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Document 62016CJ0465

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 28 février 2019.
Conseil de l'Union européenne contre Growth Energy et Renewable Fuels Association.
Pourvoi – Dumping – Règlement d’exécution (UE) no 157/2013 – Importations de bioéthanol originaire des États-Unis d’Amérique – Droit antidumping définitif – Marge de dumping établie à l’échelle nationale – Recours en annulation – Associations représentant des producteurs non exportateurs et des négociants/mélangeurs – Qualité pour agir – Affectation directe – Affectation individuelle.
Affaire C-465/16 P.

Recueil – Recueil général – Partie «Informations sur les décisions non publiées»

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2019:155

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

28 février 2019 ( *1 )

« Pourvoi – Dumping – Règlement d’exécution (UE) no 157/2013 – Importations de bioéthanol originaire des États-Unis d’Amérique – Droit antidumping définitif – Marge de dumping établie à l’échelle nationale – Recours en annulation – Associations représentant des producteurs non exportateurs et des négociants/mélangeurs – Qualité pour agir – Affectation directe – Affectation individuelle »

Dans l’affaire C‑465/16 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 20 août 2016, ainsi qu’un pourvoi incident au titre de l’article 176 du règlement de procédure de la Cour, introduit le 7 novembre 2016,

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme S. Boelaert, en qualité d’agent, assistée de Me N. Tuominen, avocată,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Growth Energy, établie à Washington (États-Unis),

Renewable Fuels Association, établie à Washington,

représentées par Me P. Vander Schueren, advocaat, assistée de Mes N. Mizulin et M. Peristeraki, avocats,

parties demanderesses en première instance,

Commission européenne, représentée par MM. T. Maxian Rusche et M. França, en qualité d’agents,

ePURE, de Europese Producenten Unie van Hernieuwbare Ethanol, représentée par Mes O. Prost et A. Massot, avocats,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. Vilaras (rapporteur), président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la troisième chambre, MM. J. Malenovský, L. Bay Larsen, M. Safjan et D. Šváby, juges,

avocat général : M. P. Mengozzi,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 3 octobre 2018,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, le Conseil de l’Union européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 juin 2016, Growth Energy et Renewable Fuels Association/Conseil (T‑276/13, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2016:340), par lequel celui-ci a, d’une part, déclaré recevable le recours en annulation introduit par Growth Energy et Renewable Fuels Association contre le règlement d’exécution (UE) no 157/2013 du Conseil, du 18 février 2013, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de bioéthanol originaire des États-Unis d’Amérique (JO 2013, L 49, p. 10) (ci-après le « règlement litigieux »), et, d’autre part, annulé ce règlement, dans la mesure où ce dernier concernait Patriot Renewable Fuels LLC, Plymouth Energy Company LLC, POET LLC et Platinum Ethanol LLC, producteurs de bioéthanol membres de Growth Energy ainsi que de Renewable Fuels Association.

2

Par leur pourvoi incident, Growth Energy et Renewable Fuels Association demandent à la Cour, d’une part, d’annuler l’arrêt attaqué, en ce que celui-ci n’a admis la recevabilité de leur recours que de manière limitée, et, d’autre part, d’annuler le règlement litigieux en tant que ce dernier les affecte ou, subsidiairement, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour que celui-ci statue sur leurs moyens.

Les antécédents du litige et le règlement litigieux

3

Les antécédents du litige ont été exposés par le Tribunal aux points 1 à 18 de l’arrêt attaqué et peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés de la manière suivante.

4

À la suite d’une plainte déposée le 12 octobre 2011 par ePure, de Europese Producenten Unie van Hernieuwbare Ethanol, association européenne des producteurs d’éthanol renouvelable, la Commission européenne a publié, le 25 novembre 2011, un avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de bioéthanol originaire des États-Unis d’Amérique (JO 2011, C 345, p. 7), dans lequel elle annonçait son intention de recourir à la méthode de l’échantillonnage aux fins de sélectionner les producteurs-exportateurs des États-Unis d’Amérique couverts par l’enquête ouverte dans le cadre de cette procédure (ci-après l’« enquête »).

5

Le 16 janvier 2012, la Commission a notifié à cinq sociétés membres de Growth Energy et Renewable Fuels Association, à savoir Marquis Energy, Patriot Renewable Fuels, Plymouth Energy Company, POET et Platinum Ethanol, qu’elles avaient été retenues dans l’échantillon des producteurs-exportateurs.

6

Le 24 août 2012, la Commission a communiqué à Growth Energy et à Renewable Fuels Association le document d’information provisoire annonçant la poursuite de l’enquête, sans adoption de mesures provisoires, et son extension aux négociants/mélangeurs. Ce document indiquait qu’il n’était pas possible à ce stade d’apprécier si les exportations de bioéthanol originaire des États-Unis avaient été effectuées à des prix de dumping, au motif que les producteurs échantillonnés ne faisaient pas de distinction entre les ventes intérieures et les ventes à l’exportation et qu’ils effectuaient toutes leurs ventes à des négociants/mélangeurs indépendants établis aux États-Unis, qui mélangeaient ensuite le bioéthanol à de l’essence avant de le revendre.

7

Le 6 décembre 2012, la Commission a adressé à Growth Energy et à Renewable Fuels Association le document d’information définitif dans lequel elle examinait, sur la base des données des négociants/mélangeurs indépendants, l’existence d’un dumping qui causerait un préjudice à l’industrie de l’Union européenne, et envisageait l’imposition de mesures définitives au taux de 9,6 % à l’échelle nationale, pour une période de trois ans.

8

Le 18 février 2013, le Conseil a adopté, sur le fondement du règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51, ci-après le « règlement antidumping de base »), le règlement litigieux, instituant un droit antidumping sur le bioéthanol, appelé « éthanol-carburant », à un taux de 9,5 % à l’échelle nationale pour une période de cinq ans.

9

Il ressort du point 16 de l’arrêt attaqué que le Conseil a constaté, aux considérants 12 à 16 du règlement litigieux, que l’enquête avait montré qu’aucun des producteurs échantillonnés n’avait exporté de bioéthanol sur le marché de l’Union et que c’était non pas les producteurs américains de bioéthanol, mais les négociants/mélangeurs qui étaient les exportateurs du produit concerné vers l’Union, de sorte que, pour mener à bien l’enquête, il s’était appuyé sur les données des deux négociants/mélangeurs qui avaient accepté de coopérer.

10

Il est également indiqué, au point 17 de l’arrêt attaqué, que le Conseil a expliqué, aux considérants 62 à 64 du règlement litigieux, qu’il jugeait opportun d’établir une marge de dumping à l’échelle nationale, dans la mesure où la structure de l’industrie du bioéthanol et la manière dont le produit concerné était fabriqué et vendu sur le marché des États-Unis et exporté vers l’Union rendaient irréalisable l’établissement de marges de dumping individuelles pour les producteurs des États-Unis.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

11

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 mai 2013, Growth Energy et Renewable Fuels Association ont introduit un recours en annulation du règlement litigieux.

12

Le Tribunal, après avoir admis, pour partie, la recevabilité du recours de Growth Energy et de Renewable Fuels Association, a accueilli la deuxième branche de leur premier moyen, tirée d’une violation par le Conseil de l’article 9, paragraphe 5, du règlement antidumping de base, et a, par conséquent, annulé le règlement litigieux, pour autant qu’il concernait quatre des cinq producteurs américains échantillonnés membres de ces deux associations.

13

Il a examiné la recevabilité du recours de Growth Energy et de Renewable Fuels Association aux points 42 à 162 de l’arrêt attaqué, en examinant successivement les conditions de reconnaissance de leur droit d’agir en qualité d’association, puis leur qualité pour agir et, enfin, leur intérêt à agir.

14

Le Tribunal a ainsi examiné, dans un premier temps, aux points 45 à 64 de l’arrêt attaqué, les conditions de reconnaissance du droit d’agir des associations, en commençant par rappeler qu’un tel droit ne pouvait être reconnu à Growth Energy et à Renewable Fuels Association, en leur qualité d’associations représentant les intérêts des producteurs américains de bioéthanol, que dans trois hypothèses, à savoir, respectivement, lorsqu’une disposition légale le prévoit expressément, lorsque les entreprises qu’elles représentent ou certaines d’entre elles ont qualité pour agir à titre individuel ou lorsqu’elles peuvent elles‑mêmes faire valoir un intérêt qui leur est propre.

15

Il a constaté, tout d’abord, aux points 47 et 48 de l’arrêt attaqué, que Growth Energy et Renewable Fuels Association ne pouvaient se prévaloir de la première hypothèse, dans la mesure où elles n’avaient identifié aucune disposition leur octroyant un droit spécifique d’introduire un recours et où aucun élément du dossier ne permettait de conclure à l’existence d’une telle disposition.

16

Ensuite, au titre de la deuxième hypothèse, il a distingué, au point 50 de l’arrêt attaqué, quatre catégories d’opérateurs économiques membres de Growth Energy et de Renewable Fuels Association.

17

À cet égard, premièrement, il a, au point 51 de l’arrêt attaqué, rejeté comme étant irrecevable le recours de ces dernières, dans la mesure où celui-ci aurait été présenté au nom de Marquis Energy, alors que cette société avait introduit son propre recours, enregistré sous le numéro T‑277/13.

18

Deuxièmement, il a, aux points 52 à 55 de l’arrêt attaqué, rejeté comme étant irrecevable le recours de Growth Energy et de Renewable Fuels Association, au motif que celui-ci était présenté au nom de deux négociants/mélangeurs de bioéthanol, à savoir Murex et CHS, dans la mesure où ces négociants/mélangeurs n’étaient que des membres « associés » des associations sans droit de vote. Il a estimé que ces deux entreprises n’avaient pas la possibilité de faire prévaloir leurs intérêts lors d’une éventuelle représentation par lesdites associations, de sorte que ces dernières n’avaient pas qualité pour agir.

19

Troisièmement, il a, au point 56 de l’arrêt attaqué, indiqué qu’il devait examiner si le recours de Growth Energy et de Renewable Fuels Association était recevable en tant que celles-ci représentaient, d’une part, les quatre producteurs échantillonnés autres que le groupe Marquis Energy et, d’autre part, tout membre autre que les quatre producteurs échantillonnés, Marquis Energy ou les négociants/mélangeurs Murex et CHS .

20

Enfin, le Tribunal a indiqué, au point 63 de l’arrêt attaqué, qu’il convenait de rechercher, au titre de la troisième hypothèse, si Growth Energy et Renewable Fuels Association disposaient d’un intérêt propre en leur qualité d’association ayant participé à la procédure antidumping.

21

Le Tribunal a analysé, dans un deuxième temps, aux points 64 à 154 de l’arrêt attaqué, la qualité pour agir de Growth Energy et de Renewable Fuels Association, en examinant successivement leur qualité pour agir à titre individuel, puis leur qualité pour agir en tant que représentantes des producteurs américains échantillonnés et, enfin, leur qualité pour agir en tant que représentantes de leurs membres autres que les producteurs américains échantillonnés.

22

Le Tribunal a jugé, en premier lieu, aux points 77 à 87 de l’arrêt attaqué, que Growth Energy et Renewable Fuels Association avaient qualité pour agir en leur nom propre, au titre de la troisième hypothèse, en raison des garanties de procédure que l’article 6, paragraphe 7, l’article 19, paragraphes 1 et 2, ainsi que l’article 20, paragraphes 2, 4 et 5, du règlement antidumping de base accordent aux associations, mais seulement aux fins de la sauvegarde des droits procéduraux qu’elles invoquaient dans le cadre de leur dixième moyen.

23

Le Tribunal a jugé, en second lieu, aux points 90 à 150 de l’arrêt attaqué, que les producteurs américains échantillonnés avaient qualité pour agir contre le règlement litigieux et a conclu, par conséquent, à la recevabilité du recours de Growth Energy et de Renewable Fuels Association en leur qualité de représentantes de leurs intérêts.

24

Il a constaté, premièrement, aux points 92 à 104 de l’arrêt attaqué, que les producteurs américains échantillonnés étaient directement concernés par le règlement litigieux, en rejetant, aux points 105 à 118 dudit arrêt, les différents arguments en sens contraire avancés par le Conseil et la Commission.

25

Dans le cadre de son examen de l’affectation directe des producteurs américains échantillonnés, il a rappelé tout d’abord, au point 92 de l’arrêt attaqué, sa jurisprudence selon laquelle une société, dont les produits sont soumis à un droit antidumping, est directement concernée par un règlement instituant ce droit antidumping, car ce règlement oblige les autorités douanières des États membres à percevoir le droit institué sans leur laisser une quelconque marge d’appréciation.

26

Il a ensuite constaté, aux points 93 à 104 de l’arrêt attaqué, que les producteurs américains échantillonnés étaient directement concernés par le droit antidumping institué par le règlement litigieux, au motif qu’ils étaient les producteurs du produit qui, lors de son importation dans l’Union depuis l’entrée en vigueur du règlement litigieux, était soumis au droit antidumping.

27

À cet égard, il s’est appuyé, aux points 93 à 97 de l’arrêt attaqué, sur quatre constatations relatives au fonctionnement du marché du bioéthanol, tel qu’établi par le Conseil, ce dernier ayant lui-même considéré, dans le règlement litigieux, qu’un volume important de bioéthanol provenant des quatre producteurs américains échantillonnés avait été exporté de manière régulière vers l’Union au cours de la période d’enquête.

28

Il a, enfin, aux points 105 à 118 de l’arrêt attaqué, réfuté les différents arguments soulevés par le Conseil et la Commission. Il a notamment relevé à cet égard, au point 114 de l’arrêt attaqué, que, même si c’étaient les négociants/mélangeurs qui supportaient le droit antidumping et qu’il était avéré que la chaîne commerciale du bioéthanol était interrompue de manière à ce que ces négociants/mélangeurs ne fussent pas en mesure de répercuter le droit antidumping sur les producteurs, il demeurait que l’institution d’un droit antidumping changeait les conditions légales sous lesquelles le bioéthanol produit par les producteurs échantillonnés était commercialisé sur le marché de l’Union, de sorte que la position légale desdits producteurs sur ledit marché était, en tout état de cause, directement et substantiellement affectée.

29

Le Tribunal a constaté, deuxièmement, aux points 119 à 130 de l’arrêt attaqué, que les quatre producteurs échantillonnés étaient individuellement concernés par le règlement litigieux, en rejetant, aux points 131 à 145 dudit arrêt, les différents arguments en sens contraire avancés par le Conseil et la Commission.

30

Le Tribunal a jugé, en troisième lieu, aux points 151 à 153 de l’arrêt attaqué, que le recours de Growth Energy et de Renewable Fuels Association était irrecevable en tant qu’il aurait été présenté au nom de tous les membres de ces associations autres que les quatre producteurs américains échantillonnés, faute pour lesdites associations d’avoir fourni les éléments permettant d’établir que leurs membres étaient directement concernés par le règlement litigieux.

31

Le Tribunal a, dans un troisième temps, examiné l’intérêt à agir de Growth Energy et de Renewable Fuels Association. Il a rejeté, aux points 155 à 160 de l’arrêt attaqué, l’argument avancé par la Commission, selon lequel Growth Energy et Renewable Fuels Association n’auraient pas un intérêt né et actuel à agir contre le règlement litigieux, dans la mesure où leurs membres n’avaient pas exporté de bioéthanol vers l’Union au cours de la période d’enquête ni commencé à le faire à la date d’introduction du recours en cause.

32

À cet égard, il a relevé, au point 157 de l’arrêt attaqué, que, si la Commission, simple intervenante, n’avait pas qualité pour soulever une fin de non-recevoir tirée de l’absence d’intérêt à agir, il lui appartenait, toutefois, d’examiner celle-ci d’office. En l’occurrence, il a jugé, d’une part, que Growth Energy et Renewable Fuels Association avaient un intérêt à agir en ce que l’annulation du droit antidumping imposé par le règlement litigieux, qui frappe les importations dans l’Union de bioéthanol produit par les quatre producteurs américains échantillonnés, était susceptible d’apporter un bénéfice à ces derniers. Il a jugé, d’autre part, que ces deux associations avaient un intérêt à agir, en ce qu’elles faisaient valoir une violation de leurs propres droits procéduraux.

33

Le Tribunal a conclu son analyse de la recevabilité du recours, aux points 161 et 162 de l’arrêt attaqué, dans les termes suivants :

« 161

Il découle de tout ce qui précède qu’il y a lieu de :

rejeter le présent recours comme étant irrecevable dans la mesure où il vise à l’annulation du règlement [litigieux] pour autant qu’il concerne Marquis Energy (voir point 51 [de l’arrêt attaqué]) ;

rejeter les neuf premiers moyens comme étant irrecevables dans la mesure où les requérantes font valoir leur qualité pour agir à titre personnel (voir point 87 [de l’arrêt attaqué]) ;

rejeter le présent recours comme étant irrecevable dans la mesure où il vise à l’annulation du règlement [litigieux] pour autant qu’il concerne les membres des requérantes autres que les cinq producteurs américains échantillonnés (voir points 55 et 154 [de l’arrêt attaqué]).

162

Toutefois, il y a lieu de constater que le présent recours est recevable dans la mesure où les requérantes demandent :

premièrement, l’annulation du règlement [litigieux] pour autant que celui-ci concerne les quatre producteurs américains échantillonnés (voir point 150 [de l’arrêt attaqué]) et,

deuxièmement, l’annulation du règlement [litigieux] dans la mesure où elles font valoir, dans le dixième moyen, une violation de leurs propres droits procéduraux lors de la procédure antidumping (voir point 87 [de l’arrêt attaqué]). »

La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

34

Dans le cadre du pourvoi principal, le Conseil demande à la Cour, à titre principal :

d’annuler l’arrêt attaqué ;

de rejeter le recours formé en première instance par Growth Energy et Renewable Fuels Association, et

de condamner Growth Energy et Renewable Fuels Association à supporter les dépens afférents à la procédure de première instance et à la procédure de pourvoi qu’il a exposés.

35

À titre subsidiaire, le Conseil demande à la Cour :

de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour réexamen et

de réserver les dépens afférents à la procédure de première instance et à la procédure de pourvoi.

36

Dans son mémoire en réponse, la Commission demande à la Cour, à titre principal :

d’annuler l’arrêt attaqué ;

de déclarer le recours en première instance irrecevable, et

de condamner Growth Energy et Renewable Fuels Association aux dépens devant le Tribunal et devant la Cour.

37

À titre subsidiaire, la Commission demande à la Cour :

d’annuler l’arrêt attaqué ;

de rejeter la deuxième branche du premier moyen soulevé par Growth Energy et Renewable Fuels Association en première instance et, pour les autres branches du premier moyen ainsi que pour les autres moyens, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour réexamen, et

de réserver les dépens des deux instances.

38

Dans leur mémoire en réponse, Growth Energy et Renewable Fuels Association demandent à la Cour :

de rejeter le pourvoi dans son intégralité et de confirmer le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué et

de condamner le Conseil à supporter les dépens qu’elles ont exposés dans la procédure de première instance et dans la procédure de pourvoi.

39

Dans le cadre du pourvoi incident, Growth Energy et Renewable Fuels Association demandent à la Cour, à titre principal :

d’annuler le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué, dans la mesure où il rejette leur recours en annulation ;

d’annuler le règlement litigieux dans son intégralité, en tant qu’il les affecte ainsi que tous leurs membres, et

de condamner le Conseil à supporter, d’une part, les dépens qu’elles ont exposés en première instance devant le Tribunal et dans le cadre du pourvoi principal et du pourvoi incident portés devant la Cour et, d’autre part, ses propres dépens.

40

À titre subsidiaire, et dans l’hypothèse où la Cour estimerait que le litige n’est pas en état d’être jugé, Growth Energy et Renewable Fuels Association demandent à la Cour :

de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur les neuf premiers moyens d’annulation qu’elles ont soulevés à titre individuel et sur tous les moyens d’annulation qu’elles ont soulevés au nom de leurs membres autres que les quatre producteurs américains échantillonnés et

de condamner le Conseil à supporter les dépens qu’elles ont exposés jusqu’ici dans la procédure de première instance et dans les procédures du pourvoi principal et du pourvoi incident et de réserver les dépens afférents à la suite de la procédure.

41

Dans son mémoire en réponse, le Conseil demande à la Cour :

de rejeter le pourvoi incident dans son intégralité et de confirmer le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué et

de condamner Growth Energy et Renewable Fuels Association à supporter les dépens qu’il a exposés tant en première instance devant le Tribunal que dans le cadre du pourvoi principal et du pourvoi incident ainsi que leurs propres dépens.

42

Dans son mémoire en réponse, la Commission demande à la Cour :

de rejeter le pourvoi incident comme étant irrecevable et, subsidiairement, comme étant non fondé et

de condamner Growth Energy et Renewable Fuels Association aux dépens.

Sur le pourvoi principal

43

Dans le cadre de son pourvoi, le Conseil soulève trois moyens. Le premier moyen est tiré d’une erreur d’interprétation, par le Tribunal, de l’article 263 TFUE ainsi que de la jurisprudence pertinente et d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué. Le deuxième moyen est tiré de ce que le Tribunal se serait livré à une interprétation erronée de l’article 9, paragraphe 5, du règlement antidumping de base. Le troisième moyen est tiré de ce que le Tribunal aurait conclu à tort qu’il n’était pas irréalisable d’appliquer des droits individuels aux producteurs américains retenus dans l’échantillon.

44

Dans le cadre de ses mémoires au soutien du Conseil, la Commission déclare soutenir sans réserve le pourvoi principal formé par le Conseil et partager les arguments présentés par celui-ci dans son mémoire en réplique. Elle soulève toutefois, également, un moyen qui n’a pas été soulevé par le Conseil, mais dont elle estime que la Cour peut l’examiner d’office. Elle fait valoir que le recours de Growth Energy et de Renewable Fuels Association aurait dû être déclaré irrecevable, dans la mesure où la défense des intérêts commerciaux des membres de ces associations n’entre pas dans l’objet social de ces dernières, tel que défini dans leurs statuts.

45

Growth Energy et Renewable Fuels Association excipent de l’irrecevabilité du pourvoi dans son intégralité. D’une part, elles font valoir que, dans le cadre de ses premier et deuxième moyens, le Conseil remet essentiellement en cause des éléments factuels, sans invoquer de dénaturation par le Tribunal des éléments de preuve. D’autre part, elles considèrent que, dans le cadre de son troisième moyen, le Conseil n’expose pas ses arguments avec suffisamment de clarté.

46

La Cour examinera, tout d’abord, l’exception d’irrecevabilité du pourvoi principal soulevée par Growth Energy et Renewable Fuels Association, ensuite le moyen soulevé par la Commission dans le cadre de son mémoire au soutien du Conseil, tiré d’une erreur que le Tribunal aurait commise en déclarant le recours de Growth Energy et de Renewable Fuels Association recevable et, enfin, le premier moyen du pourvoi du Conseil, contestant la qualité pour agir de ces deux associations et, plus précisément, la première branche de ce premier moyen, tirée de ce que le Tribunal aurait commis une erreur de droit en concluant que les producteurs américains échantillonnés de bioéthanol, et, par voie de conséquence, Growth Energy et Renewable Fuels Association, étaient directement concernés par le règlement litigieux.

Sur la recevabilité du pourvoi principal

47

Il convient de rappeler que, certes, l’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces faits et de ces éléments de preuve, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi. Toutefois, lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ceux-ci et les conséquences de droit qui en ont été tirées [arrêts du 28 mai 1998, Deere/Commission, C‑7/95 P, EU:C:1998:256, point 21 ; du 10 décembre 2002, Commission/Camar et Tico, C‑312/00 P, EU:C:2002:736, point 69, ainsi que du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission, C‑203/16 P, EU:C:2018:505, point 77].

48

En l’espèce, par son premier moyen, le Conseil fait valoir que le Tribunal a commis une double erreur de droit dans l’interprétation de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, en concluant que Growth Energy et Renewable Fuels Association étaient, d’une part, directement concernées et, d’autre part, individuellement concernées par le règlement litigieux, en leur qualité de représentantes des quatre producteurs américains de bioéthanol échantillonnés. Dans le cadre de ce premier moyen, le Conseil conteste, plus précisément, que ces producteurs puissent être considérés comme étant directement concernés par le règlement litigieux, dès lors que, en substance, ils n’ont pas directement exporté de bioéthanol vers l’Union.

49

Ce faisant, le Conseil met donc en cause les conséquences de droit que le Tribunal a tirées des constatations de fait qu’il a opérées, en l’occurrence la reconnaissance de la qualité pour agir de Growth Energy et de Renewable Fuels Association contre le règlement litigieux, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, de sorte que le pourvoi principal doit, à tout le moins dans cette mesure, être déclaré recevable (voir, en ce sens, arrêts du 10 décembre 2002, Commission/Camar et Tico, C‑312/00 P, EU:C:2002:736, point 71 ; du 28 juin 2018, Allemagne/Commission, C‑208/16 P, non publié, EU:C:2018:506, point 76, ainsi que du 28 juin 2018, Allemagne/Commission, C‑209/16 P, non publié, EU:C:2018:507, point 74).

50

Il s’ensuit que, sans qu’il soit nécessaire, à ce stade, de se prononcer sur la recevabilité des deux autres moyens soulevés par le Conseil, l’exception d’irrecevabilité du premier moyen du pourvoi principal soulevée par Growth Energy et Renewable Fuels Association doit être rejetée.

Sur le moyen tiré d’une irrecevabilité du recours en première instance de Growth Energy et de Renewable Fuels Association soulevé à titre autonome par la Commission

Argumentation des parties

51

La Commission fait valoir que le Tribunal aurait dû rejeter comme étant irrecevable le recours en première instance de Growth Energy et de Renewable Fuels Association, dans la mesure où, en substance, les statuts de ces associations ne permettaient pas à celles-ci de défendre les intérêts commerciaux d’un secteur donné et/ou des membres de ces dernières. La Cour serait, par ailleurs, tenue d’examiner d’office cet argument.

52

Elle considère que, en décrivant Growth Energy et Renewable Fuels Association comme étant « des associations qui représentent les producteurs américains de bioéthanol », au point 1 de l’arrêt attaqué, puis comme « des associations représentant les intérêts de l’industrie américaine du bioéthanol », au point 42 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a dénaturé les faits. En effet, ces deux associations ne sauraient, en tant qu’associations à but non lucratif constituées selon le District of Columbia Non-profit Corporation Act (loi sur les associations à but non lucratif du district de Columbia), mener des activités de défense des intérêts commerciaux d’un secteur donné et/ou de leurs membres.

53

Une telle activité serait, en outre, incompatible avec le but spécifique de Growth Energy, qui est de « promouvoir l’éthanol en tant que source d’énergie renouvelable, propre et durable », comme avec l’objet social de Renewable Fuels Association, qui serait de « promouvoir et d’accompagner le développement d’une industrie nationale des carburants renouvelables viable et compétitive ». En outre, Growth Energy et Renewable Fuels Association n’ont nullement cherché à faire valoir que leur recours s’inscrivait dans le cadre de leurs objectifs statutaires, le Tribunal constatant, au contraire, au point 75 de l’arrêt attaqué, que la finalité de leur action en justice était de « protéger l’industrie américaine de l’éthanol ».

54

Growth Energy et Renewable Fuels Association font valoir que le fait qu’elles aient un but non lucratif n’implique nullement qu’elles ne puissent défendre les intérêts commerciaux d’un secteur donné et/ou de leurs membres, mais signifie simplement qu’elles ne sauraient tirer des bénéfices financiers de leurs activités et distribuer des dividendes à des actionnaires. Elles ajoutent que la Commission a arbitrairement conclu que l’objet social de Renewable Fuels Association était circonscrit à des considérations nationales et excluait la défense des intérêts commerciaux de ses membres dans les pays tiers. La promotion d’une industrie nationale serait, en effet, également liée à sa croissance, dont les exportations font partie, de sorte que le règlement litigieux, dans la mesure où il affecte la compétitivité de ladite industrie, relève bien de sa mission.

55

En tout état de cause, la Commission, en tant qu’« autre partie » au pourvoi, ne pourrait invoquer à ce stade de la procédure la dénaturation des éléments de preuve à cet égard, non invoquée sur ce point par le Conseil, et soutenir que les constatations du Tribunal concernant les objectifs de l’association seraient en réalité plus limitées. Elle aurait dû introduire un pourvoi incident au titre de l’article 178 du règlement de procédure de la Cour.

Appréciation de la Cour

56

Aux termes de l’article 174 du règlement de procédure, les conclusions du mémoire en réponse tendent à l’accueil ou au rejet, total ou partiel, du pourvoi. Par ailleurs, conformément aux articles 172 et 176 de ce règlement, les parties autorisées à déposer un mémoire en réponse peuvent présenter, par acte séparé, distinct du mémoire en réponse, un pourvoi incident qui, selon l’article 178, paragraphe 1 et paragraphe 3, seconde phrase, dudit règlement, doit tendre à l’annulation, totale ou partielle, de l’arrêt attaqué sur des moyens et des arguments de droit distincts de ceux invoqués dans le mémoire en réponse.

57

Il ressort de ces dispositions, lues conjointement, que le mémoire en réponse ne peut tendre à l’annulation de l’arrêt attaqué pour des motifs distincts et autonomes de ceux invoqués dans le pourvoi, de tels motifs ne pouvant être soulevés que dans le cadre d’un pourvoi incident (arrêts du 10 novembre 2016, DTS Distribuidora de Televisión Digital/Commission, C‑449/14 P, EU:C:2016:848, points 99 à 101, et du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 20).

58

En l’espèce, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, aux points 45 et 46 de ses conclusions, la Commission soulève un moyen tiré, en substance, de ce que le Tribunal aurait dénaturé les faits en considérant que Growth Energy et Renewable Fuels Association étaient statutairement habilitées à défendre les intérêts commerciaux du secteur du bioéthanol ou de leurs membres, que le Conseil n’a pas soulevé, et qui constitue, partant, un motif distinct et autonome d’annulation de l’arrêt attaqué qui ne peut être soulevé que dans le cadre d’un pourvoi incident.

59

Toutefois, selon une jurisprudence constante, la Cour, saisie d’un pourvoi au titre de l’article 56 de son statut, peut se prononcer, au besoin d’office, sur le moyen d’ordre public tiré de la méconnaissance des conditions de recevabilité posées à l’article 263 TFUE (voir arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑298/00 P, EU:C:2004:240, point 35, ainsi que ordonnances du 15 avril 2010, Makhteshim-Agan Holding e.a./Commission, C‑517/08 P, non publiée, EU:C:2010:190, point 54, et du 7 décembre 2017, Eurallumina/Commission, C‑323/16 P, non publiée, EU:C:2017:952, point 31).

60

Le moyen soulevé par la Commission ne saurait cependant prospérer.

61

En effet, d’une part, le fait que Growth Energy et Renewable Fuels Association ne poursuivent aucun but lucratif n’implique nullement qu’elles ne puissent assurer la défense en justice des intérêts collectifs des personnes morales qu’elles représentent. La Commission n’a, en tout état de cause, ni établi ni même allégué qu’elles n’avaient pas la capacité d’ester en justice.

62

D’autre part, contrairement à ce qu’allègue la Commission, il n’est nullement manifeste que l’objet social de Growth Energy et de Renewable Fuels Association ne leur permet pas d’assurer la défense des intérêts commerciaux de leurs membres dans les pays tiers. Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, au point 51 de ses conclusions, l’objet social de chacune de ces deux associations est énoncé de manière suffisamment large pour englober une action en justice destinée à défendre les intérêts des membres de ces dernières contre des mesures de défense commerciale.

63

Il s’ensuit que le moyen autonome de la Commission doit être rejeté comme étant dénué de tout fondement en droit.

Sur la première branche du premier moyen du pourvoi principal tirée d’une affectation directe des producteurs américains échantillonnés

Argumentation des parties

64

Le Conseil fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant, au point 104 de l’arrêt attaqué, que les quatre producteurs américains de bioéthanol échantillonnés étaient directement concernés par le règlement litigieux, cette conclusion étant, par ailleurs, justifiée par les éléments exposés aux points 114, 116 et 117 de cet arrêt.

65

Le Tribunal aurait jugé, en effet, que ces quatre producteurs étaient directement concernés, dans la mesure où ils étaient des producteurs du produit qui, lors de son importation dans l’Union, était soumis au droit antidumping. L’institution d’un tel droit aurait changé les conditions légales sous lesquelles le bioéthanol était commercialisé sur le marché de l’Union. Or, le constat d’un tel effet direct serait incompatible avec celui posé par la Cour dans son arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission (C‑456/13 P, EU:C:2015:284, points 44 à 51). En tant que producteurs ne vendant pas directement leurs produits dans l’Union, ils pourraient tout au plus être indirectement concernés d’un point de vue économique, en ce qu’ils subissent potentiellement un désavantage concurrentiel par rapport à d’autres fabricants de bioéthanol sur lesquels aucun droit n’est perçu.

66

Selon le Conseil, le Tribunal a jugé à tort que les droits antidumping changeaient les conditions légales de commercialisation du produit concerné et affectaient ainsi directement et substantiellement la position de tous les producteurs échantillonnés, qu’ils soient ou non des exportateurs. En concluant que tous les producteurs étaient par défaut directement concernés, le Tribunal serait allé au-delà de la jurisprudence constante qu’il cite, se rendant ainsi coupable « d’exagération » judiciaire.

67

Le Tribunal aurait donc méconnu la condition d’affectation directe énoncée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, qui exige que la mesure faisant l’objet d’un recours produise directement des effets sur la situation juridique de la personne concernée et ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires, en acceptant comme étant suffisant un changement présumé et indirect sur la situation économique des quatre producteurs échantillonnés.

68

Growth Energy et Renewable Fuels Association estiment que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en concluant qu’elles étaient directement concernées par le règlement litigieux.

Appréciation de la Cour

69

Aux termes d’une jurisprudence constante de la Cour, rappelée par le Tribunal, au point 67 de l’arrêt attaqué, la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la mesure faisant l’objet du recours requiert que deux conditions soient cumulativement réunies, à savoir que la mesure contestée, d’une part, produise directement des effets sur la situation juridique de cette personne et, d’autre part, ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union sans application d’autres règles intermédiaires [voir, notamment, arrêt du 5 mai 1998, Compagnie Continentale (France)/Commission, C‑391/96 P, EU:C:1998:194, point 41, ainsi que ordonnances du 10 mars 2016, SolarWorld/Commission, C‑142/15 P, non publiée, EU:C:2016:163, point 22, et du 21 avril 2016, Makro autoservicio mayorista et Vestel Iberia/Commission, C‑264/15 P et C‑265/15 P, non publiée, EU:C:2016:301, point 45].

70

Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, au point 58 de ses conclusions, c’est l’appréciation par le Tribunal de la première de ces conditions qui est mise en cause par le Conseil et par la Commission.

71

Les institutions font en effet valoir, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant que les producteurs américains échantillonnés étaient directement concernés par le règlement litigieux en raison du fait qu’un volume important de leur production de bioéthanol avait été exporté, par des négociants/mélangeurs, de manière régulière vers l’Union au cours de la période d’enquête, de sorte que leur position légale sur le marché de l’Union avait été substantiellement affectée du fait de l’institution du droit antidumping.

72

Il importe de rappeler à cet égard que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, si les règlements instituant des droits antidumping sur un produit ont, par leur nature et leur portée, un caractère normatif, en ce qu’ils s’appliquent à la généralité des opérateurs économiques intéressés, il n’est pas exclu qu’ils puissent concerner directement et individuellement certains d’entre eux, notamment, sous certaines conditions, les producteurs et exportateurs dudit produit (voir, en ce sens, arrêt du 16 avril 2015, TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, point 19 et jurisprudence citée).

73

À cet égard, la Cour a itérativement jugé que les actes portant institution de droits antidumping sont de nature à concerner directement et individuellement les entreprises productrices et exportatrices du produit en cause auxquelles sont imputées les pratiques de dumping sur la base de données relatives à leur activité commerciale. Tel est le cas des entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu’elles ont été identifiées dans les actes de la Commission ou du Conseil ou concernées par les enquêtes préparatoires (voir en ce sens, notamment, arrêts du 21 février 1984, Allied Corporation e.a./Commission, 239/82 et 275/82, EU:C:1984:68, points 11 et 12, ainsi que du 7 mai 1987, NTN Toyo Bearing e.a./Conseil, 240/84, EU:C:1987:202, point 5).

74

Il ressort de cette jurisprudence qu’une entreprise ne saurait être considérée comme directement concernée par un règlement instituant un droit antidumping en raison de sa seule qualité de productrice du produit soumis audit droit, la qualité d’exportatrice étant, à cet égard, essentielle. En effet, il ressort des termes mêmes de la jurisprudence citée au point précédent du présent arrêt que l’affectation directe, par un règlement instituant des droits antidumping, de certains producteurs et exportateurs du produit en cause tient notamment au fait que les pratiques de dumping leur sont imputées. Or, un producteur qui n’exporte pas sa production sur le marché de l’Union, mais se limite à l’écouler sur son marché national ne saurait se voir imputer une pratique de dumping.

75

Par conséquent, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, au point 77 de ses conclusions, la simple circonstance qu’un produit se retrouve sur le marché de l’Union, fût-ce en volume considérable, ne suffit pas à considérer que, une fois que ce produit se trouve frappé par l’institution d’un droit antidumping, son producteur est directement affecté dans sa situation juridique par ce droit.

76

Or, en l’espèce, ainsi qu’il ressort des considérants 12 et 63 du règlement litigieux, et comme le Tribunal l’a constaté au point 94 de l’arrêt attaqué, les producteurs américains échantillonnés n’ont pas directement exporté leur production sur le marché de l’Union au cours de la période d’enquête. Dès lors, aucune pratique de dumping ne leur a été imputée et aucune marge de dumping individuelle ne pouvait être établie à leur égard, ainsi qu’il ressort des considérants 64 et 76 du règlement litigieux et comme le Tribunal l’a relevé aux points 107 à 112 de l’arrêt attaqué.

77

Lesdits producteurs n’ayant pas directement exporté leur production vers le marché de l’Union et n’ayant donc pas été, en définitive, identifiés dans le règlement litigieux comme étant des exportateurs, ils n’ont été ni directement concernés par les constatations relatives à l’existence d’une pratique de dumping, ni même directement affectés dans leur patrimoine, leur production n’ayant pas été directement soumise aux droits antidumping institués.

78

Certes, des producteurs américains de bioéthanol ont été identifiés dans les actes des institutions, dans la mesure où ils avaient initialement été retenus par la Commission dans l’échantillon des producteurs-exportateurs américains. Toutefois, cette circonstance, au demeurant relevée par le Tribunal au point 119 de l’arrêt attaqué, consacré à l’analyse de l’affectation individuelle des producteurs américains échantillonnés, n’est pas suffisante pour qu’il puisse être conclu que ces derniers sont directement concernés par le règlement litigieux.

79

En effet, il ressort de la jurisprudence rappelée au point 73 du présent arrêt que seules les « entreprises productrices et exportatrices » du produit soumis à un droit antidumping auxquelles sont imputées les pratiques de dumping, et qui peuvent démontrer qu’elles ont été identifiées dans les actes des institutions, sont considérées comme étant directement concernées par le règlement instituant ledit droit.

80

Or, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 76 du présent arrêt, il est constant que les producteurs américains échantillonnés n’ont pas exporté directement leur production de bioéthanol sur le marché de l’Union.

81

S’il est vrai que le règlement litigieux peut placer les producteurs américains de bioéthanol dans une position concurrentielle désavantageuse, cette circonstance, à la supposer établie, ne permet pas en soi de considérer que ces producteurs étaient affectés dans leur situation juridique par les dispositions de ce règlement, et qu’ils étaient, partant, directement concernés par celles-ci (voir, en ce sens, arrêts du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 37, ainsi que du 17 septembre 2015, Confederazione Cooperative Italiane e.a./Anicav e.a., C‑455/13 P, C‑457/13 P et C‑460/13 P, non publié, EU:C:2015:616, point 49).

82

Le Tribunal a donc commis une erreur de droit en concluant que les producteurs américains de bioéthanol échantillonnés étaient directement concernés par le règlement litigieux. Par conséquent, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens du pourvoi, l’arrêt attaqué doit être annulé, en ce qu’il a annulé le règlement litigieux, dans la mesure où il concernait Patriot Renewable Fuels, Plymouth Energy Company, POET et Platinum Ethanol.

Sur le pourvoi incident

83

Dans le cadre de leur pourvoi incident, Growth Energy et Renewable Fuels Association soulèvent deux moyens tirés d’une analyse erronée effectuée par le Tribunal concernant la recevabilité de leur recours en première instance. Elles font valoir, premièrement, que le Tribunal a commis une erreur de droit en limitant le périmètre de leur qualité pour agir à titre individuel à leur dixième moyen, tendant à la sauvegarde de leurs droits procéduraux. Elles contestent, ainsi, la conclusion par laquelle le Tribunal rejette, au point 161, deuxième tiret, de l’arrêt attaqué, leurs neuf premiers moyens comme étant irrecevables.

84

Elles font valoir, deuxièmement, que le Tribunal a également commis une erreur de droit en leur déniant la qualité pour agir au nom de leurs membres autres que les producteurs américains de bioéthanol échantillonnés, à savoir, d’une part, les négociants/mélangeurs Murex et CHS et, d’autre part, leurs autres membres non échantillonnés. Elles contestent, ainsi, la conclusion par laquelle le Tribunal a rejeté, au point 161, troisième tiret, de l’arrêt attaqué, le recours comme étant irrecevable, dans la mesure où il tend à l’annulation du règlement litigieux pour autant qu’il concerne les membres des requérantes autres que les cinq producteurs américains échantillonnés.

85

Le Conseil conclut au rejet des deux moyens du pourvoi incident.

86

La Commission fait également valoir, à titre subsidiaire, que les deux moyens dudit pourvoi doivent être rejetés comme étant manifestement non fondés, mais soulève également, à titre principal, deux exceptions d’irrecevabilité.

Sur la recevabilité du pourvoi incident

87

La Commission fait valoir, en premier lieu, que le pourvoi incident a été signé électroniquement par une personne affirmant être membre des barreaux d’Athènes (Grèce) et de Bruxelles (Belgique), mais que ni le certificat d’exercice ni le pouvoir de cette personne n’ont été produits, ce qui, à défaut de régularisation, suffit pour déclarer le pourvoi incident comme étant irrecevable.

88

Elle fait valoir, en deuxième lieu, que le pourvoi incident, introduit par Growth Energy et Renewable Fuels Association, doit être rejeté comme étant irrecevable, tout comme aurait dû l’être le recours en annulation qu’elles ont introduit en première instance devant le Tribunal, faute pour celles-ci d’être habilitées, par leur statut, à le former. La Commission articule plus précisément les mêmes arguments que ceux qu’elle a invoqués pour contester la recevabilité du mémoire en réponse au pourvoi présenté par ces deux associations, résumés aux points 51 à 53 du présent arrêt.

89

À cet égard, il convient de constater que l’original du pourvoi incident de Growth Energy et de Renewable Fuels Association a, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, au point 113 de ses conclusions, été dûment signé par une avocate, dont la qualité n’est pas contestée et qui, en tout état de cause et conformément à l’article 44, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure, a dûment produit, d’une part, le document de légitimation certifiant qu’elle est habilitée à exercer devant une juridiction d’un État membre et, d’autre part, les mandats délivrés par Growth Energy et Renewable Fuels Association.

90

La première exception d’irrecevabilité de la Commission doit, partant, être rejetée comme étant manifestement dénuée de tout fondement.

91

La seconde exception d’irrecevabilité de la Commission doit également être rejetée, pour les motifs exposés aux points 60 à 63 du présent arrêt.

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

92

Le premier moyen soulevé par Growth Energy et Renewable Fuels Association se subdivise en deux branches.

93

La première branche du premier moyen est tirée du constat erroné du Tribunal, au point 79 de l’arrêt attaqué, selon lequel le règlement litigieux n’aurait pas modifié la situation juridique, les droits et les obligations de ces deux associations.

94

Celles-ci considèrent, d’abord, qu’un règlement antidumping peut affecter la situation juridique d’un justiciable autrement que par le simple paiement d’un droit antidumping. En l’occurrence, le règlement litigieux aurait modifié leurs droits et leurs obligations dès lors qu’elles ont pour seule raison d’être le mandat et la mission d’assurer la défense et la représentation des droits de l’industrie américaine du bioéthanol au nom de leurs membres, producteurs échantillonnés ou pas.

95

Elles soulignent, ensuite, que, dans le but de représenter convenablement leurs membres devant les institutions de l’Union, elles ont activement participé à la procédure administrative antidumping qui a conduit à l’adoption du règlement litigieux. Partant, un règlement instituant un droit antidumping nuirait, à titre individuel et au regard de son objet social, à une association qui n’aurait pu obtenir le résultat escompté de son intervention.

96

Elles font valoir, enfin, que le Tribunal a commis une erreur de droit en écartant, au point 86 de l’arrêt attaqué, la pertinence de l’arrêt du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission (C‑313/90, EU:C:1993:111), au motif que la position des requérantes en tant qu’associations représentatives n’était pas comparable à celle d’un négociateur agissant formellement au nom de ses membres comme dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt.

97

Dans le cadre de la seconde branche, elles contestent la conclusion du Tribunal, exposée au point 85 de l’arrêt attaqué, selon laquelle elles ne pouvaient être considérées comme étant directement et individuellement concernées par le règlement litigieux qu’au titre de leur dixième moyen, tendant à la protection des garanties de procédure que leur accordaient l’article 6, paragraphe 7, l’article 19, paragraphes 1 et 2, ainsi que l’article 20, paragraphes 2, 4 et 5, du règlement antidumping de base.

98

Elles soulignent que les deux arrêts sur lesquels le Tribunal s’est appuyé à cet égard, à savoir les arrêts du 4 octobre 1983, Fediol/Commission (191/82, EU:C:1983:259, point 31), et du 17 janvier 2002, Rica Foods/Commission (T‑47/00, EU:T:2002:7, point 55), ne permettent pas d’établir le bien-fondé de cette conclusion. S’il peut se déduire de ces arrêts qu’un justiciable ne peut être individuellement concerné par un acte que « lorsque la réglementation de l’Union applicable lui accorde certaines garanties de procédure », ils ne viennent, en revanche, pas conforter la thèse selon laquelle cette qualité devrait être limitée aux seuls moyens alléguant une violation des droits procéduraux.

99

Elles considèrent que, une fois constatée l’affectation directe et individuelle d’un justiciable, le recours de ce dernier doit être considéré comme étant recevable dans son intégralité. Toutes les parties intéressées au sens du règlement antidumping de base, qu’elles soient producteurs, exportateurs, importateurs ou leurs associations, jouiraient des mêmes droits en vertu de ce règlement. En leur déniant « pleine qualité pour agir », le Tribunal aurait, en outre, admis que le régime des associations représentatives doit être différent selon qu’elles introduisent une plainte ou qu’elles contestent une mesure causant un préjudice à elles-mêmes et à leurs membres.

100

Le Conseil et la Commission concluent au rejet du premier moyen, en faisant notamment valoir que le Tribunal a jugé a bon droit que la portée de la qualité pour agir des associations était limitée à la défense de leurs droits procéduraux.

Appréciation de la Cour

101

Ainsi qu’il ressort des points 77 à 87 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, en substance, qu’il convenait de reconnaître à Growth Energy et à Renewable Fuels Association qualité pour agir contre le règlement litigieux, mais seulement de manière limitée, pour assurer la sauvegarde de leurs droits procéduraux.

102

Il a plus précisément jugé, en premier lieu, au point 79 de l’arrêt attaqué, que Growth Energy et Renewable Fuels Association n’étaient pas directement concernées par le règlement litigieux, pour autant que celui-ci imposait des droits antidumping aux seuls produits de leurs membres, dans la mesure où il ne modifiait pas leur situation juridique. Il a toutefois jugé, en deuxième lieu, aux points 80 à 85 et 87 de l’arrêt attaqué, que ces deux associations avaient néanmoins qualité pour agir contre le règlement litigieux, en leur qualité d’associations représentatives étant intervenues dans le processus d’adoption de ce dernier, mais seulement de manière limitée, aux seules fins d’assurer la sauvegarde des droits procéduraux que leur reconnaît le règlement antidumping de base. Il a jugé, en troisième lieu, au point 86 de l’arrêt attaqué, qu’elles ne pouvaient se prévaloir de l’arrêt du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission (C‑313/90, EU:C:1993:111, points 28 à 30), leur position en tant qu’associations représentatives aux termes du règlement antidumping de base n’étant pas comparable à celle d’un négociateur agissant formellement au nom de ses membres.

103

Dans le cadre de la première branche de leur moyen, qui vise les points 79 et 86 de l’arrêt attaqué, Growth Energy et Renewable Fuels Association font en substance valoir que le Tribunal aurait dû leur reconnaître qualité pleine et entière pour agir, dans la mesure où elles ont activement participé à la procédure administrative antidumping. Le Tribunal aurait ainsi commis des erreurs de droit en jugeant, d’une part, au point 79 de l’arrêt attaqué, qu’elles n’étaient pas directement concernées par le règlement litigieux et, d’autre part, au point 86 de l’arrêt attaqué, qu’elles n’étaient pas dans une situation comparable à celle ayant donné lieu à l’arrêt du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission (C‑313/90, EU:C:1993:111, points 28 à 30).

104

Les arguments ainsi avancés par Growth Energy et Renewable Fuels Association ne sauraient toutefois prospérer.

105

En effet, d’une part, il ne saurait être considéré, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, au point 153 de ses conclusions, que le règlement litigieux a modifié les droits et les obligations de Growth Energy et de Renewable Fuels Association, en raison du simple fait qu’elles avaient mandat et mission d’assurer la défense et la représentation des droits de l’industrie américaine du bioéthanol au nom de leurs membres. D’autre part, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, aux points 160 à 165 de ses conclusions, c’est à juste titre que le Tribunal a considéré que la situation de Growth Energy et de Renewable Fuels Association n’était en rien comparable à la situation exceptionnelle de négociateur en cause dans l’affaire ayant donné à l’arrêt du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission (C‑313/90, EU:C:1993:111, points 28 à 30).

106

Dans le cadre de la seconde branche de leur premier moyen, Growth Energy et Renewable Fuels Association font essentiellement valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en limitant le périmètre de leur droit de recours contre le règlement litigieux à la seule défense de leurs droits procéduraux et en n’admettant, en conséquence, comme étant recevable que leur dixième moyen.

107

À cet égard, la Cour a déjà jugé qu’une personne physique ou morale disposant de droits procéduraux dans le cadre du processus d’adoption d’un acte de l’Union ne saurait se voir reconnaître par principe, en présence d’une quelconque garantie procédurale, qualité pour agir contre cet acte afin de contester la légalité au fond de celui-ci. En effet, la portée exacte du droit de recours d’un particulier contre un acte de l’Union dépend de la position juridique définie en sa faveur par le droit de l’Union visant à protéger les intérêts légitimes ainsi reconnus (arrêts du 25 octobre 1977, Metro SB-Großmärkte/Commission, 26/76, EU:C:1977:167, point 13 et du 4 octobre 1983, Fediol/Commission, 191/82, EU:C:1983:259, point 31, ainsi que ordonnance du 5 mai 2009, WWF-UK/Conseil, C‑355/08 P, non publiée, EU:C:2009:286, point 44).

108

Dès lors, ainsi que M. l’avocat général l’a souligné, au point 157 de ses conclusions, le simple fait d’invoquer l’existence de garanties procédurales ne saurait entraîner la recevabilité du recours en ce qu’il est fondé sur des moyens tirés de la violation de règles matérielles (voir, en ce sens, ordonnance du 5 mai 2009, WWF-UK/Conseil, C‑355/08 P, non publiée, EU:C:2009:286, point 47).

109

Il s’ensuit que le premier moyen de Growth Energy et de Renewable Fuels Association doit être rejeté comme étant non fondé.

Sur le second moyen

Argumentation des parties

110

Dans le cadre de leur second moyen, qui se subdivise en deux branches, Growth Energy et Renewable Fuels Association font valoir que le Tribunal a également commis une erreur de droit en leur déniant qualité pour agir au nom de leurs membres autres que les producteurs américains de bioéthanol échantillonnés, à savoir premièrement, les négociants/mélangeurs Murex et CHS et, deuxièmement, les autres membres non échantillonnés.

111

Le Tribunal aurait, tout d’abord, jugé à tort, aux points 52 à 55 de l’arrêt attaqué, que la défense des intérêts de Murex et de CHS ne pouvait justifier la recevabilité du recours, dès lors que ces négociants/mélangeurs avaient simplement la qualité de membre « associé » de Growth Energy et de Renewable Fuels Association et ne disposaient donc pas du droit de vote. En effet, la jurisprudence de la Cour, reconnaissant la qualité pour agir des associations, ne ferait aucune distinction entre les membres associés et les autres, pour affirmer, au contraire, clairement qu’est recevable le recours introduit par une association agissant en lieu et place d’un ou de plusieurs de ses membres qui auraient pu eux-mêmes introduire un recours recevable.

112

Le Tribunal aurait également jugé à tort, aux points 152 à 154 de l’arrêt attaqué, que les autres membres de Growth Energy et de Renewable Fuels Association, non inclus dans l’échantillon des producteurs-exportateurs, n’étaient pas directement concernés par le règlement litigieux, dans la mesure où, d’une part, ces deux associations ne les auraient pas identifiés et où, d’autre part, elles n’auraient apporté aucun élément démontrant qu’ils avaient exporté du bioéthanol vers l’Union et que leurs produits avaient été soumis au droit antidumping institué par ce règlement. Elles font valoir, à cet égard, que, en raison du fait qu’il établit un droit antidumping à l’échelle nationale sur les importations de bioéthanol originaire des États-Unis, le règlement litigieux est réputé concerner directement tous les producteurs américains, la situation juridique de ces derniers étant directement affectée par le droit antidumping à l’instant même où leur produit pénètre le marché de l’Union. Les exportateurs potentiels seraient de même directement concernés, le droit antidumping ayant une incidence sur les sites d’exportation du produit.

113

Growth Energy et Renewable Fuels Association ajoutent que le Tribunal a également omis d’examiner la question de leur affectation individuelle. Or, elles seraient intervenues au cours de la procédure en qualité de représentantes de l’ensemble de leurs membres, en soumettant des éléments de preuve que les importations américaines ne causaient pas un préjudice important à l’industrie de l’Union européenne. La spécificité du cas d’espèce résiderait donc dans le fait que le règlement litigieux a été adopté sur la base de leurs observations, traduisant l’opinion et la position de leurs membres. Ne pas leur reconnaître la qualité pour agir permettrait au Conseil de se soustraire à tout contrôle effectif de légalité. À cet égard, l’affirmation émise par le Tribunal, au point 161 de l’arrêt attaqué, serait inexacte et exagérée.

114

Le Conseil conclut au rejet du second moyen du pourvoi incident comme étant irrecevable et, en tout état de cause, comme étant dénué de tout fondement en droit.

Appréciation de la Cour

115

Le Tribunal a jugé, aux points 52 à 55 de l’arrêt attaqué, que Growth Energy et Renewable Fuels Association n’avaient pas la qualité pour agir en tant que représentantes, respectivement, de leurs membres « associés » Murex et CHS. Il a relevé à cet égard, au point 53 de l’arrêt attaqué, que, en tant que membre associé de Renewable Fuels Association, CHS avait, en vertu du statut de cette association, le droit d’assister aux réunions des membres, mais n’avait pas le droit de voter. Il a également relevé, au point 54 de l’arrêt attaqué, que, en tant que membre associé de Growth Energy, Murex n’avait, en vertu des statuts de cette association, pas non plus le droit de voter. Le Tribunal en a conclu que CHS et Murex n’avaient pas la possibilité de faire prévaloir leurs intérêts lors d’une éventuelle représentation de ceux-ci par leur association.

116

Le Tribunal a, par ailleurs, constaté, aux points 151 à 153 de l’arrêt attaqué, que Growth Energy et Renewable Fuels Association n’avaient, d’une part, nommément identifié, hormis les producteurs américains échantillonnés et les négociants/mélangeurs Murex et CHS, aucun de leurs membres qui aurait pu avoir la qualité pour agir et, d’autre part, apporté aucun élément démontrant que de tels membres auraient exporté du bioéthanol vers l’Union et partant été soumis au droit antidumping institué par le règlement litigieux. Il en a conclu qu’il ne pouvait être considéré que lesdits membres auraient pu être directement concernés par le règlement litigieux.

117

Il convient, tout d’abord, de rejeter l’exception d’irrecevabilité du second moyen soulevée par le Conseil. Contrairement à ce que ce dernier fait valoir, Growth Energy et Renewable Fuels Association remettent en cause non pas l’appréciation par le Tribunal des faits, mais bien la qualification juridique de ces faits, et, plus précisément, les conclusions de celui-ci selon lesquelles, d’une part, ces deux associations n’auraient pas la qualité pour agir au nom des négociants/mélangeurs Murex et CHS et, d’autre part, les producteurs américains de bioéthanol non échantillonnés ne seraient pas directement concernés par le règlement litigieux.

118

Ensuite, la seconde branche du second moyen soulevé par Growth Energy et Renewable Fuels Association, tirée d’une erreur qu’aurait commise le Tribunal en jugeant que ces deux associations n’avaient pas la qualité pour agir au nom de leurs membres ne faisant pas partie de l’échantillon des producteurs-exportateurs, doit être rejetée.

119

En effet, ainsi qu’il ressort des points 69 à 82 du présent arrêt, ni la circonstance qu’une partie, fût-elle substantielle, de la production des producteurs américains de bioéthanol soit exportée vers l’Union ni le fait qu’ils puissent devoir acquitter le droit antidumping institué par le règlement litigieux ne constituent des éléments suffisants pour considérer qu’ils sont directement concernés par ce règlement, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

120

Il convient, en revanche, d’accueillir la première branche du second moyen. En effet, le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant que la défense des intérêts des négociants/mélangeurs Murex et CHS ne pouvait justifier la recevabilité du recours de Growth Energy et de Renewable Fuels Association, dans la mesure où ceux-ci n’avaient que la qualité de membre associé de ces associations et, partant, ne disposaient pas d’un droit de vote au sein desdites associations.

121

En effet, une telle circonstance ne saurait suffire à démontrer l’absence de qualité pour agir de telles associations.

122

Ainsi que M. l’avocat général l’a souligné, au point 129 de ses conclusions, la recevabilité du recours en annulation d’une association assurant la défense des intérêts collectifs de ses membres dépend, dans la deuxième hypothèse envisagée par le Tribunal au point 45 de l’arrêt attaqué, de la qualité pour agir à titre individuel des entreprises que cette association représente (voir, en ce sens, ordonnance du 18 décembre 1997, Sveriges Betodlares et Henrikson/Commission, C‑409/96 P, EU:C:1997:635, points 46 et 47 ; arrêts du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416, point 56 ; du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 33, ainsi que du 13 mars 2018, European Union Copper Task Force/Commission, C‑384/16 P, EU:C:2018:176, point 87).

123

Or, il ne saurait être admis que l’absence de droit de vote de certains membres d’une association, ou d’un autre instrument leur permettant de faire prévaloir leurs intérêts au sein de cette dernière, suffit pour établir que ladite association n’a pas pour objet de représenter de tels membres.

124

En outre, une telle condition supplémentaire peut, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général, au point 141 de ses conclusions, être difficile à apprécier, au regard, notamment, des divergences possibles en fonction du droit régissant les statuts de l’association concernée.

125

Il s’ensuit que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant qu’il appartenait à Growth Energy et à Renewable Fuels Association de démontrer non seulement que leurs membres étaient directement et individuellement concernés, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, mais également que les membres dont elles entendaient défendre les intérêts devaient, en outre, pouvoir faire prévaloir leurs intérêts individuels au sein de ces associations.

126

Par conséquent, l’arrêt attaqué doit être annulé en ce qu’il a rejeté comme étant irrecevable le recours en annulation de Growth Energy et de Renewable Fuels Association en leur qualité d’association assurant la défense des intérêts collectifs de leurs membres et, plus précisément, des négociants/mélangeurs Murex et CHS, sans examiner si ces derniers étaient directement et individuellement concernés par le règlement litigieux.

Sur le recours devant le Tribunal

127

Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, celle-ci peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour que celui-ci statue, soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

128

En l’espèce, la Cour estime qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer elle-même sur la recevabilité du recours introduit devant le Tribunal par Growth Energy et Renewable Fuels Association, en leur qualité de représentantes des intérêts des producteurs américains de bioéthanol échantillonnés.

129

Ainsi qu’il ressort des points 69 à 82 du présent arrêt, le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que les producteurs américains échantillonnés étaient directement concernés par le règlement litigieux, dans la mesure où des volumes très considérables de bioéthanol qui avaient été exportés vers l’Union avaient été achetés au cours de la période d’enquête par les négociants/mélangeurs auprès d’eux.

130

Or, dans la mesure où Growth Energy et Renewable Fuels Association se sont bornées, afin d’établir qu’elles étaient directement concernées par le règlement litigieux en leur qualité de représentantes des producteurs américains échantillonnés, à invoquer la qualité de ces producteurs, susceptibles de voir leur situation concurrentielle substantiellement affectée par l’imposition du droit antidumping institué par ce règlement, il convient de constater qu’elles n’ont pas démontré que ces producteurs étaient directement concernés, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, par le règlement litigieux.

131

Partant, étant rappelé qu’il appartenait à Growth Energy et à Renewable Fuels Association d’établir que leurs membres étaient non seulement individuellement, mais également directement concernés par le règlement litigieux, ces deux conditions étant cumulatives (voir, en ce sens, arrêts du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 76, ainsi que du 13 mars 2018, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C‑244/16 P, EU:C:2018:177, point 93), il convient d’accueillir l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil et de rejeter le recours en annulation du règlement litigieux comme étant, sur ce point, irrecevable.

Sur le renvoi de l’affaire devant le Tribunal

132

En revanche, la Cour considère qu’elle n’est pas en mesure de statuer elle-même sur la recevabilité du recours introduit par Growth Energy et Renewable Fuels Association, en leur qualité de représentantes des intérêts des négociants/mélangeurs Murex et CSH, leur recours ayant été rejeté sur ce point par le Tribunal comme étant irrecevable sans que ce dernier ait examiné si ces négociants/mélangeurs étaient directement et individuellement concernés par le règlement litigieux.

133

Il convient, par conséquent, de renvoyer la présente affaire au Tribunal pour que celui-ci statue sur la recevabilité du recours de Growth Energy et de Renewable Fuels Association dans la mesure où celles-ci ont introduit ce recours en leur qualité de représentantes des intérêts des négociants/mélangeurs Murex et CHS.

134

Les dépens doivent, dans ces conditions, être réservés.

 

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête :

 

1)

L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 juin 2016, Growth Energy et Renewable Fuels Association/Conseil (T‑276/13, EU:T:2016:340), est annulé, sauf en ce qu’il a rejeté le recours introduit par Growth Energy et Renewable Fuels Association à titre individuel en tant que parties intéressées à la procédure.

 

2)

Le recours en annulation de Growth Energy et de Renewable Fuels Association est rejeté comme étant irrecevable dans la mesure où celles-ci ont introduit ce recours en leur qualité de représentantes des intérêts des producteurs américains de bioéthanol échantillonnés.

 

3)

L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne pour que celui-ci statue sur le recours en annulation de Growth Energy et de Renewable Fuels Association dans la mesure où celles-ci ont introduit ce recours en leur qualité de représentantes des intérêts des négociants/mélangeurs Murex et CHS.

 

4)

Les dépens sont réservés.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

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