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Document 62020CJ0263

Arrêt de la Cour (première chambre) du 21 décembre 2021.
Airhelp Limited contre Laudamotion GmbH.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Landesgericht Korneuburg.
Renvoi préjudiciel – Transports aériens – Règlement (CE) no 261/2004 – Règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas d’annulation ou de retard important d’un vol – Article 2, sous l) – Article 5, paragraphe 1, sous c) – Réservation d’un vol par l’intermédiaire d’une plateforme électronique – Avancement de l’heure de départ du vol par le transporteur aérien effectif – Qualification – Réception de l’information sur l’avancement à une adresse électronique n’appartenant pas aux passagers concernés – Directive 2000/31/CE – Commerce électronique – Article 11 – Présomption de réception – Étendue de l’obligation d’information du transporteur aérien effectif.
Affaire C-263/20.

Recueil – Recueil général – Partie «Informations sur les décisions non publiées»

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2021:1039

 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

21 décembre 2021 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Transports aériens – Règlement (CE) no 261/2004 – Règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas d’annulation ou de retard important d’un vol – Article 2, sous l) – Article 5, paragraphe 1, sous c) – Réservation d’un vol par l’intermédiaire d’une plateforme électronique – Avancement de l’heure de départ du vol par le transporteur aérien effectif – Qualification – Réception de l’information sur l’avancement à une adresse électronique n’appartenant pas aux passagers concernés – Directive 2000/31/CE – Commerce électronique – Article 11 – Présomption de réception – Étendue de l’obligation d’information du transporteur aérien effectif »

Dans l’affaire C‑263/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneubourg, Autriche), par décision du 26 mai 2020, parvenue à la Cour le 15 juin 2020, dans la procédure

Airhelp Limited

contre

Laudamotion GmbH,

LA COUR (première chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, vice-président de la Cour, faisant fonction de président de la première chambre, MM. J.‑C. Bonichot et M. Safjan (rapporteur), juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour Airhelp Limited, par Mes D. Stanonik et E. Stanonik-Palkovits, Rechtsanwälte,

pour Laudamotion GmbH, par Me M. Klemm, Rechtsanwalt,

pour la Commission européenne, par MM. G. Braun et K. Simonsson, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 23 septembre 2021,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, sous c), et de l’article 7 du règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91 (JO 2004, L 46, p. 1), ainsi que de l’article 11 de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique ») (JO 2000, L 178, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Airhelp Limited à Laudamotion GmbH au sujet du refus de cette dernière d’indemniser des passagers aériens, aux droits desquels vient Airhelp, en raison de l’avancement de leur vol.

Le cadre juridique

Le règlement no 261/2004

3

Aux termes des considérants 1, 7 et 12 du règlement no 261/2004 :

« (1)

L’action de [l’Union] dans le domaine des transports aériens devrait notamment viser à garantir un niveau élevé de protection des passagers. Il convient en outre de tenir pleinement compte des exigences de protection des consommateurs en général.

[...]

(7)

Afin de garantir l’application effective du présent règlement, les obligations qui en découlent devraient incomber au transporteur aérien effectif qui réalise ou a l’intention de réaliser un vol, indépendamment du fait qu’il soit propriétaire de l’avion, que l’avion fasse l’objet d’un contrat de location coque nue (dry lease) ou avec équipage (wet lease), ou s’inscrive dans le cadre de tout autre régime.

[...]

(12)

Il convient également d’atténuer les difficultés et les désagréments pour les passagers, occasionnés par les annulations de vols. Il y a lieu à cet effet d’inciter les transporteurs à informer les passagers des annulations avant l’heure de départ prévue et en outre, leur proposer un réacheminement raisonnable, de sorte que les passagers puissent prendre d’autres dispositions. S’ils n’y parviennent pas, les transporteurs aériens devraient indemniser les passagers, sauf lorsque l’annulation est due à des circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises. »

4

L’article 2 de ce règlement, intitulé « Définitions », prévoit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

l)

“annulation”, le fait qu’un vol qui était prévu initialement et sur lequel au moins une place était réservée n’a pas été effectué. »

5

L’article 5 dudit règlement, intitulé « Annulations », dispose, à ses paragraphes 1 et 4 :

« 1.   En cas d’annulation d’un vol, les passagers concernés :

a)

se voient offrir par le transporteur aérien effectif une assistance conformément à l’article 8 ;

b)

se voient offrir par le transporteur aérien effectif une assistance conformément à l’article 9, paragraphe 1, point a), et paragraphe 2, de même que, dans le cas d’un réacheminement lorsque l’heure de départ raisonnablement attendue du nouveau vol est au moins le jour suivant le départ planifié pour le vol annulé, l’assistance prévue à l’article 9, paragraphe 1, points b) et c), et

c)

ont droit à une indemnisation du transporteur aérien effectif conformément à l’article 7, à moins qu’ils soient informés de l’annulation du vol :

i)

au moins deux semaines avant l’heure de départ prévue, ou

ii)

de deux semaines à sept jours avant l’heure de départ prévue si on leur offre un réacheminement leur permettant de partir au plus tôt deux heures avant l’heure de départ prévue et d’atteindre leur destination finale moins de quatre heures après l’heure d’arrivée prévue, ou

iii)

moins de sept jours avant l’heure de départ prévue si on leur offre un réacheminement leur permettant de partir au plus tôt une heure avant l’heure de départ prévue et d’atteindre leur destination finale moins de deux heures après l’heure prévue d’arrivée.

[...]

4.   Il incombe au transporteur aérien effectif de prouver qu’il a informé les passagers de l’annulation d’un vol ainsi que le délai dans lequel il l’a fait. »

6

L’article 7 du même règlement, intitulé « Droit à indemnisation », dispose, à son paragraphe 1 :

« Lorsqu’il est fait référence au présent article, les passagers reçoivent une indemnisation dont le montant est fixé à :

a)

250 euros pour tous les vols de 1500 kilomètres ou moins ;

[...] »

7

L’article 13 du règlement no 261/2004, intitulé « Droit à la réparation des dommages », énonce :

« Lorsqu’un transporteur aérien effectif verse une indemnité ou s’acquitte d’autres obligations lui incombant en vertu du présent règlement, aucune disposition de ce dernier ne peut être interprétée comme limitant son droit à demander réparation à toute personne, y compris des tiers, conformément au droit national applicable. En particulier, le présent règlement ne limite aucunement le droit du transporteur aérien effectif de demander réparation à un organisateur de voyages ou une autre personne avec laquelle le transporteur aérien effectif a conclu un contrat. De même, aucune disposition du présent règlement ne peut être interprétée comme limitant le droit d’un organisateur de voyages ou d’un tiers, autre que le passager avec lequel un transporteur aérien effectif a conclu un contrat, de demander réparation au transporteur aérien effectif conformément aux lois pertinentes applicables. »

La directive 2000/31

8

La section 3, intitulée « Contrats par voie électronique », du chapitre II de la directive 2000/31 comprend les articles 9 à 11 de cette directive. L’article 11 de ladite directive, intitulé « Passation d’une commande », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les États membres veillent, sauf si les parties qui ne sont pas des consommateurs en ont convenu autrement, à ce que, dans les cas où un destinataire du service passe sa commande par des moyens technologiques, les principes suivants s’appliquent :

le prestataire doit accuser réception de la commande du destinataire sans délai injustifié et par voie électronique,

la commande et l’accusé de réception sont considérés comme étant reçus lorsque les parties auxquelles ils sont adressés peuvent y avoir accès. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9

Deux passagers aériens ont réservé, par l’intermédiaire d’une plateforme électronique de réservation, un vol reliant Palma de Majorque (Espagne) à Vienne (Autriche), opéré par le transporteur aérien effectif Laudamotion. Lors de la réservation sur cette plateforme, ces passagers ont fourni leurs adresses électroniques privées et leurs numéros de téléphone. Ladite plateforme a procédé à la réservation du vol au nom des passagers auprès de Laudamotion, en générant une adresse électronique spécifique pour ladite réservation. Cette adresse était la seule adresse de contact dont disposait Laudamotion.

10

Le départ du vol réservé, initialement prévu le 14 juin 2018 à 14 h 40, a été avancé par le transporteur aérien effectif à 8 h 25 le même jour, correspondant à un avancement de plus de six heures.

11

Airhelp, à laquelle les deux passagers ont cédé leurs droits éventuels à une indemnisation au titre du règlement no 261/2004, a introduit un recours devant le Bezirksgericht Schwechat (tribunal de district de Schwechat, Autriche). Elle a fait valoir que le transporteur aérien effectif était redevable de la somme totale de 500 euros pour les deux passagers au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous a), de ce règlement en raison de l’avancement de plus de six heures du vol en cause, dont les passagers avaient été informés seulement quatre jours avant le départ prévu, à savoir le 10 juin 2018, par la plateforme de réservation.

12

Laudamotion a contesté le bien-fondé de la demande d’Airhelp au motif que l’avancement du vol en cause aurait été communiqué, en temps utile, les 23 et 29 mai 2018, à l’adresse électronique spécifique fournie par la plateforme de réservation.

13

Le Bezirksgericht Schwechat (tribunal de district de Schwechat) ayant rejeté le recours d’Airhelp, cette dernière a interjeté appel du jugement de cette juridiction devant le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneubourg, Autriche), la juridiction de renvoi. Celle-ci se demande, notamment, si l’avancement d’un vol constitue une « annulation », au sens du règlement no 261/2004, et s’interroge sur l’étendue de l’obligation d’information du transporteur aérien effectif.

14

À cet égard, la juridiction de renvoi indique qu’elle partage la position du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) selon laquelle l’avancement important d’un vol constitue un abandon de l’horaire de vol initial et donc une « annulation », au sens de l’article 2, sous l), dudit règlement.

15

S’agissant de la question de savoir si les passagers au principal ont été correctement informés de l’avancement de leur vol, la juridiction de renvoi fait valoir que, en vertu de la législation autrichienne transposant la directive 2000/31, une présomption de notification naît non seulement dans les cas de figure visés à l’article 11, paragraphe 1, de cette directive, mais également lors d’un simple échange de déclarations par courrier électronique. Cela signifierait, dans une situation comme celle en cause au principal, qu’un passager est réputé avoir été informé de l’avancement de son vol lorsque la déclaration du transporteur aérien effectif est accessible à ce passager. La juridiction de renvoi se demande, par conséquent, s’il convient d’appliquer la législation nationale, la directive 2000/31 ou le règlement no 261/2004 afin de déterminer si les passagers au principal ont été correctement informés de l’avancement de leur vol.

16

C’est dans ces conditions que le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneubourg) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 5, paragraphe 1, sous c), et l’article 7 du [règlement no 261/2004] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’un passager a droit à une indemnisation lorsque l’heure du décollage a été avancée de 14 h 40 à 8 h 25 le même jour ?

2)

L’article 5, paragraphe 1, sous c), [...] i) à iii), du règlement no 261/2004 doit-il être interprété en ce sens que le point de savoir si le passager a été informé de l’annulation doit être apprécié exclusivement au regard de cette disposition et en ce qu’il s’oppose à l’application du droit national relatif à la notification des communications adopté aux fins de la transposition de la [directive 2000/31] et qui contient une fiction de notification ?

3)

L’article 5, paragraphe 1, sous c), [...] i) à iii), du règlement no 261/2004 et l’article 11 de la directive [2000/31] doivent-ils être interprétés en ce sens que, en cas de réservation du vol par le passager [par l’intermédiaire d’]une plateforme de réservation, lorsque le passager a communiqué son numéro de téléphone et son adresse de courrier électronique, mais que la plateforme de réservation a transmis au transporteur aérien le numéro de téléphone et une adresse de courrier électronique automatiquement générée par la plateforme de réservation, la notification de l’information relative à l’avancement du départ du vol à l’adresse de courrier électronique générée automatiquement doit-elle être considérée comme une communication ou une notification de l’information relative à l’avancement [du départ] même lorsque la plateforme de réservation n’a pas transmis au passager, ou lui a transmis avec retard, l’information du transporteur aérien ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

17

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, sous l), et l’article 5, paragraphe 1, sous c), du règlement no 261/2004 doivent être interprétés en ce sens qu’un vol est considéré comme étant annulé lorsque le transporteur aérien effectif avance ce vol de plusieurs heures.

18

À cet égard, il convient de relever que la notion d’« annulation » est définie à l’article 2, sous l), de ce règlement comme étant « le fait qu’un vol qui était prévu initialement et sur lequel au moins une place était réservée n’a pas été effectué ».

19

La notion de « vol » n’est pas définie par ledit règlement. Toutefois, selon une jurisprudence constante, un vol consiste, en substance, en « une opération de transport aérien, étant ainsi, d’une certaine manière, une “unité” de ce transport, réalisée par un transporteur aérien qui fixe son itinéraire » (arrêt du 4 juillet 2018, Wirth e.a., C‑532/17, EU:C:2018:527, point 19 ainsi que jurisprudence citée).

20

En outre, la Cour a précisé, d’une part, que l’itinéraire constitue un élément essentiel du vol, ce dernier étant effectué conformément à une programmation fixée à l’avance par le transporteur aérien (arrêt du 19 novembre 2009, Sturgeon e.a., C‑402/07 et C‑432/07, EU:C:2009:716, point 30).

21

D’autre part, il ne découle nullement de la définition visée à l’article 2, sous l), du règlement no 261/2004 que, au-delà du fait que le vol initialement prévu n’a pas été effectué, l’« annulation » de ce vol, au sens de cette disposition, requerrait l’adoption d’une décision explicite d’annuler celui-ci (arrêt du 13 octobre 2011, Sousa Rodríguez e.a., C‑83/10, EU:C:2011:652, point 29).

22

Certes, l’article 2, sous l), et l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement ne précisent pas le sort qu’il convient de réserver à un avancement de vol. Toutefois, selon une jurisprudence constante, l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union doit tenir compte des termes de celle-ci, ainsi que de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir, en ce sens, arrêt du 19 novembre 2009, Sturgeon e.a., C‑402/07 et C‑432/07, EU:C:2009:716, point 41 ainsi que jurisprudence citée).

23

À cet égard, s’agissant du contexte dans lequel s’inscrivent l’article 2, sous l), et l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 261/2004, il convient de relever que ce règlement se réfère à des hypothèses d’avancement d’un vol dans le cadre des réacheminements prévus à l’article 5, paragraphe 1, sous c), ii) et iii), dudit règlement. En effet, cette dernière disposition prévoit que le transporteur aérien effectif est tenu d’indemniser le passager dont le vol a été annulé sauf si ce transporteur l’informe de l’annulation dans les délais prévus à cette disposition et offre un réacheminement permettant au passager de partir au plus tôt une à deux heures, selon le cas, avant l’heure de départ prévue, ainsi que d’atteindre sa destination finale moins de quatre ou deux heures, selon le cas, après l’heure d’arrivée initialement prévue.

24

Il s’ensuit que le législateur de l’Union a reconnu qu’un avancement important d’un vol est susceptible d’engendrer des désagréments sérieux pour les passagers, au même titre qu’un retard de vol, dès lors qu’un tel avancement fait perdre à ceux-ci la possibilité de disposer librement de leur temps ainsi que d’organiser leur voyage ou leur séjour en fonction de leurs attentes.

25

Tel est notamment le cas lorsqu’un passager, ayant pris toutes les précautions requises, n’est pas en mesure d’embarquer dans l’avion en raison de l’avancement du vol qu’il a réservé. Tel est également le cas lorsque le passager se voit contraint de s’adapter de manière significative à la nouvelle heure de départ de son vol afin de pouvoir prendre celui-ci.

26

Par ailleurs, il convient de rappeler que l’objectif principal poursuivi par le règlement no 261/2004 consiste, comme cela ressort notamment de son considérant 1, à assurer un niveau élevé de protection des passagers (arrêt du 17 septembre 2015, van der Lans, C‑257/14, EU:C:2015:618, point 26 et jurisprudence citée).

27

La Cour a ainsi jugé que, conformément à cet objectif, les dispositions octroyant des droits aux passagers aériens doivent être interprétées largement (arrêt du 22 avril 2021, Austrian Airlines, C‑826/19, EU:C:2021:318, point 61 et jurisprudence citée).

28

Ainsi, dès lors que le règlement no 261/2004 vise à réparer, d’une manière standardisée et immédiate, les différents préjudices que constituent les désagréments sérieux dans le transport aérien des passagers (arrêt du 3 septembre 2020, Delfly, C‑356/19, EU:C:2020:633, point 25 et jurisprudence citée) et eu égard aux désagréments sérieux susceptibles d’être occasionnés aux passagers dans des circonstances telles que celles visées au point 24 du présent arrêt, il convient d’interpréter la notion d’« annulation » en ce sens qu’elle englobe la situation dans laquelle un vol fait l’objet d’un avancement important.

29

À cet égard, il convient de distinguer les situations dans lesquelles l’avancement n’entraîne aucune incidence ou une incidence négligeable sur la possibilité pour les passagers aériens de disposer librement de leur temps de celles qui donnent lieu à des désagréments sérieux en raison de l’avancement important du vol, tels que décrits aux points 24 et 25 du présent arrêt.

30

Aux fins de distinguer un avancement important d’un avancement négligeable d’un vol, il convient de s’inspirer des seuils prévus à l’article 5, paragraphe 1, sous c), ii) et iii), du règlement no 261/2004.

31

Il y a lieu de souligner que le cas d’un avancement diffère de celui d’un retard, pour lequel la Cour a retenu que les passagers acquièrent un droit à l’indemnisation lorsqu’ils subissent une perte de temps qui est égale ou supérieure à trois heures par rapport à la durée qui avait été prévue initialement par le transporteur (voir, en ce sens, arrêt du 19 novembre 2009, Sturgeon e.a., C‑402/07 et C‑432/07, EU:C:2009:716, point 57), dès lors que les passagers doivent se mobiliser afin d’être en mesure d’embarquer dans l’avion en raison de l’avancement du vol réservé. Cette différence ressort également de la circonstance que le législateur de l’Union, à l’article 5, paragraphe 1, sous c), iii), du règlement no 261/2004, accepte des retards de moins de deux heures, tandis que pour les avancements, ceux-ci ne sauraient dépasser une heure.

32

Il ressort de l’article 5, paragraphe 1, sous c), iii), de ce règlement que tout avancement d’une heure ou moins est susceptible d’exonérer le transporteur aérien effectif de son obligation d’indemniser le passager au titre de l’article 7 dudit règlement. Ainsi, il convient de considérer qu’un avancement de plus d’une heure ou d’une heure ou moins constitue la référence pour déterminer si l’avancement est important ou négligeable aux fins de l’application de l’article 5 du même règlement.

33

Cette interprétation demeure respectueuse de la mise en balance des intérêts des passagers aériens et de ceux des transporteurs aériens effectifs que le législateur de l’Union a visée par l’adoption du règlement no 261/2004 (voir, par analogie, arrêt du 23 octobre 2012, Nelson e.a., C‑581/10 et C‑629/10, EU:C:2012:657, point 39 ainsi que jurisprudence citée).

34

En effet, tout en permettant aux passagers d’être indemnisés pour des désagréments sérieux lors d’un avancement important d’un vol, cette interprétation dispense les transporteurs aériens effectifs de l’obligation de verser une indemnité, lorsque ceux-ci informent les passagers aériens de l’avancement du vol dans les conditions prévues à l’article 5, paragraphe 1, sous c), i) à iii), dudit règlement.

35

Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première question que l’article 2, sous l), et l’article 5, paragraphe 1, sous c), du règlement no 261/2004 doivent être interprétés en ce sens qu’un vol est considéré comme étant « annulé » lorsque le transporteur aérien effectif avance ce vol de plus d’une heure.

Sur la deuxième question

36

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le respect de l’obligation d’informer en temps utile le passager aérien de l’annulation de son vol doit être apprécié exclusivement au regard de l’article 5, paragraphe 1, sous c), du règlement no 261/2004 et non pas au regard du droit national, transposant l’article 11 de la directive 2000/31, relatif à la notification dans le cadre de contrats conclus par voie électronique.

37

S’agissant, tout d’abord, de l’article 11 de la directive 2000/31, celui-ci prévoit, à son paragraphe 1, que les États membres veillent à ce que, dans les cas où le destinataire du service passe sa commande par des moyens électroniques, d’une part, le prestataire « accus[e] réception de la commande du destinataire sans délai injustifié et par voie électronique » et, d’autre part, « la commande et l’accusé de réception [soient] considérés comme étant reçus lorsque les parties auxquelles ils sont adressés peuvent y avoir accès ».

38

L’application de cet article 11 suppose que le prestataire de services dispose du moyen de contacter directement le destinataire du service, qui a commandé celui-ci par voie électronique.

39

Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 23 de ses conclusions, l’information relative à une annulation d’un vol, au sens de l’article 5 du règlement no 261/2004, ne constitue ni une « commande » ni un « accusé de réception », au sens de l’article 11 de la directive 2000/31, de sorte qu’une situation telle que celle en cause au principal échappe au champ d’application matériel de cet article 11.

40

Ensuite, en ce qui concerne la disposition nationale en cause au principal, la juridiction de renvoi indique que celle-ci va au-delà de la directive 2000/31 en ce que la présomption de réception prévue à l’article 11, paragraphe 1, de cette directive s’applique non seulement aux« commandes » et aux « accusés de réception », mais également à tous les autres documents électroniques juridiquement pertinents, y compris les documents relatifs à la réservation des vols et aux modifications de cette réservation. Cependant, cette disposition nationale ne saurait porter atteinte aux conditions d’application des dispositions du règlement no 261/2004.

41

À cet égard, il convient de relever que l’article 5, paragraphe 1, sous c), du règlement no 261/2004 prévoit que les passagers dont le vol a été annulé ont droit à une indemnisation à moins qu’ils ne soient informés de cette annulation dans les conditions prévues à l’article 5, paragraphe 1, sous c), i) à iii), de ce règlement.

42

Dans ce contexte, il importe de souligner que l’article 5 dudit règlement prévoit une condition supplémentaire à la charge du transporteur aérien effectif. En effet, il ressort du paragraphe 4 de cet article qu’il incombe au transporteur aérien effectif de prouver qu’il a informé les passagers de l’annulation d’un vol ainsi que le délai dans lequel il l’a fait. La circonstance que cette charge incombe au transporteur aérien effectif permet de garantir le niveau élevé de protection des passagers qui est visé au considérant 1 du règlement no 261/2004.

43

En l’occurrence, il ressort des faits au principal que la réservation a été effectuée par l’entremise d’un intermédiaire. En présence d’un intermédiaire, l’article 5, paragraphe 1, sous c), de ce règlement s’oppose, en principe, à l’application d’une présomption, telle que celle qui découle des dispositions nationales en cause au principal, selon laquelle une communication est présumée être effectuée entre le prestataire de services et le destinataire du service concerné, pour démontrer que la communication a été effectuée au passager. En effet, si le transporteur aérien effectif communique uniquement avec l’intermédiaire, cela n’est pas en soi suffisant pour considérer que la communication au passager a été effectuée.

44

Cependant, si le passager autorise expressément l’intermédiaire à réceptionner l’information transmise par le transporteur aérien effectif et que cette autorisation est connue de ce transporteur, il y a lieu de considérer que l’article 5, paragraphe 1, sous c), du règlement no 261/2004 ne s’oppose pas à une présomption telle que celle qui découle de la législation nationale en cause au principal.

45

Il incombe à la juridiction de renvoi de procéder à la vérification de ces éléments au regard des circonstances de l’affaire au principal.

46

Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la deuxième question que le respect de l’obligation d’informer en temps utile le passager de l’annulation de son vol doit être apprécié exclusivement au regard de l’article 5, paragraphe 1, sous c), du règlement no 261/2004, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe 4, de ce règlement.

Sur la troisième question

47

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 1, sous c), i), du règlement no 261/2004 doit être interprété en ce sens que le passager aérien, qui a réservé un vol par l’entremise d’un intermédiaire, est considéré comme ayant été informé de l’annulation de ce vol lorsque le transporteur aérien effectif a transmis l’information relative à cette annulation à cet intermédiaire, par le truchement duquel le contrat de transport aérien a été conclu avec ce passager, au moins deux semaines avant l’heure de départ prévue, sans que ledit intermédiaire ait informé le passager de ladite annulation dans le délai visé à ladite disposition.

48

Cette question repose sur la prémisse selon laquelle le passager n’a pas autorisé l’intermédiaire à réceptionner l’information transmise par le transporteur aérien effectif, conformément aux modalités indiquées au point 44 du présent arrêt.

49

L’article 5, paragraphe 1, sous c), du règlement no 261/2004 énonce que, en cas d’annulation d’un vol, les passagers concernés ont droit à une indemnisation du transporteur aérien effectif conformément à l’article 7 de ce règlement, à moins qu’ils ne soient informés de l’annulation du vol dans les conditions prévues à cette première disposition.

50

Ainsi qu’il a été rappelé au point 42 du présent arrêt, l’article 5, paragraphe 4, dudit règlement dispose qu’il incombe au transporteur aérien effectif de prouver qu’il a informé, dans les délais, les passagers de l’annulation du vol concerné.

51

Il découle du libellé clair de ces dispositions que, dès lors que le transporteur aérien effectif n’est pas en mesure de prouver que le passager concerné a été informé de l’annulation de son vol au moins deux semaines avant l’heure de départ prévue, il est tenu de verser une indemnité conformément à l’article 7 du règlement no 261/2004.

52

À cet égard, la Cour a déjà jugé qu’une telle interprétation vaut non seulement lorsque le contrat de transport a été conclu directement entre le passager concerné et le transporteur aérien, mais également lorsque ce contrat a été conclu par l’entremise d’un tiers, tel que, comme dans l’affaire au principal, une plateforme en ligne (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2017, Krijgsman, C‑302/16, EU:C:2017:359, point 26).

53

En effet, ainsi qu’il découle tant de l’article 3, paragraphe 5, du règlement no 261/2004 que des considérants 7 et 12 de celui-ci, le transporteur aérien effectif qui réalise ou a l’intention de réaliser un vol est seul redevable de l’indemnisation des passagers du fait de manquements aux obligations découlant de ce règlement dont, notamment, l’obligation d’information prévue à l’article 5, paragraphe 1, sous c), de celui-ci (arrêt du 11 mai 2017, Krijgsman, C‑302/16, EU:C:2017:359, point 27).

54

Pour autant, il convient de relever que les obligations acquittées par le transporteur aérien effectif en vertu du règlement no 261/2004 le sont sans préjudice pour celui-ci de son droit de demander réparation, conformément au droit national applicable, à toute personne étant à l’origine du manquement de ce transporteur à ses obligations, y compris des tiers, ainsi que le prévoit l’article 13 de ce règlement (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2017, Krijgsman, C‑302/16, EU:C:2017:359, point 29 et jurisprudence citée).

55

Dès lors que cet article fait explicitement mention des tiers, il en découle que le règlement no 261/2004 ne conditionne pas le droit du transporteur aérien effectif de demander réparation à l’existence d’un contrat, liant ce dernier et l’intermédiaire auquel a fait appel le passager aérien pour réserver son vol.

56

Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question que l’article 5, paragraphe 1, sous c), i), du règlement no 261/2004 doit être interprété en ce sens que le passager aérien, qui a réservé un vol par l’entremise d’un intermédiaire, est considéré comme n’ayant pas été informé de l’annulation de ce vol lorsque, bien que le transporteur aérien effectif ait transmis l’information relative à cette annulation à cet intermédiaire, par le truchement duquel le contrat de transport aérien a été conclu avec ce passager, au moins deux semaines avant l’heure de départ prévue, ledit intermédiaire n’a pas informé le passager de ladite annulation dans le délai visé à ladite disposition et que le même passager n’a pas expressément autorisé le même intermédiaire à réceptionner l’information transmise par ledit transporteur aérien effectif.

Sur les dépens

57

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 2, sous l), et l’article 5, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91, doivent être interprétés en ce sens qu’un vol est considéré comme étant « annulé » lorsque le transporteur aérien effectif avance ce vol de plus d’une heure.

 

2)

Le respect de l’obligation d’informer en temps utile le passager de l’annulation de son vol doit être apprécié exclusivement au regard de l’article 5, paragraphe 1, sous c), du règlement no 261/2004, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe 4, de ce règlement.

 

3)

L’article 5, paragraphe 1, sous c), i), du règlement no 261/2004 doit être interprété en ce sens que le passager aérien, qui a réservé un vol par l’entremise d’un intermédiaire, est considéré comme n’ayant pas été informé de l’annulation de ce vol lorsque, bien que le transporteur aérien effectif ait transmis l’information relative à cette annulation à cet intermédiaire, par le truchement duquel le contrat de transport aérien a été conclu avec ce passager, au moins deux semaines avant l’heure de départ prévue, ledit intermédiaire n’a pas informé le passager de ladite annulation dans le délai visé à ladite disposition et que le même passager n’a pas expressément autorisé le même intermédiaire à réceptionner l’information transmise par ledit transporteur aérien effectif.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

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