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Document 62016CJ0572

Arrêt de la Cour (première chambre) du 22 février 2018.
INEOS Köln GmbH contre Bundesrepublik Deutschland.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Verwaltungsgericht Berlin.
Renvoi préjudiciel – Environnement – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union européenne – Directive 2003/87/CE – Article 10 bis – Décision 2011/278/UE – Règles transitoires concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit – Période 2013‑2020 – Demande d’allocation – Données erronées – Correction – Délai de forclusion.
Affaire C-572/16.

Recueil – Recueil général – Partie «Informations sur les décisions non publiées»

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2018:100

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

22 février 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union européenne – Directive 2003/87/CE – Article 10 bis – Décision 2011/278/UE – Règles transitoires concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit – Période 2013‑2020 – Demande d’allocation – Données erronées – Correction – Délai de forclusion »

Dans l’affaire C‑572/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin, Allemagne), par décision du 3 novembre 2016, parvenue à la Cour le 14 novembre 2016, dans la procédure

INEOS Köln GmbH

contre

Bundesrepublik Deutschland,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. C. G. Fernlund, J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev et E. Regan (rapporteur), juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 septembre 2017,

considérant les observations présentées :

pour INEOS Köln GmbH, par Mes S. Altenschmidt et A. Sitzer, Rechtsanwälte,

pour l’Umweltbundesamt, par Mme I. Budde, en qualité d’agent,

pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mme A. C. Becker et M. C. Zadra, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 23 novembre 2017,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 10 bis de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO 2003, L 275, p. 32), telle que modifiée par la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009 (JO 2009, L 140, p. 63) (ci-après la « directive 2003/87 »), ainsi que de la décision 2011/278/UE de la Commission, du 27 avril 2011, définissant des règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit conformément à l’article 10 bis de la directive 2003/87 (JO 2011, L 130, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant INEOS Köln GmbH (ci-après « INEOS ») à la Bundesrepublik Deutschland (République fédérale d’Allemagne), représentée par l’Umweltbundesamt (Office fédéral de l’environnement, Allemagne), au sujet du refus opposé à cette société de procéder à la correction d’une demande d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre (ci‑après les « quotas d’émission ») à titre gratuit pour la troisième période d’échange 2013-2020.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2003/87

3

L’article 1er de la directive 2003/87, intitulé « Objet », énonce :

« La présente directive établit un système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté (ci-après dénommé “système communautaire” ) afin de favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions économiquement efficaces et performantes.

[...] »

4

Sous l’intitulé « Règles communautaires transitoires concernant la délivrance de quotas à titre gratuit », l’article 10 bis de cette directive prévoit :

« 1.   Le 31 décembre 2010 au plus tard, la Commission arrête des mesures d’exécution pleinement harmonisées à l’échelle communautaire relatives à l’allocation harmonisée des quotas [...]

[...]

2.   Pour définir les principes d’établissement des référentiels ex-ante par secteur ou sous-secteur, le point de départ est la performance moyenne des 10 % d’installations les plus efficaces d’un secteur ou sous-secteur de la Communauté pendant les années 2007-2008. [...]

[...]

5.   La quantité annuelle maximale de quotas servant de base au calcul des quotas pour les installations qui ne sont pas couvertes par le paragraphe 3 et qui ne sont pas de nouveaux entrants n’est pas supérieure à la somme :

a)

de la quantité annuelle totale pour l’ensemble de la Communauté, telle que déterminée en vertu de l’article 9, multipliée par la part des émissions des installations qui ne sont pas couvertes par le paragraphe 3 dans les émissions totales moyennes vérifiées au cours de la période 2005-2007 en provenance d’installations incluses dans le système communautaire au cours de la période 2008-2012 ; et

b)

des émissions annuelles totales moyennes vérifiées au cours de la période 2005-2007 qui ne sont incluses dans le système communautaire qu’à partir de 2013 et qui ne sont pas couvertes par le paragraphe 3, adaptées à l’aide du facteur linéaire visé à l’article 9.

Un facteur de correction uniforme transsectoriel est appliqué, le cas échéant.

[...] »

5

Aux termes de l’article 11 de ladite directive, intitulé « Mesures nationales d’exécution » :

« 1.   Chaque État membre publie et présente à la Commission, au plus tard le 30 septembre 2011, la liste des installations couvertes par la présente directive qui se trouvent sur son territoire, ainsi que les quotas gratuits alloués à chaque installation située sur son territoire, calculés conformément aux règles visées à l’article 10 bis, paragraphe 1, et à l’article 10 quater.

2.   Au plus tard le 28 février de chaque année, les autorités compétentes délivrent la quantité de quotas allouée pour l’année concernée, calculée conformément aux articles 10, 10 bis et 10 quater.

[...] »

La décision 2011/278

6

Le considérant 15 de la décision 2011/278 est libellé comme suit :

« Il convient que les États membres fassent en sorte que les données recueillies auprès des exploitants et utilisées aux fins de l’allocation soient complètes et cohérentes, et présentent le niveau d’exactitude le plus élevé possible. Il convient que ces données soient vérifiées par un vérificateur indépendant afin de garantir que l’allocation des quotas d’émission à titre gratuit repose sur des données solides et fiables. Il convient que la présente décision prévoie des exigences minimales spécifiques en matière de collecte et de vérification des données afin de favoriser une application harmonisée et cohérente des règles d’allocation. »

7

L’article 7 de cette décision, intitulé « Collecte des données de référence », prévoit :

« 1.   Pour chaque installation en place remplissant les conditions d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit conformément à l’article 10 bis de la directive [2003/87], y compris les installations qui ne sont en activité qu’occasionnellement, et notamment les installations de réserve ou de secours et les installations fonctionnant de façon saisonnière, les États membres collectent auprès de l’exploitant, pour toutes les années de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2008 ou, le cas échéant, du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, durant lesquelles l’installation a été en activité, l’ensemble des informations et des données utiles concernant chacun des paramètres énumérés à l’annexe IV.

[...]

7.   Les États membres exigent des exploitants qu’ils communiquent des données exhaustives et cohérentes et qu’ils veillent à l’absence de double comptage et de chevauchement entre les sous-installations. Ils veillent, en particulier, à ce que les exploitants fassent preuve de la diligence requise et à ce que les données qu’ils communiquent présentent le niveau d’exactitude le plus élevé possible, afin de disposer d’assurances raisonnables quant à l’intégrité des données.

À cette fin, les États membres veillent à ce que chaque exploitant communique également un rapport méthodologique comprenant notamment une description de l’installation, la méthode de compilation appliquée, l’indication des différentes sources de données, les diverses étapes des calculs et, le cas échéant, les hypothèses retenues, ainsi que la méthode employée pour attribuer les émissions aux différentes sous-installations conformément au paragraphe 6. Ils peuvent exiger de l’exploitant qu’il apporte la preuve de l’exactitude et de l’exhaustivité des données communiquées.

8.   Lorsque des données font défaut, les États membres exigent de l’exploitant qu’il justifie dûment toute lacune.

Les États membres exigent de l’exploitant que, avant la vérification par le vérificateur ou au plus tard au moment de cette vérification, il remplace toutes les données manquantes par des estimations prudentes fondées notamment sur les meilleures pratiques de l’industrie et sur les connaissances scientifiques et techniques récentes.

[...] »

8

Sous l’intitulé « Vérification », l’article 8 de ladite décision prévoit :

« 1.   Lors de la collecte des données conformément à l’article 7, les États membres n’acceptent que les données reconnues satisfaisantes par un vérificateur. Le processus de vérification porte sur le rapport méthodologique et sur les paramètres communiqués mentionnés à l’article 7 et à l’annexe IV. Il a pour objet de vérifier la fiabilité, la crédibilité et l’exactitude des données fournies par l’exploitant et d’aboutir à un avis concluant, avec une assurance raisonnable, à la présence ou à l’absence d’inexactitudes significatives dans les données communiquées.

[...]

4.   Les États membres n’allouent aucun quota d’émission à titre gratuit à une installation lorsque les données la concernant n’ont pas été reconnues satisfaisantes.

[...] »

9

L’article 10 de la décision 2011/278, intitulé « Allocation au niveau des installations », dispose :

« 1.   Sur la base des données recueillies conformément à l’article 7, les États membres calculent pour chaque année, conformément aux paragraphes 2 à 8, le nombre de quotas d’émission alloués à titre gratuit à partir de 2013 à chacune des installations en place situées sur leur territoire.

2.   Pour calculer ce nombre, les États membres commencent par déterminer, séparément pour chaque sous-installation, le nombre annuel provisoire de quotas d’émission alloués à titre gratuit [...]

[...]

9.   La quantité annuelle totale finale de quotas d’émission alloués à titre gratuit à chaque installation en place, à l’exception des installations relevant de l’article 10 bis, paragraphe 3, de la directive [2003/87], correspond à la quantité annuelle totale provisoire de quotas d’émission alloués à titre gratuit à chaque installation, déterminée conformément au paragraphe 7, multipliée par le facteur de correction transsectoriel défini conformément à l’article 15, paragraphe 3. »

10

Intitulé « Allocation pour le vapocraquage », l’article 11 de cette décision prévoit une méthode spécifique, dérogeant à celle décrite à l’article 10, paragraphe 2, de ladite décision, pour le calcul du nombre annuel provisoire de quotas d’émission alloués à titre gratuit pour une sous‑installation avec référentiel de produit pour la production de produits chimiques à haute valeur ajoutée.

11

Aux termes de l’article 15 de ladite décision, intitulé « Mesures d’exécution nationales » :

« 1.   En vertu de l’article 11, paragraphe 1, de la directive [2003/87], les États membres sont tenus de présenter à la Commission, pour le 30 septembre 2011 au plus tard, au moyen d’un modèle électronique fourni par celle-ci, la liste des installations couvertes par la directive [2003/87] qui sont situées sur leur territoire [...]

2.   La liste visée au paragraphe 1 contient, notamment, pour chaque installation en place :

[...]

3.   Dès réception de la liste visée au paragraphe 1 du présent article, la Commission examine l’inclusion de chaque installation sur la liste, ainsi que les quantités annuelles totales provisoires correspondantes de quotas d’émission alloués à titre gratuit.

Après la notification, par tous les États membres, des quantités annuelles totales provisoires de quotas d’émission alloués à titre gratuit durant la période 2013-2020, la Commission détermine le facteur de correction uniforme transsectoriel visé à l’article 10 bis, paragraphe 5, de la directive [2003/87]. Ce facteur est déterminé en comparant la somme des quantités annuelles totales provisoires de quotas d’émission alloués à titre gratuit aux installations non productrices d’électricité chaque année durant la période 2013-2020 [...] à la quantité annuelle de quotas calculée conformément à l’article 10 bis, paragraphe 5, de la directive [2003/87] pour les installations qui ne sont ni des producteurs d’électricité ni de nouveaux entrants [...]

4.   Si la Commission ne rejette pas l’inscription d’une installation sur cette liste, y compris les quantités annuelles totales provisoires correspondantes de quotas d’émission alloués à titre gratuit à cette installation, l’État membre concerné procède à la détermination de la quantité annuelle finale de quotas d’émission alloués à titre gratuit pour chaque année durant la période 2013-2020, conformément à l’article 10, paragraphe 9, de la présente décision.

[...] »

12

En vertu de l’annexe IV de la décision 2011/278, intitulée « Paramètres définis pour la collecte des données de référence concernant les installations en place », les États membres devaient, aux fins de la collecte des données de référence prévue à l’article 7, paragraphe 1, de cette décision, exiger de l’exploitant qu’il soumette, pour chaque installation et sous-installation, pour toutes les années civiles de la période de référence choisie (2005-2008 ou 2009-2010), notamment, le total des émissions de gaz à effet de serre ainsi que les émissions de gaz à effet de serre liées aux combustibles et celles liées aux procédés.

Le droit allemand

13

L’article 9, paragraphes 1 à 4, du Treibhausgas-Emissionshandelsgesetz (loi sur les échanges de droits d’émission de gaz à effet de serre), du 21 juillet 2011 (BGBl. 2011 I, p. 1475, ci-après le « TEHG »), est libellé comme suit :

« (1)   Les exploitants d’installations reçoivent une allocation à titre gratuit de droits d’émission conformément aux principes énoncés à l’article 10 bis [...] de la directive 2003/87 [...] dans sa version en vigueur et à ceux énoncés dans la décision 2011/278 [...]

(2)   L’allocation est conditionnée par la présentation d’une demande à l’autorité compétente. La demande d’allocation à titre gratuit de droits d’émission doit être présentée dans un délai que l’autorité compétente publie au Bundesanzeiger au moins trois mois avant son expiration. La publication du délai intervient au plus tôt après l’entrée en vigueur du règlement relatif aux règles d’allocation visé à l’article 10. En cas de demande tardive, il n’existe pas de droit à l’allocation à titre gratuit. Les documents nécessaires à l’examen du droit sont joints à la demande. Sauf si le règlement visé à l’article 10 en dispose autrement, les renseignements effectivement donnés dans la demande d’allocation doivent avoir été vérifiés par un organisme de contrôle visé à l’article 21.

(3)   L’autorité compétente calcule les quantités provisoires à allouer, publie au Bundesanzeiger une liste de toutes les installations entrant dans le champ d’application de la présente loi et des quantités provisoires à allouer et communique la liste à la Commission européenne. Lors du calcul des quantités provisoires à allouer seuls les renseignements donnés par l’exploitant dont la fiabilité est suffisamment assurée sont pris en compte. [...]

(4)   L’autorité compétente statue avant le début de la période d’échange sur l’allocation à titre gratuit de droits d’émission pour une installation à l’exploitant d’installation qui a présenté une demande dans le délai publié conformément au paragraphe 2, deuxième phrase. [...] »

14

L’article 5 de la Verordnung über die Zuteilung von Treibhausgas-Emissionsberechtigungen in der Handelsperiode 2013 bis 2020 (règlement relatif à l’allocation des quotas d’émission de gaz à effet de serre pour la période d’échange 2013 à 2020), du 26 septembre 2011 (BGBl. 2011 I, p. 1921), intitulé « Collecte des données de référence », prévoit, à son paragraphe 1, que l’exploitant de l’installation est tenu de fournir avec la demande d’allocation à titre gratuit pour des installations existantes les renseignements relatifs à l’installation ainsi que ceux portant sur chaque élément d’allocation.

15

Par sa publication au bulletin électronique allemand des annonces légales obligatoires (elektronischer Bundesanzeiger, eBAnz AT118 2011 B1) le 20 octobre 2011, la Deutsche Emissionshandelsstelle [service allemand de vente de droits d’émission (ci-après la « DEHSt »)] a indiqué que le délai prévu à l’article 9, paragraphe 2, du TEHG expirait à la date du 23 janvier 2012.

Le litige au principal et la question préjudicielle

16

INEOS exploite une installation aux fins de la production de produits chimiques par vapocraquage de naphta à haute température. Cette installation est soumise à l’obligation d’échange de quotas d’émission depuis le 1er janvier 2008.

17

Le 23 janvier 2012, INEOS a introduit, dans le délai requis, auprès de la DEHSt, une demande d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit pour cette installation, en vertu de l’article 9, paragraphe 1, du TEHG, pour la période 2013-2020, sur la base de la période de référence 2005‑2008. En effet, en application du paragraphe 2 dudit article, le délai pour présenter de telles demandes expirait le même jour. Il ressort du dossier soumis à la Cour que ladite demande a été vérifiée par un organisme de contrôle indépendant. Elle comportait, notamment, la quantité annuelle provisoire de quotas d’émission à allouer, qui s’élèverait à 574635, selon les calculs qu’INEOS aurait effectués en application de la méthode spécifique de calcul prévue à l’article 11 de la décision 2011/278 pour le vapocraquage.

18

Par décision du 17 février 2014, la DEHSt a alloué à INEOS, au titre de cette période d’échange, une quantité totale de 3867032 quotas, en ce qui concerne les émissions de l’installation en cause, tout en précisant que l’allocation était fondée sur les données communiquées par INEOS dans sa demande d’allocation (ci-après la « décision litigieuse »).

19

Le 11 mars 2014, INEOS a saisi la DEHSt d’un recours administratif contre la décision litigieuse, en faisant valoir que la DEHSt était tenue de prendre en compte certaines données complémentaires au titre du calcul des émissions directes pour les années 2006 et 2007.

20

Le 3 septembre 2015, la DEHSt a rejeté ce recours, au motif, notamment, que les nouvelles données n’étaient pas susceptibles d’être prises en compte pour l’allocation des quotas d’émission à titre gratuit, dès lors qu’INEOS ne les a produites qu’au mois d’avril 2015 dans le cadre du recours administratif, soit plus de trois ans après la date d’expiration du délai pour présenter la demande d’allocation, à savoir le 23 janvier 2012. La DEHSt a indiqué que, non seulement l’article 9, paragraphe 2, du TEHG prévoyait un délai légal de forclusion, mais également que l’imbrication étroite de la procédure nationale dans la procédure d’allocation prévue par le droit de l’Union s’opposait à toute modification des données figurant dans cette demande.

21

Le 29 septembre 2015, INEOS a saisi le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin, Allemagne) d’un recours contre cette décision de rejet, en arguant, notamment, du fait qu’elle avait omis, par erreur, de transmettre certaines données concernant ses émissions directes pour les années 2006 et 2007, supposant à tort que la DEHSt disposait déjà de ces données, alors que l’installation en cause n’avait été soumise au système d’échange de quotas d’émission qu’à partir du 1er janvier 2008. Selon INEOS, la DEHSt aurait dû l’inviter à compléter ou à corriger les données fournies au titre de la demande d’allocation.

22

Selon la juridiction de renvoi, dès lors que le droit de l’Union ne contient pas expressément de disposition quant aux effets juridiques qu’il y a lieu d’attacher à des renseignements fournis par un exploitant postérieurement à l’expiration du délai prévu par le droit national pour présenter une demande d’allocation, il convient de clarifier la question de savoir si l’article 9, paragraphe 2, du TEHG, en vertu duquel il n’existe pas de droit à allocation à titre gratuit en cas de demande tardive, est compatible avec les dispositions de la directive 2003/87 et de la décision 2011/278.

23

Dans ces conditions, le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les dispositions de l’article 10 bis de la directive [2003/87] ainsi que celles de la décision [2011/278] s’opposent-elles à la législation d’un État membre qui prévoit, pour la période d’échange 2013-2020, un délai de forclusion matérielle des demandes d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit à des installations existantes qui n’ont pas été présentées dans les délais et qui exclut ainsi de corriger des erreurs ou de compléter des renseignements (incomplets) dans la demande d’allocation qui ne sont constatés qu’après l’expiration du délai fixé par le droit de l’État membre ? »

Sur la question préjudicielle

24

Par sa question, la juridiction de renvoi demande si l’article 10 bis de la directive 2003/87 et la décision 2011/278 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition nationale, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, qui prévoit, pour le dépôt d’une demande d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit relative à la période 2013-2020, un délai de forclusion à l’expiration duquel le demandeur est privé de toute possibilité de corriger ou de compléter sa demande.

25

Il ressort de la décision de renvoi que cette question est posée dans le cadre d’un litige dans lequel l’exploitant d’une installation relevant du système d’échange de quotas d’émission depuis le 1er janvier 2008, en l’occurrence INEOS, a omis, par erreur, de fournir dans sa demande d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit certaines données de référence, à savoir celles concernant les émissions directes de cette installation pour les années 2006 et 2007. Il est constant que, en l’absence de cette erreur, cet exploitant aurait obtenu davantage de quotas d’émission à titre gratuit.

26

À titre liminaire, il convient de rappeler que la directive 2003/87 a pour objet d’instituer un système d’échange de quotas d’émission tendant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau empêchant toute perturbation anthropique dangereuse du climat et dont l’objectif final est la protection de l’environnement (voir, notamment, arrêt du 8 mars 2017, ArcelorMittal Rodange et Schifflange, C‑321/15, EU:C:2017:179, point 24).

27

Ce système repose sur une logique économique, laquelle incite tout participant à celui‑ci à émettre une quantité de gaz à effet de serre inférieure aux quotas qui lui ont été initialement octroyés, afin d’en céder le surplus à un autre participant ayant produit une quantité d’émissions supérieure aux quotas alloués (voir, notamment, arrêt du 8 mars 2017, ArcelorMittal Rodange et Schifflange, C‑321/15, EU:C:2017:179, point 22).

28

La directive 2003/87 vise ainsi à réduire d’ici à l’année 2020 les émissions globales de gaz à effet de serre de l’Union européenne d’au moins 20 % par rapport à leurs niveaux de l’année 1990 dans des conditions économiquement efficaces (arrêt du 8 septembre 2016, E.ON Kraftwerke, C‑461/15, EU:C:2016:648, point 23).

29

À cette fin, l’article 10 bis de la directive 2003/87 prévoit, pour les installations relevant de certains secteurs d’activités, l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit, dont la quantité est réduite graduellement au cours de la période 2013-2020, en vue de parvenir à la suppression totale de ces quotas gratuits pour l’année 2027 (voir, en ce sens, arrêts du 8 septembre 2016, E.ON Kraftwerke, C‑461/15, EU:C:2016:648, point 24, ainsi que du 26 octobre 2016, Yara Suomi e.a., C‑506/14, EU:C:2016:799, point 46).

30

Conformément à l’article 10 bis, paragraphe 1, de la directive 2003/87, la Commission a établi, par la décision 2011/278, les règles harmonisées à l’échelle de l’Union pour cette allocation de quotas d’émission à titre gratuit. Ces règles harmonisées concrétisent l’exigence essentielle consistant à réduire au minimum les distorsions de concurrence dans le marché intérieur (arrêt du 22 juin 2016, DK Recycling und Roheisen/Commission, C‑540/14 P, EU:C:2016:469, point 53).

31

Selon INEOS, le législateur de l’Union a procédé ainsi à une harmonisation exhaustive de tous les aspects, y compris procéduraux, relatifs aux demandes d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit, de telle sorte que les États membres ne disposent d’aucune marge d’appréciation à cet égard. Or, il ressortirait tant du libellé des dispositions pertinentes de la décision 2011/278, en particulier de ses articles 7, 8 et 10, que de l’économie de celle-ci et de l’objectif qu’elle poursuit que les États membres avaient l’obligation de s’assurer du caractère exhaustif, exact et cohérent des données de référence collectées auprès des exploitants. Cette décision ne prévoirait pas, en revanche, que ces obligations incombant aux États membres puissent être limitées par des délais ou que ces derniers puissent fixer leurs propres délais de forclusion.

32

À cet égard, il convient de relever que la procédure instituée par le législateur de l’Union pour l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit pour la période 2013-2020 comportait, en substance, trois étapes distinctes.

33

Tout d’abord, au cours de la première étape, les États membres devaient, conformément à l’article 7 de la décision 2011/278, collecter auprès des exploitants, pour chaque installation en place remplissant les conditions d’une telle allocation, l’ensemble des informations et des données utiles, pour toutes les années, en principe, de la période 2005‑2008 durant lesquelles l’installation a été en activité, concernant chacun des paramètres qui, énumérés à l’annexe IV de cette décision, permettent de déterminer le montant de cette allocation (arrêt du 8 septembre 2016, E.ON Kraftwerke, C‑461/15, EU:C:2016:648, point 25).

34

En vertu de l’article 8, paragraphe 1, de la décision 2011/278, les États membres étaient tenus de n’accepter, à cette fin, que les données reconnues satisfaisantes par un vérificateur, lequel devait en éprouver la fiabilité, la crédibilité et l’exactitude, en vue d’aboutir à un avis concluant, avec une assurance raisonnable, à la présence ou l’absence d’inexactitude significative.

35

Sur la base des informations ainsi recueillies, les États membres devaient, selon l’article 10 de la décision 2011/278, calculer pour chaque année, le nombre provisoire de quotas d’émission alloués à titre gratuit à partir de l’année 2013 à chacune des installations en place situées sur leur territoire (arrêt du 8 septembre 2016, E.ON Kraftwerke, C‑461/15, EU:C:2016:648, points 26 et 34).

36

Au terme de cette première étape, chaque État membre avait l’obligation, en vertu de l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2003/87 et de l’article 15, paragraphes 1 et 2, de la décision 2011/278, de publier et de présenter à la Commission, pour le 30 septembre 2011, la liste des installations et des sous-installations présentes sur son territoire et couvertes par cette directive, en précisant pour chacune d’entre elles le montant de l’allocation provisoire pour l’ensemble de la période 2013-2020.

37

Ensuite, au cours de la deuxième étape, la Commission devait, dès réception de cette liste et dès lors que, en substance, la quantité annuelle totale provisoire calculée par les États membres excédait le plafond imposé à l’industrie correspondant à la quantité annuelle maximale de quotas visée à l’article 10 bis, paragraphe 5, de la directive 2003/87, procéder à une réduction proportionnelle de cette quantité provisoire calculée par les États membres par l’application du « facteur de correction transsectoriel » prévu à cette disposition, lequel correspond au rapport entre ladite quantité provisoire et ce plafond (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2016, Borealis Polyolefine e.a., C‑191/14, C‑192/14, C‑295/14, C‑389/14 et C‑391/14 à C‑393/14, EU:C:2016:311, points 62 ainsi que 63).

38

Enfin, au cours de la troisième étape, les États membres devaient, en vertu de l’article 15, paragraphes 4 et 5, de la décision 2011/278, déterminer la quantité annuelle finale de quotas d’émission alloués à titre gratuit pour chaque année de la période 2013-2020, en multipliant, conformément à l’article 10, paragraphe 9, de cette décision, la quantité annuelle totale provisoire de quotas d’émission à titre gratuit par ce facteur de correction transsectoriel. Aux termes de l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2003/87, les États membres sont tenus de délivrer les quotas alloués pour l’année concernée au plus tard le 28 février de celle-ci.

39

En l’occurrence, ainsi qu’il ressort déjà du point 25 du présent arrêt, le délai de forclusion prévu à l’article 9, paragraphe 2, du TEHG, en cause dans le litige au principal, concerne la première étape de cette procédure, au cours de laquelle, notamment, les exploitants étaient tenus, en vertu de l’article 7 de la décision 2011/278, de fournir aux autorités nationales compétentes les données de référence, énumérées à l’annexe IV de cette décision, relatives à la période 2005-2008, pour chacune des installations concernées.

40

Or, il convient de constater que, contrairement à ce que soutient INEOS, le législateur de l’Union n’a nullement procédé à une harmonisation exhaustive de cette étape de la procédure. En effet, si, certes, la directive 2003/87 et la décision 2011/278 ont encadré celle-ci, ni cette directive ni cette décision n’ont déterminé le délai dans lequel un exploitant est tenu d’introduire sa demande d’allocation et encore moins celui dans lequel cet exploitant pourrait, le cas échéant, corriger ou compléter les données fournies à l’appui de cette demande.

41

À cet égard, il convient d’observer que l’article 7, paragraphe 8, de la décision 2011/278 précise que, lorsque les données font défaut, les États membres sont tenus d’exiger de l’exploitant qu’il justifie toute « lacune » et remplace les « données partiellement disponibles » par des estimations prudentes, sans toutefois établir de procédure qui permettrait de corriger ou de compléter les données fournies. De même, si l’article 8 de cette décision interdit aux États membres d’accepter des données qui n’ont pas été reconnues satisfaisantes par un vérificateur, cette disposition n’établit pas un délai ou une procédure ayant pour objet la correction des données non satisfaisantes.

42

Dans ces conditions, en l’absence de règles fixées par le droit de l’Union concernant les modalités procédurales relatives à l’introduction et à l’examen d’une demande d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit, il appartient, selon une jurisprudence constante, à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler ces modalités en vertu du principe de l’autonomie procédurale, à condition, toutefois, qu’elles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (voir en ce sens, notamment, arrêt du 20 octobre 2016, Danqua, C‑429/15, EU:C:2016:789, point 29).

43

En ce qui concerne le principe d’équivalence, il ne ressort d’aucun élément du dossier soumis à la Cour, et il n’a nullement été allégué dans le cadre de la présente procédure, que le délai de forclusion en cause dans le litige au principal serait contraire à ce principe. En toute hypothèse, il appartient à la juridiction de renvoi de se prononcer à cet égard, ainsi que l’a relevé à juste titre la Commission.

44

En ce qui concerne le principe d’effectivité, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, chaque cas dans lequel se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et des particularités de celle-ci, devant les diverses instances nationales. Dans cette perspective, il y a lieu, notamment, de prendre en considération, le cas échéant, la protection des droits de la défense, le principe de la sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure (voir, notamment, arrêt du 20 octobre 2016, Danqua, C‑429/15, EU:C:2016:789, point 42).

45

S’agissant, plus particulièrement, des délais de forclusion, la Cour a jugé qu’il appartient aux États membres de déterminer, pour les réglementations nationales qui entrent dans le champ d’application du droit de l’Union, des délais en rapport avec, notamment, l’importance pour les intéressés des décisions à prendre, la complexité des procédures et de la législation à appliquer, le nombre de personnes susceptibles d’être concernées et les autres intérêts publics ou privés qui doivent être pris en considération (voir, notamment, arrêt du 20 octobre 2016, Danqua, C‑429/15, EU:C:2016:789, point 44).

46

À cet égard, il ressort de la jurisprudence que la fixation des délais de forclusion satisfait, en principe, à l’exigence d’effectivité dans la mesure où elle constitue une application du principe fondamental de la sécurité juridique qui protège à la fois l’intéressé et l’administration concernée. En effet, de tels délais ne sont pas, en principe, de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (voir, notamment, arrêt du 21 décembre 2016, TDC, C‑327/15, EU:C:2016:974, point 98).

47

Il s’ensuit que, dans l’intérêt de la sécurité juridique, la fixation de délais raisonnables sous peine de forclusion est compatible avec le droit de l’Union (arrêt du 29 octobre 2015, BBVA, C‑8/14, EU:C:2015:731, point 28).

48

En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que la date d’expiration du délai pour l’introduction des demandes d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit, prévu à l’article 9, paragraphe 2, du TEHG, a été fixée au 23 janvier 2012. Ainsi qu’il ressort du point 15 du présent arrêt, il est constant que cette date a fait l’objet d’une publication officielle le 20 octobre 2011. Par ailleurs, il ressort des observations écrites soumises à la Cour par le gouvernement allemand, lesquelles n’ont pas été contestées sur ce point, que la date d’expiration de ce délai a également, le même jour, été portée à la connaissance des exploitants dans un courrier électronique qui leur a été adressé et fait l’objet d’un communiqué de presse.

49

Il en résulte que, dans l’affaire au principal, le délai de forclusion imposé aux exploitants pour l’introduction de leurs demandes d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit au titre de l’article 10 bis de la directive 2003/87 et des dispositions pertinentes de la décision 2011/278 pour la période 2013-2020 était légèrement supérieur à trois mois.

50

Il convient, dès lors, de déterminer si un tel délai était de nature à rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice par un exploitant, tel qu’INEOS dans l’affaire au principal, d’un droit conféré par le droit de l’Union.

51

À cet égard, il convient de constater que, si l’article 10 bis de la directive 2003/87 et la décision 2011/278 confèrent à certains exploitants, tels qu’INEOS, le droit de bénéficier de quotas d’émission à titre gratuit pour la période 2013‑2020, cet exploitant n’a nullement fait valoir, en l’occurrence, que ce délai légèrement supérieur à trois mois était trop bref pour présenter sa demande d’allocation en vue de se voir conférer un tel droit, ledit exploitant ayant, au demeurant, introduit cette demande dans ledit délai. En outre, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 87 de ses conclusions, le dossier soumis à la Cour ne comporte aucun élément autorisant à penser que le délai de forclusion en cause rendrait impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice de ce droit.

52

En revanche, il ressort de la décision de renvoi que, ainsi qu’il a déjà été relevé aux points 25 et 39 du présent arrêt, cet exploitant conteste l’impossibilité de compléter cette demande après l’expiration de ce délai afin de corriger des données erronées qu’il a fournies en ce qui concerne les émissions de ses propres installations.

53

Toutefois, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un délai de forclusion est, en principe, compatible avec le principe d’effectivité, nonobstant le fait que l’expiration d’un tel délai est susceptible, par nature, d’empêcher les personnes concernées de faire valoir leurs droits en tout ou en partie (voir, notamment, arrêts du 16 mai 2000, Preston e.a., C‑78/98, EU:C:2000:247, point 34 ; du 18 septembre 2003, Pflücke, C‑125/01, EU:C:2003:477, point 35, ainsi que du 8 septembre 2011, Q‑Beef et Bosschaert, C‑89/10 et C‑96/10, EU:C:2011:555, point 36).

54

Dès lors, le seul fait que le délai de forclusion en cause au principal empêche, par sa nature même, le demandeur d’une allocation de quotas d’émission à titre gratuit de fournir des données supplémentaires après l’expiration de ce délai ne peut, en tant que tel, suffire à démontrer une violation du principe d’effectivité.

55

Il s’ensuit qu’aucun élément du dossier soumis à la Cour ne permet de considérer qu’un tel délai de forclusion serait de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’introduction d’une demande d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit, en vue de l’exercice du droit d’obtenir des quotas d’émission à titre gratuit, au titre de l’article 10 bis de la directive 2003/87 ainsi que de la décision 2011/278.

56

INEOS soutient, cependant, qu’il découle de l’obligation incombant aux États membres de se fonder, pour le calcul de ces quotas, sur des données de référence les plus précises et les plus complètes possibles que les autorités nationales compétentes sont tenues, en vue d’assurer une application effective du droit de l’Union, d’écarter toute modalité procédurale, telle que le délai de forclusion en cause au principal, empêchant de corriger des données erronées.

57

À cet égard, il est vrai que, ainsi que la Cour l’a déjà souligné, les États membres, conformément à l’article 7, paragraphe 7, de la décision 2011/278, lu en combinaison avec le considérant 15 de ladite décision, doivent faire en sorte que les données recueillies auprès des exploitants et utilisées aux fins de l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit soient complètes et cohérentes et présentent un niveau d’exactitude le plus élevé possible (arrêt du 8 septembre 2016, E.ON Kraftwerke, C‑461/15, EU:C:2016:648, points 27 et 37).

58

Dans cette même optique, ainsi qu’il ressort déjà du point 34 du présent arrêt, l’article 8, paragraphe 1, de la décision 2011/278 impose aux États membres de s’assurer qu’un vérificateur a contrôlé « la fiabilité, la crédibilité et l’exactitude » de ces données en vue d’aboutir à un avis concluant, avec une « assurance raisonnable », à la présence ou à l’absence d’inexactitudes significatives.

59

Une telle exigence d’exactitude incombe aux États membres, ainsi qu’il ressort tant de ces dispositions que du considérant 15 de la décision 2011/278, afin que ces derniers soient en mesure de réaliser l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, rappelé aux points 26 à 28 du présent arrêt, par une application harmonisée et cohérente des règles d’allocation.

60

Toutefois, ainsi qu’il ressort, notamment, du libellé même de l’article 7, paragraphes 7 et 8, de la décision 2011/278, l’exigence d’exactitude qui incombe aux États membres requiert la coopération des exploitants et, à ce titre, leur impose également le respect de diverses obligations, dont, en particulier, celle de communiquer des données exhaustives, cohérentes et le plus exactes possibles ainsi que celle de faire preuve de la diligence requise.

61

Ces obligations de coopération imposées aux exploitants visent ainsi clairement, comme l’ont fait observer, à juste titre, l’Office fédéral de l’environnement et le gouvernement allemand, à inciter ces derniers, dès lors qu’ils sont à la source des données de référence nécessaires pour le calcul des quotas d’émission à titre gratuit, à faire preuve de toute la diligence requise afin d’assurer la collecte de données présentant un niveau d’exactitude le plus élevé possible, et cela afin que les États membres puissent eux-mêmes remplir leurs obligations, au titre des articles 7 et 8 de la décision 2011/278, et ainsi réaliser l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre poursuivi par la directive 2003/87.

62

Dans ces conditions, comme M. l’avocat général l’a relevé aux points 93 et 94 de ses conclusions, il convient de constater que ladite exigence d’exactitude relève d’une responsabilité conjointe des exploitants et des États membres et que, partant, il ne saurait être considéré, contrairement à ce que fait valoir INEOS, que ces exploitants tirent de la décision 2011/278 un quelconque droit à l’exactitude des données fournies aux fins du calcul des quotas d’émission à titre gratuit qu’ils pourraient faire valoir auprès de leur État membre. Il s’ensuit que l’application effective de cette décision ne saurait nullement obliger les autorités nationales compétentes à écarter une modalité procédurale, telle que le délai de forclusion en cause au principal, afin de permettre à un exploitant de corriger des données erronées fournies par lui-même dans ce délai.

63

Il en résulte qu’aucun élément du dossier soumis à la Cour ne permet de considérer qu’un délai de forclusion, tel que celui en cause au principal, enfreindrait le principe d’effectivité.

64

Cette appréciation s’impose d’autant plus dans les circonstances de l’affaire au principal qu’il ressort des éléments soumis à la Cour par le gouvernement allemand, lesquels n’ont pas été contestés par INEOS sur ce point, que, dès le mois d’octobre 2011, les autorités nationales compétentes ont indiqué, à plusieurs reprises, aux exploitants concernés que, s’agissant des installations qui, comme celle d’INEOS en cause au principal, n’ont été soumises au système d’échange de quotas d’émission qu’à partir du 1er janvier 2008, une communication complémentaire des données pertinentes énumérées à l’article 5 du règlement relatif à l’allocation des quotas d’émission de gaz à effet de serre pour la période d’échange 2013 à 2020, du 26 septembre 2011, était nécessaire lorsque la période de référence 2005-2008 a été choisie.

65

En outre, il y a lieu d’observer que, en l’occurrence, la correction des données erronées en vue de l’octroi de quotas d’émission à titre gratuit complémentaires, si elle était possible, interviendrait, non seulement après la clôture de la première étape, mais également après celle de la troisième et dernière étape de la procédure, résultant de la notification de la décision litigieuse.

66

Or, une telle correction tardive serait susceptible de porter atteinte au principe de sécurité juridique, dès lors que toute allocation de quotas d’émission à titre gratuit risquerait de rester indéfiniment provisoire, la première étape de la procédure étant toujours susceptible d’être rouverte. Il en résulterait une perturbation sérieuse du bon déroulement de la procédure d’allocation des quotas d’émission à titre gratuit.

67

Enfin, contrairement à ce que soutient INEOS, une interprétation différente ne peut nullement être déduite de l’arrêt du 28 avril 2016, Borealis Polyolefine e.a. (C‑191/14, C‑192/14, C‑295/14, C‑389/14 et C‑391/14 à C‑393/14, EU:C:2016:311). Certes, au point 97 de cet arrêt, la Cour a jugé qu’il incombait à la Commission de demander aux États membres de procéder aux « corrections nécessaires » des données d’émissions fournies. Toutefois, dans ces affaires, l’erreur résultait, ainsi qu’il ressort des points 94 et 95 de ce même arrêt, de la prise en compte, par la Commission, des données, transmises par les États membres, relatives aux émissions d’une période non visée par l’article 10 bis, paragraphe 5, premier alinéa, sous b), de la directive 2003/87. C’est uniquement en raison de la gravité de cette erreur, qui affectait de manière substantielle le facteur de correction transsectoriel uniforme et, in fine, le nombre de quotas à allouer gratuitement, que le principe de sécurité juridique ne s’est pas opposé à la remise en cause de ce facteur avec un effet ex nunc à partir du moment indiqué au point 111 dudit arrêt.

68

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 10 bis de la directive 2003/87 ainsi que la décision 2011/278 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une disposition nationale, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, qui prévoit, pour le dépôt d’une demande d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit relative à la période 2013-2020, un délai de forclusion à l’expiration duquel le demandeur est privé de toute possibilité de corriger ou de compléter sa demande, dès lors que ce délai n’est pas de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’introduction d’une telle demande.

Sur les dépens

69

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

 

L’article 10 bis de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil, telle que modifiée par la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, ainsi que la décision 2011/278/UE de la Commission, du 27 avril 2011, définissant des règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit conformément à l’article 10 bis de la directive 2003/87, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une disposition nationale, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, qui prévoit, pour le dépôt d’une demande d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit relative à la période 2013-2020, un délai de forclusion à l’expiration duquel le demandeur est privé de toute possibilité de corriger ou de compléter sa demande, dès lors que ce délai n’est pas de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’introduction d’une telle demande.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

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