il y a lieu de relever qu’il ressort du système établi par les traités, notamment de l’article 1er UE, des articles 254 CE et 255 CE, ainsi que du principe d’ouverture et de l’impératif de transparence dans l’action des institutions qui y sont consacrés, que, en l’absence de dispositions ordonnant ou interdisant explicitement une publication, la faculté des institutions de rendre publics les actes qu’elles adoptent est la règle. Il existe toutefois des exceptions à cette règle dans la mesure où le droit communautaire, notamment par le biais des dispositions garantissant le respect du secret professionnel, s’oppose à une divulgation de ces actes ou de certaines informations qu’ils contiennent (voir, en ce sens, arrêt Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, point 140 supra, point 61).

145    Quant à l’arrêt Altmark, point 79 supra, sur lequel s’appuie la requérante pour considérer que les éléments de coûts liés aux obligations de service public doivent être rendus publics en vue d’être en mesure d’appliquer les critères définis par la Cour pour considérer qu’une compensation étatique représente la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, il n’est pas pertinent en l’espèce. En effet, dans cet arrêt, la Cour considère que les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente, mais ne précise pas que les éléments de coûts liés aux obligations de service public doivent être divulgués.

146    En troisième lieu, il convient de vérifier, comme le prétend la requérante, s’il n’existe pas un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents nonobstant l’atteinte qui en résulterait à la protection des intérêts commerciaux de Caremar.

147    Il y a lieu de rappeler que le règlement n° 1049/2001 prévoit que l’application des exceptions consacrées par son article 4, paragraphes 2 et 3, est écartée si la divulgation du document en cause est justifiée par un intérêt public supérieur. Dans ce contexte, il y a lieu de mettre en balance par l’institution, d’une part, l’intérêt spécifique devant être protégé par la non-divulgation du document concerné et, d’autre part, notamment, l’intérêt général à ce que ce document soit rendu accessible, eu égard aux avantages découlant, ainsi qu’il est précisé au considérant 2 du règlement n° 1049/2001, d’une transparence accrue, à savoir une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel ainsi qu’une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique (voir, en ce sens, arrêt Suède et Turco/Conseil, point 123 supra, point 45).

148    Par ailleurs, l’intérêt particulier que peut faire valoir un demandeur à l’accès à un document le concernant personnellement ne saurait être pris en compte en tant qu’intérêt public supérieur au sens des dispositions de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt Franchet et Byk/Commission, point 101 supra, point 137). Il s’ensuit que l’intérêt privé dont se prévaut la requérante, à savoir la défense de ses intérêts en vue de former un recours ne constitue pas un intérêt public supérieur au sens de la disposition susvisée.

149    Quant à l’argument de la requérante selon lequel les données demandées devraient être divulguées dans la mesure où elles concernent des subventions accordées à Caremar pour une période antérieure à 5 ans, il y a lieu de rappeler que, en vertu des dispositions combinées de l’article 44, paragraphe 1, sous c), et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, la requête introductive d’instance doit contenir, notamment, un exposé sommaire des moyens invoqués et que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable. En revanche, un moyen qui ne saurait être considéré comme fondé sur des éléments de droit ou de fait révélés pendant la procédure doit être déclaré irrecevable. En effet, dans ces circonstances, rien n’empêchait la partie requérante de soulever ce moyen au stade de la requête (voir, en ce sens, ordonnance du président de la troisième chambre de la Cour du 13 novembre 2001, Dürbeck/Commission, C‑430/00 P, Rec. p. I‑8547, points 17 à 19, et arrêt du Tribunal du 9 septembre 2008, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑75/06, Rec. p. II‑2081, point 136).

150    En l’espèce, la requérante, en alléguant, au stade de la réplique, que les données sont trop anciennes pour être considérées comme des données sensibles, a soulevé tardivement un nouvel argument aux fins de soutenir que lesdites données doivent lui être divulguées. Il ne saurait être retenu que ce grief se limite à une ampliation d’un moyen énoncé antérieurement et il est donc irrecevable.

151    Partant, il y a lieu de rejeter la seconde branche du premier moyen.

152    Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, le premier moyen doit être rejeté.

c)     Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de non-discrimination

 Arguments des parties

153     La requérante considère avoir fait l’objet d’une discrimination dans la mesure où la Commission a rendu publics, dans une décision antérieure en matière d’aide d’État, les coûts supplémentaires liés aux obligations de service public et le montant des aides correspondantes [décision 2001/156/CE de la Commission, du 19 juillet 2000, relative à une aide d’État mise à exécution par l’Espagne en faveur du secteur du transport maritime (nouveau contrat de services publics maritimes) (JO L 57, p. 32) (ci-après la « décision Trasmediterranea »)]. Elle fait observer que ladite décision rend publiques les données relatives aux obligations de service public, ligne par ligne, permettant ainsi aux entreprises concurrentes d’en vérifier le bien-fondé.

154    La Commission rétorque que la discrimination dénoncée par la requérante manque en fait, dans la mesure où, dans la décision Trasmediterranea, les résultats totaux de l’entreprise ont été occultés et que les éléments relatifs aux différents éléments de prix de revient n’ont pas été publiés.

155    En tout état de cause, la publication de données dans une décision dépendrait de la demande de traitement confidentiel des États membres et/ou des intéressés. Selon la Commission, une simple fluctuation de la pratique administrative n’entraînerait pas nécessairement l’illégalité d’une décision de publier ou de ne pas publier certaines données. Elle ajoute dans son mémoire en duplique que les cadres juridiques des deux décisions sont différents. Dans la décision Trasmediterranea, il aurait été nécessaire d’analyser les coûts des différentes lignes, puisque le Royaume d’Espagne liait l’attribution des aides à chacune des lignes maritimes alors que, en l’espèce, la République italienne aurait fondé le régime sur les coûts globaux pour chacun des opérateurs.

156    Caremar relève que l’approche relative à la confidentialité a été analogue dans la décision Trasmediterranea. Elle fait observer que, dans la décision Trasmediterranea, les données relatives à chacun des éléments de coûts ainsi que les résultats globaux de gestion de l’entreprise ont été occultés. N’aurait été rendue publique que l’estimation globale des coûts et des recettes qu’une entreprise chargée d’exécuter un contrat de service public enregistrait en haute et en basse saison.

 Appréciation du Tribunal

157    Selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement, qui constitue un principe fondamental de droit, interdit que des situations comparables soient traitées de manière différente ou que des situations différentes soient traitées de manière égale, à moins que de tels traitements ne soient objectivement justifiés (arrêts du Tribunal du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement, T‑222/99, T‑327/99 et T‑329/99, Rec. p. II‑2823, point 150, et du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, Rec. p. II‑3967, point 56).

158    En l’espèce, la requérante considère avoir fait l’objet d’une discrimination dans la mesure où, dans la décision Trasmediterranea, la Commission a rendu publiques les données relatives aux obligations de service public pour chacune des lignes maritimes.

159    À supposer même, comme le soutient en substance la requérante, que sa situation serait comparable à celle de toute personne qui souhaite prendre connaissance des données relatives aux surcoûts liés aux obligations de service public dans la décision Trasmediterranea, il convient de constater que, si, dans le cadre de la cette décision, la Commission a présenté de façon différente les surcoûts liés aux obligations de service public en distinguant, spécifiquement, en comparaison avec la décision 2005/163, les frais variables et les frais fixes des éléments de surcoûts liés aux obligations de service public, seul le total des coûts liés aux obligations de service public a été publié dans la décision Trasmediterranea et dans la décision 2005/163, et non le détail de chacun des coûts pris en considération pour le calcul de la compensation annuelle.

160    Eu égard à ce qui précède, il ne saurait donc être conclu que la requérante a fait l’objet d’un traitement discriminatoire.

161    Partant, le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de non-discrimination, doit être rejeté.

d)     Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

 Arguments des parties

162    La requérante fait observer que la Commission, dans la première décision attaquée, souligne l’exigence de la protection des données globales sans aborder le caractère ponctuel de la demande d’accès aux coûts supplémentaires liés aux obligations de service public pour la ligne Naples-Beverello/Capri. Selon la requérante, en généralisant sa demande, la Commission viole l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001, qui prévoit que, si une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions susvisées, les autres parties du document sont divulguées. En effet, il ne ressortirait pas de la première décision attaquée dans quelle mesure la divulgation des données partielles concernant la ligne Naples-Beverello/Capri pourrait porter atteinte aux intérêts commerciaux de Caremar.

163    La requérante soutient que la Commission, en renvoyant aux données globales qui ont été publiées dans la décision 2005/163, n’explique pas les motifs précis du refus d’accès partiel, conformément à l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001.

164    La Commission rétorque que les données demandées sont celles qui figurent dans les tableaux insérés dans les considérants 128 et 140 de la décision 2005/163, qui ne comprennent pas les coûts analytiques relatifs à la seule ligne Naples-Beverello/Capri.

165    Caremar, à l’instar de la Commission, soutient que le présent moyen n’est pas fondé, considérant qu’il ne pouvait y avoir en l’espèce un accès partiel aux données, conformément à l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001.

 Appréciation du Tribunal

166    Il convient de constater que la requérante reproche, à l’appui de ce moyen, à la Commission d’avoir omis une partie de sa demande, à savoir sa demande d’accès aux coûts supplémentaires liés aux obligations de service public pour la ligne Naples-Beverello/Capri. Il ne ressort pas dudit moyen de griefs particuliers quant à la violation par la Commission du principe de proportionnalité.

167    Les griefs de la requérante se rapportant à l’insuffisance de motivation de la première décision attaquée, il convient de se référer au moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation visé aux points 81 à 93 ci-dessus.

168    Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu d’accueillir partiellement le quatrième moyen, d’annuler partiellement la première décision attaquée, ainsi que précisé au point 93 ci-dessus, et de rejeter le recours dans l’affaire T‑109/05 pour le surplus.

B –  Quant au recours dans l’affaire T-444/05

169    Dans le cadre de son recours dans l’affaire T‑444/05, la requérante soulève six moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, le deuxième, d’une violation de l’obligation de motivation, le troisième, d’une violation de l’article 4, paragraphes 4 et 5, du règlement n° 1049/2001, le quatrième, d’un détournement de procédure et d’un détournement de pouvoir et, le cinquième, d’une violation du principe de non-discrimination et des droits de la défense. À titre subsidiaire, la requérante excipe, dans le cadre d’un sixième moyen, de l’illégalité de l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001.

170    Il convient tout d’abord d’examiner le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphes 4 et 5, du règlement n° 1049/2001.

1.     Arguments des parties

171    La requérante soutient que la Commission a commis trois erreurs en consultant les autorités italiennes en vertu de l’article 4, paragraphes 4 et 5, du règlement n° 1049/2001 et en se fondant sur le désaccord des autorités italiennes pour justifier un refus d’accès aux données demandées.

172    En premier lieu, la requérante estime que, en consultant les autorités italiennes, la Commission a méconnu les règles de publication des éléments de surcoûts liés aux obligations de service public, ne permettant pas l’identification, la qualification et la compatibilité de l’aide d’État. Pour ce qui est des surcoûts liés aux obligations de service public et qui sont compensés par les aides d’État, la publicité des données serait exigée, eu égard à l’exigence de transparence imposée par le régime des aides d’État, à la communication sur le secret professionnel dans les décisions en matière d’aides d’État et à l’arrêt Altmark, point 79 supra.

173    En deuxième lieu, soulignant que les dispositions de l’article 4, paragraphes 4 et 5, du règlement n° 1049/2001 permettent uniquement de consulter le tiers auteur du document en cause, la requérante soutient, que, en l’espèce, la Commission aurait dû consulter Caremar et non les autorités italiennes, puisque les documents demandés émanent de la première. La base juridique choisie serait donc erronée.

174    La requérante soutient également qu’une comparaison des différentes versions linguistiques de l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001, une analyse du régime prévu à l’article 9 dudit règlement ainsi que les termes de l’arrêt du Tribunal du 17 mars 2005, Scippacercola/Commission (T‑187/03, Rec. p. II‑1029), conduisent à la conclusion qu’il convient d’interpréter l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001 comme se référant à des documents dont l’État membre est l’auteur.

175    Selon elle, si l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001 devait être interprété en ce sens qu’un État membre dispose d’un droit de veto s’agissant de la divulgation d’un document émanant de cet État, les particuliers seraient automatiquement exclus du droit à accéder aux documents émanant de cet État.

176    En troisième lieu, la requérante soutient que la consultation des autorités italiennes est dénuée de pertinence, puisque les autorités italiennes et Caremar ont été dûment consultées dans le cadre de la procédure visée à l’article 25 du règlement n° 659/1999.

177    La Commission rétorque tout d’abord que les griefs de la requérante sont irrecevables et infondés. La demande des autorités italiennes de ne pas divulguer un document sur la base de l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001 revêtirait un caractère contraignant et ne serait contestable que devant une juridiction italienne, quand bien même elle constituerait la base d’un acte ultérieur.

178    Reprenant les trois griefs soulevés par la requérante, en premier lieu, la Commission soutient que les arguments tirés de prétendues exigences de transparence en matière d’aides d’État et de la communication sur le secret professionnel dans les décisions en matière d’aides d’État sont dénués de pertinence, puisque la seconde décision attaquée a été adoptée en vertu du règlement n° 1049/2001.

179    Tout d’abord, concernant sa pratique décisionnelle antérieure, la Commission rappelle que la publication de certaines données dans une décision peut dépendre du fait que l’État membre et/ou les intéressés ont demandé un traitement confidentiel ou, au contraire, ont autorisé la publication de certaines informations.

180    La Commission estime également que l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 1049/2001 relatif à la consultation des tiers en général n’est pas applicable en l’espèce, car les documents communiqués par les États membres relèvent de la lex specialis de l’article 4, paragraphe 5, dudit règlement.

181    En deuxième lieu, la Commission considère que l’article 4, paragraphe 5, dudit règlement fait référence non seulement aux documents dont les États membres sont les auteurs, mais également à tout document émanant de ces États.

182    Elle soutient également qu’il résulterait également du considérant 15 du règlement n° 1049/2001 et de la jurisprudence constante du Tribunal que la faculté reconnue aux États membres d’exercer leur veto à la divulgation de documents, conformément à l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001, se justifie par le fait que ce règlement n’a ni pour objet ni pour effet de modifier les législations nationales en matière d’accès aux documents.

183    À la suite d’une question écrite notifiée aux parties le 10 octobre 2008 les invitant à présenter leurs observations sur les conséquences à tirer de l’arrêt Suède/Commission, point 33 supra, la Commission a joint à sa réponse une lettre des autorités italiennes du 8 juillet 2005, de laquelle il ressort que ces dernières ont refusé de divulguer à la requérante les documents demandés au motif qu’une telle divulgation porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux de Caremar, conformément à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001. Selon la Commission, les autorités italiennes avaient par conséquent dûment motivé leur opposition sur la base d’une des exceptions prévues à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement n° 1049/2001. Elle a ajouté qu’un éventuel défaut de motivation n’aurait de toute façon aucune incidence, en l’espèce, sur la légalité de l’acte, puisque le refus motivé des autorités italiennes la liait et l’obligeait à rejeter la demande d’accès et que, en tout état de cause, il ne pourrait donner lieu qu’à l’intervention d’une nouvelle décision identique, quant au fond, à la seconde décision attaquée [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 3 décembre 2003, Audi/OHMI (TDI), T‑16/02, Rec. p. II‑5167, point 97, et du 13 décembre 2006, FNCBV/Commission, T‑217/03 et T‑245/03, Rec. p. II‑4987, point 263].

184    En troisième lieu, s’agissant du grief selon lequel la consultation des autorités italiennes serait privée d’objet dans la mesure où elles avaient déjà été consultées conformément à l’article 25 du règlement n° 659/1999, la Commission rétorque que c’est précisément parce que la République italienne s’était déjà opposée à la divulgation des données analytiques contenues dans les tableaux figurant aux considérants 128 et 140 de la version confidentielle de la décision 2005/163 qu’elle avait le devoir de consulter ledit État membre avant de statuer sur la demande d’accès à des données de nature analogue, en vertu du règlement n° 1049/2001.

185    La République italienne, le Conseil et Caremar soutiennent la Commission pour chacun de ses arguments. La République italienne et Caremar rappellent notamment que, dans l’arrêt du Tribunal du 30 novembre 2004, IFAW Internationaler Tierschutz-Fonds/Commission (T‑168/02, Rec. p. II‑4135), le Tribunal a clarifié la portée de l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001 en précisant que ladite disposition conférait à l’État membre la faculté de demander à une institution de ne pas divulguer de documents émanant de lui sans son accord préalable. Dès lors, contrairement à ce que soutiendrait la requérante, une demande de l’État membre, au titre de cette disposition, constituerait une injonction à l’institution de ne pas divulguer le document en question.

2.     Appréciation du Tribunal

186    Il convient tout d’abord d’examiner le deuxième grief de la requérante selon lequel l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001 se réfère aux documents dont l’État membre est l’auteur.

187    À cet égard, il y a lieu de préciser que le législateur a notamment, avec l’adoption du règlement n° 1049/2001, aboli la règle de l’auteur qui prévalait jusqu’alors. Ainsi qu’il ressort de la décision 93/731/CE du Conseil, du 20 décembre 1993, relative à l’accès du public aux documents du Conseil (JO L 340, p. 43), de la décision 94/90/CECA, CE, Euratom de la Commission, du 8 février 1994, relative à l’accès du public aux documents de la Commission (JO L 46, p. 58), et de la décision 97/632/CE, CECA, Euratom du Parlement européen, du 10 juillet 1997, relative à l’accès du public aux documents du Parlement européen (JO L 263, p. 27), une telle règle impliquait que, lorsqu’un document détenu par une institution a pour auteur une personne physique ou morale, un État membre, une autre institution ou un autre organe communautaire ou encore tout autre organisme national ou international, la demande d’accès au document devait être adressée directement à l’auteur de ce document (arrêt Suède/Commission, point 33 supra, point 56).

188    La Cour a précisé que, loin de ne viser que les documents dont les États membres sont les auteurs ou qui auraient été établis par ces derniers, l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001 concerne potentiellement tout document « émanant » d’un État membre, c’est-à-dire l’intégralité des documents, quel qu’en soit l’auteur, qu’un État membre transmet à une institution. En l’occurrence, le seul critère pertinent est celui de la provenance du document et du dessaisissement par l’État membre concerné d’un document qui était en sa possession (arrêt Suède/Commission, point 33 supra, point 61).

189    La requérante soutient également dans le cadre de ce grief que l’interprétation de la Commission selon laquelle l’État membre disposerait d’un droit de veto pour la divulgation d’un document émanant de ce dernier et transmis aux institutions reviendrait à priver tout particulier du droit d’accès aux documents émanant de cet État.

190    Il convient de rappeler que, dans la seconde décision attaquée, la Commission a refusé de communiquer à la requérante les documents concernant les surcoûts exposés annuellement par Caremar afin d’exécuter les obligations de service public qui lui ont été conférées sur la ligne Naples-Beverello/Capri, au motif que les autorités italiennes s’étaient explicitement opposées à la divulgation desdites données, conformément à l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001.

191    À cet égard, la Cour a considéré qu’interpréter l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001 comme investissant l’État membre d’un droit de veto général et inconditionnel à l’effet de s’opposer, de manière purement discrétionnaire et sans avoir à motiver sa décision, à la divulgation de tout document détenu par une institution du seul fait que ledit document émane de cet État n’est pas compatible avec les objectifs poursuivis par le règlement n° 1049/2001 (arrêt Suède/Commission, point 33 supra, point 58).

192    En revanche, divers éléments militent en faveur d’une interprétation dudit article 4, paragraphe 5, selon laquelle l’exercice du pouvoir dont cette disposition investit l’État membre concerné se trouve encadré par les exceptions matérielles qu’énumèrent les paragraphes 1 à 3 de ce même article, l’État membre se voyant à cet égard simplement reconnaître un pouvoir de participation à la décision communautaire. Dans cette perspective, l’accord préalable de l’État membre auquel se réfère ledit paragraphe 5 s’apparente ainsi non pas à un droit de veto discrétionnaire, mais à une forme d’avis conforme quant à l’absence de motifs d’exception tirés des paragraphes 1 à 3 (arrêt Suède/Commission, point 33 supra, point 76).

193    Quant aux implications procédurales de l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001 ainsi interprété, il convient de relever que, dès lors que la mise en œuvre de règles du droit communautaire est ainsi confiée conjointement à l’institution et à l’État membre qui a exercé la faculté ouverte par ce paragraphe 5 et que, partant, une telle mise en œuvre est tributaire du dialogue devant se nouer entre eux, ceux-ci sont tenus, conformément à l’obligation de coopération loyale énoncée à l’article 10 CE, d’agir et de coopérer de sorte que lesdites règles puissent recevoir une application effective (arrêt Suède/Commission, point 33 supra, point 85).

194    Il s’ensuit, tout d’abord, que l’institution saisie d’une demande d’accès à un document émanant d’un État membre et ce dernier doivent, dès lors que cette demande a été notifiée par cette institution audit État membre, entamer sans délai un dialogue loyal concernant l’application éventuelle des exceptions prévues à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement n° 1049/2001, en demeurant attentifs notamment à la nécessité de permettre à ladite institution de prendre position dans les délais dans lesquels les articles 7 et 8 de ce règlement lui font obligation de statuer sur cette demande d’accès (arrêt Suède/Commission, point 33 supra, point 86).

195    Ensuite, l’État membre concerné, qui, au terme de ce dialogue, serait opposé à la divulgation du document en cause, est tenu de motiver cette opposition au regard desdites exceptions. L’institution ne saurait en effet donner suite à l’opposition manifestée par un État membre à la divulgation d’un document qui émane de lui si cette opposition est dénuée de toute motivation ou si la motivation avancée n’est pas articulée par référence aux exceptions énumérées à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement n° 1049/2001. Lorsque, nonobstant l’invitation expresse en ce sens adressée par l’institution à l’État membre concerné, ce dernier demeure en défaut de lui fournir une telle motivation, ladite institution doit, si elle considère pour sa part qu’aucune desdites exceptions ne s’applique, donner accès au document sollicité (arrêt Suède/Commission, point 33 supra, points 87 et 88).

196    Enfin, ainsi qu’il ressort notamment des articles 7 et 8 dudit règlement, l’institution est elle-même tenue de motiver la décision de refus qu’elle oppose à l’auteur de la demande d’accès. Une telle obligation implique que l’institution fasse état, dans sa décision, non seulement de l’opposition manifestée par l’État membre concerné à la divulgation du document demandé, mais également des raisons invoquées par cet État membre aux fins de conclure à l’application de l’une des exceptions au droit d’accès prévues à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du même règlement. De telles indications sont en effet de nature à permettre au demandeur de comprendre l’origine et les raisons du refus qui lui est opposé et à la juridiction compétente d’exercer, le cas échéant, le contrôle qui lui est dévolu (arrêt Suède/Commission, point 33 supra, point 89).

197    En l’espèce, il ressort de la seconde décision attaquée que la Commission s’est limitée à refuser l’accès aux données demandées au motif que les autorités italiennes s’y étaient explicitement opposées, sans préciser davantage sur quelle exception de l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement n° 1049/2001 les autorités italiennes s’étaient fondées.

198    La Commission a soumis un courrier des autorités italiennes daté du 8 juillet 2005 répondant à une question écrite du Tribunal portant sur les conséquences à tirer de l’arrêt Suède/Commission, point 33 supra, à laquelle elle a répondu le 30 octobre 2008. Il ressort de la lettre des autorités italiennes que ces dernières ont refusé l’accès aux données demandées par la requérante, au motif que leur divulgation porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux de Caremar, conformément à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001.

199    En l’espèce, il n’appartient pas au Tribunal d’apprécier la légalité de la seconde décision attaquée en fonction d’une motivation complémentaire fournie par la Commission le 30 octobre 2008, à la suite de l’arrêt Suède/Commission, point 33 supra, après la clôture de la procédure écrite. En effet, la motivation d’une décision doit figurer dans le corps même de celle-ci et des explications postérieures fournies par la Commission ne sauraient, sauf circonstances exceptionnelles, être prises en compte. Il s’ensuit que la décision doit se suffire à elle-même et sa motivation ne saurait résulter des explications écrites ou orales données ultérieurement, alors que la décision en question fait déjà l’objet d’un recours devant le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, Rec. p. II‑2197, point 287).

200    Il ne saurait davantage être admis que l’éventuel défaut de motivation n’aurait de toute façon aucune incidence, en l’espèce, sur la légalité de l’acte, puisque le refus motivé des autorités italiennes liait la Commission et qu’il ne pourrait donner lieu qu’à l’intervention d’une nouvelle décision analogue sur le fond à la seconde décision attaquée.

201    En effet, la jurisprudence citée par la Commission (arrêts TDI, point 183 supra, point 97, et FNCBV/Commission, point 183 supra, point 263) n’est pas pertinente en l’espèce, puisque le défaut de motivation de la seconde décision attaquée ne saurait permettre au Tribunal de contrôler si le refus de la Commission de divulguer les documents émanant des autorités italiennes est fondé sur l’une des raisons invoquées par lesdites autorités italiennes aux fins de conclure à l’application de l’une des exceptions au droit d’accès prévues à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement n° 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt Suède/Commission, point 33 supra, point 89). Le fait que la Commission a l’intention de prendre une décision analogue quant au fond à la seconde décision attaquée du fait qu’elle est liée par le refus des autorités italiennes, conformément à l’arrêt Suède/Commission, ne saurait toutefois priver le Tribunal de l’examen de la légalité de la décision qui a fait l’objet du présent recours.

202    Par conséquent, il convient d’annuler la seconde décision attaquée en ce que la Commission n’y a pas fait état des raisons invoquées par les autorités italiennes aux fins de conclure à l’application de l’une des exceptions au droit d’accès prévues à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement n° 1049/2001, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres griefs soulevés dans le cadre du troisième moyen ni sur les cinq autres moyens soulevés par la requérante à l’appui de son recours.

 Sur les dépens

A –  Affaire T‑109/05

203    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En application du paragraphe 3, premier alinéa, de la même disposition, le Tribunal peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

204    En l’espèce, le recours dans l’affaire T‑109/05 ayant été partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la Commission supportera un tiers de ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par la requérante, cette dernière supportant deux tiers de ses propres dépens et deux tiers des dépens exposés par la Commission.

205    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante supportera ses propres dépens. Caremar, intervenue au soutien des conclusions de la Commission, supportera ses propres dépens.

B –  Affaire T‑444/05

206    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

207    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. La République italienne supportera donc ses propres dépens. Le Conseil et Caremar, conformément à l’article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision D (2005) 997 de la Commission, du 3 février 2005, est annulée pour autant qu’elle concerne le refus d’accès aux éléments détaillés des surcoûts supportés annuellement par Caremar SpA relatifs aux services de transport de passagers assurés sur la ligne Naples-Beverello/Capri tant par ferries que par unités rapides.

2)      Le recours dans l’affaire T‑109/05 est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission européenne supportera un tiers de ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par Navigazione Libera del Golfo Srl (NLG), cette dernière supportant deux tiers de ses dépens et deux tiers des dépens exposés par la Commission dans l’affaire T‑109/05.

4)      Caremar supportera ses propres dépens dans l’affaire T‑109/05.

5)      La décision D (2005) 9766 de la Commission, du 12 octobre 2005, est annulée.

6)      La Commission européenne est condamnée aux dépens dans l’affaire T‑444/05.

7)      La République italienne, le Conseil de l’Union européenne et Caremar supporteront chacun leurs propres dépens.

Czúcz

Labucka

O’Higgins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 mai 2011.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

Antécédents des litiges et procédure

Conclusions des parties

En droit

A –  Quant au recours dans l’affaire T‑109/05

1.  Sur l’objet du litige

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

2.  Sur la recevabilité

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

3.  Sur le fond

a)  Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

b)  Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001

Sur la première branche, tirée d’une erreur de droit dans le choix de la base juridique

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur la seconde branche, tirée d’une violation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

c)  Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de non-discrimination

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

d)  Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

B –  Quant au recours dans l’affaire T-444/05

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

Sur les dépens

A –  Affaire T‑109/05

B –  Affaire T‑444/05


* Langue de procédure : l’italien.

Haut