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Document 62016CJ0408

Arrêt de la Cour (huitième chambre) du 6 décembre 2017.
Compania Naţională de Administrare a Infrastructurii Rutiere SA contre Ministerul Fondurilor Europene - Direcţia Generală Managementul Fondurilor Externe.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la Curtea de Apel Bucureşti.
Renvoi préjudiciel – Marchés publics – Directive 2004/18/CE – Champ d’application – Règlement (CE) no 1083/2006 – Fonds européen de développement régional, Fonds social européen et Fonds de cohésion – Contrat de financement de la construction d’une autoroute conclu avec la Banque européenne d’investissement avant l’adhésion de l’État membre à l’Union européenne – Notion d’“irrégularité” au sens du règlement no 1083/2006.
Affaire C-408/16.

Recueil – Recueil général

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2017:940

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

6 décembre 2017 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Marchés publics – Directive 2004/18/CE – Champ d’application – Règlement (CE) no 1083/2006 – Fonds européen de développement régional, Fonds social européen et Fonds de cohésion – Contrat de financement de la construction d’une autoroute conclu avec la Banque européenne d’investissement avant l’adhésion de l’État membre à l’Union européenne – Notion d’“irrégularité” au sens du règlement no 1083/2006 »

Dans l’affaire C‑408/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest, Roumanie), par décision du 20 mai 2016, parvenue à la Cour le 21 juillet 2016, dans la procédure

Compania Naţională de Administrare a Infrastructurii Rutiere SA, anciennement Compania Naţională de Autostrăzi şi Drumuri Naţionale din România SA,

contre

Ministerul Fondurilor EuropeneDirecţia Generală Managementul Fondurilor Externe,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. J. Malenovský, président de chambre, MM. D. Šváby (rapporteur) et M. Vilaras, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour Compania Naţională de Administrare a Infrastructurii Rutiere SA, par M. C. Homor, Mmes A. Docu, R. Simionescu, I. L. Axente et N. C. Mărgărit ainsi que par MM. A. Filipescu, H. Nicolae et M. Curculescu,

pour le Ministerul Fondurilor Europene ‑ Direcţia Generală Managementul Fondurilor Externe, par M. D.C. Dinu, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par MM. B.-R. Killmann et A. Tokár ainsi que par Mme L. Nicolae, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 15 de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO 2004, L 134, p. 114), ainsi que de l’article 2, point 7, de l’article 9, paragraphe 5, et de l’article 60, sous a), du règlement (CE) no 1083/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) no 1260/1999 (JO 2006, L 210, p. 25).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Compania Națională de Administrare a Infrastructurii Rutiere SA, anciennement Compania Naţională de Autostrăzi şi Drumuri Naţionale din România SA (ci–après « CNADNR »), au Ministerul Fondurilor Europene – Direcţia Generală Managementul Fondurilor Externe (ministère des fonds européens – direction générale de gestion des fonds étrangers, Roumanie) au sujet d’une décision de l’Autoritatea de Management pentru Programul Operaţional Sectorial « Transport » (autorité de gestion du programme opérationnel sectoriel « Transport », Roumanie, ci-après l’« AMPOST »), infligeant une correction financière en raison d’une violation de la directive 2004/18 dans le cadre de la passation d’un marché public portant sur des travaux cofinancés, initialement par la Banque européenne d’investissement (BEI), puis intégralement et rétrospectivement par l’Union européenne au titre du Fonds européen de développement régional (FEDER) et du Fonds de cohésion.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le protocole d’adhésion

3

L’article 2 du protocole relatif aux conditions et modalités d’admission de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne (JO 2005, L 157, p. 29, ci-après le « protocole d’adhésion »), dispose :

« Dès l’adhésion, [...] les actes pris, avant l’adhésion, par les institutions lient la Bulgarie et la Roumanie et sont applicables dans ces États dans les conditions prévues par [le traité établissant une constitution pour l’Europe], le traité CEEA et le présent protocole. »

4

La quatrième partie de ce protocole, intitulée « Les dispositions temporaires », comprend un titre III, consacré aux « Dispositions financières », lequel contient l’article 27, qui énonce, à son paragraphe 2 :

« Les engagements financiers pris avant l’adhésion au titre des instruments financiers de préadhésion visés au paragraphe 1 ainsi qu’au titre de la Facilité transitoire visée à l’article 31 après l’adhésion, y compris la conclusion et l’enregistrement des différents engagements juridiques contractés par la suite et des paiements effectués après l’adhésion, continueront d’être régis par les règles et règlements des instruments financiers de préadhésion et imputés sur les chapitres budgétaires correspondants jusqu’à la clôture des programmes et projets concernés. Par dérogation à ce qui précède, les procédures de marchés publics engagées après l’adhésion respectent les dispositions pertinentes de l’Union. »

5

La cinquième partie dudit protocole, intitulée « Les dispositions relatives à la mise en œuvre du présent protocole », comporte un titre II, intitulé « Applicabilité des actes des institutions », et comprend l’article 53, qui prévoit, à son paragraphe 1 :

« La Bulgarie et la Roumanie mettent en vigueur les mesures qui leur sont nécessaires pour se conformer, à partir de la date d’adhésion, aux dispositions des lois-cadres européennes et des règlements européens qui lient tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant au choix de la forme et des moyens, au sens de l’article I-33 [du traité établissant une constitution pour l’Europe], et des directives et décisions au sens de l’article 249 [CE] et de l’article 161 du traité CEEA, à moins qu’un autre délai ne soit prévu dans le présent protocole. Elles communiquent ces mesures à la Commission au plus tard à la date d’adhésion ou, le cas échéant, dans le délai prévu dans le présent protocole. »

La directive 2004/18

6

Le considérant 22 de la directive 2004/18 énonce :

« Il importe de prévoir des cas dans lesquels les mesures de coordination des procédures peuvent ne pas être appliquées [...] à cause de l’applicabilité de règles spécifiques de passation des marchés [...] qui sont propres aux organisations internationales. »

7

L’article 15 de cette directive, intitulé « Marchés passés en vertu de règles internationales », dispose :

« La présente directive ne s’applique pas aux marchés publics régis par des règles de procédure différentes et passés en vertu :

[...]

c)

de la procédure spécifique d’une organisation internationale. »

Le règlement no 1083/2006

8

Le considérant 22 du règlement no 1083/2006 énonce :

« Il convient de veiller à ce que les activités des Fonds et les opérations qu’ils contribuent à financer soient cohérentes avec les autres politiques communautaires et conformes à la législation communautaire. »

9

L’article 2 de ce règlement est libellé comme suit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

7)

“irrégularité” : toute violation d’une disposition du droit communautaire résultant d’un acte ou d’une omission d’un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général de l’Union européenne par l’imputation au budget général d’une dépense indue. »

10

L’article 9, paragraphe 5, dudit règlement prévoit :

« Les opérations financées par les Fonds sont conformes aux dispositions du traité et des actes arrêtés en vertu de celui-ci. »

11

À la section 2 du chapitre II du titre III du règlement no 1083/2006, intitulée « Grands projets », l’article 39 de ce règlement dispose :

« Le FEDER et le Fonds de cohésion peuvent financer, dans le cadre d’un programme opérationnel, des dépenses liées à une opération comportant un ensemble de travaux, d’activités ou de services destinée à remplir par elle-même une fonction indivisible à caractère économique ou technique précis, qui vise des objectifs clairement identifiés et dont le coût total excède 25 millions EUR pour l’environnement et 50 millions EUR pour les autres domaines (ci-après dénommés “grands projets”). »

12

L’article 41 dudit règlement, intitulé « Décision de la Commission », énonce :

« 1.   La Commission évalue le grand projet, en consultant si nécessaire des experts externes, y compris la BEI, sur la base des informations visées à l’article 40, de sa cohérence avec les priorités du programme opérationnel, de sa contribution à la réalisation des objectifs de ces priorités et de sa cohérence avec les autres politiques communautaires.

2.   La Commission adopte une décision dans les plus brefs délais et au plus tard trois mois après la présentation d’un grand projet par l’État membre ou l’autorité de gestion, à condition que la présentation soit conforme à l’article 40. Cette décision porte sur la description de l’objet physique, sur l’assiette sur laquelle le taux de cofinancement de l’axe prioritaire s’applique, et sur le plan annualisé de la contribution financière du FEDER ou du Fonds de cohésion.

3.   Lorsque la Commission refuse la contribution financière des Fonds à un grand projet, elle en communique les raisons à l’État membre dans les délais et aux conditions fixées au paragraphe 2. »

13

L’article 60 du règlement no 1083/2006 est libellé comme suit :

« L’autorité de gestion est chargée de la gestion et de la mise en œuvre du programme opérationnel conformément au principe de bonne gestion financière, et en particulier :

a)

de veiller à ce que les opérations soient sélectionnées en vue d’un financement selon les critères applicables au programme opérationnel et qu’elles soient conformes, pendant toute la durée de leur exécution, aux règles communautaires et nationales applicables ;

[...] »

14

L’article 98, paragraphe 2, de ce règlement prévoit :

« Les États membres procèdent aux corrections financières requises en rapport avec les irrégularités individuelles ou systémiques détectées dans les opérations ou les programmes opérationnels. Les corrections auxquelles procèdent les États membres consistent à annuler tout ou partie de la participation publique pour le programme opérationnel. Les États membres tiennent compte de la nature et de la gravité des irrégularités et de la perte financière qui en résulte pour le Fonds.

Les ressources des fonds ainsi libérées peuvent être réutilisées par l’État membre jusqu’au 31 décembre 2015 pour le programme opérationnel concerné conformément aux dispositions du paragraphe 3. »

Le guide de la BEI

15

La BEI dispose d’un « Guide de passation des marchés pour les projets financés par la BEI ». Ce guide, dans sa version de 2004 (ci-après le « guide de la BEI ») a pour objet d’informer les promoteurs de projets dont les marchés sont financés, en totalité ou en partie, par la BEI des modalités à suivre pour passer les marchés de travaux, de fournitures et de services nécessaires au projet concerné et bénéficiant d’un financement accordé par la BEI. Il est structuré en trois chapitres et distingue les règles présidant aux opérations effectuées à l’intérieur de l’Union, qui font l’objet du chapitre 2, de celles régissant les opérations effectuées à l’extérieur de l’Union, qui font l’objet du chapitre 3. Sous le chapitre 3 du guide de la BEI, il est précisé que « [l]es pays [candidats] [...] intègrent progressivement les directives [de l’Union] à leur législation. Dans [ce] guide, ces pays relèvent des dispositions stipulées au chapitre 3, “Opérations à l’extérieur de l’Union [...]”, jusqu’à la date à laquelle ils se sont engagés, pendant leurs négociations avec la Commission, à appliquer les directives [européennes] relatives à la passation des marchés dans la mesure où ils ont effectivement transposé à cette date ces directives dans leur législation nationale. Alors, les dispositions du chapitre 2, “Opérations à l’intérieur de l’Union” leur deviennent applicables. »

Le droit roumain

L’OUG no 34/2006

16

La directive 2004/18 a été transposée en droit roumain par l’Ordonanţa de urgenţă a Guvernului nr. 34/2006 din 19 aprilie 2006 privind atribuirea contractelor de achiziţie publică, a contractelor de concesiune de lucrări publice şi a contractelor de concesiune de servicii (ordonnance d’urgence du gouvernement no 34/2006 sur la passation des marchés publics, des contrats de concession de travaux publics et des contrats de concession de services, Monitorul Oficial al României, Partea I, no 418 du 15 mai 2006, ci‑après l’« OUG no 34/2006 »). L’article 14, paragraphe 1, de cette ordonnance dispose :

« La présente ordonnance d’urgence ne s’applique pas lorsque le marché public est passé à la suite de :

[...]

c)

l’application de procédures spécifiques des organisations et institutions internationales ;

[...] »

L’OUG no 72/2007

17

L’Ordonanţa de urgenţă a Guvernului nr.72/2007 din 28 iunie 2007 privind unele măsuri derogatorii de la OUG nr. 34/2006 (ordonnance d’urgence du gouvernement no 72/2007, du 28 juin 2007, concernant certaines mesures dérogatoires à l’OUG no 34/2006, Monitorul Oficial al României, Partea I, no 441 du 29 juin 2007, ci‑après l’« OUG no 72/2007 »), comporte un article unique aux termes duquel :

« Par dérogation aux dispositions de [l’OUG no 34/2006], [...] s’agissant des procédures de passation des marchés publics de travaux – [...], prêt BEI VI, conclu en décembre 2006, autoroute Arad-Timişoara-Lugoj [...], [CNADNR] continue d’appliquer les dispositions du guide de [la BEI], chapitre 3 ; [...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

18

Le projet de construction de l’autoroute Arad-Timişoara-Lugoj a initialement fait l’objet d’un contrat de financement conclu le 23 décembre 2003 entre la Roumanie, la BEI et le pouvoir adjudicateur du marché de travaux en cause au principal, CNADNR.

19

Sur la base de ce contrat, une convention de prêt en vue du financement de la construction de plusieurs tronçons d’autoroute a été conclue, entre ces mêmes parties, le 2 décembre 2004. Cette convention stipule que « CNADNR respecte les procédures de la BEI concernant les achats de biens, l’assurance des services et l’engagement des travaux nécessaires aux projets, [qu’elle] négocie et conclut les contrats conformément aux dispositions [de ce contrat de financement] », à savoir « par l’intermédiaire d’appels d’offres internationaux ouverts aux candidats de tous les pays ».

20

Dans le cadre de cette convention de prêt et en vue d’organiser la passation du marché public de travaux de construction de l’autoroute Arad-Timişoara-Lugoj, CNADNR a passé un contrat, le 28 février 2006, afin de disposer des services de consultants nécessaires à l’élaboration du dossier de passation de ce marché. Dans la mesure où la Roumanie n’était pas encore membre de l’Union, le dossier de passation dudit marché a été élaboré conformément au chapitre 3 du guide de la BEI, intitulé « Opérations à l’extérieur de l’Union [...] ».

21

Il ressort de la décision de renvoi que, d’une part, la procédure de passation du marché public de travaux de construction de l’autoroute Arad-Timişoara-Lugoj a débuté le 17 juillet 2007 sous la forme d’un appel d’offres restreint avec pré-qualification par la publication de l’avis de pré-qualification, et, d’autre part, que ce marché a été attribué le 15 décembre 2008.

22

Le 27 octobre 2009, la Roumanie a demandé à la Commission que le projet de construction de l’autoroute Arad-Timişoara-Lugoj bénéficie dans le cadre du programme opérationnel sectoriel « Transport 2007-2013 » d’un financement rétrospectif au titre du FEDER et du Fonds de cohésion en tant que « grand projet », au sens de l’article 39 du règlement no 1083/2006.

23

Par deux décisions successives, adoptées respectivement en 2010 et en 2014, la Commission a approuvé le financement intégral dudit projet au titre du FEDER et du Fonds de cohésion. Un contrat de financement a ainsi modifié la source de financement du même projet de telle sorte que celui-ci bénéficie désormais de fonds européens non remboursables au titre du programme opérationnel sectoriel « Transport 2007-2013 ».

24

En vue de rembourser les dépenses engagées par le pouvoir adjudicateur et tenant compte des recommandations de la Commission concernant le respect de la réglementation de l’Union en matière de marchés publics en cas de financement rétrospectif de projets, l’AMPOST a contrôlé le dossier de passation du marché de travaux en cause au principal. Au terme de ce contrôle, cette autorité a constaté des irrégularités par une note du 29 juin 2015 et a imposé par une décision du 24 août 2015 une correction financière de 10 % de la valeur des dépenses éligibles du marché de travaux conclu le 15 décembre 2008.

25

L’AMPOST a motivé cette correction financière en rappelant, en premier lieu, que pour accorder un financement européen non remboursable à une opération, la Commission exige que les dispositions des directives en matière de marchés publics en vigueur à la date de publication de l’invitation à participer à la procédure de passation du marché concerné soient respectées. À cet égard, cette autorité a considéré que la directive 2004/18 était applicable à la procédure de passation du marché de travaux en cause au principal car cette dernière n’a débuté qu’après l’adhésion de la Roumanie à l’Union. En deuxième lieu, l’AMPOST a relevé que trois critères de pré–qualification prévus par ce marché s’avéraient plus restrictifs que ceux prévus par la directive 2004/18, à savoir, premièrement, un critère relatif à la situation personnelle du candidat et, en particulier, aux antécédents de non–exécution de marchés qui violerait les articles 44 et 45 de la directive 2004/18, deuxièmement, un critère relatif à la situation financière du candidat qui serait contraire à l’article 47 de cette directive et, troisièmement, un critère relatif à l’expérience du candidat lequel ne respecterait pas l’article 48 de ladite directive. En dernier lieu, l’AMPOST a néanmoins relevé que l’emploi de ces critères avait été autorisé en vertu du droit interne, à savoir l’OUG no 72/2007, qui dérogeait expressément à l’OUG no 34/2006, ordonnance transposant la directive 2004/18.

26

CNADNR a introduit, devant la juridiction de renvoi, un recours tendant à l’annulation de la décision de l’AMPOST du 24 août 2015 ainsi que de la note de constatation d’irrégularités et de fixation de corrections financières du 29 juin 2015, émise au sujet du projet de construction de l’autoroute Arad-Timişoara-Lugoj.

27

À l’appui de son recours, CNADNR estime que la correction financière de 10 % de la valeur des dépenses éligibles du marché de travaux de construction de l’autoroute Arad-Timişoara-Lugoj est fondée sur une interprétation erronée des dispositions de l’OUG no 34/2006, de l’OUG no 72/2007 ainsi que de la directive 2004/18. CNADNR soutient qu’il ne pouvait être reproché au pouvoir adjudicateur d’avoir fixé des critères de pré–qualification illégaux ou restrictifs au regard de cette directive, dans la mesure où, ab initio, la passation de ce marché était réalisée conformément au chapitre 3 du guide de la BEI.

28

Le ministère des fonds européens – direction générale de gestion des fonds étrangers soutient que les contrôles ont été réalisés par l’AMPOST conformément à la directive 2004/18, précisément parce que la procédure de passation du marché concerné dérogeait à l’application de l’OUG no 34/2006. En effet, compte tenu de la modification de la source de financement, l’opération étant désormais financée par le Fonds de cohésion dans le cadre du programme opérationnel sectoriel « Transport 2007-2013 », cette autorité devait veiller à ce que l’attribution de ce marché respecte les dispositions du droit de l’Union et, en particulier, les règles en matière de marchés publics.

29

La juridiction de renvoi s’interroge, en premier lieu, sur la réglementation applicable ratione temporis et vise, à cet égard, non seulement l’article 27 du protocole d’adhésion, lequel concerne les engagements financiers pris par les États membres concernés avant leur adhésion à l’Union, mais également l’article 53 de ce protocole, lequel prévoit l’entrée en vigueur immédiate, à compter de la date de l’adhésion de ces États membres à l’Union, des normes de droit dérivé.

30

En deuxième lieu, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir s’il est possible d’interpréter l’article 15, sous c), de la directive 2004/18, aux termes duquel cette directive ne s’applique pas aux marchés publics régis par des règles de procédure différentes et passés en vertu de la procédure spécifique d’une organisation internationale, comme autorisant un État membre à ne pas appliquer, après son adhésion à l’Union, cette directive, dans la mesure où il est lié par un contrat de financement conclu avec la BEI avant son adhésion à l’Union, et en vertu duquel les procédures de passation des marchés publics obéissent à des critères spécifiques plus restrictifs que ceux prévus par ladite directive.

31

La juridiction de renvoi s’interroge également sur le point de savoir si la directive 2004/18 s’oppose à un acte normatif de droit interne adopté par l’État membre concerné postérieurement à son adhésion à l’Union et qui impose au pouvoir adjudicateur de suivre le guide de la BEI par dérogation à l’acte normatif transposant cette directive.

32

À cet égard, la juridiction de renvoi considère que, après l’adhésion à l’Union, un État candidat qui a bénéficié d’un financement pour la durée des négociations n’est plus soumis au chapitre 3 du guide de la BEI relatif aux opérations extérieures, mais est désormais soumis au chapitre 2, intitulé « Opérations à l’intérieur de l’Union européenne », de ce guide, ce qui confirmerait que la directive 2004/18 est bien applicable.

33

En troisième lieu, dans la mesure où l’AMPOST a relevé que certains des critères de pré-qualification prévus par le marché de travaux en cause au principal étaient plus restrictifs que ceux prévus par la directive 2004/18, la juridiction de renvoi s’interroge, dans ce contexte, sur le point de savoir si un tel marché peut être considéré comme conforme à la réglementation de l’Union et éligible à un financement européen non remboursable accordé rétrospectivement.

34

Dans ces circonstances, la Curtea de Apel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest, Roumanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 15, sous c), de la directive 2004/18 doit-il être interprété en ce sens qu’il permet à un État membre de ne pas se conformer, après son adhésion à l’Union [...], à cette directive dans la mesure où il bénéficie d’un contrat de financement conclu avec la [BEI], avant l’adhésion, en vertu duquel les procédures de passation des marchés publics appliquent les critères spécifiques imposés par l’entité apportant le financement, tels que ceux en cause en l’espèce, lesquels sont plus restrictifs que ceux prévus par ladite directive ?

2)

La directive 2004/18 doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à l’existence d’un acte normatif de droit interne, tel que [l’OUG] no 72/2007, qui prévoit que les dispositions du [guide de la BEI] s’appliquent par dérogation à l’acte normatif transposant en droit interne cette directive, en l’espèce [l’OUG] no 34/2006, pour des raisons telles que celles indiquées dans la note d’information [relative à cette première ordonnance], afin de respecter le contrat de financement conclu avant l’adhésion ?

3)

S’agissant de l’interprétation de l’article 9, paragraphe 5, et de l’article 60, sous a), du règlement no 1083/2006, une procédure de passation d’un marché public organisée en application des dispositions du [guide de la BEI] et du droit interne peut-elle être considérée comme conforme au droit de l’Union et éligible à un financement européen non remboursable, accordé rétroactivement ?

4)

Si la question précédente appelle une réponse négative, dans le cas d’un marché public déclaré conforme aux exigences du programme opérationnel sectoriel “Transport 2007-2013”, une telle présomption de violation des règles du droit de l’Union concernant les marchés publics (établissement de critères de pré–qualification des soumissionnaires tels que ceux prévus par le [guide de la BEI] plus restrictifs que ceux prévus par la directive 2004/18 [...]) constitue-t-elle une “irrégularité”, au sens de l’article 2, point 7, du règlement no 1083/2006, faisant naître à la charge de l’État membre en cause une obligation d’imposer une correction financière/réduction du pourcentage en vertu de l’article 98, paragraphe 2, dudit règlement ? »

Sur les questions préjudicielles

Observations liminaires

35

Afin de répondre aux questions posées, il importe, à titre liminaire, de vérifier que la directive 2004/18 est bien applicable ratione temporis dans la mesure où certains faits évoqués par la juridiction de renvoi ont eu lieu avant l’adhésion de la Roumanie à l’Union. En effet, il résulte de l’article 2 du protocole d’adhésion que les actes pris avant cette adhésion par les institutions de l’Union lient la Roumanie et sont applicables dans cet État, dans les conditions prévues par les traités et ce protocole, à compter du jour de ladite adhésion.

36

À cet égard, il découle de l’article 53, paragraphe 1, dudit protocole que la Roumanie met en vigueur les mesures nécessaires pour se conformer, à partir de la date de son adhésion à l’Union, aux dispositions des directives qui lient tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant au choix de la forme et des moyens à moins qu’un autre délai ne soit prévu dans ce même protocole.

37

Or, force est de constater qu’un tel délai n’a pas été prévu pour transposer en droit interne la directive 2004/18. La Roumanie devait donc se conformer à cette directive à compter de son adhésion à l’Union conformément au principe de l’application immédiate et intégrale des dispositions du droit de l’Union aux nouveaux États membres (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 1998, KappAhl, C‑233/97, EU:C:1998:585, point 15).

38

Cela étant, il convient de s’assurer que la directive 2004/18 est bien applicable à une procédure de passation des marchés publics de travaux telle que celle en cause au principal.

39

À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que la directive applicable à un marché public est, en principe, celle en vigueur à la date à laquelle le pouvoir adjudicateur choisit le type de procédure qu’il va suivre et tranche définitivement la question de savoir s’il y a ou non obligation de procéder à une mise en concurrence préalable pour l’adjudication de ce marché (arrêt du 7 avril 2016, Partner Apelski Dariusz, C‑324/14, EU:C:2016:214, point 83).

40

Or, lorsqu’une procédure de passation fait l’objet d’une publication de l’avis de marché, il y a lieu de considérer que la date à laquelle le pouvoir adjudicateur tranche définitivement la question de savoir s’il y a lieu de procéder avec ou sans mise en concurrence préalable à l’attribution du marché est celle du jour de cette publication. Dès lors, c’est à cette date qu’il convient d’apprécier la légalité des conditions relatives à une procédure de passation d’un marché public.

41

En l’occurrence, la procédure de passation du marché de travaux en cause au principal a fait l’objet d’un avis de marché publié au supplément du Journal officiel de l’Union européenne le 17 juillet 2007, soit postérieurement à l’adhésion de la Roumanie à l’Union. Dans la mesure où le protocole d’adhésion ne prévoyait aucune mesure transitoire susceptible de différer l’application de la directive 2004/18, il y a donc lieu de considérer que celle-ci est applicable ratione temporis à une procédure de passation telle que celle en cause au principal.

Sur les première et deuxième questions

42

Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2004/18, et notamment son article 15, sous c), doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que la réglementation d’un État membre prévoie, aux fins d’une procédure de passation d’un marché public engagée postérieurement à la date de son adhésion à l’Union en vue de la réalisation d’un projet initié sur la base d’un contrat de financement conclu avec la BEI antérieurement à ladite adhésion, l’application des critères spécifiques prévus par les dispositions du guide de la BEI qui ne sont pas conformes aux dispositions de cette directive.

43

L’article 15, sous c), de la directive 2004/18 énonce que cette directive ne s’applique pas aux marchés publics régis par des règles de procédure spécifiques à une organisation internationale.

44

En outre, il convient d’observer que cet article, lu à la lumière du considérant 22 de la directive 2004/18, énumère trois cas de marchés publics dans lesquels cette directive ne s’applique pas dans la mesure où ces marchés publics sont régis par des règles de procédure différentes. En outre, force est de relever que ledit article s’inscrit dans une section 3, intitulée « Marchés exclus », du chapitre II, intitulé « Champ d’application », du titre II, lui-même intitulé « Règles applicables aux marchés publics », de la directive 2004/18.

45

Il ressort ainsi tant du libellé de l’article 15, sous c), de la directive 2004/18 que du contexte dans lequel il s’insère, que cet article constitue une exception au champ d’application matériel de cette directive. Or, une telle exception doit nécessairement faire l’objet d’une interprétation stricte (voir, en ce sens, ordonnance du 20 juin 2013, Consiglio Nazionale degli Ingegneri, C‑352/12, non publiée, EU:C:2013:416, point 51 et jurisprudence citée).

46

Afin d’apprécier si une procédure de passation des marchés publics telle que celle en cause au principal, régie par le chapitre 3 du guide de la BEI, peut relever de l’exception prévue à l’article 15, sous c), de la directive 2004/18, il y a lieu de vérifier si une telle procédure peut être considérée comme étant régie par des règles de procédure spécifiques à une organisation internationale.

47

Or, ainsi qu’il a été constaté au point 41 du présent arrêt, l’avis de marché en cause au principal a été publié postérieurement à l’adhésion de la Roumanie à l’Union.

48

Dans ces conditions, une procédure telle que celle en cause au principal ne saurait être considérée comme étant régie par des règles de procédure spécifiques à une organisation internationale au sens de l’article 15, sous c), de la directive 2004/18.

49

Dès lors, la Roumanie ne saurait se prévaloir, après la date de son adhésion à l’Union, de l’exception relative au respect des règles spécifiques d’une organisation internationale prévue à l’article 15, sous c), de la directive 2004/18.

50

Au demeurant, et comme l’a relevé la juridiction de renvoi, une telle interprétation est corroborée par le libellé du guide de la BEI en vertu duquel, à compter de son adhésion à l’Union, un État candidat qui a bénéficié d’un financement de la BEI pour la réalisation d’un projet n’est plus soumis au chapitre 3 de ce guide, relatif aux opérations à l’extérieur de l’Union, mais est désormais soumis au chapitre 2 dudit guide, relatif aux opérations à l’intérieur de l’Union, et doit appliquer les directives relatives à la procédure de passation des marchés publics.

51

Il découle de ce qui précède que la directive 2004/18 s’oppose à l’existence d’un acte normatif de droit interne, tel que l’OUG no 72/2007, qui prévoit que les dispositions du chapitre 3 du guide de la BEI s’appliquent par dérogation aux dispositions de cette directive.

52

Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première et deuxième questions posées que la directive 2004/18, et notamment son article 15, sous c), doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que la réglementation d’un État membre prévoie, aux fins d’une procédure de passation d’un marché public engagée postérieurement à la date de son adhésion à l’Union en vue de la réalisation d’un projet initié sur la base d’un contrat de financement conclu avec la BEI antérieurement à ladite adhésion, l’application des critères spécifiques prévus par les dispositions du guide de la BEI qui ne sont pas conformes aux dispositions de cette directive.

Sur les troisième et quatrième questions

53

Par ses troisième et quatrième questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 9, paragraphe 5, et l’article 60, sous a), du règlement no 1083/2006 doivent être interprétés en ce sens qu’une procédure de passation de marché public telle que celle en cause au principal, dans laquelle des critères plus restrictifs que ceux énoncés dans la directive 2004/18 ont été appliqués peut être considérée comme conforme au droit de l’Union et éligible à un financement européen non remboursable, accordé rétrospectivement, et si, le cas échéant, l’article 2, point 7, du règlement no 1083/2006 doit être interprété en ce sens que l’emploi de critères de pré-qualification des soumissionnaires plus restrictifs que ceux prévus par la directive 2004/18 constitue une « irrégularité », au sens de cette disposition, justifiant l’application d’une correction financière en vertu de l’article 98 de ce règlement.

54

S’agissant du premier aspect, il ressort du libellé de l’article 9, paragraphe 5, du règlement no 1083/2006, lu à la lumière du considérant 22 de ce règlement, que les Fonds européens n’ont vocation à financer que des opérations conformes aux dispositions du traité et des actes adoptés en vertu de celui-ci.

55

En outre, aux termes de l’article 60, sous a), du règlement no 1083/2006, il incombe à l’autorité de gestion de veiller à ce que les opérations sélectionnées en vue d’un financement soient conformes pendant toute la durée de leur exécution, aux règles de l’Union et aux règles nationales applicables.

56

Ainsi, le règlement no 1083/2006 fait partie du dispositif garantissant la bonne gestion des fonds de l’Union et la protection des intérêts financiers de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt du 26 mai 2016, Județul Neamț et Județul Bacău, C‑260/14 et C‑261/14, EU:C:2016:360, point 34).

57

Il s’ensuit que l’Union n’a vocation à financer par l’intermédiaire de ses Fonds que des actions menées en complète conformité avec le droit de l’Union, en ce compris les règles applicables en matière de marchés publics (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2016, Wrocław - Miasto na prawach powiatu, C‑406/14, EU:C:2016:562, point 43 et jurisprudence citée).

58

En l’occurrence, il est constant que, aux fins de la pré–qualification des soumissionnaires, CNADNR a suivi les règles du chapitre 3 du guide de la BEI. À cet égard, le fait de suivre les règles de ce guide ne saurait exclure, ab initio, que les règles de l’Union telles qu’elles résultent de la directive 2004/18 soient respectées. Néanmoins, il résulte des indications de la juridiction de renvoi que les critères de pré-qualification en cause au principal sont plus restrictifs que ceux énoncés aux articles 44, 45 et 47 de la directive 2004/18.

59

Compte tenu de ce qui précède, une procédure de passation d’un marché public telle que celle en cause au principal, dans le cadre de laquelle des critères plus restrictifs que ceux énoncés dans la directive 2004/18 ont été appliqués, ne saurait être considérée comme ayant été menée en complète conformité avec le droit de l’Union.

60

S’agissant du second aspect évoqué au point 53 du présent arrêt, il résulte de la définition figurant à l’article 2, point 7, du règlement no 1083/2006 qu’une violation du droit de l’Union ne constitue une « irrégularité », au sens de cette disposition, que si elle a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général de l’Union par l’imputation à ce budget d’une dépense indue. Partant, la Cour a jugé qu’une telle violation ne saurait être considérée comme une irrégularité que pour autant qu’elle était susceptible, en tant que telle, d’avoir une incidence budgétaire. En revanche, il n’est pas requis que l’existence d’une incidence financière précise soit démontrée (arrêt du 14 juillet 2016, Wrocław - Miasto na prawach powiatu, C‑406/14, EU:C:2016:562, point 44 et jurisprudence citée).

61

Par voie de conséquence, il y a lieu de considérer qu’un manquement aux règles de passation des marchés publics constitue une « irrégularité », au sens de l’article 2, point 7, du règlement no 1083/2006, pour autant que la possibilité que ce manquement ait eu une incidence sur le budget du Fonds concerné ne peut pas être exclue (arrêt du 14 juillet 2016, Wrocław - Miasto na prawach powiatu, C‑406/14, EU:C:2016:562, point 45).

62

En l’occurrence, l’emploi de critères de pré-qualification des soumissionnaires plus restrictifs que ceux prévus par la directive 2004/18 constitue une « irrégularité », au sens de l’article 2, point 7, du règlement no 1083/2006, pour autant qu’il ne peut être exclu qu’un tel emploi ait eu une incidence sur le budget du Fonds en cause.

63

À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que, dans l’affaire au principal, l’AMPOST a mis en évidence que les critères de pré-qualification des soumissionnaires étaient plus restrictifs que ceux prévus par la directive 2004/18 et qu’ils avaient pour effet de restreindre le cercle des participants à la procédure de marché public en cause au principal, de sorte que l’incidence sur le budget du Fonds ne saurait être exclue, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

64

Quant au point de savoir, enfin, si ladite irrégularité justifie l’application d’une correction financière en vertu de l’article 98 du règlement no 1083/2006, il convient de relever qu’il appartient aux États membres de procéder à une correction financière, dès lors qu’une irrégularité a été constatée.

65

À cet effet, le paragraphe 2 de cet article impose à l’autorité nationale compétente de déterminer le montant de la correction à appliquer en tenant compte de trois critères, à savoir la nature de l’irrégularité constatée, sa gravité et la perte financière qui en a résulté pour le Fonds concerné (arrêt du 14 juillet 2016, Wrocław - Miasto na prawach powiatu, C‑406/14, EU:C:2016:562, point 47).

66

Lorsqu’il s’agit, comme dans l’affaire au principal, d’une irrégularité ponctuelle, et non systémique, cette dernière exigence implique nécessairement un examen au cas par cas, en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes au regard de l’un de ces trois critères.

67

En l’occurrence, le fait que CNADNR a agi conformément à la législation nationale qui lui imposait de déroger à la directive 2004/18, de telle sorte qu’elle ne disposait d’aucune marge d’appréciation quant à la procédure de passation des marchés publics à suivre, est une circonstance de nature à influer sur le montant final de la correction financière à appliquer, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier au regard des circonstances concrètes de l’affaire.

68

Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux troisième et quatrième questions :

L’article 9, paragraphe 5, et l’article 60, sous a), du règlement no 1083/2006 doivent être interprétés en ce sens qu’une procédure de passation de marché public telle que celle en cause au principal, dans laquelle des critères plus restrictifs que ceux énoncés dans la directive 2004/18 ont été appliqués, ne saurait être considérée comme ayant été menée en complète conformité avec le droit de l’Union et n’est pas éligible à un financement européen non remboursable, accordé rétrospectivement.

L’article 2, point 7, du règlement no 1083/2006 doit être interprété en ce sens que l’emploi de critères de pré-qualification des soumissionnaires plus restrictifs que ceux prévus par la directive 2004/18 constitue une « irrégularité », au sens de cette disposition, justifiant l’application d’une correction financière en vertu de l’article 98 de ce règlement, pour autant qu’il ne peut être exclu qu’un tel emploi ait eu une incidence sur le budget du Fonds en cause, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Sur les dépens

69

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

 

1)

La directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, et notamment son article 15, sous c), doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que la réglementation d’un État membre prévoie, aux fins d’une procédure de passation d’un marché public engagée postérieurement à la date de son adhésion à l’Union européenne en vue de la réalisation d’un projet initié sur la base d’un contrat de financement conclu avec la Banque européenne d’investissement antérieurement à ladite adhésion, l’application des critères spécifiques prévus par les dispositions du guide de passation des marchés publics de la Banque européenne d’investissement qui ne sont pas conformes aux dispositions de cette directive.

 

2)

L’article 9, paragraphe 5, et l’article 60, sous a), du règlement (CE) no 1083/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) n °1260/1999, doivent être interprétés en ce sens qu’une procédure de passation de marché public telle que celle en cause au principal, dans laquelle des critères plus restrictifs que ceux énoncés dans la directive 2004/18 ont été appliqués, ne saurait être considérée comme ayant été menée en complète conformité avec le droit de l’Union et n’est pas éligible à un financement européen non remboursable, accordé rétrospectivement.

L’article 2, point 7, du règlement no 1083/2006 doit être interprété en ce sens que l’emploi de critères de pré–qualification des soumissionnaires plus restrictifs que ceux prévus par la directive 2004/18 constitue une « irrégularité », au sens de cette disposition, justifiant l’application d’une correction financière en vertu de l’article 98 de ce règlement, pour autant qu’il ne peut être exclu qu’un tel emploi ait eu une incidence sur le budget du Fonds en cause, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le roumain.

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