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Document 62017CJ0443

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 21 mars 2019.
Abraxis Bioscience LLC contre Comptroller General of Patents.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court).
Renvoi préjudiciel – Médicament à usage humain – Certificat complémentaire de protection pour les médicaments – Règlement (CE) no 469/2009 – Article 3, sous d) – Conditions d’octroi – Obtention de la première autorisation de mise sur le marché du produit en tant que médicament – Autorisation visant un produit en tant que médicament constituant une nouvelle formulation d’un principe actif déjà connu.
Affaire C-443/17.

Recueil – Recueil général – Partie «Informations sur les décisions non publiées»

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2019:238

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

21 mars 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Médicament à usage humain – Certificat complémentaire de protection pour les médicaments – Règlement (CE) no 469/2009 – Article 3, sous d) – Conditions d’octroi – Obtention de la première autorisation de mise sur le marché du produit en tant que médicament – Autorisation visant un produit en tant que médicament constituant une nouvelle formulation d’un principe actif déjà connu »

Dans l’affaire C‑443/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets), Royaume-Uni], par décision du 16 mars 2017, parvenue à la Cour le 24 juillet 2017, dans la procédure

Abraxis Bioscience LLC

contre

Comptroller General of Patents,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de la septième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, Mme K. Jürimäe (rapporteure), MM. C. Lycourgos, E. Juhász et C. Vajda, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : Mme L. Hewlett, administratrice principale,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 juin 2018,

considérant les observations présentées :

pour Abraxis Bioscience LLC, par M. R. Meade, QC, ainsi que par Mme J. Antcliff, advocate,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme Z. Lavery et M. D. Robertson, en qualité d’agents, assistés de M. B. Nicholson, barrister,

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil ainsi que par Mme A. Kasalická, en qualité d’agents,

pour le gouvernement hongrois, par MM. M. Z. Fehér et G. Koós ainsi que par Mme R. Kissné Berta, en qualité d’agents,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. L. Noort, M. K. Bulterman, C. S. Schillemans et M. H. S. Gijzen ainsi que par M. J. M. Hoogveld, en qualité d’agents,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mmes N. Yerrell et J. Samnadda, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 13 décembre 2018,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, sous d), du règlement (CE) no 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments (JO 2009, L 152, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Abraxis Bioscience LLC (ci-après « Abraxis ») au Comptroller General of Patents (contrôleur général des brevets, Royaume-Uni) au sujet du rejet d’une demande de délivrance d’un certificat complémentaire de protection (ci-après le « CCP ») pour un médicament commercialisé sous le nom d’« Abraxane ».

Le cadre juridique

3

Les considérants 3 à 5 et 7 à 10 du règlement no 469/2009 énoncent ce qui suit :

« (3)

Les médicaments, et notamment ceux résultant d’une recherche longue et coûteuse, ne continueront à être développés dans l’[Union européenne] et en Europe que s’ils bénéficient d’une réglementation favorable prévoyant une protection suffisante pour encourager une telle recherche.

(4)

À l’heure actuelle, la période qui s’écoule entre le dépôt d’une demande de brevet pour un nouveau médicament et l’autorisation de mise sur le marché dudit médicament réduit la protection effective conférée par le brevet à une durée insuffisante pour amortir les investissements effectués dans la recherche.

(5)

Ces circonstances conduisent à une insuffisance de protection qui pénalise la recherche pharmaceutique.

[...]

(7)

Il convient de prévoir une solution uniforme au niveau [de l’Union] et de prévenir ainsi une évolution hétérogène des législations nationales aboutissant à de nouvelles disparités qui seraient de nature à entraver la libre circulation des médicaments au sein de l’[Union] et à affecter, de ce fait, directement le fonctionnement du marché intérieur.

(8)

Il est donc nécessaire de prévoir un [CCP] pour les médicaments ayant donné lieu à une autorisation de mise sur le marché, qui puisse être obtenu par le titulaire d’un brevet national ou européen selon les mêmes conditions dans chaque État membre. En conséquence, le règlement est l’instrument juridique le plus approprié.

(9)

La durée de la protection conférée par le [CCP] devrait être déterminée de telle sorte qu’elle permette une protection effective suffisante. À cet effet, le titulaire, à la fois d’un brevet et d’un [CCP], doit pouvoir bénéficier au total de quinze années d’exclusivité au maximum à partir de la première autorisation de mise sur le marché, dans l’[Union], du médicament en question.

(10)

Néanmoins, tous les intérêts en jeu, y compris ceux de la santé publique, dans un secteur aussi complexe et sensible que le secteur pharmaceutique devraient être pris en compte. À cet effet, le [CCP] ne saurait être délivré pour une durée supérieure à cinq ans. La protection qu’il confère devrait en outre être strictement limitée au produit couvert par l’autorisation de sa mise sur le marché en tant que médicament. »

4

L’article 1er de ce règlement dispose :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

a)

“médicament” : toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être administrée à l’homme ou à l’animal en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions organiques chez l’homme ou l’animal ;

b)

“produit” : le principe actif ou la composition de principes actifs d’un médicament ;

c)

“brevet de base” : un brevet qui protège un produit en tant que tel, un procédé d’obtention d’un produit ou une application d’un produit et qui est désigné par son titulaire aux fins de la procédure d’obtention d’un [CCP] ;

[...] »

5

L’article 2 dudit règlement prévoit :

« Tout produit protégé par un brevet sur le territoire d’un État membre et soumis, en tant que médicament, préalablement à sa mise sur le marché, à une procédure d’autorisation administrative en vertu de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain [(JO 2001, L 311, p. 67),] ou de la directive 2001/82/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires [(JO 2001, L 311, p. 1),] peut, dans les conditions et selon les modalités prévues par le présent règlement, faire l’objet d’un [CCP]. »

6

L’article 3 du même règlement énonce :

« Le [CCP] est délivré, si, dans l’État membre où est présentée la demande visée à l’article 7 et à la date de cette demande :

a)

le produit est protégé par un brevet de base en vigueur ;

b)

le produit, en tant que médicament, a obtenu une autorisation de mise sur le marché en cours de validité conformément à la directive [2001/83] ou à la directive [2001/82] suivant les cas ;

c)

le produit n’a pas déjà fait l’objet d’un [CCP] ;

d)

l’autorisation mentionnée au point b) est la première autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament. »

7

Aux termes de l’article 4 du règlement no 469/2009 :

« Dans les limites de la protection conférée par le brevet de base, la protection conférée par le [CCP] s’étend au seul produit couvert par l’autorisation de mise sur le marché du médicament correspondant, pour toute utilisation du produit, en tant que médicament, qui a été autorisée avant l’expiration du [CCP]. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

8

Abraxis est une société pharmaceutique qui commercialise, sous le nom d’« Abraxane », un médicament indiqué pour le traitement de certains cancers.

9

L’Abraxane contient une substance appelée « nab-paclitaxel » par Abraxis, composée de nanoparticules de paclitaxel enrobées d’albumine, et protégée par un brevet européen EP 0 961612. Dans cette substance, l’albumine et le paclitaxel sont étroitement liés de telle sorte qu’ils passent la membrane cellulaire en tant qu’entité unique. Ainsi, le nab-paclitaxel fait preuve d’une plus grande efficacité que le paclitaxel dans ses formulations antérieures pour le traitement de certaines tumeurs cancéreuses.

10

L’Abraxane bénéficie d’une autorisation de mise sur le marché (ci-après l’« AMM ») délivrée au cours de l’année 2008 par l’Agence européenne des médicaments (EMA). Avant la date de délivrance de l’AMM pour ce médicament, le paclitaxel avait été commercialisé sous une autre forme par d’autres sociétés en vertu de précédentes AMM.

11

Abraxis a déposé une demande de CCP sur le fondement du brevet de base en cause et de l’AMM délivrée pour l’Abraxane. Par décision du 26 août 2016, le contrôleur général des brevets a rejeté cette demande au motif qu’elle ne satisfaisait pas à l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009. Il a considéré que, si cette disposition permet l’octroi d’un CCP pour un usage thérapeutique nouveau et inventif d’un ancien principe actif, sa portée ne s’étend pas au cas d’une formulation nouvelle et inventive d’un ancien principe actif.

12

Abraxis a formé un recours contre cette décision devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets), Royaume–Uni]. Elle soutient devant cette juridiction que la condition prévue à l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009 est remplie dans le cas de l’Abraxane au regard de la solution dégagée par la Cour dans l’arrêt du 19 juillet 2012, Neurim Pharmaceuticals (1991) (C‑130/11, EU:C:2012:489).

13

Considérant que la portée de cet arrêt n’était pas claire et que, de ce fait, l’interprétation de l’article 3, sous d), de ce règlement n’était pas évidente pour le cas d’une formulation nouvelle et inventive d’un ancien principe actif, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)] a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 3, sous d), du règlement [no 469/2009] doit-il être interprété en ce sens qu’il autorise l’octroi d’un CCP lorsque l’[AMM] visée à l’article 3, sous b), [de ce règlement] est la première [AMM], relevant du champ d’application du brevet de base, du produit en tant que médicament et lorsque le produit est une nouvelle formulation d’un ancien principe actif ? »

Sur la demande de réouverture de la procédure orale

14

Par une lettre déposée au greffe de la Cour le 31 janvier 2019, Abraxis a demandé la réouverture de la procédure orale, conformément à l’article 83 du règlement de procédure de la Cour.

15

Au soutien de sa demande, Abraxis fait valoir, en substance, que M. l’avocat général a fondé ses conclusions sur des arguments qui n’ont pas été débattus entre les parties et que, dans ces conclusions, celui-ci propose un revirement de la jurisprudence issue de l’arrêt du 19 juillet 2012, Neurim Pharmaceuticals (1991) (C‑130/11, EU:C:2012:489), ou une limitation de cette jurisprudence aux seules hypothèses factuelles ayant donné lieu à cet arrêt, allant au-delà de la question préjudicielle posée par la juridiction de renvoi, sans tenir compte de sa spécificité.

16

À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que la Cour peut d’office ou sur proposition de l’avocat général, ou encore à la demande des parties, ordonner la réouverture de la procédure orale, conformément à l’article 83 de son règlement de procédure, si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée ou que l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties. En revanche, le statut de la Cour de justice de l’Union européenne et le règlement de procédure ne prévoient pas la possibilité pour les parties de déposer des observations en réponse aux conclusions présentées par l’avocat général (arrêt du 23 janvier 2018, F. Hoffmann-La Roche e.a., C‑179/16, EU:C:2018:25, point 39 ainsi que jurisprudence citée).

17

En l’espèce, alors que les observations d’Abraxis sont formulées en vue de répondre à certains points des conclusions de M. l’avocat général, il découle de la jurisprudence citée au point précédent que le dépôt de telles observations n’est pas prévu par les textes régissant la procédure devant la Cour.

18

En outre, la Cour considère, l’avocat général entendu, qu’elle est suffisamment éclairée pour répondre à la question posée par la juridiction de renvoi et que tous les arguments nécessaires pour trancher la présente affaire ont été débattus entre les parties.

19

Par conséquent, il convient de rejeter la demande de réouverture de la procédure orale.

Sur la question préjudicielle

20

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009, lu en combinaison avec l’article 1er, sous b), de ce règlement, doit être interprété en ce sens que l’AMM visée à l’article 3, sous b), dudit règlement, invoquée à l’appui d’une demande de CCP portant sur une nouvelle formulation d’un principe actif ancien, peut être considérée comme étant la première AMM du produit concerné en tant que médicament lorsque ce principe actif a déjà fait l’objet d’une AMM en tant que tel.

21

À titre liminaire, il convient de préciser que, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, le litige au principal porte sur une demande de CCP dont l’objet est une nouvelle formulation d’un principe actif ancien, le paclitaxel, sous forme de nanoparticules enrobées d’albumine qui sert de transporteur au paclitaxel. Selon les éléments fournis par la juridiction de renvoi, cette nouvelle formulation, dénommée « nab-paclitaxel », permet au principe actif d’exercer son effet thérapeutique avec une efficacité accrue. Elle est commercialisée en tant que médicament sous la marque Abraxane. Ce médicament a fait l’objet d’une AMM qui est la première AMM relevant du champ du brevet de base couvrant ladite nouvelle formulation. La juridiction de renvoi expose également que le paclitaxel avait déjà, avant la date de délivrance de l’AMM pour l’Abraxane, été commercialisé en vertu d’autres AMM.

22

C’est dans ce contexte qu’il y a lieu de comprendre la question préjudicielle posée par la juridiction de renvoi.

23

Afin de répondre à cette question, il convient, en premier lieu, de déterminer si l’article 1er, sous b), du règlement no 469/2009 doit être interprété en ce sens qu’une nouvelle formulation d’un principe actif ancien, qui, telle que le nab-paclitaxel, est constituée de ce principe actif et d’un transporteur liés ensemble sous forme de nanoparticules permettant audit principe actif d’exercer son effet thérapeutique avec une efficacité accrue, peut être considérée comme étant un produit distinct du produit constitué uniquement du même principe actif.

24

À cet égard, il importe de rappeler que, aux termes de cette disposition, on entend par « produit » le principe actif ou la composition de principes actifs d’un médicament.

25

Selon une jurisprudence constante de la Cour, en l’absence de toute définition de la notion de « principe actif » dans le règlement no 469/2009, la détermination de la signification et de la portée de ces termes doit être établie en considération du contexte général dans lequel ils sont utilisés et conformément à leur sens habituel en langage courant. En l’occurrence, l’expression « principe actif » n’inclut pas, dans son acception commune en pharmacologie, les substances entrant dans la composition d’un médicament qui n’exercent pas une action propre sur l’organisme humain ou animal (ordonnance du 14 novembre 2013, Glaxosmithkline Biologicals et Glaxosmithkline Biologicals, Niederlassung der Smithkline Beecham Pharma, C‑210/13, EU:C:2013:762, points 27 et 28 ainsi que jurisprudence citée).

26

À cet égard, le point 11 de l’exposé des motifs de la proposition de règlement (CEE) du Conseil, du 11 avril 1990, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les médicaments [COM(90) 101 final], à l’origine du règlement (CEE) no 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les médicaments (JO 1992, L 182, p. 1), lui-même abrogé et remplacé par le règlement no 469/2009, indique que le terme « produit » est entendu au sens strict de substance active et que des changements mineurs apportés au médicament, tels un nouveau dosage, l’emploi d’un sel ou d’un ester différent ou encore une forme pharmaceutique différente, ne sont pas susceptibles de donner lieu à un nouveau CCP.

27

La Cour en a déduit que la forme pharmaceutique du médicament, à laquelle peut contribuer un excipient, n’entre pas dans la définition de la notion de « produit », celle-ci étant entendue au sens strict de « substance active » ou de « principe actif ». En effet, le caractère nécessaire, pour assurer l’efficacité thérapeutique recherchée du principe actif, d’une substance n’exerçant aucun effet thérapeutique propre ne saurait, en l’occurrence, être considéré comme un critère ayant un contenu suffisamment déterminé (ordonnance du 14 novembre 2013, Glaxosmithkline Biologicals et Glaxosmithkline Biologicals, Niederlassung der Smithkline Beecham Pharma, C‑210/13, EU:C:2013:762, point 29 et jurisprudence citée).

28

Ainsi, une substance n’exerçant aucun effet thérapeutique propre et servant à obtenir une certaine forme pharmaceutique du médicament ne relève pas de la notion de « principe actif », laquelle permet de définir la notion de « produit » (ordonnance du 14 novembre 2013, Glaxosmithkline Biologicals et Glaxosmithkline Biologicals, Niederlassung der Smithkline Beecham Pharma, C‑210/13, EU:C:2013:762, point 30 ainsi que jurisprudence citée).

29

Il en résulte, d’une part, qu’une telle substance associée à une substance dotée elle-même d’effets thérapeutiques propres ne saurait donner lieu à une « composition de principes actifs », au sens de l’article 1er, sous b), du règlement no 469/2009. D’autre part, le fait que la substance n’exerçant aucun effet thérapeutique propre permet d’obtenir une forme pharmaceutique du médicament qui est nécessaire à l’efficacité thérapeutique de la substance dotée d’effets thérapeutiques n’est pas susceptible d’infirmer cette interprétation (ordonnance du 14 novembre 2013, Glaxosmithkline Biologicals et Glaxosmithkline Biologicals, Niederlassung der Smithkline Beecham Pharma, C‑210/13, EU:C:2013:762, points 31 et 32 ainsi que jurisprudence citée).

30

Ces considérations valent également pour une substance qui, telle que l’albumine dans l’affaire au principal, joue, selon les indications figurant dans la demande de décision préjudicielle rappelées au point 21 du présent arrêt, le rôle de transporteur du principe actif. Dès lors qu’un tel transporteur n’a pas d’effets thérapeutiques propres, ce qu’il revient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier, il ne saurait être considéré comme étant un principe actif, au sens de l’article 1er, sous b), du règlement no 469/2009, quand bien même il permettrait au principe actif avec lequel il est associé d’exercer plus efficacement son effet thérapeutique. Partant, un tel transporteur, même associé à une autre substance dotée d’effets thérapeutiques propres, ne saurait donner lieu à une composition de principes actifs, au sens de cette disposition.

31

Il découle des considérations qui précèdent que l’article 1er, sous b), du règlement no 469/2009 doit être interprété en ce sens qu’une nouvelle formulation d’un principe actif ancien, qui, telle que le nab-paclitaxel, est constituée de ce principe actif et d’un transporteur dépourvu d’effet thérapeutique propre liés ensemble sous forme de nanoparticules, ne saurait être considérée comme étant un produit distinct du produit constitué uniquement dudit principe actif quand bien même une telle formulation permettrait à ce principe actif d’exercer son effet thérapeutique avec une efficacité accrue.

32

En second lieu, il convient de déterminer si une AMM délivrée pour une nouvelle formulation d’un principe actif ancien, telle que le nab–paclitaxel, peut être considérée comme étant la première AMM délivrée pour ce produit en tant que médicament, au sens de l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009, dans le cas où cette AMM est la première AMM à relever du champ de protection du brevet de base concerné.

33

À cet égard, il convient de rappeler que, selon cette disposition, une des conditions auxquelles la délivrance d’un CCP est subordonnée est que, dans l’État membre où est présentée la demande de CCP et à la date de cette demande, l’AMM obtenue pour le produit faisant l’objet de ladite demande soit la première AMM de ce produit en tant que médicament.

34

Ainsi que l’a relevé, en substance, M. l’avocat général au point 30 de ses conclusions, à la lumière de la définition de la notion de « produit » telle qu’elle ressort de la jurisprudence constante de la Cour, l’interprétation littérale de l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009 suppose que la première AMM du produit en tant que médicament, au sens de cette disposition, désigne la première AMM d’un médicament incorporant le principe actif ou la combinaison de principes actifs en cause.

35

Selon une telle interprétation, seule peut être considérée comme étant la première AMM d’un produit en tant que médicament, au sens de l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009, l’AMM correspondant au premier médicament mis sur le marché comprenant le produit concerné répondant à la définition de l’article 1er, sous b), dudit règlement (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2011, Medeva, C‑322/10, EU:C:2011:773, point 40).

36

Il convient d’ajouter que, s’agissant de l’objectif du règlement no 469/2009, il ressort des termes des considérants 3 à 5 et 9 de celui-ci, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 50 de ses conclusions, que le régime du CCP a pour objectif de pallier l’insuffisance de la protection conférée par le brevet à amortir les investissements effectués dans la recherche de nouveaux médicaments et, partant, d’encourager cette recherche. Toutefois, il résulte du considérant 10 dudit règlement que le législateur a entendu réaliser cet objectif de manière à tenir compte de tous les intérêts en jeu, y compris ceux de la santé publique, dans un secteur aussi complexe et sensible que le secteur pharmaceutique.

37

Ce constat, qui vient au soutien d’une interprétation stricte de l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009, est confirmé par l’exposé des motifs de la proposition de règlement du 11 avril 1990, mentionné au point 26 du présent arrêt, dont il résulte, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 52 à 55, 66 et 69 de ses conclusions, que le législateur a entendu, en instituant le régime du CCP, favoriser la protection non pas de toute recherche pharmaceutique donnant lieu à la délivrance d’un brevet et à la commercialisation d’un nouveau médicament, mais de celle qui conduit à la première mise sur le marché d’un principe actif ou d’une combinaison de principes actifs en tant que médicament.

38

Or, un tel objectif serait compromis si, aux fins de remplir la condition prévue à l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009, il était possible de tenir compte, pour une nouvelle formulation d’un principe actif ancien, uniquement de la première AMM à relever du champ du brevet de base protégeant cette nouvelle formulation et de faire abstraction d’une AMM délivrée antérieurement pour le même principe actif dans une autre formulation.

39

En outre, une telle interprétation de l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009 risquerait d’être source d’incertitude juridique et d’incohérences quant aux circonstances dans lesquelles un CCP peut être obtenu, dans la mesure où il serait difficile de déterminer dans quelles circonstances précises une AMM délivrée pour une nouvelle formulation d’un principe actif ancien pourrait relever de cette disposition.

40

Partant, l’AMM délivrée pour une nouvelle formulation d’un principe actif ancien, telle que le nab-paclitaxel, ne peut être considérée comme étant la première AMM délivrée pour ce produit en tant que médicament, au sens de l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009 lorsque ce principe actif a déjà fait l’objet d’une AMM.

41

La jurisprudence issue de l’arrêt du 19 juillet 2012, Neurim Pharmaceuticals (1991) (C‑130/11, EU:C:2012:489), ne saurait infirmer une telle interprétation. Dans cet arrêt, la Cour a jugé que les articles 3 et 4 du règlement no 469/2009 doivent être interprétés en ce sens que, dans un cas tel que celui de l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, la seule existence d’une AMM antérieure obtenue pour le médicament à usage vétérinaire ne s’oppose pas à ce que soit délivré un CCP pour une application différente du même produit pour laquelle a été délivrée une AMM, pourvu que cette application entre dans le champ de la protection conférée par le brevet de base invoqué à l’appui de la demande de CCP.

42

La Cour n’a cependant pas infirmé, dans ledit arrêt, l’interprétation stricte de la notion de « produit », visée à l’article 1er, sous b), de ce règlement, selon laquelle cette notion ne saurait couvrir une substance qui ne répond pas à la définition de « principe actif » ou de « composition de principes actifs » (voir, en ce sens, ordonnance du 14 novembre 2013, Glaxosmithkline Biologicals et Glaxosmithkline Biologicals, Niederlassung der Smithkline Beecham Pharma, C‑210/13, EU:C:2013:762, point 44).

43

En outre, il convient de constater que l’exception à l’interprétation stricte de l’article 3, sous d), de ce règlement retenue dans l’arrêt du 19 juillet 2012, Neurim Pharmaceuticals (1991) (C‑130/11, EU:C:2012:489), ne vise, en tout état de cause, pas le cas d’une formulation nouvelle du produit en cause. Cette exception ne saurait donc, en tout état de cause, être invoquée dans le cas d’une AMM délivrée pour une nouvelle formulation d’un principe actif ayant déjà fait l’objet d’une AMM, quand bien même l’AMM de cette nouvelle formulation serait la première à relever du champ d’application du brevet de base invoqué à l’appui de la demande de CCP pour ladite nouvelle formulation.

44

En conséquence, il y a lieu de répondre à la question préjudicielle que l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009, lu en combinaison avec l’article 1er, sous b), de ce règlement, doit être interprété en ce sens que l’AMM visée à l’article 3, sous b), dudit règlement, invoquée à l’appui d’une demande de CCP portant sur une nouvelle formulation d’un principe actif ancien, ne peut pas être considérée comme étant la première AMM du produit concerné en tant que médicament lorsque ce principe actif a déjà fait l’objet d’une AMM en tant que tel.

Sur les dépens

45

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

 

L’article 3, sous d), du règlement (CE) no 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, lu en combinaison avec l’article 1er, sous b), de ce règlement, doit être interprété en ce sens que l’autorisation de mise sur le marché visée à l’article 3, sous b), dudit règlement, invoquée à l’appui d’une demande de certificat complémentaire de protection portant sur une nouvelle formulation d’un principe actif ancien, ne peut pas être considérée comme étant la première autorisation de mise sur le marché du produit concerné en tant que médicament lorsque ce principe actif a déjà fait l’objet d’une telle autorisation en tant que tel.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

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