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Document 62022CJ0524

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 11 janvier 2024.
Amer Foz contre Conseil de l'Union européenne.
Pourvoi – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la Syrie – Mesures dirigées contre des personnes liées à des personnes et entités visées par des mesures restrictives – Listes des personnes auxquelles s’applique le gel de fonds et de ressources économiques – Preuve du bien-fondé de l’inscription du nom du requérant sur ces listes.
Affaire C-524/22 P.

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2024:23

 ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

11 janvier 2024 ( *1 )

« Pourvoi – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la Syrie – Mesures dirigées contre des personnes liées à des personnes et entités visées par des mesures restrictives – Listes des personnes auxquelles s’applique le gel de fonds et de ressources économiques – Preuve du bien-fondé de l’inscription du nom du requérant sur ces listes »

Dans l’affaire C‑524/22 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 4 août 2022,

Amer Foz, demeurant à Dubaï (Émirats arabes unis), représenté par Me L. Cloquet, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bishop et Mme T. Haas, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. T. von Danwitz (rapporteur), président de chambre, MM. P. G. Xuereb et A. Kumin, juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, M. Amer Foz demande l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 18 mai 2022, Foz/Conseil (T‑296/20, ci-après l’ « arrêt attaqué », EU:T:2022:298), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation :

de la décision d’exécution (PESC) 2020/212 du Conseil, du 17 février 2020, mettant en œuvre la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2020, L 43 I, p. 6), et du règlement d’exécution (UE) 2020/211 du Conseil, du 17 février 2020, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2020, L 43 I, p. 1) (ci-après, ensemble, les « actes initiaux ») ;

de la décision (PESC) 2020/719 du Conseil, du 28 mai 2020, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2020, L 168, p. 66), ainsi que du règlement d’exécution (UE) 2020/716 du Conseil, du 28 mai 2020, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2020, L 168, p. 1) (ci-après, ensemble, les « actes de maintien de 2020 »), et

de la décision (PESC) 2021/855 du Conseil, du 27 mai 2021, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2021, L 188, p. 90), et du règlement d’exécution (UE) 2021/848 du Conseil, du 27 mai 2021, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2021, L 188, p. 18) (ci-après, ensemble, les « actes litigieux »),

en tant que ces actes inscrivent et maintiennent son nom sur les listes annexées auxdits actes.

Le cadre juridique

2

Aux termes de l’article 27 de la décision 2013/255/PESC du Conseil, du 31 mai 2013, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2013, L 147, p. 14), telle que modifiée par la décision (PESC) 2015/1836 du Conseil, du 12 octobre 2015 (JO 2015, L 266, p. 75) :

« 1.   Les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie, des personnes bénéficiant des politiques menées par le régime ou soutenant celui-ci, et des personnes qui leur sont liées, dont la liste figure à l’annexe I.

2.   Conformément aux évaluations et aux constatations faites par le Conseil dans le contexte de la situation en Syrie énoncées aux considérants 5 à 11, les États membres prennent aussi les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire :

a)

des femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie ;

b)

des membres des familles Assad ou Makhlouf ;

c)

des ministres du gouvernement syrien au pouvoir après mai 2011 ;

d)

des membres des forces armées syriennes ayant le rang de colonel ou équivalent ou un grade supérieur, en poste après mai 2011 ;

e)

des membres des services de sécurité et de renseignement syriens en poste après mai 2011 ;

f)

des membres des milices affiliées au régime ; ou

g)

des personnes qui opèrent dans le secteur de la prolifération des armes chimiques,

et des personnes qui leur sont liées, dont la liste figure à l’annexe I.

3.   Les personnes relevant de l’une des catégories visées au paragraphe 2 ne sont pas inscrites ou maintenues sur la liste des personnes et entités qui figurent à l’annexe I s’il existe des informations suffisantes indiquant qu’elles ne sont pas, ou ne sont plus, liées au régime ou qu’elles n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’elles ne sont pas associées à un risque réel de contournement.

4.   Toutes les décisions d’inscription sur la liste sont prises sur une base individuelle et au cas par cas en tenant compte de la proportionnalité de la mesure.

[...] »

3

L’article 28, paragraphes 1 à 5, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, dispose :

« 1.   Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant à des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie, à des personnes et entités bénéficiant des politiques menées par le régime ou soutenant celui-ci et à des personnes et entités qui leur sont liées, dont les listes figurent aux annexes I et II, de même que tous les fonds et ressources économiques qu’elles possèdent, détiennent ou contrôlent.

2.   Conformément aux évaluations et aux constatations faites par le Conseil dans le contexte de la situation en Syrie énoncées aux considérants 5 à 11, sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes relevant des catégories suivantes, de même que tous les fonds et ressources économiques qu’elles possèdent, détiennent ou contrôlent, à savoir :

a)

les femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie ;

b)

les membres des familles Assad ou Makhlouf ;

c)

les ministres du gouvernement syrien au pouvoir après mai 2011 ;

d)

les membres des forces armées syriennes ayant le rang de colonel ou équivalent ou un grade supérieur, en poste après mai 2011 ;

e)

les membres des services de sécurité et de renseignement syriens en poste après mai 2011 ;

f)

les membres des milices affiliées au régime ; ou

g)

les membres des entités, unités, agences, organismes ou institutions qui opèrent dans le secteur de la prolifération des armes chimiques,

et les personnes qui leur sont liées, dont la liste figure à l’annexe I.

3.   Les personnes, entités ou organismes relevant de l’une des catégories visées au paragraphe 2 ne sont pas inscrits ou maintenus sur les listes des personnes et entités qui figurent à l’annexe I s’il existe des informations suffisantes indiquant qu’ils ne sont pas, ou ne sont plus, liés au régime ou qu’ils n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’ils ne sont pas associés à un risque réel de contournement.

4.   Toutes les décisions d’inscription sur la liste sont prises sur une base individuelle et au cas par cas en tenant compte de la proportionnalité de la mesure.

5.   Aucun fonds ou aucune ressource économique n’est mis, directement ou indirectement, à la disposition des personnes physiques ou morales ou entités dont les listes figurent aux annexes I et II, ni utilisé à leur profit. »

4

L’article 15, paragraphes 1 bis et 1 ter, du règlement (UE) no 36/2012 du Conseil, du 18 janvier 2012, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie et abrogeant le règlement (UE) no 442/2011 (JO 2012, L 16, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2015/1828 du Conseil, du 12 octobre 2015 (JO 2015, L 266, p. 1), prévoit :

« 1   bis. La liste figurant à l’annexe II comprend également les personnes physiques ou morales, les entités et les organismes qui, conformément à l’article 28, paragraphe 2, de la [décision 2013/255], ont été identifiés par le Conseil comme relevant de l’une des catégories suivantes :

a)

les femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie ;

b)

les membres des familles Assad ou Makhlouf ;

c)

les ministres du gouvernement syrien au pouvoir après mai 2011 ;

d)

les membres des forces armées syriennes ayant un grade de colonel ou équivalent ou un grade supérieur, en poste après mai 2011 ;

e)

les membres des services syriens de sécurité et de renseignement en poste après mai 2011 ;

f)

les membres des milices affiliées au régime ;

g)

les personnes, entités, unités, agences, organismes ou institutions qui contribuent à la prolifération des armes chimiques ;

et les personnes physiques ou morales et les entités qui leur sont associées et auxquelles l’article 21 du présent règlement ne s’applique pas.

1ter.   Les personnes, les entités ou les organismes relevant de l’une des catégories visées au paragraphe 1 bis ne sont pas inscrits ou maintenus sur la liste des personnes, entités et organismes figurant à l’annexe II s’il existe des informations suffisantes qu’ils ne sont pas, ou ne sont plus, associés au régime ou qu’ils n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’ils ne sont pas associés à un risque réel de contournement. »

Les antécédents du litige

5

Les antécédents du litige sont exposés aux points 2 à 27 de l’arrêt attaqué. Pour les besoins de la présente procédure, ils peuvent être résumés comme suit.

6

Le requérant est un homme d’affaires de nationalité syrienne dont le nom a été ajouté par la décision d’exécution 2020/212 et le règlement d’exécution 2020/211 respectivement à la ligne 291 de la liste figurant à l’annexe I, section A (Personnes), de la décision 2013/255 et à la ligne 291 de la liste figurant à l’annexe II, section A (Personnes), du règlement no 36/2012, énumérant les noms des personnes dont les fonds et les ressources économiques sont gelés (ci-après, ensemble, les « listes litigieuses »). Ses fonctions y étaient décrites comme étant celles de « directeur général d’ASM International General Trading LLC ». « Samer Foz ; Aman Holding [(Aman Dimashq JSC)] » et « ASM International General Trading LLC » y étaient mentionnés comme étant des « parents/associés/entités ou partenaires d’affaires/liens » du requérant.

7

Les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses étaient libellés comme suit, de manière identique sur chacune de celles-ci :

« Homme d’affaires influent ayant des intérêts commerciaux personnels et familiaux et exerçant des activités dans de multiples secteurs de l’économie syrienne, notamment au travers d’Aman Holding (connue auparavant sous le nom d’Aman Group). Par l’intermédiaire d’Aman Holding, il bénéficie financièrement d’un accès aux perspectives commerciales et soutient le régime [de Bashar Al‑Assad], notamment en participant à la construction de Marota City, qui est appuyée par le régime. Il est également directeur général d’ASM International [General] Trading LLC depuis 2012.

Il est en outre associé à son frère Samer Foz, qui figure sur la liste de l’[Union européenne] depuis janvier 2019 en tant qu’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et soutenant le régime ou en tirant avantage. »

8

Par la décision 2020/719, qui a prorogé l’application de la décision 2013/255 jusqu’au 1er juin 2021, et le règlement d’exécution 2020/716, le Conseil de l’Union européenne a maintenu le nom du requérant sur les listes litigieuses pour des motifs inchangés.

9

Par la décision 2021/855, qui a prorogé l’application de la décision 2013/255 jusqu’au 1er juin 2022, et le règlement d’exécution 2021/848, le Conseil a maintenu le nom du requérant sur les listes litigieuses en modifiant, d’une part, la description de ses fonctions et, d’autre part, les motifs de son inscription sur ces listes (ci-après les « motifs de 2021 »).

10

Ainsi, d’une part, ses fonctions y sont désormais décrites comme étant celles de « fondateur de la société District 6 Company et partenaire fondateur de la société Easy Life Company ». La mention relative à « ASM International General Trading LLC » a été supprimée et celle de « vice-président de la société Asas Steel Company » a été ajoutée en tant que « parents/associés/entités ou partenaires d’affaires/liens » du requérant.

11

D’autre part, les motifs de 2021 sont rédigés comme suit :

« Homme d’affaires influent ayant des intérêts commerciaux personnels et familiaux et exerçant des activités dans de multiples secteurs de l’économie syrienne. Il tire aussi des profits financiers de son accès à des débouchés commerciaux et soutient le régime syrien. Entre 2012 et 2019, il était directeur général d’ASM International [General] Trading LLC.

Il est en outre associé à son frère Samer Foz, qui a été désigné par le Conseil depuis janvier 2019 en tant qu’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et soutenant le régime ou en tirant avantage. Avec son frère, il met en œuvre un certain nombre de projets commerciaux, notamment dans la région d’Adra al-Ummaliyya [(banlieue de Damas, Syrie)]. Ces projets comprennent une usine fabriquant des câbles et des accessoires de câbles ainsi qu’un projet de production d’électricité à l’aide de l’énergie solaire. Ils ont également mené diverses activités avec l’[État islamique en Irak et au Levant (EIIL), Daech] au nom du régime [de Bashar Al‑Assad], y compris la fourniture d’armes et de munitions en échange de blé et d’huile. »

Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

12

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 mai 2020 et adaptée en cours d’instance, le requérant a introduit un recours tendant à l’annulation des actes initiaux, des actes de maintien de 2020 et des actes litigieux, en tant qu’ils le concernent, en invoquant six moyens, tirés, le premier, d’une erreur d’appréciation, le deuxième, d’une violation du principe de proportionnalité, le troisième, d’une violation du droit de propriété et de la liberté d’exercer une activité économique, le quatrième, d’un détournement de pouvoir, le cinquième, d’une violation de l’obligation de motivation et, enfin, le sixième, d’une violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable.

13

Le Tribunal a d’abord examiné les cinquième et sixième moyens qu’il a rejetés puis, aux points 71 à 179 de l’arrêt attaqué, le premier moyen.

14

Dans ce cadre, après des considérations liminaires, le Tribunal a examiné les éléments des motifs d’inscription se rattachant à chacun des critères d’inscription, la pertinence et la fiabilité des éléments de preuve fournis par le Conseil puis la portée du critère d’inscription relatif au lien avec une personne ou une entité visée par les mesures restrictives ainsi que les intérêts commerciaux familiaux du requérant au sein d’Aman Holding et d’ASM International General Trading.

15

En ce qui concerne les intérêts commerciaux familiaux du requérant au sein d’Aman Holding, au point 137 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, concernant les actes litigieux, le requérant avait valablement démontré que, le 22 novembre 2020, et donc antérieurement à leur adoption, il avait cédé ses parts dans Aman Holding et qu’il n’occupait pas, à la suite de cette cession, de poste à responsabilités au sein de cette société, de sorte que, pour ces actes, le Conseil ne pouvait pas se prévaloir de sa participation dans ladite société pour établir un lien entre lui-même et son frère, Samer Foz. Le Tribunal en a conclu, au point 144 de cet arrêt, que, concernant les actes initiaux et les actes de maintien de 2020, le Conseil avait suffisamment étayé le lien entre le requérant et son frère, Samer Foz, en raison de leurs liens d’affaires au sein d’Aman Holding, mais que tel n’était pas le cas s’agissant des actes litigieux.

16

S’agissant des intérêts commerciaux familiaux du requérant au sein d’ASM International General Trading, aux points 149 et 155 dudit arrêt, le Tribunal a estimé, que, concernant les actes initiaux, le Conseil avait suffisamment étayé le lien entre le requérant et son frère, Samer Foz, en raison de leurs liens d’affaires au sein d’ASM International General Trading, mais pas concernant les actes de maintien de 2020 ni les actes litigieux, cette société ayant été liquidée le 25 février 2020.

17

S’agissant des diverses activités avec l’EIIL menées par le requérant et son frère, Samer Foz, au nom du régime syrien, le Tribunal, aux points 161 à 164 de l’arrêt attaqué, a indiqué ce qui suit :

« 161

Selon le libellé des motifs de 2021, les diverses activités avec l’EIIL menées au nom du régime syrien comprennent, notamment, “la fourniture d’armes et de munitions en échange de blé et d’huile”.

162

Il peut être constaté, eu égard aux éléments d’information provenant du site Internet Pro-justice, que le requérant et son frère ont mené des activités au nom du régime syrien, comprenant la fourniture d’armes et de munitions en échange de blé et d’huile. Selon ledit site Internet, ces échanges commerciaux ont eu lieu lorsque l’EIIL contrôlait tout l’est de la Syrie, ce qu’un dirigeant de l’EIIL a d’ailleurs confirmé. Le site Internet The Syria Report mentionne que le transport de blé, notamment, dans les régions contrôlées par l’EIIL est opéré par la filiale d’Aman Holding, ce qui constitue un autre facteur révélateur de l’importance de Samer Foz aux yeux du régime syrien. Aman Holding, dirigée par la famille Foz, agit pour le compte du régime syrien dans le commerce de grains, selon le site Internet Reuters. Il est indiqué sur ce dernier site Internet qu’Aman Holding mène une activité de courtage, aux fins du commerce de céréales, avec Hoboob, une société détenue par l’État syrien. Aman Holding confirme avoir importé du blé en Syrie en 2013. Enfin, ASM International General Trading, établie aux Émirats arabes unis, opérait également dans le commerce du blé, ainsi qu’il ressort des sites Internet Arab News et Al Arabiya.

163

Dès lors, ainsi qu’il ressort du point 162 ci-dessus, le Conseil a apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants au sens de la jurisprudence. Aussi, cette partie de l’exposé des motifs de 2021 est suffisamment étayée. Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument du requérant, non étayé, selon lequel ces accusations résulteraient d’affirmations péremptoires et, par conséquent, infondées.

164

Partant, il y a lieu de conclure que, s’agissant de cette partie des motifs de 2021, le Conseil a suffisamment étayé le lien entre le requérant et Samer Foz en raison de leurs diverses activités menées au nom du régime syrien avec l’EIIL. »

18

Sous le titre « Conclusions sur le lien avec une personne visée par les mesures restrictives », le Tribunal a indiqué ce qui suit, aux points 165 à 167 de l’arrêt attaqué :

« 165

En premier lieu, il ressort de ce qui précède que le requérant et son frère, Samer Foz, entretiennent des liens dans le cadre de relations d’affaires. Tout d’abord, à la date d’adoption des actes initiaux, le Conseil a démontré que le requérant et Samer Foz entretenaient des liens d’affaires par l’intermédiaire de l’entreprise familiale Aman Holding et d’ASM International General Trading. Ensuite, concernant les actes de maintien de 2020, le Conseil a démontré que les deux frères entretenaient des liens d’affaires par l’intermédiaire de ladite entreprise familiale. Enfin, s’agissant des actes de maintien de 2021, le Conseil a démontré que le requérant et son frère entretenaient des liens d’affaires, étant donné qu’ils menaient des activités avec l’EIIL au nom du régime syrien.

166

L’existence de liens d’affaires entre le requérant et son frère, Samer Foz, se concrétise également par une forme de concertation dans la gestion de leurs portefeuilles d’actions. [...]

167

Enfin, dans ses écritures, le requérant ne soutient pas avoir rompu ses relations avec Samer Foz ou s’en être distancié. Par conséquent, des liens entre le requérant et son frère persistent. »

19

Au point 177 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a retenu que le motif d’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses en raison de son lien avec une personne visée par les mesures restrictives était suffisamment étayé, de sorte que, au regard de ce critère, l’inscription de son nom sur ces listes était bien fondée. Au point 179 de cet arrêt, le Tribunal a rejeté le premier moyen comme non fondé, sans qu’il soit besoin d’examiner le bien-fondé des autres griefs soulevés par le requérant et visant à remettre en cause les autres critères d’inscription.

20

Enfin, le Tribunal a rejeté le quatrième moyen, puis les deuxième et troisième moyens, pris ensemble et, par voie de conséquence, le recours dans son intégralité.

Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

21

Le requérant demande à la Cour :

d’annuler partiellement l’arrêt attaqué dans la mesure où il a rejeté son recours en annulation contre les actes litigieux ;

d’annuler les actes litigieux en ce qu’ils le concernent ;

d’ordonner au Conseil de retirer son nom des annexes de la décision 2013/255 ainsi que du règlement no 36/2012, et

de condamner le Conseil aux dépens.

22

Le Conseil demande à la Cour :

de rejeter le pourvoi ;

à titre subsidiaire, de rejeter la demande du requérant tendant à ce qu’il lui soit ordonné de retirer le nom de ce dernier des annexes de la décision 2013/255 ainsi que du règlement no 36/2012, et

de condamner le requérant aux dépens.

Sur le pourvoi

23

Le requérant soulève huit moyens à l’appui de son pourvoi, tirés, les premier à quatrième, d’une dénaturation des éléments de preuve et des circonstances factuelles, le cinquième, d’une application erronée de la jurisprudence issue des arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑605/13 P, EU:C:2015:248), et Anbouba/Conseil (C‑630/13 P, EU:C:2015:247), le sixième, d’une application erronée des articles 27 et 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, ainsi que de l’article 15 du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, le septième, d’une dénaturation des circonstances factuelles et, le huitième, d’une application erronée des règles relatives à la charge de la preuve.

Sur la recevabilité

Argumentation des parties

24

Le Conseil soutient à titre principal que les moyens de pourvoi sont irrecevables en l’absence d’identification précise des points contestés de l’arrêt attaqué, contrairement aux exigences de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour. Le pourvoi devrait, par suite, être déclaré irrecevable dans son ensemble.

25

Le requérant conteste cette argumentation en faisant valoir que, outre l’argumentation développée à l’appui de chacun des moyens de pourvoi qu’il soulève, la partie introductive du pourvoi vise les points 162, 167 et 177 de l’arrêt attaqué comme contenant les conclusions du Tribunal qu’il considère comme étant erronées.

Appréciation de la Cour

26

À titre liminaire, conformément à une jurisprudence constante, il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les points critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (arrêt du 23 novembre 2021, Conseil/Hamas, C‑833/19 P, EU:C:2021:950, point 50 et jurisprudence citée).

27

Un pourvoi dépourvu de telles caractéristiques n’est pas susceptible de faire l’objet d’une appréciation juridique permettant à la Cour d’exercer la mission qui lui incombe dans le domaine considéré et d’effectuer son contrôle de légalité (ordonnance du 19 juin 2015, Makhlouf/Conseil, C‑136/15 P, EU:C:2015:411, point 25, et arrêt du 17 décembre 2020, Inpost Paczkomaty/Commission, C‑431/19 P et C‑432/19 P, EU:C:2020:1051, point 31 ainsi que jurisprudence citée).

28

En l’espèce, s’agissant du sixième moyen, comme le fait valoir le Conseil, le pourvoi ne répond pas aux exigences requises par cette jurisprudence. En effet, l’argumentation développée par le requérant au soutien de ce moyen ne se réfère à aucun point précis de l’arrêt attaqué et ne permet pas d’identifier les motifs du Tribunal qui, parmi les considérations figurant aux points 79 à 176 de cet arrêt, l’ayant conduit à confirmer, au point 177 de l’arrêt attaqué, que l’inscription de son nom sur les listes litigieuses était bien fondée, seraient entachés d’une erreur de droit.

29

En revanche, le pourvoi permet d’identifier les points critiqués de l’arrêt attaqué dans le cadre des premier à cinquième et huitième moyens, à savoir les points 161 à 164 de cet arrêt, et expose les motifs pour lesquels, selon le requérant, ces points sont entachés d’une erreur de droit, permettant à la Cour d’exercer son contrôle de légalité. Il en est de même concernant le septième moyen qui vise le point 167 dudit arrêt.

30

Il s’ensuit que les premier à cinquième, septième et huitième moyens sont recevables et que le sixième moyen doit être écarté comme étant irrecevable.

Sur le fond

Sur les premier à quatrième moyens

– Argumentation des parties

31

Par son premier moyen, le requérant soutient que, aux points 161 à 164 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve issus du site Internet Pro-justice. D’une part, le Tribunal aurait altéré et déformé le texte original de l’article publié sur ce site, en présentant les allégations de son auteur comme des faits avérés nonobstant les réserves et les précautions prises par ce dernier, qui avait employé le terme « accusés » et, à deux reprises, l’adverbe « prétendument ». D’autre part, le Tribunal se serait référé, à tort, à une confirmation des échanges commerciaux évoqués par un dirigeant de l’EIIL, le lien URL visé en note de bas de page de cet article renvoyant à une page inexistante. Cette confirmation ne serait, en tout état de cause, pas démontrée ni corroborée par une autre source et ledit article manquerait de précision quant à la prétendue participation du requérant avec son frère, Samer Foz, à des transactions avec l’EIIL.

32

Par ses deuxième à quatrième moyens, le requérant fait valoir que le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve issus, respectivement, du site Internet The Syria Report, de l’article de presse du site Internet Reuters ainsi que, concernant ASM International General Trading, des sites Internet Arab News et Al Arabya. À cet égard, le site Internet The Syria Report ferait référence à une filiale d’Aman Holding et non pas à l’implication personnelle du requérant dans des transactions avec l’EIIL. L’article de presse du site Internet Reuters se référerait aux sociétés Aman Group ou Aman Holding et non pas au requérant ou à l’EIIL. Enfin, les sites Internet Arab News et Al Arabya ne mentionneraient pas l’EIIL, mais seulement ASM International General Trading.

33

Or, le Tribunal se contredirait étant donné que, d’une part, au point 137 de l’arrêt attaqué, il aurait reconnu que le requérant avait cédé ses parts dans Aman Holding avant la date d’adoption des actes litigieux et que, à la suite de cette cession, ce dernier n’occupait plus de poste à responsabilités au sein de cette société. D’autre part, le Tribunal aurait retenu que, pour ces actes, le Conseil ne pouvait se prévaloir de la participation du requérant dans Aman Holding pour établir un lien entre lui-même et son frère, Samer Foz. Ainsi, le point 137 de l’arrêt attaqué invaliderait l’article du site Internet The Syria Report, qui serait dépassé. Il en serait de même de l’article de presse du site Internet Reuters.

34

Le Tribunal se contredirait également dans la mesure où il aurait admis qu’ASM International General Trading avait été dissoute et où il a estimé, au point 155 de l’arrêt attaqué, que les liens d’affaires entre lui-même et son frère, Samer Foz, au sein d’ASM International General Trading n’étaient pas suffisamment étayés concernant les actes de maintien de 2020 et les actes litigieux. Les éléments de preuve issus des sites Internet Arab News et Al Arabya seraient donc également dépassés.

35

En considérant que les éléments de preuve issus de ces quatre sites Internet pouvaient corroborer un lien entre le requérant et son frère, Samer Foz, dans le cadre de transactions avec l’EIIL, alors que ces éléments de preuve ne démontraient pas un tel lien, le Tribunal se serait montré incohérent et aurait dénaturé les faits. Partant, l’ensemble de ces éléments de preuve devrait être écarté du faisceau d’indices retenus par le Tribunal.

36

Selon le Conseil, les premier à quatrième moyens ne sont pas fondés.

– Appréciation de la Cour

37

Selon une jurisprudence constante, dans le cadre du pourvoi, la Cour n’est pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectées, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis, sous réserve du cas de leur dénaturation(voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2020, Cham Holding/Conseil, C‑261/19 P, EU:C:2020:781, point 66 et jurisprudence citée).

38

Une telle dénaturation existe lorsque, sans avoir recours à de nouveaux éléments de preuve, l’appréciation des éléments de preuve existants apparaît manifestement erronée. Toutefois, cette dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves. Par ailleurs, lorsqu’un requérant allègue une dénaturation d’éléments de preuve, il doit indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par le Tribunal et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit celui-ci à cette dénaturation (arrêt du 29 novembre 2018, Bank Tejarat/Conseil, C‑248/17 P, EU:C:2018:967, point 44 et jurisprudence citée).

39

En l’espèce, s’agissant de l’extrait du rapport du site Internet Pro-justice que, selon le premier moyen, le Tribunal aurait dénaturé, il est exact que le Tribunal n’a pas cité littéralement cet extrait, au point 162 de l’arrêt attaqué, mais a mentionné son contenu en substance, en ayant recours à une formulation plus affirmative, ne faisant référence ni au terme « accusés » ni à l’adverbe « prétendument » que ce rapport contenait. Cependant, l’appréciation que le Tribunal a faite de cet élément de preuve n’apparaît pas manifestement erronée, dès lors qu’il ressort de ce rapport qu’un dirigeant nommément désigné de l’EIIL a confirmé que le requérant et son frère, Samer Foz, étaient engagés dans diverses activités commerciales avec l’EIIL au nom du régime syrien. En outre, bien que le requérant fasse valoir que le lien URL cité en note de bas de page n’est plus actif, il ne ressort pas du point 162 de cet arrêt que le Tribunal aurait fondé son appréciation sur cette source. En tout état de cause, la seule pièce fournie par le requérant ne permet pas d’établir que ce lien n’était pas actif antérieurement, notamment au moment où le Tribunal a eu égard audit rapport.

40

Il convient d’ajouter que, au point 111 de l’arrêt attaqué, qui n’est pas contesté dans le cadre du pourvoi, le Tribunal a considéré que ce rapport du site Internet Pro-justice constituait un élément de preuve sensé et fiable. Ainsi, pour autant que le requérant fait valoir que ledit rapport manquait de précision, un tel argument doit être écarté comme étant non fondé.

41

S’agissant des deuxième à quatrième moyens, par lesquels le requérant soutient que le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve tirés des sites Internet The Syria Report, Reuters ainsi qu’Arab News et Al Arabya, également visés audit point 162, le requérant n’indique pas précisément en quoi consisterait cette dénaturation, mais se limite à soutenir qu’ils ne pouvaient ni démontrer ni corroborer l’existence d’un lien d’affaires entre lui-même et son frère, Samer Foz, dès lors que ces éléments ne se référaient pas à lui personnellement, ni à l’EIIL pour certains d’entre eux, mais à des sociétés, à savoir Aman Group, Aman Holding et l’une de ses filiales ainsi qu’à ASM International General Trading.

42

Or, pour autant que le requérant fait valoir qu’il s’agissait d’éléments de preuve dépassés ou obsolètes étant donné qu’il avait cédé ses parts dans Aman Holding le 7 octobre 2020 et qu’ASM International General Trading avait été liquidée le 25 février 2020, comme le Tribunal l’a constaté aux points 133 et 149 de l’arrêt attaqué, il apparaît que le requérant avait déjà soumis cet argument au Tribunal, ainsi qu’il ressort des points 103 à 112 de cet arrêt.

43

De même, le requérant avait déjà soutenu devant le Tribunal que son nom n’était pas mentionné dans plusieurs des articles issus de ces sites Internet, ainsi qu’il résulte des points 98 à 102 de cet arrêt.

44

Or, le Tribunal a toutefois estimé, aux points 98 à 112 dudit arrêt, non critiqués dans le cadre du présent pourvoi, qu’il s’agissait d’éléments de preuve fiables et pertinents, à l’instar de ceux du site Internet Pro-justice.

45

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que, par cette argumentation ainsi que par celle invoquée, pour le reste, à l’appui du premier moyen, le requérant paraît en réalité chercher à obtenir une nouvelle appréciation des faits et des éléments de preuve par la Cour, échappant à sa compétence dans le cadre du pourvoi en vertu de la jurisprudence citée au point 37 du présent arrêt. Dans cette mesure, une telle argumentation est irrecevable.

46

Enfin, l’argument selon lequel il existerait une contradiction entre les motifs du Tribunal figurant, d’une part, aux points 137 et 155 de l’arrêt attaqué et, d’autre part, aux points 162 à 164 de cet arrêt, procède d’une lecture erronée dudit arrêt. En effet, comme le soutient à bon droit le Conseil, les conclusions du Tribunal à ces derniers points ne reposent pas sur l’implication du requérant dans ces sociétés à une date précise, contrairement à ce que le Tribunal indique aux points 137, 144 et 155 du même arrêt. Par ailleurs, il ressort notamment des points 129, 143, 145 et 146 de l’arrêt attaqué, non contestés dans le cadre du présent pourvoi, que le requérant était bien impliqué dans ces sociétés avec son frère, Samer Foz, avant cette cession et cette liquidation. Partant, cet argument doit être rejeté comme étant non fondé.

47

Il s’ensuit qu’il convient de rejeter les premier à quatrième moyens comme étant en partie irrecevables et en partie non fondés.

Sur le cinquième moyen

– Argumentation des parties

48

Par son cinquième moyen, le requérant fait valoir que le Tribunal a appliqué à tort la jurisprudence issue des arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑605/13 P, EU:C:2015:248) et Anbouba/Conseil (C‑630/13 P, EU:C:2015:247), en estimant, au point 164 de l’arrêt attaqué, que le Conseil avait étayé à suffisance de droit le lien qui existait entre lui-même et son frère, Samer Foz, en raison de leurs diverses activités menées au nom du régime syrien avec l’EIIL et, partant, l’exigence relative à l’existence d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants, au sens de cette jurisprudence. Dans la mesure où les éléments de preuve issus des sites Internet Pro-justice et The Syria Report, de l’article de presse publié sur le site Internet Reuters et, concernant ASM International General Trading LLC, des sites Internet Arab News et Al Arabya, auraient tous été dénaturés, le faisceau d’indices retenus par le Tribunal serait privé de contenu.

49

Le Conseil soutient que le cinquième moyen n’est pas fondé.

– Appréciation de la Cour

50

En l’espèce, l’argumentation du requérant avancée au soutien du cinquième moyen présuppose que le Tribunal aurait dénaturé, ainsi qu’il l’a fait valoir à l’appui de ses premier à quatrième moyens, les éléments de preuve issus des sites Internet cités au point 162 de l’arrêt attaqué, qui ont conduit le Tribunal à confirmer, au point 164 de cet arrêt, que, s’agissant de la partie des motifs des actes litigieux relative au lien entre le requérant et son frère, Samer Foz, en raison de leurs diverses activités menées au nom du régime syrien avec l’EIIL, le Conseil avait apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants, au sens de la jurisprudence issue des arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑605/13 P, EU:C:2015:248) et Anbouba/Conseil (C‑630/13 P, EU:C:2015:247), citée au point 158 de l’arrêt attaqué.

51

Or, dès lors qu’il résulte de la réponse apportée aux premier à quatrième moyens, figurant au point 47 du présent arrêt, que c’est en vain que le requérant a reproché un tel grief de dénaturation à l’arrêt attaqué, le cinquième moyen doit être écarté comme étant inopérant.

Sur le huitième moyen

– Argumentation des parties

52

Par son huitième moyen, le requérant soutient que le Tribunal a erronément appliqué les règles régissant la charge de la preuve dans la mesure où il a considéré, au point 163 de l’arrêt attaqué, que l’allégation qu’il aurait mené diverses activités avec l’EIIL et son frère, Samer Foz, pour le compte du régime syrien, ne pouvait être remise en cause par son argument, prétendument infondé, selon lequel ces accusations résulteraient d’affirmations « péremptoires » et, selon le Tribunal, « infondées ». À cet égard, le requérant aurait toujours nié avoir eu une quelconque relation avec l’EIIL et le fait de démontrer le contraire reviendrait à prouver un fait négatif et, partant, à une « probatio diabolica ». La charge de la preuve aurait incombé au Conseil en vertu de la jurisprudence de la Cour, lequel aurait apporté, comme précédemment prouvé, des preuves insatisfaisantes et déformées par le Tribunal.

53

Le Conseil soutient que ce moyen n’est pas fondé.

– Appréciation de la Cour

54

Par son huitième moyen, le requérant fait en substance valoir que, au point 163 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une violation des règles relatives à la charge de la preuve dans la mesure où il a considéré que la conclusion à laquelle il était parvenu, quant au caractère suffisamment étayé de la partie de l’exposé des motifs de 2021 relative aux diverses activités avec l’EIIL menées par le requérant et son frère, Samer Foz, au nom du régime syrien, n’était pas remise en cause par l’argument du requérant, non étayé, selon lequel ces accusations résulteraient d’affirmations infondées.

55

Or, il ne ressort pas de cette considération du Tribunal que ce dernier aurait violé les règles relatives à la charge de la preuve.

56

À cet égard, d’une part, il convient de relever que ladite considération est fondée sur l’appréciation souveraine, par le Tribunal, des éléments de preuve fournis par le Conseil, visés au point 162 de l’arrêt attaqué, concernant lesquels, contrairement à la prémisse du requérant dans son argumentation et ainsi qu’il ressort des points 39 à 47 du présent arrêt, la Cour n’a pas constaté de dénaturation de la part du Tribunal. D’autre part, il apparaît que le Tribunal a examiné la pertinence et la fiabilité des éléments de preuve produits par le Conseil non seulement aux points 98 à 112 de l’arrêt attaqué, mais également au regard des conditions énoncées à l’article 27, paragraphe 3, et à l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, aux points 170 à 176 de cet arrêt, ces différents points n’étant pas contestés dans le cadre du pourvoi.

57

Enfin, le requérant n’indique pas qu’il aurait soumis au Tribunal des éléments de preuve que ce dernier aurait omis d’examiner.

58

Il s’ensuit que sous le couvert d’un moyen tiré d’une prétendue violation des règles régissant la charge de la preuve, le requérant demande en réalité à la Cour de substituer sa propre appréciation des éléments de preuve qui ont été soumis au Tribunal ainsi que de la valeur qu’il leur a attribuée, ce qui, en vertu de la jurisprudence rappelée au point 37 du présent arrêt, échappe à sa compétence dans le cadre d’un pourvoi.

59

Eu égard à ces considérations, il convient d’écarter le huitième moyen comme étant irrecevable.

Sur le septième moyen

– Argumentation des parties

60

Par son septième moyen, le requérant fait valoir que le Tribunal, au point 167 de l’arrêt attaqué, a dénaturé les circonstances factuelles concernant l’absence de lien entre lui-même et son frère, Samer Foz, en considérant que, dans ses écritures, le requérant ne soutenait pas avoir rompu ses relations avec Samer Foz ou s’en être distancié. Or, le requérant aurait affirmé de nombreuses fois dans ses écrits de procédure n’avoir plus aucune relation commerciale ou professionnelle avec son frère, Samer Foz, notamment aux points 92 à 99 de son mémoire en réplique devant le Tribunal, où il aurait notamment indiqué que, au moment du dépôt de sa requête en première instance, il n’était associé à son frère, Samer Foz, dans aucune entreprise, société, partenariat ou projet.

61

Selon le Conseil, ce moyen n’est pas fondé.

– Appréciation de la Cour

62

Par son septième moyen, le requérant reproche au Tribunal d’avoir dénaturé les affirmations figurant dans ses écritures en considérant, au point 167 de l’arrêt attaqué, qu’il ne soutenait pas avoir rompu ses relations avec Samer Foz ou s’en être distancié, alors qu’il aurait précisément indiqué dans celles-ci qu’il n’entretenait plus aucune relation commerciale avec lui.

63

Toutefois, ces considérations figurant à la première phrase de ce point 167 ne sont que l’un des motifs à l’appui de la conclusion du Tribunal relative au lien du requérant avec une personne visée par des mesures restrictives, laquelle repose essentiellement sur les motifs énoncés aux points 165 et 166 de cet arrêt établissant l’existence de liens d’affaires présents ou passés entre le requérant et son frère, Samer Foz. Or, ces derniers motifs soit ne sont pas visés par le pourvoi, soit, dans la mesure où ils s’appuient sur les points 162 à 164 dudit arrêt, ont été critiqués en vain par les premier à cinquième et huitième moyens, ainsi qu’il ressort des points 47, 51 et 59 du présent arrêt.

64

Lesdits motifs soutenant, à suffisance de droit, la conclusion tirée à la seconde phrase du point 167 de l’arrêt attaqué, l’éventuelle dénaturation invoquée par le requérant, à la supposer établie, ne saurait entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué. Il s’ensuit que le septième moyen doit être écarté comme étant inopérant.

65

Aucun des moyens du pourvoi n’ayant été accueilli, il convient de rejeter celui-ci dans son ensemble.

Sur les dépens

66

Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

67

Le Conseil ayant conclu à la condamnation du requérant aux dépens et ce dernier ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil.

 

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête :

 

1)

Le pourvoi est rejeté.

 

2)

M. Amer Foz est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

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