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Document 62020CJ0453

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 3 mai 2022.
CityRail a.s. contre Správa železnic.
Demande de décision préjudicielle, introduite par l’Úřad pro přístup k dopravní infrastruktuře.
Renvoi préjudiciel – Article 267 TFUE – Notion de “juridiction” – Critères structurels et fonctionnels – Exercice de fonctions juridictionnelles ou administratives – Directive 2012/34/UE – Articles 55 et 56 – Organisme de contrôle national unique du secteur ferroviaire – Autorité de contrôle sectoriel indépendante – Habilitation à agir d’office – Pouvoir de sanction – Décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours juridictionnel – Irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle.
Affaire C-453/20.

Recueil – Recueil général

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2022:341

 ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

3 mai 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 267 TFUE – Notion de “juridiction” – Critères structurels et fonctionnels – Exercice de fonctions juridictionnelles ou administratives – Directive 2012/34/UE – Articles 55 et 56 – Organisme de contrôle national unique du secteur ferroviaire – Autorité de contrôle sectoriel indépendante – Habilitation à agir d’office – Pouvoir de sanction – Décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours juridictionnel – Irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle »

Dans l’affaire C‑453/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Úřad pro přístup k dopravní infrastruktuře (Office pour l’accès aux infrastructures de transport, République tchèque), par décision du 23 septembre 2020, parvenue à la Cour le même jour, dans la procédure

CityRail, a.s.

contre

Správa železnic, státní organizace,

en présence de :

ČD Cargo, a.s.,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. L. Bay Larsen, vice-président, M. A. Arabadjiev, Mmes A. Prechal, K. Jürimäe et M. S. Rodin, présidents de chambre, MM. M. Ilešič, J.‑ C. Bonichot (rapporteur), T. von Danwitz, M. Safjan, D. Gratsias, Mme M. L. Arastey Sahún, MM. M. Gavalec, Z. Csehi et Mme O. Spineanu‑Matei, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour CityRail, a.s., par M. J. Hruška,

pour Správa železnic, státní organizace, par M. J. Svoboda,

pour ČD Cargo, a.s., par MM. T. Tóth et Z. Škvařil,

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

pour le gouvernement espagnol, par M. L. Aguilera Ruiz, en qualité d’agent,

pour le gouvernement néerlandais, initialement par Mmes M. K. Bulterman et M. Noort, en qualité d’agents, puis par Mme M. K. Bulterman, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, initialement par M. J. Hradil et Mme C. Vrignon, en qualité d’agents, puis par M. J. Hradil, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 décembre 2021,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 288 TFUE et des articles 3, 27 et 31 de la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, établissant un espace ferroviaire unique européen (JO 2012, L 343, p. 32), telle que modifiée par la directive (UE) 2016/2370 du Parlement européen et du Conseil, du 14 décembre 2016 (JO 2016, L 352, p. 1) (ci-après la « directive 2012/34 »), ainsi que des annexes I, II et IV de celle-ci.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant CityRail, a.s., entreprise ferroviaire, à Správa železnic, státní organizace (ci-après « Správa železnic »), gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire en République tchèque, au sujet des conditions fixées par Správa železnic pour l’accès au réseau et à certaines installations afférentes.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Le considérant 76 de la directive 2012/34 énonce :

« La gestion efficace et l’utilisation équitable et non discriminatoire de l’infrastructure ferroviaire exigent la mise en place d’un organisme de contrôle chargé de surveiller l’application des règles de la présente directive et d’agir comme organisme de recours, sans préjudice de la possibilité d’un contrôle juridictionnel. Cet organisme de contrôle devrait être habilité à assortir ses demandes d’informations et ses décisions de sanctions. »

4

L’article 3 de cette directive, intitulé « Définitions », est libellé comme suit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

1)

“entreprise ferroviaire”, toute entreprise à statut privé ou public et titulaire d’une licence conformément à la présente directive, dont l’activité principale est la fourniture de prestations de transport de marchandises et/ou de voyageurs par chemin de fer [...]

2)

“gestionnaire de l’infrastructure”, toute entité ou entreprise chargée de l’exploitation, de l’entretien et du renouvellement de l’infrastructure ferroviaire sur un réseau et responsable de la participation à son développement [...]

[...]

3)

“infrastructure ferroviaire”, l’ensemble des éléments visés à l’annexe I ;

[...]

11)

“installation de service”, l’installation, y compris les terrains, bâtiments et équipements qui ont été spécialement aménagés, en totalité ou en partie, pour permettre la fourniture d’un ou plusieurs des services visés à l’annexe II, points 2, 3 et 4 ;

[...]

19)

“candidat”, toute entreprise ferroviaire [...] ayant des raisons commerciales ou de service public d’acquérir des capacités de l’infrastructure ;

[...]

26)

“document de référence du réseau”, le document précisant, de manière détaillée, les règles générales, les délais, les procédures et les critères relatifs aux systèmes de tarification et de répartition des capacités, y compris toutes les autres informations nécessaires pour permettre l’introduction de demandes de capacités de l’infrastructure ;

[...] »

5

L’article 55 de ladite directive, intitulé « Organisme de contrôle », dispose, à son paragraphe 1 :

« Chaque État membre institue un organisme de contrôle national unique du secteur ferroviaire. Sans préjudice du paragraphe 2, cet organisme est une autorité autonome juridiquement distincte et indépendante sur les plans organisationnel, fonctionnel, hiérarchique et décisionnel, de toute autre entité publique ou privée. Dans son organisation, ses décisions de financement, sa structure juridique et ses prises de décisions, cet organisme est en outre indépendant de tout gestionnaire de l’infrastructure, organisme de tarification, organisme de répartition ou candidat. Il est par ailleurs fonctionnellement indépendant de toute autorité compétente intervenant dans l’attribution d’un contrat de service public. »

6

L’article 56 de la même directive, intitulé « Fonctions de l’organisme de contrôle », prévoit :

« 1.   Sans préjudice de l’article 46, paragraphe 6, un candidat peut saisir l’organisme de contrôle dès lors qu’il estime être victime d’un traitement inéquitable, d’une discrimination ou de tout autre préjudice, notamment pour introduire un recours contre les décisions prises par le gestionnaire de l’infrastructure ou, le cas échéant, par l’entreprise ferroviaire ou l’exploitant d’une installation de service en ce qui concerne :

a)

le document de référence du réseau dans ses versions provisoire et définitive ;

[...]

j)

le respect des exigences énoncées à l’article 2, paragraphe 13, ainsi qu’aux articles 7, 7 bis, 7 ter, 7 quater et 7 quinquies, y compris celles relatives aux conflits d’intérêts.

2.   Sans préjudice des compétences des autorités nationales de concurrence [...], l’organisme de contrôle est habilité à assurer le suivi de la situation de la concurrence sur les marchés des services ferroviaires, y compris notamment dans le marché des services de transport de voyageurs à grande vitesse, les activités des gestionnaires de l’infrastructure visées au paragraphe 1, [sous] a) à j). En particulier, l’organisme de contrôle vérifie le respect du paragraphe 1, [sous] a) à j), de sa propre initiative en vue de prévenir toute discrimination à l’égard des candidats. Il vérifie notamment si le document de référence du réseau contient des clauses discriminatoires ou octroie au gestionnaire de l’infrastructure des pouvoirs discrétionnaires pouvant être utilisés à des fins de discrimination à l’égard des candidats.

[...]

6.   L’organisme de contrôle veille à ce que les redevances fixées par le gestionnaire de l’infrastructure soient conformes aux dispositions du chapitre IV, section 2, et non discriminatoires. Les négociations entre les candidats et un gestionnaire de l’infrastructure concernant le niveau des redevances d’utilisation de l’infrastructure ne sont autorisées que si elles ont lieu sous l’égide de l’organisme de contrôle. L’organisme de contrôle intervient immédiatement si les négociations sont susceptibles de contrevenir aux dispositions du présent chapitre.

[...]

8.   L’organisme de contrôle est habilité à demander les informations utiles au gestionnaire de l’infrastructure, aux candidats et à toute autre partie intéressée dans l’État membre concerné.

[...] L’organisme de contrôle est habilité à assortir ces demandes de sanctions appropriées, y compris d’amendes. [...]

9.   L’organisme de contrôle examine chaque plainte et, le cas échéant, sollicite des informations utiles et engage des consultations avec toutes les parties concernées dans un délai d’un mois à compter de la réception de la plainte. Il se prononce sur toutes les plaintes, adopte les mesures nécessaires afin de remédier à la situation et communique sa décision motivée aux parties concernées [...] Sans préjudice des compétences des autorités nationales de concurrence [...], l’organisme de [contrôle] prend, le cas échéant, de sa propre initiative les mesures appropriées pour corriger toute discrimination à l’égard des candidats, toute distorsion du marché et toute autre évolution indésirable sur ces marchés, notamment eu égard au paragraphe 1, [sous] a) à j).

Les décisions prises par l’organisme de contrôle sont contraignantes pour toutes les parties concernées et ne sont soumises au contrôle d’aucune autre instance administrative. L’organisme de contrôle est en mesure d’assortir ses décisions de sanctions appropriées, y compris d’amendes.

[...]

10.   Les États membres veillent à ce que les décisions prises par l’organisme de contrôle soient soumises à un contrôle juridictionnel. Le recours ne peut avoir un effet suspensif sur la décision de l’organisme de contrôle que lorsque l’effet immédiat de ladite décision peut causer à la partie qui a formé le recours un préjudice irréparable ou manifestement excessif. Cette disposition est sans préjudice des compétences conférées, le cas échéant, par le droit constitutionnel à la juridiction saisie du recours.

[...] »

Le droit tchèque

7

Aux termes de l’article 2, point 15, du zákon č. 2/1969 Sb., o zřízení ministerstev a jiných ústředních orgánů státní správy [České republiky] (loi no 2/1969, relative à l’organisation des ministères et des autres autorités centrales de l’administration d’État de la [République tchèque]) :

« En République tchèque, les autorités centrales de l’administration de l’État sont les suivantes : [...] 15. l’Úřad pro přístup k dopravní infrastruktuře [(Office pour l’accès aux infrastructures de transport)]. »

8

L’Úřad pro přístup k dopravní infrastruktuře (Office pour l’accès aux infrastructures de transport, République tchèque, ci-après l’« Office ») a été institué par le zákon č. 320/2016 Sb., o Úřadu pro přístup k dopravní infrastruktuře (loi no 320/2016 sur l’Office pour l’accès aux infrastructures de transport, ci-après la « loi sur l’Office »).

9

En vertu de l’article 3, paragraphe 2, de la loi sur l’Office, « dans l’exercice de ses compétences, l’Office est indépendant, il agit de manière impartiale et n’est soumis qu’aux lois et autres règles de droit ».

10

L’article 4 de cette loi prévoit les conditions de nomination, sous la forme d’un mandat renouvelable de six ans, du président de l’Office, un régime d’incompatibilité ainsi que les conditions dans lesquelles celui-ci peut être révoqué.

11

Les articles 71 à 75, 77, 80, 81 et 85 du zákon č. 234/2014 Sb., o státní službě (loi no 234/2014 relative à la fonction publique) comportent différentes dispositions, applicables aux agents de l’Office, destinées à assurer leur impartialité. En vertu de l’article 11, paragraphe 5, de cette loi, ces agents ne sont pas soumis aux dispositions statutaires adoptées par le vice-ministre ayant la fonction publique dans ses attributions.

12

L’Office prend des décisions contraignantes en vertu du zákon č. 266/1994 Sb., o dráhách (loi no 266/1994 sur les chemins de fer et le transport par câble, ci-après la « loi sur les chemins de fer ») et en vertu des règles générales de la procédure administrative découlant du zákon č. 500/2004 Sb., správní řád (loi no 500/2004 portant code de procédure administrative, ci-après le « code de procédure administrative »).

13

L’article 67 du code de procédure administrative dispose, à son paragraphe 1 :

« Par décision, l’autorité administrative, dans une affaire donnée, impose, modifie ou annule les droits ou obligations de la personne nommément désignée ou, dans une affaire donnée, déclare qu’une telle personne a, ou n’a pas, des droits ou obligations ou, dans les cas prévus par la loi, décide de questions procédurales. »

14

En vertu de l’article 73, paragraphe 2, de ce code, « la décision définitive est contraignante pour les parties et pour toutes les autorités administratives ».

15

Les articles 152 et 153 dudit code régissent la procédure de réclamation contre les décisions de l’Office, devant le président de ce dernier.

16

Ainsi qu’il résulte d’une réponse de l’Office à une demande d’informations qui lui a été adressée par la Cour, en vertu des articles 23c, 23d, 34d, 34e, 34f, 34g, et 58 de la loi sur les chemins de fer, l’Office est respectivement compétent pour :

approuver un projet de plan de limitation de l’exploitation des voies nationales, régionales et des embranchements accessibles au public (article 23c) ;

prendre une décision relative à la conclusion d’un contrat de prestation de services (article 23d) ;

prendre une décision en ce qui concerne les menaces à l’équilibre économique du transport par chemins de fer exploité sur la base d’un contrat de services publics (article 34d) ;

prendre une décision sur la conformité de la déclaration sur les chemins de fer avec la loi (article 34e) ;

prendre une décision sur la conformité du processus d’attribution des capacités (y compris les accords-cadres) avec la loi (article 34f) ;

examiner la conformité d’un contrat d’exploitation du service ferroviaire avec la loi (article 34g), et

remédier aux insuffisances de la surveillance de l’État (article 58).

17

Lorsqu’il se prononce au titre des articles 34e, 34f et 34g de la loi sur les chemins de fer, l’Office peut statuer sur demande ou d’office. En revanche, dans les cas de figure visés aux articles 23c, 23d et 34d de cette loi, il ne peut statuer que sur demande. Dans les procédures visées à l’article 58 de ladite loi, l’Office statue uniquement d’office. Par ailleurs, toutes les procédures d’office peuvent être initiées sur la base d’une plainte en vertu de l’article 42 du code de procédure administrative.

18

Les décisions adoptées par l’Office peuvent faire l’objet d’un contrôle juridictionnel. Il ressort des règles de répartition des compétences figurant notamment dans la cinquième partie, intitulée « Procédure dans les affaires tranchées par une autre autorité », du zákon č. 99/1963 Sb., občanský soudní řád (loi no 99/1963 portant code de procédure civile, ci-après le « code de procédure civile ») et à l’article 46 du zákon č. 150/2002 Sb., soudní řád správní (loi no 150/2002, portant code de justice administrative, ci-après « code de justice administrative ») que les affaires relevant, par leur nature, du droit privé doivent être portées devant les juridictions civiles, tandis que les juridictions administratives statuent sur les affaires de droit public.

19

L’article 250c, paragraphe 2, du code de procédure civile prévoit que les juridictions civiles permettent à l’Office « de faire valoir par écrit ses observations sur la requête ».

20

Notamment dans les procédures conduisant à l’adoption d’une décision au titre de l’article 34e, paragraphe 1, de la loi sur les chemins de fer, l’Office applique, outre le code de procédure administrative, le zákon č. 250/2016 Sb., o odpovědnosti za přestupky a řízení o nich (loi no 250/2016 relative à la responsabilité du chef d’infractions et les procédures y relatives). En vertu de l’article 78, paragraphe 1, de cette loi, « l’[Office] est tenu d’initier des procédures en ce qui concerne chaque infraction qu’il découvre et il agit selon une procédure d’office ».

Le litige au principal et les questions préjudicielles

21

Správa železnic est un organisme public créé par la loi. En tant que gestionnaire de l’infrastructure et exploitant d’installations de service, cet organisme est chargé de la gestion, en République tchèque, d’un réseau ferroviaire ainsi que des installations de service afférentes.

22

Správa železnic a établi et publié un document de référence du réseau, au sens de l’article 3, point 26, de la directive 2012/34, qui expose, notamment, les conditions auxquelles était soumis l’accès à certaines installations à compter du 1er avril 2020.

23

CityRail, une entreprise ferroviaire, a, sur le fondement de l’article 34e de la loi sur les chemins de fer, contesté ces conditions devant l’Office, en sa qualité d’organisme de contrôle national du secteur ferroviaire, au motif qu’elles seraient contraires aux règles prévues par la directive 2012/34.

24

L’Office doute de la conformité de ces conditions à la directive 2012/34 ainsi que de celle du droit national applicable au litige au principal à cette même directive.

25

En particulier, premièrement, l’Office émet des doutes quant à la qualification des lieux de chargement et de déchargement, en ce compris les voies adjacentes, en tant qu’installations de service, au sens de l’article 3, point 11, de la directive 2012/34. Selon l’Office, ces lieux devraient davantage être considérés comme relevant de l’infrastructure ferroviaire au sens de l’article 3, point 3, de ladite directive. Deuxièmement, l’Office estime que cette même directive pourrait s’opposer à ce qu’un gestionnaire de l’infrastructure ou un exploitant des installations de service modifie, à tout moment, le montant des redevances d’utilisation de l’infrastructure ferroviaire ou des installations de service. Troisièmement, se poserait la question de savoir si les dispositions de la directive 2012/34 peuvent être invoquées par les entreprises ferroviaires à l’encontre de Správa železnic. Quatrièmement, l’Office cherche à savoir si les conditions d’accès figurant dans le document de référence du réseau établi par Správa železnic peuvent être qualifiées de discriminatoires, dans la mesure où elles sont contraires aux exigences de cette directive.

26

C’est dans ces conditions que l’Office a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Le lieu de chargement et de déchargement pour le transport de marchandises, y compris les voies afférentes, fait-il partie de l’infrastructure ferroviaire, au sens de l’article 3, [point] 3, de la directive 2012/34 ?

2)

Est-il conforme à la directive 2012/34 que le gestionnaire de l’infrastructure puisse à tout moment modifier, au détriment des transporteurs, le montant des tarifs pour l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire ou des installations de service ?

3)

La directive 2012/34 lie-t-elle, en vertu de l’article 288 [TFUE], Správa železnic ?

4)

Peut-on considérer comme discriminatoires les règles contenues dans le document de référence du réseau si elles sont contraires à la réglementation de l’Union que Správa železnic est tenue de respecter ? »

Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

27

Dans sa demande de décision préjudicielle ainsi que dans ses réponses à la demande d’informations qui lui a été adressée par la Cour le 26 octobre 2020, l’Office expose les raisons pour lesquelles il considère qu’il revêt le caractère d’une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE.

28

À cet égard, il se prévaut de l’arrêt du 22 novembre 2012, Westbahn Management (C‑136/11, EU:C:2012:740), dont il découlerait que l’organisme de contrôle du secteur ferroviaire autrichien, la Schienen-Control Kommission (commission de contrôle ferroviaire, Autriche), doit être qualifié de « juridiction », au sens de cette même disposition. Dès lors que l’indépendance des organismes de contrôle nationaux résulterait directement de l’article 55 de la directive 2012/34, les principes d’égalité des États membres et de non-discrimination exigeraient que la Cour reconnaisse cette même qualité à l’Office.

29

En outre, l’Office rappelle qu’il découle d’une jurisprudence de la Cour, illustrée notamment par l’arrêt du 22 novembre 2012, Westbahn Management (C‑136/11, EU:C:2012:740), que, afin de déterminer si un organisme possède le caractère d’une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, il convient de tenir compte d’un ensemble d’éléments, tels l’origine légale de l’organisme en cause, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l’application, par cet organisme, des règles de droit ainsi que son indépendance.

30

Au regard de ces critères, l’Office relève qu’il a été établi par le législateur national en tant qu’autorité administrative centrale. Il découlerait aussi de la loi sur l’Office que ce dernier est indépendant dans l’exercice de ses compétences, qu’il agit de manière impartiale et qu’il n’est soumis qu’aux lois et autres règles de droit. En particulier, ses actes ne seraient pas contrôlés par d’autres autorités relevant du pouvoir exécutif.

31

L’indépendance du président de l’Office serait également garantie. En particulier, la loi sur l’Office prévoirait que son président ne peut être révoqué par le gouvernement qu’à certaines conditions précises que cette loi énumère et qu’il dispose d’un droit de recours contre les décisions de révocation.

32

Dès lors que les motifs de révocation du président de l’Office sont fixés par la loi, la situation de ce dernier ne serait pas comparable à celle du président de l’Úřad průmyslového vlastnictví (Office de la propriété industrielle, République tchèque), dont l’indépendance a été mise en cause par la Cour dans son ordonnance du 14 novembre 2013, MF 7 (C‑49/13, EU:C:2013:767). En outre, contrairement aux agents de ce dernier organisme, ceux de l’Office ne seraient pas soumis aux dispositions statutaires adoptées par le vice-ministre de la Fonction publique.

33

En ce qui concerne le déroulement de la procédure devant l’Office, celle-ci serait régie par le code de procédure administrative, ce qui garantirait aux parties le respect du contradictoire.

34

Lorsqu’il se prononce au titre des articles 34e, 34f et 34g de la loi sur les chemins de fer, l’Office statuerait sur demande ou d’office. Toutefois, dans les cas de figure visés aux articles 23c, 23d et 34d de la loi sur les chemins de fer, les procédures ne pourraient être entamées que sur demande.

35

En outre, l’Office aurait le pouvoir de rechercher et de poursuivre, de sa propre initiative, les infractions à la réglementation pertinente dans le cadre d’une procédure particulière, lui permettant d’infliger des amendes. Les irrégularités qu’il découvre au cours d’une procédure administrative pourraient donner lieu à une procédure d’infraction.

36

Les décisions adoptées par l’Office devraient tenir compte de l’intérêt public et seraient contraignantes.

37

Le code de procédure administrative prévoirait que ces décisions peuvent être réexaminées dans le cadre d’une procédure de réclamation. Lorsqu’une telle réclamation est présentée, il appartiendrait au président de l’Office de statuer sur celle-ci.

38

Conformément à l’article 56, paragraphe 10, de la directive 2012/34, les décisions de l’Office pourraient faire l’objet d’un contrôle juridictionnel. En fonction de la nature de la procédure menée devant lui, le recours s’exercerait soit devant les juridictions administratives, soit devant les juridictions civiles.

39

S’agissant de la procédure de contrôle de légalité du document de référence du réseau en cause au principal, lequel fait partie d’une « déclaration sur les chemins de fer », l’Office relève que cette procédure est celle visée à l’article 34e de la loi sur les chemins de fer. Elle pourrait être entamée d’office ou, comme ce fut le cas en l’occurrence, à la demande d’une partie. La décision à intervenir pourra faire l’objet d’un recours devant les juridictions civiles nationales dont les décisions, conformément aux règles de procédure civile et contrairement aux décisions des juridictions administratives, se substitueraient à celles de l’Office. En outre, dans l’hypothèse où l’Office découvrirait des irrégularités au cours de son examen, il pourrait ouvrir une procédure en constatation d’infraction.

40

Dans leurs observations écrites, les gouvernements tchèque et espagnol ainsi que la Commission européenne soutiennent que l’Office n’est pas une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, habilitée à saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle. En particulier, ils font valoir, d’une part, que l’Office n’est pas comparable à la commission de contrôle ferroviaire autrichienne, de telle sorte que les considérations développées par la Cour à l’égard de cet organisme dans l’arrêt du 22 novembre 2012, Westbahn Management (C‑136/11, EU:C:2012:740) ne sont pas transposables à la situation de l’Office et, d’autre part, que ce dernier exerce des fonctions de nature administrative.

41

Selon une jurisprudence constante, pour apprécier si l’organisme de renvoi en cause possède le caractère d’une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, question qui relève uniquement du droit de l’Union, la Cour tient compte d’un ensemble d’éléments, tels l’origine légale de cet organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de sa procédure, l’application, par ledit organisme, des règles de droit ainsi que son indépendance (voir, en ce sens, arrêts du 30 juin 1966, Vaassen-Göbbels, 61/65, EU:C:1966:39, p. 395, et du 29 mars 2022, Getin Noble Bank, C‑132/20, EU:C:2022:235, point 66 ainsi que jurisprudence citée).

42

Il ressort également de la jurisprudence constante de la Cour que les juridictions nationales ne sont habilitées à saisir celle-ci que si un litige est pendant devant elles et si elles sont appelées à statuer dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision à caractère juridictionnel [ordonnance du 26 novembre 1999, ANAS, C‑192/98, EU:C:1999:589, point 21, et arrêts du 31 janvier 2013, Belov, C‑394/11, EU:C:2013:48, point 39, ainsi que du 6 octobre 2021, W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême – Nomination), C‑487/19, EU:C:2021:798, point 84 et jurisprudence citée].

43

Il convient donc de déterminer l’habilitation d’un organisme à saisir la Cour selon des critères tant structurels que fonctionnels. À cet égard, un organisme national peut être qualifié de « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, lorsqu’il exerce des fonctions juridictionnelles, tandis que, dans l’exercice d’autres fonctions, notamment de nature administrative, cette qualification ne peut lui être reconnue (ordonnance du 26 novembre 1999, ANAS, C‑192/98, EU:C:1999:589, point 22, et arrêt du 31 janvier 2013, Belov, C‑394/11, EU:C:2013:48, point 40).

44

Il s’ensuit que, pour établir si un organisme national, auquel la loi confie des fonctions de nature différente, doit être qualifié de « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, il est nécessaire de vérifier quelle est la nature spécifique des fonctions qu’il exerce dans le contexte normatif particulier dans lequel il est appelé à saisir la Cour (ordonnance du 26 novembre 1999, ANAS, C‑192/98, EU:C:1999:589, point 23, et arrêt du 31 janvier 2013, Belov, C‑394/11, EU:C:2013:48, point 41).

45

Cette vérification revêt une importance particulière en présence d’autorités administratives dont l’indépendance est une conséquence directe des exigences découlant du droit de l’Union qui leur confère des compétences de contrôle sectoriel et de surveillance des marchés. Bien que ces autorités soient susceptibles de répondre aux critères énumérés au point 41 du présent arrêt, issus de l’arrêt du 30 juin 1966, Vaassen-Göbbels (61/65, EU:C:1966:39), l’activité de contrôle sectoriel et de surveillance des marchés est, essentiellement, de nature administrative (voir, par analogie, arrêt du 12 novembre 1998, Victoria Film, C‑134/97, EU:C:1998:535, point 15), en ce qu’elle implique l’exercice de compétences qui sont étrangères à celles attribuées aux juridictions.

46

Partant, l’Office ne saurait soutenir que, dès lors qu’il satisfait auxdits critères, en particulier à celui tenant à l’indépendance, il doit nécessairement être qualifié de « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE. En effet, une telle interprétation de cette disposition méconnaîtrait la jurisprudence de la Cour, rappelée aux points 42 à 44 du présent arrêt, dont il découle qu’un organisme national, alors que son origine légale, son caractère permanent, la nature contradictoire de sa procédure, l’application par celui-ci des règles de droit et son indépendance ne font pas de doute, ne saurait saisir la Cour à titre préjudiciel que si, dans le cadre de l’affaire pendante devant lui, il exerce des fonctions de nature juridictionnelle.

47

Or, dans l’arrêt du 22 novembre 2012, Westbahn Management (C‑136/11, EU:C:2012:740), invoqué par l’Office, la Cour, saisie d’une demande de décision préjudicielle par la commission de contrôle ferroviaire autrichienne, n’a examiné que les critères issus de l’arrêt du 30 juin 1966, Vaassen-Göbbels (61/65, EU:C:1966:39), et a ainsi omis d’examiner si cet organisme exerçait, dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à cette demande, des fonctions de nature juridictionnelle.

48

À cet égard, constituent des indices que l’organisme en cause exerce des fonctions non pas juridictionnelles mais administratives le pouvoir d’engager des procédures d’office (voir, en ce sens, arrêt du 31 janvier 2013, Belov, C‑394/11, EU:C:2013:48, point 47, et ordonnance du 14 novembre 2013, MF 7, C‑49/13, EU:C:2013:767, point 18) ainsi que celui d’infliger, également d’office, des sanctions dans les matières relevant de sa compétence (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2020, Anesco e.a., C‑462/19, EU:C:2020:715, point 44).

49

De surcroît, la question de savoir si la procédure ayant donné lieu à une demande de décision préjudicielle a été engagée à l’initiative d’une personne intéressée ne revêt pas d’importance déterminante. En effet, le fait pour un organisme de pouvoir engager une procédure donnée sur demande, alors même que cet organisme peut également, en tout état de cause, exercer d’office la compétence s’y rapportant, n’est pas de nature à remettre en cause le caractère administratif de cette compétence.

50

Le rôle et la place d’un organisme dans l’ordre juridique national sont également pertinents aux fins de l’appréciation de la nature de ses fonctions.

51

Ainsi, la Cour a qualifié d’« administrative » l’activité des organismes qui ont pour mission non pas de contrôler la légalité d’une décision, mais de prendre position, pour la première fois, sur la plainte d’un administré et dont les décisions sont susceptibles de faire l’objet d’un recours juridictionnel (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 1998, Victoria Film, C‑134/97, EU:C:1998:535, points 16 et 18 ; ordonnances du 24 mars 2011, Bengtsson, C‑344/09, EU:C:2011:174, points 22 et 23 ; du 14 novembre 2013, MF 7, C‑49/13, EU:C:2013:767, points 19 et 21, ainsi que arrêt du 16 septembre 2020, Anesco e.a., C‑462/19, EU:C:2020:715, point 49).

52

En outre, la Cour a itérativement rappelé que la notion de « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, ne peut, par essence même, désigner qu’une autorité qui a la qualité de tiers par rapport à celle qui a adopté la décision faisant l’objet du recours (arrêts du 30 mars 1993, Corbiau, C‑24/92, EU:C:1993:118, point 15 ; du 30 mai 2002, Schmid, C‑516/99, EU:C:2002:313, point 36, et du 16 septembre 2020, Anesco e.a., C‑462/19, EU:C:2020:715, point 37).

53

En l’occurrence, il convient d’abord d’examiner, en substance, la nature et la fonction d’un organisme de contrôle, tel que l’Office, dans le système de gestion et de contrôle des activités ferroviaires établi par la directive 2012/34. En effet, les articles 55 et 56 de cette dernière prévoient l’existence, dans tous les États membres, d’organismes de contrôle nationaux du secteur ferroviaire, établissent les principes de leur organisation et déterminent les compétences dont ils doivent être investis.

54

À cet égard, il ressort de l’article 55, paragraphe 1, de ladite directive que l’organisme de contrôle est une autorité autonome, juridiquement distincte et indépendante sur les plans organisationnel, fonctionnel, hiérarchique et décisionnel de toute autre entité publique ou privée.

55

En ce qui concerne les compétences de cet organisme, il découle de l’article 56, paragraphes 1, 2, 6 et 9, de la directive 2012/34 qu’il statue non seulement sur recours, mais peut aussi agir d’office.

56

À ce dernier égard, il lui incombe d’« assurer le suivi de la situation de la concurrence sur les marchés des services ferroviaires » et de contrôler, dans ce cadre, les décisions prises par les acteurs du secteur ferroviaire, notamment au regard des différents éléments énumérés à l’article 56, paragraphe 1, de la directive 2012/34. En outre, ledit organisme veille, notamment, à ce que les redevances d’infrastructure soient non discriminatoires et intervient dans les négociations entre les « candidats », au sens de l’article 3, point 19, de cette directive, à savoir, notamment, les entreprises ferroviaires, et un gestionnaire de l’infrastructure au sujet du niveau de ces redevances afin d’assurer le respect de la réglementation applicable. Il prend enfin, de sa propre initiative, les mesures appropriées pour corriger toute discrimination à l’égard des candidats, toute distorsion des marchés et toute autre évolution indésirable sur ces marchés.

57

Ainsi, le pouvoir de l’organisme de contrôle de surveiller l’application des règles fixées par cette directive n’est pas subordonné à l’introduction d’une plainte ou d’un recours et peut donc être exercé d’office (arrêt du 9 septembre 2021, LatRailNet et Latvijas dzelzceļš, C‑144/20, EU:C:2021:717, point 37).

58

Par ailleurs, aux fins de ses activités de surveillance, l’organisme de contrôle doit disposer, conformément à l’article 56, paragraphe 8, de la directive 2012/34, de pouvoirs d’enquête afin de recueillir toute information nécessaire. Il peut assortir ses demandes d’information de sanctions appropriées.

59

De même, en vertu de l’article 56, paragraphe 9, deuxième alinéa, de cette directive, cet organisme peut assortir de sanctions appropriées, y compris d’amendes, les décisions qu’il adopte.

60

Il découle ainsi des articles 55 et 56 de la directive 2012/34, lus à la lumière du considérant 76 de celle-ci, que la gestion efficace et l’utilisation équitable et non discriminatoire de l’infrastructure ferroviaire, prévues par cette directive, exigent la mise en place d’une autorité qui est chargée, à la fois, de surveiller, de sa propre initiative, l’application qui est faite par les acteurs du secteur ferroviaire des règles prévues par ladite directive et d’agir comme organe de recours.

61

Ce cumul de fonctions implique que, lorsqu’un organisme de contrôle institué en application de l’article 55 de la directive 2012/34 est saisi d’un recours, cette circonstance est sans préjudice de la compétence de ce même organisme pour prendre, au besoin d’office, des mesures appropriées afin de remédier à toute violation de la réglementation applicable et assortir ses décisions, s’il l’estime nécessaire, de sanctions, ce qui confirme la nature administrative de ses fonctions.

62

Par ailleurs, l’article 56, paragraphe 10, de la directive 2012/34 prévoit que les États membres veillent à ce que les décisions prises par l’organisme de contrôle puissent faire l’objet d’un contrôle juridictionnel, ce qui, ainsi qu’il a été souligné au point 51 du présent arrêt, constitue un indice du caractère administratif de telles décisions (voir, en ce sens, ordonnance du 14 novembre 2013, MF 7, C‑49/13, EU:C:2013:767, point 19).

63

C’est à l’aune des considérations qui précèdent qu’il convient ensuite d’examiner si, nonobstant le caractère administratif que revêt en principe un organisme de contrôle, tel que l’Office, ce dernier doit être regardé, dans le contexte spécifique des fonctions qu’il exerce dans le cadre de l’affaire au principal, comme une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE.

64

À cet égard, il ressort du dossier soumis à la Cour et, en particulier, des réponses fournies par l’Office à la demande d’informations de la Cour, qui se réfèrent à la loi sur les chemins de fer et au code de procédure administrative, que, dans le cadre de ses compétences, à l’exception des procédures prévues aux articles 23c, 23d et 34d de la loi sur les chemins de fer qui ne peuvent être mises en œuvre que « sur demande », l’Office statue tant « sur demande » d’un candidat que d’office. Ainsi, l’article 34e, paragraphe 1, de la loi sur les chemins de fer prévoit expressément que la procédure qu’il vise peut être entamée d’office ou « sur demande » d’un candidat.

65

La procédure au principal, qui a été introduite par un candidat, CityRail, sur le fondement de cet article 34e, paragraphe 1, a pour objet de contrôler la conformité d’un document de référence du réseau faisant partie d’une « déclaration sur les chemins de fer » avec ladite loi. Cette disposition constitue, selon l’Office, la transposition de l’article 56, paragraphe 1, sous a), de la directive 2012/34. C’est dans le cadre de cette procédure que l’Office est amené à se prononcer sur les conditions d’accès à certaines installations exploitées par Správa železnic qui figurent dans le document de référence du réseau en cause au principal.

66

Selon les informations fournies par l’Office, en vertu de l’article 78, paragraphe 1, de la loi no 250/2016 sur la responsabilité du chef d’infractions et les procédures y relatives, l’Office poursuit, de sa propre initiative, les irrégularités qu’il découvre au cours d’une procédure administrative, telle que celle visée à l’article 34e de la loi sur les chemins de fer. Le cas échéant, il déclenche une procédure en constatation d’infraction distincte.

67

Or, ainsi qu’il a été relevé aux points 48 et 49 du présent arrêt, l’habilitation de l’Office d’engager la procédure ayant donné lieu à la présente demande de décision préjudicielle également d’office tout comme son pouvoir de poursuivre des irrégularités découvertes au cours de cette procédure de sa propre initiative sont des indices particulièrement pertinents de nature à soutenir le constat que cet organisme, dans l’affaire au principal, exerce non pas des fonctions juridictionnelles, mais administratives.

68

En outre, il ressort également des informations fournies par l’Office que les décisions de cet organisme peuvent faire l’objet d’un recours juridictionnel. Lorsque, conformément aux règles de répartition des compétences qui ressortent des codes de procédure civile et de justice administrative, les juridictions administratives sont compétentes pour connaître d’un recours contre une décision de l’Office, ce dernier a le statut de partie défenderesse. Par ailleurs, il ressort de l’article 250c, paragraphe 2, du code de procédure civile que, devant les juridictions civiles, qui, selon l’Office, sont notamment compétentes pour connaître des recours contre les décisions adoptées dans le cadre de la procédure visée à l’article 34e de la loi sur les chemins de fer, l’Office dispose du droit de déposer des observations, sans être partie à la procédure.

69

Or, une telle participation de l’Office à une procédure de recours, mettant en cause sa propre décision, constitue un indice que, lorsqu’il adopte celle-ci, l’Office n’a pas la qualité de tiers par rapport aux intérêts en présence, au sens rappelé au point 52 du présent arrêt (voir, en ce sens, arrêts du 9 octobre 2014, TDC, C‑222/13, EU:C:2014:2265, point 37 et jurisprudence citée, ainsi que du 24 mai 2016, MT Højgaard et Züblin, C‑396/14, EU:C:2016:347, point 25).

70

L’analyse opérée précédemment est sans préjudice du fait que, dans la lignée de la jurisprudence mentionnée au point 43 du présent arrêt, un organisme exerçant des fonctions tant de nature administrative que juridictionnelle et répondant aux critères structurels visés au point 41 du présent arrêt peut être considéré comme une « juridiction » au sens de l’article 267 TFUE lorsque les fonctions de nature juridictionnelle qu’il exerce sont objectivement et strictement séparées de ses fonctions de nature administrative. Tel est en particulier le cas lorsque certaines procédures ne peuvent être engagées devant cet organisme que sur recours et non d’office et que ledit organisme ne peut pas être partie défenderesse dans le cadre d’un recours juridictionnel contre les décisions qu’il prend au terme de ces procédures.

71

Force est néanmoins de constater que, au vu des éléments exposés aux points 64 à 69 du présent arrêt, l’Office, dans le cadre du litige au principal, exerce des fonctions de nature non pas juridictionnelle, mais administrative. Il ne saurait, partant, être regardé comme une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, de telle sorte que la demande de décision préjudicielle qu’il a introduite est irrecevable.

Sur les dépens

72

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant l’organisme de renvoi, il appartient à celui-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

 

La demande de décision préjudicielle introduite par l’Úřad pro přístup k dopravní infrastruktuře (Office pour l’accès aux infrastructures de transport, République tchèque) est irrecevable.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le tchèque.

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