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Document 62021CJ0447
Judgment of the Court (Seventh Chamber) of 1 August 2022.#Petrus Kerstens v European Commission.#Appeal – Civil Service – Disciplinary proceedings – Requests for assistance – Rejection – Notification of decisions by electronic means – Action for annulment – Period allowed for commencing proceedings – Point from which time starts to run – Action brought out of time.#Case C-447/21 P.
Arrêt de la Cour (septième chambre) du 1er août 2022.
Petrus Kerstens contre Commission européenne.
Pourvoi – Fonction publique – Procédure disciplinaire – Demandes d’assistance – Rejet – Notification des décisions par voie électronique – Recours en annulation – Délai de recours – Point de départ – Caractère tardif du recours.
Affaire C-447/21 P.
Arrêt de la Cour (septième chambre) du 1er août 2022.
Petrus Kerstens contre Commission européenne.
Pourvoi – Fonction publique – Procédure disciplinaire – Demandes d’assistance – Rejet – Notification des décisions par voie électronique – Recours en annulation – Délai de recours – Point de départ – Caractère tardif du recours.
Affaire C-447/21 P.
Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2022:612
ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)
1er août 2022 (*)
« Pourvoi – Fonction publique – Procédure disciplinaire – Demandes d’assistance – Rejet – Notification des décisions par voie électronique – Recours en annulation – Délai de recours – Point de départ – Caractère tardif du recours »
Dans l’affaire C‑447/21 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 20 juillet 2021,
Petrus Kerstens, demeurant à La Forclaz (Suisse), représenté par Me C. Mourato, avocat,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant :
Commission européenne, représentée par M. T. S. Bohr, en qualité d’agent,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (septième chambre),
composée de M. J. Passer, président de chambre, M. F. Biltgen et Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), juges,
avocat général : M. A. Rantos,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, M. Petrus Kerstens demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 17 mai 2021, Kerstens/Commission (T‑672/20, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2021:289), par laquelle celui-ci a rejeté comme étant irrecevable son recours tendant à l’annulation des décisions de la Commission européenne du 20 et du 31 janvier 2020 portant rejet, respectivement, de la demande d’assistance D/517/19 et de la demande d’assistance D/516/19 (ci-après les « décisions litigieuses »), introduites par le requérant au titre de l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).
Le cadre juridique
Le statut
2 Aux termes de l’article 91, paragraphe 3, du statut :
« Le recours [à la Cour de justice de l’Union européenne] doit être formé dans un délai de trois mois. Ce délai court :
– du jour de la notification de la décision prise en réponse à la réclamation ;
[...] »
Le règlement de procédure du Tribunal
3 L’article 60 du règlement de procédure du Tribunal prévoit :
« Les délais de procédure sont augmentés d’un délai de distance forfaitaire de dix jours. »
La décision relative à e-Curia
4 L’article 6 de la décision du Tribunal du 11 juillet 2018 relative au dépôt et à la signification d’actes de procédure par la voie de l’application e-Curia (JO 2018, L 240, p. 72, ci-après la « décision relative à e-Curia ») est libellé comme suit :
« Les actes de procédure, en ce compris les arrêts et ordonnances, sont signifiés par e-Curia aux titulaires d’un compte d’accès dans les affaires qui les concernent.
Les destinataires des significations visées au précédent alinéa sont avertis, par courrier électronique, de toute signification qui leur est adressée par e-Curia.
L’acte de procédure est signifié au moment où le destinataire (représentant ou assistant) demande l’accès à cet acte. À défaut de demande d’accès, l’acte est réputé avoir été signifié à l’expiration du septième jour qui suit celui de l’envoi du courrier électronique d’avertissement.
Lorsqu’une partie est représentée par plusieurs agents ou avocats, le moment pris en compte pour le calcul des délais est celui de la première demande d’accès effectuée.
L’heure prise en compte est celle du Grand-Duché de Luxembourg. »
Les antécédents du litige
5 Les antécédents du litige ont été exposés par le Tribunal aux points 1 à 6 de l’ordonnance attaquée et peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés de la manière suivante.
6 Le requérant, ancien fonctionnaire de la Commission, a, conformément à l’article 91, paragraphe 2, du statut, introduit deux réclamations contre les décisions litigieuses, qui ont été rejetées par décisions du 22 juillet 2020 (ci-après, prises ensemble, les « décisions de rejet des réclamations »).
7 Le 23 juillet 2020, la Commission a transmis les décisions de rejet des réclamations au requérant par courriel à son adresse électronique personnelle.
La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée
8 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 novembre 2020, le requérant a demandé l’annulation des décisions litigieuses.
9 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 27 janvier 2021, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal, en raison du caractère tardif de la requête.
10 Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal, a, sur demande de la Commission et en vertu de l’article 130, paragraphes 1 et 7, de son règlement de procédure, statué sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond et rejeté le recours comme étant irrecevable.
11 En particulier, le Tribunal a estimé que les décisions de rejet des réclamations avaient été valablement notifiées au requérant le 23 juillet 2020 et que, par voie de conséquence, le délai de recours prévu à l’article 91, paragraphe 3, du statut, augmenté du délai de distance de l’article 60 du règlement de procédure du Tribunal, avait expiré le 2 novembre 2020. Partant, il a considéré que le recours en annulation, introduit le 6 novembre 2020, était tardif.
Les conclusions des parties
12 Le requérant demande à la Cour :
– d’annuler l’ordonnance attaquée ;
– de déclarer le recours introduit devant le Tribunal recevable ;
– de renvoyer l’affaire au Tribunal afin qu’il statue sur ce recours au fond, et
– de réserver la décision sur les dépens.
13 La Commission demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner le requérant aux dépens.
Sur le pourvoi
14 À l’appui de son pourvoi, le requérant soulève quatre moyens, tirés, le premier, d’une violation de la règle en matière de charge de la preuve et de l’article 91, paragraphe 3, du statut ainsi que d’une dénaturation des faits et des éléments de preuve, le deuxième, d’une violation de l’obligation de motivation, le troisième, d’une violation du principe de sécurité juridique et, le quatrième, d’une violation du principe d’égalité de traitement.
Sur le premier moyen
15 Le premier moyen comporte trois branches.
Sur la première branche du premier moyen
– Argumentation des parties
16 Par la première branche du premier moyen, le requérant reproche, en substance, au Tribunal d’avoir établi, aux points 22 et 25 à 31 de l’ordonnance attaquée, une présomption selon laquelle le destinataire d’une décision notifiée par courriel est censé en prendre connaissance, aux fins de l’article 91, paragraphe 3, du statut, le jour même de son envoi, de sorte qu’il appartiendrait à ce destinataire d’apporter la preuve négative qu’il n’a pas été en mesure de prendre utilement connaissance de cette décision ce jour-là. Le Tribunal aurait ainsi opéré un renversement illégal de la charge de la preuve.
17 Le requérant rappelle que, conformément à la jurisprudence de la Cour, il revient à la Commission de prouver qu’il a été en mesure de prendre connaissance du courriel contenant les décisions de rejet des réclamations dès le 23 juillet 2020. Or, cette obligation imposerait, en particulier, à cette institution d’établir qu’il a consulté sa messagerie électronique personnelle le 23 juillet 2020.
18 Ainsi, selon le requérant, le Tribunal a violé la règle applicable en matière de charge de la preuve de l’ouverture par le destinataire de sa messagerie électronique.
19 La Commission considère que l’argumentation du requérant est non fondée.
– Appréciation de la Cour
20 Le Tribunal a rappelé, au point 20 de l’ordonnance attaquée, s’agissant des recours en matière de fonction publique formés sur le fondement de l’article 270 TFUE, qu’il ressort d’une jurisprudence constante qu’une décision est dûment notifiée, au sens des dispositions du statut, lorsque non seulement elle a été communiquée à son destinataire, mais également que ce dernier a été mis en mesure de prendre utilement connaissance de son contenu.
21 Par ailleurs, le Tribunal a également rappelé, au point 18 de cette ordonnance, la jurisprudence constante selon laquelle il appartient à la partie qui se prévaut d’un dépassement du délai de recours d’apporter la preuve de la date à laquelle ledit délai a commencé à courir.
22 Il s’ensuit que, afin d’établir qu’une décision notifiée par courriel a été dûment notifiée à son destinataire à une date précise, aux fins de l’article 91, paragraphe 3, du statut, et que, dès lors, le délai de recours a commencé à courir à partir de cette date, la partie intéressée doit démontrer, en fournissant les éléments nécessaires à cet égard, non seulement que cette décision a été communiquée à son destinataire, en ce sens qu’elle a été transmise à l’adresse électronique de ce destinataire et que celui-ci l’a reçue à cette adresse, mais également que ledit destinataire a été mis en mesure de prendre utilement connaissance du contenu de ladite décision à cette date, à savoir qu’il a pu ouvrir le courriel contenant la décision en cause et en prendre ainsi dûment connaissance à ladite date.
23 Il importe de préciser que, si la preuve de la consultation d’une messagerie électronique à une date précise suffit, en principe, pour considérer que, à cette date, le destinataire d’une décision communiquée par cette voie a pu prendre utilement connaissance de cette décision, aux fins de l’article 91, paragraphe 3, du statut, il ne saurait toutefois en être déduit qu’une telle possibilité de prise de connaissance utile implique, en tout état de cause, la consultation de la messagerie.
24 En effet, il ne saurait être exclu que, dans certaines circonstances, le destinataire d’une telle décision puisse avoir été mis en mesure d’en prendre utilement connaissance, au sens énoncé au point 22 du présent arrêt, alors même qu’il n’a pas consulté effectivement sa messagerie électronique, ce qu’il appartiendrait, en tout état de cause, à la partie intéressée de démontrer.
25 Ainsi, une présomption selon laquelle le destinataire d’une décision notifiée par courriel ne peut, en tout état de cause, avoir été mis en mesure de prendre utilement connaissance de son contenu qu’à la date à laquelle il a consulté sa messagerie électronique, telle que celle préconisée, en substance, par le requérant, tout comme une présomption selon laquelle le destinataire d’une telle décision est mis en mesure de prendre utilement connaissance de son contenu, en tout état de cause, dès la réception de celle-ci dans sa messagerie électronique, telle que celle que, selon le requérant, le Tribunal a établie dans l’ordonnance attaquée, ne sauraient être conformes à l’article 91, paragraphe 3, du statut.
26 Enfin, il convient d’ajouter que, si, ainsi qu’il a déjà été relevé, il appartient à la partie souhaitant opposer la tardiveté d’un recours introduit contre une décision notifiée par courriel d’établir que cette décision a été communiquée à son destinataire et que ce dernier a été mis en mesure de prendre utilement connaissance de son contenu, le destinataire ne peut ensuite se borner à contester les éléments factuels produits par cette partie sans exposer les motifs pour lesquels il estime son recours recevable.
27 En l’occurrence, il ressort de l’acte par lequel la Commission a soulevé, devant le Tribunal, l’irrecevabilité du recours, que, afin d’établir que les décisions de rejet des réclamations ont été communiquées au requérant, au sens indiqué au point 22 du présent arrêt, la Commission a, d’une part, produit une copie du courriel contenant ces décisions, envoyé par cette institution le 23 juillet 2020 à 8 h 57 à l’adresse électronique du requérant et, d’autre part, indiqué que cette adresse était valide et qu’elle correspondait à celle que le requérant utilisait régulièrement pour ses envois à ladite institution.
28 Par ailleurs, afin d’établir que, à la date du 23 juillet 2020, le requérant a été mis en mesure de prendre utilement connaissance du contenu desdites décisions, au sens indiqué au même point 22 du présent arrêt, la Commission a produit un document que le requérant lui avait transmis par courriel le 31 juillet 2020, depuis la même adresse électronique visée au point précédent, dans le cadre d’une autre affaire (ci-après la « note du 31 juillet 2020 »), dans lequel il était affirmé, au point 58, que « [c]e n’est que [le] 23 juillet 2020 que le requérant a pu prendre, pour la première fois, connaissance du contenu de ce mémoire en défense, qui lui était parvenu électroniquement, par les soins diligents du Greffe du Tribunal (malgré un petit délai de transmission) et via son conseil ». Selon la Commission, il ressort de cet élément que, le 23 juillet 2020, le requérant a pu prendre effectivement connaissance d’un document qu’il avait reçu par courriel. Il s’ensuivrait que le requérant était, à cette date, en mesure de consulter sa messagerie électronique personnelle et, partant, en mesure également de prendre utilement connaissance des décisions de rejet des réclamations.
29 Pour sa part, le requérant, dans ses observations déposées devant le Tribunal en réponse à l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission, a, ainsi qu’il ressort des points 15, 32 et 33 de l’ordonnance attaquée, reconnu que ces décisions lui avaient été transmises le 23 juillet 2020, et indiqué que, ne consultant sa messagerie qu’occasionnellement depuis qu’il avait cessé ses fonctions, il n’en aurait pris connaissance que le 27 juillet 2020 et n’en aurait accusé réception que le lendemain.
30 Il ressort ainsi de l’ordonnance attaquée que le Tribunal, sur la base d’une appréciation des éléments produits par la Commission et par le requérant, a considéré que, d’une part, la Commission avait établi que le requérant, ayant consulté sa messagerie électronique personnelle le 23 juillet 2020 pour prendre connaissance d’un autre document qui lui était parvenu électroniquement, a été mis en mesure de prendre utilement connaissance à cette date des décisions de rejet des réclamations et que, d’autre part, les arguments et les éléments produits par le requérant, en particulier ceux concernant la note du 31 juillet 2020, n’étaient pas de nature à remettre en cause ceux apportés par la Commission.
31 Par conséquent, il apparaît que, lors de la détermination du caractère tardif du recours introduit par le requérant contre les décisions de rejet des réclamations, le Tribunal a respecté les règles relatives à la charge de la preuve énoncées aux points 20 à 26 du présent arrêt.
32 En particulier, contrairement à l’argumentation du requérant, le Tribunal n’a pas déduit, en l’espèce, du seul fait que le courriel comportant ces décisions était parvenu au requérant le 23 juillet 2020, que la Commission avait établi que, à cette date, le requérant a été mis en mesure de prendre utilement connaissance de leur contenu.
33 Partant, contrairement aux allégations du requérant, le Tribunal n’a pas établi de présomption selon laquelle le destinataire d’une décision communiquée par courriel est en mesure d’en prendre utilement connaissance, aux fins de l’article 91, paragraphe 3, du statut, le jour même de son envoi, ni n’a opéré de renversement de la charge de la preuve en la matière.
34 Par conséquent, la première branche du premier moyen est dénuée de fondement.
Sur la deuxième branche du premier moyen
– Argumentation des parties
35 Par la deuxième branche du premier moyen, le requérant soutient, en substance, que le Tribunal, en considérant, aux points 25 à 30 de l’ordonnance attaquée, qu’une décision communiquée par courriel est notifiée à la date d’envoi de ce courriel et à celle concomitante de sa réception dans la messagerie électronique personnelle de son destinataire, indépendamment de la question de savoir si ce dernier a eu accès à celle-ci le même jour, a violé l’article 91, paragraphe 3, du statut.
36 Selon le requérant, en l’absence d’une présomption légale selon laquelle une personne consulte sa messagerie électronique quotidiennement, il ne saurait être considéré comme établi qu’il a été en mesure de prendre connaissance d’un nouveau courriel le jour même de son envoi.
37 Le Tribunal aurait, en ayant établi une telle présomption, modifié l’article 91, paragraphe 3, du statut. Ce faisant, le Tribunal aurait excédé ses compétences en ajoutant au statut de nouvelles règles relatives à la date à retenir comme point de départ du délai de recours.
38 La Commission estime que l’argumentation du requérant est non fondée.
– Appréciation de la Cour
39 Ainsi qu’il ressort de l’examen de la première branche de ce moyen, le Tribunal n’a pas estimé qu’une décision transmise par courriel est notifiée, aux fins de l’article 91, paragraphe 3, du statut, à la date de son envoi et à celle concomitante de sa réception dans la messagerie électronique personnelle de son destinataire.
40 En effet, ainsi qu’il ressort des points 27 à 30 du présent arrêt, le Tribunal a jugé que les décisions de rejet des réclamations avaient été dûment notifiées au requérant le 23 juillet 2020 au motif non seulement que ces décisions avaient été communiquées au requérant et réceptionnées par ce dernier à cette date sur sa messagerie électronique personnelle, mais également, ainsi que l’atteste la note du 31 juillet 2020, qu’il avait consulté cette messagerie le 23 juillet 2020 et qu’il était dès lors, à cette date, en mesure de prendre utilement connaissance desdites décisions.
41 Par conséquent, la deuxième branche du premier moyen est non fondée.
Sur la troisième branche du premier moyen
– Argumentation des parties
42 Par la troisième branche du premier moyen, le requérant soutient, en substance, que le Tribunal, en estimant que le requérant a eu accès à sa messagerie électronique le 23 juillet 2020, a dénaturé les faits et les éléments de preuve.
43 À cet égard, premièrement, le requérant fait valoir que le seul élément objectif pouvant être rattaché directement à la détermination de la date d’accès du requérant à ses courriels, après l’envoi des décisions de rejet des réclamations, est le courriel du 28 juillet 2020 envoyé à la Commission accusant réception de ces décisions. Or, le Tribunal n’en n’aurait pas fait état.
44 Deuxièmement, le requérant soutient que l’affirmation du Tribunal figurant au point 25 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle le requérant utilisait régulièrement la même adresse électronique, ne constitue pas la preuve que ce dernier consulte quotidiennement sa messagerie électronique.
45 Troisièmement, le requérant allègue qu’il ne peut être attendu d’un fonctionnaire qui n’est plus en activité qu’il consulte systématiquement ses mails en pleine période estivale.
46 Quatrièmement, selon le requérant, le Tribunal a déduit de la note du 31 juillet 2020, en particulier du point 58 de celle-ci par lequel le requérant a affirmé avoir pris connaissance, le 23 juillet 2020, d’un mémoire de la Commission envoyé par le greffe du Tribunal, qu’il avait eu accès à sa messagerie électronique personnelle ce jour-là. Or, la mention du 23 juillet 2020 figurant dans cette note constituerait une erreur de plume. À cet égard, le requérant fait valoir que la Commission elle-même a commis de telles erreurs dans le cadre d’autres procédures concernant le requérant. Par ailleurs, il fait état du point 79 de ladite note, par lequel il a affirmé expressément avoir « pris connaissance, pour la première fois, le 27 juillet 2020 » des décisions de rejet des réclamations. Il résulterait de ce point 79 que le requérant n’a eu accès à messagerie électronique personnelle que le 27 juillet 2020. En outre, il ne saurait être déduit de ce que cette même note a été envoyée par courriel daté du 31 juillet 2020 que le requérant a eu accès à cette messagerie le 23 juillet 2020.
47 La Commission fait valoir que l’argumentation du requérant est, à titre principal, partiellement irrecevable et partiellement non fondée, et, à titre subsidiaire, non fondée, et, que, dès lors, le premier moyen doit être rejeté dans son intégralité.
– Appréciation de la Cour
48 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie de la Cour, lorsqu’il allègue une dénaturation d’éléments de preuve par le Tribunal, un requérant doit, en application de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour, indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation. Par ailleurs, il est de jurisprudence constante de la Cour qu’une dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 25 juin 2020, CSUE/KF, C‑14/19 P, EU:C:2020:492, point 105 et jurisprudence citée).
49 Ainsi qu’il ressort de l’examen de la première branche de ce moyen, le Tribunal a estimé que les décisions de rejet des réclamations avaient été dûment notifiées au requérant, aux fins de l’article 91, paragraphe 3, du statut, le 23 juillet 2020, en se fondant notamment sur les éléments produits par la Commission, en particulier sur la note du 31 juillet 2020.
50 Or, tout d’abord, il est constant que, au point 58 de cette note, le requérant a indiqué avoir accédé à sa messagerie électronique personnelle le 23 juillet 2020 et que, par voie de conséquence, à cette même date, il a été mis en mesure de prendre utilement connaissance du contenu de ces décisions.
51 Ensuite, le courriel du 28 juillet 2020 par lequel le requérant a accusé réception desdites décisions ne permet pas d’infirmer les éléments apportés par la Commission quant à la détermination de la date à laquelle il a utilement pris connaissance de celles-ci.
52 Enfin, en ce qui concerne l’erreur de plume que comporterait le point 58 de la note du 31 juillet 2020, d’une part, la réalité d’une telle erreur ne ressort pas de l’argumentation du requérant et, d’autre part, les éventuelles erreurs de même nature commises par la Commission dans le cadre d’autres affaires ne sauraient conduire à considérer que le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve et, notamment, le point 58 de la note du 31 juillet 2020.
53 En particulier, le point 79 de la note du 31 juillet 2020, dont il ressort, selon le requérant, qu’il n’a accédé à sa messagerie électronique personnelle que le 27 juillet 2020, se limite à énoncer, ainsi qu’il ressort des termes mêmes de ce point, que les décisions de rejet des réclamations sont, de l’avis du requérant, très faiblement motivées, qu’elles ont été adoptées le 22 juillet 2020 et enregistrées dans le système Ares le 23 juillet 2020, et que le requérant affirme qu’il en a pris connaissance pour la première fois le 27 juillet 2020. Or, cette affirmation ne laisse aucunement apparaître, et moins encore de façon manifeste, que le 23 juillet 2020, le requérant n’avait pas accédé à cette messagerie.
54 Par conséquent, le Tribunal n’a pas dénaturé les faits et les éléments de preuve lorsqu’il a estimé que le requérant avait accédé à sa messagerie électronique personnelle le 23 juillet 2020.
55 Dans ces conditions, il y a lieu d’écarter la troisième branche du premier moyen comme étant non fondée et, partant, de rejeter ce moyen dans son intégralité.
Sur le deuxième moyen
Argumentation des parties
56 Par son deuxième moyen, le requérant soutient, en substance, que le Tribunal, en n’exposant pas, aux points 34 et 35 de l’ordonnance attaquée, les raisons pour lesquelles les arguments du requérant relatifs à la note du 31 juillet 2020 n’ont pas été de nature à remettre en cause la valeur probante de la mention figurant au point 58 de cette note en ce qui concerne la date à laquelle il peut en être déduit que le requérant a consulté sa messagerie électronique personnelle, a violé l’obligation de motivation qui lui incombe.
57 Le requérant reproche, notamment, au Tribunal de ne pas avoir exposé les raisons pour lesquelles, d’une part, l’erreur de plume invoquée par le requérant quant au fait qu’il a indiqué à ce point 58 avoir réceptionné un document le 23 juillet 2020 alors qu’il souhaitait indiquer le 27 est moins crédible que les multiples erreurs portant sur les dates commises par la Commission dans le cadre d’autres procédures concernant le requérant, et, d’autre part, l’affirmation du requérant selon laquelle il a eu accès à sa messagerie électronique personnelle le 27 juillet 2020, figurant au point 79 de cette note est moins crédible que son affirmation mentionnant la date du 23 juillet 2020 figurant au point 58 de la même note. Par ailleurs, le Tribunal n’aurait pas non plus exposé les raisons pour lesquelles il a considéré la note du 31 juillet 2020 envoyée par courriel à la Commission dans le cadre d’une autre affaire comme étant dotée d’une valeur probante supérieure au courriel du requérant du 28 juillet 2020 accusant réception des décisions de rejet des réclamations, envoyé à la Commission dans le cadre de la présente affaire.
58 La Commission conteste l’argumentation du requérant.
Appréciation de la Cour
59 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation d’un arrêt doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement du Tribunal, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel (arrêt du 13 décembre 2018, Union européenne/Kendrion, C‑150/17 P, EU:C:2018:1014, point 80 et jurisprudence citée).
60 Or, ainsi qu’il ressort du point 35 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal n’a pas retenu l’argumentation du requérant concernant la prétendue erreur de plume qu’il aurait commise au point 58 de la note du 31 juillet 2020, au motif que les éléments fournis par le requérant pour étayer cette argumentation ne permettaient pas d’établir que la mention de la date du 23 juillet 2020 figurant audit point comportait une telle erreur.
61 Par conséquent, il y a lieu d’écarter le deuxième moyen comme étant non fondé.
Sur le troisième moyen
Argumentation des parties
62 Par son troisième moyen, le requérant fait valoir, en substance, que le Tribunal, en considérant, aux points 22, 30, 36 et 38 de l’ordonnance attaquée, que la Commission a pu établir la date de la notification des décisions de rejet des réclamations par la seule preuve de l’envoi du courriel contenant celles-ci, a violé le principe de sécurité juridique.
63 À cet égard, le requérant allègue qu’il n’appartient pas au Tribunal de fixer la date à laquelle un acte communiqué par voie électronique a été notifié à son destinataire sans apporter la preuve certaine de la date à laquelle ce dernier a eu accès à sa messagerie électronique.
64 La Commission conteste l’argumentation du requérant.
Appréciation de la Cour
65 Ainsi qu’il a été constaté lors de l’examen des première et deuxième branches du premier moyen, et contrairement à ce que prétend le requérant, la Commission n’a pas établi la date de la notification des décisions de rejet des réclamations, aux fins de l’article 91, paragraphe 3, du statut, par la seule preuve de l’envoi du courriel contenant celles-ci. Par conséquent, il y a lieu de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé.
Sur le quatrième moyen
Argumentation des parties
66 Par son quatrième moyen, le requérant soutient, en substance, que le Tribunal, aux points 22 et 30 de l’ordonnance attaquée, en instituant une présomption selon laquelle un courriel de la Commission est notifié le jour même de son envoi, institue une discrimination entre les agents et les fonctionnaires dont les affaires font l’objet d’une procédure judiciaire et ceux dont les affaires ne font pas encore l’objet d’une telle procédure, en ce qui concerne la détermination du point de départ des délais en matière judiciaire, au détriment de ces derniers.
67 Selon le requérant, conformément à l’article 6 de la décision relative à e‑Curia, un acte de procédure signifié via e‑Curia est notifié au moment où le destinataire demande l’accès à cet acte ou, à défaut, à l’expiration du septième jour. En revanche, s’agissant de la notification d’un acte de la Commission, la seule preuve de l’envoi du courriel contenant un tel acte serait suffisant aux fins de la notification. Or, il n’y aurait aucune raison objective de distinguer la situation visée par cette disposition et celle du requérant, en ce qu’il s’agirait toujours de délais judiciaires.
68 Le requérant relève également que, si l’article 6 de la décision relative à e‑Curia avait pu lui être appliqué, les décisions de rejet des réclamations n’auraient été réputées notifiées qu’à l’expiration du septième jour suivant celui de l’envoi du courriel de la Commission du 23 juillet 2020 contenant ces décisions, de sorte qu’il n’aurait pas été forclos.
69 La Commission conteste l’argumentation du requérant.
Appréciation de la Cour
70 Ainsi qu’il a été constaté lors de l’examen des première et deuxième branches du premier moyen, le Tribunal ne s’est pas fondé sur la présomption selon laquelle un courriel est notifié le jour même de son envoi pour estimer que les décisions de rejet des réclamations ont été dûment notifiées au requérant le 23 juillet 2020, aux fins de l’article 91, paragraphe 3, du statut. Par conséquent, le moyen tiré de la violation du principe d’égalité ne peut qu’être rejeté, sans qu’il soit besoin d’examiner si les deux situations visées par le requérant sont comparables.
71 Aucun des moyens soulevés par le requérant à l’appui de son pourvoi n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter celui-ci dans son intégralité.
Sur les dépens
72 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.
73 Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
74 La Commission ayant conclu à la condamnation du requérant et ce dernier ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.
Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) M. Petrus Kerstens supporte, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.
Passer |
Biltgen |
Arastey Sahún |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1ᵉʳ août 2022.
Le greffier |
Le président de la VIIème chambre |
A. Calot Escobar |
J. Passer |
* Langue de procédure : le français.