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Document 62002TJ0137

    Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre élargie) du 14 octobre 2004.
    Pollmeier Malchow GmbH & Co. KG contre Commission des Communautés européennes.
    Aides d'État - Recours en annulation - Recommandation 96/280/CE - Notion de petites et moyennes entreprises (PME).
    Affaire T-137/02.

    Recueil de jurisprudence 2004 II-03541

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:T:2004:304

    Arrêt du Tribunal

    Affaire T-137/02


    Pollmeier Malchow GmbH & Co. KG
    contre
    Commission des Communautés européennes


    « Aides d'État – Recours en annulation – Recommandation 96/280/CE – Notion de petites et moyennes entreprises (PME) »

    Arrêt du Tribunal (quatrième chambre élargie) du 14 octobre 2004
        

    Sommaire de l'arrêt

    1.
    Aides accordées par les États – Interdiction – Dérogations – Aides pouvant être considérées comme compatibles avec le marché commun – Pouvoir d’appréciation de la Commission – Contrôle juridictionnel – Limites

    (Art. 87, § 3, CE et 88 CE)

    2.
    Aides accordées par les États – Interdiction – Dérogations – Communication de la Commission relative à l’encadrement des aides d’État aux petites et moyennes entreprises – Définition de la notion de « petites et moyennes entreprises » – Interprétation du critère de l’indépendance

    (Recommandation de la Commission 96/280 concernant la définition des petites et moyennes entreprises ; communication de la Commission relative à l’encadrement communautaire des aides d’État aux petites et moyennes entreprises)

    1.
    Lorsque des personnes physiques ou morales juridiquement distinctes constituent une unité économique, il y a lieu de les traiter comme une seule entreprise au regard de l’application des règles de concurrence communautaires.

    Dans le domaine des aides d’État, la question de savoir s’il existe une unité économique se pose notamment lorsqu’il s’agit d’identifier le bénéficiaire d’une aide. À cet égard, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer si des sociétés faisant partie d’un groupe doivent être considérées comme une unité économique ou bien comme juridiquement et financièrement autonomes aux fins de l’application du régime des aides d’État. Ce pouvoir d’appréciation de la Commission implique la prise en considération et l’appréciation de faits et de circonstances économiques complexes. Le juge communautaire ne pouvant substituer son appréciation des faits, notamment sur le plan économique, à celle de l’auteur de la décision, le contrôle du Tribunal doit, à cet égard, se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir. De plus, il résulte des termes mêmes de l’article 87, paragraphe 3, CE et de l’article 88 CE que la Commission « peut » considérer comme compatibles avec le marché commun les aides visées par la première de ces deux dispositions. Dès lors, même s’il incombe toujours à la Commission de se prononcer sur la compatibilité avec le marché commun des aides d’État sur lesquelles elle exerce son contrôle, alors même que celles-ci ne lui ont pas été notifiées, la Commission n’est pas tenue de déclarer de telles aides compatibles avec le marché commun.

    (cf. points 50-53)

    2.
    La Commission est tenue par les encadrements et les communications qu’elle adopte en matière de contrôle des aides d’État, dans la mesure où ils ne s’écartent pas des normes du traité et où ils sont acceptés par les États membres.

    À cet égard, il résulte du point 1.2 de la communication de la Commission relative à l’encadrement communautaire des aides d’État aux petites et moyennes entreprises (PME), publiée en 1996, que l’approche favorable de la Commission en ce qui concerne ces aides est justifiée par les imperfections du marché qui font que ces entreprises doivent faire face à un certain nombre de handicaps et qui limitent ainsi un développement socialement et économiquement souhaitable de celles-ci, et du point 3.2 de ladite communication que, afin d’être qualifiée de PME au sens de cet encadrement, une entreprise doit remplir trois critères, à savoir celui du nombre de personnes employées, le critère financier et celui de l’indépendance. S’agissant de ce dernier critère, l’article 1er, paragraphe 3, de l’annexe de la recommandation de la Commission 96/280 concernant la définition des PME prévoit que sont considérées comme indépendantes les entreprises qui ne sont pas détenues à hauteur de 25 % ou plus du capital ou des droits de vote par une entreprise ou conjointement par plusieurs entreprises ne correspondant pas à la définition de la PME. L’article 1er, paragraphe 4, de la même annexe prévoit également que, pour le calcul des seuils mentionnés au paragraphe 1, il convient d’additionner les données de l’entreprise bénéficiaire et de toutes les entreprises dont elle détient directement ou indirectement 25 % ou plus du capital ou des droits de vote.

    Or, le dispositif d’un acte est indissociable de sa motivation, en sorte qu’il doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption.

    En l’occurrence, il ressort notamment des dix-huitième, dix-neuvième et vingt-deuxième considérants de ladite recommandation, ainsi que du point 3.2 de la communication relative à l’encadrement PME, que l’objectif du critère de l’indépendance est d’assurer que les mesures destinées aux PME profitent véritablement aux entreprises pour lesquelles la taille constitue un handicap et non à celles qui appartiennent à un grand groupe et qui ont donc accès aux moyens et aux soutiens dont ne disposent pas leurs concurrentes de taille équivalente mais n’appartenant pas à un grand groupe. Il en ressort également que, afin de ne retenir que les entreprises qui constituent effectivement des PME indépendantes, il y a lieu d’éliminer les constructions juridiques de PME qui forment un groupe économique dont la puissance dépasse celle d’une telle entreprise et qu’il convient de veiller à ce que la définition des PME ne soit pas contournée pour des motifs purement formels.

    Il convient donc d’interpréter les paragraphes 3 et 4 de l’article 1er de l’annexe de la recommandation 96/280 à la lumière de cet objectif, de sorte que les données d’une entreprise, même détenue à moins de 25 % par une autre entreprise, doivent être prises en considération pour le calcul des seuils mentionnés au paragraphe 1 du même article lorsque ces entreprises, bien qu’elles soient formellement distinctes, constituent une unité économique.

    (cf. points 54, 56-63)




    ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)
    14 octobre 2004(1)

    « Aides d'État – Recours en annulation – Recommandation 96/280/CE – Notion de petites et moyennes entreprises (PME) »

    Dans l'affaire T-137/02,

    Pollmeier Malchow GmbH & Co. KG, établie à Malchow (Allemagne), représentée par Mes S. Völcker et J. Heithecker, avocats,

    partie requérante,

    contre

    Commission des Communautés européennes, représentée par MM. V. Kreuschitz et V. Di Bucci, en qualité d'agents, assistés de Me M. Núñez-Müller, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie défenderesse,

    ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 2002/821/CE de la Commission, du 15 janvier 2002, relative à l'aide d'État accordée par la République fédérale d'Allemagne en faveur de Pollmeier GmbH, Malchow (JO L 296, p. 20),



    LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
    DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre élargie),



    composé de M. H. Legal, président, Mme V. Tiili, MM. A. W. H. Meij, M. Vilaras et N. J. Forwood, juges,

    greffier : Mme D. Christensen, administrateur,

    rend le présent



    Arrêt




    Cadre juridique

    1
    Les dix-huitième et dix-neuvième considérants de la recommandation 96/280/CE de la Commission, du 3 avril 1996, concernant la définition des petites et moyennes entreprises (PME) (JO L 107, p. 4), sont rédigés comme suit :

    « considérant que l’indépendance reste également un critère fondamental dans la mesure où une PME qui appartient à un grand groupe dispose de moyens et de soutiens que n’ont pas leurs concurrentes de taille équivalente ; qu’il convient également d’éliminer les constructions juridiques de PME qui forment un groupe dont la puissance économique dépasse en fait celle d’une PME ;

    considérant que, pour ce qui est du critère d’indépendance, les États membres, la [Banque européenne d’investissement] et le [Fonds européen d’investissement] devraient s’assurer que la définition n’est pas contournée par les entreprises qui, tout en respectant formellement ce critère, sont en réalité contrôlées par une grande entreprise ou conjointement par plusieurs grandes entreprises. »

    2
    Aux termes du vingt-deuxième considérant de la recommandation 96/280, « [...] il y a lieu de fixer des seuils assez stricts pour définir les PME afin que les mesures qui leur sont destinées profitent véritablement aux entreprises pour lesquelles la taille constitue un handicap ».

    3
    L’article 1er de l’annexe à la même recommandation, intitulée « Définition des petites et moyennes entreprises adoptée par la Commission », prévoit les critères suivants (ci-après les « critères de définition des PME ») :

    « 1. Les [PME] sont définies comme des entreprises :

    employant moins de 250 personnes

    et dont :

    soit le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 40 millions d’[euros],

    soit le total du bilan annuel n’excède pas 27 millions d’[euros],

    et qui respectent le critère de l’indépendance, tel qu’il est défini au paragraphe 3.

    [...]

    3. Sont considérées comme indépendantes les entreprises qui ne sont pas détenues à hauteur de 25 % ou plus du capital ou des droits de vote par une entreprise ou conjointement par plusieurs entreprises ne correspondant pas à la définition de la PME […]

    4. Pour le calcul des seuils mentionnés [au paragraphe 1], il convient d’additionner les données de l’entreprise bénéficiaire et de toutes les entreprises dont elle détient directement ou indirectement 25 % ou plus du capital ou des droits de vote.

    […]

    6. Lorsqu’une entreprise, à la date de clôture du bilan, vient de dépasser, dans un sens ou dans un autre, les seuils de l’effectif ou les seuils financiers énoncés, cette circonstance ne lui fait acquérir ou perdre la qualité de ‘PME’, […] que si elle se reproduit pendant deux exercices consécutifs.

    […]

    8. Les seuils retenus pour le chiffre d’affaires ou le total de bilan sont ceux afférents au dernier exercice clôturé de douze mois. Dans le cas d’une entreprise nouvellement créée et dont les comptes n’ont pas encore été clôturés, les seuils à considérer font l’objet d’une estimation de bonne foi en cours d’exercice. »

    4
    Le point 3.2 de la communication 96/C 213/04 de la Commission, relative à l’encadrement communautaire des aides d’État aux PME (JO 1996, C 213, p. 4, ci-après l’« encadrement PME »), intitulé « Définition des petites et moyennes entreprises », énonce à ses premier et quatrième alinéas :

    « Pour l’application du présent encadrement, les [PME] sont définies conformément à la recommandation [96/280]

    [...]

    Les trois critères (effectifs, chiffre d’affaires ou bilan, indépendance) sont cumulatifs, c’est-à-dire que tous trois doivent être satisfaits. Le critère d’indépendance, selon lequel une grande entreprise ne peut détenir 25 % ou plus du capital de la [PME], a été inspiré de la pratique de nombreux États membres, où ce pourcentage est considéré comme le seuil à partir duquel le contrôle est possible. Afin de ne retenir que les entreprises qui constituent effectivement des [PME] indépendantes, il y a lieu d’éliminer les constructions juridiques de [PME] qui forment un groupe économique dont la puissance dépasse celle d’une [PME]. Pour le calcul des seuils d’effectif et financiers, il convient donc d’additionner les données de l’entreprise bénéficiaire et de toutes les entreprises dont elle détient directement ou indirectement 25 % ou plus du capital ou des droits de vote. »

    5
    La loi relative à la tâche d’intérêt commun (Gemeinschaftsaufgabe) « Amélioration des structures économiques régionales » institue le principal régime d’aides à finalité régionale en Allemagne. Le vingt-septième plan-cadre adopté en application de cette loi pour la période 1996/1999 (ci-après le « 27e plan-cadre ») a été approuvé par la Commission le 12 juin 1999 (JO C 166, p. 9). Conformément au 27e plan-cadre, en ce qui concerne les investissements effectués dans le Land de Mecklembourg-Poméranie-Antérieure, des aides peuvent être accordées à concurrence de 50 % du montant brut des investissements admissibles au bénéfice de l’aide (ci-après les « coûts d’investissement bruts admissibles ») dans le cas de PME et de 35 % dans le cas de grandes entreprises.

    6
    Il ressort des décisions de la Commission d’ouvrir la procédure prévue à l’article 93, paragraphe 2, du traité CE, devenu l’article 88, paragraphe 2, CE, en ce qui concerne, respectivement, le 27e plan-cadre (JO 1999, C 80, p. 3) et le 26e plan-cadre (JO 1997, C 341, p. 4), que ces deux régimes adoptent la définition des PME prévue par l’encadrement PME.


    Faits à l’origine du litige

    7
    Le 27 mai 1998, la requérante, alors dénommée Pollmeier GmbH, Malchow, a déposé une demande d’aide à l’investissement. Par décision du 2 septembre 1998, modifiée le 12 mai 1999, le ministère de l’Économie du Land de Mecklembourg-Poméranie-Antérieure a accordé à la requérante une aide à l’investissement, en application du 27e plan-cadre, en vue de la construction d’une scierie à Malchow. Cette scierie devait être implantée dans une région assistée en vertu de l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE. L’aide, limitée à 16 384 600 marks allemands (DEM) (8 377 313 euros), représentait 30,23 % des coûts d’investissement bruts admissibles, qui atteignaient un montant de 54,2 millions de DEM (27,7 millions d’euros).

    8
    Par ailleurs, une prime complémentaire à l’investissement a été accordée pour un montant de 9,3 millions de DEM (4,75 millions d’euros), correspondant à 17,15 % des coûts d’investissement bruts admissibles. En outre, le 27 janvier 1999, la requérante a obtenu au titre des fonds du programme de reconstruction européenne un crédit de 5 millions de DEM (2,55 millions d’euros) au taux d’intérêt de 3,75 % par an. L’avantage constitué par ce taux réduit correspondait à 0,80 % des coûts d’investissement bruts admissibles. Au total, les mesures d’aide susvisées représentaient 48,18 % des coûts d’investissement bruts admissibles.

    9
    Ayant été saisie de plusieurs plaintes concernant les aides accordées à la requérante, la défenderesse a, par lettre du 17 avril 2000, mis la République fédérale d’Allemagne en demeure de lui fournir toutes les informations nécessaires pour lui permettre de déterminer si ces aides relevaient d’un régime précédemment autorisé.

    10
    Par courriers reçus par la défenderesse les 22 mai, 16 juin et 9 août 2000, la République fédérale d’Allemagne a répondu à cette mise en demeure.

    11
    Par lettre du 13 mars 2001, la défenderesse a, simultanément, communiqué au gouvernement allemand sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE et lui a fait injonction de fournir des informations en application de l’article 10, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] CE (JO L 83, p. 1). Les parties intéressées ont été informées de l’ouverture de cette procédure et invitées, par la publication de la lettre susvisée au Journal officiel des Communautés européennes du 9 juin 2001 (JO C 166, p. 5), à faire valoir leurs observations éventuelles.

    12
    Par lettre du 15 mai 2001, la République fédérale d’Allemagne a présenté des observations sur la décision d’ouverture de la procédure et a répondu à l’injonction mentionnée au point précédent.

    13
    Le 15 janvier 2002, la défenderesse a adopté la décision 2002/821/CE relative à l’aide d’État accordée par la République fédérale d’Allemagne en faveur de la requérante (JO L 296, p. 20, ci-après la « décision attaquée »).

    14
    Le dispositif de la décision attaquée est ainsi libellé :

    « Article premier

    L’aide d’un montant de 3 650 860 euros que [la République fédérale d’Allemagne] a accordée à [la requérante] est incompatible avec le marché commun […] »

    15
    Il est constant que, au moment de l’octroi de l’aide, le total du capital de la requérante était détenu par la société Pollmeier GmbH, Holzverarbeitungsbetrieb, Rietberg, dont M. Pollmeier détenait la totalité du capital. La société Pollmeier GmbH, Holzverarbeitungsbetrieb détenait également 60 % du capital de la société Pollmeier Massivholz GmbH & Co. KG, Creuzburg, M. Pollmeier détenant le reste, soit 40 % du capital.

    16
    Jusqu’au 1er juin 1998, M. Pollmeier détenait également 74,25 % du capital d’une société américaine, Inland Wood Specialities, LP, Spokane (ci-après « IWS »), dont son frère détenait le reste du capital. Le 1er juin 1998, M. Pollmeier a cédé 41 % des parts du capital d’IWS à sa sœur, Mme Tegelkamp, et 10 % à M. Gottwald. Depuis cette date, il ne détient donc plus que 23,25 % du capital d’IWS.

    17
    Le 17 juillet 1999, la société Pollmeier GmbH, Holzverarbeitungsbetrieb, Rietberg, a cédé la totalité de son actif et de son passif − hormis les participations détenues dans le capital de la société Pollmeier Massivholz GmbH & Co. KG, Creuzburg, et dans le capital de la requérante − à la société Pollmeier Leimholz GmbH, Rietberg, qui avait été nouvellement constituée à cet effet. Par la suite, le siège de la société Pollmeier GmbH, Holzverarbeitungsbetrieb a été transféré de Rietberg à Creuzburg et celle-ci a changé de dénomination pour devenir Pollmeier Massivholz GmbH, Creuzburg. En outre, la société Pollmeier Massivholz GmbH & Co. KG, Creuzburg, est devenue la société Pollmeier Creuzburg GmbH & Co. KG, Creuzburg, tandis que la requérante, jusqu’alors dénommée Pollmeier GmbH, Malchow, est devenue Pollmeier Malchow GmbH & Co. KG, Malchow.

    18
    L’exposé des motifs de la décision attaquée apporte les précisions suivantes :

    « 56. L’aide octroyée à [la requérante], dans les années 1998/1999 en vue de la construction d’une scierie à Malchow et correspondant à une intensité totale de 48,18 % brut, a été prétendument accordée au titre de régimes d’aides régionales précédemment autorisés par la Commission [27e plan-cadre, loi sur les primes fiscales à l’investissement, fonds du programme de reconstruction européenne]

    […]

    59.
    La [défenderesse] note que les mesures ont été exécutées dans des régions défavorisées visées à l’article 87, paragraphe 3, [sous a), CE]. Elle note également qu’en vertu des régimes d’aide correspondants, l’intensité d’aide maximale autorisée s’élève dans ces régions à 35 % brut pour les grandes entreprises et à 50 % brut pour les PME. Ces taux représentent les plafonds applicables au total de l’aide lorsque des aides sont accordées en parallèle au titre de différents régimes régionaux ou au moyen de ressources locales, régionales, nationales ou communautaires.

    60.
    Compte tenu de l’intensité d’aide de 48,18 % brut, il faut rappeler que l’aide en faveur de [la requérante] suppose de toute évidence que, lorsque le régime d’aide a été autorisé, le bénéficiaire remplissait les conditions fixées pour les PME dans l’encadrement communautaire en vigueur et dans la recommandation [96/280]

    […]

    70.
    Pour la [défenderesse], c’est [l’année] 1998 qu’il convient de prendre en considération comme année d’octroi de l’aide. En conséquence, ce sont les effectifs et les données financières des exercices 1997 et 1996 du bénéficiaire de l’aide qui entrent en ligne de compte […]

    71.
    La [défenderesse] estime que, contrairement à la thèse développée par la [République fédérale d’Allemagne], la société américaine IWS doit être prise en considération pour la définition du bénéficiaire. En 1996 et 1997, l’entreprise bénéficiaire de l’aide englobait Pollmeier GmbH, Holzverarbeitungsbetrieb, Rietberg, Pollmeier Massivholz GmbH & Co. KG, Creuzburg, et IWS. Ces trois sociétés sont contrôlées directement ou indirectement par [M.] Pollmeier et poursuivent des activités économiques identiques ou parallèles, ce qui permet d’affirmer qu’elles sont économiquement intégrées. Aucune d’elles ne peut revendiquer le statut d’unité économique indépendante. Le degré d’intégration économique est suffisamment élevé pour conclure qu’IWS forme, avec les deux scieries Pollmeier européennes, une seule et même unité économique.

    72.
    Si l’on considère les exercices 1996 et 1997, on voit qu’en 1998 le bénéficiaire n’était pas une PME. En 1996, l’effectif cumulé était de 416 salariés et le chiffre d’affaires annuel cumulé s’élevait à 44,8 millions d’euros, dépassant ainsi les seuils fixés pour les PME. En 1997, le bénéficiaire a employé 465 salariés et affiché un chiffre d’affaires annuel de 66,73 millions d’euros et un total du bilan de 29,19 millions d’euros, c’est-à-dire des chiffres supérieurs aux seuils fixés pour les PME. En conséquence, le bénéficiaire a dépassé lesdits seuils pendant deux exercices consécutifs.

    […]

    80. La recommandation [96/280] précise qu’une entreprise n’acquiert ou ne perd la qualité de PME que si le dépassement des seuils dans un sens ou dans l’autre se reproduit pendant deux exercices consécutifs. Il est évident que, au 1er juin 1998, le bénéficiaire se trouvait au-dessus des seuils fixés pour les PME. Cette circonstance est à prendre en considération lors de la vérification de la qualité de PME du bénéficiaire, conformément à l’article 1er, paragraphe 6, de l’annexe de la recommandation. Au moment de l’octroi de l’aide, c’est-à-dire en 1999, les données de l’entreprise bénéficiaire n’étaient inférieures aux seuils fixés pour les PME que depuis moins d’un an. Ce fait amène la [défenderesse] à conclure que le bénéficiaire de l’aide ne répond pas à la définition des PME et que rien ne permet de constater que, au moment de l’octroi de l’aide, l’entreprise souffrait des handicaps propres aux PME.

    […]

    82.
    La [défenderesse] doute que [la] modification de la composition du capital [d’IWS] ait eu d’autres motifs que le contournement de la définition des PME […]

    83.
    Ni la [République fédérale d’Allemagne] ni le bénéficiaire de l’aide n’ont fourni la moindre justification pour la modification de l’actionnariat du groupe Pollmeier. Apparemment, cette réorganisation a eu pour seul objet d’assurer que la [requérante] puisse bénéficier des avantages accordés aux PME à titre de compensation des handicaps auxquels celles-ci doivent faire face en raison de leur taille. Un coup d’œil à la structure du groupe Pollmeier, aux rapports qui existent entre les associés des différentes sociétés qui le composent et à l’interdépendance économique de celles-ci ne donne pas l’impression que ce groupe souffre des handicaps propres aux PME, auxquels se réfère l’encadrement communautaire. C’est ainsi que [la requérante] bénéficie de la présence d’autres sociétés du groupe Pollmeier sur le marché et de la technologie des scieries existantes, en ce sens qu’elle n’a pas à surmonter les handicaps (technologiques et de distribution) inhérents à la pénétration sur le marché en cause

    […]

    86.
    Étant donné que le bénéficiaire de l’aide est une grande entreprise, l’aide accordée ne peut être considérée comme une aide existante qu’à hauteur des 35 % prévus par les conditions du régime d’aide, tandis que les 13,18 % restants doivent être considérés comme une aide nouvelle. Comme cette dernière a été octroyée sans l’autorisation de la Commission, elle est illégale

    […] »


    Procédure et conclusions des parties

    19
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 avril 2002, la requérante a introduit le présent recours.

    20
    Par lettre du 26 novembre 2002, la requérante a renoncé à ses conclusions subsidiaires tendant à l’annulation de la décision attaquée dans la mesure où le montant de la récupération visée à l’article 1er dépasse 2 808 319,95 euros.

    21
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a invité la partie requérante à déposer certains documents. Il a été déféré à cette demande dans le délai imparti.

    22
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 4 mars 2004.

    23
    La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    annuler la décision attaquée ;

    condamner la défenderesse aux dépens.

    24
    La défenderesse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    rejeter le recours ;

    condamner la requérante aux dépens.


    En droit

    25
    La requérante invoque trois moyens d’annulation à l’appui de son recours. Le premier moyen est tiré d’une erreur de droit dans l’application de la recommandation 96/280, le deuxième d’une erreur d’appréciation concernant le détournement des critères de définition des PME et le troisième d’une erreur de droit et d’appréciation dans l’évaluation de l’intégration économique et de la présence des handicaps caractéristiques des PME.

    26
    Le premier et le troisième moyen concernant, en substance, la même question, portant sur le point de savoir si la défenderesse pouvait faire une analyse de l’intégration économique et de l’existence de handicaps économiques allant au-delà des critères définis dans la recommandation 96/280, il y a lieu de les examiner ensemble.

    Sur le premier et le troisième moyen, tirés d’une erreur de droit et d’appréciation dans l’application de la recommandation 96/280

    Arguments des parties

    27
    La requérante considère que, en adoptant la recommandation 96/280, la Commission s’est imposé à elle-même une interprétation déterminée de la notion de PME. En conséquence, une analyse séparée de l’intégration économique ou des handicaps caractéristiques des PME, sans tenir compte des critères de définition des PME, serait illégale, car ces critères serviraient précisément à déterminer s’il y a intégration économique ou s’il existe des handicaps caractéristiques des PME. Selon la requérante, la recommandation 96/280 aurait précisément pour objet de normaliser cette analyse et de garantir ainsi l’égalité et la sécurité juridique. Il en résulterait que la Commission n’aurait pas la possibilité de considérer la surface économique réelle du bénéficiaire de l’aide au-delà de son statut formel.

    28
    La requérante soutient que la défenderesse a considéré à tort par la décision attaquée que la requérante ne remplissait pas tous les critères de définition des PME au moment déterminant. Elle ne conteste pas les faits qui constituent le fondement de la décision attaquée, mais elle estime que la défenderesse ne pouvait pas prendre en compte les données économiques d’IWS durant la période en question afin d’apprécier si la requérante pouvait être regardée comme une PME.

    29
    À cet égard, elle fait valoir, en premier lieu, que la totalité de son capital est détenue directement ou indirectement par M. Pollmeier. La requérante considère que, M. Pollmeier étant une personne physique, ce dernier ne saurait constituer une entreprise au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de l’annexe de la recommandation 96/280. Il en résulte, selon elle, qu’elle satisfaisait au critère d’indépendance.

    30
    En second lieu, la requérante soutient que, même si l’on considérait M. Pollmeier comme une entreprise au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de l’annexe de la recommandation 96/280, elle-même n’en satisferait pas moins aux critères de définition des PME.

    31
    Selon la requérante, si M. Pollmeier devait être considéré comme une entreprise pour l’application de l’article 1er, paragraphe 3, de l’annexe de la recommandation 96/280, les données relatives à cette « entreprise » devraient être déterminées par l’addition des chiffres de toutes les sociétés dont M. Pollmeier détenait directement ou indirectement 25 % ou plus du capital ou des droits de vote au moment de l’octroi des aides.

    32
    À cet égard, la requérante souligne que l’aide en cause lui a été octroyée par décision du 2 septembre 1998, laquelle a fait l’objet d’une modification substantielle le 12 mai 1999.

    33
    Pendant cette période, M. Pollmeier aurait détenu directement ou indirectement 25 % ou plus du capital des sociétés Pollmeier GmbH, Holzverarbeitungsbetrieb, Rietberg, et Pollmeier Massivholz GmbH & Co. KG, Creuzburg, ainsi que du capital de la requérante. Or, pendant cette période, M. Pollmeier ne détenait pas 25 % ou plus du capital d’IWS ou des droits de vote au conseil d’administration de cette société.

    34
    La requérante considère que l’article 1er, paragraphe 8, de l’annexe de la recommandation 96/280 ne se réfère au dernier exercice comptable clos que dans le cadre du calcul des données en vue de l’application des critères de définition des PME à l’entreprise bénéficiaire de l’aide, et non pas pour la détermination des entreprises dont les données doivent être additionnées au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de l’annexe de la même recommandation. Il en résulterait que les données relatives à l’« entreprise » constituée par M. Pollmeier seraient identiques à celles de la rubrique « Total » qui figure au tableau présenté au point 70 des motifs de la décision attaquée, déduction faite des données relatives à la société IWS, et à celles de la rubrique « Total hors IWS » du tableau présenté au point 73 des motifs de la décision attaquée, étant donné qu’au moment de l’octroi de l’aide M. Pollmeier détenait moins de 25 % du capital d’IWS. Les données de l’« entreprise » constituée par M. Pollmeier seraient donc restées en deçà des seuils visés à l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe de la recommandation 96/280, de sorte que l’« entreprise » constituée par M. Pollmeier aurait satisfait à tous les critères de définition des PME. Partant, la requérante satisferait elle-même au critère d’indépendance visé à l’article 1er, paragraphe 3, de l’annexe de la recommandation 96/280.

    35
    Selon la requérante, les conditions posées par l’article 1er, paragraphe 6, de l’annexe de la recommandation 96/280 (ci-après la « règle des deux exercices consécutifs ») s’appliqueraient aux critères posés par les deux premiers tirets de l’article 1er, paragraphe 1 (seuils relatifs au nombre d’employés et au chiffre d’affaires), et non pas au critère d’indépendance visé à l’article 1er, paragraphe 3, ou au seuil de 25 % visé à l’article 1er, paragraphe 4.

    36
    La requérante conclut qu’elle est redevenue indépendante au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de l’annexe de la recommandation 96/280 dès le 1er juin 1998 et a satisfait, en conséquence, à tous les critères de définition des PME, sans qu’il y ait lieu d’attacher une quelconque importance à la règle des deux exercices consécutifs.

    37
    La requérante considère que la défenderesse a commis, en tout état de cause, une erreur d’appréciation en estimant qu’il existait un groupe Pollmeier. Elle souligne que, en réalité, il n’y a pas de groupe Pollmeier unique mais, à l’extrême rigueur, un « groupe » constitué par les sociétés dans lesquelles M. Pollmeier détient des participations, auquel se juxtaposerait un « groupe Pollmeier-Rietberg ». Elle considère que la simple appartenance à la même famille des détenteurs du capital de sociétés ne suffit pas à démontrer l’intégration économique de ces sociétés. Selon la requérante, la participation de 23,25 % détenue par M. Pollmeier dans IWS depuis le 1er juin 1998 ne confère à celui-ci aucune prérogative de direction ou de contrôle. En ce qui concerne IWS, la requérante souligne, en particulier, que M. Gottwald, qui a été, après le 1er juin 1998, le seul gérant responsable, occupait déjà cette position avant cette date. La requérante ajoute que M. Pollmeier n’a jamais passé plus d’un ou deux jours par an aux États-Unis.

    38
    Selon la requérante, les entreprises détenues par M. Pollmeier n’auraient aucun point commun avec celles dans lesquelles les autres membres de la famille Pollmeier détiennent la majorité du capital, et cela ni en ce qui concerne la clientèle ni pour ce qui est des fournisseurs. Ces entreprises opéreraient sur des marchés différents. Elles n’auraient pas non plus de comptabilité commune ou de gestion du personnel en commun.

    39
    En ce qui concerne le site Internet www.pollmeier.com, auquel il est fait référence au point 16 des motifs de la décision attaquée, la requérante note qu’il n’avait plus été actualisé depuis longtemps. La requérante ajoute que le texte mis en ligne sur un site Internet ne saurait à lui seul constituer une preuve d’intégration économique juridiquement concluante.

    40
    La défenderesse fait valoir, en premier lieu, que la requérante n’avait pas la qualité de PME lors de l’octroi de l’aide. En effet, ni en 1998 ni en 1999 elle ne satisfaisait au critère d’indépendance. La défenderesse souligne que, selon le droit de la concurrence, la notion d’entreprise inclut aussi les personnes physiques.

    41
    À cet égard, elle souligne qu’il n’est pas contesté que M. Pollmeier a contrôlé la société IWS jusqu’au 1er juin 1998 et qu’il n’a ensuite réduit sa participation dans cette société que dans la mesure où il a transféré 41 % des parts à sa soeur, Mme Tegelkamp, et 10 % des parts à M. Gottwald, de telle sorte que, même après le 1er juin 1998, les frères Pollmeier et leur soeur détenaient ensemble encore 89 % des parts d’IWS. Selon la défenderesse, M. Pollmeier, son frère, M. E. Pollmeier, et sa sœur, Mme Tegelkamp, qui détenaient ensemble 89 % du capital d’IWS, formaient une « entité unique d’associés ».

    42
    La défenderesse précise que, selon elle, le bénéficiaire des aides en cause est le groupe Pollmeier, et pas seulement la requérante.

    43
    En second lieu, la défenderesse soutient que les mêmes modalités de calcul, précisées à l’article 1er, paragraphes 6 à 8, de l’annexe de la recommandation 96/280, s’appliquent au bénéficiaire de l’aide et à ses sociétés mères.

    44
    En conséquence, le bénéficiaire de l’aide ne serait une PME que si au moins 75,01 % de ses associés sont des PME.

    45
    La défenderesse considère que la définition des PME ne doit pas être appliquée de manière mécanique et formaliste. Elle estime que toutes les entreprises qui répondent formellement à la définition des PME ne sont pas effectivement des PME. Au contraire, la recommandation autoriserait expressément une certaine flexibilité et donc la possibilité de considérer la réalité de la surface économique du bénéficiaire de l’aide quel que soit son statut formel.

    46
    La défenderesse observe que le besoin de sécurité juridique et de « sécurité de planification » des PME ne s’oppose pas à son interprétation. Selon elle, ce sont précisément la sécurité juridique et la « sécurité de planification » des véritables PME qui exigent que celles-ci ne soient pas désavantagées par rapport aux concurrents dont la situation globale n’est pas celle d’une PME.

    47
    En ce qui concerne la prétendue erreur d’appréciation, la défenderesse souligne que la requérante ne pourrait démontrer avoir souffert des handicaps structurels typiques d’une PME durant la période en cause. La défenderesse se réfère au site Internet d’IWS, désormais dénommée Hardwood, qui démontre, selon elle, l’approche mondiale intégrée du groupe Pollmeier.

    Appréciation du Tribunal

    48
    Il convient d’examiner, en premier lieu, l’argument de la requérante tiré de ce que la défenderesse a fondé sa décision sur une définition de la notion de PME qui diffère de celle figurant dans la recommandation 96/280 en considérant que « l’entreprise bénéficiaire de l’aide englobait Pollmeier GmbH, Holzverarbeitungsbetrieb, Rietberg, Pollmeier Massivholz GmbH & Co. KG, Creuzburg, et IWS ».

    49
    À cet égard, le considérant 71 de la décision attaquée dispose :

    « [...] En 1996 et 1997, l’entreprise bénéficiaire de l’aide englobait Pollmeier GmbH, Holzverarbeitungsbetrieb, Rietberg, Pollmeier Massivholz GmbH & Co. KG, Creuzburg, et IWS. Ces trois sociétés sont contrôlées directement ou indirectement par [M.] Pollmeier et poursuivent des activités économiques identiques ou parallèles, ce qui permet d’affirmer qu’elles sont économiquement intégrées. Aucune d’elles ne peut revendiquer le statut d’unité économique indépendante. Le degré d’intégration économique est suffisamment élevé pour conclure qu’IWS forme, avec les deux scieries Pollmeier européennes, une seule et même unité économique. »

    50
    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsque des personnes physiques ou morales juridiquement distinctes constituent une unité économique, il y a lieu de les traiter comme une seule entreprise au regard de l’application des règles de concurrence communautaires (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 12 juillet 1984, Hydrotherm, 170/83, Rec. p. 2999, point 11, et, par analogie, arrêt du Tribunal du 29 juin 2000, DSG/Commission, T‑234/95, Rec. p. II‑2603, point 124).

    51
    Dans le domaine des aides d’État, la question de savoir s’il existe une unité économique se pose notamment lorsqu’il s’agit d’identifier le bénéficiaire d’une aide (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, Rec. p. 3809, points 11 et 12). À cet égard, il a été jugé que la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer si des sociétés faisant partie d’un groupe doivent être considérées comme une unité économique ou bien comme juridiquement et financièrement autonomes aux fins de l’application du régime des aides d’État (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission, T‑371/94 et T-394/94, Rec. p. II-2405, points 313 et 314, et, par analogie, arrêt DSG/Commission, précité, point 124).

    52
    Ce pouvoir d’appréciation de la Commission implique la prise en considération et l’appréciation de faits et de circonstances économiques complexes. Le juge communautaire ne pouvant substituer son appréciation des faits, notamment sur le plan économique, à celle de l’auteur de la décision, le contrôle du Tribunal doit, à cet égard, se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêt du Tribunal du 14 mai 2002, Graphischer Maschinenbau/Commission, T-126/99, Rec. p. II-2427, point 32).

    53
    De plus, il résulte des termes mêmes de l’article 87, paragraphe 3, CE et de l’article 88 CE que la Commission « peut » considérer comme compatibles avec le marché commun les aides visées par la première de ces deux dispositions. Dès lors, même s’il incombe toujours à la Commission de se prononcer sur la compatibilité avec le marché commun des aides d’État sur lesquelles elle exerce son contrôle, alors même que celles-ci ne lui ont pas été notifiées (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 février 1990, France/Commission, dit « Boussac », C‑301/87, Rec. p. I-307, points 15 à 24), la Commission n’est pas tenue de déclarer de telles aides compatibles avec le marché commun (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 13 février 2003, Espagne/Commission, C‑409/00, Rec. p. I‑1487, point 94).

    54
    Or, il y a lieu de rappeler également que la Commission est tenue par les encadrements et les communications qu’elle adopte en matière de contrôle des aides d’État, dans la mesure où ils ne s’écartent pas des normes du traité et où ils sont acceptés par les États membres (arrêt Espagne/Commission, précité, point 95, et arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Italie/Commission, C-91/01, non encore publié au Recueil, point 45).

    55
    En l’espèce, la requérante considère, en substance, que les dispositions de la recommandation 96/280 sont formulées de manière à ne pas laisser à la Commission de marge d’appréciation dans la définition de la notion de PME en dehors des limites fixées par ladite recommandation.

    56
    Or, il convient de rappeler, à cet égard, qu’il résulte du point 1.2 de l’encadrement PME que l’approche favorable de la Commission en ce qui concerne les aides d’État aux PME est justifiée par les imperfections du marché qui font que ces entreprises doivent faire face à un certain nombre de handicaps et qui limitent ainsi un développement socialement et économiquement souhaitable de celles-ci.

    57
    Il ressort du point 3.2 de l’encadrement PME que, afin d’être qualifiée de PME au sens de cet encadrement, une entreprise doit remplir trois critères, à savoir celui du nombre de personnes employées, le critère financier et celui de l’indépendance (arrêt Italie/Commission, précité, points 46 et 47).

    58
    S’agissant de ce dernier critère, l’article 1er, paragraphe 3, de l’annexe à la recommandation 96/280 prévoit que sont considérées comme indépendantes les entreprises qui ne sont pas détenues à hauteur de 25 % ou plus du capital ou des droits de vote par une entreprise ou conjointement par plusieurs entreprises ne correspondant pas à la définition de la PME.

    59
    L’article 1er, paragraphe 4, de l’annexe à la recommandation 96/280 prévoit également que, pour le calcul des seuils mentionnés au paragraphe 1, il convient d’additionner les données de l’entreprise bénéficiaire et de toutes les entreprises dont elle détient directement ou indirectement 25 % ou plus du capital ou des droits de vote.

    60
    Or, il convient de relever que le dispositif d’un acte est indissociable de sa motivation, en sorte qu’il doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption (arrêts de la Cour du 15 mai 1997, TWD/Commission, C-355/95 P, Rec. p. I-2549, point 21, et Italie/Commission, précité, point 49).

    61
    En l’occurrence, il ressort notamment des dix-huitième, dix-neuvième et vingt-deuxième considérants de la recommandation 96/280 ainsi que du point 3.2 de l’encadrement PME que l’objectif du critère de l’indépendance est d’assurer que les mesures destinées aux PME profitent véritablement aux entreprises pour lesquelles la taille constitue un handicap et non à celles qui appartiennent à un grand groupe et qui ont donc accès aux moyens et aux soutiens dont ne disposent pas leurs concurrentes de taille équivalente mais n’appartenant pas à un grand groupe. Il en ressort également que, afin de ne retenir que les entreprises qui constituent effectivement des PME indépendantes, il y a lieu d’éliminer les constructions juridiques de PME qui forment un groupe économique dont la puissance dépasse celle d’une telle entreprise et qu’il convient de veiller à ce que la définition des PME ne soit pas contournée pour des motifs purement formels.

    62
    Il convient donc d’interpréter les paragraphes 3 et 4 de l’article 1er de l’annexe à la recommandation 96/280 à la lumière de cet objectif, de sorte que les données d’une entreprise, même détenue à moins de 25 % par une autre entreprise, doivent être prises en considération pour le calcul des seuils mentionnés au paragraphe 1 du même article lorsque ces entreprises, bien qu’elles soient formellement distinctes, constituent une unité économique (voir, en ce sens, arrêt Italie/Commission, précité, point 51).

    63
    Il s’ensuit que le pouvoir d’appréciation de la Commission pour déterminer si des sociétés faisant partie d’un groupe doivent être considérées comme une unité économique ou bien comme juridiquement et financièrement autonomes aux fins de l’application du régime des aides d’État n’a pas été modifié par l’existence des communications adoptées en la matière. En particulier, la Commission peut considérer qu’une entreprise fait partie d’une unité économique, ne répondant pas aux critères de définition des PME, même si cette entreprise est détenue à moins de 25 % par une autre entreprise appartenant à la même unité économique.

    64
    Partant, la défenderesse était en droit de déterminer, d’abord, si la requérante faisait partie d’un groupe qui devait être considéré comme une unité économique et de ne vérifier qu’ensuite si ce groupe remplissait les critères de l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe de la recommandation 96/280.

    65
    Dans ces conditions, le grief de la requérante, selon lequel la défenderesse a commis une erreur de droit en utilisant dans la décision attaquée une définition de la notion de PME qui diffère de celle figurant dans la recommandation et dans l’encadrement PME, ne saurait prospérer.

    66
    Il s’ensuit également que l’argument de la requérante contestant l’application de l’article 1er, paragraphe 8, de l’annexe de la recommandation 96/280 pour la détermination des entreprises dont les données doivent être prises en compte au sens du paragraphe 4 dudit article est inopérant. En effet, la question de savoir si la participation détenue par M. Pollmeier dans le capital d’IWS excédait ou non 25 % n’est pas décisive pour apprécier si cette dernière société appartenait à l’unité économique bénéficiaire de l’aide. Par suite, la circonstance que M. Pollmeier ait cédé ces parts le 1er juin 1998 est, par elle-même, dépourvue d’incidence sur la solution du présent litige. 

    67
    Il convient encore d’examiner si la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que les différentes sociétés détenues par M. Pollmeier et sa famille constituaient une unité économique au motif que la relation entre la requérante et les autres sociétés détenues par les membres de la famille Pollmeier aurait été d’une nature différente de celle qui prévaut, en général, entre des entreprises séparées et indépendantes.

    68
    En l’espèce, il est constant que la requérante fait partie d’un groupe de sociétés créées par M. Pollmeier à partir de 1987. En effet, le capital de la requérante était entièrement détenu, lors de l’octroi de l’aide, par la société Pollmeier GmbH, Holzverarbeitungsbetrieb, Rietberg, dont le capital était lui-même détenu à 100 % par M. Pollmeier. En outre, la société Pollmeier GmbH, Holzverarbeitungsbetrieb, Rietberg, détenait 60 % de la société Pollmeier Massivholz GmbH & Co. KG, Creuzburg, M. Pollmeier détenant directement le reste du capital de cette société.

    69
    Par ailleurs, jusqu’au 1er juin 1998, M. Pollmeier détenait 74,25 % des parts d’IWS et son frère détenait les parts restantes. Il est également constant que cette modification dans la structure du capital d’IWS est intervenue le 1er juin 1998, soit trois jours après le 27 mai 1998, date à laquelle la requérante a déposé sa demande d’aide à l’investissement. En outre, 41 % des parts sociales d’IWS détenues par M. Pollmeier ont été cédées à la sœur de celui-ci et 10 % à M. Gottwald, lequel ne fait pas partie de la famille Pollmeier, selon les affirmations de la requérante, non contredites sur ce point. Depuis lors, 89 % des parts de l’IWS sont détenues par M. Pollmeier et par des membres de sa famille (son frère et sa sœur).

    70
    Le Tribunal constate également que la requérante ainsi que les sociétés IWS, Pollmeier GmbH, Holzverarbeitungsbetrieb, Rietberg, et Pollmeier Massivholz GmbH & Co. KG, Creuzburg, poursuivent des activités économiques identiques ou parallèles, ce qui permet d’affirmer que ces sociétés sont économiquement intégrées. La défenderesse a également apporté, aux points 16 et 17 des motifs de la décision attaquée, les précisions suivantes :

    « Sur le site Internet du groupe Pollmeier, les différentes sociétés du groupe, y compris [IWS], sont décrites comme des ‘sites de production’ du groupe Pollmeier […] La distribution des produits IWS en Europe a été assurée, en vertu d’un contrat de représentation, par Pollmeier GmbH, Holzverarbeitungsbetrieb, Rietberg, jusqu’au 17 juillet 1999 […] Jusqu’au 1er juin 1998, toutes les sociétés du groupe Pollmeier ont été dirigées plus ou moins directement par [M.] Pollmeier, par le truchement de Pollmeier GmbH, Holzverarbeitungsbetrieb, Rietberg. Présentes sur le même marché et contrôlées par la même personne, elles ne jouissent d’aucune autonomie économique et doivent donc être considérées comme faisant partie intégrante d’une seule et même unité économique. »

    71
    La requérante se borne, pour contester ces constatations, à soutenir que les scieries de Creuzburg et de Malchow, d’une part, et IWS, d’autre part, n’avaient pas les mêmes champs d’activité, qu’elles ne travaillaient pas ensemble et qu’elles n’étaient pas non plus dirigées en commun. II n’y aurait pas non plus de comptabilité commune ou de gestion du personnel en commun. La requérante ajoute qu’elle-même et IWS ne sont pas présentes sur le même marché. À cet égard, elle fait valoir que les scieries de Creuzburg et de Malchow se sont concentrées sur les activités de scierie, tandis qu’IWS fabrique des panneaux de bois collés.

    72
    La requérante n’a toutefois avancé aucune circonstance probante de nature à infirmer les constatations de la défenderesse.

    73
    En effet, en ce qui concerne l’absence alléguée de contrôle commun entre les différentes entreprises détenues par la famille Pollmeier, la requérante ne conteste pas les données relatives aux parts détenues par la famille, mais considère, sans autrement étayer ses dires, que cette participation ne démontre pas l’exercice d’un contrôle effectif.

    74
    En outre, la requérante ne présente aucune justification de nature à démontrer que, compte tenu de la teneur des liens l’unissant aux autres sociétés du groupe Pollmeier et de la similitude des activités exercées par l’ensemble de ces sociétés, elle ne pouvait bénéficier ni de la présence des autres sociétés du groupe Pollmeier sur le marché ni de la technologie des scieries existantes. Elle doit être regardée, dès lors, comme échappant aux handicaps, tenant aux difficultés d’accès aux technologies et aux réseaux de distribution nécessaires à la pénétration sur le marché en cause, auxquels sont ordinairement confrontées les PME. 

    75
    Partant, la requérante n’a nullement démontré que la défenderesse a commis une erreur manifeste en considérant que les différentes sociétés détenues par M. Pollmeier et sa famille constituaient une unité économique.

    76
    Quant au fait que la requérante reproche à la défenderesse d’avoir omis d’expliciter suffisamment les faits sur ce point pendant la procédure administrative, il suffit d’indiquer qu’il ressort de l’invitation à présenter des observations en application de l’article 88, paragraphe 2, CE, concernant l’aide en cause, publiée au Journal officiel des Communautés européennes le 9 juin 2001, que la défenderesse a constaté, dans la partie intitulée « Appréciation » du résumé de cette communication, que, « [s]elon certaines indications, les différentes entités légales travaillent sous la même direction et [que] leurs activités de production étaient coordonnées comme celles d’une seule entreprise ». La défenderesse ajoutait qu’elle « [doutait] que la seule personne morale Pollmeier Malchow GmbH puisse être considérée comme la bénéficiaire de l’aide ». En outre, il ressort de la lettre du 13 mars 2001, par laquelle la défenderesse a notifié à la République fédérale d’Allemagne sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, et en particulier de la question nº 8 y figurant, que la défenderesse a invité la République fédérale d’Allemagne à lui fournir des informations en ce qui concerne les rapports entre [M.] Pollmeier, [M.] Ekkerhard Pollmeier et [Mme] Doris Tegelkamp, ces derniers apparaissant comme associés et/ou gérants de sociétés qui appartiennent au groupe Pollmeier. L’argument de la requérante doit donc être écarté comme manquant en fait. 

    77
    La défenderesse a donc pu estimer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que, en raison de leurs liens économiques, de l’intégration de certaines de leurs structures et de la composition de leur capital, la requérante ainsi que les sociétés IWS, Pollmeier GmbH, Holzverarbeitungsbetrieb, Rietberg, et Pollmeier Massivholz GmbH & Co. KG, Creuzburg, formaient une seule et même unité économique et qu’IWS devait donc être prise en considération pour la définition du bénéficiaire de l’aide.

    78
    Étant donné que la requérante n’a pas contesté que, avec les données relatives à IWS, le groupe ne remplissait pas les critères de définition des PME, c’est à bon droit que la défenderesse a conclu que le bénéficiaire de l’aide était une grande entreprise.

    79
    Il s’ensuit que c’est à bon droit que la défenderesse a conclu, au point 86 des motifs de la décision attaquée, que, « [é]tant donné que le bénéficiaire de l’aide [était] une grande entreprise, l’aide accordée ne [pouvait] être considérée comme une aide existante qu’à hauteur des 35 % prévus par les conditions du régime d’aide, tandis que les 13,18 % restants [devaient] être considérés comme une aide nouvelle », et que, « comme cette dernière [avait] été octroyée sans l’autorisation de la Commission, elle [était] illégale ».

    80
    Enfin, la défenderesse ayant pu considérer, sans commettre d’erreur de droit ni d’erreur manifeste d’appréciation que les différentes sociétés détenues par M. Pollmeier et sa famille constituaient une unité économique, il en résulte que, indépendamment de l’application de la règle imposant la prise en compte de deux exercices consécutifs, le bénéficiaire de l’aide dépassait les seuils prévus par les critères de définition des PME, étant donné que les données d’IWS devaient être prises en compte. Partant, les arguments de la requérante tirés de la prétendue violation de l’article 1er, paragraphe 6, de l’annexe de la recommandation 96/280 sont, en l’espèce, inopérants.

    81
    Il s’ensuit que le premier et le troisième moyen doivent être rejetés.

    Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation concernant le détournement des critères de définition des PME

    82
    Il résulte de l’examen par le Tribunal du premier et du troisième moyen que la question du détournement éventuel des critères de définition des PME est sans pertinence. En effet, la défenderesse ayant pu considérer, sans commettre d’erreur de droit ni d’erreur manifeste d’appréciation, que les différentes sociétés détenues par M. Pollmeier et sa famille constituaient une unité économique ne pouvant être considérée comme une PME, il en résulte qu’il n’est plus nécessaire d’examiner l’existence d’une situation de contournement.

    83
    Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter également le deuxième moyen et, partant, le recours dans sa totalité.


    Sur les dépens

    84
    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la défenderesse.

    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

    déclare et arrête :

    1)
    Le recours est rejeté.

    2)
    La requérante est condamnée aux dépens.

    Legal

    Tiili

    Meij

    Vilaras

    Forwood

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 octobre 2004.

    Le greffier

    Le président

    H. Jung

    H. Legal


    1
    Langue de procédure : l'allemand.

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