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Document 62018CJ0344

    Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 26 mars 2020.
    ISS Facility Services NV contre Sonia Govaerts et Atalian NV.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par l'arbeidshof te Gent.
    Renvoi préjudiciel – Directive 2001/23/CE – Article 3, paragraphe 1 – Transferts d’entreprises – Maintien des droits des travailleurs – Marché public concernant les services de nettoyage – Attribution des lots du marché à deux nouveaux adjudicataires – Reprise d’un travailleur affecté à l’ensemble des lots du marché.
    Affaire C-344/18.

    Recueil – Recueil général – Partie «Informations sur les décisions non publiées»

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2020:239

     ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

    26 mars 2020 ( *1 )

    « Renvoi préjudiciel – Directive 2001/23/CE – Article 3, paragraphe 1 – Transferts d’entreprises – Maintien des droits des travailleurs – Marché public concernant les services de nettoyage – Attribution des lots du marché à deux nouveaux adjudicataires – Reprise d’un travailleur affecté à l’ensemble des lots du marché »

    Dans l’affaire C‑344/18,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’arbeidshof te Gent (cour du travail de Gand, Belgique), par décision du 14 mai 2018, parvenue à la Cour le 25 mai 2018, dans la procédure

    ISS Facility Services NV

    contre

    Sonia Govaerts,

    Atalian NV, anciennement Euroclean NV,

    LA COUR (quatrième chambre),

    composée de M. M. Vilaras, président de chambre, MM. S. Rodin, D. Šváby, Mme K. Jürimäe et M. N. Piçarra (rapporteur), juges,

    avocat général : M. M. Szpunar,

    greffier : Mme M. Ferreira, administratrice principale,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 mai 2019,

    considérant les observations présentées :

    pour ISS Facility Services NV, par Me J. Dubaere, avocat,

    pour Mme Govaerts, par M. S. De Beul,

    pour Atalian NV, par MM. S. Diels et E. Carlier, advocaten,

    pour la Commission européenne, par MM. M. van Beek, M. Kellerbauer et B.-R. Killmann, en qualité d’agents,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 novembre 2019,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/23/CE du Conseil, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements (JO 2001, L 82, p. 16).

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Sonia Govaerts, d’une part, à ISS Facility Services NV (ci-après « ISS ») et à Atalian NV, anciennement Euroclean NV, d’autre part, au sujet de son licenciement et des conséquences de celui-ci.

    Le cadre juridique

    Le droit de l’Union

    3

    Le considérant 3 de la directive 2001/23 énonce :

    « Des dispositions sont nécessaires pour protéger les travailleurs en cas de changement de chef d’entreprise en particulier pour assurer le maintien de leurs droits. »

    4

    L’article 1er, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

    « a)

    La présente directive est applicable à tout transfert d’entreprise, d’établissement ou de partie d’entreprise ou d’établissement à un autre employeur résultant d’une cession conventionnelle ou d’une fusion.

    b)

    Sous réserve du point a) et des dispositions suivantes du présent article, est considéré comme transfert, au sens de la présente directive, celui d’une entité économique maintenant son identité, entendue comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d’une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire.

    [...] »

    5

    L’article 2, paragraphe 2, de ladite directive dispose :

    « La présente directive ne porte pas atteinte au droit national en ce qui concerne la définition du contrat ou de la relation de travail.

    Cependant, les États membres ne sauraient exclure du champ d’application de la présente directive les contrats ou relations de travail uniquement du fait :

    a)

    du nombre d’heures de travail effectué ou à effectuer ;

    [...] »

    6

    Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la même directive :

    « Les droits et les obligations qui résultent pour le cédant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire. »

    7

    L’article 4 de la directive 2001/23 prévoit :

    « 1.   Le transfert d’une entreprise, d’un établissement ou d’une partie d’entreprise ou d’établissement ne constitue pas en lui-même un motif de licenciement pour le cédant ou le cessionnaire. Cette disposition ne fait pas obstacle à des licenciements pouvant intervenir pour des raisons économiques, techniques ou d’organisation impliquant des changements sur le plan de l’emploi.

    Les États membres peuvent prévoir que le premier alinéa ne s’applique pas à certaines catégories spécifiques de travailleurs qui ne sont pas couverts par la législation ou la pratique des États membres en matière de protection contre le licenciement.

    2.   Si le contrat de travail ou la relation de travail est résilié du fait que le transfert entraîne une modification substantielle des conditions de travail au détriment du travailleur, la résiliation du contrat de travail ou de la relation de travail est considérée comme intervenue du fait de l’employeur. »

    Le droit belge

    8

    La convention collective de travail no 32 bis, du 7 juin 1985, concernant le maintien des droits des travailleurs en cas de changement d’employeur du fait d’un transfert conventionnel d’entreprise et réglant les droits des travailleurs repris en cas de reprise de l’actif après faillite ou concordat judiciaire par abandon d’actif, rendue obligatoire par arrêté royal du 25 juillet 1985 (Moniteur belge du 9 août 1985, p. 11527), telle que modifiée par la convention collective de travail no 32 quinquies, du 13 mars 2002, rendue obligatoire par arrêté royal du 14 mars 2002 (Moniteur belge du 29 mars 2002, p. 13382), a transposé dans le droit belge la directive 2001/23. Il n’est pas contesté que cette transposition a été effectuée en conformité avec cette directive.

    Le litige au principal et la question préjudicielle

    9

    Mme Govaerts était employée, depuis le 16 novembre 1992, par Multiple Immo Services NV, puis par ses successeurs en droit, soit en dernier lieu par ISS. Elle a conclu avec cette dernière société un nouveau contrat de travail à durée indéterminée, le 1er septembre 2004, tout en conservant son ancienneté acquise depuis le 16 novembre 1992.

    10

    ISS était chargée du nettoyage et de l’entretien de divers bâtiments de la ville de Gand (Belgique) répartis en trois lots. Le lot 1 comprenait les musées et les bâtiments historiques, le lot 2 comprenait les bibliothèques ainsi que les centres communautaires, et le lot 3 comprenait les bâtiments administratifs. Le 1er avril 2013, Mme Govaerts est devenue gestionnaire de projet des trois chantiers correspondant à ces lots.

    11

    Ultérieurement, la ville de Gand a lancé un appel d’offres relatif à l’ensemble des lots précités pour la période allant du 1er septembre 2013 au 31 août 2016. À l’issue de cette procédure, le 13 juin 2013, l’offre d’ISS n’a pas été retenue. Les lots 1 et 3 ont été attribués à Atalian, tandis que le lot 2 a été attribué à Cleaning Masters NV.

    12

    Le 1er juillet 2013, ISS a informé Atalian que Mme Govaerts, employée à temps plein sur lesdits chantiers, devait se voir appliquer la convention collective no 32 bis. Atalian a contesté cette analyse dès le 3 juillet 2013.

    13

    Par une lettre recommandée du 30 août 2013, ISS a informé Mme Govaerts que, en raison du transfert d’entreprise et du fait qu’elle était employée sur les chantiers correspondant aux lots 1 et 3, elle entrerait au service d’Atalian à compter du 1er septembre 2013, date à partir de laquelle elle ne ferait plus partie du personnel d’ISS. En conséquence, cette dernière a délivré à Mme Govaerts une attestation de chômage mentionnant le 31 août 2013 comme dernier jour d’emploi.

    14

    Par une autre lettre recommandée du 30 août 2013, ISS a fait savoir à Atalian que le contrat de travail de Mme Govaerts lui était transféré de plein droit à compter du 1er septembre 2013.

    15

    Le 3 septembre 2013, Atalian a informé ISS qu’elle ne considérait pas qu’il y avait eu transfert d’entreprise, au sens de la convention collective no 32 bis, et que, par conséquent, elle estimait qu’aucune relation contractuelle ne la liait à Mme Govaerts.

    16

    Le 18 novembre 2013, Mme Govaerts a assigné tant ISS qu’Atalian devant l’arbeidsrechtbank te Gent (tribunal du travail de Gand, Belgique), afin d’obtenir le versement d’indemnités de préavis, d’une prime de fin d’année au prorata temporis et d’un pécule de vacances pour les périodes de référence correspondant aux années 2012 et 2013.

    17

    Par un jugement du 15 octobre 2015, cette juridiction a considéré que le licenciement de Mme Govaerts était irrégulier et a condamné ISS au versement d’une indemnité de préavis, d’une prime de fin d’année et d’un pécule de vacances. Le recours dirigé contre Atalian a, en revanche, été jugé irrecevable.

    18

    Selon ladite juridiction, la convention collective no 32 bis n’était pas applicable à Mme Govaerts dans la mesure où cette dernière effectuait des tâches administratives et organisationnelles et ne participait pas, sur les chantiers de la ville de Gand, aux travaux de nettoyage qui faisaient l’objet du transfert.

    19

    ISS a interjeté appel du jugement rendu en première instance devant l’arbeidshof te Gent (cour du travail de Gand). Elle soutient que le contrat de travail de Mme Govaerts a été transféré, à compter du 1er septembre 2013, à hauteur de 85 % à Atalian et à hauteur de 15 % à Cleaning Masters.

    20

    Contrairement à la juridiction saisie en première instance, la juridiction de renvoi considère que, dans l’affaire au principal, il y a maintien de l’identité de l’entité économique, au sens de l’article 1er de la directive 2001/23, et que, par conséquent, un transfert d’entreprise, au sens de cet article, a eu lieu. Elle en déduit que, conformément à l’article 7 de la convention collective no 32 bis, qui transpose l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/23, les droits et les obligations résultant, pour le cédant, des contrats de travail existant à la date du transfert, soit le 1er septembre 2013, ont été, en raison de ce dernier, transférés de plein droit à Atalian et à Cleaning Masters en leur qualité de cessionnaires.

    21

    Les tâches de Mme Govaerts concernant exclusivement les chantiers de la ville de Gand, la juridiction de renvoi estime que l’intéressée faisait partie, au 1er septembre 2013, de l’entreprise transférée et elle s’interroge, dès lors, sur les conséquences, au regard de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/23, de ce transfert d’entreprise sur le contrat de travail de Mme Govaerts.

    22

    Dans ces conditions, l’arbeidshof te Gent (cour du travail de Gand) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

    « Convient-il d’interpréter l’article 3, paragraphe 1, de la directive [2001/23], en ce sens que, en cas de transfert simultané de plusieurs parties d’une entreprise, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive, à plusieurs cessionnaires, les droits et les obligations qui résultent du contrat de travail, existant à la date du transfert d’un travailleur qui était employé dans chacune des parties transférées, sont transférés à chacun des cessionnaires, proportionnellement toutefois à l’étendue de l’emploi du travailleur en question dans la partie de l’entreprise acquise par chacun des cessionnaires,

    ou bien [en ce sens] que les droits et les obligations susmentionnés sont transférés en totalité au cessionnaire ayant acquis la partie de l’entreprise dans laquelle le travailleur en question était employé à titre principal,

    ou encore [en ce sens] que, si les dispositions de la directive ne sauraient être interprétées d’aucune des manières susmentionnées, il n’y a transfert des droits et des obligations résultant du contrat de travail du travailleur en question à aucun des cessionnaires, ce qui est également le cas lorsqu’il n’est pas possible de déterminer séparément l’étendue de l’emploi du travailleur dans chacune des parties transférées de l’entreprise ? »

    Sur la question préjudicielle

    23

    Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance si, en présence d’un transfert d’entreprise, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2001/23, impliquant plusieurs cessionnaires, l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive doit être interprété en ce sens que les droits et les obligations résultant du contrat de travail existant à la date de ce transfert sont transférés à chacun des cessionnaires, au prorata des fonctions exercées par le travailleur, ou au seul cessionnaire pour lequel le travailleur est conduit à exercer ses fonctions à titre principal. À titre subsidiaire, la juridiction de renvoi demande si cette disposition doit être interprétée en ce sens qu’un maintien des droits et des obligations résultant du contrat de travail ne peut être opposé à aucun des cessionnaires.

    24

    Il convient d’emblée de relever que l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2001/23 prévoit que les droits et les obligations qui résultent pour le cédant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire, sans envisager l’hypothèse d’un transfert impliquant plusieurs cessionnaires.

    25

    À cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que la directive 2001/23 tend à assurer le maintien des droits des travailleurs en cas de changement de chef d’entreprise en leur permettant de rester au service du nouvel employeur dans les mêmes conditions que celles convenues avec le cédant. L’objet de cette directive est de garantir, autant que possible, la continuation des contrats ou des relations de travail, sans modification, avec le cessionnaire, afin d’empêcher que les travailleurs concernés soient placés dans une position moins favorable du seul fait du transfert (arrêt du 7 août 2018, Colino Sigüenza, C‑472/16, EU:C:2018:646, point 48). Pour autant, ladite directive ne saurait être utilement invoquée pour obtenir une amélioration des conditions de rémunération ou d’autres conditions de travail à l’occasion d’un transfert d’entreprise (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2011, Scattolon, C‑108/10, EU:C:2011:542, point 77).

    26

    En outre, il importe de préciser que, si, conformément à l’objectif de ladite directive, il y a lieu de protéger les intérêts des travailleurs concernés par le transfert, il ne saurait cependant être fait abstraction de ceux du cessionnaire, lequel doit être en mesure de procéder aux ajustements et aux adaptations nécessaires à la continuation de son activité (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2006, Werhof, C‑499/04, EU:C:2006:168, point 31). La directive 2001/23 ne vise pas uniquement à sauvegarder, lors d’un transfert d’entreprise, les intérêts des travailleurs, mais entend assurer un juste équilibre entre les intérêts de ces derniers, d’une part, et ceux du cessionnaire, d’autre part (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Alemo-Herron e.a., C‑426/11, EU:C:2013:521, point 25).

    27

    Dans ces conditions, il y a lieu de souligner, ensuite, à l’instar de M. l’avocat général au point 70 de ses conclusions, que, dès lors que l’entité économique à laquelle un travailleur était attaché a été transférée, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2001/23, le fait qu’elle l’ait été à un ou à plusieurs cessionnaires est sans incidence sur le transfert des droits et des obligations résultant, pour le cédant, du contrat de travail existant à la date du transfert de ladite entité.

    28

    Il en résulte que l’hypothèse envisagée à titre subsidiaire par la juridiction de renvoi doit être écartée, dans la mesure où elle revient à exclure le maintien des droits et des obligations qui résultent du contrat de travail existant à la date du transfert d’entreprise et, partant, à priver d’effet utile la directive 2001/23.

    29

    Il convient, enfin, d’examiner les deux hypothèses envisagées par la juridiction de renvoi à titre principal et rappelées au point 23 du présent arrêt.

    30

    S’agissant, en premier lieu, de l’hypothèse consistant à transférer le contrat de travail uniquement au cessionnaire auprès duquel le travailleur exerce ses fonctions à titre principal, il importe de relever que cette interprétation de l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2001/23 permet d’assurer le maintien des droits et des obligations résultant du contrat de travail à l’égard de ce cessionnaire et sauvegarde, ainsi, les intérêts du travailleur.

    31

    Cependant, cette hypothèse revient à interpréter l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2001/23 en faisant abstraction des intérêts du cessionnaire, ce dernier se voyant transférer les droits et les obligations résultant d’un contrat de travail à temps plein, tandis que le travailleur concerné n’exerce ses fonctions auprès de lui qu’à temps partiel.

    32

    S’agissant, en second lieu, de l’hypothèse consistant à transférer à chacun des cessionnaires les droits et les obligations résultant du contrat de travail conclu avec le cédant, au prorata des fonctions exercées par le travailleur, il convient de préciser, d’une part, que, conformément à l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2001/23, celle-ci ne porte pas atteinte au droit national en ce qui concerne la définition du contrat ou de la relation de travail. Ainsi, il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer les modalités d’un éventuel partage du contrat de travail. À cet égard, cette dernière peut prendre en considération la valeur économique des lots auxquels le travailleur est affecté, ainsi que le suggère ISS, ou le temps qu’il consacre effectivement à chaque lot, comme le propose la Commission européenne.

    33

    D’autre part, dans la mesure où une telle hypothèse revient à scinder un contrat de travail à temps plein en plusieurs contrats de travail à temps partiel, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/23, les États membres ne sauraient exclure du champ d’application de cette directive les contrats ou les relations de travail uniquement du fait du nombre d’heures de travail effectué ou à effectuer. Dès lors, une telle scission ne saurait être exclue en raison du simple fait qu’elle implique le transfert à l’un des cessionnaires d’un contrat de travail portant sur un faible nombre d’heures de travail.

    34

    En outre, un tel transfert des droits et des obligations résultant d’un contrat de travail à chacun des cessionnaires, au prorata des fonctions exercées par le travailleur, permet, en principe, d’assurer un juste équilibre entre la sauvegarde des intérêts des travailleurs et la sauvegarde de ceux des cessionnaires, dans la mesure où le travailleur voit les droits issus de son contrat de travail maintenus, tandis que les cessionnaires ne se voient pas imposer des obligations supérieures à celles qu’implique, à leur égard, le transfert d’entreprise concerné.

    35

    Cependant, il incombe à la juridiction de renvoi de tenir compte des implications pratiques de cette scission du contrat de travail au regard des objectifs poursuivis par la directive 2001/23, rappelés aux points 25 et 26 du présent arrêt. En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 77 de ses conclusions, cette directive ne peut être invoquée pour détériorer les conditions de travail du travailleur concerné par un transfert d’entreprise (voir, en ce sens, arrêts du 7 mars 1996, Merckx et Neuhuys, C‑171/94 et C‑172/94, EU:C:1996:87, point 38, ainsi que du 6 septembre 2011, Scattolon, C‑108/10, EU:C:2011:542, points 81 et 82).

    36

    Il importe, à cet égard, de rappeler que, en vertu du paragraphe 1 de l’article 4 de cette directive, si le transfert d’une entreprise ou d’une partie d’entreprise ne peut constituer en lui-même un motif de licenciement pour le cédant ou le cessionnaire, hormis dans les cas visés au second alinéa de ce paragraphe 1, cette disposition ne fait toutefois pas obstacle à des licenciements pouvant intervenir pour des raisons économiques, techniques ou d’organisation impliquant des changements en ce qui concerne l’emploi. En outre, le paragraphe 2 de cet article 4 précise que, si le contrat de travail est résilié en raison du fait que le transfert entraîne une modification substantielle des conditions de travail au détriment du travailleur, cette résiliation est considérée comme étant intervenue du fait de l’employeur.

    37

    Dès lors, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 79 de ses conclusions, si la scission du contrat de travail se révèle impossible ou entraîne une détérioration des conditions de travail et des droits du travailleur garantis par la directive 2001/23, ce contrat peut être résilié, la résiliation devant être considérée, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2001/23, comme étant intervenue du fait du ou des cessionnaires, quand bien même cette résiliation serait intervenue à l’initiative du travailleur.

    38

    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que, en présence d’un transfert d’entreprise impliquant plusieurs cessionnaires, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/23 doit être interprété en ce sens que les droits et les obligations résultant d’un contrat de travail sont transférés à chacun des cessionnaires, au prorata des fonctions exercées par le travailleur concerné, à condition que la scission du contrat de travail en résultant soit possible ou n’entraîne pas une détérioration des conditions de travail ni ne porte atteinte au maintien des droits des travailleurs garanti par cette directive, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier. Dans l’hypothèse où une telle scission se révélerait impossible à réaliser ou porterait atteinte aux droits dudit travailleur, l’éventuelle résiliation de la relation de travail qui s’ensuivrait serait considérée, en vertu de l’article 4 de ladite directive, comme intervenue du fait du ou des cessionnaires, quand bien même cette résiliation serait intervenue à l’initiative du travailleur.

    Sur les dépens

    39

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

     

    En présence d’un transfert d’entreprise impliquant plusieurs cessionnaires, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/23/CE du Conseil, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements, doit être interprété en ce sens que les droits et les obligations résultant d’un contrat de travail sont transférés à chacun des cessionnaires, au prorata des fonctions exercées par le travailleur concerné, à condition que la scission du contrat de travail en résultant soit possible ou n’entraîne pas une détérioration des conditions de travail ni ne porte atteinte au maintien des droits des travailleurs garanti par cette directive, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier. Dans l’hypothèse où une telle scission se révélerait impossible à réaliser ou porterait atteinte aux droits dudit travailleur, l’éventuelle résiliation de la relation de travail qui s’ensuivrait serait considérée, en vertu de l’article 4 de ladite directive, comme intervenue du fait du ou des cessionnaires, quand bien même cette résiliation serait intervenue à l’initiative du travailleur.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.

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