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Document 62004TJ0359

    Arrêt du Tribunal (cinquième chambre) du 9 septembre 2010.
    British Aggregates Association et autres contre Commission européenne.
    Aides d’État - Taxe environnementale sur les granulats au Royaume-Uni - Exemption pour l’Irlande du Nord - Décision de la Commission de ne pas soulever d’objections - Difficultés sérieuses - Encadrement communautaire des aides d’État pour la protection de l’environnement.
    Affaire T-359/04.

    Recueil de jurisprudence 2010 II-04227

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:T:2010:366

    Affaire T-359/04

    British Aggregates Association e.a.

    contre

    Commission européenne

    « Aides d’État — Taxe environnementale sur les granulats au Royaume-Uni — Exemption pour l’Irlande du Nord — Décision de la Commission de ne pas soulever d’objections — Difficultés sérieuses — Encadrement communautaire des aides d’État pour la protection de l’environnement »

    Sommaire de l'arrêt

    1.      Aides accordées par les États — Projets d'aides — Examen par la Commission — Phase préliminaire et phase contradictoire — Compatibilité d'une aide avec le marché commun — Difficultés d'appréciation — Obligation de la Commission d'ouvrir la procédure contradictoire — Notion — Difficultés sérieuses — Caractère objectif

    (Art. 88, § 2 et 3, CE)

    2.      Procédure — Requête introductive d'instance — Exigences de forme

    (Statut de la Cour de justice, art. 21; règlement de procédure du Tribunal, art. 44, § 1, c))

    3.      Procédure — Production de moyens nouveaux en cours d'instance — Conditions

    (Règlement de procédure du Tribunal, art. 48, § 2, al. 1)

    4.      Aides accordées par les États — Examen par la Commission — Compatibilité d'une aide avec le marché commun — Pouvoir d'appréciation — Respect de la cohérence entre les articles 87 CE et 88 CE et d'autres dispositions du traité visant l'objectif d'une concurrence non faussée dans le marché commun

    (Art. 87 CE et 88 CE)

    5.      Aides accordées par les États — Projets d'aides — Examen par la Commission — Phase préliminaire et phase contradictoire — Compatibilité d'une aide avec le marché commun — Difficultés d'appréciation — Obligation de la Commission d'ouvrir la procédure contradictoire — Régime d'exemption impliquant une éventuelle discrimination fiscale entre produits nationaux et importés — Caractère insuffisant et incomplet de l'examen — Indice de l'existence de difficultés sérieuses

    (Art. 23 CE, 25 CE, 88, § 2 et 3, CE et 90 CE)

    1.      La procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE revêt un caractère indispensable dès lors que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une aide est compatible avec le marché commun. En effet, la Commission ne peut s’en tenir à la phase préliminaire d’examen visée à l’article 88, paragraphe 3, CE pour prendre une décision favorable à une aide que si elle est en mesure d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que cette aide est compatible avec le marché commun. En revanche, si ce premier examen ne permet pas de surmonter toutes les difficultés soulevées par l’appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché commun, la Commission a le devoir de s’entourer de tous les avis nécessaires et d’ouvrir, à cet effet, la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.

    La notion de difficultés sérieuses revêt un caractère objectif. L’existence de telles difficultés doit être recherchée tant dans les circonstances de l’adoption de l’acte attaqué que dans son contenu, d’une manière objective, en mettant en rapport les motifs de la décision avec les éléments dont la Commission disposait lorsqu’elle s’est prononcée sur la compatibilité des aides litigieuses avec le marché commun. Il en découle que le contrôle de légalité effectué par le Tribunal sur l’existence de difficultés sérieuses, par nature, dépasse la recherche de l’erreur manifeste d’appréciation.

    Par ailleurs, si de telles difficultés existent, une décision de la Commission de ne pas soulever d'objections peut être annulée pour ce seul motif, en raison de l’omission de l’examen contradictoire et approfondi prévu par le traité, même s’il n’est pas établi que les appréciations portées sur le fond par la Commission étaient erronées en droit ou en fait.

    (cf. points 55-56, 58)

    2.      En vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même.

    (cf. point 81)

    3.      La production d’un moyen nouveau en cours d’instance est interdite, à moins que ce moyen ne se fonde sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, comme le prévoit l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal. En revanche, est recevable un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci.

    (cf. point 87)

    4.      Si la procédure prévue aux articles 87 CE et 88 CE laisse une marge d’appréciation à la Commission pour porter un jugement sur la compatibilité d’un régime d’aides d’État avec les exigences du marché commun, il résulte de l’économie générale du traité que cette procédure ne doit jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité. Cette obligation, pour la Commission, de respecter la cohérence entre les articles 87 CE et 88 CE et d’autres dispositions du traité s’impose tout particulièrement dans l’hypothèse où ces autres dispositions visent également l’objectif d’une concurrence non faussée dans le marché commun. En effet, en adoptant une décision sur la compatibilité d’une aide avec le marché commun, la Commission ne saurait ignorer le risque d’une atteinte à la concurrence dans le marché commun de la part d’opérateurs économiques particuliers.

    Dès lors, une aide d’État qui, par certaines de ses modalités, viole d’autres dispositions du traité ne peut être déclarée compatible avec le marché commun par la Commission. En outre, en déterminant si une aide est compatible avec le marché commun, celle-ci doit tenir compte des conditions du marché, y compris au niveau fiscal. Il en résulte que, selon le système du traité, une aide ne saurait être instituée ou autorisée sous forme de discrimination fiscale, de la part d’un État membre, à l’égard de produits originaires d’autres États membres.

    (cf. points 91-92)

    5.      Lorsque le premier examen d'une aide dans la phase préliminaire d’examen visée à l’article 88, paragraphe 3, CE ne permet pas de surmonter toutes les difficultés soulevées par l’appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché commun, la Commission a le devoir de s’entourer de tous les avis nécessaires et d’ouvrir, à cet effet, la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. Le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire constitue un indice de l’existence de difficultés sérieuses.

    C'est ainsi que, dans le cas d'un régime d’exemption d'une taxe environnementale constituant en lui-même une aide d'État, la discrimination fiscale entre produits nationaux et produits importés d'un autre État membre, contraire soit aux articles 23 CE et 25 CE soit à l'article 90 CE, qu'il est susceptible de créer, soulève une question relative à la cohérence entre lesdits articles et les articles 87 CE et 88 CE. Fournit un indice de l'existence de difficultés sérieuses, imposant l'ouverture de la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, le fait que la Commission n'examine pas ladite question dans sa décision de ne pas soulever d'objections au terme de la procédure préliminaire d'examen.

    (cf. points 55, 57, 90, 94-98, 102)







    DOCUMENT DE TRAVAIL

    ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

    9 septembre 2010 (*)

    « Aides d’État – Taxe environnementale sur les granulats au Royaume‑Uni – Exemption pour l’Irlande du Nord – Décision de la Commission de ne pas soulever d’objections – Difficultés sérieuses – Encadrement communautaire des aides d’État pour la protection de l’environnement »

    Dans l’affaire T‑359/04,

    British Aggregates Association, établie à Lanark (Royaume-Uni),

    Healy Bros. Ltd, établie à Middleton (Irlande),

    David K. Trotter & Sons Ltd, établie à Manorhamilton (Irlande),

    représentées par M. C. Pouncey, solicitor, et Me L. Van den Hende, avocat,

    parties requérantes,

    contre

    Commission européenne, représentée par MM. J. Flett et T. Scharf, en qualité d’agents,

    partie défenderesse,

    soutenue par

    Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté initialement par M. M. Bethell, puis par Mmes E. Jenkinson et I. Rao, et enfin par M. S. Ossowski, en qualité d’agents, assistés de Mme M. Hall et M. G. Facenna, barristers,

    partie intervenante,

    ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2004) 1614 final de la Commission, du 7 mai 2004, de ne pas soulever d’objections à l’encontre de la modification de l’exemption, en Irlande du Nord, du prélèvement sur les granulats au Royaume-Uni,

    LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

    composé de MM. M. Vilaras, président, M. Prek et V. M. Ciucă (rapporteur), juges,

    greffier : Mme C. Kantza, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 juin 2009,

    rend le présent

    Arrêt

     Faits à l’origine du litige

    1        La première requérante, la British Aggregates Association (ci-après la « BAA »), est une association regroupant de petites entreprises indépendantes exploitant des carrières au Royaume-Uni. Elle compte 55 membres, exploitant plus de 100 carrières. La plupart de ses membres exploitent des carrières en Grande‑Bretagne (à l’exception, par conséquent, de l’Irlande du Nord). En l’espèce, la BAA agit pour le compte de ses adhérents exploitant des carrières en Grande‑Bretagne.

    2        La deuxième requérante, Healy Bros. Ltd, et la troisième requérante, David K. Trotter & Sons Ltd (ci-après « DK Trotter »), sont des producteurs de granulats qui sont établis en Irlande.

    3        La présente affaire concerne l’exemption d’une taxe environnementale, accordée en Irlande du Nord, que la Commission des Communautés européennes a considérée, dans la décision C (2004) 1614 final, du 7 mai 2004, adressée au Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord (Aide N 2/04 – Prélèvement sur les granulats – Irlande du Nord) (ci-après la « décision attaquée »), comme une aide compatible avec le marché commun, conformément à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, au titre de la phase préliminaire d’examen. Une communication succincte de cette décision a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 2 avril 2005 (C 81, p.14). Selon la Commission, les conditions de l’encadrement communautaire des aides d’État pour la protection de l’environnement (JO 2001, C 37, p. 3, ci-après l’« encadrement ») ont été remplies.

     Régime général de l’AGL

    4        Le régime général de cette taxe environnementale, intitulé « [i]ntroduction par phases de la taxe sur les granulats en Irlande du Nord » (« Aggreates Levy », ci-après « AGL »), a été introduit au Royaume‑Uni par les articles 16 à 49 de la deuxième partie du Finance Act 2001 (loi de finances pour l’année 2001) et ses annexes 4 à 10.

    5        Les dispositions prévoyant la mise en place de l’AGL sont entrées en vigueur le 1er avril 2002, en application du règlement d’exécution du Finance Act 2001.

    6        Le Finance Act 2001 a été modifié par les articles 129 à 133 et l’annexe 38 du Finance Act 2002 (loi de finances pour l’année 2002). Les dispositions ainsi modifiées ajoutaient, notamment, une période transitoire pour l’introduction de la taxe en Irlande du Nord.

    7        L’AGL est appliquée à raison de 1,60 livre sterling (GBP) par tonne de granulats faisant l’objet d’une exploitation commerciale (article 16, paragraphe 4, de la loi de finances pour l’année 2001).

    8        L’article 16, paragraphe 2, du Finance Act 2001, telle que modifié, dispose que, à compter de la date d’entrée en vigueur de ladite loi, l’AGL est due dès qu’une quantité de granulats assujettis fait l’objet d’une exploitation commerciale au Royaume-Uni. Elle concerne donc tout autant les granulats importés que ceux extraits au Royaume-Uni.

    9        Par la décision C (2002) 1478 final, du 24 avril 2002 (Aide N 863/01 –Prélèvement sur les granulats) (ci-après la « décision de 2002 »), l’AGL a été approuvée par la Commission. Une communication succincte de cette décision a été publiée au Journal des Communautés européennes du 5 juin 2002 (C 133, p. 11).

    10      Dans la décision de 2002, la Commission avait décidé de ne pas soulever d’objections contre l’AGL, puisqu’elle était d’avis que le champ d’application de cette dernière se justifiait par la logique et la nature du régime fiscal en cause, et que l’AGL, en conséquence, échappait d’emblée à la qualification d’aide, au sens de l’article 87 CE.

    11      L’AGL est une écotaxe imposée sur les granulats, afin de réduire et de rationaliser l’extraction des minerais habituellement employés comme granulats, en favorisant leur substitution par des matériaux recyclés ou des matériaux vierges exonérés, contribuant ainsi à la protection de l’environnement.

    12      L’AGL s’applique à l’exploitation commerciale de roches de sables et de graviers utilisés en tant que granulats, mais ne frappe pas ces matériaux lorsqu’ils sont utilisés à d’autres fins. Toutefois, l’AGL n’est perçue que sur les granulats vierges. En revanche, elle n’est perçue ni sur les granulats extraits en tant que sous-produits ou déchets d’autres procédés, ni sur les granulats recyclés.

    13      En ce qui concerne l’Irlande du Nord, la loi de finances pour l’année 2001 prévoyait un régime dégressif d’exonération de l’AGL, étalé sur cinq ans. La première année prévoyait un taux de taxe payable de 0 % pour l’AGL. Le taux de taxe payable augmentait de 20 % par année pour finalement atteindre 100 % après cinq ans. Le coût de la mesure, à savoir la perte de recettes fiscales pour le Royaume‑Uni, était estimé à 45 millions de GBP pour ces cinq ans.

    14      Le Royaume‑Uni justifiait ce traitement spécial de l’Irlande du Nord par le souci de prévenir le risque temporaire de perte de compétitivité internationale des entreprises d’extraction et de traitement de granulats vierges d’Irlande du Nord, résultant de la situation spécifique de celle-ci au sein du Royaume‑Uni, en ce qu’elle partage une frontière terrestre avec un autre État membre. L’importation et l’exportation de granulats et de produits transformés vers et depuis l’Irlande du Nord sont donc plus aisées que pour d’autres régions du Royaume-Uni.

    15      En conséquence, la Commission, dans sa décision de 2002, a déclaré le régime dégressif d’exonération concernant l’Irlande du Nord compatible avec le marché commun et n’a pas ouvert la procédure formelle prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.

    16      La décision de 2002 a ensuite fait l’objet d’un recours en annulation partiel formé par la BAA devant le Tribunal (arrêt du Tribunal du 13 septembre 2006, British Aggregates/Commission, T‑210/02, Rec. p. II‑2789). Dans cette affaire, la BAA n’avait pas contesté la conclusion de la Commission affirmant que l’introduction progressive de l’AGL en Irlande du Nord était une aide compatible avec le marché commun, mais l’appréciation de la Commission selon laquelle l’AGL ne constituait pas une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

    17      Par l’arrêt du 13 septembre 2006, British Aggregates/Commission, point 16 supra, le Tribunal a rejeté le recours de la BAA. Dans son arrêt, le Tribunal a considéré que la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste dans l’appréciation du champ d’application de la taxe sur les granulats, et que dès lors, l’AGL ne constituait pas une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. La BAA a formé un pourvoi contre cet arrêt, en date du 27 novembre 2006.

    18      Par arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission (C‑487/06 P, Rec. p. I‑10505), la Cour a annulé l’arrêt du 13 septembre 2006, British Aggregates/Commission, point 16 supra, et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal.

     Modifications de l’AGL concernant l’exonération accordée pour l’Irlande du Nord

    19      Après avoir observé que, avec l’introduction progressive de l’AGL en Irlande du Nord, les objectifs poursuivis ne se concrétisaient pas comme prévu, le Royaume-Uni a décidé de remplacer l’exonération dégressive sur les granulats en Irlande du Nord par un nouveau régime d’exemption.

    20      Même après l’introduction progressive de l’AGL, il était constaté une augmentation des importations non déclarées de granulats en Irlande du Nord, en provenance d’Irlande, sur lesquelles l’AGL n’avait pas été acquittée, d’où l’existence d’un risque important de perte de compétitivité de l’industrie de granulats en Irlande du Nord. De plus, les avantages environnementaux attendus ne se concrétisaient pas comme prévu en Irlande du Nord. Cette situation était imputée à la disponibilité limitée, en Irlande du Nord, de matériaux recyclés et de substitution non soumis au prélèvement et à la quasi-inexistence d’infrastructures de collecte et de traitement de ces matériaux. Par conséquent, selon les autorités du Royaume-Uni, l’introduction progressive de l’AGL n’a pas laissé à l’industrie des produits transformés d’Irlande du Nord suffisamment de temps pour s’adapter à cette évolution, en passant à des matériaux recyclés ou de substitution.

    21      C’est pour ces raisons que le Royaume‑Uni a remplacé le régime d’exonération dégressive en Irlande du Nord par un nouveau régime d’exemption. En vertu de ce nouveau régime, afin d’atteindre de manière effective les objectifs environnementaux poursuivis, les opérateurs établis en Irlande du Nord ayant conclu un accord environnemental avec les autorités du Royaume‑Uni ne payent, entre le 1er avril 2004 et le 31 mars 2011, que 20 % de l’AGL et bénéficient, par conséquent, d’un taux d’exonération à l’AGL de 80 %. Toutefois, cette exonération est subordonnée à la condition que les entreprises qui entendent en bénéficier s’engagent formellement et respectent des accords négociés avec le gouvernement du Royaume‑Uni, les obligeant à participer à un programme de réalisations et d’améliorations d’ordre environnemental pendant la durée de l’exemption.

     Procédure devant la Commission

    22      Le 5 janvier 2004, le Royaume‑Uni a notifié à la Commission ce nouveau régime d’exemption.

    23      Par lettre du 9 février 2004, la BAA a déposé une plainte contre le nouveau régime d’exemption auprès de la Commission, dans laquelle elle lui demandait notamment d’ouvrir la procédure formelle d’examen.

    24      Le 12 février 2004, la Commission a adressé une demande de complément d’information à l’intervenante.

    25      Le Royaume‑Uni a répondu à cette demande par lettres des 11 mars et 2 avril 2004.

     Décision attaquée

    26      Le 7 mai 2004, la Commission a adopté la décision attaquée, dans laquelle le nouveau régime d’exemption a été considéré comme une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, mais compatible avec le marché commun conformément à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. La Commission a ainsi rejeté la plainte de la BAA, sans ouvrir la procédure formelle d’examen.

    27      Dans la décision attaquée, la Commission a d’abord indiqué que, quant au régime existant de prélèvement pour l’Irlande du Nord, elle avait constaté, dans la décision de 2002, que l’introduction différée de l’AGL en Irlande du Nord était compatible avec les dispositions du point E.3.2 de l’encadrement. À cet égard, il avait été estimé que l’AGL mettrait l’industrie d’Irlande du Nord dans une situation où elle risquait de perdre sa compétitivité sur le plan international, notamment par rapport aux producteurs de granulats d’Irlande.

    28      Sur le nouveau régime d’exemption, la Commission relève ensuite que les autorités du Royaume‑Uni ont exposé que, depuis son introduction progressive en 2002, l’AGL a placé l’industrie des granulats d’Irlande du Nord dans une position concurrentielle encore plus difficile que celle initialement prévue. Après ladite introduction, comme il est rappelé au point 20 ci-dessus, il a été constaté une augmentation des extractions illégales et des importations non déclarées de granulats en Irlande du Nord, en provenance d’Irlande, l’AGL n’étant, dans les deux cas, pas acquittée. En conséquence, les entreprises d’extraction qui acquittaient normalement l’AGL ont fait l’objet d’un dumping du fait de ces approvisionnements illégaux exempts de taxe, et ont perdu des ventes au profit des entreprises qui y procédaient.

    29      La Commission ajoute, dans la décision attaquée que, selon le Royaume-Uni, bien que l’AGL ait eu un effet positif appréciable en termes de protection de l’environnement en Grande‑Bretagne, l’AGL n’a pas eu les effets escomptés en Irlande du Nord, où les disponibilités en matériaux recyclés ou de substitution, exemptés de taxe, sont très limitées et localisées, et où les infrastructures pour collecter et traiter de tels matériaux sont quasi inexistantes. Selon les autorités du Royaume‑Uni, cela signifie que le régime d’exonération résultant de la loi de finances pour l’année 2001 n’a pas laissé aux fabricants de produits transformés d’Irlande du Nord suffisamment de temps pour s’adapter à l’introduction de l’AGL en se reportant sur des matériaux recyclés ou de substitution.

    30      La Commission indique que, pour atteindre effectivement les objectifs environnementaux poursuivis, le gouvernement du Royaume‑Uni a alors prévu, comme il en a été fait mention au point 21 ci-dessus, de subordonner l’exonération à la condition que les entreprises qui entendent en bénéficier s’engagent formellement et respectent des accords négociés avec ledit gouvernement, les obligeant à participer à un programme de réalisations et d’améliorations d’ordre environnemental pendant la durée de l’exemption.

    31      Afin d’accorder plus de temps à l’industrie des produits transformés (à savoir les entreprises qui exploitent commercialement les granulats vierges) pour s’adapter et parvenir aux effets environnementaux voulus, il est prévu de remplacer le régime existant d’exonération par un nouveau régime transitoire d’exemption de l’AGL, s’appliquant à tous les types de granulats et ne mettant à la charge des bénéficiaires que 20 % de l’AGL normalement dû. Ce nouveau régime a pris effet le 1er avril 2004 pour s’achever le 31 mars 2011 (à savoir neuf ans à compter du début du prélèvement, le 1er avril 2002).

    32      Après avoir constaté que l’exemption de l’AGL était accordée au moyen de ressources d’État, sous la forme d’une exonération de taxe, à des entreprises situées en Irlande du Nord, favorisant ces dernières en réduisant les coûts qu’elles auraient normalement dû supporter, la Commission conclut à l’existence d’une aide accordée par un État membre, avant d’examiner celle-ci au regard de l’encadrement.

    33      À cet égard, la Commission souligne, premièrement, que, dès lors que l’AGL a déjà été mise en œuvre dans l’ensemble du Royaume‑Uni (y compris en Irlande du Nord) depuis le mois d’avril 2002, l’AGL doit être considérée comme une taxe existante.

    34      Deuxièmement, elle fait observer que cette taxe est prélevée pour des raisons de protection de l’environnement et qu’elle vise à atteindre cet objectif en contribuant à diminuer l’extraction de granulats vierges et en encourageant l’utilisation de matériaux de substitution. Sur ce point, la Commission ajoute, comme il est indiqué au point 29 ci-dessus, que, selon des informations empiriques fournies par les autorités du Royaume‑Uni, si l’AGL n’a pas eu les effets escomptés en Irlande du Nord, elle a néanmoins eu un effet positif appréciable en termes de protection de l’environnement en Grande‑Bretagne. À cet égard, les autorités du Royaume‑Uni ont déclaré que le volume des matériaux vierges extraits en Grande-Bretagne avait considérablement diminué en 2002 (à savoir ‑ 5,7 % par rapport à la moyenne des années précédentes), que les coûts des granulats assujettis au prélèvement étaient considérablement plus élevés que ceux des granulats qui n’y étaient pas assujettis, ce qui indiquerait que les coûts environnementaux de l’approvisionnement en granulats sont répercutés sur les consommateurs (internalisant les effets négatifs sur l’environnement de l’extraction de granulats dans les coûts de production de ceux-ci) et que les ventes de matériaux recyclés et de substitution (tels que les déchets d’ardoise et le kaolin) avaient augmenté et de nouvelles usines de recyclage avaient été ouvertes.

    35      Troisièmement, la Commission fait observer que la décision de principe d’exempter de l’AGL certaines entreprises en Irlande du Nord avait déjà été prise lorsque cette taxe avait été introduite le 1er avril 2002.

    36      La Commission en conclut que les conditions prévues au point 51.2 de l’encadrement sont remplies.

    37      Concernant les conditions prévues au point 51.1 b), deuxième tiret, de l’encadrement, elle fait observer que la durée du régime est limitée à sept ans et que la réduction porte sur une taxe nationale prise en l’absence de taxe communautaire. La Commission considère ainsi que le taux de 20 %, que les entreprises bénéficiaires de l’exemption doivent néanmoins payer, constitue une partie significative de la taxe nationale.

    38      Partant, la Commission estime que les conditions posées par l’encadrement sont entièrement satisfaites. Elle considère en conséquence le régime d’exemption comme compatible avec le marché commun, conformément à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

    39      La Commission conclut donc à la compatibilité du régime modifié d’exemption de l’AGL pour l’Irlande du Nord avec les dispositions du traité CE, et décide de ne pas soulever d’objections.

     Procédure

    40      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 août 2004, les requérantes ont introduit le présent recours.

    41      Par acte enregistré au greffe du Tribunal le 5 janvier 2005, le Royaume‑Uni a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien de la Commission. Par ordonnance du 4 mars 2005, le président de la deuxième chambre du Tribunal a admis cette intervention. L’intervenante a déposé son mémoire et les autres parties ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

    42      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la cinquième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

    43      Avec la requête, les requérantes ont déposé une demande de mesures d’organisation de la procédure sur la base de l’article 64, paragraphe 4, et des articles 68 et 70 du règlement de procédure du Tribunal, visant à enjoindre à la Commission de produire la lettre contenant les « informations empiriques » fournies par le Royaume-Uni lors de la procédure d’examen, à laquelle il est fait référence dans le courrier du directeur général de la direction générale (DG) « Concurrence » de la Commission, en date du 20 juillet 2004, adressé au représentant légal de la BAA.

    44      Par ordonnance du 24 septembre 2008, le président de la cinquième chambre du Tribunal, les parties entendues, a suspendu la procédure dans la présente affaire, conformément à l’article 77, sous a), du règlement de procédure et à l’article 54, paragraphe 3, du statut de la Cour de justice, dans l’attente de la décision de la Cour dans l’affaire C‑487/06 P.

    45      Le 22 décembre 2008, la Cour a rendu l’arrêt British Aggregates/Commission, point 18 supra. La procédure a, par conséquent, repris son cours dans la présente affaire.

    46      Sur invitation du Tribunal, les parties ont déposé leurs observations sur l’incidence de l’arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, point 18 supra, sur le présent litige.

    47      Dans ses observations à ce sujet, la Commission a déclaré renoncer à la contestation de la recevabilité du présent recours.

    48      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 3 juin 2009.

    49      Les requérantes ont déclaré, lors de l’audience, renoncer à leur demande de mesures d’organisation de la procédure sur la base de l’article 64, paragraphe 4, et des articles 68 et 70 du règlement de procédure (voir point 43 ci-dessus).

    50      Lors de l’audience, l’intervenante a déclaré renoncer également, à la suite de l’arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, point 18 supra, à la contestation de la recevabilité du présent recours.

     Conclusions des parties

    51      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

    –        annuler la décision attaquée ;

    –        condamner la Commission aux dépens.

    52      La Commission, soutenue par l’intervenante, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    –        rejeter le recours comme non fondé ;

    –        condamner les requérantes aux dépens.

     En droit

     Remarques préliminaires

    53      À l’appui de leur recours, les requérantes invoquent trois moyens d’annulation. Le premier moyen est tiré de la violation des articles 23 CE et 25 CE ou de l’article 90 CE, et le deuxième moyen est tiré de la violation de l’encadrement et le troisième moyen est tiré de la violation des obligations procédurales de la Commission, notamment de la violation de l’article 88, paragraphe 2, CE. Dans le cadre du troisième moyen, les requérantes font également grief à la Commission d’avoir entaché la décision attaquée d’un défaut de motivation, et donc d’une violation de l’article 253 CE, ainsi que d’une violation des obligations lui incombant au cours de la phase préliminaire.

    54      Dans le cadre de leur moyen tiré de la violation de l’article 88, paragraphe 2, CE, les requérantes allèguent, en substance, que, en autorisant le régime d’aide en cause au terme du seul examen préliminaire, la Commission a violé l’article 88, paragraphe 2, CE et l’article 4, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), qui oblige l’institution à ouvrir la procédure formelle d’examen dès lors que la mesure notifiée soulève des difficultés sérieuses quant à sa compatibilité avec le marché commun. Or, les arguments et les éléments de preuve fournis par la BAA à l’appui de sa plainte auraient démontré l’existence de doutes sérieux concernant, d’une part, le fait que le nouveau régime d’exemption ne serait pas compatible avec le marché commun, et notamment les articles 23 CE et 25 CE ou 90 CE (premier moyen) et que, d’autre part, les conditions prévues par l’encadrement ne seraient pas remplies (deuxième moyen).

    55      Selon une jurisprudence constante, la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE revêt un caractère indispensable dès lors que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une aide est compatible avec le marché commun. La Commission ne peut donc s’en tenir à la phase préliminaire d’examen visée à l’article 88, paragraphe 3, CE pour prendre une décision favorable à une aide que si elle est en mesure d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que cette aide est compatible avec le marché commun. En revanche, si ce premier examen a conduit la Commission à acquérir la conviction contraire, ou même n’a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par l’appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché commun, la Commission a le devoir de s’entourer de tous les avis nécessaires et d’ouvrir, à cet effet, la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE (arrêts de la Cour du 20 mars 1984, Allemagne/Commission, 84/82, Rec. p. 1451, point 13 ; du 19 mai 1993, Cook/Commission, C‑198/91, Rec. p. I‑2487, point 29 ; du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, Rec. p. I‑3203, point 33, et du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, C‑431/07 P, Rec. p. I‑2665, point 61 ; voir, également, arrêt du Tribunal du 18 septembre 1995, SIDE/Commission, T‑49/93, Rec. p. II‑2501, point 58).

    56      La notion de difficultés sérieuses revêt un caractère objectif. L’existence de telles difficultés doit être recherchée tant dans les circonstances de l’adoption de l’acte attaqué que dans son contenu, d’une manière objective, en mettant en rapport les motifs de la décision avec les éléments dont la Commission disposait lorsqu’elle s’est prononcée sur la compatibilité des aides litigieuses avec le marché commun (arrêt Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, point 55 supra, point 63, et arrêt SIDE/Commission, point 55 supra, point 60). Il en découle que le contrôle de légalité effectué par le Tribunal sur l’existence de difficultés sérieuses, par nature, dépasse la recherche de l’erreur manifeste d’appréciation (voir, en ce sens, arrêts Cook/Commission, point 55 supra, points 31 à 38, et Matra/Commission, point 55 supra, points 34 à 39 ; arrêt du Tribunal du 15 mars 2001, Prayon-Rupel/Commission, T‑73/98, Rec. p. II‑867, point 47).

    57      Il ressort également de la jurisprudence que le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire constitue un indice de l’existence de difficultés sérieuses (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Cook/Commission, point 55 supra, point 37, et du 3 mai 2001, Portugal/Commission, C‑204/97, Rec. p. I‑3175, points 46 à 49 ; arrêt Prayon-Rupel/Commission, point 56 supra, point 108).

    58      La décision attaquée ayant été prise sans ouverture de la phase formelle d’examen, la Commission ne pouvait donc légalement l’adopter que si l’examen préliminaire ne révélait pas de difficultés sérieuses. En effet, si de telles difficultés existaient, ladite décision pourrait être annulée pour ce seul motif, en raison de l’omission de l’examen contradictoire et approfondi prévu par le traité CE, même s’il n’était pas établi que les appréciations portées sur le fond par la Commission étaient erronées en droit ou en fait.

    59      Il s’ensuit qu’il convient d’examiner l’ensemble des moyens articulés par les requérantes à l’encontre de la décision attaquée, afin d’apprécier le point de savoir s’ils permettent d’identifier des difficultés sérieuses en présence desquelles la Commission aurait été tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 13 janvier 2004, Thermenhotel Stoiser Franz e.a./Commission, T‑158/99, Rec. p. II‑1, point 91, et du 20 septembre 2007, Fachvereinigung Mineralfaserindustrie/Commission, T‑375/03, non publié au Recueil, points 67 et 77). À cet égard, il y a lieu d’examiner d’abord le premier moyen, tiré de la violation des articles 23 CE et 25 CE ou de l’article 90 CE.

     Sur le premier moyen, tiré de la violation des articles 23 CE et 25 CE ou de l’article 90 CE

     Arguments des parties

    60      Selon les requérantes, une conséquence du nouveau régime d’exemption de l’AGL est que les granulats importés d’Irlande sont taxés au taux plein de l’AGL (1,60 GBP par tonne), alors que des produits identiques fabriqués en Irlande du Nord ne le sont qu’à hauteur de 0,32 GBP par tonne, soit seulement 20 % du taux plein de l’AGL. Les producteurs établis en Irlande n’auraient, de plus, pas la possibilité de prendre, contrairement aux producteurs établis en Irlande du Nord, des engagements environnementaux afin de pouvoir bénéficier du régime d’exemption. Il en résulterait une discrimination fiscale qui enfreindrait les dispositions des articles 23 CE et 25 CE ou celle de l’article 90 CE, visant le même objectif, à savoir une concurrence non faussée dans le marché commun.

    61      Pour les requérantes, le fait que la Commission a approuvé le nouveau régime d’exemption est d’autant plus surprenant que la Commission a expressément constaté, dans la décision attaquée, que l’objectif de ce régime était de protéger la compétitivité de l’industrie d’Irlande du Nord vis-à-vis des producteurs d’Irlande, et ce malgré la jurisprudence de la Cour, selon laquelle la Commission ne peut déclarer compatible avec le marché commun une aide qui enfreint d’autres dispositions du traité CE, notamment si ces dispositions, comme en l’espèce, les articles 23 CE et 25 CE ou l’article 90 CE, visent également l’objectif d’une concurrence non faussée dans le marché. Par conséquent, il existerait des doutes sérieux quant à la compatibilité du nouveau régime d’exemption avec le marché commun.

    62      Dans la réplique, les requérantes précisent que les dispositions du traité CE interdisant les droits de douane, ainsi que toutes taxes d’effet équivalent à des droits de douane (articles 23 CE et 25 CE) et les impositions intérieures discriminatoires sur les échanges (article 90 CE) ne pourraient pas être appliquées cumulativement. Toutefois, ces dispositions seraient complémentaires dans la mesure où l’objectif de l’article 90 CE serait notamment d’éviter que l’interdiction des droits de douane et des taxes d’effet équivalent soit contournée au moyen d’impositions intérieures. Par conséquent, la définition précise de la ligne de démarcation entre les champs d’application des articles 23 CE et 25 CE, d’une part, et de l’article 90 CE, d’autre part, ne serait pas toujours claire. En tout état de cause, le caractère discriminatoire de l’AGL le ferait entrer, selon les critères mis en lumière par la jurisprudence de la Cour, dans le champ d’application de l’une de ces dispositions. Les requérantes ont précisé, lors de l’audience, qu’elles se prévalent, conformément à cette jurisprudence, dans le cadre de leur premier moyen, tout d’abord de la violation des articles 23 CE et 25 CE, et, ensuite, à titre subsidiaire, de la violation de l’article 90 CE.

    63      En ce qui concerne la violation des articles 23 CE et 25 CE, les requérantes soutiennent que lesdits articles interdisent toute charge pécuniaire sur les produits importés, sauf si ces charges relèvent d’un système général de redevances intérieures appréhendant systématiquement les produits nationaux et les produits importés selon les mêmes critères, ou constituent la rémunération d’un service effectivement rendu à l’importateur. Pour que la charge grevant un produit importé relève d’un système général d’impositions intérieures, la Cour aurait établi qu’elle doit frapper un produit intérieur et un produit importé identique du même impôt, au même stade de commercialisation et que le fait générateur de l’impôt doit, lui aussi, être identique pour les deux produits

    64      Or, en Irlande du Nord, l’AGL serait non seulement appliquée à des taux différents (0,32 GBP contre 1,60 GBP), mais également à des stades de commercialisation différents, et ne relèverait donc pas d’un système général d’impositions intérieures. Il en résulterait alors une discrimination, puisque les granulats importés, par leur nature, seraient toujours taxés en fonction d’un fait générateur différent de celui dont procèdent les granulats intérieurs. En effet, selon les requérantes, il ressortirait de la jurisprudence que les articles 23 CE et 25 CE sont violés lorsque des faits générateurs différents ont été appliqués aux produits intérieurs et aux produits importés, malgré le fait que la taxe frappant les produits importés est en réalité inférieure à celle frappant les produits intérieurs. Partant, l’AGL, en frappant d’une façon spécifique les produits importés, constituerait une taxe d’effet équivalent à des droits de douane.

    65      De plus, l’AGL constituerait une taxe d’effet équivalent à un droit de douane, parce qu’elle serait spécifiquement conçue pour frapper les produits importés, par opposition aux produits nationaux. Au sein du Royaume-Uni, l’AGL frapperait certains producteurs de granulats, qui ne seraient pas obligés de répercuter l’AGL sur les consommateurs, mais pourraient l’amortir totalement ou partiellement en tant que dépenses d’exploitation. Comme le Royaume-Uni n’aurait pas la possibilité de taxer les producteurs établis en dehors de son territoire, il taxerait alors les produits importés.

    66      Dans l’hypothèse où le Tribunal estimerait que l’application de l’AGL aux importations en Irlande du Nord « relève[rait] d’un système général d’impositions intérieures » et échapperait de ce fait à la qualification de taxe d’effet équivalent à des droits de douane, les requérantes soutiennent qu’elle viole l’article 90 CE.

    67      À cet égard, les requérantes font valoir que les producteurs établis en dehors d’Irlande du Nord n’ont pas la possibilité de conclure des accords environnementaux pour bénéficier du taux de 20 % de l’AGL. Dans la mesure où les produits en cause seraient identiques, cette différence de traitement serait contraire au premier alinéa de l’article 90 CE, en protégeant les producteurs d’Irlande du Nord de la concurrence.

    68      Cela ne serait pas conforme à la jurisprudence constante, selon laquelle les États membres seraient seulement autorisés à établir un système de taxation différencié pour certains produits, si cette différenciation était compatible avec le droit communautaire. Le régime d’aide en cause ne respecterait pas cette jurisprudence, car le critère servant à l’établissement de la taxe la plus faible ne s’appliquerait, par définition, qu’aux produits internes.

    69      La Commission estime, d’abord, que les requérantes ne définissent pas clairement la base de leur recours. Il ne serait pas aisé de déterminer si le recours est fondé sur une infraction aux articles 23 CE et 25 CE, ou à l’article 90 CE ou bien à toutes ces dispositions. Or, il ne suffirait pas d’affirmer que ces dispositions sont en cause en l’espèce, sans justifier comment chacune d’elles pourrait l’être.

    70      À cet égard, la Commission souligne notamment que les articles invoqués portent sur des matières différentes, les articles 23 CE et 25 CE ayant pour objet l’interdiction, entre les États membres, des droits de douane à l’importation et à l’exportation et de toutes taxes d’effet équivalent, et l’article 90 CE portant sur les discriminations fiscales au détriment des produits d’un autre État membre. Selon une jurisprudence constante, les dispositions relatives aux taxes d’effet équivalent et celles relatives aux impositions intérieures discriminatoires ne seraient pas applicables cumulativement, de sorte qu’une même imposition ne saurait appartenir simultanément à ces deux catégories. Comme il appartient aux requérantes de préciser les dispositions qu’elles estiment être violées, la Commission considère ainsi que ce type de moyen, vague et contradictoire, ne devrait pas pouvoir être développé au stade de la réplique, surtout pas avec des arguments aussi détaillés que ceux avancés par les requérantes. Pour cette seule raison, le moyen devrait être rejeté, en application de l’article 44 du règlement de procédure, comme étant irrecevable.

    71      Dans la duplique, la Commission fait encore valoir que l’argument des requérantes, selon lequel l’AGL serait une taxe d’effet équivalent à des droits de douane au sens de l’article 25 CE, est nouveau et, par conséquent, introduit en violation de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

    72      Dans l’éventualité où le Tribunal déciderait de ne pas rejeter le moyen comme irrecevable, la Commission souligne d’abord que les articles 23 CE et 25 CE ne semblent pas être en cause, étant donné que la décision attaquée ne concerne pas un droit de douane à l’importation de granulats en provenance d’Irlande. Pour la Commission, l’AGL n’est pas une charge pécuniaire frappant les produits importés, mais, en tant que taxe sur les granulats, une charge fiscale imposée à un secteur. Étant donné qu’en l’espèce les producteurs d’Irlande du Nord payent au moins 20 % de l’AGL, mais ne reçoivent rien en contrepartie, les faits ne correspondraient pas aux articles 23 CE ou 25 CE, ni à la jurisprudence invoquée par les requérantes.

    73      En ce qui concerne l’article 90 CE, la Commission est, ensuite, d’avis que l’accusation de discrimination portée par les requérantes n’est pas fondée. Elle souligne qu’il n’y a discrimination que lorsque des règles différentes sont appliquées à des situations comparables. Or, dans le cas d’espèce, il n’y aurait pas de discrimination, ni directe ni indirecte.

    74      Dans le contexte fiscal, cela signifierait qu’un avantage fiscal, qui est refusé à un non-résident, peut constituer une différence de traitement entre deux catégories de contribuables et donc une discrimination au sens du traité CE, dès lors qu’il n’existe aucune différence de situation objective de nature à fonder une différence de traitement sur ce point entre les deux catégories de contribuables. Or, en l’espèce, il y aurait des raisons objectives résidant dans la nature des produits en question, dans le caractère local de l’industrie en cause et dans la situation spécifique de l’Irlande du Nord.

    75      À titre subsidiaire, la Commission rappelle qu’une différenciation entre entreprises en matière de taxes peut être justifiée par la nature et l’économie générale du système en question. Étant donné que le régime d’exemption est spécialement conçu pour remédier aux difficultés de l’industrie des granulats en Irlande du Nord, il serait dans la nature même du système établi par le régime d’exemption que seules les entreprises situées en Irlande du Nord puissent prendre un engagement environnemental avec les autorités du Royaume-Uni.

    76      Par conséquent, la Commission est d’avis qu’elle n’a pas éprouvé de difficultés sérieuses, mais qu’elle se trouvait au contraire dans une situation où elle était capable, à la fin de la phase préliminaire, de conclure que l’aide notifiée était compatible avec le marché commun.

    77      L’intervenante se rallie aux observations de la Commission, considérant que le premier moyen n’est pas suffisamment précis et s’avère dénué de fondement. En l’espèce, il ne s’agirait ni d’un droit de douane ou d’une taxe d’effet équivalent, ni d’une imposition intérieure discriminatoire.

    78      L’intervenante ajoute que toutes les entreprises établies en Irlande du Nord ne bénéficient pas de l’exonération partielle de 80 %. Celle-ci ne serait applicable qu’aux entreprises souscrivant formellement aux accords, dont l’objet est de réaliser des améliorations liées à des objectifs environnementaux, et se conformant à de tels accords. En effet, le respect des accords environnementaux impliquerait des coûts de mise en œuvre élevés, lesquels seraient compensés par l’exonération, tandis que les opérateurs établis en dehors d’Irlande du Nord ne seraient pas tenus d’assumer de tels coûts.

    79      De plus, le système général de cotisations intérieures mis en œuvre au Royaume-Uni dans ce domaine s’appliquerait de la même manière aux produits nationaux et aux produits importés. Les entreprises établies en Irlande ne seraient dès lors pas traitées de manière différente par rapport aux entreprises établies au Royaume-Uni, qui ne doivent pas assumer les coûts liés aux améliorations environnementales et qui ne bénéficient pas d’une compensation par le biais d’une exonération partielle de l’AGL.

     Appréciation du Tribunal

    –       Sur la recevabilité du premier moyen

    80      La Commission ainsi que l’intervenante soutiennent, premièrement, que le premier moyen, en étant trop vague et contradictoire, devrait être rejeté comme irrecevable en vertu de l’article 44 du règlement de procédure. Le point de savoir sur quelle disposition les requérantes fondent leur recours ne serait pas clair.

    81      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, toute requête doit contenir l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnance du Tribunal du 25 juillet 2000, RJB Mining/Commission, T‑110/98, Rec. p. II‑2971, point 23 ; arrêt du Tribunal du 3 février 2005, Chiquita Brands e.a./Commission, T‑19/01, Rec. p. II‑315, point 64).

    82      Force est de constater que l’utilisation, dans la requête, du terme « ou », signifie manifestement que les requérantes font valoir, alternativement, la violation des dispositions des articles 23 CE et 25 CE, d’une part, et de l’article 90 CE, d’autre part.

    83      Ces indications, contenues dans la requête, étaient suffisamment claires et précises au sens de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, pour permettre à la Commission de préparer sa défense.

    84      Lors de l’audience, les requérantes ont précisé qu’elles entendaient soutenir, par leur premier moyen, tout d’abord la violation des articles 23 CE et 25 CE et, subsidiairement, celle de l’article 90 CE.

    85      Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer le premier moyen comme étant suffisamment clair et précis au sens de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

    86      Deuxièmement, la Commission fait valoir que l’argument des requérantes, selon lequel l’AGL serait une taxe d’effet équivalent à un droit de douane au sens de l’article 25 CE, a été présenté pour la première fois au stade de la réplique. Il serait ainsi nouveau et, par conséquent, introduit en violation de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

    87      Selon la jurisprudence, la production d’un moyen nouveau en cours d’instance est interdite, à moins que ce moyen ne se fonde sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, comme le prévoit l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure (ordonnance RJB Mining/Commission, point 81 supra, point 24). En revanche, un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci est recevable (voir arrêt du Tribunal du 9 mars 1999, Hubert/Commission, T‑212/97, RecFP p. I‑A‑41 et II‑185, point 87, et la jurisprudence citée, et ordonnance RJB Mining/Commission, point 81 supra, point 24).

    88      En l’occurrence, force est de constater que l’article 25 CE n’a pas été invoqué directement dans la requête. Il n’en demeure pas moins que les requérantes, dans la requête, ont fait valoir une violation de l’article 23 CE, dans la mesure où une discrimination fiscale découlerait du nouveau régime d’exemption. Or, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 23, paragraphe 1, CE, la Communauté est fondée sur une union douanière qui s’étend à l’ensemble des échanges de marchandises. Cette union comporte, d’une part, l’interdiction, entre les États membres, de tous droits de douane à l’importation et à l’exportation ainsi que de toutes charges d’effet équivalent à de tels droits et, d’autre part, l’adoption d’un tarif douanier commun pour les échanges entre les États membres et les pays tiers (arrêt de la Cour du 21 juin 2007, Commission/Italie, C‑173/05, Rec. p. I‑4917, point 27).

    89      Par conséquent, l’article 23 CE, interdisant les droits de douane, et l’article 25 CE, interdisant les taxes d’effet équivalent à des droits de douane, constituent, dans leur ensemble, des compléments nécessaires aboutissant à une interdiction globale (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 14 décembre 1962, Commission/Luxembourg et Belgique, 2/62 et 3/62, Rec. p. 813 ; Commission/Italie, point 88 supra, point 28, et la jurisprudence citée, et du 8 novembre 2007, Stadtgemeinde Frohnleiten et Gemeindebetriebe Frohnleiten, C‑221/06, Rec. p. I‑9643, point 27, et la jurisprudence citée). Dès lors, cet argument constitue une ampliation d’un moyen énoncé antérieurement et s’avère recevable en vertu de l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure.

    –       Sur le bien-fondé du premier moyen

    90      Il ressort de la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus que le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire constitue un indice de l’existence de difficultés sérieuses.

    91      Il est également de jurisprudence constante que, si la procédure prévue aux articles 87 CE et 88 CE laisse une marge d’appréciation à la Commission pour porter un jugement sur la compatibilité d’un régime d’aides d’État avec les exigences du marché commun, il résulte de l’économie générale du traité CE que cette procédure ne doit jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité CE (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 21 mai 1980, Commission/Italie, 73/79, Rec. p. 1533, point 11 ; du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, Rec. p. I‑6857, point 78, et arrêt du Tribunal du 31 janvier 2001, Weyl Beef Products e.a./Commission, T‑197/97 et T‑198/97, Rec. p. II‑303, point 75). Cette obligation pour la Commission, de respecter la cohérence entre les articles 87 CE et 88 CE et d’autres dispositions du traité CE, s’impose tout particulièrement dans l’hypothèse où ces autres dispositions visent également l’objectif d’une concurrence non faussée dans le marché commun, comme en l’espèce les articles 23 CE et 25 CE, d’une part, ou l’article 90 CE, d’autre part, lesquels cherchent à préserver la libre circulation des marchandises et la concurrence entre produits nationaux et produits importés. En effet, en adoptant une décision sur la compatibilité d’une aide avec le marché commun, la Commission ne saurait ignorer le risque d’une atteinte à la concurrence dans le marché commun de la part d’opérateurs économiques particuliers (arrêt Matra/Commission, point 55 supra, points 42 et 43).

    92      Dès lors, une aide d’État qui, par certaines de ses modalités, viole d’autres dispositions du traité CE ne peut être déclarée compatible avec le marché commun par la Commission (arrêt du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, point 91 supra, point 78, et arrêt Portugal/Commission, point 57 supra, point 41). En outre, en déterminant si une aide est compatible avec le marché commun, celle-ci doit tenir compte des conditions du marché, y compris au niveau fiscal (voir, en ce sens, arrêts du 21 mai 1980, Commission/Italie, point 91 supra, point 11, et Portugal/Commission, point 57 supra, point 42). Il en résulte que, selon le système du traité CE, une aide ne saurait être instituée ou autorisée sous forme de discrimination fiscale, de la part d’un État membre, à l’égard de produits originaires d’autres États membres (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 27 mai 1981, Essevi et Salengo, 142/80 et 143/80, Rec. p. 1413, point 28).

    93      Or, selon la jurisprudence de la Cour, la légitimité de certaines exonérations ou de certains allègements fiscaux, notamment lorsqu’ils ont pour but de permettre le maintien de productions ou d’entreprises qui, sans ces faveurs fiscales particulières, ne seraient plus rentables en raison de l’élévation des coûts de production, est soumise à la condition que les États membres qui font usage de ces possibilités en étendent le bénéfice, de manière non discriminatoire et non protectrice, aux produits importés se trouvant dans les mêmes conditions (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 27 février 1980, Commission/France, 168/78, Rec. p. 347, point 16 ; du 30 octobre 1980, Schneider-Import, 26/80, Rec. p. 3469, point 9, et du 18 avril 1991, Commission/Grèce, C‑230/89, Rec. p. I‑1909, point 12).

    94      Les requérantes soutiennent, en substance, que les effets du nouveau régime d’exemption à l’AGL pour l’Irlande du Nord, tel qu’approuvé par la Commission dans la décision attaquée, engendrent une discrimination fiscale qui enfreint les articles 23 CE et 25 CE ou l’article 90 CE, ce qui serait constitutif de difficultés sérieuses.

    95      Il appartient, par suite, au Tribunal d’examiner si la prétendue discrimination fiscale constitue un indice de l’existence de difficultés sérieuses en vérifiant si la Commission, dans le cadre de l’appréciation de la compatibilité du régime d’aide en cause, était tenue d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, pour examiner la cohérence entre les articles 87 CE et 88 CE avec soit les articles 23 CE et 25 CE, soit l’article 90 CE.

    96      À cet égard, il y a lieu d’observer, d’abord, ce que ne contestent d’ailleurs pas les parties, que le nouveau régime d’exemption à l’AGL, approuvé par la décision attaquée, constitue, en tant qu’exonération à une taxe, une aide d’État au sens de l’article 87 CE.

    97      Il convient de constater, en outre, que, dans la décision attaquée, la Commission a, sur cette base, examiné l’exonération de l’AGL au regard de l’encadrement. Dans ce contexte, la Commission a considéré que l’AGL constituait une taxe existante et que les conditions, décrites au point 51.2 de l’encadrement, pour l’applicabilité à une telle taxe des dispositions visées au point 51.1 de l’encadrement, étaient réunies. La Commission a, ensuite, considéré que les conditions prévues par l’encadrement, notamment celle relative au paiement d’une part significative de la taxe par les bénéficiaires de l’exonération, étaient remplies. La Commission en a conclu à la compatibilité avec le marché commun de l’exonération de l’AGL, conformément à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

    98      Il y a lieu de relever, enfin, ce qui est, au demeurant, tout aussi constant, que la question de la prétendue discrimination fiscale résultant de la supposée violation des articles 23 CE et 25 CE ou de l’article 90 CE n’a pas été abordée dans la décision attaquée, qui ne se réfère pas à l’application de l’une ou de l’autre de ces dispositions.

    99      Pourtant, il n’est pas contestable que le nouveau régime d’exemption introduit en Irlande du Nord, et approuvé par la décision attaquée, a pour conséquence que les granulats vierges extraits en Irlande du Nord par des producteurs ayant conclu un accord environnemental sont taxés à 20 % du taux de l’AGL (0,32 GBP par tonne), tandis que les produits identiques importés d’Irlande sont taxés au taux plein de l’AGL (1,60 GBP par tonne). Partant, il résulte de l’ensemble du régime général de l’AGL, ainsi que du régime d’exemption pour l’Irlande du Nord validé par la décision attaquée, que des produits identiques sont frappés d’une manière différente.

    100    Il convient également d’observer que les producteurs de granulats établis en Irlande ne peuvent, selon la législation du Royaume-Uni, souscrire un accord environnemental, ainsi que l’ont spécifié la Commission et le Royaume-Uni lors de l’audience. Les producteurs de granulats d’Irlande n’ont pas d’autres possibilités de bénéficier du régime d’exonération à l’AGL, en démontrant, par exemple, que leurs activités seraient conformes aux accords environnementaux, auxquels les producteurs de granulats en Irlande du Nord peuvent souscrire.

    101    Par ailleurs, il importe de souligner que, dans sa plainte, la BAA avait soutenu que le régime d’aide en cause ne visait que la sauvegarde de la compétitivité des producteurs de granulats en Irlande du Nord. La BAA avait également souligné que le nouveau régime d’exemption était susceptible de fausser et d’affecter les échanges entre États membres de manière significative et qu’il ne pouvait en aucune façon être compatible avec le marché commun en vertu de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

    102    Au vu de ce qui précède, il convient de relever que la Commission, faute d’avoir examiné, dans la décision attaquée, la question d’une éventuelle discrimination fiscale entre les produits nationaux en cause et les produits importés d’Irlande, n’était pas fondée à adopter légalement, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999, la décision de ne pas soulever d’objections à l’égard de l’exemption de l’AGL notifiée par les autorités du Royaume-Uni.

    103    Il convient, dans ces conditions, d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des requérantes.

     Sur les dépens

    104    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par les requérantes, conformément aux conclusions de ces dernières.

    105    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Dès lors, le Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord supportera ses propres dépens.

    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

    déclare et arrête :

    1)      La décision C (2004) 1614 final de la Commission, du 7 mai 2004, de ne pas soulever d’objections à l’encontre de la modification de l’exemption, en Irlande du Nord, du prélèvement sur les granulats au Royaume-Uni est annulée.

    2)      La Commission supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par British Aggregates Association, Healy Bros. Ltd et David K. Trotter & Sons Ltd.

    3)      Le Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord supportera ses propres dépens.

    Vilaras

    Prek

    Ciucă

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 septembre 2010.

    Signatures


    * Langue de procédure : l’anglais.

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