Choisissez les fonctionnalités expérimentales que vous souhaitez essayer

Ce document est extrait du site web EUR-Lex

Document 62019CJ0114

    Arrêt de la Cour (première chambre) du 11 juin 2020.
    Commission européenne contre Danilo Di Bernardo.
    Pourvoi – Fonction publique – Concours général – Non-admission aux épreuves – Possibilité pour l’administration de compléter la motivation de la décision de non-admission devant le juge – Conditions – Cas exceptionnels – Notion d’“absence de motivation”.
    Affaire C-114/19 P.

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2020:457

     ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

    11 juin 2020 ( *1 )

    « Pourvoi – Fonction publique – Concours général – Non-admission aux épreuves – Possibilité pour l’administration de compléter la motivation de la décision de non-admission devant le juge – Conditions – Cas exceptionnels – Notion d’“absence de motivation” »

    Dans l’affaire C‑114/19 P,

    ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 8 février 2019,

    Commission européenne, représentée par MM. B. Mongin et G. Gattinara, en qualité d’agents,

    partie requérante,

    l’autre partie à la procédure étant :

    Danilo Di Bernardo, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes S. Orlandi et T. Martin, avocats,

    partie demanderesse en première instance,

    LA COUR (première chambre),

    composée de M. J.–C. Bonichot (rapporteur), président de chambre, MM. M. Safjan, L. Bay Larsen, Mme C. Toader et M. N. Jääskinen, juges,

    avocat général : M. P. Pikamäe,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 22 janvier 2020,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    Par son pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 29 novembre 2018, Di Bernardo/Commission (T‑811/16, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:859), par lequel celui-ci a annulé la décision du jury du concours général sur épreuves EPSO/AST-SC/03/15, du 10 août 2016, de ne pas inscrire M. Danilo Di Bernardo sur la liste de réserve pour le recrutement de secrétaires/commis de grade SC 1, dans le domaine de l’appui financier (ci-après la « décision litigieuse »).

    Les antécédents du litige et la décision litigieuse

    2

    Au cours de l’année 2015 a été organisé le concours général EPSO/AST-SC/03/15 en vue de l’établissement de listes de réserve de recrutement de « Secrétaires/Commis (SC 1 et SC 2) » dans trois domaines, notamment celui de l’appui financier.

    3

    Outre la réussite aux épreuves, le point 2 de l’annexe II de l’avis de concours relatif à ce concours général (ci-après l’« avis de concours ») exigeait, dans le domaine de l’appui financier, « un niveau d’enseignement secondaire sanctionné par un diplôme donnant accès à l’enseignement supérieur suivi d’une expérience professionnelle d’une durée minimale de trois ans liée pour l’essentiel à la nature des fonctions ».

    4

    Le titre VI de l’avis de concours prévoyait que ces conditions seraient vérifiées par le jury, à l’issue des résultats des épreuves d’évaluation, sur la base des pièces justificatives jointes par les candidats à leur candidature électronique.

    5

    S’étant porté candidat au concours général en cause dans le domaine de l’appui financier, M. Di Bernardo a soumis les pièces justificatives attestant ses qualifications et son expérience professionnelle et a pris part aux tests d’accès et aux épreuves d’évaluation prévus par l’avis de concours.

    6

    Par courriel du 14 septembre 2015, l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) a informé M. Di Bernardo que le jury du concours général en cause souhaitait avoir de plus amples informations concernant les expériences professionnelles qu’il avait mentionnées aux entrées 2, 5 et 6 de son acte de candidature. Ce jury a notamment souhaité obtenir des documents signés par ses précédents employeurs, décrivant de manière détaillée les fonctions exercées lors de ces expériences professionnelles, ainsi que des copies des contrats de travail, indiquant clairement les dates de début et de fin de ces contrats.

    7

    Par courriel du 15 septembre 2015, M. Di Bernardo a envoyé des pièces justificatives additionnelles concernant les entrées 2, 5 et 6 de son acte de candidature.

    8

    Par courriel du 17 septembre 2015, l’EPSO a répondu à M. Di Bernardo que le jury du concours général en cause le « pri[ait] d’envoyer une description détaillée des tâches et signée par l’employeur pour les entrées 2, 5 et 6 ».

    9

    Par courriel du 18 septembre 2015, M. Di Bernardo a déclaré qu’il ne disposait pas de tels descriptifs pour les entrées 5 et 6 de son acte de candidature. Il a précisé que la société italienne qui l’avait employé avait été dissoute et qu’il n’était pas en mesure de fournir ces documents. Il a alors présenté une copie des conventions collectives nationales de travail italiennes, comprenant un descriptif officiel des fonctions liées à différents contrats de travail, dont le sien, ainsi que deux lettres de cette société italienne et un contrat de travail avec celle-ci.

    10

    Par un autre courriel du 18 septembre 2015, M. Di Bernardo a adressé à l’EPSO la description détaillée des fonctions concernant l’expérience professionnelle indiquée à l’entrée 2 de son acte de candidature.

    11

    Par lettre du 27 octobre 2015, l’EPSO a communiqué à M. Di Bernardo sa décision de ne pas le placer sur la liste des lauréats du concours général en cause, au motif que l’expérience professionnelle mentionnée aux entrées 1 à 7 de son acte de candidature n’atteignait pas la durée minimale de trois ans liée pour l’essentiel à la nature des fonctions dans le domaine de l’appui financier, telle qu’elle était mentionnée au point 2 de l’annexe II de l’avis de concours.

    12

    Par courrier du 4 novembre 2015, M. Di Bernardo a introduit une demande de réexamen de la décision du jury du concours général en cause.

    13

    Par la décision litigieuse, ce jury a informé M. Di Bernardo que, après réexamen, il confirmait sa décision communiquée le 27 octobre 2015. Il a indiqué que, avant de commencer ses travaux, il avait défini des critères de sélection afin d’apprécier si les qualifications et l’expérience professionnelle des candidats correspondaient bien aux compétences requises pour les postes à pourvoir. Ledit jury a précisé à M. Di Bernardo que, « après examen des pièces justificatives soumises pour documenter [son] expérience professionnelle mentionnée sous les entrées 2, 5 et 6 de [son] acte de candidature, [il avait] conclu que ces pièces ne confirmaient pas que [son] expérience professionnelle en question [av]ait été liée pour l’essentiel à la nature des fonctions, comme exigé par l’avis de concours ».

    Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

    14

    Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 18 novembre 2016, M. Di Bernardo a demandé l’annulation de la décision litigieuse et la réparation de son préjudice.

    15

    Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation, a annulé la décision litigieuse et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

    Les conclusions des parties devant la Cour

    16

    Par son pourvoi, la Commission demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, de renvoyer l’affaire au Tribunal et de réserver les dépens de première instance et du pourvoi.

    17

    M. Di Bernardo conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de la Commission aux dépens.

    Sur le pourvoi

    18

    À l’appui de son pourvoi, la Commission soulève deux moyens.

    Sur le premier moyen

    Argumentation des parties

    19

    Par son premier moyen, la Commission invoque l’erreur de droit qu’a commise le Tribunal, aux points 41 à 53 de l’arrêt attaqué, en ce qui concerne l’étendue de l’obligation de motivation qui incombait au jury du concours général en cause. Le Tribunal n’aurait pas suffisamment tenu compte du contexte juridique et factuel de la décision litigieuse, alors que le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard du contexte de la décision concernée et pas seulement du libellé de celle-ci (arrêt du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C‑350/88, EU:C:1990:71, point 16). Ce moyen se divise en sept branches.

    20

    En premier lieu, la communication des critères de sélection n’aurait pas l’importance que le Tribunal, aux points 41, 45 et 50 de l’arrêt attaqué, leur a attribuée au regard de l’obligation de motivation, comme le confirme le fait que M. Di Bernardo n’a jamais cherché à les connaître.

    21

    En deuxième lieu, selon la Commission, le fait que le jury du concours général en cause n’a mentionné dans la décision litigieuse que les pièces justificatives des expériences professionnelles correspondant aux entrées 2, 5 et 6 de l’acte de candidature de M. Di Bernardo ne « suggère » nullement, contrairement à ce que le Tribunal a jugé au point 43 de l’arrêt attaqué, que ce jury a estimé pertinentes les expériences professionnelles dont l’intéressé a fait état aux autres entrées de cet acte. Au contraire, le rejet de la candidature de M. Di Bernardo impliquerait que ledit jury a considéré que ce dernier ne remplissait pas la condition d’une expérience professionnelle pertinente de 36 mois après l’examen de la totalité des expériences professionnelles mentionnées aux sept entrées de son acte de candidature.

    22

    En troisième lieu, le Tribunal aurait considéré à tort, au point 48 de l’arrêt attaqué, que la demande de réexamen présentée par M. Di Bernardo indiquait que celui-ci ignorait les raisons pour lesquelles son expérience professionnelle était insuffisante.

    23

    En quatrième lieu, le Tribunal se serait mépris en jugeant, aux points 46 et 47 de l’arrêt attaqué, que la Commission ne pouvait se prévaloir de la jurisprudence selon laquelle, en cas de concours à participation nombreuse, le jury est autorisé à motiver de façon sommaire le refus de sélectionner un candidat.

    24

    En cinquième lieu, contrairement à ce qu’a estimé le Tribunal, au point 50 de l’arrêt attaqué, le jury de concours ne serait pas tenu de divulguer les critères de sélection des titres lorsqu’il n’est saisi d’aucune demande en ce sens, sauf à méconnaître le secret des travaux du jury énoncé à l’article 6 de l’annexe III du statut des fonctionnaires de l’Union européenne.

    25

    En sixième lieu, considérer, comme l’a fait le Tribunal, aux points 49 à 51 de l’arrêt attaqué, qu’une demande de réexamen rédigée sans précision, telle que celle présentée par M. Di Bernardo, obligerait le jury du concours général en cause à fournir des explications détaillées pour chaque entrée conduirait à transférer à ce dernier la charge de la preuve de l’existence de l’expérience professionnelle requise par l’avis de concours. Or, la charge de cette preuve incomberait aux candidats, ainsi qu’il ressort de l’avis de concours qui énonce que « les déclarations faites par les candidats dans leur acte de candidature électroniques seront vérifiées sur la base des pièces justificatives qu’ils ont fournies ».

    26

    En septième lieu, le Tribunal aurait confondu, aux points 53 à 55 de l’arrêt attaqué, l’exigence de motivation et le bien-fondé des motifs, lesquels concernent la légalité au fond de la décision litigieuse. La Commission voit un indice de cette confusion dans le fait que, au point 53 dudit arrêt, le Tribunal a considéré que les critères de sélection étaient indispensables pour apprécier si, lors de l’analyse de l’expérience professionnelle, le jury du concours général en cause n’avait pas « dépassé les limites de sa marge d’appréciation ». De même, la Commission estime révélateur que, aux points 54 et 55 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la décision litigieuse était insuffisamment motivée, non parce qu’elle ne permettait pas au candidat de connaître les raisons de son exclusion, mais parce qu’elle l’empêchait d’avancer d’autres griefs sur la légalité de cette décision.

    27

    M. Di Bernardo considère l’ensemble de l’argumentation présentée à l’appui du premier moyen comme non fondée.

    Appréciation de la Cour

    28

    Par son premier moyen, la Commission soutient que l’appréciation par le Tribunal, aux points 41 à 53 de l’arrêt attaqué, de la motivation de la décision litigieuse est entachée de plusieurs erreurs de droit.

    29

    Selon une jurisprudence bien établie, la motivation des actes des institutions de l’Union européenne exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction de toutes les circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 10 mars 2016, HeidelbergCement/Commission, C‑247/14 P, EU:C:2016:149, point 16 et jurisprudence citée).

    30

    Par la quatrième branche du premier moyen, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la Commission soutient que le Tribunal s’est mépris en jugeant, aux points 46 et 47 de l’arrêt attaqué, qu’elle ne pouvait pas se prévaloir de la jurisprudence de la Cour selon laquelle, en cas de concours à participation nombreuse, le jury est autorisé à motiver de façon sommaire le refus de sélectionner un candidat.

    31

    Il y a lieu de rappeler, à cet égard, la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle, afin de tenir compte des difficultés pratiques qui se présentent dans un concours à participation nombreuse, le jury peut, dans un premier temps, ne communiquer aux candidats que les critères et le résultat de la sélection, quitte à fournir ultérieurement des explications individuelles à ceux des candidats qui le demandent expressément (arrêts du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, EU:C:1981:284, point 27 ; du 9 juin 1983, Verzyck/Commission, 225/82, EU:C:1983:165, point 16 ; du 8 mars 1988, Sergio e.a./Commission, 64/86, 71/86 à 73/86 et 78/86, EU:C:1988:119, point 50, ainsi que du 28 février 1989, Basch e.a./Commission, 100/87, 146/87 et 153/87, EU:C:1989:97, point 10).

    32

    En l’occurrence, le Tribunal a considéré à bon droit, en substance, que l’obligation de motivation ne faisait pas peser sur le jury du concours général en cause, dans le cas d’espèce, une charge de travail comparable à celle du jury d’un concours à participation nombreuse. En effet, comme l’a relevé le Tribunal au point 47 de l’arrêt attaqué, le jury du concours général en cause avait été amené à prendre sa décision après que l’ensemble des candidats avaient déjà participé aux tests d’accès et aux épreuves, y compris les épreuves de compétences, et, ces dernières ayant été corrigées, la liste des lauréats potentiels avait déjà été établie. Le Tribunal a précisé que, à un tel stade, la tâche principale du jury aurait dû consister à vérifier si les candidats ayant réussi les épreuves avec les meilleures notes remplissaient également les conditions relatives à leur niveau d’études et à leur expérience professionnelle telles qu’établies par l’avis de concours.

    33

    Compte tenu du nombre vraisemblablement réduit de candidats ayant subi ces tests et épreuves avec succès sans satisfaire aux autres conditions de ce concours, il n’était pas justifié que ce jury se borne à motiver sommairement même le rejet initial de la candidature de M. Di Bernardo en date du 27 octobre 2015. A fortiori la Commission ne peut pas invoquer la charge de travail d’un jury de concours à participation nombreuse pour justifier les insuffisances de la motivation de la décision litigieuse, adressée à l’intéressé en réponse à sa demande de réexamen plus d’une année après le déroulement des épreuves en cause. En conséquence, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que la Commission ne pouvait pas se prévaloir de la jurisprudence mentionnée au point précédent pour prétendre que le jury du concours général en cause n’était tenu de motiver le rejet de la candidature de M. Di Bernardo que de manière sommaire. La quatrième branche du premier moyen doit, dès lors, être rejetée.

    34

    Par la première branche du premier moyen, la Commission fait valoir que le Tribunal a accordé, en particulier aux points 41, 45 et 50 de l’arrêt attaqué, une trop grande importance à la communication des critères de sélection permettant au jury du concours général en cause d’apprécier l’expérience professionnelle afin de satisfaire à l’obligation de motivation. D’ailleurs, M. Di Bernardo n’aurait jamais cherché à les connaître.

    35

    Toutefois, il ressort de la jurisprudence citée au point 31 du présent arrêt que, même lorsque le jury n’a l’obligation de fournir, dans un premier temps, qu’une motivation sommaire, comme c’est le cas dans un concours à participation nombreuse, cette motivation doit inclure l’indication des critères de sélection. Ainsi, les critères de sélection constituent une information minimale devant être fournie en toute hypothèse aux candidats au plus tard en même temps que les résultats du concours concerné. En l’espèce, ces critères n’ont pas même été indiqués dans la réponse à la demande de réexamen présentée par M. Di Bernardo. Or, la connaissance desdits critères pouvait seule permettre à l’intéressé de comprendre comment le jury du concours général en cause était parvenu à la conclusion que la durée de son expérience professionnelle pertinente était inférieure à trois ans. Dans ces conditions, il ne saurait être soutenu que l’intérêt pour M. Di Bernardo d’en obtenir la communication aurait été surestimé par l’arrêt attaqué.

    36

    Par ailleurs, il ne peut être raisonnablement attendu des candidats qu’ils sollicitent la communication des critères de sélection, lorsque l’existence même de ces critères ne leur est pas connue. En l’occurrence, les critères de sélection des dossiers mis en œuvre par le jury du concours général en cause pour apprécier la durée de l’expérience professionnelle pertinente ne figuraient pas dans l’avis de concours et M. Di Bernardo n’en a appris l’existence, mais non la consistance, que par la décision litigieuse, en réponse à sa demande de réexamen. En conséquence, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que ces critères auraient dû être communiqués à l’intéressé, sans qu’il puisse être exigé que celui-ci en fasse la demande. La première branche du premier moyen doit, dès lors, être écartée.

    37

    Par la cinquième branche du premier moyen, la Commission reproche au Tribunal d’avoir méconnu, au point 50 de l’arrêt attaqué, le fait que le secret des travaux du jury, énoncé à l’article 6 de l’annexe III du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, s’opposait à la divulgation des critères de sélection permettant l’appréciation de l’expérience professionnelle pertinente arrêtés par le jury du concours général en cause.

    38

    Il est vrai que les appréciations de nature comparative auxquelles se livre le jury lors de l’examen des aptitudes des candidats sont couvertes par le secret inhérent à ces travaux. En revanche, la vérification des candidatures au regard des conditions fixées pour la participation au concours concerné se fait sur la base de données objectives et d’ailleurs connues par chacun des candidats en ce qui le concerne. C’est pourquoi le respect du secret entourant les travaux du jury ne s’oppose pas à ce que soient communiquées ces données objectives et, notamment, les critères de sélection qui sont à la base du tri des candidatures, de manière à mettre les personnes dont les candidatures ont été écartées en mesure de reconnaître les motifs possibles de leur élimination (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, EU:C:1996:276, points 26 à 28 et jurisprudence citée). La cinquième branche du premier moyen doit, en conséquence, être rejetée.

    39

    Par la sixième branche du premier moyen, la Commission reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en considérant, aux points 49 à 51 de l’arrêt attaqué, qu’une demande de réexamen imprécise, comme celle adressée par M. Di Bernardo, obligeait le jury du concours général en cause à fournir des explications détaillées. Selon la Commission, cette position a pour effet de transférer à ce jury la charge de la preuve de l’existence de l’expérience professionnelle requise, alors que l’avis de concours mettait expressément cette preuve à la charge des candidats.

    40

    Comme il a été rappelé au point 29 du présent arrêt, la motivation de tout acte doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution de l’Union, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle.

    41

    Ainsi, la jurisprudence de la Cour ne subordonne pas le respect de l’obligation de motivation à l’introduction d’une demande quelconque, notamment de réexamen de la décision concernée, laquelle est d’ailleurs facultative, ni a fortiori à la précision suffisante des termes de cette éventuelle demande. Il en va d’autant plus ainsi en l’espèce que la décision de l’EPSO du 27 octobre 2015 ne fournissait aucune indication qui aurait permis à l’intéressé de formuler une demande de réexamen plus circonstanciée. En conséquence, la sixième branche du premier moyen doit être rejetée.

    42

    Par la troisième branche du premier moyen, la Commission critique l’appréciation faite au point 48 de l’arrêt attaqué selon laquelle il ressort du contenu de la demande de réexamen présentée par M. Di Bernardo que celui-ci ignorait les raisons pour lesquelles son expérience professionnelle se révélait insuffisante. Il convient de noter que cette argumentation, qui se fonde sur une critique de l’appréciation des faits par le Tribunal, n’est pas recevable dans le cadre d’un pourvoi, hormis le cas de dénaturation des faits qui n’est pas invoqué à l’appui de cette branche (arrêt du 15 mai 2019, CJ/ECDC, C‑170/18 P, EU:C:2019:410, point 23 et jurisprudence citée).

    43

    Par la deuxième branche du premier moyen, la Commission conteste l’interprétation de la décision litigieuse donnée par le Tribunal, au point 43 de l’arrêt attaqué. Cette décision indiquait que, « après examen des pièces justificatives soumises pour documenter [l’]expérience professionnelle mentionnée sous les entrées 2, 5 et 6 de [l’]acte de candidature, le jury a conclu que ces pièces ne confirmaient pas que l’expérience professionnelle en question ait été liée pour l’essentiel à la nature des fonctions, comme exigé par l’avis de concours ». Le Tribunal a estimé, audit point 43, que, en l’absence d’information additionnelle, la référence aux seules entrées 2, 5 et 6 de son acte de candidature suggérait que M. Di Bernardo n’était pas parvenu à démontrer la pertinence de son expérience professionnelle uniquement pour ces trois entrées. Cette observation peut se prévaloir des termes mêmes de la décision litigieuse, puisque celle-ci vise l’expérience professionnelle « en question ». En tout état de cause, elle relève de l’appréciation des faits par le Tribunal qu’il n’appartient pas à la Cour de contrôler dans le cadre d’un pourvoi, en dehors de l’hypothèse de la dénaturation, laquelle n’est pas invoquée par la Commission à l’appui de cette branche. En conséquence, celle-ci doit être rejetée.

    44

    Par la septième branche du premier moyen, la Commission reproche au Tribunal d’avoir confondu, aux points 53 à 55 de l’arrêt attaqué, l’exigence d’une motivation et le bien-fondé des motifs de la décision litigieuse, lesquels concernent la légalité au fond de cette dernière. Néanmoins, il ressort de la lecture de ces points que le Tribunal n’a pas confondu ces moyens distincts, mais a seulement rappelé que la motivation d’une décision a notamment pour objet de porter les motifs de celle-ci à la connaissance de son destinataire afin de lui permettre d’en apprécier le bien-fondé et constaté que, en l’espèce, les motifs du rejet de sa candidature n’avaient pas été communiqués au candidat avec une précision suffisante. Cette branche doit, dès lors, être rejetée.

    45

    Il ressort de tout ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

    Sur le second moyen

    Argumentation des parties

    46

    Le second moyen est tiré de deux erreurs de droit qu’aurait commises le Tribunal, aux points 37, 38 et 53 à 56 de l’arrêt attaqué, en refusant de prendre en compte le complément de motivation de la décision litigieuse qu’elle a fourni en cours d’instance.

    47

    Par la première branche du second moyen, la Commission soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant qu’il était impossible de compléter la motivation d’une décision en cours d’instance, non seulement en cas d’absence totale, mais aussi en cas d’absence « quasi totale », de motivation. La notion d’absence « quasi totale » de motivation serait, en outre, confuse et contradictoire.

    48

    Selon la seconde branche du second moyen, le Tribunal a méconnu le fait que l’office du juge impose à ce dernier de rechercher d’office si l’institution de l’Union concernée a satisfait à l’obligation de motivation. En vertu de cet office, le Tribunal aurait été tenu de prendre en considération les éléments de motivation produits en cours d’instance et de constater que ces éléments privaient désormais de fondement le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation. Seule une absence totale de motivation ne pourrait pas être couverte en cours d’instance.

    49

    M. Di Bernardo conteste cette argumentation.

    Appréciation de la Cour

    50

    Par la première branche du second moyen, la Commission reproche au Tribunal d’avoir, aux points 37 et 38 de l’arrêt attaqué, restreint la faculté de compléter une motivation insuffisante après l’introduction du recours, en jugeant que cette possibilité était exclue non seulement dans le cas d’une absence totale de motivation de la décision en cause, mais aussi dans le cas d’une absence quasi totale de motivation de celle-ci. En outre, la notion, non prévue par la jurisprudence, d’« absence quasi totale » de motivation serait contradictoire et impossible à définir.

    51

    Ainsi qu’il a été rappelé au point 29 du présent arrêt, l’obligation de motiver une décision des institutions de l’Union faisant grief a pour but de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de cette décision et de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si ladite décision est bien fondée ou si elle est entachée d’un vice permettant d’en contester la légalité. Il en résulte que la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que la décision lui faisant grief et que l’absence de motivation ne saurait être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de la décision au cours de la procédure devant le juge de l’Union (arrêts du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, EU:C:1981:284, point 22 ; du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 463, ainsi que du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 149).

    52

    Cependant, en cas non pas d’absence, mais d’insuffisance de motivation, des explications données en cours de procédure peuvent, dans des hypothèses exceptionnelles, remédier à cette insuffisance, de sorte que le moyen tiré de cette dernière ne justifie plus l’annulation de la décision en cause (voir, en ce sens, arrêts du 8 mars 1988, Sergio e.a./Commission, 64/86, 71/86 à 73/86 et 78/86, EU:C:1988:119, point 52, ainsi que du 28 février 2008, Neirinck/Commission, C‑17/07 P, EU:C:2008:134, point 51).

    53

    Ainsi, lorsque, à l’occasion d’un concours à participation nombreuse, l’institution de l’Union concernée n’est pas en mesure, du point de vue pratique, d’apporter une motivation suffisante à chaque candidat en temps voulu, il lui est permis, à titre tout à fait dérogatoire, d’apporter des éléments devant le juge de l’Union, tels que des procès-verbaux de jurys (arrêt du 28 février 2008, Neirinck/Commission, C‑17/07 P, EU:C:2008:134, point 57).

    54

    Comme il a déjà été indiqué au point 29 du présent arrêt, l’exigence de motivation, d’une part, doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution de l’Union concernée, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle et, d’autre part, doit être appréciée en fonction de toutes les circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. En conséquence, c’est au regard de la finalité de cette exigence et de l’ensemble des éléments sus rappelés que la motivation d’une décision peut notamment être jugée soit absente soit insuffisante.

    55

    À cet égard, la Cour a jugé que l’absence de motivation peut être constatée même lorsque la décision en cause comporte certains éléments de motivation. Ainsi, une motivation contradictoire ou inintelligible équivaut à une absence de motivation (arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, points 151, 168 et 170, ainsi que du 27 octobre 2016, Debonair Trading Internacional/EUIPO, C‑537/14 P, non publié, EU:C:2016:814, point 36). Il en va de même lorsque les éléments de motivation figurant dans la décision en cause sont si lacunaires qu’ils ne permettent aucunement à son destinataire, dans le contexte de l’adoption de celle-ci, de comprendre le raisonnement de son auteur. C’est pourquoi l’existence d’un début de motivation fait l’objet d’une appréciation circonstanciée par le juge de l’Union, lorsque celui-ci doit décider si un complément de motivation est admissible en cours d’instance (arrêt du 28 février 2008, Neirinck/Commission, C‑17/07 P, EU:C:2008:134, points 54 et 55).

    56

    Il ressort, par conséquent, de la jurisprudence de la Cour que l’absence de motivation peut recouvrir d’autres cas que celui de l’absence totale de motivation. Partant, en désignant ces hypothèses par l’expression d’« absence quasi totale de motivation », le Tribunal n’a ni commis d’erreur de droit ni méconnu la jurisprudence rappelée au point 52 du présent arrêt. En conséquence, la première branche du second moyen doit être écartée.

    57

    Par la seconde branche du second moyen, la Commission reproche au Tribunal d’avoir refusé de prendre en compte le complément d’information qu’elle a apporté en cours d’instance sur les motifs de la décision litigieuse et de constater que le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation était, en conséquence, privé de fondement. Ce faisant, le Tribunal aurait méconnu l’obligation du juge de l’Union de rechercher d’office si l’institution de l’Union concernée a satisfait à son obligation de motivation.

    58

    Toutefois, contrairement à ce que soutient la Commission, il n’existe ni un droit des institutions de l’Union de régulariser devant le juge de l’Union leurs décisions insuffisamment motivées ni une obligation de ce dernier de prendre en compte les explications complémentaires fournies seulement en cours d’instance par l’auteur de l’acte en cause pour apprécier le respect de l’obligation de motivation. Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 94 de ses conclusions, un semblable état du droit risquerait de brouiller la répartition des compétences entre l’administration et le juge de l’Union, d’affaiblir le contrôle de légalité et de compromettre l’exercice du droit de recours.

    59

    Ce n’est que dans des cas exceptionnels, comme notamment celui visé au point 53 du présent arrêt, dans lequel il était avéré que l’institution de l’Union concernée s’était trouvée dans l’impossibilité pratique de motiver à suffisance de droit la décision contestée, que la motivation peut être complétée par des explications fournies par l’auteur de l’acte au cours de l’instance. Toutefois, même dans ces rares hypothèses, la régularisation de l’acte insuffisamment motivé par des explications fournies après l’introduction du recours ne revêt pas un caractère automatique. En effet, compte tenu du déséquilibre entre les parties qu’est susceptible de créer la communication tardive des motifs de l’acte attaqué, le juge de l’Union doit encore vérifier, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 95 de ses conclusions, si la décision d’accepter, à titre exceptionnel, la motivation complémentaire ne risque pas de méconnaître les droits de la défense. À cet égard, il lui incombe notamment de prendre en compte le stade de la procédure auquel les explications ont été apportées par l’institution de l’Union concernée et de s’assurer que la personne concernée a été effectivement en mesure d’y répondre.

    60

    En tout état de cause, en cas d’absence de motivation de la décision attaquée, l’institution qui l’a prise ne peut couvrir un tel vice en apportant cette motivation devant le juge, ainsi qu’il a été rappelé au point 51 du présent arrêt. Or, comme il a été relevé au point 56 du présent arrêt, le Tribunal a constaté l’absence de motivation de la décision litigieuse. Partant, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir pris en compte les éléments de motivation fournis par la Commission en cours d’instance. La seconde branche du second moyen doit donc être écartée.

    61

    En conséquence, l’ensemble du second moyen doit être écarté.

    62

    Le pourvoi doit, dès lors, être rejeté.

    Sur les dépens

    63

    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. M. Di Bernardo ayant conclu à la condamnation de la Commission aux dépens et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

     

    Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :

     

    1)

    Le pourvoi est rejeté.

     

    2)

    La Commission européenne est condamnée aux dépens.

     

    Bonichot

    Safjan

    Bay Larsen

    Toader

    Jääskinen

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juin 2020.

    Le greffier

    A. Calot Escobar

    Le président

    J.-C. Bonichot


    ( *1 ) Langue de procédure : le français.

    Haut