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Document 62020CC0453

Conclusions de l'avocat général M. M. Campos Sánchez-Bordona, présentées le 16 décembre 2021.
CityRail a.s. contre Správa železnic.
Demande de décision préjudicielle, introduite par l’Úřad pro přístup k dopravní infrastruktuře.
Renvoi préjudiciel – Article 267 TFUE – Notion de “juridiction” – Critères structurels et fonctionnels – Exercice de fonctions juridictionnelles ou administratives – Directive 2012/34/UE – Articles 55 et 56 – Organisme de contrôle national unique du secteur ferroviaire – Autorité de contrôle sectoriel indépendante – Habilitation à agir d’office – Pouvoir de sanction – Décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours juridictionnel – Irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle.
Affaire C-453/20.

Recueil – Recueil général

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2021:1018

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 16 décembre 2021 ( 1 )

Affaire C‑453/20

CityRail a.s.

contre

Správa železnic, státní organizace

en présence de

ČD Cargo a.s.

[demande de décision préjudicielle formée par l’Úřad pro přístup k dopravní infrastruktuře (Office pour l’accès aux infrastructures de transport, République tchèque)]

« Renvoi préjudiciel – Article 267 TFUE – Notion de “juridiction nationale” – Critères – Organisme de contrôle du secteur ferroviaire – Directive 2012/34/UE – Article 56 – Fonctions de l’organisme de contrôle – Nature administrative – Irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle – Transport ferroviaire – Espace ferroviaire unique européen – Accès à l’infrastructure et aux installations de service – Quais à marchandises dans les terminaux de marchandises – Modification des tarifs d’accès à l’infrastructure et des tarifs pour les services et l’accès aux installations de service – Obligation pour le gestionnaire de l’infrastructure et de l’organisme de contrôle d’appliquer la directive 2012/34/UE »

1.

L’Úřad pro přístup k dopravní infrastruktuře (Office pour l’accès aux infrastructures de transport, République tchèque) ( 2 ) soulève devant la Cour ses doutes quant à l’interprétation de la directive 2012/34/UE ( 3 ), notamment en ce qui concerne les quais à marchandises et les redevances dues pour leur utilisation.

2.

La demande de décision préjudicielle ne sera recevable que si la Cour accepte que cet organisme exerce des fonctions juridictionnelles au sens de l’article 267 TFUE. Pour les raisons que j’expliquerai par la suite, je suis d’avis qu’elle ne devrait pas l’accepter.

I. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union : la directive 2012/34

3.

Aux termes de l’article 3 (« Définitions ») de la directive 2012/34 :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

2)

“gestionnaire de l’infrastructure”, toute entité ou entreprise chargée de l’exploitation, de l’entretien et du renouvellement de l’infrastructure ferroviaire sur un réseau et responsable de la participation à son développement, conformément aux règles établies par l’État membre dans le cadre de sa politique générale en matière de développement et de financement de l’infrastructure ;

[...]

3)

“infrastructure ferroviaire”, l’ensemble des éléments visés à l’annexe I ;

[...]

11)

“installation de service”, l’installation, y compris les terrains, bâtiments et équipements qui ont été spécialement aménagés, en totalité ou en partie, pour permettre la fourniture d’un ou plusieurs des services visés à l’annexe II, points 2, 3 et 4 ;

[...]

26)

“document de référence du réseau”, le document précisant, de manière détaillée, les règles générales, les délais, les procédures et les critères relatifs aux systèmes de tarification et de répartition des capacités, y compris toutes les autres informations nécessaires pour permettre l’introduction de demandes de capacités de l’infrastructure ;

[...] »

4.

L’article 13 (« Conditions d’accès aux services ») de la directive 2012/34 indique :

« 1.   Les gestionnaires de l’infrastructure fournissent à toutes les entreprises ferroviaires, de manière non discriminatoire, l’ensemble des prestations minimales établies à l’annexe II, point 1.

2.   Les exploitants d’installations de service fournissent à toutes les entreprises ferroviaires, de manière non discriminatoire, un accès, y compris aux voies d’accès, aux infrastructures visées à l’annexe II, point 2, et aux services offerts dans ces infrastructures.

[...] »

5.

L’article 27 (« Document de référence du réseau ») de la directive 2012/34 énonce :

« 1.   Le gestionnaire de l’infrastructure établit et publie, après consultation des parties intéressées, un document de référence du réseau [...].

2.   Le document de référence du réseau expose les caractéristiques de l’infrastructure mise à la disposition des entreprises ferroviaires et contient des informations précisant les conditions d’accès à l’infrastructure ferroviaire concernée. Le document de référence du réseau contient également des informations précisant les conditions d’accès aux installations de service reliées au réseau du gestionnaire de l’infrastructure et la fourniture de services dans ces installations [...] Le contenu du document de référence du réseau est défini à l’annexe IV.

3.   Le document de référence du réseau est tenu à jour et, le cas échéant, modifié.

4.   Le document de référence du réseau est publié au plus tard quatre mois avant la date limite pour l’introduction des demandes de capacités de l’infrastructure. »

6.

L’article 29 (« Établissement et recouvrement des redevances ») de la directive 2012/34 est libellé comme suit :

« 1.   Les États membres mettent en place un cadre pour la tarification, tout en respectant l’indépendance de gestion prévue à l’article 4.

Sous réserve de cette condition, les États membres établissent également des règles de tarification spécifiques ou délèguent ce pouvoir au gestionnaire de l’infrastructure.

Les États membres veillent à ce que les documents de référence du réseau contiennent le cadre de tarification et les règles de tarification ou renvoient à un site Internet sur lequel le cadre de tarification et les règles de tarification sont publiés.

Le gestionnaire de l’infrastructure détermine et perçoit la redevance pour l’utilisation de l’infrastructure conformément au cadre de tarification et aux règles de tarification établis.

[...] »

7.

L’article 31 (« Principes de tarification ») de la directive 2012/34 stipule :

« 1.   Les redevances d’utilisation de l’infrastructure et des installations de service sont versées respectivement au gestionnaire de l’infrastructure et à l’exploitant d’installation de service, qui les affectent au financement de leurs activités.

[...]

3.   [...] les redevances perçues pour l’ensemble des prestations minimales et pour l’accès à l’infrastructure reliant les installations de service sont égales au coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire.

[...]

7.   La redevance imposée pour l’accès aux voies dans le cadre des installations de service visées à l’annexe II, point 2, et la fourniture de services dans ces installations, ne dépasse pas le coût de leur prestation majoré d’un bénéfice raisonnable.

[...] »

8.

L’article 55 (« Organisme de contrôle ») de la directive 2012/34 énonce :

« 1.   Chaque État membre institue un organisme de contrôle national unique du secteur ferroviaire. Sans préjudice du paragraphe 2, cet organisme est une autorité autonome juridiquement distincte et indépendante sur les plans organisationnel, fonctionnel, hiérarchique et décisionnel, de toute autre entité publique ou privée. Dans son organisation, ses décisions de financement, sa structure juridique et ses prises de décisions, cet organisme est en outre indépendant de tout gestionnaire de l’infrastructure, organisme de tarification, organisme de répartition ou candidat. Il est par ailleurs fonctionnellement indépendant de toute autorité compétente intervenant dans l’attribution d’un contrat de service public.

[...] »

9.

L’article 56 (« Fonctions de l’organisme de contrôle ») de la directive 2012/34 précise :

« 1.   Sans préjudice de l’article 46, paragraphe 6, un candidat peut saisir l’organisme de contrôle dès lors qu’il estime être victime d’un traitement inéquitable, d’une discrimination ou de tout autre préjudice, notamment pour introduire un recours contre les décisions prises par le gestionnaire de l’infrastructure ou, le cas échéant, par l’entreprise ferroviaire ou l’exploitant d’une installation de service en ce qui concerne :

a)

le document de référence du réseau dans ses versions provisoire et définitive ;

b)

les critères exposés dans ce document ;

c)

la procédure de répartition et ses résultats ;

d)

le système de tarification ;

e)

le niveau ou la structure des redevances d’utilisation de l’infrastructure qu’il est ou pourrait être tenu d’acquitter ;

f)

les dispositions en matière d’accès conformément aux articles 10 à 13 ;

g)

l’accès aux services et leur tarification conformément à l’article 13 ;

[...]

2.   Sans préjudice des compétences des autorités nationales de concurrence pour assurer la concurrence sur le marché des services ferroviaires, l’organisme de contrôle est habilité à assurer le suivi de la situation de la concurrence sur les marchés des services ferroviaires, y compris notamment dans le marché des services de transport de voyageurs à grande vitesse, ainsi que les activités des gestionnaires de l’infrastructure visées au paragraphe 1, [sous] a) à j). En particulier, l’organisme de contrôle vérifie le respect du paragraphe 1, [sous] a) à j), de sa propre initiative en vue de prévenir toute discrimination à l’égard des candidats. Il vérifie notamment si le document de référence du réseau contient des clauses discriminatoires ou octroie au gestionnaire de l’infrastructure des pouvoirs discrétionnaires pouvant être utilisés à des fins de discrimination à l’égard des candidats.

[...]

6.   L’organisme de contrôle veille à ce que les redevances fixées par le gestionnaire de l’infrastructure soient conformes aux dispositions du chapitre IV, section 2, et non discriminatoires. Les négociations entre les candidats et un gestionnaire de l’infrastructure concernant le niveau des redevances d’utilisation de l’infrastructure ne sont autorisées que si elles ont lieu sous l’égide de l’organisme de contrôle. L’organisme de contrôle intervient immédiatement si les négociations sont susceptibles de contrevenir aux dispositions du présent chapitre.

[...]

8.   L’organisme de contrôle est habilité à demander les informations utiles au gestionnaire de l’infrastructure, aux candidats et à toute autre partie intéressée dans l’État membre concerné.

[...]

9.   L’organisme de contrôle examine chaque plainte et, le cas échéant, sollicite des informations utiles et engage des consultations avec toutes les parties concernées dans un délai d’un mois à compter de la réception de la plainte. Il se prononce sur toutes les plaintes, adopte les mesures nécessaires afin de remédier à la situation et communique sa décision motivée aux parties concernées dans un délai prédéterminé et raisonnable et, en tout état de cause, dans les six semaines suivant la réception de toutes les informations utiles. Sans préjudice des compétences des autorités nationales de concurrence pour assurer la concurrence sur le marché des services ferroviaires, l’organisme de régulation prend, le cas échéant, de sa propre initiative les mesures appropriées pour corriger toute discrimination à l’égard des candidats, toute distorsion du marché et toute autre évolution indésirable sur ces marchés, notamment eu égard au paragraphe 1, [sous] a) à j).

Les décisions prises par l’organisme de contrôle sont contraignantes pour toutes les parties concernées et ne sont soumises au contrôle d’aucune autre instance administrative. L’organisme de contrôle est en mesure d’assortir ses décisions de sanctions appropriées, y compris d’amendes.

[...]

10.   Les États membres veillent à ce que les décisions prises par l’organisme de contrôle soient soumises à un contrôle juridictionnel. Le recours ne peut avoir un effet suspensif sur la décision de l’organisme de contrôle que lorsque l’effet immédiat de ladite décision peut causer à la partie qui a formé le recours un préjudice irréparable ou manifestement excessif. Cette disposition est sans préjudice des compétences conférées, le cas échéant, par le droit constitutionnel à la juridiction saisie du recours.

[...] »

10.

L’annexe I (« Liste des éléments de l’infrastructure ferroviaire ») de la directive 2012/34 énonce :

« L’infrastructure ferroviaire se compose des éléments suivants, pour autant qu’ils fassent partie des voies principales et des voies de service, à l’exception de celles situées à l’intérieur des ateliers de réparation du matériel et des dépôts ou garages d’engins de traction, ainsi que des embranchements particuliers :

[...]

[...] quais à voyageurs et à marchandises, y compris dans les gares de voyageurs et les terminaux de marchandises [],

[...] »

11.

L’annexe II (« Services à fournir aux entreprises ferroviaires ») de la directive 2012/34 prévoit :

« 1. L’ensemble des prestations minimales comprend :

[...]

c)

l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire, y compris les branchements et aiguilles du réseau ;

[...]

2. L’accès, y compris l’accès aux voies, est fourni aux installations de service suivantes, lorsqu’elles existent, et aux services offerts dans ces installations :

[...]

b) les terminaux de marchandises ;

[...] »

12.

L’annexe IV (« Contenu du document de référence du réseau ») de la directive 2012/34 énonce :

« Le document de référence du réseau visé à l’article 27 contient les informations suivantes :

[...]

2)

un chapitre relatif aux principes de tarification et aux tarifs. Ce chapitre contient des précisions appropriées concernant le système de tarification ainsi que des informations suffisantes sur les redevances et d’autres informations utiles relatives à l’accès applicables aux services énumérés à l’annexe II qui sont offerts par un seul fournisseur. Il décrit en détail la méthode, les règles et, le cas échéant, les barèmes utilisés pour appliquer les articles 31 à 36 en ce qui concerne les coûts et les redevances. Il contient, lorsqu’elles sont disponibles, des informations concernant les modifications de redevances déjà décidées ou prévues au cours des cinq prochaines années ;

[...]

6)

un chapitre contenant des informations sur l’accès aux installations de service visées à l’annexe II et la tarification de leur utilisation. Les exploitants d’installations de service qui ne se trouvent pas sous le contrôle du gestionnaire de l’infrastructure fournissent des informations sur les tarifs pratiqués pour l’accès à l’installation et pour la prestation de services ainsi que des informations sur les conditions techniques d’accès, à inclure dans le document de référence du réseau, ou indiquent un site Internet où ces informations sont mises gratuitement à disposition sous forme électronique ;

[...] »

B.   Le droit tchèque

13.

L’article 2, point 15, de la zákon č. 2/1969 Sb., o zřízení ministerstev a jiných ústředních orgánů státní správy [České republiky] ( 4 ), du 8 janvier 1969, dispose :

« En République tchèque, les autres autorités centrales de l’administration de l’État sont les suivantes :

[...]

15. [UPDI]. »

14.

La zákon č. 320/2016 Sb., o Úřadu pro přístup k dopravní infrastruktuře ( 5 ), du 3 octobre 2016, a réglementé l’UPDI. Conformément à son article 3, paragraphe 2, dans l’exercice de ses compétences, cet organisme est indépendant, agit de manière impartiale et n’est soumis qu’aux lois et aux autres règles de droit ( 6 ).

15.

La zákon č. 77/2002 Sb., o akciové společnosti České dráhy a statní organizaci Správa železniční dopravní cesty ( 7 ), du 1er mars 2002, a créé l’entité chargée de la gestion des chemins de fer ( 8 ).

16.

L’État répond des obligations du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire. Celui-ci gère le patrimoine de l’État et exerce son activité dans l’intérêt public. Le gouvernement nomme et révoque les membres de son conseil d’administration.

17.

L’article 3, paragraphe 1, sous k), du vyhláška Ministerstva dopravy č. 76/2017 Sb., o obsahu a rozsahu služeb poskytovaných dopravci provozovatelem dráhy a provozovatelem zařízení služeb ( 9 ), du 17 mars 2017, indique que les points de chargement et de déchargement destinés au transport de marchandises sont des parties opérationnelles de la gare ferroviaire. Celle-ci, selon l’article 2, paragraphe 9, de la loi sur les chemins de fer, est une installation de service.

18.

L’article 33, paragraphe 1, de la loi sur les chemins de fer prévoit que le gestionnaire de l’infrastructure, en tant que responsable de la répartition des capacités, établit le document de référence du réseau et le publie.

19.

En vertu de l’article 34e, paragraphe 1, de la loi sur les chemins de fer, l’UPDI, d’office ou à la demande d’un candidat à l’attribution des capacités des voies, est habilité à examiner la conformité du document de référence du réseau à la loi elle-même.

II. Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

20.

Le gestionnaire de l’infrastructure a approuvé le document intitulé « Description des installations de service » (référence 16396/2019-SŽDC-G Ř-O11, ci-après la « Description ») ( 10 ).

21.

La société CityRail a.s. ( 11 ) a saisi l’UPDI, en faisant usage de l’article 55 de la directive 2012/34, en vue de la révision de la Description, dans laquelle les points de chargement et de déchargement de marchandises figuraient comme installations de service.

22.

Le gestionnaire de l’infrastructure précise que ces points correspondent à des surfaces d’exploitation élevées (au-dessus des voies) et non élevées (au niveau des voies), adjacentes aux voies, construites pour le chargement de marchandises, ainsi que les voies adjacentes à ces points de chargement et de déchargement.

23.

L’UPDI doute toutefois que les points de chargement et de déchargement puissent être répertoriés comme des installations de service. Selon lui, ils relèveraient plutôt de la notion d’« infrastructure ferroviaire », même s’ils se situent à l’intérieur des terminaux de fret et qu’ils sont à côté des voies principales ou des voies de service.

24.

L’UPDI pose cette question (qu’il qualifie de « principale ») à la Cour tout en lui demandant :

si le gestionnaire de l’infrastructure (qui, dans ce cas, est également exploitant des installations de service) peut modifier à tout moment le montant des redevances d’utilisation de l’infrastructure ferroviaire et des installations de service ;

si le gestionnaire de l’infrastructure, en tant qu’entité soumise à l’autorité de l’État et sous son contrôle, est tenu d’appliquer les règles de la directive 2012/34 qui ont un effet direct, ou s’il doit agir aux termes de la seule loi nationale ; et

si les dispositions du document de référence du réseau peuvent être considérées comme étant discriminatoires lorsqu’elles s’opposent au droit de l’Union que le gestionnaire de l’infrastructure est tenu de respecter.

25.

Concrètement, l’UPDI a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Le lieu de chargement et de déchargement pour le transport de marchandises, y compris les voies afférentes, fait-il partie de l’infrastructure ferroviaire au sens de l’article 3, paragraphe 3, de la [directive 2012/34] ?

2)

Est-il conforme à la directive 2012/34 que le gestionnaire de l’infrastructure puisse à tout moment modifier, au détriment des transporteurs, le montant des tarifs pour l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire ou des installations de service ?

3)

La directive 2012/34 lie-t-elle, en vertu de l’article 288 [TFUE], [l’organisme étatique Správa železnic (gestionnaire ferroviaire)] ?

4)

Peut-on considérer comme discriminatoires les règles contenues dans le document de référence du réseau si elles sont contraires à la réglementation de l’Union que Správa železnic est tenue de respecter ? »

III. La procédure devant la Cour

26.

La demande de décision préjudicielle a été enregistrée au greffe de la Cour le 23 septembre 2020.

27.

Conformément à l’article 101, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Cour a demandé à l’UPDI des éclaircissements sur sa nature juridictionnelle.

28.

Le 10 novembre 2020, l’UPDI a transmis ses éclaircissements, lesquels ont été notifiés aux parties intervenantes à la procédure préjudicielle afin qu’elles présentent leurs observations à cet égard.

29.

L’UPDI a réagi aux arguments du gouvernement tchèque et de la Commission dans un nouveau mémoire du 10 juin 2021.

30.

Des observations écrites ont été déposées par le gestionnaire de l’infrastructure, par CityRail, par ČD Cargo ( 12 ), par les gouvernements tchèque, espagnol et néerlandais, ainsi que par la Commission européenne.

31.

La tenue d’une audience n’a pas été considérée comme étant indispensable.

IV. Sur la recevabilité du renvoi préjudiciel : notion de « juridiction » et organismes de contrôle du secteur ferroviaire

32.

Plusieurs intervenants à ce renvoi préjudiciel ont émis des objections sur le caractère de « juridiction » de l’UPDI. La Commission, le gouvernement espagnol ainsi que le gouvernement tchèque lui-même contestent qu’il ait un tel caractère.

33.

La Cour a jugé, en son temps ( 13 ), que la Schienen-Control Kommission (commission de contrôle ferroviaire) de la société Schienen-Control GmbH (Autriche) pouvait « être considérée comme une juridiction au sens de l’article 267 TFUE ». Sur le fondement de cette affirmation, l’UPDI a revendiqué, tant dans sa décision de renvoi que dans ses développements ultérieurs, la même qualification ( 14 ).

34.

Dans mes conclusions dans l’affaire WESTbahn Management ( 15 ), publiées des années après l’arrêt Westbahn Management I, j’ai exposé mes « réserves quant à cette qualité qui, pour des raisons analogues, pourrait s’appliquer à pratiquement tous les organismes de régulation sectorielle ».

35.

L’arrêt Westbahn Management I a analysé les spécificités de la Schienen-Control Kommission (commission de contrôle ferroviaire) après examen de son origine légale, de sa permanence, du caractère obligatoire de sa juridiction, du caractère contradictoire de la procédure, de l’application des règles de droit ainsi que de son indépendance ( 16 ).

36.

Bien que telle soit la méthodologie habituellement suivie, on peut se demander si elle est pertinente pour des entités qui, par définition, doivent être indépendantes. L’indépendance est attribuée aux organismes de contrôle ferroviaire en tant qu’exigence de l’article 55 de la directive 2012/34, qui est transposée dans les législations nationales.

37.

À l’article 56 de la directive 2012/34, le législateur de l’Union a conçu un modèle d’organismes nationaux de contrôle du secteur ferroviaire qui, s’ils doivent être indépendants d’autres autorités, relèvent du domaine caractéristique de l’administration de l’État. Il les a dotés de pouvoirs de sanction et les a investis de fonctions essentiellement administratives ( 17 ), étrangères à l’activité d’une juridiction.

38.

Je considère que, lors de l’application des catégories de l’article 267 TFUE à ces organismes de contrôle, il convient de moduler la ligne jurisprudentielle classique adoptée par la Cour.

39.

Cette modulation est d’autant plus nécessaire que la Cour elle-même a nuancé sa jurisprudence sur l’article 267 TFUE ( 18 ). Elle a notamment prononcé récemment l’arrêt Anesco e.a. ( 19 ), qui a un intérêt pour les organismes de contrôle.

40.

Dans cet arrêt, la Cour a nié la nature juridictionnelle (et elle a déclaré irrecevable sa demande de décision préjudicielle) d’un autre organisme de contrôle ferroviaire, à savoir la CNMC espagnole ( 20 ). J’aborderai immédiatement ses conséquences pour le présent renvoi préjudiciel.

41.

Certes, la Cour a accepté, dans l’arrêt Westbahn Management I, qu’une commission de contrôle créée au sein de l’organisme de contrôle autrichien puisse faire usage de l’article 267 TFUE. Il me semble que, ce faisant, s’en est suivie une inertie qui, si elle pouvait être raisonnable à l’époque (2012), me semble aujourd’hui dépassée.

42.

En effet, eu égard à la réalité normative des organismes de contrôle, qui obéit aux règles communes de la directive 2012/34, il convient de se pencher de manière prioritaire sur le contenu des fonctions qui permettront de qualifier leur action d’« administrative » ou de « juridictionnelle ».

43.

La voie que je préconise est celle que suivent ceux qui considèrent que le présent renvoi préjudiciel est irrecevable. Ils soulignent que l’UPDI, tout en s’autoclassant comme juridiction, relève organiquement de l’administration de l’État, adopte ses décisions dans des procédures administratives et respecte les règles générales qui régissent ces dernières ( 21 ).

44.

L’approche que je recommande n’est d’ailleurs pas étrangère à la jurisprudence de la Cour. Dans d’autres arrêts, pour dévoiler la nature de l’organe de renvoi, elle a apprécié le point de savoir si cette entité tranchait un litige « dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel » ( 22 ).

45.

Dans les décisions qui optent pour cette ligne, les critères qui indiquent qu’un organisme ne saurait être qualifié de « juridiction » au sens de l’article 267 TFUE, sont les suivants :

Le fait qu’il soit habilité à agir d’office « est un indice de ce [qu’il] n’a pas la qualité de “juridiction”, mais revêt les caractéristiques d’un organe administratif » ( 23 ).

Lorsque son rôle n’est pas de contrôler la légalité d’une décision, mais de statuer, pour la première fois, sur la plainte d’un administré, cet organe n’était pas « appel[é] à trancher un litige, au sens de la jurisprudence de la Cour » ( 24 ).

Le fait que l’organe agisse « en tant qu’administration spécialisée exerçant le pouvoir de sanction dans les matières relevant de sa compétence, constitue un indice [de son] caractère administratif et non pas juridictionnel » ( 25 ).

« [U]n organisme national ne peut pas être qualifié de “juridiction”, au sens de l’article 267 TFUE, dans des circonstances dans lesquelles il statue en exerçant des fonctions non juridictionnelles, telles que des fonctions de nature administrative » ( 26 ).

L’organisation du système de recours contre les décisions d’un organisme de contrôle est pertinente. Tel est le cas lorsque ces décisions « sont susceptibles d’un recours devant le président de cet organisme, les décisions de ce dernier étant elles-mêmes susceptibles d’un recours devant le juge administratif, dans le cadre duquel [l’organisme] a la qualité de partie défenderesse. Cette organisation des voies de recours [...] met en exergue le caractère administratif des décisions rendues par cet organisme » ( 27 ).

46.

Dans l’arrêt Anesco e.a., ainsi que je l’ai exposé plus haut, la Cour a notamment déclaré la demande de décision préjudicielle déférée par la CNMC comme irrecevable, entre autres pour les motifs suivants :

« [L]e fait que la CNMC agit d’office, en tant qu’administration spécialisée exerçant le pouvoir de sanction dans les matières relevant de sa compétence, constitue un indice du caractère administratif et non pas juridictionnel de la décision qu’elle est appelée à rendre dans la procédure ayant conduit à la présente demande de décision préjudicielle » ( 28 ).

« [L]a décision de la CNMC mettant fin à la procédure est une décision de nature administrative qui, tout en étant définitive et immédiatement exécutoire, n’est pas susceptible d’être revêtue des attributs d’une décision judiciaire, notamment de l’autorité de la chose jugée (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2017, Margarit Panicello, C‑503/15, EU:C:2017:126, point 34 et jurisprudence citée) » ( 29 ).

« Le caractère administratif de la procédure [...] au principal est également confirmé par l’article [...], qui prévoit que l’adoption d’une décision par le Conseil de la CNMC met fin à la procédure qualifiée expressément d’“administrative”. En outre, en vertu de l’article [...], un recours contentieux administratif peut être formé contre une telle décision, au cours duquel la CNMC [...] agit en tant que partie défenderesse dans le cadre de la procédure judiciaire en première instance [...] ou en tant que partie demanderesse ou partie défenderesse dans l’hypothèse d’un pourvoi » ( 30 ).

47.

Sur le fondement de ces prémisses, « pour établir si un organisme national, auquel la loi confie des fonctions de nature différente, doit être qualifié de “juridiction”, au sens de l’article 267 TFUE, il est nécessaire de vérifier quelle est la nature spécifique des fonctions qu’il exerce dans le contexte normatif particulier dans lequel il est appelé à saisir la Cour » ( 31 ).

48.

Or, à la lumière de la jurisprudence exposée dans les points précédents des présentes conclusions, j’estime que l’UPDI exerce des fonctions administratives et non les fonctions juridictionnelles qui lui permettraient de faire usage de l’article 267 TFUE, dès lors que :

Il est habilité à agir à la fois à la demande des parties et d’office (parfois seulement d’office). Concrètement, dans le cadre de la procédure qui a donné lieu au renvoi préjudiciel, il pouvait indifféremment intervenir à la demande des parties et d’office ( 32 ).

Il jouit d’une large capacité pour constater la commission d’infractions et infliger des amendes dans l’exercice du pouvoir de sanction ( 33 ).

Ses décisions sont susceptibles de recours devant de véritables juridictions, tant devant les juridictions ordinaires ( 34 ), que devant les juridictions administratives. Dans les procédures devant ces dernières, l’UPDI agit en première instance en qualité de partie défenderesse ( 35 ).

49.

L’irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle me semble être corroborée par l’examen de la réglementation harmonisée (la directive 2012/34), en tant que cadre de référence que le droit de l’Union offre en ce qui concerne les organismes de contrôle du secteur ferroviaire.

50.

Même si l’article 56, paragraphe 1, de la directive 2012/34 confère à ces organismes le pouvoir de statuer sur des réclamations contre les décisions rendues dans les matières qu’il énumère ( 36 ), le paragraphe 2 du même article les habilite à exercer un contrôle de leur propre initiative.

51.

L’article 56, paragraphe 8, de la directive 2012/34, les dote de pouvoirs d’instruction, en les autorisant à recueillir des informations pour développer « [leurs] fonctions de recours et de surveillance de la concurrence sur les marchés des services ferroviaires conformément au paragraphe 2 ».

52.

L’article 56, paragraphe 9, de la directive 2012/34 les autorise à adopter, « le cas échéant, de [leur] propre initiative les mesures appropriées pour corriger toute discrimination à l’égard des candidats, toute distorsion du marché et toute autre évolution indésirable sur ces marchés, notamment eu égard au paragraphe 1, [sous] a) à j) ».

53.

Dès lors, même s’ils sont appelés à statuer sur une réclamation, ils le font dans un contexte où l’impulsion des parties n’est pas indispensable, les organismes de contrôle ayant eux-mêmes la possibilité d’agir d’office. Il ne serait pas logique d’accepter que, pouvant agir de leur propre initiative dans un sens donné, ils exercent des fonctions juridictionnelles lorsqu’ils aboutissent à ce même résultat en vertu d’une plainte ou d’une réclamation.

54.

Enfin, aux termes de l’article 56, paragraphe 10, de la directive 2012/34, les décisions des organismes de contrôle sont soumises à une révision juridictionnelle qui relève bien, cette fois-ci, de véritables organes de nature juridictionnelle. Du point de vue de l’unité d’interprétation du droit de l’Union, « l’existence desdits recours juridictionnels permet de garantir l’effectivité du mécanisme de renvoi préjudiciel prévu à l’article 267 TFUE » ( 37 ).

55.

En somme, comme dans l’affaire Anesco e.a., les décisions des organismes de contrôle du secteur ferroviaire « s’apparentent à des décisions de nature administrative, excluant qu’elles soient adoptées dans l’exercice de fonctions juridictionnelles » ( 38 ).

56.

Par ailleurs, le fait de considérer comme étant recevables des questions préjudicielles posées par des organes administratifs dont les décisions sont soumises au contrôle juridictionnel pourrait engendrer des dysfonctionnements, que l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer a soulignés avec des arguments qui restent actuels vingt ans après ( 39 ).

57.

L’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer a affirmé en résumé que, si l’on acceptait cette possibilité, la réponse de la Cour pourrait se révéler inutile pour la résolution finale du litige ( 40 ) et que l’intervention a posteriori des organes véritablement judiciaires pourrait être influencée par la question préjudicielle des organes administratifs ( 41 ). Selon lui, « l’admission d’une question préjudicielle posée par des organes administratifs compromet gravement le dialogue entre juges instauré par le traité, revient à interpréter tendancieusement l’objectif qu’il poursuit et dénature la protection juridictionnelle du citoyen » ( 42 ).

58.

Au vu de tout ce qui précède, je suis d’avis que la demande de décision préjudicielle est irrecevable. Au cas où la Cour ne le jugerait pas ainsi, j’analyserai néanmoins les questions de l’organisme de contrôle.

V. Sur le fond

A.   Sur la première question préjudicielle

59.

Les doutes de l’UPDI portent sur « [l]e lieu de chargement et de déchargement pour le transport de marchandises, y compris les voies afférentes ». Fait-il partie de l’infrastructure ferroviaire au sens de l’article 3, point 3, de la directive 2012/34, ou des installations de service ( 43 ) ?

60.

Les quais à voyageurs font partie de l’infrastructure ferroviaire, conformément à l’annexe I, deuxième tiret, lu en combinaison avec l’article 3, point 3, de la directive 2012/34. L’arrêt Westbahn Management II l’a confirmé ( 44 ).

61.

Il convient à présent de déterminer si cette même affirmation est transposable, telle quelle, aux quais à marchandises. Même si, en principe, ces quais font également partie de l’infrastructure ferroviaire, il convient, en vertu de ces mêmes dispositions, de tenir compte du fait que les terminaux de fret, à l’instar des gares de voyageurs, sont une installation de service [annexe II, point 2, sous a) et b), de la directive 2012/34].

62.

Comme dans l’affaire Westbahn Management II, les problèmes surgissent lorsque l’on tente de différencier les quais, d’une part, de l’installation de service dans laquelle ils se trouvent, d’autre part (il s’agissait alors de gares de voyageurs, aujourd’hui de terminaux de fret). En tant que notions disparates dont les profils peuvent difficilement ignorer la réalité de chaque quai ou terminal, en fonction de leurs caractéristiques singulières, l’approche au cas par cas devient inévitable et il n’appartient pas à la Cour de vérifier les détails techniques de chaque cas d’espèce ( 45 ).

63.

L’UPDI cherche à obtenir une clarification sur le point de savoir si le lieu adjacent à la voie sur lequel s’effectuent le chargement et le déchargement de marchandises entre dans la catégorie de l’infrastructure ferroviaire. Il convient à cet effet de donner la définition du terme « quai à marchandises » contenue à l’annexe I de la directive 2012/34. En admettant sa signification habituelle de plateforme élevée au-dessus de la voie, il convient de déterminer si les espaces destinés aux opérations de chargement et de déchargement du train depuis sa partie basse, à la hauteur des voies, sont exclus ( 46 ).

64.

La solution ne saurait ignorer les objectifs de la directive 2012/34 lorsqu’elle fait référence à « l’ensemble des prestations minimales », qui comprend l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire. Il convient, en outre, de mettre en balance la nature des marchandises avec les conditions de leur transport, de leur chargement et de leur déchargement.

65.

La justification élémentaire, physique, d’un quai à voyageurs est de faciliter à ces derniers l’entrée et la sortie du train, c’est pourquoi ils ont besoin de combler la hauteur existant entre le sol et sa porte. Dès lors que les marchandises ne possèdent manifestement pas cette autonomie et qu’une personne doit les introduire (dans le train) ou les extraire (du train), il importe peu que ces opérations se déroulent depuis le sol à la hauteur des voies, depuis un quai, depuis un camion ou depuis tout autre moyen de transport.

66.

Il me semble, dès lors, que le plus important est de tenir compte des caractéristiques des opérations de chargement et de déchargement. Si ce que l’on souhaite faire est déposer les marchandises près du train pour leur chargement ou après leur déchargement, il s’agit d’une utilisation qui relève de l’usage de base : l’espace adjacent à la voie doit donc être assimilé au quai et être inclus dans l’infrastructure ferroviaire.

67.

Dans cette hypothèse, les quais à marchandises, à l’instar des quais à voyageurs, constitueront des « composantes du service d’infrastructure [...] essentielles pour permettre à un exploitant de fournir un service et qui doivent être assurées en contrepartie de redevances d’accès minimales » ( 47 ).

68.

Cette approche est in abstracto transposable à la réalité complexe des terminaux de fret ( 48 ), que l’annexe I de la directive 2012/34 qualifie d’« infrastructure ferroviaire », en ce qui concerne leurs voies principales et leurs voies de service. Mais, j’insiste, les caractéristiques techniques des opérations de chargement et de déchargement peuvent conduire, dans des cas particuliers, à une solution différente.

69.

Bien que je ne voie pas d’obstacle à ce que les quais à marchandises, tant des voies principales que des voies de service, soient considérés comme faisant partie de l’infrastructure ferroviaire, le reflet sur le calcul de la redevance devra se limiter à leur utilisation effective lors du chargement ou du déchargement de la marchandise. Ce qui diffère de cette utilisation stricte, comme les simples opérations de manutention de la marchandise ( 49 ), serait déjà inclus dans l’ensemble des actions propres à l’installation de service.

70.

En principe, les « quais à marchandises » visés à l’annexe I de la directive 2012/34 (compris comme étant l’espace adjacent au côté du train utilisé exclusivement pour son chargement ou son déchargement sur les voies principales ou de service) sont donc un élément de l’infrastructure ferroviaire dont l’utilisation relève de l’ensemble des prestations minimales, conformément au point 1, sous c), de l’annexe II de cette directive.

B.   Sur la deuxième question préjudicielle

71.

L’UPDI cherche à savoir si la directive 2012/34 autorise le gestionnaire de l’infrastructure à modifier unilatéralement, au détriment des opérateurs, les redevances pour l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire ou des installations de service ( 50 ).

72.

La directive 2012/34 prévoit le paiement de redevances pour l’utilisation tant de l’infrastructure ferroviaire que des installations de service. Ces redevances sont versées, respectivement, au gestionnaire de l’infrastructure et à l’exploitant de l’installation de service et sont utilisées pour financer leur activité (article 31, paragraphe 1, de ladite directive) selon ces critères :

Pour l’ensemble des prestations minimales, « [les] redevances [...] sont égales au coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire » (article 31, paragraphe 3, premier alinéa, de la directive 2012/34).

En ce qui concerne les installations de service, la redevance ne dépasse pas le coût de la prestation de services majoré d’un bénéfice raisonnable (article 31, paragraphe 7, de la même directive).

73.

Conformément à l’article 29, paragraphe 1, de la directive 2012/34, le document de référence du réseau, qui doit être adopté par le gestionnaire de l’infrastructure, contient le cadre et les règles relatives aux redevances.

74.

La réglementation du document de référence du réseau (article 27, paragraphe 2, de la directive 2012/34) impose la publication d’informations concernant les conditions d’accès à l’infrastructure ferroviaire et aux installations de service.

75.

L’annexe IV de la directive 2012/34 fait référence aux redevances à son point 2, plus général, et à son point 6, consacré spécifiquement aux redevances d’utilisation des installations de service.

76.

Aux termes de l’article 31 de la directive 2012/34, respectivement aux paragraphes 3 et 7, il existe différentes contraintes pour la fixation du montant des redevances dans l’un et l’autre cas.

1. Redevances d’utilisation de l’infrastructure

77.

S’agissant de l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire, j’ai déjà rappelé que les redevances perçues pour l’ensemble des prestations minimales et pour l’accès à l’infrastructure reliant les installations de service « sont égales au coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire ».

78.

Les éléments énumérés à l’annexe I sont à prendre en compte, pour le calcul de ces redevances, conformément aux articles 29 et suivants de la directive 2012/34 et, à compter de son entrée en vigueur, sur le fondement du règlement d’exécution (UE) 2015/909 ( 51 ).

79.

Le règlement d’exécution 2015/909 contient une méthodologie en vertu de laquelle toute modification des redevances doit être justifiée par l’altération des facteurs de base qui permettent de fixer les coûts directs ( 52 ). Soumis à ce critère et dans le respect de ce règlement, le gestionnaire de l’infrastructure est autorisé à les mettre à jour et à les modifier.

80.

En principe, la directive 2012/34 ne fixe pas de limites temporelles pour la mise à jour de ces redevances. Son article 27, paragraphe 3, autorise la mise à jour et la modification, le cas échéant, du document de référence du réseau. À l’annexe IV, point 2, de la directive 2012/34, il est indiqué que le document de référence du réseau doit contenir « des informations concernant les modifications de redevances déjà décidées ou prévues ».

81.

La modification des redevances sera donc subordonnée au contenu préalable du document de référence du réseau. Il est ainsi permis aux entreprises ferroviaires de bénéficier de « systèmes de tarification prévisibles et [d’avoir] des attentes raisonnables concernant l’évolution des redevances d’utilisation de l’infrastructure » ( 53 ).

82.

Il ne saurait toutefois être exclu que des circonstances imprévisibles préconisent la modification anticipée des redevances par la mise à jour de leurs montants pour les rendre conformes auxdites circonstances ( 54 ) ou aux variations des coûts directement imputables.

83.

Dans le système de la directive 2012/34, l’association entre la fixation de périodes et les demandes des entreprises ferroviaires qui souhaitent accéder à l’infrastructure n’est donc pas purement symbolique ( 55 ).

2. Redevances d’accès aux installations de service

84.

S’agissant de la redevance due pour l’accès aux installations de service et à la fourniture de services dans ces installations, l’article 31, paragraphe 7, de la directive 2012/34 impose, comme je l’ai déjà rappelé dans les présentes conclusions, que son montant ne dépasse pas le coût de la prestation majoré d’un bénéfice raisonnable.

85.

Cette disposition est complétée par le règlement d’exécution (UE) 2017/2177 ( 56 ), dont l’article 4, consacré à la description de l’installation de service, désigne, entre autres, les « informations sur les tarifs d’accès aux installations de service » [paragraphe 2, sous m)].

86.

L’article 5, paragraphe 3, du règlement d’exécution 2017/2177 autorise les exploitants d’installations de service à mettre à jour, en tant que de besoin ( 57 ), la description de l’installation de service (qui inclut les tarifs).

87.

La mise à jour ou la révision de ces redevances (tarifs) ( 58 ) est donc admissible, pour autant qu’elles respectent les restrictions découlant de la réglementation de l’Union, ce qui implique d’observer les limites relatives au coût de la prestation du service et au caractère raisonnable du bénéfice ( 59 ), de se conformer aux principes de transparence et de non‑discrimination ( 60 ) et de tenir compte du critère de la « nécessité » pour justifier leur augmentation.

3. Conclusion intermédiaire

88.

Il découle de ce qui précède que le gestionnaire de l’infrastructure peut, sous certaines conditions de fond, de procédure et de temps, modifier le montant des redevances d’utilisation de l’infrastructure ferroviaire ou des installations de service (s’il assume les fonctions d’exploitant de celles-ci) ( 61 ).

C.   Sur la troisième question préjudicielle

89.

L’UPDI demande si le gestionnaire de l’infrastructure est lié par la directive 2012/34. Pour répondre, il est nécessaire de clarifier au préalable la nature de ce gestionnaire.

90.

Dans la décision de renvoi, le gestionnaire de l’infrastructure tchèque est qualifié d’« organisme étatique ». Celui-ci, au contraire, souligne sa qualité de personne morale « indépendante et souveraine » (sic), qui n’est pas un « élément ni une unité organisationnelle de l’État tchèque » ni n’agit au nom de cet État ( 62 ).

91.

Il n’appartient pas à la Cour d’interpréter les règles nationales pour trancher ce différend, mais elle doit en principe se conformer à la décision de renvoi ( 63 ). Pour l’UPDI, je le répète, le gestionnaire de l’infrastructure tchèque est un organisme étatique, placé sous l’autorité de l’État et agissant sous son contrôle ( 64 ).

92.

L’article 3, point 2, de la directive 2012/34 laisse une marge d’appréciation aux États membres pour concevoir la nature des gestionnaires des infrastructures, qui peuvent être tant un organisme qu’une entreprise.

93.

La Cour a jugé, de manière générale, que certains « organismes ou entités [...] doivent être assimilés à l’État, soit parce qu’ils sont des personnes morales de droit public faisant partie de l’État au sens large, soit parce qu’ils sont soumis à l’autorité ou au contrôle d’une autorité publique, soit parce qu’ils ont été chargés, par une telle autorité, d’exercer une mission d’intérêt public et ont été dotés, à cet effet, [de] pouvoirs exorbitants » ( 65 ).

94.

De ce point de vue, et sous réserve des vérifications de l’organe de renvoi, tout indique que le gestionnaire de l’infrastructure tchèque est une émanation de l’État, qui le crée par la loi, lui confie des fonctions d’intérêt général qui comprennent des pouvoirs exorbitants, et nomme et révoque son conseil d’administration.

95.

Selon la Cour, les autorités étatiques, même si elles ne sont pas des « juridictions » au sens de l’article 267 TFUE, ne sont pas exonérées « de l’obligation de garantir l’application du droit de l’Union lors de l’adoption de leurs décisions et de laisser inappliquées, au besoin, les dispositions nationales qui apparaîtraient contraires à des dispositions du droit de l’Union dotées d’un effet direct, de telles obligations pesant, en effet, sur l’ensemble des autorités nationales compétentes et non pas uniquement sur les autorités juridictionnelles » ( 66 ).

96.

Le gestionnaire de l’infrastructure ne saurait donc se soustraire aux mandats de la directive 2012/34 ayant un effet direct.

D.   Sur la quatrième question préjudicielle

97.

L’UPDI cherche à savoir si sont discriminatoires « les règles contenues dans le document de référence du réseau si elles sont contraires à la réglementation de l’Union que Správa železnic est tenue de respecter » ( 67 ).

98.

La réponse à cette question doit partir de celle apportée à la troisième question. Le gestionnaire de l’infrastructure est lié par la directive 2012/34, de sorte que ses actes (y compris le document de référence du réseau) doivent s’y conformer.

99.

Le fait qu’une partie du document de référence du réseau ne respecte pas la directive 2012/34 ne signifie pas pour autant qu’elle soit, de ce seul fait, discriminatoire. Elle le sera si elle introduit des mesures qui, par elles-mêmes, accordent à des entreprises un traitement injustifié par rapport à d’autres.

VI. Conclusion

100.

Eu égard à ce qui précède, je suggère à la Cour de déclarer irrecevable la demande de décision préjudicielle introduite par l’Úřad pro přístup k dopravní infrastruktuře (Office pour l’accès aux infrastructures de transport, République tchèque).

À titre subsidiaire, je propose de répondre aux questions préjudicielles dans les termes suivants :

1)

Les « quais à marchandises » visés à l’annexe I de la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, établissant un espace ferroviaire unique européen, en tant qu’espaces adjacents au côté du train exclusivement utilisés pour son chargement ou son déchargement sur les voies principales ou de service, constituent un élément de l’infrastructure ferroviaire.

2)

Le gestionnaire de l’infrastructure peut modifier les redevances d’utilisation de l’infrastructure ferroviaire, à condition de le justifier conformément au règlement d’exécution (UE) 2015/909 de la Commission, du 12 juin 2015, concernant les modalités de calcul du coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire, et conformément aux décisions ou prévisions de modification contenues dans le document de référence du réseau, sauf s’il s’agit de réagir à des situations extraordinaires.

Si nécessaire, l’exploitant de l’installation de service peut, sans préjudice du respect des obligations contractuelles qu’il assume envers les entreprises ferroviaires, modifier les tarifs d’accès à cette installation et les tarifs de fourniture de services, à condition que le coût de la fourniture du service majoré d’un bénéfice raisonnable ne soit pas dépassé et que les principes de transparence et de non-discrimination soient respectés.

3)

Un gestionnaire de l’infrastructure qualifié d’« organisme étatique », quelle que soit sa forme juridique, est lié par les dispositions de la directive 2012/34 qui possèdent un effet direct.

4)

Le document de référence du réseau non conforme à la directive 2012/34 peut être considéré comme étant discriminatoire lorsqu’il introduit des mesures qui, en elles-mêmes, accordent à des entreprises ferroviaires un traitement injustifié par rapport à d’autres.


( 1 ) Langue originale : l’espagnol.

( 2 ) Ci-après l’« UPDI ».

( 3 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen (JO 2012, L 343, p. 32), telle que modifiée par la directive (UE) 2016/2370 du Parlement européen et du Conseil, du 14 décembre 2016 (JO 2016, L 352, p. 1).

( 4 ) Loi no 2/1969 relative à l’organisation des ministères et des autres autorités centrales de l’administration d’État de la [République tchèque].

( 5 ) Loi no 320/2016 sur l’Office pour l’accès aux infrastructures de transport.

( 6 ) Sur la réglementation antérieure du secteur ferroviaire en République tchèque, voir arrêt du 11 juillet 2013, Commission/République tchèque (C‑545/10, EU:C:2013:509).

( 7 ) Loi no 77/2002 sur la société anonyme České dráhy et l’organisme étatique Správa železnic.

( 8 ) Cette entité assume les fonctions de gestionnaire de l’infrastructure et d’exploitant de l’installation de service, au sens de l’article 3, points 2 et 12, de la directive 2012/34. Elle est également responsable de la répartition des capacités de l’infrastructure ferroviaire, conformément à la zákon č. 266/1994 Sb, o drahách (loi no 266/1994 sur les voies ferrées, les voies avec caténaires et le transport par câble ou par chaîne), du 30 décembre 1994 (ci-après la « loi sur les chemins de fer »).

( 9 ) Arrêté du Ministerstvo dopravy (ministère des Transports) no 76/2017 relatif au contenu et à l’étendue des services fournis au transporteur par le gestionnaire des voies ferrées, des voies avec caténaires et du transport par câble ou par chaîne et par l’exploitant des installations de service.

( 10 ) La Description contient les informations nécessaires pour accéder aux installations de service et aux services ferroviaires y liés. Pour l’UPDI (point 28 de la décision de renvoi), la Description peut être considérée matériellement comme faisant partie du document de référence du réseau, ce que ni le gestionnaire de l’infrastructure ni ČD Cargo a.s. n’acceptent.

( 11 ) L’UPDI qualifie cette entreprise ferroviaire de « candidat », au sens de l’article 3, point 19, de la directive 2012/34, étant donné qu’elle a « des raisons commerciales ou de service public d’acquérir des capacités de l’infrastructure ».

( 12 ) Selon la décision de renvoi, ČD Cargo est également un « candidat », au sens de l’article 3, point 19, de la directive 2012/34, et cette société a activement participé à la procédure suivie devant l’organisme de contrôle.

( 13 ) Arrêt du 22 novembre 2012, Westbahn Management (C‑136/11, ci-après l’« arrêt Westbahn Management I , EU:C:2012:740).

( 14 ) Au point 19 de son mémoire du 10 juin 2021, l’UPDI affirme que si l’organisme autrichien de contrôle du secteur ferroviaire dispose du pouvoir de déférer des questions préjudicielles, ses homologues des autres États membres devraient également disposer de ce pouvoir. En réalité, c’est la Schienen-Control Kommission (commission de contrôle ferroviaire), saisie des recours contre les décisions de Schienen-Control GmbH (l’organisme de contrôle), qui a déféré les questions préjudicielles dans l’affaire Westbahn Management I.

( 15 ) C‑210/18, ci-après « Westbahn Management II », EU:C:2019:277, note en bas de page 3.

( 16 ) La Cour s’est appuyée sur les articles 81 à 84 de la Eisenbahngesetz (loi sur les chemins de fer), du 13 février 1957 (BGBl. 60/1957, p. 467). Voir point 28 de l’arrêt Westbahn Management I.

( 17 ) Fonctions de coopération inter-administrative et fonctions consultatives dans le cadre des procédures d’élaboration des actes administratifs ; pouvoirs internes d’auto-organisation ; contrôle du système de redevances ; surveillance des négociations entre parties concernées ; activité statistique ; analyse et observation du marché y compris l’audit.

( 18 ) Le fait que le critère de la Cour soit en constante évolution est établi dans l’arrêt de la grande chambre du 21 janvier 2020, Banco de Santander (C‑274/14, EU:C:2020:17, point 55), qui s’est éloigné de la ligne tracée par l’arrêt du 21 mars 2000, Gabalfrisa e.a. (C‑110/98 à C‑147/98, EU:C:2000:145). La Cour a justifié son retournement « eu égard, notamment, à la jurisprudence plus récente de la Cour relative, en particulier, au critère d’indépendance ».

( 19 ) Arrêt du 16 septembre 2020 (C‑462/19, ci-après l’« arrêt Anesco e.a. , EU:C:2020:715). Le gouvernement espagnol l’a cité dans ses observations écrites, au point 14. Il est vrai que, dans cet arrêt, le rôle de la Comisión Nacional de los Mercados y la Competencia (Commission nationale des marchés et de la concurrence, Espagne) (CNMC) en tant qu’autorité de défense de la concurrence a été analysé de manière singulière. Toutefois, dans son rôle d’organisme de contrôle ferroviaire, la CNMC possède les mêmes caractéristiques (elle agit d’office, elle est de nature administrative, ses décisions n’ont pas l’autorité de la chose jugée et font l’objet d’une révision juridictionnelle) que dans le reste de ses fonctions.

( 20 ) La CNMC exerce en Espagne la surveillance et le contrôle du secteur ferroviaire aux termes de la première disposition finale de la ley 38/215 del sector ferroviario (loi 38/2015 relative au secteur ferroviaire), du 29 septembre 2015 (BOE no 234, du 30 septembre 2015, p. 88533), modifiant les articles 11 et 12 de la ley 3/2013 de creación de la Comisión Nacional de los Mercados y la Competencia (loi 3/2013 portant création de la Commission nationale des marchés et de la concurrence), du 4 juin 2013 (BOE no 134, du 5 juin 2013, p. 42191). Conformément à sa deuxième disposition finale, la directive 2012/34 est transposée en droit espagnol par la loi 38/2015 relative au secteur ferroviaire.

( 21 ) Points 8, 15 et 16 de la réponse aux questions présentée par l’UPDI le 10 novembre 2020.

( 22 ) Arrêt du 31 janvier 2013, Belov (C‑394/11, EU:C:2013:48, point 39).

( 23 ) Ordonnance du 14 novembre 2013, MF 7 (C‑49/13, ci-après l’« ordonnance MF 7 , EU:C:2013:767, point 18) ; voir également arrêt Anesco e.a., point 44.

( 24 ) Ordonnance du 24 mars 2011, Bengtsson [C‑344/09, EU:C:2011:174, point 23, qui cite l’arrêt du 12 novembre 1998, Victoria Film (C‑134/97, EU:C:1998:535), points 16 et 18].

( 25 ) Arrêt Anesco e.a., point 44.

( 26 ) Ordonnance MF 7, point 16.

( 27 ) Ordonnance MF 7, point 19.

( 28 ) Arrêt Anesco e.a., point 44.

( 29 ) Arrêt Anesco e.a., point 48.

( 30 ) Arrêt Anesco e.a., point 49.

( 31 ) Arrêt du 31 janvier 2013, Belov (C‑394/11, EU:C:2013:48, point 41). Lors de la mise en œuvre de cette vérification, la décision de la Cour dépendra surtout de la qualité des informations fournies par l’organe de renvoi et par les parties qui interviennent à la procédure de demande de décision préjudicielle. Lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, ces informations sont mises en cause (le gestionnaire des infrastructures affirme que l’UPDI s’est fondé sur certaines parties de la réglementation et en a écarté d’autres), une certaine insécurité juridique se produit.

( 32 ) Mémoire de l’UPDI du 10 novembre 2020, point 17.

( 33 ) Mémoire de l’UPDI du 10 novembre 2020, point 18, dans lequel il affirme être habilité à engager des procédures en ce qui concerne chaque infraction qu’il découvre, et à agir d’office.

( 34 ) L’UPDI se plaint du fait que les tribunaux civils tchèques puissent, sans tenir compte de son rôle dans les litiges en cause, « interfér[er] de manière inadmissible dans sa compétence exclusive dans les questions du secteur ferroviaire » (mémoire de l’UPDI du 10 novembre 2020, point 46). C’est sur cette question spécifique que portent les demandes de décisions préjudicielles déférées par un tribunal civil tchèque dans les affaires C‑221/21 et C‑222/21, qui sont encore pendantes.

( 35 ) Mémoire de l’UPDI du 10 novembre 2020, points 37 à 39.

( 36 ) Dire que l’organisme de contrôle est saisi d’une réclamation contre une décision du gestionnaire de l’infrastructure ne signifie pas nécessairement qu’il exercera une tâche de contrôle de la légalité d’un acte administratif : le gestionnaire de l’infrastructure peut être tant une entité qu’une entreprise (article 3, point 2, de la directive 2012/34). Dans ce dernier cas, le premier positionnement formellement administratif serait celui de l’organisme de contrôle.

( 37 ) Arrêt du 31 janvier 2013, Belov (C‑394/11, EU:C:2013:48, point 52).

( 38 ) Arrêt Anesco e.a., point 41.

( 39 ) Conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans l’affaire De Coster (C‑17/00, EU:C:2001:366). L’avocat général a souligné que « la manière dont la question préjudicielle a été posée détermine la réponse de la Cour [...]. Si la question est soumise par un organe administratif, le recours juridictionnel introduit par la suite contre sa décision peut être conditionné par la question posée, par sa forme ou par le moment où elle a été soulevée, de sorte que l’organe véritablement judiciaire sera, pour une bonne part, privé de la faculté d’utiliser le renvoi préjudiciel, car, même s’il pouvait en théorie soumettre une nouvelle question, il imposerait aux parties un retard supplémentaire de la procédure au principal qui serait insupportable pour une administration de la justice déjà assez lente » (point 79).

( 40 ) Conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans l’affaire De Coster (C‑17/00, EU:C:2001:366, point 78) : « L’organe judiciaire qui réexamine la décision administrative adoptée à la suite de la réponse de la Cour peut considérer que le renvoi préjudiciel n’était pas nécessaire ou estimer qu’il aurait dû insister sur un autre aspect. S’il parvient à la certitude que l’objet du débat ne porte pas sur l’interprétation ou l’application de règles s’inscrivant dans l’ordre juridique communautaire, la question préjudicielle et les efforts de toute nature investis pour y répondre auront été inutiles, avec la perte de légitimité qu’implique pour la Cour le fait qu’il ne soit pas tenu compte de ses arrêts au motif qu’ils ne répondraient pas à une nécessité ».

( 41 ) Conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans l’affaire De Coster (C‑17/00, EU:C:2001:366, point 79) : « Si [l’organe judiciaire] estime que la question préjudicielle aurait dû être formulée autrement, il se trouvera prisonnier des termes imposés de la question soumise et de la réponse reçue, sans qu’il soit enclin, par souci d’économie de procédure, à recourir de nouveau au mécanisme préjudiciel pour rectifier un processus, selon lui, mal engagé en raison d’une formulation inappropriée de la question ».

( 42 ) Conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans l’affaire De Coster (C‑17/00, EU:C:2001:366, point 79).

( 43 ) La directive 2012/34 garantit l’accès tant à l’infrastructure ferroviaire qu’aux installations de service. Toutefois, la portée du droit d’accès n’est pas la même. Ainsi, en ce qui concerne l’infrastructure ferroviaire, les normes sont plus strictes et l’accès ne peut pas être refusé aux entreprises ferroviaires ; le considérant 65 de la directive 2012/34 énonce qu’il est souhaitable de définir « les composantes du service d’infrastructure qui sont essentielles pour permettre à un exploitant de fournir un service et qui doivent être assurées en contrepartie de redevances d’accès minimales ».

( 44 ) Arrêt Westbahn Management II, dispositif : « L’annexe II de la [directive 2012/34] doit être interprétée en ce sens que les “quais à voyageurs”, visés à l’annexe I de cette directive, sont un élément de l’infrastructure ferroviaire dont l’utilisation relève de l’ensemble des prestations minimales, conformément au point 1, sous c), de ladite annexe II ».

( 45 ) C’est ainsi que je l’ai exprimé dans mes conclusions dans l’affaire Latvijas dzelzceļš (Installations de service ferroviaire) (C‑60/20, EU:C:2021:147, point 36), en indiquant que « [l]a qualification d’“installation de service” – en tant que notion distincte de celle d’“infrastructure ferroviaire” [...] – dépend d’une série de facteurs techniques que seule la juridiction de renvoi est en mesure de considérer comme étant vérifiés ».

( 46 ) Les observations du gouvernement néerlandais s’appuient sur ce facteur pour soutenir qu’ils doivent être considérés comme faisant partie de l’installation de service.

( 47 ) Considérant 65 de la directive 2012/34.

( 48 ) L’article 3, sous s), du règlement (UE) no 1315/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, sur les orientations de l’Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport et abrogeant la décision no 661/2010/UE (JO 2013, L 348, p. 1) qui les dénomme « terminal de fret », les définit comme étant « une structure équipée pour le transbordement entre deux ou plusieurs modes de transport ou entre deux systèmes ferroviaires différents, et pour le stockage provisoire de fret, tels que les ports, les ports intérieurs et les terminaux rail-route ».

( 49 ) La définition du terminal de fret montre combien l’accès direct au côté du train pour s’occuper des marchandises doit être restreint. L’organisation d’un terminal de fret (aussi réduit soit-il) exigera en général que la manutention de la marchandise soit effectuée par son exploitant. Il ne suffira donc pas que le train accède à une zone de l’infrastructure ferroviaire, mais les marchandises devront être prises en charge. Partant, malgré l’existence du droit à utiliser l’ensemble des prestations minimales (qui inclut le quai à marchandises), ce droit ne sera pas efficace s’il n’est pas possible de décharger ou de charger. Cette possibilité dépendra de la capacité de l’exploitant de l’installation de service à effectuer ces opérations, même si le quai est considéré comme constituant une partie de l’infrastructure ferroviaire.

( 50 ) Au vu du point 26 de la décision de renvoi, les doutes naissent du fait que l’administrateur de l’infrastructure s’est réservé dans ces termes le droit de modifier les tarifs : « [L]es modifications de tarif seront communiquées sous la forme d’une modification de la présente description au moins un mois civil à l’avance ».

( 51 ) Règlement d’exécution de la Commission du 12 juin 2015 concernant les modalités de calcul du coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire (JO 2015, L 148, p. 17).

( 52 ) Considérant 17 du règlement d’exécution 2015/909 : « En raison de divers facteurs, comme les gains de productivité, la diffusion des nouvelles technologies ou encore une meilleure compréhension de la causalité des coûts, il conviendrait de mettre à jour ou de revoir régulièrement le calcul des coûts directs conformément, entre autres, aux meilleures pratiques internationales ».

( 53 ) Considérant 18 du règlement d’exécution 2015/909.

( 54 ) C’est ainsi que cela s’est récemment produit avec la crise sanitaire générée par la COVID‑19, face à la détérioration de la demande ferroviaire. La Commission a recommandé aux gestionnaires des infrastructures de réagir en adoptant, entre autres, des mesures temporaires incitatives telles que « l’exonération, la réduction ou le report des redevances d’accès aux voies pour l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire ». Voir proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil arrêtant des mesures pour un marché ferroviaire durable compte tenu de la pandémie de COVID-19 [COM/2020/260 final].

( 55 ) Dans la directive 2012/34, la définition de la capacité d’infrastructure se fonde sur la programmation pendant une certaine période (article 3, point 24) et la définition du document de référence du réseau vise les délais, les procédures et les critères relatifs aux systèmes de tarification (article 3, point 26). En outre, l’article 27, paragraphe 4, montre une relation entre le document de référence du réseau et les demandes de capacités de l’infrastructure, qui est ensuite transposée à la régulation du calendrier du processus de répartition, des demandes des candidats et de l’horaire de service (articles 43, 44 et annexe VII).

( 56 ) Règlement d’exécution de la Commission du 22 novembre 2017 concernant l’accès aux installations de service et aux services associés au transport ferroviaire (JO 2017, L 307, p. 1). Il emploie le terme « tarifs » au lieu de « redevances ».

( 57 ) Les gestionnaires des infrastructures doivent informer « en temps utile les candidats ayant déjà présenté une demande d’accès ou de fourniture d’un ou de plusieurs services dans l’installation de service de tout changement significatif dans la description de l’installation ».

( 58 ) Je laisse de côté les termes de la relation contractuelle entre l’entreprise ferroviaire et l’exploitant de l’installation de service.

( 59 ) Le critère pour fixer ces redevances (tarifs) est moins strict que pour celles qui pèsent sur l’accès à l’infrastructure, qui sont soumises au rigoureux calcul des coûts directs.

( 60 ) Ces principes sont consacrés, en ce qui concerne l’accès aux installations de service, à l’article 10, paragraphe 1, et à l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2012/34. Conformément au considérant 4 du règlement d’exécution 2017/2177, « [l]a transparence sur les conditions relatives à l’accès aux installations de service et aux services associés au transport ferroviaire, ainsi qu’aux informations sur les redevances, est une condition préalable pour permettre à tous les candidats d’accéder aux installations de service et aux services fournis dans ces installations sur une base non discriminatoire » (mise en italique par mes soins).

( 61 ) En tout état de cause, qu’il s’agisse des redevances relatives à l’infrastructure ferroviaire ou aux installations de service, l’organisme de contrôle sera compétent pour exercer ses fonctions de contrôle, en vertu de l’article 56 de la directive 2012/34.

( 62 ) Observations du gestionnaire de l’infrastructure, point I, sous a).

( 63 ) Ainsi que la Cour l’a rappelé dans son arrêt du 2 avril 2020, Coty Germany (C‑567/18, EU:C:2020:267, point 21) : « [L]orsqu’elle répond à des questions préjudicielles, il incombe à la Cour de prendre en compte, dans le cadre de la répartition des compétences entre les juridictions de l’Union et les juridictions nationales, le contexte factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent ces questions, tel que défini par la décision de renvoi ».

( 64 ) Points 45 et 46 de la décision de renvoi.

( 65 ) Arrêt du 10 octobre 2017, Farrell (C‑413/15, EU:C:2017:745, point 34).

( 66 ) Arrêt du 21 janvier 2020, Banco de Santander (C‑274/14, EU:C:2020:17, point 78).

( 67 ) Dans la motivation de la question (mais pas dans la question elle-même), l’UPDI affirme que, selon le droit national, il n’est compétent que pour vérifier la conformité du document de référence du réseau à la loi sur les chemins de fer, et non au droit de l’Union. S’il en est ainsi, il lui incombe de laisser inappliquée cette règle nationale, qui serait en contradiction avec le principe de primauté du droit de l’Union. Je ne pense pas que l’article 34e, paragraphe 1, de la loi sur les chemins de fer conduise obligatoirement à cette interprétation, toutefois, je le répète, c’est aux juridictions nationales et non à la Cour qu’il appartient de procéder à l’exégèse du droit interne.

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