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Document 61994TJ0330

    Arrêt du Tribunal de première instance (troisième chambre élargie) du 22 octobre 1996.
    Salt Union Ltd contre Commission des Communautés européennes.
    Aides d'Etat - Refus de la Commission de proposer des mesures utiles au sens de l'article 93, paragraphe 1, du traité - Recours en annulation - Irrecevabilité.
    Affaire T-330/94.

    Recueil de jurisprudence 1996 II-01475

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:T:1996:154

    Arrêt du Tribunal

    Affaire T-330/94


    Salt Union Ltd
    contre
    Commission des Communautés européennes


    «Aides d'État – Refus de la Commission de proposer des mesures utiles au sens de l'article 93, paragraphe 1, du traité – Recours en annulation – Irrecevabilité»

    Arrêt du Tribunal (troisième chambre élargie) du 22 octobre 1996
    I
        

    Sommaire de l'arrêt

    Recours en annulation – Actes susceptibles de recours – Refus de la Commission de proposer des mesures utiles au sens de l'article 93, paragraphe 1, du traité – Exclusion

    (Traité CE, art. 93, § 1, et 173)

    Dans le cadre de l'examen de la recevabilité d'un recours en annulation dirigé contre une décision négative d'une institution, cette décision doit être appréciée en fonction de la nature de la demande à laquelle elle constitue une réponse. Lorsqu'à la suite d'une demande d'une entreprise, la Commission refuse de proposer au gouvernement d'un État membre des mesures utiles au sens de l'article 93, paragraphe 1, du traité à l'égard d'un régime général d'aides, un tel refus ne constitue pas un acte susceptible de faire l'objet d'un recours fondé sur l'article 173 du traité, dès lors que l'acte demandé ne peut pas être attaqué en vertu de cette disposition.En effet, un tel acte ne constitue pas une mesure produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de cette entreprise, dès lors que, selon le libellé même de l'article 93, paragraphe 1, du traité, les mesures utiles ne constituent que des propositions, auxquelles l'État concerné ne serait pas obligé de se soumettre.




    ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)
    22 octobre 1996 (1)

    «Aides d'État – Refus de la Commission de proposer des mesures utiles au sens de l'article 93, paragraphe 1, du traité – Recours en annulation – Irrecevabilité»

    Dans l'affaire T-330/94,

    Salt Union Ltd, société de droit anglais, établie à Cheshire (Royaume-Uni), représentée par MM. Jonathan Scott et Craig Pouncey, solicitors, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de M e Georges Baden, 8, boulevard Royal,

    partie requérante,

    soutenue parVerein Deutsche Salzindustrie eV, association de droit allemand, établie à Bonn (Allemagne), représentée par M es Thomas Jestaedt, avocat à Düsseldorf, Walter Klosterfelde et Karsten Metzlaff, avocats à Hambourg, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de M e Philippe Dupont, 8-10, rue Mathias Hardt,

    partie intervenante,

    contre

    Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. Nicholas Khan et Jean-Paul Keppenne, puis par MM. Khan et Paul Nemitz, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

    partie défenderesse,

    soutenue parFrima BV, société de droit néerlandais, établie à La Haye (Pays-Bas), représentée initialement par M es Tom Ottervanger, avocat au barreau de Rotterdam, et Harold Nyssens, avocat au barreau de Bruxelles, puis seulement par M e Ottervanger, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de M e Carlos Zeyen, 67, rue Ermesinde,

    partie intervenante,

    ayant pour objet une demande d'annulation de la décision contenue dans une lettre du 5 août 1994, par laquelle la Commission a indiqué ne pas avoir de motif de proposer des mesures utiles au sens de l'article 93, paragraphe 1, du traité CE à l'égard du régime néerlandais d'aides régionales Subsidieregeling regionale investeringsprojecten 1991,



    LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),



    composé de MM. C. P. Briët, président, B. Vesterdorf, Mme P. Lindh, MM. A. Potocki et J. D. Cooke, juges,

    greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 2 juillet 1996,

    rend le présent



    Arrêt



    Faits à l'origine du litige

    1
    Par lettre du 24 septembre 1990, le gouvernement néerlandais a notifié à la Commission, en application de l'article 93, paragraphe 3, du traité CEE, un régime général d'aides à finalité régionale pour la période allant de 1991 à 1994, intitulé Subsidieregeling regionale investeringsprojecten 1991 (ci-après régime néerlandais). Après examen, la Commission a informé le gouvernement néerlandais, par lettre du 27 décembre 1990, qu'elle considérait le régime néerlandais comme compatible avec le marché commun, en vertu de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité (ci-après décision d'approbation).

    2
    Un résumé de la décision d'approbation a été publié dans le Vingtième Rapport sur la politique de concurrence (point 330) dans les termes suivants: En décembre, la Commission a décidé d'accepter les grandes lignes de la politique régionale pour la période 1991-1994 aux Pays-Bas, qui prévoit une diminution du taux d'aide ainsi que des régions éligibles aux aides à l'investissement.La Commission ne s'est pas opposée aux aides à l'investissement d'un taux de 20 % brut pendant la totalité de la période de quatre ans pour les provinces de Groningue, de Frise, ainsi qu'à Lelystad. Pour le sud-est de Drenthe, l'approbation de la Commission reste toutefois limitée à deux ans; la situation de cette région fera l'objet d'un réexamen dans le courant de 1992.

    3
    En mai 1991, la société néerlandaise Frima BV (ci-après Frima) a sollicité l'octroi, par les autorités néerlandaises, en vertu du régime néerlandais, d'une aide de 12,5 millions de HFL, soit 10 % des coûts éligibles, pour la construction d'une nouvelle saline (unité de production de sel) à Harlingen, dans la province de Frise. Au cours de l'année 1993 et au début de l'année 1994, Frima a fourni des précisions quant à sa demande d'aide.

    4
    En octobre 1993, un article paru dans la presse spécialisée a attiré l'attention de Salt Union Ltd, producteur de sel établi au Royaume-Uni (ci-après Salt Union), sur l'éventualité de l'octroi d'une aide à Frima par le gouvernement néerlandais, en application du régime néerlandais.

    5
    Par la suite, Salt Union a engagé une correspondance avec la Commission à propos de cette aide et du régime néerlandais. A cette occasion, elle a demandé à la Commission de proposer au gouvernement néerlandais des mesures utiles au sens de l'article 93, paragraphe 1, du traité à l'égard du régime néerlandais.

    6
    Le 5 août 1994, la Commission a écrit à Salt Union une lettre dans laquelle elle s'exprime en ces termes: The Commission has found no reason to propose appropriate measures pursuant to Article 93(1) EC regarding the scheme. Friesland still meets the criteria the Commission uses in its method to assess whether a region is eligible to the derogation provided for in Article 92(3)c) EC. [...] The scheme in question was found compatible with the common market in 1990, with the exception of its applications in certain specific sectors (which do not include the salt industry). The aid decided by the Dutch authorities in favour of Frima respects the criteria set out in the scheme ─ indeed, the aid is clearly lower than what the authorities could have awarded ─ and is therefore compatible under the 1990 decision. [ La Commission n'a pas trouvé de motif de proposer, concernant ce régime [néerlandais], des mesures utiles au sens de l'article 93, paragraphe 1, du traité CE. La Frise continue de répondre aux critères appliqués par la Commission pour apprécier si une région a droit à la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité CE. [...] Le régime en question a été jugé compatible avec le marché commun en 1990, à l'exception de son application à certains secteurs spécifiques (lesquels n'incluent pas l'industrie du sel). L'aide décidée par les autorités néerlandaises en faveur de Frima est conforme aux critères indiqués dans le régime ─ il est même manifeste que cette aide est inférieure à ce que les autorités auraient pu accorder ─ et, partant, elle est compatible avec la décision de 1990.]

    Procédure

    7
    C'est dans ces circonstances que, le 13 octobre 1994, Salt Union a introduit le présent recours.

    8
    Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 19 janvier 1995, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité du recours, en application de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure. Par ordonnance du 13 juillet 1995, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé de joindre l'exception au fond, en application de l'article 114, paragraphe 4, du règlement de procédure.

    9
    Par ordonnance du 17 novembre 1995 (T-330/94, Rec. p. II-2881), le Tribunal a décidé d'admettre l'intervention de Frima à l'appui des conclusions de la Commission, ainsi que l'intervention de l'association Verein Deutsche Salzindustrie eV (ci-après VDS) à l'appui des conclusions de la requérante. Dans la même ordonnance, le Tribunal a par ailleurs fait droit aux demandes des parties intervenantes visant à déroger au régime linguistique à l'occasion de la procédure orale.

    10
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.

    11
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience publique qui s'est déroulée le 2 juillet 1996.

    Conclusions des parties

    12
    Salt Union conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    annuler la décision de la Commission contenue dans la lettre du 5 août 1994, par laquelle elle a indiqué ne pas avoir de motif de proposer, à l'égard du régime néerlandais, des mesures utiles au sens de l'article 93, paragraphe 1, du traité CE;
    annuler la décision de la Commission contenue dans la lettre du 5 août 1994, par laquelle elle a indiqué ne pas avoir de motif de proposer, à l'égard du régime néerlandais, des mesures utiles au sens de l'article 93, paragraphe 1, du traité CE;

    déclarer la Commission responsable de tous préjudices subis par elle;
    déclarer la Commission responsable de tous préjudices subis par elle;

    condamner la Commission aux dépens.
    condamner la Commission aux dépens.

    13
    VDS soutient entièrement les conclusions de Salt Union.

    14
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    rejeter le recours;
    rejeter le recours;

    condamner la requérante aux dépens.
    condamner la requérante aux dépens.

    15
    Frima conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    rejeter le recours comme irrecevable;
    rejeter le recours comme irrecevable;

    condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés par Frima.
    condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés par Frima.

    16
    Lors de l'audience, Salt Union a retiré ses conclusions visant à faire déclarer la Commission responsable de tous préjudices subis par elle. Le Tribunal en a pris acte.

    Sur la recevabilité du recours

    17
    La Commission invoque quatre moyens d'irrecevabilité. En premier lieu, le recours serait prescrit. En deuxième lieu, Salt Union n'aurait pas d'intérêt à obtenir l'annulation de la décision attaquée. En troisième lieu, la décision attaquée ne serait pas un acte susceptible de recours. En quatrième lieu, Salt Union ne serait pas concernée directement et individuellement par la décision attaquée.

    18
    Dans les circonstances de l'espèce, le Tribunal estime opportun d'examiner d'abord le moyen d'irrecevabilité tiré de ce que la décision attaquée ne serait pas un acte susceptible de recours.

    Arguments des parties

    19
    La Commission fait observer que, en vertu de l'article 173 du traité CE (ci-après traité), le juge communautaire est compétent pour exercer son contrôle sur les actes de la Commission. Or, une décision de proposer ou de ne pas proposer des mesures utiles au titre de l'article 93, paragraphe 1, du traité ne constituerait pas, au sens dudit article 173, un acte qui soit susceptible de contrôle juridictionnel. La Commission souligne, notamment, que le fait de proposer des mesures utiles n'a pas de force obligatoire, étant donné que la non-acceptation par un État membre des mesures qui lui sont proposées ne constitue pas un motif autorisant la Commission à saisir la Cour. A cet effet, la Commission devrait notamment accomplir l'étape supplémentaire que constitue l'adoption d'une décision en vertu de l'article 93, paragraphe 2, du traité.

    20
    La Commission considère, en outre, qu'une demande tendant à ce qu'elle propose des mesures utiles en vertu de l'article 93, paragraphe 1, la place dans une situation comparable à celle qui est la sienne lorsqu'il lui est demandé d'engager une action à l'encontre d'un État membre au titre de l'article 169 du traité. Or, il serait de jurisprudence constante qu'un recours en annulation formé contre l'acte par lequel la Commission a statué sur une telle demande est irrecevable, puisque une phase précontentieuse destinée à inviter l'État membre à se conformer au traité [...] ne comporte aucun acte de la Commission revêtu de force obligatoire (arrêt de la Cour du 1 er mars 1966, Lütticke e.a./Commission, 48/65, Rec. p. 27, 39).

    21
    Elle souligne, par ailleurs, que l'avocat général M. Gand indiquait dans ses conclusions sous l'arrêt Lütticke e.a./Commission, précité (Rec. p. 44): Il est de principe qu'une décision de refus ne peut faire l'objet d'un tel recours [en annulation] que si l'acte positif que l'autorité refuse de prendre pouvait lui-même être attaqué. En l'espèce, l'avis motivé que rendrait éventuellement la Commission sur un manquement de la République fédérale à ses obligations, l'invitation faite à cet État de présenter ses observations, plus généralement l'ouverture de la procédure de l'article 169, tout cela constituerait des phases préalables à un recours engagé devant vous mais non des actes juridiques susceptibles de faire par eux-mêmes l'objet d'un recours.

    22
    La Commission estime que ce raisonnement est également applicable dans la présente espèce.

    23
    Elle fait valoir enfin que l'examen effectué en vertu de l'article 93, paragraphe 1, possède un caractère à ce point étendu et discrétionnaire qu'il ne saurait être susceptible de faire l'objet d'un recours. A cet égard, la Commission relève que, selon la jurisprudence, elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour mettre en oeuvre les compétences que lui confère l'article 93, paragraphe 1. Elle renvoie notamment à l'arrêt de la Cour du 9 août 1994, Namur-Les assurances du crédit (C-44/93, Rec. p. I-3829, points 11, 15 et 34), dans lequel il a été jugé que, dans l'exercice de ses pouvoirs au titre de l'article 93, paragraphe 1, l'initiative appartient à la Commission. La défenderesse estime que l'existence d'un tel pouvoir d'appréciation est incompatible avec la possibilité pour un particulier de former un recours au titre de l'article 173. A l'appui de cette affirmation, elle se réfère, d'une part, à l'arrêt de la Cour du 17 mai 1990, Sonito e.a./Commission (C-87/89, Rec. p. I-1981, point 6), dans lequel était en cause un refus de la Commission d'ouvrir une procédure en manquement au titre de l'article 169, et, d'autre part, à l'arrêt du Tribunal du 27 octobre 1994, Ladbroke/Commission (T-32/93, Rec. p. II-1015, point 37), dans lequel était en cause un refus de la Commission d'adopter une décision au titre de l'article 90, paragraphe 3, du traité.

    24
    Frima se réfère à l'arrêt du Tribunal du 28 octobre 1993, Zunis Holding e.a./Commission (T-83/92, Rec. p. II-1169, point 31), dans lequel il a été jugé que, lorsqu'un acte de la Commission revêt un caractère négatif, il doit être apprécié en fonction de la nature de la demande à laquelle il constitue une réponse [...] En particulier, le refus opposé, par une institution communautaire, de procéder au retrait ou à la modification d'un acte ne saurait constituer lui-même un acte dont la légalité peut être contrôlée, conformément à l'article 173 du traité, que lorsque l'acte que l'institution communautaire refuse de retirer ou de modifier aurait pu lui-même être attaqué en vertu de cette disposition. Frima estime que, au vu de cette jurisprudence, Salt Union n'est pas recevable à demander l'annulation de la décision attaquée.

    25
    Salt Union souligne que l'article 93, paragraphe 1, impose à la Commission de procéder à l'examen permanent des régimes d'aides. Elle précise qu'elle ne cherche nullement à contester certaines mesures précises ou la portée de celles-ci, mais vise seulement à obtenir l'annulation d'une décision illégale de mettre fin à un examen obligatoire incomplet.

    26
    Elle soutient que, même si la Commission possède une marge d'appréciation concernant la nature des mesures utiles qu'elle peut proposer aux États membres à la suite d'un examen au titre de l'article 93, paragraphe 1, elle ne possède aucune marge d'appréciation quant à l'étendue de cet examen. Il en découlerait que, même si les plaignants n'ont pas le droit de contester les éventuelles propositions faites par la Commission aux États membres, ils ont un intérêt à s'assurer que le type d'examen effectué par la Commission est suffisamment étendu pour lui permettre d'apprécier l'opportunité d'une intervention. Or, en l'espèce, la Commission n'aurait pas procédé à un examen complet au sens de l'article 93, paragraphe 1. Au contraire, elle serait arrivée à la conclusion qu'il n'était pas nécessaire de proposer des mesures utiles sur la base d'un examen incomplet des éléments de fait. Lorsque, comme en l'espèce, la Commission omet de proposer des mesures utiles à la suite d'un examen incomplet, le fait de clore le dossier y afférent aurait un effet juridique, étant donné que la Commission se serait illégalement mise dans l'impossibilité de proposer des mesures utiles, alors que de telles mesures auraient pu se révéler nécessaires si elle avait procédé à un examen complet.

    27
    Salt Union fait observer qu'il y a lieu de faire une distinction entre, d'une part, la procédure prévue à l'article 169 et, d'autre part, la procédure de l'article 93, car si les deux procédures étaient strictement identiques, la procédure spéciale de l'article 93 serait sans objet. La différence entre les deux procédures résiderait dans le fait que l'article 169 n'obligerait pas la Commission à procéder à l'examen des manquements des États membres aux obligations qui leur incombent en vertu du traité, alors que l'article 93, paragraphe 1, obligerait la Commission à examiner de manière permanente tous les régimes d'aides. Cette distinction serait d'une importance cruciale, étant donné que, si la Commission omet de remplir effectivement son obligation en matière de contrôle conformément à l'article 93, paragraphe 1, les personnes intéressées telles que Salt Union, qui auraient pu bénéficier de la procédure visée à l'article 93, paragraphe 2, en sont privées à tort. L'article 169 ne prévoirait pas quant à lui de procédure équivalente.

    28
    Salt Union fait ensuite remarquer que, selon l'arrêt de la Cour du 19 mai 1993, Cook/Commission (C-198/91, Rec. p. I-2487, point 23), si, sans ouvrir la procédure de l'article 93, paragraphe 2, la Commission constate, sur le fondement de l'article 93, paragraphe 3, qu'une aide nouvelle est compatible avec le marché commun, les bénéficiaires des garanties de procédure prévues à l'article 93, paragraphe 2, ne peuvent en obtenir le respect que s'ils ont la possibilité de contester devant la Cour cette décision de la Commission. Par analogie avec cet arrêt, une partie requérante ayant un intérêt à participer à la procédure de l'article 93, paragraphe 2, susceptible de résulter de l'achèvement de la procédure de l'article 93, paragraphe 1, ne pourrait obtenir le respect des garanties de procédure prévues à l'article 93, paragraphe 2, que si elle était en mesure de contester le défaut d'exécution appropriée de l'examen obligatoire au titre de l'article 93, paragraphe 1.

    29
    VDS fait valoir qu'il ressort de l'arrêt de la Cour du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission (169/84, Rec. p. 391, points 20 à 32), que les droits des concurrents des bénéficiaires d'aides d'État sont protégés par le traité. Il s'ensuivrait que les concurrents devraient toujours avoir le droit de s'opposer à l'octroi d'aides d'État à des sociétés actives sur les mêmes marchés qu'eux. Selon VDS, une telle analyse s'imposerait pour assurer le respect effectif des règles du traité en matière d'aides d'État. En conséquence, les concurrents de Frima devraient être en mesure de demander que la Commission procède à un examen approfondi de l'aide en faveur de Frima au titre de l'article 93, paragraphe 1.

    30
    VDS se réfère à l'arrêt de la Cour du 14 novembre 1984, Intermills/Commission (323/82, Rec. p. 3809, point 16), dans lequel il a été précisé que les intéressés visés par la disposition de l'article 93, paragraphe 2, comprennent notamment les concurrents du bénéficiaire de l'aide concernée. Dès lors que ces concurrents ont qualité pour agir dans une procédure au titre de l'article 93, paragraphe 2, déclenchée par une procédure au titre de l'article 93, paragraphe 1, ils devraient également, selon VDS, avoir le droit d'attaquer une décision de la Commission de ne pas ouvrir la procédure visée à l'article 93, paragraphe 1. A défaut d'un tel droit, ils seraient privés du droit de présenter des observations qui leur est reconnu en vertu de l'article 93, paragraphe 2. Une telle situation serait contraire au principe de droit communautaire selon lequel, lorsqu'une partie est titulaire de droits, le traité assure également les moyens procéduraux nécessaires pour faire valoir ces droits. VDS renvoie à cet égard à l'arrêt de la Cour du 22 mai 1990, Parlement/Conseil (C-70/88, Rec. p. I-2041).

    Appréciation du Tribunal

    31
    Selon une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal, constituent des actes ou décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation au sens de l'article 173 du traité les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9; arrêts du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T-64/89, Rec. p. II-367, point 42, et du 24 mars 1994, Air France/Commission, T-3/93, Rec. p. II-121, point 43).

    32
    En outre, lorsqu'une décision de la Commission revêt un caractère négatif, elle doit être appréciée en fonction de la nature de la demande à laquelle elle constitue une réponse (arrêts de la Cour du 8 mars 1972, Nordgetreide/Commission, 42/71, Rec. p. 105, point 5, et du 24 novembre 1992, Buckl e.a./Commission, C-15/91 et C-108/91, Rec. p. I-6061, point 22; arrêt Zunis Holding e.a./Commission, précité, point 31). En particulier, un refus est un acte susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation au sens de l'article 173 du traité, dès lors que l'acte que l'institution refuse de prendre aurait pu être attaqué en vertu de cette disposition (arrêts de la Cour du 26 avril 1988, Asteris e.a. et Grèce/Commission, 97/86, 193/86, 99/86 et 215/86, Rec. p. 2181, point 17, et Sonito e.a./Commission, précité, point 8).

    33
    En l'espèce, l'acte attaqué en vertu de l'article 173 du traité est le refus de la Commission de proposer au gouvernement néerlandais des mesures utiles au sens de l'article 93, paragraphe 1, du traité à l'égard du régime néerlandais.

    34
    Au vu de la jurisprudence citée (points 31 et 32 ci-dessus), ce refus ne peut être considéré comme une décision susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation que si l'acte de la Commission par lequel elle aurait proposé, à la demande de Salt Union, des mesures utiles au gouvernement néerlandais à l'égard du régime néerlandais, avait constitué une mesure produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de Salt Union, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci.

    35
    Or, force est de constater que, selon le libellé même de l'article 93, paragraphe 1, du traité les mesures utiles ne constituent que des propositions. En particulier, l'État ou le gouvernement néerlandais, auquel ces mesures devraient être proposées, ne serait pas obligé de s'y soumettre. Dans l'hypothèse où il déciderait de ne pas les adopter, la Commission, si elle l'estimait encore opportun, devrait prendre une décision en vertu de l'article 93, paragraphe 2, du traité afin d'exiger la modification du régime néerlandais. Seule cette décision comporterait un caractère obligatoire.

    36
    Il s'ensuit que l'acte sollicité par Salt Union n'aurait pas constitué une mesure produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter ses intérêts. Un tel acte n'aurait donc pas été susceptible d'un recours fondé sur l'article 173 du traité.

    37
    Par suite, le refus de la Commission d'adopter un tel acte n'est pas un acte susceptible de faire l'objet d'un recours en vertu dudit article 173.

    38
    Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté comme irrecevable, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'irrecevabilité soulevés par la Commission ni le fond de l'affaire.

    39
    Néanmoins, le Tribunal tient à souligner que le résultat du présent recours n'implique pas que, en général, les entreprises soient privées de la possibilité de s'opposer à l'octroi d'aides d'État à des entreprises actives sur les mêmes marchés qu'elles. En effet, ces entreprises ont la possibilité de contester, devant le juge national, la décision d'une autorité nationale d'octroyer une aide d'État à une entreprise qui est en concurrence avec elles. Si l'aide relève d'un régime général d'aides, les entreprises peuvent mettre en cause, dans le cadre d'une telle procédure nationale, la validité de la décision de la Commission par laquelle celle-ci a approuvé ce régime. Si le juge national se trouve confronté à une question relative à la validité de cette décision, il peut ou, le cas échéant, doit poser une question préjudicielle à la Cour de justice en vertu de l'article 177 du traité.


    Sur les dépens Conformément à l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Salt Union ayant succombé en ses prétentions, il y a lieu, au regard des conclusions de la Commission, de la condamner aux dépens, y compris ceux exposés par Frima, celle-ci ayant formulé des conclusions en ce sens. VDS supportera ses propres dépens.

    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

    déclare et arrête:

    1)
    Le recours est rejeté comme irrecevable.

    2)
    Salt Union Ltd est condamnée aux dépens, y compris ceux exposés par Frima BV.

    3)
    Verein Deutsche Salzindustrie eV supportera ses propres dépens.

    Briët

    Vesterdorf

    Lindh

    Potocki

    Cooke

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 octobre 1996.

    Le greffier

    Le président

    H. Jung

    B. Vesterdorf



    1
    Langue de procédure: l'anglais.

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