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Document 62016CC0684
Opinion of Advocate General Bot delivered on 29 May 2018.#Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften eV v Tetsuji Shimizu.#Request for a preliminary ruling from the Bundesarbeitsgericht.#Reference for a preliminary ruling — Social policy — Organisation of working time — Directive 2003/88/EC — Article 7 — Right to paid annual leave — National legislation providing for the loss of annual leave not taken and of the allowance in lieu thereof where an application for leave has not been made by the worker prior to the termination of the employment relationship — Directive 2003/88/EC — Article 7 — Obligation to interpret national law in conformity with EU law — Charter of Fundamental Rights of the European Union — Article 31(2) — Whether it may be relied upon in a dispute between individuals.#Case C-684/16.
Conclusions de l'avocat général M. Y. Bot, présentées le 29 mai 2018.
Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften eV contre Tetsuji Shimizu.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesarbeitsgericht.
Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Aménagement du temps de travail – Directive 2003/88/CE – Article 7 – Droit au congé annuel payé – Réglementation nationale prévoyant la perte des congés annuels payés non pris et de l’indemnité financière au titre desdits congés lorsqu’une demande de congé n’a pas été formulée par le travailleur avant la cessation de la relation de travail – Directive 2003/88/CE – Article 7 – Obligation d’interprétation conforme du droit national – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 31, paragraphe 2 – Invocabilité dans le cadre d’un litige entre particuliers.
Affaire C-684/16.
Conclusions de l'avocat général M. Y. Bot, présentées le 29 mai 2018.
Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften eV contre Tetsuji Shimizu.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesarbeitsgericht.
Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Aménagement du temps de travail – Directive 2003/88/CE – Article 7 – Droit au congé annuel payé – Réglementation nationale prévoyant la perte des congés annuels payés non pris et de l’indemnité financière au titre desdits congés lorsqu’une demande de congé n’a pas été formulée par le travailleur avant la cessation de la relation de travail – Directive 2003/88/CE – Article 7 – Obligation d’interprétation conforme du droit national – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 31, paragraphe 2 – Invocabilité dans le cadre d’un litige entre particuliers.
Affaire C-684/16.
Recueil – Recueil général
Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2018:338
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. YVES BOT
présentées le 29 mai 2018 ( 1 )
Affaire C‑684/16
Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften eV
contre
Tetsuji Shimizu
[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail, Allemagne)]
« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Aménagement du temps de travail – Droit au congé annuel payé – Directive 2003/88/CE – Article 7, paragraphe 2 – Indemnité financière pour congés annuels payés non pris lors de la fin de la relation de travail – Perte du droit à cette indemnité lorsque le travailleur ne demande pas à bénéficier de son congé annuel payé – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 31, paragraphe 2 – Obligation d’interprétation conforme du droit national – Invocabilité directe de l’article 31, paragraphe 2, de la Charte dans le cadre d’un litige entre particuliers – Obligation de laisser inappliquée une réglementation nationale contraire »
1. |
La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail ( 2 ), ainsi que de l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 3 ). |
2. |
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Tetsuji Shimizu à son ancien employeur, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften eV (ci-après « Max-Planck »), au sujet du refus de celui-ci de verser à M. Shimizu une indemnité financière pour congés annuels payés non pris à la fin de la relation de travail. |
3. |
La présente affaire, tout comme l’affaire Kreuziger pour laquelle nous présentons également des conclusions (C‑619/16, EU:C:2018:339), offre à la Cour l’occasion de préciser les conditions dans lesquelles un travailleur dont la relation de travail prend fin peut réclamer le versement d’une telle indemnité sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88. |
4. |
Dans les présentes conclusions, nous exposerons les raisons pour lesquelles nous estimons que l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il ouvre droit à une indemnité financière pour congés annuels payés non pris à la fin de la relation de travail lorsqu’un travailleur n’a pas été en mesure de prendre tous les congés annuels payés auxquels il avait droit durant cette relation. |
5. |
Nous expliquerons également pourquoi, à notre avis, cette même disposition doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle un travailleur perd son droit à une indemnité financière pour congés annuels payés non pris à la fin de la relation de travail lorsque ce travailleur n’a pas demandé à bénéficier de ces congés quand il était en activité, sans vérification préalable du point de savoir si ce travailleur a été effectivement mis en mesure par son employeur d’exercer son droit au congé annuel payé. |
6. |
Nous indiquerons, ensuite, que, lorsqu’une juridiction nationale est saisie d’une contestation relative au droit d’un travailleur à une indemnité financière pour congés annuels payés non pris à la fin de la relation de travail, il lui incombe de vérifier si l’employeur justifie avoir pris les mesures propres à assurer à ce travailleur la possibilité d’exercer effectivement son droit au congé annuel payé durant cette relation. Si l’employeur démontre qu’il a accompli les diligences nécessaires et que, malgré les mesures qu’il a prises, le travailleur a renoncé délibérément et de façon éclairée à exercer son droit au congé annuel payé bien qu’il en ait eu la possibilité durant la relation de travail, ce travailleur ne peut pas réclamer, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, le paiement d’une indemnité financière pour congés annuels payés non pris à la fin de la relation de travail. |
7. |
Enfin, nous serons amenés à préciser que, lorsqu’il s’avère que, dans le cadre d’un litige opposant deux particuliers, une réglementation nationale fait obstacle à ce qu’un travailleur perçoive une indemnité financière pour congés annuels payés non pris à la fin de la relation de travail, à laquelle il a pourtant droit en vertu de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, la juridiction nationale saisie est tenue de vérifier s’il lui est possible d’interpréter le droit national applicable de manière conforme à cette disposition et, si tel ne lui paraît pas être le cas, d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant pour les justiciables de l’article 31, paragraphe 2, de la Charte ainsi que de garantir le plein effet de cet article en laissant au besoin inappliquée toute disposition nationale contraire. |
I. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
8. |
Aux termes du considérant 4 de la directive 2003/88 : « L’amélioration de la sécurité, de l’hygiène et de la santé des travailleurs au travail représente un objectif qui ne saurait être subordonné à des considérations de caractère purement économique. » |
9. |
L’article 7 de cette directive dispose : « 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales. 2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. » |
10. |
L’article 17 de ladite directive prévoit que les États membres peuvent déroger à certaines de ses dispositions. Toutefois, aucune dérogation n’est admise en ce qui concerne l’article 7 de celle-ci. |
11. |
Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ( 4 ) : « L’employeur est obligé d’assurer la sécurité et la santé des travailleurs dans tous les aspects liés au travail. » |
B. Le droit allemand
12. |
L’article 7 du Bundesurlaubsgesetz (loi fédérale relative aux congés) ( 5 ), du 8 janvier 1963, dans sa version du 7 mai 2002 ( 6 ), prévoit, sous l’intitulé « Fixation, report et indemnisation du congé » : « 1. Lors de la détermination des dates du congé, il y a lieu de tenir compte des souhaits du travailleur en la matière, à moins que cette prise en compte ne s’oppose aux intérêts impérieux de l’entreprise ou aux souhaits d’autres travailleurs qui, en raison de considérations sociales, méritent la priorité. Le congé doit être accordé lorsque le travailleur le demande à la suite d’une mesure de médecine préventive ou de réadaptation. 2. Le congé doit être accordé en une seule période, à moins que des raisons impérieuses tenant à l’entreprise ou des raisons tenant à la personne du travailleur ne rendent nécessaire un fractionnement du congé. Si, pour de telles raisons, le congé ne peut être accordé en une seule période et si le travailleur a droit à un congé de plus de douze jours ouvrables, l’une des fractions du congé doit alors comprendre au moins douze jours ouvrables consécutifs. 3. Le congé doit être octroyé et pris dans l’année civile en cours. Un report du congé à l’année civile suivante est uniquement permis si des raisons impérieuses tenant à l’entreprise ou des raisons tenant à la personne du travailleur le justifient. [...] 4. Si, en raison de la cessation de la relation de travail, le congé ne peut plus être octroyé en tout ou en partie, il y a lieu de l’indemniser. » |
13. |
Le Tarifvertrag für den öffentlichen Dienst (convention collective applicable à la fonction publique) comporte un article 26, intitulé « Congé de repos », qui dispose, à son paragraphe 1 : « [...] Le congé de repos doit être accordé pendant l’année civile en cours ; il peut être fractionné. [...] » |
II. Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles
14. |
M. Shimizu a été employé par Max-Planck, en vertu de plusieurs contrats à durée déterminée, du 1er août 2001 au 31 décembre 2013. La relation de travail entre les parties était régie par les dispositions du BUrlG et de la convention collective applicable à la fonction publique. |
15. |
Par courrier du 23 octobre 2013, Max-Planck a invité M. Shimizu à prendre ses congés avant la fin de la relation de travail, sans, toutefois, lui imposer d’office des jours de congé qu’elle aurait fixés unilatéralement. M. Shimizu a pris deux jours de congé, respectivement les 15 novembre et 2 décembre 2013. |
16. |
Après avoir, par courrier du 23 décembre 2013, demandé, sans succès, à Max-Planck le paiement d’une indemnité de 11979,26 euros correspondant à 51 jours de congés annuels non pris dus au titre des années 2012 et 2013, M. Shimizu a introduit un recours aux fins d’obtenir la condamnation de Max-Planck à ce paiement. |
17. |
Après qu’il a été fait droit à ce recours tant en première instance qu’en appel, Max-Planck a saisi le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail, Allemagne), la juridiction de renvoi, d’un recours en Revision. |
18. |
Cette juridiction expose que les droits à congés annuels payés de M. Shimizu afférents aux années 2012 et 2013 se sont éteints, en application de l’article 7, paragraphe 3, première phrase, du BUrlG. En effet, l’intéressé n’aurait pas pris lesdits congés au cours des années au titre desquelles ils lui ont été accordés, sans qu’il apparaisse que des raisons impérieuses tenant à l’entreprise ou à la personne du travailleur, au sens de l’article 7, paragraphe 3, deuxième phrase, du BUrlG, aient, en l’occurrence, justifié cette absence de prise de congés, ni que l’employeur ait, d’une quelconque manière, empêché l’intéressé de prendre ceux-ci. Selon la juridiction de renvoi, l’article 7 du BUrlG ne peut pas non plus être interprété en ce sens que l’employeur serait tenu de fixer unilatéralement la date des congés de repos et d’obliger le travailleur à prendre ceux-ci. Ainsi, du fait de l’extinction des droits à congés annuels payés de M. Shimizu, ces mêmes droits ne pourraient plus être transformés en un droit à une indemnité compensatrice en vertu de l’article 7, paragraphe 4, du BUrlG. |
19. |
La juridiction de renvoi considère, par ailleurs, que la jurisprudence de la Cour ne permet pas de déterminer clairement si une réglementation nationale ayant les effets décrits au point précédent des présentes conclusions est ou non conforme à l’article 7 de la directive 2003/88 et à l’article 31, paragraphe 2, de la Charte, la doctrine demeurant, quant à elle, divisée à cet égard. |
20. |
Par ailleurs, cette juridiction expose que Max-Planck est une organisation sans but lucratif de droit privé qui est, certes, financée, en grande partie, par des fonds publics, mais qui ne dispose toutefois pas de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables entre les particuliers, de sorte qu’elle serait à considérer comme un particulier en vertu de la jurisprudence de la Cour ( 7 ). Or, la Cour n’aurait pas encore précisé, à cet égard, si l’article 7 de la directive 2003/88 ou l’article 31, paragraphe 2, de la Charte bénéficient d’un effet direct horizontal. |
21. |
Dans ces conditions, le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
|
III. Notre analyse
22. |
Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle un travailleur perd son droit à une indemnité financière pour congés annuels payés non pris à la fin de la relation de travail lorsque ce travailleur n’a pas demandé à bénéficier de ce congé quand il était en activité. |
23. |
La seconde question préjudicielle a trait, quant à elle, au problème de l’invocabilité du droit de l’Union dans le cadre d’un litige entre particuliers en vue d’écarter l’application d’une telle réglementation, dans l’hypothèse où celle-ci devrait être considérée comme étant contraire à ce droit. |
24. |
Afin de répondre aux interrogations de la juridiction de renvoi, il importe de rappeler que, ainsi qu’il ressort du libellé même de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, disposition à laquelle cette directive ne permet pas de déroger, tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines. Comme la Cour l’a itérativement jugé, « [c]e droit au congé annuel payé doit être considéré comme un principe du droit social de l’Union revêtant une importance particulière, dont la mise en œuvre par les autorités nationales compétentes ne peut être effectuée que dans les limites expressément énoncées par la directive 2003/88 elle-même » ( 8 ). |
25. |
Par ailleurs, il ressort des termes de la directive 2003/88 et de la jurisprudence de la Cour que, « s’il appartient aux États membres de définir les conditions d’exercice et de mise en œuvre du droit au congé annuel payé, ils sont tenus de s’abstenir de subordonner à quelque condition que ce soit la constitution même dudit droit qui résulte directement de cette directive » ( 9 ). |
26. |
La Cour a déjà été conduite à plusieurs reprises à se prononcer sur des questions portant sur le droit au congé annuel payé d’un travailleur qui n’a pas été en mesure d’exercer, avant la fin de sa relation de travail, son droit audit congé pour des raisons indépendantes de sa volonté, que ce soit en raison d’une maladie ( 10 ) ou bien en raison du refus de l’employeur de rémunérer ses congés ( 11 ). |
27. |
Dans ce contexte, la Cour a posé la règle selon laquelle « la directive 2003/88 ne permet aux États membres ni d’exclure la naissance du droit au congé annuel payé ni de prévoir que le droit au congé annuel payé d’un travailleur ayant été empêché d’exercer ce droit s’éteint à l’expiration de la période de référence et/ou d’une période de report fixée par le droit national » ( 12 ). |
28. |
De plus, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’« un travailleur qui n’a pas été en mesure, pour des raisons indépendantes de sa volonté, d’exercer son droit au congé annuel payé avant la fin de la relation de travail a droit à une indemnité financière au titre de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88. Le montant de cette indemnité doit être calculé de sorte que ledit travailleur soit placé dans une situation comparable à celle dans laquelle il se serait trouvé s’il avait exercé ledit droit pendant la durée de sa relation de travail » ( 13 ). |
29. |
Selon la Cour, la règle posée par l’article 7 de la directive 2003/88 ainsi que par l’article 31, paragraphe 2, de la Charte, est donc celle selon laquelle « un droit au congé annuel payé acquis ne peut s’éteindre à l’expiration de la période de référence et/ou d’une période de report fixée par le droit national, lorsque le travailleur n’a pas été en mesure de prendre ses congés » ( 14 ). |
30. |
L’idée qui sous-tend cette règle est celle selon laquelle, si les États membres peuvent prévoir des modalités d’exercice du droit au congé annuel payé, comprenant même la perte de ce droit à la fin d’une période de référence ou d’une période de report, c’est toutefois à la condition que le travailleur dont le droit au congé annuel payé est perdu ait effectivement eu la possibilité d’exercer le droit que cette directive lui confère ( 15 ). |
31. |
Il semble découler de la réglementation nationale en cause, telle qu’interprétée par certaines juridictions nationales, que le droit au congé annuel payé doit être considéré comme s’éteignant à la fin de la période de référence lorsque le travailleur n’a pas demandé à l’exercer au cours de cette période. Cette extinction du droit au congé annuel payé dont la jouissance n’a pas été réclamée par le travailleur entraîne la perte du droit à une indemnité financière pour congés annuels payés non pris à la fin de la relation de travail. |
32. |
Une telle réglementation nationale, ainsi interprétée, nous paraît contraire à l’article 7 de la directive 2003/88 dans la mesure où elle déduit de façon automatique de l’absence d’une demande par le travailleur de prendre ses congés pendant la période de référence la perte de ces derniers à la fin de cette période, sans vérification préalable du point de savoir si ce travailleur a été effectivement mis en mesure d’exercer son droit au congé annuel payé, conformément à ce qui est requis par la jurisprudence de la Cour. |
33. |
Or, eu égard à la finalité que la directive 2003/88 assigne au droit au congé annuel payé, à savoir celle d’assurer au travailleur le bénéfice d’un repos effectif, dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé, il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au travailleur la possibilité d’exercer effectivement son droit au congé annuel payé et, en cas de contestation, de justifier qu’il a pris de telles mesures. |
34. |
Nous rappelons, à cet égard, que la directive 2003/88 « consacre [...] la règle selon laquelle le travailleur doit normalement pouvoir bénéficier d’un repos effectif, dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé » ( 16 ). La finalité du droit au congé annuel payé consiste à « permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs » ( 17 ). |
35. |
L’employeur a une responsabilité particulière afin que les travailleurs qui sont sous sa direction exercent effectivement leur droit au congé annuel payé. |
36. |
Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, « le travailleur doit être considéré comme la partie faible dans la relation de travail, de sorte qu’il est nécessaire d’empêcher que l’employeur ne dispose de la faculté de lui imposer une restriction de ses droits » ( 18 ). En effet, selon la Cour, « compte tenu de cette situation de faiblesse, un tel travailleur peut être dissuadé de faire valoir explicitement ses droits à l’égard de son employeur dès lors que la revendication de ceux-ci est susceptible de l’exposer à des mesures prises par ce dernier de nature à affecter la relation de travail au détriment de ce travailleur » ( 19 ). Dès lors, « toute pratique ou omission d’un employeur, ayant un effet potentiellement dissuasif sur la prise du congé annuel par un travailleur, est également incompatible avec la finalité du droit au congé annuel payé » ( 20 ). |
37. |
Compte tenu de ce déséquilibre inhérent à la relation de travail, il incombe à l’employeur d’adopter les mesures adéquates afin de permettre aux travailleurs d’exercer leur droit au congé annuel payé. La Cour nous paraît d’ailleurs avoir mis en exergue l’existence d’une obligation pesant sur l’employeur quant à la prise effective de leurs congés par les travailleurs en indiquant que « l’employeur qui ne met pas un travailleur en mesure d’exercer son droit au congé annuel payé doit en assumer les conséquences » ( 21 ). |
38. |
L’existence d’une telle obligation est corroborée par la directive 89/391, qui demeure applicable, comme l’indiquent le considérant 3 et l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 2003/88 ( 22 ). En effet, l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/391 dispose que « [l]’employeur est obligé d’assurer la sécurité et la santé des travailleurs dans tous les aspects liés au travail ». En outre, l’article 6, paragraphe 1, de cette directive prévoit que, « [d]ans le cadre de ses responsabilités, l’employeur prend les mesures nécessaires pour la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ». |
39. |
Il convient donc de tenir compte de l’obligation que la directive 89/391 impose aux employeurs afin d’interpréter l’article 7 de la directive 2003/88. |
40. |
Nous relevons, par ailleurs, que la République fédérale d’Allemagne a admis lors de l’audience que, en vertu du principe de sollicitude, l’employeur est obligé, de façon générale, de veiller au bien-être de ses travailleurs et que, dans ce devoir de sollicitude, on trouve également la nécessité de mettre le travailleur en mesure d’exercer ses droits. |
41. |
Cette obligation doit se traduire, en matière d’aménagement du temps de travail, par l’adoption par l’employeur de mesures d’organisation concrètes propres à permettre aux travailleurs d’exercer leur droit au congé annuel payé ainsi que par une information précise et effectuée en temps utile de ce que, si ces travailleurs ne prennent pas effectivement leurs congés, ceux-ci risquent d’être perdus à la fin de la période de référence ou d’une période de report autorisée. L’employeur doit également informer les travailleurs de ce que, s’ils ne prennent pas leurs congés au cours de la relation de travail, alors qu’ils en ont effectivement la possibilité, ils ne pourront pas revendiquer le droit à une indemnité financière pour congés annuels payés non pris à la fin de la relation de travail. L’obligation qui pèse sur l’employeur ne va cependant pas « jusqu’à contraindre l’employeur à imposer à ses travailleurs d’exercer effectivement les périodes de repos auxquelles ils ont droit » ( 23 ). Sous cette réserve, l’obligation mise à la charge de l’employeur doit se traduire, à notre avis, par un régime probatoire en vertu duquel, en cas de contestation, c’est à l’employeur de démontrer qu’il a pris les mesures propres à assurer à un travailleur la possibilité d’exercer effectivement ce droit. |
42. |
Compte tenu de l’obligation qui pèse sur l’employeur de donner effectivement à ses travailleurs la possibilité d’exercer leur droit au congé annuel payé, une réglementation ou une pratique nationale ayant pour effet d’imputer aux seuls travailleurs la responsabilité d’exercer ce droit, sans vérification préalable du point de savoir si cet employeur a respecté son obligation, est contraire à l’article 7 de la directive 2003/88. En effet, admettre qu’une réglementation ou une pratique nationale puisse prévoir l’extinction du droit du travailleur au congé annuel payé, sans que le travailleur ait effectivement eu la possibilité d’exercer ce droit, porterait atteinte à la substance du droit social directement conféré par l’article 7 de la directive 2003/88 à chaque travailleur ( 24 ). Il résulte de ce qui précède que la circonstance qu’un travailleur n’a pas demandé à exercer son droit au congé annuel payé durant la période de référence ne saurait entraîner ipso facto la perte de ce droit à la fin de cette période et, corrélativement, la perte du droit à une indemnité financière pour congés annuels payés non pris à la fin de la relation de travail. La jurisprudence de la Cour semble d’ailleurs dénier toute pertinence au point de savoir si un travailleur a introduit ou non des demandes de congé annuel payé ( 25 ). |
43. |
Il incombe, par conséquent, à la juridiction de renvoi de rechercher, eu égard à la finalité qu’assigne au droit au congé annuel payé la directive 2003/88, si l’employeur justifie avoir pris les mesures propres à assurer au travailleur la possibilité d’exercer effectivement son droit au congé annuel payé en accomplissant à cette fin les diligences qui lui incombent. Dès lors que l’employeur démontre qu’il a accompli les diligences nécessaires et que, malgré les mesures qu’il a prises, le travailleur a renoncé délibérément à exercer son droit au congé annuel payé bien qu’il en ait eu la possibilité durant la relation de travail, ce travailleur ne peut pas réclamer, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, le paiement d’une indemnité financière pour congés annuels payés non pris à la fin de la relation de travail. En effet, le travailleur a alors été mis en mesure d’exercer son droit. Il y a renoncé de manière éclairée, en sachant les effets juridiques qui pourraient lui être opposés à la fin de la relation de travail. |
44. |
Il est vrai que certaines considérations formulées par la Cour peuvent donner l’impression qu’elle interprète l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 comme conférant directement et de façon automatique aux travailleurs une indemnité financière pour congés annuels payés non pris en cas de cessation de la relation de travail. S’agissant des conditions d’existence d’une telle indemnité, la Cour a ainsi souligné que, « lorsque la relation de travail a pris fin et que, partant, la prise effective du congé annuel payé n’est plus possible, l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 prévoit que le travailleur a droit à une indemnité afin d’éviter que, du fait de cette impossibilité, toute jouissance par celui-ci du droit au congé annuel payé, même sous forme pécuniaire, soit exclue » ( 26 ). La Cour a également jugé que, « [d]ans le souci de garantir le respect de ce droit fondamental du travailleur consacré par le droit de l’Union, [elle] ne saurait se livrer à une interprétation restrictive de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 au détriment des droits que le travailleur tire de celle-ci » ( 27 ). Par ailleurs, la Cour a jugé que « l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, tel qu’interprété par la Cour, ne pose aucune condition à l’ouverture du droit à une indemnité financière autre que celle tenant au fait, d’une part, que la relation de travail a pris fin et, d’autre part, que le travailleur n’a pas pris tous les congés annuels auxquels il avait droit à la date où cette relation a pris fin » ( 28 ). |
45. |
Cela étant, il convient de souligner que ces considérations sont étroitement liées aux contextes factuels dans lesquels elles sont intervenues, à savoir des situations dans lesquelles un travailleur avait été empêché d’exercer son droit au congé annuel payé en raison d’une maladie ou de son décès. |
46. |
Par ailleurs, et en tout état de cause, l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 ne saurait être interprété en ce sens qu’un travailleur ayant renoncé volontairement et de façon éclairée à prendre ses congés annuels payés puisse revendiquer le droit au paiement d’une indemnité financière pour congés annuels payés non pris à la fin de la relation de travail, lorsque son employeur apporte la preuve qu’il a effectivement mis ce travailleur en mesure de prendre ses congés durant la relation de travail. |
47. |
En effet, une interprétation de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 qui serait en faveur d’un versement automatique au travailleur d’une indemnité financière pour congés annuels payés non pris à la fin de la relation de travail, sans examen des comportements respectifs de l’employeur et de ce travailleur, irait à l’encontre tant du libellé de cette disposition que de la finalité du droit au congé annuel payé, telle qu’elle a été mise en exergue puis rappelée par la Cour dans sa jurisprudence constante. Or, il convient d’interpréter l’article 7 de la directive 2003/88 à la lumière de son libellé ainsi que de l’objectif qu’il poursuit ( 29 ). |
48. |
Concernant, en premier lieu, le libellé de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, il en ressort que le versement d’une indemnité financière ayant pour objet de remplacer la période minimale de congé annuel payé est possible uniquement en cas de fin de relation de travail. La prise effective du congé constitue donc la règle, et l’indemnité financière l’exception. De surcroît, même en cas de fin de relation de travail, le libellé de cette disposition n’exprime pas l’idée d’un bénéfice automatique de cette indemnité en cas de fin de la relation de travail, mais bien seulement l’idée d’une possibilité. |
49. |
S’agissant, en second lieu, de la finalité du droit au congé annuel payé, celle-ci consiste, nous le rappelons, à « permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs » ( 30 ). Par ailleurs, il convient de faire à nouveau mention de la règle selon laquelle le travailleur doit normalement pouvoir bénéficier d’un repos effectif. |
50. |
Interpréter l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 en ce sens qu’il conférerait directement et de façon automatique au travailleur une indemnité financière pour congés annuels payés non pris en cas de fin de la relation de travail porterait atteinte à cette finalité et à l’exigence d’un repos effectif du travailleur, lesquelles impliquent que la jouissance du droit au congé annuel payé doit en principe s’effectuer en nature. |
51. |
En effet, une telle interprétation pourrait inciter les travailleurs qui savent, par exemple parce qu’ils sont en formation ou embauchés en vertu d’un contrat à durée déterminée, que leur relation de travail pourrait arriver à échéance dans un avenir proche à ne pas prendre de congés afin d’augmenter leur rémunération par la perception, à la fin de cette relation, d’une indemnité financière pour congés annuels payés non pris. Or, la Cour a déjà jugé qu’il faut se garder de retenir une interprétation de l’article 7 de la directive 2003/88 qui « créerait une incitation, incompatible avec les objectifs de [cette] directive, à renoncer au congé de repos ou à faire en sorte que les travailleurs y renoncent » ( 31 ). Il convient donc, afin de respecter la finalité du droit au congé annuel payé, de veiller à ce que l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 ne puisse pas être utilisé comme un outil permettant de capitaliser des jours de congés annuels payés en vue de les faire rémunérer à la fin de la relation de travail ( 32 ). |
52. |
Nous ajoutons que la protection de la sécurité et de la santé du travailleur ne relève pas uniquement de l’intérêt individuel de ce dernier, mais également de celui de son employeur ainsi que de l’intérêt général ( 33 ). |
53. |
Au vu de ces éléments, il convient, dès lors, de relativiser le passage de l’arrêt du 12 juin 2014, Bollacke ( 34 ), dans lequel la Cour a indiqué que « l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, tel qu’interprété par la Cour, ne pose aucune condition à l’ouverture du droit à une indemnité financière autre que celle tenant au fait, d’une part, que la relation de travail a pris fin et, d’autre part, que le travailleur n’a pas pris tous les congés annuels auxquels il avait droit à la date où cette relation a pris fin » ( 35 ). Pour être conforme à la double finalité du droit au congé annuel payé, à savoir permettre au travailleur, d’une part, de se reposer et, d’autre part, de disposer d’une période de détente et de loisirs, ainsi qu’à la règle selon laquelle le travailleur doit normalement pouvoir bénéficier d’un repos effectif, la seconde condition posée par l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, c’est-à-dire celle selon laquelle « le travailleur n’a pas pris tous les congés annuels payés auxquels il avait droit à la date où [sa relation de travail] a pris fin » ( 36 ), doit nécessairement être comprise comme signifiant que le travailleur « n’a pas été en mesure de prendre tous ses [...] congé[s] annuel[s] payé[s] avant la fin de sa relation de travail » ( 37 ). C’est seulement si la première condition, à savoir la cessation de la relation de travail, et la seconde condition, ainsi comprise, sont remplies que le travailleur dont la relation de travail a pris fin a droit, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, à une indemnité financière pour congés annuels payés non pris. |
54. |
Ainsi interprété, l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, permet alors d’assurer un juste équilibre entre la nécessaire compensation financière d’un droit au congé annuel payé qui n’a pas pu faire l’objet d’une jouissance effective durant la relation de travail et le respect de la finalité de ce droit qui requiert, en principe, la prise effective du congé. |
55. |
En somme, nous proposons à la Cour de rejeter la thèse selon laquelle le versement de l’indemnité financière pour congés annuels payés non pris à la fin de la relation de travail dépendrait de la double condition, d’une part, que le travailleur ait personnellement réclamé le bénéfice des congés litigieux à son employeur et, d’autre part, que ce travailleur établisse avoir été mis dans l’impossibilité d’exercer son droit au congé annuel payé pour des raisons qui ne lui sont pas imputables. |
56. |
Nous suggérons à la Cour de suivre une autre logique reposant sur la règle selon laquelle la prise effective des congés doit être privilégiée et sur le rôle que l’employeur doit jouer à cet égard. Dans cette optique, il est exclu de faire peser sur les seuls travailleurs la responsabilité de veiller à prendre effectivement leurs congés sous peine d’en perdre le bénéfice. En effet, une telle solution méconnaît la réalité des rapports de travail qui se traduit par un déséquilibre entre l’employeur et le travailleur, ce dernier pouvant, de diverses manières, être incité à travailler plus, singulièrement lorsqu’il espère un renouvellement de son contrat. Pour pallier ce risque ainsi que la propension des travailleurs à transformer leurs jours de congés en supplément de salaire, il convient d’imposer à l’employeur l’obligation de prendre les mesures propres à permettre au travailleur d’user effectivement de son droit au congé annuel payé. Si l’employeur établit qu’il a mis ce travailleur en mesure d’exercer ce droit, ledit travailleur ne peut alors pas revendiquer, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, le versement d’une indemnité financière pour congés annuels payés non pris à la fin de la relation de travail. |
57. |
Par conséquent, nous proposons à la Cour de répondre à la juridiction de renvoi que l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il ouvre droit à une indemnité financière pour congés annuels payés non pris à la fin de la relation de travail lorsqu’un travailleur n’a pas été en mesure de prendre tous les congés annuels payés auxquels il avait droit durant cette relation. |
58. |
Cette même disposition doit, selon nous, être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle un travailleur perd son droit à une indemnité financière pour congés annuels payés non pris à la fin de la relation de travail lorsque ce travailleur n’a pas demandé à bénéficier de ces congés quand il était en activité, sans vérification préalable du point de savoir si ce travailleur a été effectivement mis en mesure par son employeur d’exercer son droit au congé annuel payé. |
59. |
Lorsqu’une juridiction nationale est saisie d’une contestation relative au droit d’un travailleur à une indemnité financière pour congés annuels payés non pris à la fin de la relation de travail, il lui incombe de vérifier si l’employeur justifie avoir pris les mesures propres à assurer à ce travailleur la possibilité d’exercer effectivement son droit au congé annuel payé durant cette relation. Si l’employeur démontre qu’il a accompli les diligences nécessaires et que, malgré les mesures qu’il a prises, le travailleur a renoncé délibérément et de façon éclairée à exercer son droit au congé annuel payé bien qu’il en ait eu la possibilité durant la relation de travail, ce travailleur ne peut pas réclamer, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, le paiement d’une indemnité financière pour congés annuels payés non pris à la fin de la relation de travail. |
60. |
En l’occurrence, même si l’appréciation finale sur ce point revient à la juridiction de renvoi, nous doutons qu’il puisse être considéré que Max-Planck a accompli les diligences nécessaires pour mettre M. Shimizu en mesure de prendre les congés annuels payés auxquels il avait droit. En effet, la seule mesure qui apparaît dans le dossier consiste dans l’invitation qui a été faite par Max-Planck à M. Shimizu le 23 octobre 2013 de prendre ses congés, alors qu’il apprenait dans le même temps que son contrat de travail ne serait pas renouvelé. Compte tenu du temps limité qui sépare la date à laquelle cette mesure a été prise de la date de fin du contrat à durée déterminée de M. Shimizu, à savoir le 31 décembre 2013, ladite mesure présente un caractère tardif, ce qui l’empêche, à notre avis, d’être considérée comme étant une mesure propre à permettre à ce travailleur d’exercer effectivement son droit au congé annuel payé. |
61. |
Au surplus, nous estimons que, durant la période qui précède l’arrivée à échéance d’un contrat à durée déterminée, un travailleur n’est pas en mesure de jouir effectivement de son droit au congé annuel payé. En effet, la réalité du marché du travail étant ce qu’elle est, ce travailleur sera, durant cette période, certainement plus occupé à chercher un nouvel emploi qu’à se reposer et à disposer d’une période de détente et de loisirs. En outre, durant la période précédant la fin d’un contrat à durée déterminée, le travailleur pourra légitimement avoir à cœur de terminer convenablement les projets qu’il a conduits au cours de la relation de travail, ce qui est de nature à l’inciter à renoncer à prendre ses congés ( 38 ). |
62. |
Nous en venons maintenant à la seconde question préjudicielle de la juridiction de renvoi, qui soulève le problème relatif à l’invocabilité du droit de l’Union dans le cadre d’un litige entre particuliers. À cet égard, la juridiction de renvoi relève que Max-Planck est une organisation sans but lucratif de droit privé, qui est certes financée en grande partie par des fonds publics, mais qui ne dispose toutefois pas de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers. Le litige dont elle est saisie doit, par conséquent, selon elle, être considéré comme étant un litige entre particuliers. Cette prémisse n’a pas été remise en cause dans le cadre de la présente procédure préjudicielle. |
63. |
Compte tenu de la jurisprudence constante de la Cour relative à l’absence d’effet direct horizontal des directives, cette juridiction cherche, par cette question, à savoir, en substance, si l’article 31, paragraphe 2, de la Charte pourrait être invoqué dans le cadre d’un litige entre particuliers en vue d’écarter l’application d’une réglementation nationale dont la contrariété avec l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 serait établie. |
64. |
Nous avons examiné en détail cette problématique, de même que la portée de l’obligation d’interprétation conforme qui pèse sur les juridictions nationales, dans le cadre de nos conclusions dans les affaires jointes Bauer et Broßonn (C‑569/16 et C‑570/16, EU:C:2018:337), auxquelles nous renvoyons. À la lumière des considérations que nous avons formulées dans ces conclusions, nous estimons que l’article 31, paragraphe 2, de la Charte, en tant qu’il garantit à un travailleur le droit à une indemnité financière pour congés annuels payés non pris à la fin de la relation de travail lorsque ce travailleur n’a pas été en mesure d’exercer effectivement son droit au congé annuel payé durant cette relation, peut être invoqué directement par ledit travailleur dans le cadre d’un litige qui l’oppose à son employeur en vue d’écarter l’application d’une réglementation nationale faisant obstacle à ce qu’une telle indemnité lui soit versée. |
65. |
Nous proposons donc à la Cour de répondre à la juridiction de renvoi que, lorsqu’il s’avère que, dans le cadre d’un litige opposant deux particuliers, une réglementation nationale fait obstacle à ce qu’un travailleur perçoive une indemnité financière pour congés annuels payés non pris à la fin de la relation de travail, à laquelle il a pourtant droit en vertu de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, la juridiction nationale saisie est tenue de vérifier s’il lui est possible d’interpréter le droit national applicable de manière conforme à cette disposition et, si tel ne lui paraît pas être le cas, d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant pour les justiciables de l’article 31, paragraphe 2, de la Charte ainsi que de garantir le plein effet de cet article en laissant au besoin inappliquée toute disposition nationale contraire. |
IV. Conclusion
66. |
Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail, Allemagne) de la manière suivante :
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( 1 ) Langue originale : le français.
( 2 ) JO 2003, L 299, p. 9.
( 3 ) Ci-après la « Charte ».
( 4 ) JO 1989, L 183, p. 1.
( 5 ) BGBl. 1963, p. 2.
( 6 ) BGBl. 2002 I, p. 1529 (ci-après le « BUrlG »).
( 7 ) La juridiction de renvoi se réfère, à cet égard, à l’arrêt du 12 juillet 1990, Foster e.a. (C‑188/89, EU:C:1990:313).
( 8 ) Voir, notamment, arrêt du 29 novembre 2017, King (C‑214/16, EU:C:2017:914, point 32 et jurisprudence citée).
( 9 ) Voir, notamment, arrêt du 29 novembre 2017, King (C‑214/16, EU:C:2017:914, point 34 et jurisprudence citée).
( 10 ) Voir, notamment, arrêt du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a. (C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18).
( 11 ) Voir arrêt du 29 novembre 2017, King (C‑214/16, EU:C:2017:914).
( 12 ) Voir, notamment, arrêt du 29 novembre 2017, King (C‑214/16, EU:C:2017:914, point 51 et jurisprudence citée).
( 13 ) Voir, notamment, arrêt du 29 novembre 2017, King (C‑214/16, EU:C:2017:914, point 52 et jurisprudence citée).
( 14 ) Voir arrêt du 29 novembre 2017, King (C‑214/16, EU:C:2017:914, point 56), italique ajouté par nos soins.
( 15 ) Voir, notamment, en ce sens, arrêts du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a. (C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18, point 43), du 22 novembre 2011, KHS (C‑214/10, EU:C:2011:761, point 26), et du 19 septembre 2013, Réexamen Commission/Strack (C‑579/12 RX‑II, EU:C:2013:570, point 30).
( 16 ) Arrêt du 26 juin 2001, BECTU (C‑173/99, EU:C:2001:356, point 44). Autrement dit, comme l’a indiqué M. l’avocat général Mengozzi au point 17 de ses conclusions dans l’affaire Ministerul Justiţiei e.a. (C‑12/17, EU:C:2018:195), « une période de travail effectif doit ouvrir droit à une période de repos tout aussi effectif ».
( 17 ) Voir, notamment, arrêt du 29 novembre 2017, King (C‑214/16, EU:C:2017:914, point 37 et jurisprudence citée).
( 18 ) Voir, notamment, arrêt du 25 novembre 2010, Fuß (C‑429/09, EU:C:2010:717, point 80 et jurisprudence citée).
( 19 ) Ibidem, point 81.
( 20 ) Arrêt du 29 novembre 2017, King (C‑214/16, EU:C:2017:914, point 39 et jurisprudence citée).
( 21 ) Arrêt du 29 novembre 2017, King (C‑214/16, EU:C:2017:914, point 63).
( 22 ) Sur le lien entre la directive 2003/88 et l’amélioration de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, voir, notamment, arrêt du 19 septembre 2013, Réexamen Commission/Strack (C‑579/12 RX‑II, EU:C:2013:570, point 44 et jurisprudence citée). Dans la lignée de l’objectif poursuivi par la directive 89/391, la directive 2003/88 fixe, comme l’indique son article 1er, paragraphe 1, « des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail ».
( 23 ) Voir arrêt du 7 septembre 2006, Commission/Royaume-Uni (C‑484/04, EU:C:2006:526, point 43).
( 24 ) Voir, notamment, arrêt du 19 septembre 2013, Réexamen Commission/Strack (C‑579/12 RX‑II, EU:C:2013:570, point 32 et jurisprudence citée).
( 25 ) Voir, à cet égard, arrêt du 29 novembre 2017, King (C‑214/16, EU:C:2017:914, point 62 et jurisprudence citée).
( 26 ) Voir, notamment, arrêt du 12 juin 2014, Bollacke (C‑118/13, EU:C:2014:1755, point 17 et jurisprudence citée).
( 27 ) Voir, notamment, arrêt du 12 juin 2014, Bollacke (C‑118/13, EU:C:2014:1755, point 22 et jurisprudence citée).
( 28 ) Voir, notamment, arrêt du 12 juin 2014, Bollacke (C‑118/13, EU:C:2014:1755, point 23).
( 29 ) Voir, notamment, arrêt du 22 mai 2014, Lock (C‑539/12, EU:C:2014:351, point 15).
( 30 ) Voir, notamment, arrêt du 29 novembre 2017, King (C‑214/16, EU:C:2017:914, point 37 et jurisprudence citée).
( 31 ) Voir arrêt du 6 avril 2006, Federatie Nederlandse Vakbeweging (C‑124/05, EU:C:2006:244, point 32). Voir, également, pour un raisonnement fondé sur la règle selon laquelle le travailleur doit normalement pouvoir bénéficier d’un repos effectif, arrêt du 16 mars 2006, Robinson-Steele e.a. (C‑131/04 et C‑257/04, EU:C:2006:177).
( 32 ) Voir, dans le même sens, conclusions de l’avocat général Tanchev dans l’affaire King (C‑214/16, EU:C:2017:439, point 97).
( 33 ) Voir, également, sur cette idée, conclusions de l’avocat général Stix-Hackl dans les affaires jointes Robinson-Steele e.a. (C‑131/04 et C‑257/04, EU:C:2005:650, point 79).
( 34 ) C‑118/13, EU:C:2014:1755.
( 35 ) Voir arrêt du 12 juin 2014, Bollacke (C‑118/13, EU:C:2014:1755, point 23).
( 36 ) Voir, notamment, arrêt du 20 juillet 2016, Maschek (C‑341/15, EU:C:2016:576, point 27 et jurisprudence citée), italique ajouté par nos soins.
( 37 ) Voir, à cet égard, arrêt du 20 juillet 2016, Maschek (C‑341/15, EU:C:2016:576, point 28), italique ajouté par nos soins.
( 38 ) Comme il l’a indiqué lors de l’audience, à la suite de l’invitation qui lui avait été faite par Max-Planck de prendre ses congés, M. Shimizu, ayant appris dans le même temps que son contrat ne serait pas renouvelé, a voulu mener à leur terme ses derniers projets, c’est pourquoi il a décidé de ne pas prendre tous les congés annuels payés auxquels il avait droit.