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Document 62021CJ0288

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 22 décembre 2022.
Universität Koblenz-Landau contre Agence exécutive européenne pour l’éducation et la culture.
Pourvoi – Clause compromissoire – Programmes Tempus IV – Conventions de subvention Ecesis, Diusas et Deque – Irrégularités systémiques et récurrentes – Demande de remboursement intégral des sommes versées – Droit d’être entendu – Principe de proportionnalité – Principe de protection de la confiance légitime – Demande de réouverture de la phase orale de la procédure en première instance – Article 113, paragraphe 2, sous c), du règlement de procédure du Tribunal.
Affaire C-288/21 P.

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2022:1027

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

22 décembre 2022 (*)

« Pourvoi – Clause compromissoire – Programmes Tempus IV – Conventions de subvention Ecesis, Diusas et Deque – Irrégularités systémiques et récurrentes – Demande de remboursement intégral des sommes versées – Droit d’être entendu – Principe de proportionnalité – Principe de protection de la confiance légitime – Demande de réouverture de la phase orale de la procédure en première instance – Article 113, paragraphe 2, sous c), du règlement de procédure du Tribunal »

Dans l’affaire C‑288/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 5 mai 2021,

Universität Koblenz-Landau, établie à Mayence (Allemagne), représentée par Mes R. Di Prato et C. von der Lühe, Rechtsanwälte,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Agence exécutive européenne pour l’éducation et la culture (EACEA), représentée par MM. H. Monet et N. Sbrilli, en qualité d’agents, assistés de Me R. van der Hout, advocaat, et de Me C. Wagner, Rechtsanwalt,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. P. G. Xuereb, président de chambre, M. A. Kumin (rapporteur) et Mme I. Ziemele, juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, la requérante demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 24 février 2021, Universität Koblenz-Landau/EACEA (T‑108/18, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:104), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant, d’une part, à l’annulation des lettres de l’Agence exécutive européenne pour l’éducation et la culture, anciennement Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » (EACEA), des 21 décembre 2017 et 7 février 2018, relatives aux sommes qui lui ont été versées dans le cadre des conventions de subvention conclues pour la réalisation de trois programmes dans le domaine de l’éducation supérieure et, d’autre part, à titre subsidiaire, à faire déclarer le droit au recouvrement réclamé comme étant non constitué.

 Le cadre juridique

2        L’article 119 du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 1995/2006 du Conseil, du 13 décembre 2006 (JO 2006, L 390, p. 1) (ci-après le « règlement no 1605/2002 »), prévoyait, à son paragraphe 2 :

« En cas de non-respect par le bénéficiaire de ses obligations, la subvention est suspendue, réduite ou supprimée dans les cas prévus par les modalités d’exécution après que le bénéficiaire a été mis en mesure de formuler ses observations. »

3        Le règlement no 1605/2002 a été abrogé avec effet au 1er janvier 2013 par le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement no 1605/2002 (JO 2012, L 298, p.1).

4        L’article 135, paragraphes 2 à 7, du règlement no 966/2012 disposait :

« 2.      Lorsque la procédure d’octroi se révèle entachée d’erreurs substantielles, d’irrégularités ou de fraudes, l’ordonnateur compétent la suspend et peut prendre toutes les mesures nécessaires, y compris l’annulation de la procédure. L’ordonnateur compétent informe immédiatement l’[Office européen de lutte antifraude (OLAF)] des cas présumés de fraude.

3.      Si, après l’octroi de la subvention, la procédure d’octroi ou la mise en œuvre de la subvention se révèle entachée d’erreurs substantielles, d’irrégularités, de fraude ou de violation des obligations, l’ordonnateur compétent peut, selon le stade atteint par la procédure et à condition que le demandeur ou le bénéficiaire ait eu la possibilité de présenter des observations :

a)      refuser de signer la convention de subvention ou de donner notification de la décision d’octroi ;

b)      suspendre l’exécution de la subvention ; ou

c)      le cas échéant, résilier la convention ou la décision de subvention.

4.      Lorsque ces erreurs, ces irrégularités ou ces fraudes sont imputables au bénéficiaire, ou si le bénéficiaire devait manquer à ses obligations au titre d’une convention ou d’une décision de subvention, l’ordonnateur compétent peut, en outre, réduire la subvention ou recouvrer les montants indûment versés au titre de la convention ou de la décision de subvention, en proportion de la gravité des erreurs, des irrégularités, de la fraude ou de la violation des obligations, à condition d’avoir donné la possibilité au bénéficiaire de présenter ses observations.

5.      Si des contrôles ou audits révèlent l’existence d’erreurs, d’irrégularités, de fraudes ou de violations des obligations systémiques ou récurrentes imputables au bénéficiaire et ayant une incidence matérielle sur plusieurs subventions qui ont été octroyées audit bénéficiaire dans des conditions similaires, l’ordonnateur compétent peut suspendre la mise en œuvre de toutes les subventions concernées ou, le cas échéant, résilier les conventions ou décisions de subvention concernées passées avec ce bénéficiaire, en proportion de la gravité des erreurs, des irrégularités, des fraudes ou des violations des obligations, à condition que le bénéficiaire ait eu la possibilité de présenter des observations.

L’ordonnateur compétent peut, en outre, à l’issue d’une procédure contradictoire, réduire la subvention ou recouvrer les montants indûment versés au titre de toutes les subventions affectées par les erreurs, irrégularités, fraudes ou violations des obligations visées au premier alinéa susceptibles de faire l’objet d’un audit en vertu des conventions ou décisions de subvention.

6.      L’ordonnateur compétent détermine les montants devant être réduits ou recouvrés, chaque fois que cela est possible et faisable, sur la base des coûts indûment déclarés comme éligibles pour chaque subvention concernée, à la suite de l’approbation des états financiers révisés présentés par le bénéficiaire.

7.      Lorsqu’il n’est pas possible ou faisable de quantifier avec précision le montant des coûts inéligibles pour chaque subvention concernée, les montants devant être réduits ou recouvrés peuvent être déterminés en recourant à l’extrapolation du taux de réduction ou de recouvrement appliqué aux subventions pour lesquelles des erreurs ou irrégularités systémiques ou récurrentes ont été avérées ou, si les coûts inéligibles ne peuvent pas servir de base pour déterminer les montants devant être réduits ou recouvrés, en appliquant un taux forfaitaire, eu égard au principe de proportionnalité. Le bénéficiaire jouit de la possibilité de formuler ses observations quant à la méthode d’extrapolation ou au taux forfaitaire appliqué et à proposer une autre méthode ou un autre taux dûment justifié avant qu’il ne soit procédé à la réduction ou au recouvrement. »

 Les antécédents du litige

5        Les antécédents du litige ont été exposés aux points 1 à 22 de l’arrêt attaqué et peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés de la manière suivante.

6        La requérante, l’Universität Koblenz-Landau (université de Koblenz-Landau, Allemagne), est un établissement d’enseignement supérieur de droit public.

7        En 2008 et en 2010, dans le cadre des programmes de l’Union européenne de coopération avec des pays tiers visant à la modernisation des systèmes d’enseignement supérieur de ces pays, dénommés « Tempus IV », la requérante a signé les trois conventions de subvention (ci-après, dénommées ensemble, les « conventions litigieuses ») suivantes :

–        la convention de subvention du 5 décembre 2008 pour la réalisation du programme « Educational Centers Network on Modern Technologies of Local Governing » (réseau de centres éducatifs sur les techniques modernes de gouvernance locale, ci-après la « convention Ecesis »), signée entre la requérante, en tant que bénéficiaire unique, et la Commission européenne ;

–        la convention de subvention du 18 octobre 2010 pour la réalisation du programme « Development and Integration of University Self-assessment Systems » (développement et intégration des systèmes d’autoévaluation universitaires, ci-après la « convention Diusas »), signée, notamment, entre la requérante, en qualité de coordinatrice et de cobénéficiaire, et l’EACEA, et

–        la convention de subvention du 30 septembre 2010 concernant la réalisation du programme « Development of Quality Assurance System in Turkmenistan on the base of Bologna Standards » (développement d’un système d’assurance de la qualité au Turkménistan sur le fondement des critères du processus de Bologne, ci-après la « convention Deque »), signée, notamment, entre la requérante, en qualité de coordinatrice et de cobénéficiaire, et l’EACEA.

8        Conformément à l’article I.8, premier alinéa, de la convention Ecesis, l’octroi de la subvention en faisant l’objet est régi, à titre principal, par les stipulations de cette convention et les règles du droit de l’Union applicables et, à titre subsidiaire, par le droit belge relatif à l’octroi de subventions. Quant aux conventions Diusas et Deque, selon l’article I.9 de chacune d’elles, celles-ci sont régies par les stipulations contractuelles et les règles du droit de l’Union applicables.

9        L’article I.8, deuxième alinéa, de la convention Ecesis et l’article I.9 de chacune des conventions Diusas et Deque stipulent que les décisions de l’EACEA concernant l’application des clauses de la convention de subvention concernée ainsi que les modalités de sa mise en œuvre peuvent faire l’objet d’un recours formé par les bénéficiaires devant le juge de l’Union.

10      En application des conventions litigieuses, l’EACEA a versé à la requérante des subventions, respectivement, de 756 381,89 euros, dans le cadre de la convention Ecesis, de 736 493,52 euros, dans le cadre de la convention Diusas, et de 345 500,10 euros, dans le cadre de la convention Deque.

11      En 2014, l’EACEA a engagé une société spécialisée pour effectuer un audit auprès de la requérante visant à vérifier si les coûts déclarés par elle étaient conformes aux stipulations des conventions litigieuses.

12      Le 22 avril 2016, les auditeurs ont communiqué à la requérante le projet de rapport d’audit, daté du 16 novembre 2015 (ci-après le « projet de rapport d’audit »). L’enquête des auditeurs était fondée sur les informations présentées par la requérante, ainsi que sur des informations recueillies par ceux-ci durant des inspections dans les locaux de la requérante ou de certains cobénéficiaires. Sur la base d’un examen couvrant, selon ledit rapport, 90,93 % des coûts réclamés dans le cadre du programme relatif à la convention Ecesis, 90,05 % des coûts réclamés dans le cadre du programme relatif à la convention Diusas et 93,42 % des coûts réclamés dans le cadre du programme relatif à la convention Deque, les auditeurs ont relevé plusieurs irrégularités, potentiellement de nature systémique, concernant les dépenses financées par les subventions reçues.

13      Le 23 mai 2016, l’EACEA et la requérante ont tenu une réunion à Bruxelles (Belgique) au sujet des constatations figurant dans le projet de rapport d’audit. Par courrier électronique du 29 juillet 2016, la requérante a envoyé à l’EACEA ses commentaires concernant le procès-verbal de cette réunion.

14      Par lettre du 30 août 2016, l’OLAF a informé la requérante qu’il avait ouvert une enquête concernant, notamment, les dépenses relatives aux conventions litigieuses ainsi que des soupçons de fraude à cet égard.

15      Par lettre du 29 septembre 2016, dont une copie a été adressée également à l’OLAF, la requérante a communiqué à l’EACEA ses observations sur le projet de rapport d’audit.

16      Par lettre du 11 novembre 2016, la requérante a fait parvenir à l’OLAF ses observations en réponse à la lettre de ce dernier du 30 août 2016.

17      Par lettres du 4 juillet 2017, l’EACEA a demandé à la requérante de lui fournir, dans un délai déterminé et à l’aide d’un tableau, des informations concernant les sommes reçues par cette dernière au titre des conventions Diusas et Deque et versées par la suite par celle-ci aux cobénéficiaires des programmes relatifs auxdites conventions.

18      Par lettre du 26 juillet 2017, l’EACEA a communiqué à la requérante le rapport final d’audit, daté du 16 décembre 2016 (ci-après le « rapport final d’audit »), confirmant les constatations d’irrégularités dans la gestion des conventions litigieuses, identifiées dans le projet de rapport d’audit, en y joignant également le rapport final de l’OLAF, daté du 21 novembre 2016 (ci-après le « rapport final de l’OLAF »).

19      Dans ce rapport final d’audit, les auditeurs ont recommandé le recouvrement de 754 670,95 euros sur la somme totale de 2 123 470,12 euros au titre des conventions litigieuses, à savoir 389 123,88 euros au titre de la convention Ecesis, 302 179,34 euros au titre de la convention Diusas et 63 367,73 euros au titre de la convention Deque. Les auditeurs ont néanmoins précisé, dans ledit rapport, que le montant des ajustements nécessaires était tellement important qu’ils ne pouvaient pas conclure que les coûts réclamés reflétaient correctement des dépenses éligibles ou que ces coûts avaient été encourus par le bénéficiaire en conformité avec les stipulations contractuelles. Ils ont recommandé que l’EACEA fasse de toute urgence une enquête additionnelle à cet égard auprès de la requérante et des autres cobénéficiaires.

20      Le rapport final de l’OLAF a fait état de suspicions de fraude dans la mise en œuvre des conventions litigieuses, en raison des doutes quant à la fiabilité de nombreuses factures émises par différents fournisseurs et quant à la réalité des activités commerciales exercées par les fournisseurs pour un montant de 374 031,31 euros. Quant aux irrégularités concernant les sommes versées directement sur les comptes privés des deux personnes physiques employées par la requérante et gestionnaires des conventions litigieuses et prétendument payées, par la suite, en espèces par celles-ci, l’OLAF a indiqué qu’il n’avait pas pu vérifier si les sommes en cause avaient été payées au personnel concerné, car de telles vérifications « aurai[en]t nécessité une autorisation judiciaire ».

21      Par lettre du 26 juillet 2017, l’EACEA a également informé la requérante que, en raison de la gravité des irrégularités constatées dans le rapport final d’audit et le rapport final de l’OLAF, ainsi que de leur caractère systémique et récurrent, elle envisageait le recouvrement de la totalité des sommes versées à la requérante au titre des conventions litigieuses, sur le fondement, notamment, de l’article 135, paragraphe 4, du règlement no 966/2012. Cependant, en ce qui concerne les conventions Diusas et Deque, l’EACEA a indiqué avoir l’intention de demander le remboursement des seules sommes reçues par la requérante en tant que bénéficiaire final et d’en exclure ainsi les sommes versées par cette dernière aux autres cobénéficiaires de ces deux conventions. L’EACEA a indiqué à cet égard qu’elle ne disposait pas d’informations concernant la ventilation des subventions reçues par les cobénéficiaires et, par conséquent, des sommes reçues par la requérante en tant que bénéficiaire final. Ainsi, la requérante a été invitée à présenter, d’une part, l’original des factures énumérées dans l’annexe III de la même lettre dans un délai de quinze jours et, d’autre part, ses observations concernant le recouvrement envisagé, y compris des copies des justificatifs bancaires, dans un délai de 60 jours.

22      Par lettre du 9 août 2017, la requérante a informé l’EACEA qu’elle ne pouvait pas présenter les factures demandées, puisque celles-ci avaient été saisies par la Staatsanwaltschaft Koblenz (parquet de Coblence, Allemagne). Par lettre du 24 août 2017, la requérante a confirmé une nouvelle fois que le parquet de Coblence avait indiqué à ses avocats que ces factures ne pouvaient pas être consultées.

23      Par lettre du 25 septembre 2017, la requérante a présenté ses observations, avec annexes à l’appui, sur l’ensemble des constatations figurant dans la lettre de l’EACEA du 26 juillet 2017.

24      Par lettre du 21 décembre 2017 (ci-après la « lettre du 21 décembre 2017 »), l’EACEA a informé la requérante qu’elle avait décidé de recouvrer la totalité de la somme versée à la requérante au titre de la convention Ecesis, à savoir un montant de 756 381,89 euros. En ce qui concerne les conventions Diusas et Deque, elle a informé la requérante de son intention de demander le remboursement des seules sommes qu’elle avait reçues dans le cadre de ces conventions en tant que bénéficiaire final, à l’exclusion donc des sommes transférées par celle‑ci à des cobénéficiaires, dont elle devait encore lui communiquer le montant. L’EACEA a précisé que, si elle n’obtenait pas d’informations concernant les montants versés aux cobénéficiaires au titre de ces deux conventions, elle demanderait le remboursement intégral de ces montants ou le remboursement d’une somme « plus élevée ».

25      Par lettre du 7 février 2018 (ci-après la « lettre du 7 février 2018 »), d’une part, l’EACEA a constaté que la requérante n’avait pas présenté les informations nécessaires pour déterminer le montant des sommes qui lui avaient été versées au titre des conventions Diusas et Deque et transférées par la suite à d’autres entités cobénéficiaires. D’autre part, l’EACEA a indiqué avoir elle–même pris contact avec ces derniers et avoir reçu, de la part de certains d’entre eux, les informations demandées. Sur la base des informations ainsi recueillies, l’EACEA a fixé le montant à rembourser à 695 919,31 euros pour la convention Diusas et à 343 525,10 euros pour la convention Deque. L’EACEA a invité la requérante à lui soumettre, le cas échéant, ses observations dans un délai de quinze jours calendaires, en précisant que, à défaut de telles observations, elle procéderait au recouvrement de ces montants.

26      Le 13 février 2018, l’EACEA a adressé à la requérante une note de débit d’un montant de 756 381,89 euros au titre de la convention Ecesis (ci-après la « note de débit »). La somme totale réclamée au titre des trois conventions s’est élevée ainsi à 1 795 826,30 euros.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

27      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 février 2018, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation des lettres des 21 décembre 2017 et 7 février 2018 relatives aux sommes qui lui avaient été versées dans le cadre des conventions litigieuses.

28      Dans sa réplique, la requérante a demandé, à titre subsidiaire, au Tribunal de requalifier ce recours en recours fondé sur l’article 272 TFUE et de constater que la créance de 756 381,89 euros exigée au titre de la convention Ecesis et celle de 1 039 444,41 euros exigée au titre des conventions Diusas et Deque n’existaient pas.

29      À l’appui de son recours, la requérante a invoqué quatre moyens, tirés, le premier, d’une violation du droit d’être entendu, le deuxième, d’une « mauvaise application du droit européen », le troisième, d’un défaut de motivation et, le quatrième, d’une violation du principe de proportionnalité.

30      Lors de l’audience du 16 septembre 2020, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal. À l’issue de cette audience, la phase orale de la procédure a été clôturée.

31      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 2 février 2021, la requérante a présenté une demande de réouverture de la phase orale de la procédure, au titre de l’article 113, paragraphe 2, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, en se fondant sur une ordonnance du parquet de Coblence du 28 décembre 2020 (ci-après la « décision préparatoire du parquet de Coblence »), qui lui avait été signifiée le 28 janvier 2021. Par décision du 4 février 2021, le président de la dixième chambre élargie du Tribunal a rejeté cette demande, ce dont les parties ont été informées par lettres du greffe de ce même Tribunal du 5 février 2021.

32      Le Tribunal a statué sur sa compétence et a examiné les fins de non-recevoir soulevées par l’EACEA. Après avoir déclaré irrecevables les conclusions en annulation en tant qu’elles étaient fondées sur l’article 263 TFUE, le Tribunal, d’une part, a requalifié le recours de la requérante en recours introduit sur le fondement de l’article 272 TFUE et, d’autre part, s’est déclaré compétent pour statuer, conformément à ce dernier article et aux clauses compromissoires contenues à l’article I.8 de la convention Ecesis et à l’article I.9 de chacune des conventions Diusas et Deque.

33      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité et a condamné la requérante aux dépens.

 Les conclusions des parties devant la Cour

34      La requérante demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué et de constater l’inexistence des créances de remboursement visées dans les lettres des 21 décembre 2017 et 7 février 2018 ;

–        à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué et de renvoyer l’affaire au Tribunal, et

–        de condamner l’EACEA aux dépens.

35      L’EACEA demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner la requérante aux dépens, exposés tant en première instance qu’au stade du pourvoi.

 Sur le pourvoi

36      À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque deux moyens. Le premier, qui se compose de deux branches, est tiré d’une violation de l’article 113, paragraphe 2, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, de l’article 24 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 89, paragraphe 3, de ce règlement de procédure. Le second, qui se compose lui aussi de deux branches, est tiré d’une méconnaissance de la portée du droit d’être entendu ainsi que des principes de protection de la confiance légitime et de proportionnalité.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

37      Par les première et seconde branches du premier moyen, qu’il convient d’examiner conjointement, la requérante reproche au Tribunal d’avoir méconnu l’article 113, paragraphe 2, sous c), du règlement de procédure de ce dernier, l’article 24 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu conjointement avec l’article 53, premier alinéa, de ce statut, et l’article 89, paragraphe 3, de ce règlement de procédure, en ce qu’il a, d’une part, rejeté sa demande de réouverture de la phase orale de la procédure et, d’autre part, omis d’agir afin d’éclaircir les faits mentionnés dans cette demande. Or, selon la requérante, à l’appui de ladite demande, elle aurait produit de nouveaux éléments de fait, à savoir l’intention du parquet de Coblence, figurant dans la décision préparatoire de ce dernier, d’abandonner les poursuites pénales engagées contre deux personnes physiques qui étaient chargées de la gestion des programmes Tempus IV.

38      En outre, elle aurait eu connaissance de ces nouveaux éléments de fait seulement après la clôture de la phase orale de la procédure, intervenue le 16 septembre 2020, et lesdits éléments de fait, en ce qu’ils seraient susceptibles de plaider en faveur de la requérante, seraient juridiquement déterminants pour l’issue du litige.

39      À cet égard, la requérante indique que, le 27 mars 2021, le parquet de Coblence aurait adopté une décision classant sans suite les poursuites pénales engagées contre deux personnes physiques qui étaient chargées de la gestion des programmes Tempus IV, cette dernière décision se fondant sur la décision préparatoire de celui-ci. Dans cette décision du 27 mars 2021, le parquet de Coblence aurait conclu qu’une irrégularité systémique lors de la mise en œuvre de ces programmes par la requérante ne pouvait être établie. En effet, les supposés manquements reprochés à la requérante, exposés dans le rapport d’audit fondant les demandes de recouvrement de l’EACEA, ne se seraient pas confirmés. Or, selon la requérante, lesdits éléments de fait seraient d’une importance décisive au regard de la motivation du Tribunal portant sur les deuxième et quatrième moyens invoqués en première instance. Dans ces conditions, le Tribunal aurait dû, premièrement, procéder à la réouverture de la phase orale de la procédure et, deuxièmement, afin d’éclaircir les faits pertinents, inviter l’EACEA à prendre position, en particulier, sur la décision préparatoire du parquet de Coblence.

40      Selon l’EACEA, en application de l’article 58, paragraphe 1, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, cette argumentation de la requérante devrait être rejetée comme étant irrecevable au motif que la requérante n’aurait pas démontré en quoi l’irrégularité qu’elle invoque, à savoir le défaut de réouverture de la phase orale de la procédure, aurait pu avoir une influence quelconque sur l’issue de la procédure devant le Tribunal et, partant, en quoi cette irrégularité aurait porté atteinte à ses intérêts. En outre, le premier moyen du pourvoi ne répondrait pas non plus aux exigences de clarté et de précision prévues à l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour. L’EACEA considère qu’il convient, en tout état de cause, de rejeter ladite argumentation comme étant non fondée.

 Appréciation de la Cour

–       Sur la recevabilité du premier moyen

41      Aux termes de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi, qui doit être limité aux questions de droit, peut être fondé, notamment, sur des moyens tirés d’irrégularités de procédure devant le Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ainsi que de la violation du droit de l’Union par le Tribunal.

42      En outre, il ressort de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE ainsi que de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de la décision dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (arrêts du 16 juillet 2020, Inclusion Alliance for Europe/Commission, C‑378/16 P, EU:C:2020:575, point 55 et jurisprudence citée, ainsi que du 14 juillet 2022, SGI Studio Galli Ingegneria/Commission, C‑371/21 P, non publié, EU:C:2022:566, point 86).

43      En l’occurrence, il y a lieu de constater que la requérante, au soutien du premier moyen du pourvoi, reproche au Tribunal d’avoir commis des irrégularités procédurales, à savoir, d’une part, une violation de l’article 113, paragraphe 2, sous c), de son règlement de procédure, en ce qu’il a rejeté sa demande de réouverture de la phase orale de la procédure, ce qui aurait porté atteinte à ses intérêts, ainsi que, d’autre part, une violation de l’article 24 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, cette dernière disposition étant également applicable au Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, de ce statut, ainsi que de l’article 89, paragraphe 3, du même règlement de procédure, en ce que le Tribunal aurait omis d’inviter l’EACEA à prendre position sur cette demande et sur la décision préparatoire du parquet de Coblence.

44      En outre, la requérante considère que, si le Tribunal avait correctement appliqué les dispositions visées au point précédent du présent arrêt, il n’aurait pas pu approuver la décision de l’EACEA consistant à recouvrer, de manière intégrale, les subventions versées au titre des conventions litigieuses et, partant, aurait statué d’une manière différente sur les premier et deuxième griefs du deuxième moyen, tirés, respectivement, de l’absence de base légale permettant un recouvrement intégral des sommes versées et de l’absence d’une irrégularité de nature systémique et récurrente, ainsi que sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité, invoqués en première instance.

45      Il résulte des considérations qui précèdent que le pourvoi relève de l’article 58 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et répond aux exigences rappelées au point 42 du présent arrêt.

46      Partant, il convient de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par l’EACEA.

–       Sur le bien-fondé du premier moyen

47      En ce qui concerne, en premier lieu, la prétendue violation de l’article 113, paragraphe 2, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, il y a lieu de rappeler que, aux termes de cette disposition, ce dernier peut ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure lorsqu’une partie principale le demande en se fondant sur des faits de nature à exercer une influence décisive sur la décision du Tribunal qu’elle n’avait pu faire valoir avant la clôture de la phase orale de la procédure.

48      Ainsi que la Cour l’a déjà précisé, s’il est vrai que le Tribunal dispose, en ce domaine, d’un pouvoir discrétionnaire, celui-ci n’est tenu de faire droit à une telle demande que si la partie intéressée se fonde sur des faits de nature à exercer une influence décisive qu’elle n’avait pu faire valoir avant la fin de la phase orale de la procédure (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, EU:C:1999:358, point 128, et ordonnance du 27 avril 2006, L/Commission, C‑230/05 P, EU:C:2006:270, point 68).

49      Dans ce contexte, il y a également lieu de relever que, en vertu de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi ne peut prospérer que si l’irrégularité de procédure commise par le Tribunal a porté atteinte aux intérêts de la partie requérante (arrêt du 26 mars 2009, SELEX Sistemi Integrati/Commission, C‑113/07 P, EU:C:2009:191, point 40).

50      Or, sans devoir se prononcer sur la question de savoir si les appréciations figurant dans la décision préparatoire du parquet de Coblence peuvent être considérées comme des faits nouveaux qui n’ont pas pu être invoqués avant la clôture de la phase orale de la procédure, au sens de l’article 113, paragraphe 2, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, il convient de constater que ces appréciations ne pouvaient, en tout état de cause, exercer une influence décisive sur la décision du Tribunal, de telle sorte qu’il y a lieu de considérer que les conditions d’application de cette disposition ne sont pas remplies.

51      À cet égard, il convient de relever que, au point 137 de l’arrêt attaqué, lequel s’inscrit dans le cadre de l’examen du deuxième grief du deuxième moyen, tiré de l’absence d’irrégularités de nature systémique et récurrente, le Tribunal a considéré que « le fait que les irrégularités constatées font l’objet d’une procédure pénale en cours est [...] dénué de pertinence » dans la mesure où « la question de la responsabilité pénale des deux personnes physiques en cause est tout autre que celle de la responsabilité contractuelle de la requérante ».

52      Ainsi, comme l’a précisé le Tribunal au point 136 de l’arrêt attaqué, la requérante, en tant que partie contractante des conventions litigieuses et bénéficiaire des subventions, est seule responsable de l’exécution de ces conventions.

53      Il en résulte que la circonstance que le parquet de Coblence a décidé d’abandonner les poursuites pénales contre les deux personnes physiques chargées de la gestion des programmes Tempus IV au motif qu’il n’a pas pu être établi que ces personnes avaient détourné des subventions dans le cadre de leurs fonctions n’empêche pas que l’EACEA puisse, sur la base, notamment, des stipulations contractuelles figurant dans les conventions litigieuses, procéder au recouvrement intégral des sommes versées au motif de l’existence d’irrégularités « de nature systémique et récurrente » affectant ces conventions.

54      En ce qui concerne, en second lieu, la prétendue violation de l’article 24 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 89, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, il convient de considérer que ces dispositions ne font pas obligation au Tribunal d’éclaircir les faits mentionnés dans la demande de réouverture de la phase orale de la procédure ni d’inviter l’EACEA à prendre position sur les arguments présentés dans la décision préparatoire du parquet de Coblence.

55      Ainsi, en vertu de l’article 24, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, qui est également applicable au Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa de ce statut, « [l]a Cour de justice peut demander aux parties de produire tous documents et de fournir toutes informations qu’elle estime désirables ».

56      En outre, aux termes de l’article 89, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, les mesures d’organisation de la procédure peuvent notamment consister à poser des questions aux parties, à inviter les parties à se prononcer par écrit ou oralement sur certains aspects du litige ou encore à demander aux parties la production de toute pièce relative à l’affaire.

57      Cela étant, il résulte à la fois de la finalité et de l’objet des mesures d’organisation de la procédure, tels qu’ils sont énoncés à l’article 89, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure du Tribunal, que celles-ci s’insèrent dans le cadre des différentes phases de la procédure devant le Tribunal, dont elles visent à faciliter le déroulement (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, EU:C:1999:358, point 125).

58      Il s’ensuit que, après la clôture de la phase orale de la procédure, une partie ne peut présenter une demande de mesures d’organisation de la procédure que si le Tribunal décide de rouvrir cette phase orale. Dès lors, le Tribunal n’aurait dû statuer sur une telle demande que dans le cas où il aurait accueilli la demande de réouverture de la phase orale de la procédure (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, EU:C:1999:358, point 126).

59      Or, ainsi qu’il résulte des points 50 à 53 du présent arrêt, le Tribunal, sans commettre d’irrégularité de procédure, a pu rejeter la demande de réouverture de la phase orale de la procédure. Par conséquent, il ne saurait, en tout état de cause, lui être reproché de ne pas avoir ordonné de mesures d’organisation de la procédure.

60      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que le Tribunal n’a commis aucune irrégularité de procédure.

61      Il convient, dès lors, de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le second moyen

 Sur la première branche du second moyen

–       Argumentation des parties

62      Par la première branche du second moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir violé, aux points 89 à 92 de l’arrêt attaqué, son droit d’être entendu, tel que prévu à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, dans la mesure où il aurait méconnu le fait qu’elle n’a pas pu présenter des arguments et des documents pertinents pour contester la demande de remboursement intégral des sommes versées, que l’EACEA aurait formulée, pour la première fois, dans sa lettre du 26 juillet 2017. L’ensemble de ces documents, à savoir des factures et des relevés bancaires, que la requérante aurait dû et aurait pu soumettre à l’EACEA pour contester cette demande de remboursement intégral, avait déjà été saisi, le 22 juin 2017, par le parquet de Coblence dans le cadre des poursuites pénales. Or, lesdits documents auraient pu permettre de réfuter les griefs invoqués par l’EACEA.

63      L’EACEA considère qu’il convient de rejeter cette argumentation comme étant irrecevable et, en tout état de cause, comme étant non fondée.

–       Appréciation de la Cour

64      Il convient de relever, en premier lieu, que la requérante ne conteste pas les appréciations du Tribunal figurant aux points 78 à 86 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles la requérante a eu la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, et ce à maintes reprises, son point de vue avant que ne lui soient communiquées les lettres des 21 décembre 2017 et 7 février 2018 ainsi que la note de débit, tant en ce qui concerne la nature et l’ampleur des irrégularités constatées qu’en ce qui concerne les montants à recouvrer.

65      Ainsi, force est de constater que la requérante a pu prendre position, notamment, sur le projet de rapport d’audit, le rapport final d’audit et le rapport final de l’OLAF ainsi que sur l’intention de l’EACEA, indiquée dans la lettre du 26 juillet 2017, de demander le remboursement, d’une part, de la totalité de la somme versée au titre de la convention Ecesis et, d’autre part, en ce qui concerne les conventions Diusas et Deque, des seules sommes reçues en tant que bénéficiaire final, ces sommes ayant été fixées sur la base des informations que l’EACEA a pu elle-même recueillir auprès de certains cobénéficiaires.

66      En second lieu, au point 89 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, s’il n’est pas contesté que la requérante se trouvait dans l’impossibilité objective et avérée, pour des raisons qui ne lui sont pas imputables, de présenter les originaux des factures demandées par l’EACEA dans sa lettre du 26 juillet 2017, il n’en reste pas moins que ce défaut de présentation n’a eu aucune incidence sur la détermination des sommes faisant l’objet des demandes de remboursement contenues dans les lettres des 21 décembre 2017 et 7 février 2018 ainsi que dans la note de débit. Aux points 90 à 92 de cet arrêt, le Tribunal a motivé les raisons sous-tendant cette conclusion.

67      À cet égard, le Tribunal a considéré, en particulier, au point 91 de l’arrêt attaqué, que, dans la lettre du 21 décembre 2017, l’EACEA a pris note du fait que la requérante n’était pas en possession des factures originales demandées et qu’il lui était donc impossible de les présenter. Cela étant, l’EACEA n’en aurait pourtant tiré aucune conséquence. En effet, aucun élément de cette lettre ou de celle du 7 février 2018 ne faisait apparaître que la non-présentation desdites factures ait eu une quelconque incidence sur la détermination des sommes faisant l’objet des demandes de remboursement contenues dans les lettres des 21 décembre 2017 et 7 février 2018 et dans la note de débit.

68      De même, au point 92 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que le fait que la requérante n’était pas en possession des factures originales demandées n’était pas non plus de nature à faire obstacle à la présentation de l’information nécessaire aux fins de la ventilation, demandée par l’EACEA, entre les montants perçus par la requérante en tant que bénéficiaire final des conventions Diusas et Deque et ceux transférés par elle aux cobénéficiaires desdites conventions. En effet, selon la lettre de l’EACEA du 26 juillet 2017, cette ventilation devait se faire sur la base de virements bancaires ou de relevés bancaires, et non sur la base desdites factures.

69      En l’espèce, il convient de relever que, en soutenant que le Tribunal a violé son droit d’être entendu en omettant de tenir compte du fait qu’elle n’avait pas pu faire valoir sa position ni fournir des documents, notamment des factures et des relevés bancaires réclamés par l’EACEA afin de déterminer les sommes faisant l’objet des demandes de remboursement, en raison de la saisie, par le parquet de Coblence, de ces documents, la requérante reproduit, pour l’essentiel, l’argumentation qu’elle avait déjà présentée en première instance, ainsi qu’il ressort notamment des points 76 et 87 de l’arrêt attaqué.

70      Partant, par son argumentation, la requérante ne fait que critiquer la solution à laquelle le Tribunal a abouti aux points 89 et 93 de l’arrêt attaqué, et vise, en réalité, à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (voir, notamment, arrêt du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, C‑506/13 P, EU:C:2015:562, point 62 et jurisprudence citée).

71      Par conséquent, la première branche du second moyen doit être rejetée comme étant irrecevable.

 Sur la seconde branche du second moyen

–       Argumentation des parties

72      En premier lieu, la requérante reproche au Tribunal une violation du principe de protection de la confiance légitime, en ce qu’il aurait méconnu, au point 138 de l’arrêt attaqué, que la lettre du 24 juin 2013, dans laquelle l’EACEA aurait fait l’éloge de la base de données qu’elle avait mise en place pour le suivi des conventions litigieuses, avait créé une confiance légitime chez elle. Ainsi, en se fiant à cette lettre, la requérante n’aurait pas modifié les procédures de mise en œuvre des programmes Tempus IV jusqu’à l’aboutissement de ces programmes.

73      En deuxième lieu, le Tribunal n’aurait pas pris en compte, dans son appréciation, la lettre de l’EACEA du 29 avril 2011, produite en première instance, dans laquelle cette dernière reconnaissait également explicitement le caractère approprié et les standards élevés des procédures mises en œuvre pour la gestion desdits programmes.

74      En troisième lieu, la requérante considère que le respect du principe de proportionnalité aurait autorisé l’EACEA, tout au plus, à recouvrer les sommes dont l’utilisation régulière n’aurait pas été démontrée, mais pas le montant intégral des subventions. Le Tribunal aurait commis une erreur de droit en méconnaissant cet aspect dans l’arrêt attaqué.

75      Selon l’EACEA, il convient de rejeter cette argumentation comme étant irrecevable et, en tout état de cause, comme étant non fondée.

–       Appréciation de la Cour

76      En premier lieu, aux fins de se prononcer sur la recevabilité de l’argumentation selon laquelle le Tribunal aurait violé le principe de protection de la confiance légitime, il convient de rappeler que, conformément à l’article 170, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal.

77      Ainsi, selon une jurisprudence constante, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour des moyens et des arguments qu’elle n’a pas soulevés devant le Tribunal reviendrait à l’autoriser à saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l’examen de l’appréciation par le Tribunal des moyens et des arguments qui ont été débattus devant lui (voir, notamment, ordonnance du 27 janvier 2022, FT e.a./Commission, C‑518/21 P, non publiée, EU:C:2022:70, point 15 ainsi que jurisprudence citée).

78      Or, force est de constater que la requérante n’a pas invoqué devant le Tribunal que, par la lettre du 24 juin 2013, l’EACEA avait fait naître, dans son chef, une situation de confiance légitime ni que cette dernière aurait méconnu le principe de protection de la confiance légitime. En effet, dans sa requête introductive d’instance, la requérante s’est limitée à considérer que l’EACEA, dans sa lettre du 24 juin 2013, avait « expressément confirmé, et même expressément fait l’éloge, de la fonctionnalité de la base de données mise en place par la requérante », de telle sorte qu’elle « pouvait se fier à l’énoncé des résultats écrits du contrôle effectué ».

79      Dans ces conditions, l’argumentation de la requérante, soulevée pour la première fois dans le cadre du pourvoi, selon laquelle le Tribunal aurait méconnu le principe de protection de la confiance légitime doit être rejetée comme étant irrecevable.

80      En ce qui concerne, en deuxième lieu, l’argumentation selon laquelle le Tribunal n’aurait pas tenu compte de l’appréciation effectuée par l’EACEA dans sa lettre du 29 avril 2011, mentionnée au point 73 du présent arrêt, il convient de relever que, en considérant, au point 138 de l’arrêt attaqué, que l’EACEA aurait fait l’éloge dans le passé, « en particulier dans » une lettre du 24 juin 2013, de la base de données mise en place par la requérante pour le suivi des conventions litigieuses, le Tribunal indique qu’il a également tenu compte d’autres documents dans lesquels l’EACEA aurait fait un tel éloge. Ainsi, cette argumentation de la requérante résulte d’une lecture erronée de ce point 138 et, partant, doit être rejetée comme étant non fondée.

81      S’agissant, en troisième lieu, de la prétendue violation, par le Tribunal, du principe de proportionnalité, il convient de constater que, au soutien de son argumentation à cet égard, la requérante vise le point 138 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal répond à l’argument de la requérante tiré du fait que l’EACEA aurait fait l’éloge dans le passé, en particulier dans la lettre du 24 juin 2013, de la base de données mise en place par la requérante pour le suivi des conventions litigieuses. Or, dans ce point 138, le Tribunal ne statue pas sur une prétendue violation du principe de proportionnalité par l’EACEA. En effet, ledit point s’inscrit dans le cadre de la motivation du Tribunal portant sur le deuxième grief du deuxième moyen invoqué devant lui, lequel était tiré de l’absence d’irrégularités de nature systémique et récurrente.

82      De surcroît, la requérante ne présente aucune argumentation juridique spécifique susceptible de démontrer en quoi, notamment, au point 138 de cet arrêt, le Tribunal aurait méconnu le principe de proportionnalité. Partant, l’argumentation portant sur la prétendue violation du principe de proportionnalité n’est pas conforme aux exigences rappelées par la jurisprudence mentionnée au point 42 du présent arrêt.

83      Ainsi, il apparaît que, sous couvert d’une prétendue erreur de droit, la requérante cherche, en réalité, à obtenir de la Cour un simple réexamen de la requête présentée en première instance, ce qui échappe, conformément à la jurisprudence citée au point 70 du présent arrêt, à la compétence de la Cour.

84      Par conséquent, il y a lieu de rejeter la seconde branche du second moyen comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondée.

85      Aucun des moyens soulevés à l’appui du pourvoi n’ayant été accueilli, il convient de rejeter celui-ci comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

 Sur les dépens

86      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

87      L’université de Koblenz-Landau ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EACEA.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      L’Universität Koblenz-Landau est condamnée aux dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

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