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Document 62019CC0526

Conclusions de l'avocat général M. M. Bobek, présentées le 9 juillet 2020.
Entoma SAS contre Ministre de l’Économie et des Finances et Ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Conseil d'État (France).
Renvoi préjudiciel – Sécurité des denrées alimentaires – Nouveaux aliments et nouveaux ingrédients alimentaires – Règlement (CE) no 258/97 – Article 1er, paragraphe 2, sous e) – Notion d’“ingrédients alimentaires isolés à partir d’animaux” – Mise sur le marché – Insectes entiers destinés à l’alimentation humaine.
Affaire C-526/19.

Recueil – Recueil général

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2020:552

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 9 juillet 2020 ( 1 )

Affaire C‑526/19

Entoma SAS

contre

Ministre de l’Économie et des Finances,

Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (France)]

« Renvoi préjudiciel – Sécurité des denrées alimentaires – Nouveaux aliments et ingrédients alimentaires – Règlement (CE) no 258/97 – Article 1er, paragraphe 2 – Ingrédients alimentaires isolés à partir d’animaux – Insectes entiers destinés à l’alimentation humaine – Interprétation du champ d’application matériel du règlement »

I. Introduction

1.

Les insectes sont-ils de nouveaux aliments ? Mis en perspective avec l’histoire de l’humanité, ils ne le sont certainement pas. Toutefois, au regard du droit de l’Union, la réponse est moins claire. L’on peut peut-être supposer que, jusqu’au 15 mai 1997, c’est-à-dire la date pertinente prévue par le règlement (CE) no 258/97 ( 2 ), « la consommation humaine [des insectes] est restée négligeable dans la Communauté ». Cependant, se peut-il que les vers de farine, les criquets ou les grillons relèvent également de la seconde partie de la définition des nouveaux aliments, sur laquelle porte la présente affaire, à savoir qu’il s’agirait d’« ingrédients alimentaires isolés à partir d’animaux » ?

2.

À mon avis, cela n’est pas le cas. Il n’en reste pas moins que les gouvernements français et italien ont explicitement invité la Cour à combler le vide juridique laissé par le législateur de l’Union en 1997. Une telle invitation ne peut être laissée sans réponse, a fortiori lorsqu’elle concerne des délices gastronomiques, tels que ceux qui sont en cause dans la présente affaire. Toutefois, on peut et, en l’espèce, on doit décliner poliment cette invitation, en rappelant les limites de ce qui reste une « interprétation jurisprudentielle » d’une disposition claire de droit dérivé et d’une éventuelle réécriture ex post.

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

1. Le règlement no 258/97

3.

Le considérant 1 du règlement no 258/97 prévoyait que « les différences entre les législations nationales en matière de nouveaux aliments ou de nouveaux ingrédients alimentaires peuvent entraver la libre circulation des denrées alimentaires [et] peuvent créer des conditions de concurrence déloyale affectant directement le fonctionnement du marché intérieur ».

4.

Le considérant 2 de ce règlement est libellé comme suit : « […] afin de protéger la santé publique, il est nécessaire de s’assurer que les nouveaux aliments et les nouveaux ingrédients alimentaires font l’objet d’une évaluation d’innocuité unique suivant une procédure communautaire avant d’être mis sur le marché dans la Communauté […] »

5.

Conformément à la version initiale ( 3 ) de l’article 1er du règlement no 258/97 :

« 1.   Le présent règlement a pour objet la mise sur le marché dans la Communauté de nouveaux aliments et de nouveaux ingrédients alimentaires.

2.   Le présent règlement s’applique à la mise sur le marché dans la Communauté d’aliments et d’ingrédients alimentaires pour lesquels la consommation humaine est jusqu’ici restée négligeable dans la Communauté et qui relèvent des catégories suivantes :

a)

les aliments et ingrédients alimentaires contenant des organismes génétiquement modifiés au sens de la directive 90/220/CEE ou consistant en de tels organismes ;

b)

les aliments et ingrédients alimentaires produits à partir d’organismes génétiquement modifiés, mais n’en contenant pas ;

c)

les aliments et ingrédients alimentaires présentant une structure moléculaire primaire nouvelle ou délibérément modifiée ;

d)

les aliments et ingrédients alimentaires composés de micro-organismes, de champignons ou d’algues ou isolés à partir de ceux-ci ;

e)

les aliments et ingrédients alimentaires composés de végétaux ou isolés à partir de ceux-ci et les ingrédients alimentaires isolés à partir d’animaux, à l’exception des aliments et des ingrédients alimentaires obtenus par des pratiques de multiplication ou de reproduction traditionnelles et dont les antécédents sont sûrs en ce qui concerne l’utilisation en tant que denrées alimentaires ;

f)

les aliments et ingrédients alimentaires auxquels a été appliqué un procédé de production qui n’est pas couramment utilisé, lorsque ce procédé entraîne dans la composition ou dans la structure des aliments ou des ingrédients alimentaires des modifications significatives de leur valeur nutritive, de leur métabolisme ou de leur teneur en substances indésirables.

3.   Le cas échéant, il peut être déterminé, selon la procédure prévue à l’article 13, si un type d’aliment ou d’ingrédient alimentaire relève du paragraphe 2 du présent article. »

6.

Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 258/97 :

« Les aliments ou ingrédients alimentaires qui relèvent du présent règlement ne doivent pas :

présenter de danger pour le consommateur,

induire le consommateur en erreur,

différer des aliments et ingrédients alimentaires qu’ils sont destinés à remplacer à un point tel que leur consommation normale impliquerait des inconvénients nutritionnels pour le consommateur. »

7.

L’article 12 de ce règlement dispose :

« 1.   Si un État membre a, à la suite de nouvelles informations ou d’une réévaluation des informations existantes, des raisons précises d’estimer que l’usage d’un aliment ou d’un ingrédient alimentaire conforme au présent règlement présente des risques pour la santé humaine ou pour l’environnement, cet État membre peut restreindre provisoirement ou suspendre la commercialisation et l’utilisation sur son territoire de l’aliment ou de l’ingrédient alimentaire en cause. Il en informe immédiatement les autres États membres et la Commission en précisant les motifs de sa décision.

2.   La Commission examine dès que possible, au sein du comité permanent des denrées alimentaires, les motifs visés au paragraphe 1 ; elle prend les mesures qui s’imposent selon la procédure prévue à l’article 13. L’État membre qui a arrêté la décision visée au paragraphe 1 peut la maintenir jusqu’à l’entrée en vigueur de ces mesures. »

2. Le règlement (UE) 2015/2283

8.

Le règlement (UE) 2015/2283 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, relatif aux nouveaux aliments (JO 2015, L 327, p. 1), a abrogé le règlement no 258/97 à compter du 1er janvier 2018.

9.

Le considérant 6 du règlement 2015/2283 est libellé comme suit :

« Il y a lieu de clarifier et de mettre à jour la définition existante des nouveaux aliments dans le règlement (CE) no 258/97 par un renvoi à la définition générale des denrées alimentaires prévue dans le règlement (CE) no 178/2002 du Parlement européen et du Conseil. »

10.

Le considérant 8 du règlement 2015/2283 prévoit :

« Le champ d’application du présent règlement devrait, en principe, demeurer identique à celui du règlement (CE) no 258/97. Toutefois, étant donné l’évolution scientifique et technologique depuis 1997, il y a lieu de revoir, de préciser et de mettre à jour les catégories d’aliments qui constituent de nouveaux aliments. Ces catégories devraient inclure les insectes entiers et leurs parties […] »

11.

L’article 2, paragraphe 1, du règlement 2015/2283 dispose que « [l]e présent règlement s’applique à la mise sur le marché dans l’Union de nouveaux aliments ».

12.

Parmi les définitions figurant à l’article 3, paragraphe 2, du règlement 2015/2283, le « nouvel aliment » est défini sous a) de la manière suivante :

« [T]oute denrée alimentaire dont la consommation humaine était négligeable au sein de l’Union avant le 15 mai 1997, indépendamment de la date d’adhésion à l’Union des États membres, et qui relève au moins d’une des catégories suivantes :

[...]

(v)

les denrées alimentaires qui se composent d’animaux ou de leurs parties, ou qui sont isolées ou produites à partir d’animaux ou de leurs parties, à l’exception des animaux obtenus par des pratiques de reproduction traditionnelles qui ont été utilisées pour la production de denrées alimentaires dans l’Union avant le 15 mai 1997, et pour autant que les denrées alimentaires provenant de ces animaux aient un historique d’utilisation sûre en tant que denrées alimentaires au sein de l’Union ;

[...] »

13.

L’article 35, paragraphe 2, du règlement 2015/2283, intitulé « Mesures transitoires », dispose :

« Les denrées alimentaires n’entrant pas dans le champ d’application du règlement (CE) no 258/97, qui sont légalement mises sur le marché au plus tard le 1er janvier 2018 et qui entrent dans le champ d’application du présent règlement peuvent continuer d’être mises sur le marché jusqu’à ce qu’une décision soit prise en conformité avec les articles 10 à 12 ou avec les articles 14 à 19 du présent règlement à la suite d’une demande d’autorisation d’un nouvel aliment ou d’une notification d’un aliment traditionnel en provenance d’un pays tiers qui est introduite pour la date fixée dans les modalités d’exécution adoptées conformément à l’article 13 ou 20 du présent règlement, respectivement, mais au plus tard le 2 janvier 2020. »

III. Les faits, la procédure nationale et la question préjudicielle

14.

Entoma (ci‑après la « requérante ») est une société commercialisant des produits constitués de vers de farine, de criquets et de grillons destinés à l’alimentation humaine sous la forme d’insectes entiers.

15.

Par arrêté du 27 janvier 2016, le préfet de police de Paris (France) a suspendu la mise sur le marché de ces produits et a ordonné leur retrait de la consommation jusqu’à l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché, délivrée après une évaluation démontrant que ces produits ne présentent pas de danger pour le consommateur.

16.

La requérante a introduit une demande tendant à l’annulation de cet arrêté devant le tribunal administratif de Paris (France). Par un jugement du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande. Le 22 mars 2018, la cour administrative d’appel de Paris (France) a rejeté l’appel formé par la requérante.

17.

Devant la juridiction de renvoi, à savoir le Conseil d’État (France) saisi sur pourvoi, la requérante a notamment fait valoir que la juridiction d’appel a commis une erreur de droit en jugeant que la commercialisation de ses produits était soumise aux dispositions du règlement no 258/97. Toutefois, les insectes entiers consommés pour eux-mêmes étaient exclus du champ d’application de ce dernier. Les insectes entiers relèvent des mesures transitoires prévues à l’article 35, paragraphe 2, du règlement 2015/2283. Pour sa part, le ministre de l’Économie et des Finances a soutenu que le règlement no 258/97, qui poursuivait un objectif de santé publique, s’appliquait également aux insectes entiers, étant donné que la consommation d’insectes entiers présentait autant de risques que celle d’ingrédients alimentaires isolés à partir d’animaux.

18.

C’est dans ce contexte factuel et juridique que le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 1er, paragraphe 2, sous e), du règlement [no 258/97] doit-il être interprété comme incluant dans son champ d’application des aliments composés d’animaux entiers destinés à être consommés en tant que tels ou ne s’applique-t-il qu’à des ingrédients alimentaires isolés à partir d’insectes ? »

19.

La requérante, les gouvernements français et italien, ainsi que la Commission européenne ont déposé des observations écrites.

IV. Analyse

20.

Les présentes conclusions adopteront le plan suivant. S’il ne fait guère de doute que les animaux entiers, y compris les insectes, sont en effet désormais couverts par le nouveau règlement 2015/2283 (A), cela n’était clairement pas le cas, au regard de son libellé, en ce qui concerne le règlement no 258/97 (B). En outre, l’élargissement téléologique du champ d’application d’un instrument de droit dérivé allant à l’encontre du libellé clair de ce dernier, comme le laissent entendre en substance les gouvernements français et italien, n’a pas grand-chose à voir, à mon sens, avec l’interprétation d’un texte existant, mais concerne en réalité la rédaction d’un nouveau texte (C).

A.   L’article 3, paragraphe 2, sous a), point v), du règlement 2015/2283

21.

D’une manière quelque peu inhabituelle, je commencerai par la réglementation qui ne s’applique pas à la présente affaire, le règlement 2015/2283, qui, conformément à son article 36, est entré en vigueur le 1er janvier 2018, et la définition des nouveaux aliments qu’il contient.

22.

La nouvelle définition de « nouvel aliment » prévue à l’article 3, paragraphe 2, sous a), du règlement 2015/2283, comporte deux critères cumulatifs : i) toute denrée alimentaire dont la consommation humaine était négligeable au sein de l’Union avant le 15 mai 1997, et ii) qui relève au moins d’une des dix catégories énumérées à l’article 3, paragraphe 2, sous a).

23.

Le point v) de cette énumération est pertinent pour la présente affaire. Cette catégorie inclut « les denrées alimentaires qui se composent d’animaux ou de leurs parties, ou qui sont isolées ou produites à partir d’animaux ou de leurs parties, à l’exception des animaux obtenus par des pratiques de reproduction traditionnelles qui ont été utilisées pour la production de denrées alimentaires dans l’Union avant le 15 mai 1997, et pour autant que les denrées alimentaires provenant de ces animaux aient un historique d’utilisation sûre en tant que denrées alimentaires au sein de l’Union » ( 4 ).

24.

La consommation humaine d’insectes ne relève peut-être pas de l’évidence. Il s’agit pourtant d’animaux (invertébrés). Les vers de farine, les criquets ou les grillons entiers sont donc clairement des denrées alimentaires composées d’animaux ou des denrées alimentaires produites à partir de ces derniers. En outre, si l’on met de côté les plaisanteries concernant la consommation (non) intentionnelle, les insectes n’étaient, il faut le reconnaître, pas utilisés pour la consommation humaine à un niveau non négligeable avant le 15 mai 1997. De surcroît, le considérant 8 prévoit expressément que « les catégories d’aliments qui constituent de nouveaux aliments [...] devraient inclure les insectes entiers et leurs parties ».

25.

Ainsi, dans le cadre de ce nouveau régime, les insectes entiers destinés à l’alimentation humaine relèvent du règlement 2015/2283. La raison pour laquelle ce régime, qui n’était pas applicable dans la présente affaire, est mentionné à titre liminaire, est double.

26.

Premièrement, les gouvernements français et italien soutiennent en substance que le nouveau régime et les nouvelles définitions ne font que clarifier ce que le règlement no 258/97 prévoyait déjà auparavant. Par conséquent, une comparaison entre les deux libellés s’impose.

27.

Deuxièmement, la relation entre les champs d’application matériels des deux règlements présente également une pertinence temporelle. Il ressort de l’article 35, paragraphe 2, du règlement 2015/2283 que les produits relevant du champ d’application matériel du nouveau règlement, mais non de celui du règlement antérieur, qui avaient été légalement mis sur le marché avant le 1er janvier 2018, pouvaient rester sur le marché jusqu’au 2 janvier 2020, sauf si l’une des hypothèses visées dans cette disposition se concrétisait. Par conséquent, s’il était établi que les produits en cause n’étaient pas matériellement couverts par le règlement antérieur, mais avaient cependant été légalement mis sur le marché à cette époque, il s’ensuivrait que la commercialisation de ces produits pouvait provisoirement continuer jusqu’au 2 janvier 2020.

B.   L’article 1er, paragraphe 2, sous e), du règlement no 258/97

28.

La juridiction de renvoi demande si les animaux entiers, en particulier les insectes entiers destinés à l’alimentation humaine, relevaient déjà du champ d’application matériel du règlement no 258/97, aux fins de déterminer si, à la date des faits en cause au principal, lorsque le règlement no 258/97 était encore en vigueur, la commercialisation des produits en question était soumise à autorisation au titre du règlement no 258/97.

29.

Selon la requérante et la Commission, il ressort du libellé de cette disposition que les denrées alimentaires constituées d’animaux entiers n’étaient pas couvertes par l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 258/97. Partant, les insectes entiers ne relevaient ni de la catégorie des ingrédients alimentaires isolés à partir d’animaux [article 1er, paragraphe 2, sous e) de ce règlement], ni d’une autre catégorie énumérée audit article 1er, paragraphe 2. Les gouvernements français et italien contestent cette conclusion sur le fondement de l’économie générale et de la finalité de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 258/97.

1. Le libellé

30.

L’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 258/97 prévoyait deux conditions cumulatives pour que des aliments ou ingrédients alimentaires soient qualifiés de « nouveaux » et relèvent de ce régime réglementaire. En premier lieu, une condition temporelle : le règlement no 258/97 s’appliquait à la mise sur le marché, dans ce qui était alors la Communauté, d’aliments et d’ingrédients alimentaires pour lesquels la consommation humaine était jusque-là (c’est-à-dire avant 1997) restée négligeable pour l’alimentation humaine dans la Communauté. En second lieu, une condition de fond : les aliments et ingrédients alimentaires devaient relever de l’une des catégories énumérées audit article 1er, paragraphe 2.

31.

La question posée par la juridiction de renvoi ne porte pas sur la première condition, à savoir la condition temporelle. Malgré l’intérêt qu’elles peuvent sans doute susciter, les questions de preuve liées à la question de savoir comment et qui doit établir le caractère « négligeable pour l’alimentation » au sein de la Communauté, ce qui inclurait l’Union dans son ensemble et pas seulement un État membre ou une partie de celui-ci, ne font pas l’objet du présent renvoi préjudiciel.

32.

Par conséquent, pour passer directement à la condition de fond, que faut-il entendre par « ingrédients alimentaires isolés à partir d’animaux » ?

33.

Le règlement n’a défini ni la notion d’« ingrédients » ni celle d’« isolés à partir de ». Toutefois, il ressort d’une jurisprudence constante que la détermination de la signification et de la portée des termes pour lesquels le droit de l’Union ne fournit aucune définition doit être établie conformément au sens habituel de ceux-ci dans le langage courant, tout en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ils font partie ( 5 ).

34.

L’Oxford English Dictionary définit les ingrédients comme « tous les aliments ou substances qui sont combinés pour former un plat particulier » et isoler comme « le fait d’identifier quelque chose et de le traiter séparément ou, en chimie-biologie, d’obtenir ou d’extraire (par exemple, un mélange) sous une forme pure ». En outre, la Commission a indiqué que la notion d’ingrédient a été définie dans un autre acte de l’Union par : « [T]oute substance ou tout produit, y compris les arômes, les additifs alimentaires et les enzymes alimentaires, et tout constituant d’un ingrédient composé, utilisé dans la fabrication ou la préparation d’une denrée alimentaire et encore présent dans le produit fini, éventuellement sous une forme modifiée. » ( 6 )

35.

Ainsi, un ingrédient alimentaire est, quelle que soit la langue officielle utilisée ( 7 ), un élément faisant partie d’un produit final composite, plus large. Il ne s’agit pas normalement d’un produit destiné à être consommé en lui-même, mais d’un produit à ajouter pour créer d’autres aliments ou un plat particulier. Certes, je reconnais qu’en ce qui concerne certaines substances, cette distinction peut être un peu floue. Il existe plusieurs ingrédients qui peuvent être consommés en tant que tels (par exemple, le miel ou le sucre).

36.

Cependant, cela n’est pas le cas des animaux entiers. À cet égard, les animaux entiers sont peu susceptibles d’être un ingrédient. Au moins pour les humains carnivores, ils constituent la denrée alimentaire et non un ingrédient alimentaire. Puisque l’article 1er, paragraphe 2, sous e), du règlement no 258/97 faisait clairement une distinction entre les denrées alimentaires (produits) et les ingrédients alimentaires et ne couvrait ces derniers qu’en ce qui concerne les animaux, il y a lieu de conclure que les animaux consommés en tant que tels, en partie ou entièrement, ne pourraient pas constituer un « ingrédient » alimentaire au sens du règlement no 258/97.

37.

Nous en venons à l’expression « isolés à partir d’ » animaux ( 8 ). Contrairement, notamment, à « composés de » ou « produits à partir de » ( 9 ), l’expression « isolés à partir de » fait référence à un processus d’extraction à partir de l’animal, qu’il s’agisse de l’animal entier ou de ses parties, ce qui limite davantage le champ d’application de ce règlement en ce qui concerne les animaux. « Isolés à partir de » pourrait être lu de deux façons. Premièrement, comme un processus chimique, biologique ou mécanique, par lequel des essences, des substrats, des poudres, en ce sens, en réalité, tout type d’ingrédients, sont extraits d’animaux. Ce serait certainement la lecture la plus logique. Deuxièmement, l’on pourrait aussi, dans une certaine mesure, considérer que le processus d’isolement ne se limite pas à l’extraction mécanique d’un ingrédient du corps d’un animal. Dans cette dernière acception, « isolés à partir de » pourrait peut-être aussi signifier être retiré d’un animal, ce qui renverrait donc effectivement à une partie distincte d’un animal ou d’un organe.

38.

Cependant, aucune lecture d’« isolés à partir de » ne permettrait de désigner un animal entier, à moins de créer une tautologie selon laquelle les animaux entiers sont « isolés à partir d[’] » animaux entiers ( 10 ).

39.

Enfin, en combinant en un seul plat certains ingrédients de la définition prévue à l’article 1er, paragraphe 2, sous e), du règlement no 258/97, les ingrédients alimentaires isolés à partir d’animaux feraient référence, selon le sens commun, aux composants provenant d’animaux qui sont ajoutés à d’autres denrées alimentaires. En d’autres termes : i) les animaux entiers consommés en tant que tels n’étaient donc pas inclus ; ii) les parties d’animaux consommées en tant que telles n’étaient pas incluses ; iii) les animaux entiers utilisés en tant qu’ingrédient pour la préparation d’un plat n’étaient, dans la mesure du possible, pas inclus ; iv) seuls des parties ou éléments spécifiques d’animaux utilisés en tant qu’ingrédient pouvaient être inclus.

40.

Pour quitter le domaine de l’abstraction et utiliser un exemple précis : qu’en est-il de la consommation des cuisses de grenouilles ? Selon mon interprétation de la notion d’« ingrédients alimentaires isolés à partir d’animaux » ( 11 ), la consommation humaine de cuisses de grenouilles ne relèverait pas de l’article 1er, paragraphe 2, sous e), du règlement no 258/97. Les cuisses de grenouilles sont des parties d’animaux à consommer en tant que telles, et non un ingrédient isolé à partir d’animaux. En revanche, une hypothétique poudre de cuisses de grenouilles ou farine de grenouilles, si tant est qu’elles existent effectivement en tant qu’ingrédients isolés à partir de grenouilles, pourraient, en fait, en relever.

41.

Il doit donc en aller de même pour les parties d’insectes. Cela est vrai, a fortiori, pour les insectes entiers. Certes, le règlement no 258/97 aurait potentiellement pu s’appliquer aux ingrédients isolés à partir d’insectes dans le cas d’une utilisation comme composants d’autres produits ( 12 ). Cependant, il ressort du libellé de ce règlement que celui-ci ne s’appliquait clairement pas aux insectes entiers destinés à être consommés en tant que tels, tout comme il n’était pas censé s’appliquer à de quelconques autres animaux entiers.

2. Le contexte

42.

Deux éléments de contexte législatif méritent d’être mentionnés : le système et la logique internes du règlement no 258/97 (a) et, au regard des informations disponibles, le contexte historique et l’intention du législateur (b). Ces deux points apportent une réponse aux arguments structurels soulevés par les gouvernements français et italien, concernant la logique interne et la cohérence des choix réglementaires opérés par le législateur communautaire à l’époque (c).

a) La logique interne : les micro-modifications de structure

43.

Une consultation rapide des autres catégories spécifiques de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 258/97, qui étaient censées composer l’élément matériel de la définition d’« aliment nouveau » est très révélatrice. Les six catégories initiales ( 13 ) avaient un dénominateur commun assez clair : l’aliment ou les ingrédients alimentaires étaient soit modifiés génétiquement [sous a) et b)], au niveau moléculaire [sous c)] ou au niveau micro(biologique) [sous d)], soit créés par un nouveau procédé de production qui n’est pas actuellement utilisé, entraînant dans la composition ou dans la structure des aliments des modifications significatives [sous f)]. En résumé, et de manière simplifiée, ce sont clairement les micro-modifications dans les organismes consommés en définitive par l’homme qui étaient censées relever de cet instrument.

44.

Un tel contexte et une telle logique internes ne font que confirmer que la lecture littérale de l’article 1er, paragraphe 2, sous e), du règlement no 258/97 est correcte : si la logique des catégories de l’article 1er, paragraphe 2, visait à couvrir les micro-modifications, il serait plutôt surprenant que, soudainement, une catégorie d’une telle liste soit applicable à des animaux entiers sans que ceux-ci soient modifiés de quelque manière que ce soit au niveau microbiologique. Ainsi, l’économie générale de l’article 1er, paragraphe 2, éclaire plutôt bien sur ce que le législateur européen a vraisemblablement visé sous e), à savoir précisément ce qu’il énonce : des ingrédients alimentaires isolés (à savoir, à cet égard, principalement de manière biologique ou chimique, ou de toute autre manière induisant des modifications au niveau microbiologique) à partir d’animaux.

b) Le contexte historique et l’intention du législateur

45.

En ce qui concerne le contexte historique et l’intention du législateur, la Commission soutient qu’il est incertain que le législateur de l’Union ait voulu spécifiquement cibler les insectes. Il est encore plus incertain qu’il ait été conscient des risques que la consommation de tels produits pouvait comporter. Il est probable que le législateur de l’Union a décidé de ne réglementer que les produits dont il escomptait, en 1997, la mise sur le marché.

46.

La genèse de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 258/97 indique que la Commission a initialement proposé une approche plutôt détaillée. Dans son projet de règlement initial de 1992, la Commission a en effet proposé d’inclure des produits « fabriqué[s] à partir d’un organisme, consistant en un organisme ou contenant un organisme, ou une partie d’un organisme qui n’[ont] pas encore fait [leurs] preuves dans le domaine de l’alimentation » ( 14 ). Cette définition qui est effectivement large a disparu dans la proposition modifiée de la Commission à la suite de la première lecture du Parlement européen.

47.

Ainsi, pour autant que l’on puisse établir un quelconque début d’intention, il apparaît plutôt que la large définition initiale a été considérablement réduite. Le législateur européen n’avait pas l’intention d’inclure de manière exhaustive les nouveaux aliments relatifs aux animaux, à l’exception des éléments résiduels visés à l’article 1er, paragraphe 2, sous e), sous la forme de la sous-catégorie restreinte relative aux « ingrédients alimentaires isolés à partir d’animaux ». Cela est, en quelque sorte, compréhensible, car, en 1997, les aliments d’origine animale disponibles semblaient avoir été longtemps utilisés en tant qu’aliments. Il n’existait pas de nouveaux aliments de ce type en Europe en ce qui concerne les animaux entiers, les aliments traditionnels étant déjà couverts par d’autres textes législatifs de l’Union ( 15 ).

48.

Enfin, en ce qui concerne les insectes en tant qu’aliments, il apparaît que le législateur de l’Union n’avait pas d’intention particulière à leur égard. Après tout, pourquoi le devait-il ? Consommer des insectes entiers ou des parties de ceux-ci n’était pas vraiment au menu en Europe à ce moment-là.

c) Interpréter ou justifier les choix législatifs

49.

Malgré le libellé clair et les arguments structurels qui viennent d’être exposés, les gouvernements français et italien défendent la thèse selon laquelle les insectes entiers étaient inclus dans le règlement no 258/97 sur la base de l’économie générale et de la finalité de ce dernier. En ce qui concerne la structure du règlement no 258/97, les arguments soulevés par ces gouvernements sont en substance de deux types.

50.

Premièrement, l’article 1er, paragraphe 2, sous e), du règlement no 258/97 établissait une distinction claire selon que les aliments ou les ingrédients alimentaires provenaient de plantes ou d’animaux. Les aliments issus de plantes relevaient entièrement du règlement no 258/97, ce dernier couvrant « les aliments et ingrédients alimentaires consistant en végétaux ou isolés de végétaux ». Ainsi, l’article 1er, paragraphe 2, sous e), incluait en effet i) les aliments composés de plantes, ii) les aliments isolés à partir de plantes, iii) les ingrédients alimentaires composés de plantes et iv) les ingrédients alimentaires isolés à partir de plantes ( 16 ). En revanche, en ce qui concerne les denrées alimentaires d’origine animale, l’article 1er, paragraphe 2, sous e), ne couvrait qu’une sous-catégorie, à savoir les ingrédients alimentaires qui étaient isolés à partir d’animaux. À ce titre, le gouvernement français maintient que même si les expressions utilisées à l’égard des animaux, d’une part, et des plantes, d’autre part, sont effectivement différentes quant à leur texte, elles doivent être lues de la même manière.

51.

Deuxièmement, il y a la question de la logique interne dans la catégorie des animaux elle-même, qui se résume au point de savoir pourquoi seuls les ingrédients isolés à partir d’animaux devraient être couverts et non les animaux entiers. À cet égard, le gouvernement français soutient qu’il serait illogique de faire une distinction entre les aliments et les ingrédients alimentaires puisque tous seront finalement consommés par les consommateurs. Il serait également dénué de sens d’appliquer les règles relatives aux nouveaux aliments aux ingrédients alimentaires contenant des parties d’insectes, mais d’exclure les insectes entiers, comme le soutient aussi le gouvernement italien.

52.

En outre, le gouvernement français estime que le fait de considérer que les insectes entiers et leurs parties n’étaient pas inclus dans le champ d’application du règlement no 258/97 violerait le principe de non-discrimination entre les entreprises commercialisant des denrées alimentaires contenant des insectes et celles commercialisant des insectes entiers destinés à la consommation humaine. Étant donné qu’elles se trouvent toutes deux dans une situation comparable, elles devraient être soumises à la même législation.

53.

Selon moi, les arguments soulevés par le gouvernement français sous le titre « Régime général » relèvent de la catégorie des arguments « et pourquoi pas également », qui, au niveau le plus élémentaire, et dans le domaine de l’interprétation d’un texte juridique, peuvent recevoir la réponse simple « parce que ce n’est pas mentionné ». Ces arguments remettent en question les choix et les catégories établis par le législateur de l’Union, en laissant entendre que, peut-être, quelque chose d’autre devait être inclus. Dès lors, ils laissent apparaître en filigrane ce qui est en substance l’argument principal avancé par le gouvernement français, que celui-ci a pleinement développé en ce qui concerne l’objectif et la finalité du règlement no 258/97 : puisque la mesure vise à protéger la santé publique et que le gouvernement estime que les insectes entiers peuvent également poser des problèmes en termes de santé publique, ils devraient être également inclus, quoi qu’en dise le texte.

54.

Je traiterai ces arguments dans la section suivante, en ce qui concerne la finalité du règlement no 258/97 et ce qu’elle peut impliquer pour l’interprétation de ces notions. Toutefois, à mon avis et en tout état de cause, la réponse structurelle à ces questions a déjà été donnée aux points a) et b) de la présente section, dans la mesure où il convient en fait d’apporter une réponse de ce type lors de l’interprétation d’une disposition claire du droit dérivé (lorsque la question à laquelle il faut répondre concerne normalement la signification du contenu de la législation), contrairement à ce qu’il sera requis lors d’une contestation de sa validité [lorsque le législateur peut en effet se voir demander ce qui a motivé son choix de (ne pas) inclure certaines autres catégories, devant ainsi expliquer et justifier la logique législative sous-jacente].

55.

Il apparaît que le règlement no 258/97 visait les ingrédients d’origine animale et non les animaux entiers, car son objectif global se situait au niveau des micro- et non des macro-modifications des aliments. Le législateur semble avoir fait le choix de viser davantage les plantes (entières) que les animaux (entiers) car, au moment de l’adoption de ce règlement, alors que les plantes avaient été modifiées durant des décennies ( 17 ), les Européens n’avaient pas encore commencé à modifier leurs habitudes de consommation en ce qui concerne les animaux. Ainsi, il n’était sans doute pas nécessaire d’inclure les animaux entiers, à l’exception de ceux déjà couverts par d’autres points de l’article 1er, paragraphe 2.

C.   Le libellé du règlement no 258/97 « réinterprété » à la lumière de (l’une de) sa (ses) finalité(s) ?

56.

L’argument clé avancé par le gouvernement français, conforté par un certain nombre d’études et de rapports fournis par ses agences nationales auxquels il fait référence, concerne la finalité de protection poursuivie par le règlement no 258/97. Il se présente de la façon suivante. L’objectif déclaré dudit règlement est la protection de la santé publique. En vue d’atteindre cet objectif, le règlement couvrait les ingrédients alimentaires isolés à partir d’animaux. Ainsi, les ingrédients isolés des insectes étaient également couverts. Par conséquent, si le législateur de l’Union reconnaissait que des parties d’insectes pouvaient présenter un risque pour la santé et devaient donc être couvertes par le règlement, les insectes entiers devraient a fortiori être également couverts par le règlement, puisqu’ils présentent les mêmes risques, voire des risques plus importants.

57.

Selon la requérante, l’objectif du précédent règlement de protection de la santé publique n’a aucune d’incidence sur le fait que des insectes entiers n’étaient pas inclus dans son champ d’application matériel. Le libellé de ce règlement est suffisamment clair. Il n’est donc pas nécessaire de recourir à une interprétation téléologique du règlement no 258/97.

58.

Selon la Commission, l’exclusion des insectes entiers était conforme à l’autre objectif du règlement no 258/97, à savoir contribuer à l’établissement du marché intérieur. Si le législateur européen peut s’appuyer sur l’article 114 TFUE pour prévenir de futures entraves au commerce résultant de divergences entre les législations nationales, l’apparition de telles entraves doit être probable et la mesure en cause doit avoir pour but de les éviter.

59.

Ce que les gouvernements français et italien proposent dans les faits est un élargissement téléologique du champ d’application du règlement no 258/97. Quelque chose qui n’était pas initialement prévu devrait maintenant l’être, car il présente le même type de danger.

60.

Il existe, en effet, dans l’arsenal judiciaire, une technique d’interprétation appelée réduction téléologique : ce qui, dans l’interprétation usuelle des notions utilisées dans la législation en cause, est à première vue inclus, sera finalement exclu par le juge parce que, compte tenu de la finalité et de l’objet de la législation, cela n’aurait pas dû être initialement inclus. Il y aurait eu inclusion uniquement parce que les législateurs utilisent habituellement des notions larges et ouvertes. Il peut donc arriver que leur application sans réduction téléologique soit indûment trop large.

61.

Or, le fait de retenir la finalité déclarée d’une mesure législative ou, comme la Commission le souligne à juste titre, seulement l’une de ses finalités, et, sur ce fondement, dans le silence ou même à l’encontre de la formulation claire de cet instrument, d’ajouter de nouvelles catégories non prévues auparavant par cette législation peut en effet être appelé « extension téléologique du champ d’application matériel » d’un instrument législatif. Outre cet euphémisme, ce procédé est toutefois aussi plus communément connu sous un nom différent : légiférer.

62.

Il serait en effet quelque peu hypocrite de commencer maintenant à reprocher au gouvernement français de ne pas respecter cette limite dans ses observations. Il est juste d’admettre que le bilan de cette Cour en ce qui concerne le respect de cette limite de la fonction judiciaire dans le passé est loin d’être impeccable. Dans ce qui suit, après avoir traité l’argument selon lequel le règlement 2015/2283 n’est qu’une simple clarification de ce qui a toujours figuré dans le règlement no 258/97 (1), j’essayerai de convaincre la Cour, une fois de plus, de ne pas s’engager dans de tels types de réajustements interprétatifs ex post ou plutôt de réécriture de ce qui est, par ailleurs, une disposition claire de droit dérivé (2).

1. Le règlement 2015/2283 : modification ou codification ?

63.

Le gouvernement français propose, pour établir le champ d’application du règlement no 258/97, de l’interpréter à la lumière du règlement 2015/2283. Il considère que, dans l’intention du législateur, le champ d’application du règlement 2015/2283 ne devait pas être plus large que celui du règlement no 258/97. Le nouveau règlement n’a fait que clarifier ce champ d’application au vu de l’évolution scientifique et technologique depuis 1997. Le fait que les insectes entiers et leurs parties soient désormais expressément inclus dans les nouvelles règles ne signifie pas que cela n’était pas déjà le cas en application des règles précédentes.

64.

Pour défendre cette position, le gouvernement français s’appuie sur les considérants 6 et 8 du règlement 2015/2283. Le considérant 6 prévoit qu’« il y a lieu de clarifier et de mettre à jour la définition existante des nouveaux aliments dans le règlement (CE) no 258/97 » ( 18 ). Aux termes du considérant 8, « le champ d’application du présent règlement devrait, en principe, demeurer identique à celui du règlement (CE) no 258/97. Toutefois, étant donné l’évolution scientifique et technologique depuis 1997, il y a lieu de revoir, de préciser et de mettre à jour les catégories d’aliments qui constituent de nouveaux aliments. Ces catégories devraient inclure les insectes entiers et leurs parties » ( 19 ).

65.

À l’inverse, ces deux considérants sont interprétés différemment par la requérante et la Commission. En particulier, selon la requérante, le fait que des insectes entiers relèvent désormais du champ d’application du règlement 2015/2283 n’implique pas nécessairement que les règles antérieures les incluaient. L’inclusion des insectes entiers n’est pas une simple clarification, mais un ajout à la définition précédente de nouvel aliment.

66.

Compte tenu du libellé clair des deux dispositions, examiné en détail dans les sections précédentes des présentes conclusions, il me semble que l’argument du gouvernement français ne saurait convaincre. Premièrement, il suffit de comparer les formulations des deux conditions dans les règlements respectifs : « ingrédients alimentaires isolés à partir d’animaux », d’une part, et « denrées alimentaires qui se composent d’animaux ou de leurs parties, ou qui sont isolées ou produites à partir d’animaux ou de leurs parties », d’autre part. Deuxièmement, au niveau des considérants cités, le gouvernement français semble se concentrer uniquement sur le mot « clarifier », tout en omettant les termes tout aussi présents et explicitement formulés « mettre à jour » et « revoir ».

67.

Troisièmement, au niveau structurel, l’existence même d’une disposition telle que l’article 35, paragraphe 2, du règlement 2015/2283 démontre que le législateur européen était bien conscient du fait que le champ d’application matériel du règlement est dans l’ensemble beaucoup plus large que celui du règlement précédent de 1997. C’est également la raison pour laquelle il était nécessaire de prévoir une période transitoire pour prendre en compte les produits qui étaient légalement mis sur le marché au moment de l’entrée en vigueur du règlement 2015/2283, mais qui n’étaient pas couverts par le règlement no 258/97. Selon la Commission, l’article 35, paragraphe 2, du règlement 2015/2283 visait, en réalité, les insectes entiers afin de garantir que ces denrées puissent encore librement circuler sur le marché, bien que pour une durée limitée, après l’entrée en vigueur du règlement 2015/2283.

68.

Ainsi, le champ d’application de la définition relative aux denrées alimentaires provenant d’animaux, prévue à l’article 3, paragraphe 2, sous a), point v), du règlement 2015/2283, constitue, comparé à l’article 1er, paragraphe 2, sous e), du règlement no 258/97, très clairement une modification qui élargit considérablement le champ de cette définition.

2. L’interprétation (ou la réinterprétation) dynamique du champ d’application du règlement no 258/97 par le biais de sa finalité (dans un contexte social modifié) ?

69.

Il reste, enfin, l’argument de la nécessité d’une « mise à jour jurisprudentielle » de ce que l’on dit être une législation européenne dépassée. Même si l’on admettait qu’il n’y avait pas de lacune à l’époque, puisque les insectes n’étaient pas vraiment au menu en 1997, il existait apparemment une lacune en 2016, lorsque le préfet de police de Paris a ordonné à Entoma de les retirer du marché. Ne devrait-on donc pas pouvoir recourir à une « interprétation dynamique » de l’article 1er, paragraphe 2, sous e), du règlement no 258/97 pour conclure que les animaux entiers relèvent du champ d’application de ce dernier règlement en raison de l’évolution ultérieure des habitudes alimentaires et de l’apparition de nouveaux risques qui y sont liés ?

70.

En effet, l’interprétation de notions juridiques (indéterminées) ne doit jamais être statique. Cette interprétation doit réagir aux évolutions sociétales, à la fois techniques et sociales ( 20 ). Les catégories morales évoluent au fil du temps ( 21 ). Il en va de même de définitions plus techniques, telles que celles d’« aliments » par exemple. L’interprétation de ces notions ne peut pas être figée dans le temps.

71.

Cela étant dit, il existe en droit des limites à ce dynamisme lorsque celui-ci est le fait d’une juridiction. On peut citer trois limites générales, applicables de manière transversale, ainsi qu’une autre limite particulièrement pertinente dans les domaines très techniques.

72.

Tout d’abord, et avant toutes choses, le texte lui-même constitue la limite. L’interprétation dynamique proposée doit être conforme au sens usuel des mots, ceux-ci étant interprétés dans leur contexte évolutif. Ainsi, dans le cas peu probable où un texte de 1850 ferait référence à la « responsabilité pour les véhicules », cette responsabilité telle qu’elle serait interprétée aujourd’hui inclurait la voiture (à moteur), ainsi que la voiture électrique. Si le texte faisait référence à la « responsabilité pour les fiacres », il serait peut-être encore possible, sous certaines conditions, d’inclure une voiture (à moteur) dans cette notion. Cependant, si le texte devait se lire « responsabilité pour les petites voitures de louage à deux roues tirées par un cheval », il ne serait tout simplement plus possible d’englober une voiture (à moteur) dans cette notion.

73.

Il importe donc de savoir ce qu’un texte donné peut plausiblement contenir, dans le cadre de son imprécision sémantique raisonnablement concevable, comme limite naturelle à tout espace juridique. En l’espèce, les animaux entiers destinés à être consommés en tant que tels ne peuvent tout simplement pas être classés en tant qu’« ingrédients alimentaires isolés à partir d’animaux ». Selon la jurisprudence constante de la Cour, du moins en ce qui concerne les limites de l’interprétation conforme qui s’applique aux juridictions nationales ( 22 ), l’interprétation ne saurait être contra legem ( 23 ).

74.

La deuxième limite est l’impératif de sécurité juridique et de prévisibilité du droit, en particulier pour les particuliers, qui doivent pouvoir, au moins dans une certaine mesure, prévoir quel est le régime juridique applicable et adapter leur comportement en conséquence ( 24 ). Des écarts inattendus et donc imprévisibles comparés au sens usuel des mots rendent la navigation dans tout système juridique semblable au fait de marcher sur des sables mouvants. Le manque de stabilité juridique dans l’interprétation favorise le cynisme à l’égard des règles et le mépris de la loi : pourquoi se soucier de la loi si quelque chose est susceptible de signifier autre chose du jour au lendemain ?

75.

Les mêmes limites sont a fortiori applicables lorsque l’acte de l’Union en question impose des obligations ou des sanctions ( 25 ). Si la présente affaire ne concerne pas des sanctions, elle porte sur la fixation d’obligations pour les exploitants sur le marché, obligations auxquelles ils n’auraient pas été soumis dans le cadre d’une interprétation usuelle des règles précédemment applicables.

76.

La troisième limite, à savoir l’argument concernant la séparation horizontale des pouvoirs au sein de l’Union, plus fréquemment appelée « équilibre institutionnel », pourrait sans doute, une nouvelle fois, au regard de sa mise en œuvre effective, ne pas être l’argument le plus solide. Toutefois, dans le contexte juridique de l’Union, les mêmes limites à l’interprétation ont également des implications verticales ou diagonales : l’élargissement, sur le plan de l’interprétation, du champ d’application d’un acte de l’Union a normalement pour conséquence de modifier la répartition des compétences entre l’Union et les États membres sur cette question donnée.

77.

Sur ce point, la présente affaire est surprenante. Les rôles traditionnels semblent être quelque peu inversés. Les gouvernements français et italien ne cherchent pas, en réalité, à recouvrer une compétence réglementaire qui, selon la bonne interprétation du champ d’application de l’acte de l’Union, aurait dû appartenir aux États membres. Ils cherchent à obtenir le contraire.

78.

Cependant, si l’interprétation naturelle du champ d’application du règlement no 258/97 proposée dans les sections précédentes des présentes conclusions devait être maintenue, cela signifierait qu’avant l’entrée en vigueur du règlement 2015/2283, les États membres avaient toujours été libres de réglementer, s’ils le souhaitaient, la mise sur leur marché d’insectes entiers. Cette question n’était tout simplement pas couverte par le règlement no 258/97. Comme la Commission l’a souligné à juste titre, la non-inclusion des animaux entiers signifiait en pratique que les États membres conservaient la compétence d’adopter des règles concernant la mise sur le marché de denrées alimentaires d’origine animale qui n’entraient pas dans le champ d’application du règlement.

79.

C’est dans ce contexte que l’argumentation globale du gouvernement français est quelque peu malaisée. Il ne semble pas que la France ait adopté une telle réglementation nationale, que ce soit en vertu de sa compétence retenue en la matière ou, en cas de doute, en vertu de l’article 12, paragraphe 1, du règlement no 258/97. En outre, il n’est mentionné nulle part dans le dossier que, s’il estimait que des insectes entiers étaient, en dépit du libellé du règlement no 258/97, effectivement couverts par ce dernier, cet État membre aurait demandé que la question soit réglée en tant que question d’interprétation du champ d’application de ce règlement en application des mécanismes expressément prévus par celui-ci (article 1er, paragraphe 3, lu conjointement avec l’article 13 du règlement no 258/97).

80.

Cela ne veut pas dire que, objectivement, les arguments de fond avancés par le gouvernement français quant aux dangers liés à la consommation humaine d’insectes entiers seraient inexacts. Il s’agit plutôt de souligner simplement que, si l’on souhaitait transformer ces considérations en règles contraignantes que les exploitants sur le marché doivent respecter, d’autres voies procédurales auraient été plus appropriées que celle consistant à chercher à étendre a posteriori le champ d’application d’un acte de l’Union à des sujets auxquels il n’est manifestement pas applicable.

81.

La quatrième et dernière limite consiste en l’argument invitant le juge à la prudence dans les domaines spécifiques du droit, en particulier ceux concernant des questions très techniques, dans lesquels les tribunaux ne possèdent que peu de connaissances. Dans ces domaines, le troisième argument général, concernant la séparation des pouvoirs et la légitimité démocratique qui en découle ( 26 ), prend une importance supplémentaire au regard des connaissances et de l’expertise.

82.

Dans le cadre des procédures législatives, lesquelles font partie intégrante du processus politique et délibératif, tant l’avis du public que celui des experts seront entendus et, il faut l’espérer, pris en compte. En revanche, les tribunaux, en particulier ceux qui ne recueillent pas d’avis d’experts ou qui n’auditionnent pas de témoins experts, sont tout simplement mal équipés pour prendre des décisions sur ces questions techniques, en particulier celles pour lesquelles il n’existe pas ou peu de connaissances scientifiques ou de consensus ( 27 ). Ainsi, il vaudrait mieux que leur rôle dans ces domaines reste minimal et se concentre essentiellement sur deux éléments : d’une part, la vérification de l’existence d’une flexibilité, de garanties et de moyens d’adaptation et de précaution en continu dans l’instrument en question, c’est‑à-dire la dimension procédurale de la gestion du risque et de l’incertitude, d’autre part, l’intervention matérielle restreinte à des affaires exceptionnelles dans lesquelles le législateur n’a pas fait preuve de réactivité pour faire face à des changements radicaux des circonstances sociales et techniques ( 28 ).

83.

Or, dans les deux cas de figure, si une telle législation devait être considérée comme lacunaire, la réaction la plus appropriée du juge dans un tel contexte serait d’annuler l’acte attaqué ou les parties dissociables de celui-ci, obligeant ainsi le législateur (de l’Union) à réfléchir à nouveau. Il ne sera que rarement bienvenu qu’une juridiction, y compris la présente Cour, écrive, « par la voie d’interprétation », de nouvelles catégories qui exigent une évaluation technique ou scientifique avancée et une connaissance du sujet.

84.

En conclusion, dans la mesure où ces éléments ne sont, en fait, pas expressément soulevés, car de telles questions porteraient, en réalité, sur la validité d’un acte, il suffit de mentionner que, d’une part, comme cela a été souligné aux points précédents de la présente section, le règlement no 258/97 contenait des clauses et des procédures de sauvegarde et de réexamen qui n’ont apparemment pas été utilisées. D’autre part, le législateur de l’Union s’est effectivement montré attentif aux changements sociaux et scientifiques en ce qui concerne les nouveaux aliments composés d’animaux, comme le démontre assez clairement l’adoption d’un nouveau règlement, le règlement 2015/2283. Ce règlement ne doit cependant pas se voir attribuer une application de facto rétroactive au moyen d’une « interprétation jurisprudentielle » contestable du règlement précédent.

V. Conclusion

85.

Je propose à la Cour de répondre comme suit à la question préjudicielle du Conseil d’État :

L’article 1er, paragraphe 2, sous e), du règlement (CE) no 258/97 du Parlement européen et du Conseil, du 27 janvier 1997, relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires n’inclut pas dans son champ d’application les animaux entiers destinés à être consommés en tant que tels, y compris les insectes entiers.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Règlement (CE) no 258/97 du Parlement européen et du Conseil, du 27 janvier 1997, relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires (JO 1997, L 43, p. 1).

( 3 ) Telle qu’adoptée en 1997 et publiée au JO 1997, L 43, p. 1. Toutefois, au fur et à mesure des modifications apportées au règlement, les points a) et b) ont été retirés. En effet, leur contenu a été repris par d’autres actes de droit dérivé.

( 4 ) Souligné par mes soins.

( 5 ) Voir, notamment, arrêts du 9 novembre 2016, Davitas (C‑448/14, EU:C:2016:839, point 26), et du 26 octobre 2017, The English Bridge Union (C‑90/16, EU:C:2017:814, point 18 et jurisprudence citée).

( 6 ) Article 2, paragraphe 2, sous f), du règlement (UE) no 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires (JO 2011, L 304, p. 18). Il convient de faire observer toutefois que l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 258/97 avait expressément exclu de son champ d’application les arômes, les additifs alimentaires et les solvants d’extraction.

( 7 ) Par exemple, « ingrédients alimentaires » en français ; « Lebensmittelzutaten » en allemand ; « ingredienti alimentari » en italien ; « ingredientes alimentarios » en espagnol ; « składniki żywności » en polonais ; « složky potravin » en tchèque ; « voedselingrediënten » en néerlandais.

( 8 ) Par exemple, « isolés à partir d’animaux » en français ; « aus Tieren isolierte » en allemand ; « isolati a partire da animali » en italien ; « obtenidos a partir de animales » en espagnol ; « pochodzące od zwierząt » en polonais ; « izolované z živočichů » en tchèque ; « uit dieren zijn geïsoleerd » en néerlandais.

( 9 ) Les notions désormais utilisées dans le règlement 2015/2283 (voir points 12 et 23 des présentes conclusions).

( 10 ) Tout en prenant bonne note de la précision factuelle présentée par le gouvernement français selon laquelle tous les insectes vendus sur le marché français pour l’alimentation humaine auraient, d’une manière ou d’une autre, subi un traitement au stade de la commercialisation, pour leur conservation et leur transport. Ils ne seraient donc plus techniquement parlant entiers au moment d’être vendus, à l’instar d’huîtres ou d’œufs, car ils seraient privés, à tout le moins, d’eau. S’il est vrai que cet argument est techniquement valable, il me semble toujours qu’un grillon entier séché reste un grillon, même s’il est vendu sous la forme de chips gastronomiques.

( 11 ) Nonobstant, une fois de plus, la question de savoir si, en 1997, la consommation humaine de cuisses de grenouilles était non négligeable dans la Communauté. La consommation n’était certainement pas négligeable en France. Quant à l’ensemble de l’Union, la situation diffère peut-être.

( 12 ) Tout en reconnaissant que peu d’exemples sautent immédiatement aux yeux dans le cadre de ce paragraphe, si l’on fait abstraction du marché (post-Harry Potter, sans doute florissant) des potions magiques.

( 13 ) Rapportées au point 5 des présentes conclusions.

( 14 ) Annexe I, deuxième tiret, de la proposition de règlement [COM(92) 295 final – SYN 426, (JO 1992, C 190, p. 3)].

( 15 ) Les aliments « traditionnels » ou les ingrédients composés de parties d’animaux ou isolés à partir de ceux-ci étaient, quant à eux, régis de manière générale, entre autres textes législatifs de l’Union, par le règlement (CE) no 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JO 2002, L 31, p. 1).

( 16 ) Naturellement de nouveau à la condition qu’il ne s’agissait pas d’« aliments et [d’]ingrédients alimentaires obtenus par des pratiques de multiplication ou de reproduction traditionnelles et dont les antécédents [étaient] sûrs en ce qui concerne l’utilisation en tant que denrées alimentaires ».

( 17 ) Comme cela est aussi explicitement reconnu par le renvoi du considérant 4 du règlement no 258/97 aux nouvelles variétés végétales et aux variétés des espèces de plantes agricoles.

( 18 ) Souligné par mes soins.

( 19 ) Souligné par mes soins.

( 20 ) Voir mes conclusions dans l’affaire Confédération paysanne e.a. (C‑528/16, EU:C:2018:20, points 100 et suiv.)

( 21 ) Voir récemment, notamment, pour la notion de « bonnes mœurs », arrêt du 27 février 2020, Constantin Film Produktion/EUIPO (C‑240/18 P, EU:C:2020:118, point 39).

( 22 ) Voir, notamment, arrêts du 15 avril 2008, Impact (C‑268/06, EU:C:2008:223, point 100), et du 15 janvier 2014, Association de médiation sociale (C‑176/12, EU:C:2014:2, paragraphe 39).

( 23 ) Mais voir, notamment, arrêt du 27 octobre 2016, Commission/Allemagne (C‑220/15, EU:C:2016:815, points 33 à 48), contraire à ce que j’ai avancé dans mes conclusions dans l’affaire Commission/Allemagne (C‑220/15, EU:C:2016:534, points 23 à 50).

( 24 ) Voir, en ce sens, notamment, arrêts du 18 février 1982, Zuckerfabrik Franken (77/81, EU:C:1982:70, point 23) ; du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys (C‑307/10, EU:C:2012:361, point 60), ainsi que du 2 mars 2017, Glencore Céréales France (C 584/15, EU:C:2017:160, point 55). Voir également, dans le contexte spécifique de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 258/97, conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire Davitas (C‑448/14, EU:C:2016:39, point 32).

( 25 ) Voir, notamment, arrêts du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta/Commission (C‑352/09 P, EU:C:2011:191, points 80 et 81) ; du 5 décembre 2017, M.A.S. et M.B. (C‑42/17, EU:C:2017:936, points 51 à 57), ainsi que du 20 mars 2018, Menci (C‑524/15, EU:C:2018:197, points 46 et 49).

( 26 ) Voir également, à cet égard, les conclusions récentes de l’avocat général Hogan dans l’affaire Autriche/Commission (C‑594/18 P, EU:C:2020:352, point 42).

( 27 ) Pour une reconnaissance réaliste et sage des limites du contrôle juridictionnel dans de telles affaires, voir ordonnance du Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale, Allemagne) du 23 octobre 2018 dans l’affaire no 1 BvR 2523/13 (ECLI:DE:BVerfG:2018:rs20181023.1bvr252313).

( 28 ) Pour le détail, voir mes conclusions dans l’affaire Confédération paysanne e.a. (C‑528/16, EU:C:2018:20, points 139 à 141), ou dans l’affaire Lidl (C‑134/15, EU:C:2016:169, point 90).

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