EUR-Lex L'accès au droit de l'Union européenne

Retour vers la page d'accueil d'EUR-Lex

Ce document est extrait du site web EUR-Lex

Document 62015CJ0612

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 5 juin 2018.
Procédure pénale contre Nikolay Kolev e.a.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Spetsializiran nakazatelen sad.
Renvoi préjudiciel – Article 325 TFUE – Fraude ou autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne en matière douanière – Effectivité des poursuites pénales – Clôture de la procédure pénale – Délai raisonnable – Directive 2012/13/UE – Droit d’être informé de l’accusation portée contre soi – Droit d’accès aux pièces du dossier – Directive 2013/48/UE – Droit d’accès à un avocat.
Affaire C-612/15.

Recueil – Recueil général

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2018:392

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

5 juin 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 325 TFUE – Fraude ou autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne en matière douanière – Effectivité des poursuites pénales – Clôture de la procédure pénale – Délai raisonnable – Directive 2012/13/UE – Droit d’être informé de l’accusation portée contre soi – Droit d’accès aux pièces du dossier – Directive 2013/48/UE – Droit d’accès à un avocat »

Dans l’affaire C‑612/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé, Bulgarie), par décision du 11 novembre 2015, parvenue à la Cour le 18 novembre 2015, dans la procédure pénale contre

Nikolay Kolev,

Milko Hristov,

Stefan Kostadinov,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. A. Tizzano (rapporteur), vice‑président, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. M. Ilešič, J. L. da Cruz Vilaça, J. Malenovský et E. Levits, présidents de chambre, MM. E. Juhász, A. Borg Barthet, J.‑C. Bonichot, F. Biltgen, Mme K. Jürimäe, MM. C. Lycourgos, M. Vilaras et E. Regan, juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 novembre 2016,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement bulgare, par Mmes L. Zaharieva et E. Petranova, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. R. Troosters et V. Soloveytchik, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 4 avril 2017,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 325 TFUE ainsi que de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales (JO 2012, L 142, p. 1), et de la directive 2013/48/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d’arrêt européen, au droit d’informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires (JO 2013, L 294, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre MM. Nikolay Kolev, Milko Hristov et Stefan Kostadinov, accusés d’avoir commis diverses infractions pénales en tant qu’agents de la douane de Svilengrad (Bulgarie).

I. Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La décision 2007/436/CE, Euratom

3

En vertu de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 2007/436/CE, Euratom du Conseil, du 7 juin 2007, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO 2007, L 163, p. 17), applicable à la date des faits au principal, les ressources propres de l’Union comprennent les droits du tarif douanier commun.

Le règlement (CE) no 450/2008 et le règlement (UE) no 952/2013

4

L’article 21, paragraphe 1, du règlement (CE) no 450/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, établissant le code des douanes communautaire (code des douanes modernisé) (JO 2008, L 145, p. 1), qui était applicable à la date des faits au principal, disposait :

« Chaque État membre prévoit des sanctions en cas d’infraction à la législation douanière communautaire. Ces sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. »

5

Ce règlement a été abrogé le 30 octobre 2013 par le règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1), dont l’article 42, paragraphe 1, reprend, en substance, ledit article 21, paragraphe 1.

La directive 2012/13

6

Les considérants 10, 14, 27, 28 et 41 de la directive 2012/13 énoncent :

« (10)

Des règles minimales communes devraient accroître la confiance dans les systèmes de justice pénale de tous les États membres, ce qui devrait ainsi conduire à une coopération judiciaire plus efficace dans un climat de confiance mutuelle. Le droit à l’information dans le cadre des procédures pénales devrait faire l’objet de telles règles minimales communes.

[...]

(14)

La présente directive [...] fixe des normes minimales communes à appliquer en matière d’information des personnes soupçonnées d’une infraction pénale ou poursuivies à ce titre [...] sur l’accusation portée contre elles, en vue de renforcer la confiance mutuelle entre les États membres. Elle s’appuie sur les droits énoncés dans la charte, et notamment ses articles [...] 47 et 48, en développant [l’article 6] de la CEDH [tel qu’il est interprété] par la Cour européenne des droits de l’homme. [...]

[...]

(27)

Les personnes poursuivies pour une infraction pénale devraient recevoir toutes les informations nécessaires sur l’accusation portée contre elles pour leur permettre de préparer leur défense et garantir le caractère équitable de la procédure.

(28)

Les suspects ou les personnes poursuivies devraient recevoir rapidement des informations sur l’acte pénalement sanctionné qu’ils sont soupçonnés ou accusés d’avoir commis, et au plus tard avant leur premier interrogatoire officiel par la police ou une autre autorité compétente, et sans porter préjudice au déroulement des enquêtes en cours. Une description des faits, y compris, lorsqu’ils sont connus, l’heure et le lieu des faits, relatifs à l’acte pénalement sanctionné que les personnes sont soupçonnées ou accusées d’avoir commis, ainsi que la qualification juridique éventuelle de l’infraction présumée, devrait être donnée de manière suffisamment détaillée, en tenant compte du stade de la procédure pénale auquel une telle description intervient, pour préserver l’équité de la procédure et permettre un exercice effectif des droits de la défense.

[...]

(41)

La présente directive [...] tend notamment à promouvoir [...] le droit à un procès équitable et les droits de la défense. [...] »

7

L’article 1er de cette directive dispose :

« La présente directive définit des règles concernant le droit des suspects ou des personnes poursuivies d’être informés [...] de l’accusation portée contre eux. [...] »

8

L’article 6 de ladite directive, intitulé « Droit d’être informé de l’accusation portée contre soi », prévoit :

« 1.   Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies soient informés de l’acte pénalement sanctionné qu’ils sont soupçonnés ou accusés d’avoir commis. Ces informations sont communiquées rapidement et de manière suffisamment détaillée pour garantir le caractère équitable de la procédure et permettre l’exercice effectif des droits de la défense.

[...]

3.   Les États membres veillent à ce que des informations détaillées sur l’accusation, y compris sur la nature et la qualification juridique de l’infraction pénale, ainsi que sur la nature de la participation de la personne poursuivie, soient communiquées au plus tard au moment où la juridiction est appelée à se prononcer sur le bien-fondé de l’accusation.

4.   Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies soient rapidement informés de tout changement dans les informations fournies en vertu du présent article, lorsque cela est nécessaire pour garantir le caractère équitable de la procédure. »

9

L’article 7 de la même directive, intitulé « Droit d’accès aux pièces du dossier », dispose, à ses paragraphes 2 et 3 :

« 2.   Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies, ou leur avocat, aient accès au minimum à toutes les preuves matérielles à charge ou à décharge des suspects ou des personnes poursuivies, qui sont détenues par les autorités compétentes, afin de garantir le caractère équitable de la procédure et de préparer leur défense.

3.   [...] [L’]accès aux pièces visé au paragraphe 2 est accordé en temps utile pour permettre l’exercice effectif des droits de la défense et, au plus tard, lorsqu’une juridiction est appelée à se prononcer sur le bien-fondé de l’accusation. Si les autorités compétentes entrent en possession d’autres preuves matérielles, elles autorisent l’accès à ces preuves matérielles en temps utile pour qu’elles puissent être prises en considération. »

La directive 2013/48

10

Le considérant 12 de la directive 2013/48 énonce :

« La présente directive définit des règles minimales concernant le droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales [...]. Ce faisant, elle favorise l’application de la Charte, et notamment de ses articles [...] 47 et 48, en s’appuyant sur [l’article] 6 [...] de la CEDH [tel qu’il est interprété] par la Cour européenne des droits de l’homme [...]. »

11

L’article 1er de cette directive est libellé comme suit :

« La présente directive définit des règles minimales concernant [le droit] dont bénéficient les suspects et les personnes poursuivies dans le cadre de procédures pénales [...] d’avoir accès à un avocat [...]. »

12

L’article 3 de ladite directive, intitulé « Le droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les États membres veillent à ce que les suspects et les personnes poursuivies disposent du droit d’accès à un avocat dans un délai et selon des modalités permettant aux personnes concernées d’exercer leurs droits de la défense de manière concrète et effective. »

Le droit bulgare

Les dispositions relatives au droit à un avocat

13

En vertu des dispositions combinées de l’article 91, paragraphe 3, et de l’article 92 du Nakazatelno protsesualen kodeks (code de procédure pénale), dans sa version en vigueur à la date des faits au principal (ci-après le « code de procédure pénale »), lorsque deux personnes poursuivies ont recours au même avocat, le juge doit écarter cet avocat si la défense de l’une de ces personnes est en contradiction avec celle de l’autre. Selon une jurisprudence nationale constante, il y a contradiction entre les intérêts desdites personnes dans l’hypothèse où l’une d’entre elles donne des explications pouvant être retenues contre la seconde, alors que cette dernière ne fournit aucune explication.

14

L’article 94, paragraphes 4 à 6, de ce code régit la désignation, par un organe indépendant, d’un avocat remplaçant commis d’office.

Les dispositions relatives à l’acte d’accusation, aux éléments de l’enquête et au réquisitoire

15

Les articles 219 et 221 du code de procédure pénale prévoient que l’organe d’enquête établit l’acte d’accusation, qui expose les faits principaux de l’infraction et la qualification juridique de ces faits. Cet acte est communiqué à la personne poursuivie et à son avocat, qui le signent après en avoir pris connaissance.

16

La communication des éléments de l’enquête est régie par les articles 226 à 230 de ce code. En vertu de ces articles, les pièces recueillies à la fin de l’investigation sont mises à la disposition de la défense, avant l’établissement éventuel du réquisitoire, si celle-ci en fait la demande. Dans ce cas, la personne poursuivie et son avocat sont convoqués au moins trois jours avant cette mise à disposition et peuvent ensuite prendre connaissance des pièces en cause dans un délai approprié. S’ils ne sont pas trouvés à l’adresse indiquée ou s’ils ne comparaissent pas le jour de la convocation sans motifs valables, l’obligation de communication des pièces disparaît.

17

En vertu, notamment, de l’article 246 dudit code, lorsque le procureur décide de porter l’affaire devant le juge, il établit le réquisitoire, qui clôt la phase préliminaire de la procédure pénale et ouvre la phase juridictionnelle de cette procédure. Le réquisitoire, qui constitue, selon la juridiction de renvoi, l’« accusation précisée finale », expose en détails les faits et la qualification juridique de ceux-ci. Il est soumis au juge qui est tenu, dans un délai de quinze jours, de vérifier si des violations des formes substantielles ont été commises. Dans la négative, le juge fixe la date de la première audience. La personne poursuivie et son avocat reçoivent une copie de ce réquisitoire conjointement avec la convocation à cette audience. Ils disposent ensuite d’un délai de sept jours, pouvant être prolongé, pour préparer la défense.

Les dispositions et la jurisprudence relatives à la violation des formes substantielles

18

En vertu de l’article 348, paragraphe 3, point 1, du code de procédure pénale, une violation des formes a un caractère « substantiel » lorsqu’elle porte significativement atteinte à un droit procédural reconnu par la loi. Conformément à la jurisprudence du Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation, Bulgarie), constituent de telles violations notamment le défaut d’établissement ou de communication de l’acte d’accusation, des éléments de l’enquête ou du réquisitoire, ainsi que l’existence d’une contradiction entachant ce réquisitoire. L’acte vicié doit être remplacé par un nouvel acte, étant précisé que le juge ne peut pas remédier lui-même aux violations des formes substantielles commises par le procureur, mais doit, à cette fin, renvoyer l’affaire à ce dernier.

Les dispositions relatives à la clôture de la procédure pénale

19

La clôture de la procédure pénale était, à la date des faits au principal, encadrée notamment par les articles 368 et 369 du code de procédure pénale, dont la juridiction de renvoi indique qu’ils avaient pour objectif d’accélérer la phase préliminaire de la procédure pénale.

20

En vertu de l’article 368 de ce code, lorsque la phase préliminaire de la procédure pénale n’était pas terminée à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de l’accusation pour les infractions graves, la personne poursuivie pouvait demander au juge de mettre en œuvre la procédure prévue à l’article 369 dudit code tendant à ce que l’affaire soit renvoyée en jugement ou, à défaut, à ce que la procédure pénale soit clôturée.

21

Conformément audit article 369, le juge, après avoir constaté l’expiration de ce délai de deux ans, devait renvoyer l’affaire au procureur en lui impartissant un délai de trois mois pour terminer l’investigation et mener à terme la phase préliminaire de la procédure pénale, soit en mettant fin aux poursuites soit en portant l’affaire en jugement. Si le procureur optait pour cette seconde voie, il disposait d’une période de quinze jours supplémentaires pour établir et soumettre au juge un réquisitoire. Si le procureur ne respectait pas ces nouveaux délais, le juge devait se saisir de l’affaire et clôturer la procédure pénale. Si, en revanche, le procureur mettait fin à la phase préliminaire de la procédure et soumettait un réquisitoire au juge dans les délais impartis, ce dernier examinait la régularité de la procédure et s’assurait en particulier de l’absence de violations des formes substantielles. S’il estimait que de telles violations avaient été commises, le juge renvoyait une nouvelle fois l’affaire au procureur, en lui accordant un délai additionnel d’un mois pour remédier à ces violations. Si le procureur ne se conformait pas à ce dernier délai, s’il ne remédiait pas auxdites violations ou s’il en commettait de nouvelles, le juge clôturait la procédure pénale.

22

Lorsque l’ensemble de ces conditions était satisfait, cette clôture était de droit pour la personne poursuivie et le juge était tenu de l’ordonner, sans pouvoir remédier lui-même aux violations des formes substantielles constatées ni examiner l’affaire au fond. La décision de clôture de la procédure pénale mettait un terme définitif à toute poursuite pénale, de sorte qu’il n’était plus possible d’engager la responsabilité pénale de la personne en cause. Cette décision n’était, sauf dans des cas exceptionnels, pas susceptible de recours.

23

Par un courrier en date du 25 août 2017, la juridiction de renvoi a informé la Cour de la modification des articles 368 et 369 du code de procédure pénale, ainsi que de l’insertion, dans ce code, d’un nouvel article 368 bis. En vertu de ces dispositions, telles que modifiées, le juge ne pourrait plus ordonner la clôture de la procédure pénale, mais pourrait uniquement décider l’accélération de celle‑ci. Cependant, selon cette juridiction, ces modifications ne s’appliquent pas ratione temporis à l’affaire au principal.

II. Le litige au principal et les questions préjudicielles

24

Huit agents de la douane de Svilengrad, MM. Dimitar Dimitrov, Plamen Drenski, Kolev, Hristov, Kostadinov, Nasko Kurdov, Nikola Trifonov et Georgi Zlatanov, sont accusés d’avoir participé à une organisation criminelle, pendant la période allant du 1er avril 2011 au 2 mai 2012, au motif qu’ils auraient réclamé aux chauffeurs de véhicules utilitaires et particuliers traversant la frontière séparant la Bulgarie de la Turquie des pots-de-vin pour ne pas effectuer de contrôle douanier et ne pas mentionner dans les documents les irrégularités constatées. MM. Kostadinov et Kurdov sont également accusés de recel des pots-de-vin ainsi collectés, et MM. Drenski, Hristov ainsi que Trifonov de corruption. Ces différents actes constituent, en vertu des articles 215, 301 et 321 du Nakazatelen kodeks (code pénal), des infractions passibles de peines privatives de liberté pouvant aller, selon le cas, jusqu’à six ou dix ans d’emprisonnement ainsi que, pour ce qui concerne les faits de corruption, d’une amende.

25

Ces huit personnes ont été arrêtées dans la nuit du 2 au 3 mai 2012. Les chefs d’accusation retenus contre eux ont été établis immédiatement après cette arrestation, puis ont été précisés au cours de l’année 2013 et leur ont été communiqués. Ces personnes ont également été informées des preuves recueillies.

26

Une partie desdites personnes ayant conclu un accord avec le ministère public en vue de mettre partiellement fin aux poursuites engagées à leur égard, l’affaire a été portée devant la juridiction de renvoi pour que celle-ci entérine cet accord. Cependant, cette juridiction ayant estimé que les actes d’accusation n’avaient pas été adoptés par l’organe compétent et qu’ils comportaient des violations de forme, elle a, à deux reprises, rejeté cette demande.

27

Par conséquent, l’affaire a été renvoyée au procureur compétent du parquet spécialisé pour que celui-ci dresse de nouveaux chefs d’accusation à l’égard des huit personnes poursuivies. Cependant, la procédure s’est ensuite interrompue en pratique et les délais impartis pour l’enquête ont été prolongés à de multiples reprises.

28

Au cours de l’année 2014, l’investigation n’étant toujours pas terminée alors qu’une période de deux ans s’était écoulée depuis la date de l’accusation, MM. Kolev, Hristov et Kostadinov ont, sur le fondement de l’article 368 du code de procédure pénale, saisi la juridiction de renvoi d’une demande tendant à ce que celle‑ci mette en œuvre la procédure prévue à l’article 369 de ce code. Cette juridiction ayant accueilli favorablement cette demande, elle a renvoyé l’affaire au procureur, en lui impartissant un délai de trois mois, soit jusqu’au 29 janvier 2015, pour terminer l’investigation, dresser de nouveaux chefs d’accusation, communiquer ceux-ci ainsi que les éléments de l’enquête aux personnes poursuivies et mettre fin à la phase préliminaire de la procédure pénale, le procureur disposant ensuite de quinze jours supplémentaires pour établir un réquisitoire et soumettre celui-ci au juge.

29

Le procureur a établi de nouveaux chefs d’accusation et présenté un réquisitoire à la juridiction de renvoi dans les délais impartis.

30

Cependant, ni MM. Kolev et Kostadinov ni leurs avocats n’ont reçu communication de ces chefs d’accusation. En effet, ils ont indiqué ne pas pouvoir comparaître aux dates fixées pour cette communication pour des raisons médicales et professionnelles. Par ailleurs, ni ces personnes ni M. Hristov n’ont été informés des éléments de l’enquête.

31

Par ordonnance du 20 février 2015, la juridiction de renvoi a considéré que des violations des formes substantielles avaient été commises au motif, d’une part, que les nouveaux chefs d’accusation établis n’avaient pas été communiqués à MM. Kolev et Kostadinov, en violation de leurs droits procéduraux, et que le réquisitoire comportait des informations sur l’accusation non régulièrement communiquées à ces derniers. D’autre part, cette juridiction a relevé que les parties du réquisitoire concernant les faits reprochés à M. Hristov étaient entachées de contradictions. Par conséquent, ladite juridiction a, conformément à l’article 369 du code de procédure pénale, ordonné une nouvelle fois le renvoi de l’affaire au procureur, en lui impartissant un délai d’un mois, soit jusqu’au 7 mai 2015, pour remédier aux violations des formes constatées, à défaut de quoi la procédure pénale ouverte contre MM. Kolev, Hristov et Kostadinov serait clôturée.

32

Toutefois, bien qu’ayant convoqué MM. Kolev et Kostadinov à plusieurs reprises, le procureur n’est pas parvenu à assurer la communication régulière des chefs d’accusation établis ainsi que des éléments de l’enquête. Ces éléments n’ont pas non plus pu être transmis à M. Hristov. En effet, ces trois personnes et leurs avocats ont de nouveau indiqué ne pas pouvoir comparaître aux dates fixées pour diverses raisons tenant notamment à un déplacement à l’étranger, à des motifs médicaux et professionnels ainsi qu’au non-respect, par le procureur, du délai de préavis réglementaire de trois jours pour la communication des éléments de l’enquête.

33

Par conséquent, la juridiction de renvoi a, par ordonnance du 22 mai 2015, considéré que le procureur n’avait pas remédié aux violations des formes substantielles précédemment constatées et en avait commis de nouvelles au motif que les droits procéduraux de MM. Kolev, Hristov et Kostadinov avaient de nouveau été enfreints et que le réquisitoire n’avait pas été entièrement purgé de ses contradictions.

34

Partant, tout en soulignant qu’il était possible que ces trois personnes et leurs avocats aient abusé de leurs droits et agi dans un but purement dilatoire afin d’empêcher le procureur de mettre fin à la phase préliminaire de la procédure pénale et de remédier auxdites violations dans les délais impartis, cette juridiction a considéré que les conditions de la clôture de cette procédure étaient réunies et que cette clôture était dès lors de droit pour lesdites personnes. À cet égard, elle a, en substance, souligné que le fait, pour la personne poursuivie, d’abuser de ses droits et d’empêcher objectivement le procureur d’accomplir les différents actes de procédure prévus par la loi ne saurait faire obstacle à la clôture de la procédure pénale en cause. Malgré ces constatations, ladite juridiction a toutefois décidé de classer l’affaire sans suite au lieu d’ordonner cette clôture.

35

Tant le procureur, qui prétendait qu’aucune violation des formes substantielles n’avait été commise, que M. Hristov, qui estimait que c’était à tort que la juridiction de renvoi n’avait pas clôturé la procédure pénale en cause, ont interjeté appel de cette ordonnance.

36

Par une ordonnance du 12 octobre 2015, la juridiction saisie en appel a considéré que la juridiction de renvoi aurait dû procéder à cette clôture conformément aux articles 368 et 369 du code de procédure pénale et a, à cette fin, renvoyé l’affaire devant cette dernière juridiction.

37

Cependant, la juridiction de renvoi se demande si l’arrêt du 8 septembre 2015, Taricco e.a. (C-105/14, EU:C:2015:555), rendu par la Cour alors que l’affaire était pendante devant la juridiction d’appel, ne jette pas un doute sur la compatibilité desdits articles 368 et 369 avec le droit de l’Union, en particulier avec l’obligation des États membres de garantir l’effectivité des poursuites d’infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union.

38

Dans l’affirmative, la juridiction de renvoi s’interroge sur les conséquences à tirer d’une telle incompatibilité. À cet égard, tout en relevant qu’il lui incomberait de laisser, au besoin, les articles en cause inappliqués, cette juridiction se demande quelles mesures spécifiques elle devrait prendre afin de garantir le plein effet du droit de l’Union tout en assurant la protection des droits de la défense et du droit à un procès équitable de MM. Kolev, Hristov et Kostadinov.

39

Elle envisage plusieurs options.

40

Premièrement, la juridiction de renvoi pourrait décider de laisser les délais prévus à l’article 369 du code de procédure pénale inappliqués et, en conséquence, accorder au procureur des délais plus longs pour que celui-ci remédie aux irrégularités constatées lors de l’établissement du réquisitoire et de la communication aux personnes poursuivies des chefs d’accusation ainsi que des éléments du dossier, avant de porter de nouveau l’affaire devant le juge. Cette juridiction s’interroge toutefois sur les mesures concrètes qu’elle devrait prendre afin de préserver le droit de ces personnes à voir leur cause entendue dans un délai raisonnable, prévu à l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

41

Deuxièmement, la juridiction de renvoi pourrait décider d’ouvrir la phase juridictionnelle de la procédure pénale malgré les irrégularités commises au cours de la phase préliminaire de cette procédure. Cependant, elle nourrit des doutes sur le point de savoir si le droit de l’Union s’y oppose.

42

Dans ce cadre, elle s’interroge sur le point de savoir, d’une part, si ces irrégularités, qui constituent des « violations des formes substantielles » en vertu du droit bulgare, doivent également être qualifiées comme telles en application des articles 6 et 7 de la directive 2012/13 ainsi que de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2013/48. D’autre part, dans l’affirmative, elle se demande si elle pourrait ouvrir la phase juridictionnelle de la procédure malgré les violations des formes substantielles commises, remédier à celles‑ci dans le cadre de cette phase puis statuer sur le fond, sans clôturer cette procédure en application des articles 368 et 369 du code de procédure pénale.

43

Par ailleurs, la juridiction de renvoi, qui a relevé que MM. Kostadinov et Kurdov avaient le même avocat, estime que les intérêts de ces derniers sont contradictoires au motif que le premier a fourni des informations pouvant être retenues contre le second, qui est resté silencieux. Elle émet des doutes sur la compatibilité avec l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2013/48 de l’article 91, paragraphe 3, et de l’article 92 du code de procédure pénale qui lui imposent d’écarter cet avocat pour ce motif bien que MM. Kostadinov et Kurdov s’y soient, en connaissance de cause, opposés. À ce titre, elle se demande si le droit d’accès à un avocat prévu audit article 3, paragraphe 1, serait respecté si elle désigne, en remplacement, deux avocats commis d’office.

44

Dans ces conditions, le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé, Bulgarie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Une loi nationale est-elle conforme à l’obligation d’un État membre de prévoir une poursuite pénale effective pour des infractions commises par des agents de douane, lorsqu’elle prévoit que la procédure pénale menée contre des agents de douane pour une participation à une organisation criminelle, dans le but de commettre des infractions relevant de la corruption dans l’exercice de leur fonction (de recevoir des sommes d’argent pour qu’ils n’effectuent pas de contrôle douanier), et pour des pots-de-vin concrets, ainsi que pour le recel de pots-de-vin recueillis, est clôturée sans que le tribunal examine sur le fond les accusations établies, dans les circonstances suivantes : a) le délai de deux ans à compter de l’accusation est expiré ; b) [la personne poursuivie] a présenté une demande de clôture de la [phase] préliminaire [de la procédure] ; c) le tribunal a imparti au procureur un délai de trois mois pour clôturer la [phase] préliminaire ; d) le procureur a commis des “violations des formes substantielles” dans ce délai (à savoir, une communication irrégulière de l’accusation précisée, un défaut de communication des éléments de l’enquête et un réquisitoire contradictoire) ; e) le tribunal a imparti au procureur un nouveau délai d’un mois afin de remédier à ces “violations des formes substantielles” ; f) le procureur n’a pas remédié à ces “violations des formes substantielles” dans ce délai, la commission de ces violations dans le premier délai de trois mois et le défaut d’y remédier dans le dernier délai d’un mois étant imputables tant au procureur (le fait de ne pas remédier aux contradictions dans le réquisitoire et le fait de n’entreprendre aucun acte réel durant la majeure partie de ces délais) qu’à la défense (le fait de ne pas collaborer, alors que cela est requis, à la communication de l’accusation et des éléments de l’enquête, s’agissant des [personnes poursuivies], en raison d’une hospitalisation et, s’agissant des avocats, en raison d’autres engagements professionnels) ; g) est né dans le chef [de la personne poursuivie] un droit subjectif à ce que la procédure pénale soit clôturée, du fait qu’il n’a pas été remédié à la “violation des formes substantielles” dans les délais fixés ?

2)

En cas de réponse négative [à la première question], quelle partie de la réglementation précitée la juridiction nationale doit-elle laisser inappliquée afin de garantir une application effective du droit de l’Union : a) la clôture de la procédure pénale à l’expiration du délai d’un mois, b) la qualification des vices indiqués ci-dessus comme des “violations des formes substantielles”, ou c) la protection du droit subjectif né, visé [à la première question,] sous g), s’il existe une possibilité de remédier de manière effective à cette violation dans le cadre de la [phase] juridictionnelle [de la procédure] ?

a)

La décision de ne pas appliquer une norme juridique nationale tendant à la clôture de la procédure pénale doit-elle être soumise à la condition que :

i)

soit accordé au procureur, pour remédier à la “violation des formes substantielles”, un délai supplémentaire égal au délai pendant lequel il n’a objectivement pas été en mesure de le faire en raison d’obstacles provenant de la défense ?

ii)

dans le cas visé au point i), la juridiction constate que ces obstacles résultent d’un “abus de droit” ?

iii)

en cas de réponse négative à la [deuxième question, sous a), i)], la juridiction constate qu’il reste dans le droit national suffisamment de garanties pour que la [phase] préliminaire [de la procédure] soit clôturée dans un délai raisonnable ?

b)

La décision de laisser inappliquée la qualification nationale des vices précités comme des “violations des formes substantielles” est-elle conforme au droit de l’Union et, plus particulièrement,

i)

Le droit prévu à l’article 6, paragraphe 3, de la directive [2012/13], concernant la fourniture à la défense d’informations détaillées sur l’accusation, est-il dûment protégé :

lorsque ces informations sont fournies après le dépôt réel du réquisitoire devant le tribunal, mais avant son examen par le tribunal et lorsque précédemment, avant le dépôt du réquisitoire devant le tribunal, des informations complètes sur les éléments principaux de l’accusation ont été fournies à la défense (s’agissant de M. Hristov) ?

en cas de réponse affirmative à la deuxième question, sous b), i), premier tiret, lorsque ces informations sont fournies après le dépôt réel du réquisitoire devant le tribunal, mais avant son examen par le tribunal et lorsque précédemment, avant le dépôt du réquisitoire devant le tribunal, des informations partielles sur les éléments principaux de l’accusation ont été fournies à la défense, le caractère lacunaire des informations fournies étant dû à des obstacles érigés par la défense (s’agissant de MM. Kolev et Kostadinov) ?

lorsque ces informations contiennent des contradictions quant à la déclaration concrète caractérisant la corruption (à savoir qu’il est indiqué une première fois qu’[une] autre [des personnes poursuivies] a expressément demandé le pot-de-vin et que M. Hristov a exprimé sa déception par des grimaces lorsque la personne faisant l’objet du contrôle douanier a proposé une somme d’argent trop faible puis, par la suite, il est indiqué que M. Hristov a prononcé des mots concrets pour demander un pot-de-vin) ?

ii)

Le droit consacré à l’article 7, paragraphe 3, de la directive [2012/13] concernant l’accès aux pièces du dossier accordé à la défense “au plus tard, lorsqu’une juridiction est appelée à se prononcer sur le bien-fondé de l’accusation” est-il dûment protégé si la défense a précédemment eu accès à la partie principale des pièces et qu’elle a eu la possibilité de prendre connaissance des pièces mais qu’elle n’a pas fait usage de cette possibilité en raison d’empêchements (maladie, engagements professionnels) et parce qu’elle a invoqué une loi nationale en vertu de laquelle elle doit être convoquée aux fins de l’accès aux pièces au moins trois jours auparavant ? Est-il nécessaire de lui donner une deuxième possibilité après que les empêchements ont disparu et avec un préavis d’au moins trois jours ? Est-il nécessaire d’examiner si ces empêchements existent objectivement ou s’ils représentent un abus de droit ?

iii)

La condition légale “au plus tard, lorsqu’une juridiction est appelée à se prononcer sur le bien-fondé de l’accusation” prévue à l’article 6, paragraphe 3, et à l’article 7, paragraphe 3, de la directive [2012/13], a-t-elle la même signification dans ces deux dispositions ? Quelle est sa signification : avant le dépôt réel du réquisitoire devant le tribunal, ou au plus tard simultanément au dépôt de ce dernier devant le tribunal ou encore après son dépôt devant le tribunal, mais avant que celui-ci ne prenne des mesures pour examiner l’accusation ?

iv)

L’exigence légale de fournir des informations sur l’accusation et un accès aux pièces du dossier de manière à garantir “l’exercice effectif des droits de la défense” et “le caractère équitable de la procédure”, conformément à l’article 6, paragraphe 1, et à l’article 7, paragraphes 2 et 3, de la directive [2012/13], a-t-elle une même signification dans ces deux dispositions ? Cette exigence sera-t-elle respectée :

si les informations détaillées sur l’accusation sont fournies à la défense après le dépôt du réquisitoire devant le tribunal, mais avant que des mesures ne soient prises aux fins de l’examen sur le fond de l’accusation et qu’un délai suffisant est donné pour la préparation de la défense, lorsque les informations sur l’accusation ont précédemment été fournies de manière incomplète et partielle ?

si l’accès à toutes les pièces est donné à la défense après le dépôt du réquisitoire devant le tribunal, mais avant que des mesures ne soient prises pour l’examen sur le fond de l’accusation et si un délai suffisant est donné pour la préparation de la défense, lorsqu’un accès à la majeure partie des pièces de l’affaire a précédemment été donné à la défense ?

si le tribunal prend des mesures pour garantir à la défense que toutes les déclarations qu’elle fera après avoir pris connaissance de l’accusation détaillée et de toutes les pièces du dossier auront le même effet que si ces déclarations avaient été faites devant le procureur avant le dépôt du réquisitoire devant le tribunal ?

v)

“Le caractère équitable de la procédure”, consacré à l’article 6, paragraphes 1 et 4, de la directive [2012/13], et “l’exercice effectif des droits de la défense”, visé à l’article 6, paragraphe 1, de [cette] directive, seront-ils garantis si le tribunal accepte d’ouvrir [la phase] juridictionnelle [de la procédure] sur le fondement d’une accusation finale comportant une contradiction concernant l’expression orale caractérisant la corruption, mais permet ensuite au procureur de corriger cette contradiction et permet aux parties de pleinement exercer les droits dont celles-ci disposeraient si le réquisitoire avait été porté devant le tribunal sans cette contradiction ?

vi)

Le droit d’accès à un avocat, visé à l’article 3, paragraphe 1, de la directive [2013/48], est-il dûment protégé si, dans la phase préliminaire [de la procédure], l’avocat a eu la possibilité de se présenter pour recevoir communication d’une accusation intermédiaire et un accès complet à toutes les pièces du dossier, mais qu’il ne s’est pas présenté en raison d’engagements professionnels et parce qu’il a invoqué une loi nationale qui prévoit la convocation au moins trois jours auparavant ? Est-il nécessaire de lui accorder un nouveau délai après que ces engagements ont disparu et avec un préavis d’au moins trois jours ? Est-il nécessaire d’examiner si la raison de ce défaut de se présenter est valable ou non et si l’on est en présence d’un abus de droit ?

vii)

La violation du droit d’accès à un avocat, visé à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2013/48, dans la phase préliminaire [de la procédure] aura-t-elle une incidence sur “l’exercice réel et effectif des droits de la défense” si, après le dépôt du réquisitoire devant le tribunal, celui-ci fournit à l’avocat un accès complet à l’accusation finale et détaillée et à toutes les pièces du dossier et prend ensuite des mesures afin de garantir à l’avocat que toutes les déclarations que celui-ci fait après avoir pris connaissance de l’accusation détaillée et de toutes les pièces du dossier auront le même effet que si ces déclarations avaient été faites devant le procureur avant le dépôt du réquisitoire devant le tribunal ?

c)

Le droit subjectif né dans le chef [de la personne poursuivie] à ce que la procédure pénale soit clôturée (dans les conditions mentionnées ci-dessus) est-il conforme au droit de l’Union, indépendamment du fait que l’effet préjudiciable du défaut par le procureur de remédier à une “violation des formes substantielles” puisse être complètement corrigé par des mesures prises par le tribunal dans la [phase] juridictionnelle [de la procédure], de telle sorte que la situation juridique [de la personne poursuivie] soit finalement identique à celle dans laquelle [elle] se trouverait s’il avait été remédié à cette violation en temps voulu ?

3)

Y a-t-il lieu d’appliquer le régime national plus favorable concernant le droit [de la personne poursuivie] de voir sa cause entendue dans un délai raisonnable, le droit d’être informé et le droit d’accès à un avocat, dans l’hypothèse où, combinés à d’autres circonstances (la procédure décrite dans la première question), ces droits mèneraient à la clôture de la procédure pénale ?

4)

Convient-il d’interpréter l’article 3, paragraphe 1, de la directive [2013/48] en ce sens qu’il autorise la juridiction nationale à écarter de la [phase] juridictionnelle [de la procédure] un avocat qui a représenté deux [personnes poursuivies], dont l’[une] a donné des explications concernant des faits qui affectent les intérêts de l’autre [...], [laquelle] ne fournit aucune explication ?

En cas de réponse affirmative, le droit d’accès à un avocat consacré à l’article 3, paragraphe 1, de la directive [2013/48] sera-t-il garanti par la juridiction qui, après avoir autorisé à participer à la [phase] juridictionnelle [de la procédure] un avocat qui a défendu deux [personnes poursuivies] ayant des intérêts opposés, désigne pour chacun de ces [personnes] de nouveaux avocats remplaçants commis d’office distincts ? »

III. Sur les questions préjudicielles

Observations liminaires

45

À titre liminaire, il convient de relever que, par ordonnance du 28 septembre 2016, notifiée à la Cour le 25 octobre 2016, la juridiction de renvoi a constaté que l’une des personnes poursuivies dans l’affaire au principal, M. Hristov, était décédée et a par conséquent ordonné la clôture de la procédurale pénale engagée contre elle.

46

Or, il ressort des termes et de l’économie de l’article 267 TFUE que la procédure préjudicielle suppose qu’un litige soit effectivement pendant devant le juge national, dans le cadre duquel celui-ci est appelé à rendre une décision susceptible de prendre en considération l’arrêt de la Cour rendu à titre préjudiciel (arrêt du 13 septembre 2016, Rendón Marín, C‑165/14, EU:C:2016:675, point 24).

47

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de répondre aux questions posées pour autant que celles-ci se rapportent à la situation de M. Hristov.

48

Cela étant précisé, les quatre questions posées et leurs sous‑questions, qui se recoupent partiellement, peuvent être regroupées en trois ensembles. Aussi, les première à troisième questions et leurs sous-questions doivent être comprises comme ayant trait, premièrement, au point de savoir si le droit de l’Union, notamment l’article 325 TFUE, s’oppose à une réglementation nationale, telle que les articles 368 et 369 du code de procédure pénale, ainsi qu’aux conséquences à tirer de l’éventuelle incompatibilité d’une telle réglementation avec ce droit, et, deuxièmement, aux droits d’être informé de l’accusation portée contre soi ainsi que d’accéder aux pièces du dossier. Troisièmement, la juridiction de renvoi s’interroge, par sa quatrième question, sur la portée du droit d’accès à un avocat, dans des circonstances telles que celles au principal.

Sur les obligations découlant de l’article 325 TFUE

49

Par les première à troisième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, s’agissant d’infractions pénales en matière douanière, l’article 325 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale instituant une procédure de clôture de la procédure pénale, telle que celle prévue aux articles 368 et 369 du code de procédure pénale. Dans l’affirmative, cette juridiction s’interroge sur les conséquences à tirer de l’incompatibilité avec cette disposition du traité FUE d’une telle réglementation.

50

Afin de répondre à ces questions, il convient de relever que l’article 325, paragraphe 1, TFUE impose aux États membres de lutter contre la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union par des mesures dissuasives et effectives (voir, en ce sens, arrêts du 8 septembre 2015, Taricco e.a., C‑105/14, EU:C:2015:555, point 37, ainsi que du 5 décembre 2017, M.A.S. et M.B., C‑42/17, EU:C:2017:936, point 30).

51

En vertu de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 2007/436, les ressources propres de l’Union comprennent notamment les droits du tarif douanier commun. Partant, un lien direct existe entre la perception des recettes provenant de ces droits et la mise à disposition du budget de l’Union des ressources correspondantes. Toute défaillance dans la perception des premières se trouve potentiellement à l’origine d’une réduction des secondes (voir, par analogie, arrêt du 5 décembre 2017, M.A.S. et M.B., C‑42/17, EU:C:2017:936, point 31 ainsi que jurisprudence citée).

52

Ainsi, afin d’assurer la protection des intérêts financiers de l’Union, il incombe aux États membres de prendre les mesures nécessaires en vue de garantir le prélèvement effectif et intégral des droits de douane, ce qui exige que les contrôles douaniers puissent être dûment réalisés.

53

Il découle des prescriptions de l’article 325, paragraphe 1, TFUE que les États membres doivent, à cette fin, prévoir l’application de sanctions effectives et dissuasives en cas d’infraction à la législation douanière de l’Union. Par ailleurs, l’obligation pour ces mêmes États de prévoir des sanctions effectives, dissuasives et proportionnées dans un tel cas était prévue à l’article 21, paragraphe 1, du règlement no 450/2008 et l’est à présent à l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 952/2013.

54

Si les États membres disposent à cet égard d’une liberté de choix des sanctions applicables, lesquelles peuvent prendre la forme de sanctions administratives, de sanctions pénales ou d’une combinaison des deux, ils doivent toutefois veiller à ce que les cas de fraude grave ou d’autre activité illégale grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union en matière douanière soient passibles de sanctions pénales revêtant un caractère effectif et dissuasif (voir, en ce sens, arrêts du 5 décembre 2017, M.A.S. et M.B., C‑42/17, EU:C:2017:936, points 33 à 35 et jurisprudence citée ; du 20 mars 2018, Menci, C‑524/15, EU:C:2018:197, point 20, ainsi que du 2 mai 2018, Scialdone, C‑574/15, EU:C:2018:295, points 34 et 35).

55

Les États membres doivent également assurer que les règles de procédure pénale permettent une répression effective des infractions liées à de tels agissements.

56

En l’occurrence, les personnes poursuivies dans l’affaire au principal sont accusées d’avoir participé à une organisation criminelle pendant plus d’un an en réclamant aux personnes traversant la frontière entre la Bulgarie et la Turquie des pots-de-vin pour ne pas effectuer de contrôle douanier et ne pas mentionner dans les documents concernés les irrégularités constatées, ainsi que, s’agissant notamment de M. Kostadinov, de recel des pots-de-vin ainsi collectés.

57

De tels agissements, que la juridiction de renvoi qualifie de violations systématiques et continues des règles douanières et qui constituent, en vertu du droit bulgare, des infractions passibles de peines privatives de liberté pouvant aller, selon le cas, jusqu’à six ou dix ans d’emprisonnement, sont susceptibles de faire obstacle au recouvrement des droits de douane. Sous réserve de l’appréciation des faits au principal à effectuer par cette juridiction, ces agissements paraissent pouvoir être qualifiés de fraude grave ou d’activité illégale grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, au sens de l’article 325, paragraphe 1, TFUE.

58

Ni ladite juridiction ni les parties intéressées à la présente procédure n’ont remis en cause le caractère effectif et dissuasif des sanctions pénales prévues par le droit national.

59

Toutefois, il convient encore de vérifier si les règles prévues aux articles 368 et 369 du code de procédure pénale ne sont pas susceptibles de faire obstacle à la répression effective des cas de fraude grave ou d’activité illégale grave portant atteinte à ces intérêts, en méconnaissance de l’article 325, paragraphe 1, TFUE.

60

À cet égard, il découle de la décision de renvoi que, en application desdits articles 368 et 369, le juge national doit, sur demande de la personne poursuivie, ordonner la clôture de la procédure pénale si, à l’expiration d’un délai de deux ans, augmenté de délais de trois mois et demi et d’un mois, le procureur n’a pas terminé l’investigation et, le cas échéant, établi et notifié les chefs d’accusation à la défense, donné à celle-ci accès aux pièces du dossier et présenté un réquisitoire devant le juge ou s’il a, dans ce cadre, commis des violations des formes substantielles au sens du droit bulgare, auxquelles il n’a pas remédié dans ces délais. Lorsque les conditions énoncées auxdits articles 368 et 369 sont réunies, la clôture de la procédure pénale est de droit, de sorte que le juge est tenu de l’ordonner. Cette clôture est en outre insusceptible de recours et revêt un caractère définitif.

61

Or, à la lecture de la décision de renvoi, le juge ne semble pas pouvoir, en fonction des circonstances particulières de l’espèce, notamment de la complexité de l’affaire et du comportement des parties, prolonger les délais ainsi prévus ni examiner l’affaire au fond et, comme cela est envisagé par la juridiction de renvoi, régulariser lui-même les éventuelles violations des formes substantielles commises au cours de la phase préliminaire, y compris dans l’hypothèse où il pourrait être remédié à l’effet préjudiciable de ces violations sur les droits de la défense par l’adoption de mesures appropriées au cours de la phase juridictionnelle.

62

En particulier, à la lecture de la décision de renvoi, il semble que les obstacles érigés par la défense à la communication régulière des chefs d’accusation et des pièces, y compris les éventuelles manœuvres dilatoires de celle-ci, n’empêchent pas l’écoulement des délais de trois mois et demi et d’un mois impartis au procureur pour mettre fin à l’investigation et porter l’affaire devant le juge, conformément à l’article 369 du code de procédure pénale, et qu’ils sont ainsi susceptibles de provoquer la clôture de la procédure pénale, empêchant toute continuation des poursuites et toute nouvelle poursuite.

63

Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la réglementation nationale en cause au principal est susceptible de faire obstacle à l’effectivité des poursuites pénales ainsi qu’à la répression de faits constitutifs de fraude grave ou d’autre activité illégale grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, en contradiction avec l’article 325, paragraphe 1, TFUE.

64

En ce qui concerne les conséquences de cette interprétation de l’article 325, paragraphe 1, TFUE, il convient de rappeler que cet article établit des obligations de résultat précises à la charge des États membres qui ne sont assorties d’aucune condition quant à l’application des règles qu’il énonce (arrêt du 5 décembre 2017, M.A.S. et M.B., C‑42/17, EU:C:2017:936, point 38 ainsi que jurisprudence citée).

65

Il incombe, au premier chef, au législateur national de prendre les mesures nécessaires afin de satisfaire à ces obligations. Ainsi, il lui appartient, le cas échéant, de modifier sa réglementation et de garantir que le régime procédural applicable à la poursuite des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union ne soit pas conçu de telle manière qu’il présente, pour des raisons inhérentes à celui-ci, un risque systémique d’impunité des faits constitutifs de telles infractions, ainsi que d’assurer la protection des droits fondamentaux des personnes poursuivies.

66

De son côté, la juridiction de renvoi doit également, sans attendre que la réglementation nationale en cause soit ainsi modifiée par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel, donner plein effet auxdites obligations en interprétant cette réglementation dans toute la mesure du possible à la lumière de l’article 325, paragraphe 1, TFUE, tel qu’interprété par la Cour, ou en laissant, au besoin, ladite réglementation inappliquée (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2015, Taricco e.a., C‑105/14, EU:C:2015:555, point 49).

67

Dans l’hypothèse où, comme semble le considérer la juridiction de renvoi, plusieurs mesures seraient envisageables afin de mettre en œuvre les obligations en question, il appartiendra à cette juridiction de déterminer laquelle de ces mesures appliquer. En particulier, c’est à cette dernière qu’il revient de décider s’il y a lieu, à cette fin, d’écarter l’ensemble des prescriptions contenues aux articles 368 et 369 du code de procédure pénale, ou s’il convient de prolonger les délais impartis au procureur par ces articles pour mettre fin à la phase préliminaire de la procédure et corriger les éventuelles irrégularités commises au cours de cette phase, ou encore si, dès lors que le procureur a, en l’occurrence, présenté un réquisitoire devant elle dans lesdits délais, elle doit ouvrir la phase juridictionnelle de la procédure et remédier elle‑même à ces irrégularités. À cet égard, la juridiction de renvoi doit toutefois veiller à ce qu’il puisse, aux différentes étapes de la procédure, être passé outre l’éventuelle obstruction délibérée et abusive de la défense au bon déroulement et à l’avancement de cette procédure.

68

Dans ce cadre, et eu égard au fait que les procédures pénales en cause au principal constituent une mise en œuvre, notamment, de l’article 325, paragraphe 1, TFUE et, donc, du droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte (voir, par analogie, arrêt du 20 mars 2018, Menci, C‑524/15, EU:C:2018:197, point 21), cette juridiction doit également s’assurer que les droits fondamentaux garantis par la Charte aux personnes poursuivies dans l’affaire au principal soient respectés. En effet, l’obligation de garantir un prélèvement efficace des ressources propres de l’Union ne saurait aller à l’encontre du respect de ces droits (voir, en ce sens, arrêts du 29 mars 2012, Belvedere Costruzioni, C‑500/10, EU:C:2012:186, point 23, ainsi que du 5 décembre 2017, M.A.S. et M.B., C‑42/17, EU:C:2017:936, points 46 et 52).

69

En particulier, s’agissant du déroulement de la procédure pénale, il incombe, en premier lieu, à ladite juridiction de prendre les mesures nécessaires au respect des droits de la défense, garantis par l’article 48, paragraphe 2, de la Charte, notamment des droits d’être informé de l’accusation portée contre soi et d’accéder aux pièces du dossier. Ces droits faisant plus spécifiquement l’objet du deuxième ensemble de questions posées par la juridiction de renvoi, il est renvoyé aux points 78 à 100 du présent arrêt.

70

En second lieu, la juridiction de renvoi doit, lorsqu’elle décide des mesures à appliquer en l’occurrence afin de garantir le plein effet de l’article 325, paragraphe 1, TFUE, veiller au respect du droit des personnes poursuivies à voir leur cause entendue dans un délai raisonnable.

71

À cet égard, il convient de souligner que ce droit constitue un principe général du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, EU:C:1998:608, point 21), qui a été consacré à l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, ainsi qu’à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte pour ce qui concerne la procédure juridictionnelle. Dans le domaine pénal, ledit droit doit être respecté non seulement lors de cette procédure, mais aussi au cours de la phase de l’information préliminaire, dès l’instant où la personne concernée se trouve accusée (voir, par analogie, Cour EDH, 15 juillet 2002, Affaire stratégies et communications et Dumoulin c. Belgique, CE:ECHR:2002:0715JUD003737097, § 39, ainsi que Cour EDH, 10 septembre 2010, McFarlane c. Irlande, CE:ECHR:2010:0910JUD003133306, § 143).

72

Selon une jurisprudence constante de la Cour, le caractère raisonnable de la durée de la procédure ne saurait être fixé par référence à une limite maximale précise, déterminée de façon abstraite. Il doit être apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire, telles que l’enjeu et la complexité du litige ou encore le comportement des autorités compétentes et des parties, une telle complexité ou une conduite dilatoire de la défense pouvant être retenue pour justifier un délai de prime abord trop long (voir, en ce sens, arrêts du 26 novembre 2013, Groupe Gascogne/Commission, C‑58/12 P, EU:C:2013:770, points 85 et 86, ainsi que du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement, C‑566/14 P, EU:C:2016:437, points 99 et 100).

73

Ainsi, comme M. l’avocat général l’a, en substance, relevé au point 91 de ses conclusions, il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer si, en l’occurrence, le droit des intéressés à voir leur cause entendue dans un délai raisonnable est respecté en prenant en considération non seulement le fait que l’enquête au principal concerne huit personnes, poursuivies pour participation à une organisation criminelle dont les faits ont duré un peu plus d’un an, mais aussi la circonstance éventuelle que les retards encourus pourraient être en partie dus au comportement de la défense.

74

C’est également à la juridiction de renvoi qu’il revient de déterminer les mesures concrètes à prendre afin de garantir le respect de ce droit, en tenant compte de l’ensemble des voies procédurales offertes par son droit national, considéré dans son ensemble et interprété à la lumière du droit de l’Union. Dans l’hypothèse où, ainsi qu’il a été exposé au point 67 du présent arrêt, plusieurs solutions seraient envisageables afin de donner plein effet aux obligations découlant de l’article 325, paragraphe 1, TFUE, il appartient à ladite juridiction de choisir celles qui, parmi ces différentes solutions, permettent en l’occurrence de garantir le droit fondamental en question.

75

Au demeurant, il convient de souligner que la juridiction de renvoi ne saurait ordonner la clôture de la procédure pénale en application de la réglementation nationale en cause au principal au seul motif que cette clôture constituerait prétendument la solution la plus favorable aux personnes poursuivies en ce qui concerne le droit de ces dernières à voir leur cause entendue dans un délai raisonnable ainsi que leurs droits de la défense. En effet, s’il est loisible aux juridictions nationales d’appliquer des standards nationaux de protection des droits fondamentaux, c’est à la condition que cette application ne compromette pas, notamment, la primauté, l’unité et l’effectivité du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2017, M.A.S. et M.B., C‑42/17, EU:C:2017:936, point 47 ainsi que jurisprudence citée).

76

Eu égard aux considérations qui précèdent, l’article 325, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale instituant une procédure de clôture de la procédure pénale, telle que celle prévue aux articles 368 et 369 du code de procédure pénale, pour autant que cette réglementation s’applique dans des procédures ouvertes à l’égard de cas de fraude grave ou d’autre activité illégale grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union en matière douanière. Il appartient au juge national de donner plein effet à l’article 325, paragraphe 1, TFUE, en laissant ladite réglementation, au besoin, inappliquée, tout en veillant à assurer le respect des droits fondamentaux des personnes poursuivies.

Sur les droits d’être informé de l’accusation portée contre soi et d’accéder aux pièces du dossier, au titre de la directive 2012/13

77

À titre liminaire, il convient de relever que la juridiction de renvoi sollicite l’interprétation de dispositions de la directive 2012/13 et d’une disposition de la directive 2013/48 en ce qui concerne les droits de la personne poursuivie et de son avocat d’être informés de l’accusation et d’accéder aux pièces du dossier. Cependant, cette seconde directive ne comportant, contrairement à la première, pas de disposition spécifique encadrant ces droits, il convient d’interpréter uniquement la directive 2012/13 à cet égard.

78

Par ses deuxième et troisième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, premièrement, si l’article 6, paragraphe 3, de la directive 2012/13 doit être interprété en ce sens que le droit d’être informé de l’accusation portée contre soi qui y est prévu est respecté dans l’hypothèse où des informations détaillées sur l’accusation ne sont communiquées à la défense qu’après le dépôt du réquisitoire introductif d’instance devant le juge, mais avant que celui-ci ne commence à examiner l’accusation au fond et que les débats ne débutent effectivement devant lui.

79

Deuxièmement, cette juridiction interroge la Cour sur le point de savoir si l’article 7, paragraphe 3, de cette directive doit être interprété en ce sens que le droit d’accès aux pièces du dossier qui y est prévu est garanti dès lors que les autorités compétentes ont donné à la défense la possibilité de consulter ces pièces au cours de la phase préliminaire de la procédure pénale, même si celle-ci n’a pas été en mesure de faire usage de cette possibilité. Dans la négative, elle demande si ce droit est respecté dans l’hypothèse où la défense se verrait offrir une nouvelle possibilité de prendre connaissance desdites pièces après le dépôt du réquisitoire introductif d’instance devant le juge, mais avant que celui-ci ne commence à examiner l’accusation au fond et que les débats ne débutent effectivement devant lui.

80

Troisièmement, en cas de réponse négative aux questions qui précèdent, ladite juridiction s’interroge sur la possibilité de remédier aux violations des droits en cause au cours de la phase juridictionnelle de la procédure.

81

S’il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer si les dispositions de la directive 2012/13 ont été respectées dans l’affaire au principal et quelles mesures spécifiques doivent, le cas échéant, être adoptées à cette fin, il appartient toutefois à la Cour de lui indiquer les éléments objectifs devant présider à une telle appréciation.

82

À cette fin, il convient de relever que, comme le prévoient le considérant 14 et l’article 1er de cette directive, celle‑ci a pour objet d’établir des règles minimales à appliquer en matière d’information des suspects ou des personnes poursuivies.

83

En particulier, l’article 6, paragraphe 3, de ladite directive prévoit que les États membres veillent à ce que des informations détaillées sur l’accusation, y compris sur la nature et la qualification juridique de l’infraction pénale ainsi que sur la nature de la participation de la personne poursuivie, soient communiquées à celle-ci. L’article 7, paragraphe 2, de cette même directive ajoute que les suspects ou les personnes poursuivies, ou leur avocat, doivent se voir accorder l’accès aux preuves matérielles, à charge ou à décharge, qui sont détenues par les autorités compétentes.

84

En ce qui concerne le moment auquel cette communication et cet accès doivent intervenir, l’article 6, paragraphe 3, et l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2012/13 se bornent à prévoir, respectivement, que ladite communication doit avoir lieu « au plus tard au moment où la juridiction est appelée à se prononcer sur le bien-fondé de l’accusation » et que ledit accès doit être garanti « en temps utile pour permettre l’exercice des droits de la défense et, au plus tard, lorsqu’une juridiction est appelée à se prononcer sur [ce] bien-fondé ».

85

Ainsi, comme M. l’avocat général l’a relevé au point 98 de ses conclusions, ces dispositions ne se réfèrent pas à une date précise à cet égard.

86

En outre, le libellé desdites dispositions, dans leurs différentes versions linguistiques, ne permet pas de déterminer de manière univoque le moment ultime auquel la communication des informations détaillées sur l’accusation et l’accès aux pièces du dossier doivent être assurés. En effet, dans certaines de ces versions, telles que celles en langue française et en langue néerlandaise, les dispositions en question pourraient être interprétées comme visant soit le moment où le juge compétent pour examiner l’accusation au fond est saisi et la procédure devant lui s’ouvre, soit, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 100 de ses conclusions, la date à laquelle l’affaire est mise en délibéré. En revanche, d’autres versions linguistiques, telles que celle en langue allemande, visent le moment où l’acte d’accusation est déposé devant la juridiction. De même, les versions en langues anglaise et italienne, notamment, font référence au moment où le bien-fondé de l’accusation est soumis à l’appréciation du juge.

87

Dans ces conditions, il convient d’interpréter lesdites dispositions à la lumière de leur contexte et de leur objectif (voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2017, Espagne/Conseil, C‑521/15, EU:C:2017:982, point 158).

88

À cet égard, il ressort des considérants 10 et 14 de la directive 2012/13 que celle‑ci tend, par l’édiction de règles minimales communes encadrant le droit à l’information dans les procédures pénales, à renforcer la confiance mutuelle entre les États membres dans leurs systèmes respectifs de justice pénale. Comme l’indiquent en substance ce même considérant 14 ainsi que le considérant 41 de cette directive, celle‑ci s’appuie à cette fin sur les droits énoncés notamment aux articles 47 et 48 de la Charte et tend à promouvoir ces droits.

89

C’est ainsi que, comme l’énoncent les considérants 27 et 28 de ladite directive de même que les articles 6 et 7 de celle-ci, ces articles ont précisément pour objectif d’assurer l’exercice effectif des droits de la défense ainsi que l’équité de la procédure (voir, en ce sens, s’agissant dudit article 6, arrêt du 22 mars 2017, Tranca e.a., C‑124/16, C‑188/16 et C‑213/16, EU:C:2017:228, point 38 ainsi que jurisprudence citée).

90

Or, cet objectif commande que la personne poursuivie reçoive des informations détaillées sur l’accusation et ait la possibilité de prendre connaissance des pièces en temps utile, à un moment qui lui permette de préparer efficacement sa défense, comme le prévoit d’ailleurs l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2012/13 relativement à l’accès au dossier, étant précisé que la transmission d’informations lacunaires et l’octroi d’un accès partiel à ces pièces sont à cet égard insuffisants.

91

Cette directive n’impose pas que ce moment soit identique s’agissant de la communication d’informations détaillées sur l’accusation et en ce qui concerne l’accès aux pièces du dossier. En outre, ledit moment peut, selon les circonstances de l’espèce et le type de procédure en cause, être antérieur ou concomitant à la saisine du juge, ou encore postérieur à celle-ci.

92

Cependant, ledit objectif ainsi que le bon déroulement de la procédure supposent, en principe et sous réserve le cas échéant des procédures spéciales ou simplifiées, que ladite communication ait lieu et la possibilité d’accéder aux pièces soit accordée au plus tard au moment où les débats sur le bien‑fondé de l’accusation s’ouvrent effectivement devant le juge compétent pour se prononcer sur ce bien-fondé.

93

En effet, c’est par cette même communication et par cet accès que la personne poursuivie, ou son avocat, est précisément informée des faits retenus contre elle et de la qualification juridique de ceux-ci ainsi que des éléments de preuve sur lesquels ces faits reposent. La possibilité de prendre connaissance de ces informations et de ces éléments au plus tard dès le début des débats est essentielle en vue de permettre à cette personne, ou à son avocat, de participer utilement à ceux-ci dans le respect du principe du contradictoire et de l’égalité des armes, de façon à faire valoir sa position de manière effective.

94

En cas de manquement éventuel à cette exigence, rien, dans la directive 2012/13, ne s’oppose toutefois à ce que le juge prenne les mesures nécessaires en vue de régulariser celui-ci, pour autant que les droits de la défense et à un procès équitable soient dûment protégés.

95

Par ailleurs, ladite exigence n’exclut pas que les informations relatives à l’accusation transmises à la défense puissent faire l’objet de modifications ultérieures, notamment en ce qui concerne la qualification juridique des faits reprochés, ni que de nouveaux éléments de preuve puissent être versés au dossier au cours des débats. De telles modifications et de tels éléments doivent toutefois être communiqués à la personne poursuivie ou à son avocat à un moment où ceux-ci disposent encore de l’opportunité de réagir de manière effective, avant la phase de délibéré. Cette possibilité est d’ailleurs envisagée à l’article 6, paragraphe 4, de cette directive, qui prévoit que tout changement dans les informations fournies en vertu de cet article intervenant au cours de la procédure pénale doit être rapidement communiqué au suspect ou à la personne poursuivie lorsque cela est nécessaire pour garantir l’équité de la procédure, ainsi qu’à l’article 7, paragraphe 3, de ladite directive, qui dispose que, si les autorités compétentes entrent en possession d’autres preuves matérielles, elles doivent en autoriser l’accès en temps utile pour que ces preuves puissent être prises en considération.

96

En toute hypothèse, dans chacun des cas de figure exposés aux points 92 et 93, au point 94 ainsi qu’au point 95 du présent arrêt et quel que soit le moment auquel les informations détaillées sur l’accusation sont fournies et l’accès aux pièces du dossier est accordé, la personne poursuivie et son avocat doivent notamment, dans le respect du principe du contradictoire et de l’égalité des armes, se voir accorder un délai suffisant pour prendre connaissance de ces informations et de ces pièces, et être mis en mesure de préparer efficacement la défense, présenter leurs éventuelles observations et, le cas échéant, formuler toute demande, notamment d’instruction, qu’ils seraient en droit d’introduire en vertu du droit national. Comme M. l’avocat général l’a relevé au point 101 de ses conclusions, cette exigence impose que l’affaire soit, si besoin, suspendue et qu’un renvoi de celle-ci à une date ultérieure soit ordonné.

97

Enfin, dans la mesure où la juridiction de renvoi s’interroge plus particulièrement sur les modalités d’exercice du droit d’accès aux pièces du dossier prévu à l’article 7, paragraphes 2 et 3, de la directive 2012/13, il convient de préciser que, dans l’hypothèse où la personne poursuivie ou son avocat a été convoqué pour accéder, à sa demande, à ces pièces au cours de la phase préliminaire de la procédure mais, pour des motifs légitimes ou des raisons indépendantes de sa volonté, n’a pas pu se présenter le jour de la convocation, le respect des droits de la défense et l’équité de la procédure, que cette disposition vise à mettre en œuvre, exigent que les autorités de poursuite ou de jugement, selon le cas, prennent les mesures nécessaires pour donner à cette personne ou à son avocat une nouvelle possibilité de prendre connaissance desdites pièces. Sous réserve des considérations exposées aux points 90 à 93 et 96 du présent arrêt, ladite disposition ne s’oppose pas à ce que cette nouvelle possibilité soit offerte après le dépôt du réquisitoire introductif d’instance devant le juge.

98

Dans ce cadre, il appartient toutefois au juge d’assurer un juste équilibre entre, d’un côté, le respect des droits de la défense, et, de l’autre, la nécessité de garantir l’effectivité des poursuites et de la répression des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union ainsi que celle de veiller à ce que la procédure se déroule dans un délai raisonnable, en tenant compte de l’éventuelle obstruction délibérée de la défense à la bonne marche de cette procédure.

99

Il résulte de ce qui précède que l’article 6, paragraphe 3, de la directive 2012/13 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que des informations détaillées sur l’accusation soient communiquées à la défense après le dépôt du réquisitoire introductif d’instance devant le juge, mais avant que celui-ci ne commence à examiner l’accusation au fond et que les débats ne s’ouvrent devant lui, voire après l’ouverture de ces débats mais avant la phase de délibéré lorsque les informations ainsi communiquées font l’objet de modifications ultérieures, sous réserve que toutes les mesures nécessaires soient prises par le juge afin de garantir le respect des droits de la défense et l’équité de la procédure.

100

L’article 7, paragraphe 3, de cette directive doit être interprété en ce sens qu’il appartient au juge national de s’assurer que la défense se voit accorder la possibilité effective d’accéder aux pièces du dossier, un tel accès pouvant, le cas échéant, intervenir après le dépôt du réquisitoire introductif d’instance devant le juge, mais avant que celui-ci ne commence à examiner l’accusation au fond et que les débats ne s’ouvrent devant lui, voire après l’ouverture de ces débats mais avant la phase de délibéré lorsque de nouveaux éléments de preuve sont versés au dossier en cours d’instance, sous réserve que toutes les mesures nécessaires soient prises par le juge afin de garantir le respect des droits de la défense et l’équité de la procédure.

Sur le droit d’accès à un avocat au titre de la directive 2013/48

101

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2013/48 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose, d’une part, à une réglementation nationale qui impose au juge national d’écarter l’avocat mandaté par deux personnes poursuivies, contre la volonté de ces dernières, au motif que les intérêts de ces personnes sont contradictoires et, d’autre part, à ce que ce juge permette auxdites personnes de mandater un nouvel avocat ou, le cas échéant, désigne lui-même deux avocats commis d’office, en remplacement du premier avocat.

102

À titre liminaire, il convient de relever que, conformément à l’article 15, paragraphe 1, de cette directive, si le délai de transposition de celle-ci n’était pas arrivé à son terme au moment où la juridiction de renvoi a saisi la Cour de la présente demande préjudicielle, ce délai a expiré le 27 novembre 2016. Dans ces conditions, ladite directive est applicable à la situation des personnes poursuivies au principal.

103

En vertu de l’article 1er de la directive 2013/48, celle-ci définit des règles minimales concernant notamment le droit des suspects et des personnes poursuivies d’avoir accès à un avocat dans les procédures pénales. En particulier, l’article 3, paragraphe 1, de cette directive impose aux États membres de veiller à ce que ces suspects et personnes disposent de ce droit dans un délai et selon des modalités leur permettant d’exercer leurs droits de la défense de manière concrète et effective.

104

Ainsi qu’il ressort en substance du considérant 12 de ladite directive, celle-ci tend à favoriser notamment le droit de se faire conseiller, défendre et représenter énoncé à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte ainsi que les droits de la défense garantis par l’article 48, paragraphe 2, de celle-ci.

105

Comme l’indiquent les explications relatives à la charte des droits fondamentaux (JO 2007, C 303, p. 17), ledit article 48, paragraphe 2, correspond à l’article 6, paragraphe 3, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et a le même sens et la même portée que celui-ci, conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte.

106

Or, il résulte, en substance, de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que, si le droit d’accès à un avocat prévu audit article 6, paragraphe 3, implique la possibilité pour la personne concernée d’avoir recours à un avocat de son choix, cette possibilité n’est toutefois pas absolue (voir, en ce sens, Cour EDH, 29 septembre 1992, Croissant c. Allemagne, CE:ECHR:1992:0925JUD001361188, § 29, et Cour EDH, 14 janvier 2003, Lagerblom c. Suède, CE:ECHR:2003:0114JUD002689195, § 54). Ainsi, elle peut faire l’objet de certaines restrictions sous réserve que celles-ci soient prévues par la loi, répondent à un objectif d’intérêt général et soient proportionnées à cet objectif.

107

En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que la réglementation nationale en cause au principal vise à garantir le droit des personnes poursuivies à une défense effective.

108

Or, il y a lieu de considérer que cet objectif, qui correspond précisément à celui poursuivi par l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2013/48, est légitime et que cette réglementation est proportionnée à celui-ci.

109

À ce dernier égard, il convient en effet de souligner que l’absence de conflit d’intérêts de l’avocat est indispensable afin de garantir l’effectivité des droits de la défense. Ainsi, comme M. l’avocat général l’a relevé au point 110 de ses conclusions, un avocat ne saurait défendre pleinement et effectivement deux personnes poursuivies dans le cadre de la même procédure si celles-ci ont des intérêts contradictoires, notamment si l’une d’entre elles a fait des déclarations pouvant être utilisées à charge contre l’autre, sans que cette dernière confirme ces déclarations.

110

Dans ces conditions, la mise à l’écart de cet avocat et son remplacement par deux autres avocats mandatés par les personnes poursuivies ou par deux avocats commis d’office paraissent propres à garantir l’effectivité des droits de la défense et du droit d’accès à un avocat.

111

Dès lors, il convient de répondre à la quatrième question que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2013/48 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui impose au juge national d’écarter l’avocat mandaté par deux personnes poursuivies, contre la volonté de ces dernières, au motif que les intérêts de ces personnes sont contradictoires, ni à ce que ce juge permette auxdites personnes de mandater un nouvel avocat ou, le cas échéant, désigne lui-même deux avocats commis d’office, en remplacement du premier avocat.

IV. Sur les dépens

112

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 325, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale instituant une procédure de clôture de la procédure pénale, telle que celle prévue aux articles 368 et 369 du Nakazatelno protsesualen kodeks (code de procédure pénale), pour autant que cette réglementation s’applique dans des procédures ouvertes à l’égard de cas de fraude grave ou d’autre activité illégale grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne en matière douanière. Il appartient au juge national de donner plein effet à l’article 325, paragraphe 1, TFUE, en laissant ladite réglementation, au besoin, inappliquée, tout en veillant à assurer le respect des droits fondamentaux des personnes poursuivies.

 

2)

L’article 6, paragraphe 3, de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que des informations détaillées sur l’accusation soient communiquées à la défense après le dépôt du réquisitoire introductif d’instance devant le juge, mais avant que celui-ci ne commence à examiner l’accusation au fond et que les débats ne s’ouvrent devant lui, voire après l’ouverture de ces débats mais avant la phase de délibéré lorsque les informations ainsi communiquées font l’objet de modifications ultérieures, sous réserve que toutes les mesures nécessaires soient prises par le juge afin de garantir le respect des droits de la défense et l’équité de la procédure.

L’article 7, paragraphe 3, de cette directive doit être interprété en ce sens qu’il appartient au juge national de s’assurer que la défense se voit accorder la possibilité effective d’accéder aux pièces du dossier, un tel accès pouvant, le cas échéant, intervenir après le dépôt du réquisitoire introductif d’instance devant le juge, mais avant que celui-ci ne commence à examiner l’accusation au fond et que les débats ne s’ouvrent devant lui, voire après l’ouverture de ces débats mais avant la phase de délibéré lorsque de nouveaux éléments de preuve sont versés au dossier en cours d’instance, sous réserve que toutes les mesures nécessaires soient prises par le juge afin de garantir le respect des droits de la défense et l’équité de la procédure.

 

3)

L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2013/48/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d’arrêt européen, au droit d’informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui impose au juge national d’écarter l’avocat mandaté par deux personnes poursuivies, contre la volonté de ces dernières, au motif que les intérêts de ces personnes sont contradictoires, ni à ce que ce juge permette auxdites personnes de mandater un nouvel avocat ou, le cas échéant, désigne lui-même deux avocats commis d’office, en remplacement du premier avocat.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le bulgare.

Haut