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Document 62017CO0321

Ordonnance de la Cour (huitième chambre) du 5 octobre 2017.
OJ contre Partena, Assurances Sociales pour Travailleurs Indépendants ASBL e.a.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le tribunal du travail de Nivelles.
Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, et article 94 du règlement de procédure de la Cour – Absence de précisions suffisantes concernant le contexte factuel et réglementaire du litige au principal ainsi que les raisons justifiant la nécessité d’une réponse aux questions préjudicielles – Irrecevabilité manifeste.
Affaire C-321/17.

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2017:741

ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

5 octobre 2017 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, et article 94 du règlement de procédure de la Cour – Absence de précisions suffisantes concernant le contexte factuel et réglementaire du litige au principal ainsi que les raisons justifiant la nécessité d’une réponse aux questions préjudicielles – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire C‑321/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le tribunal du travail de Nivelles (Belgique), par décision du 11 mai 2017, parvenue à la Cour le 29 mai 2017, dans la procédure

OJ

contre

Partena, Assurances sociales pour travailleurs indépendants ASBL,

Institut national d’assurances sociales pour travailleurs indépendants (Inasti),

Union nationale des mutualités libres (Partenamut) (UNMLibres),

LA COUR (huitième chambre)

composée de M. M. Vilaras, président de chambre, MM. J. Malenovský et M. Safjan (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 21 et 23 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de la directive 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (dixième directive particulière au sens de l’article 16 paragraphe 1 de la directive 89/391/CEE) (JO 1992, L 348, p. 1), de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (JO 2006, L 204, p. 23), de la directive 86/613/CEE du Conseil, du 11 décembre 1986, sur l’application du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante, y compris une activité agricole, ainsi que sur la protection de la maternité (JO 1986, L 359, p. 56), et de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel, conclu le 6 juin 1997 (ci-après l’« accord-cadre sur le travail à temps partiel »), qui figure à l’annexe de la directive 97/81/CE du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, la CEEP et la CES (JO 1998, L 14, p. 9).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme OJ à Partena, Assurances sociales pour travailleurs indépendants ASBL, à l’Institut national d’assurances sociales pour travailleurs indépendants (Inasti) et à l’Union nationale des mutualités libres (Partenamut) (UNMLibres) au sujet de l’octroi à Mme OJ de l’allocation forfaitaire prévue dans le cadre de l’assurance maternité en faveur des travailleurs indépendants.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

3        Il ressort de la décision de renvoi que Mme OJ a introduit auprès de l’UNMLibres, le 10 mars 2006, une demande d’octroi de l’allocation forfaitaire prévue dans le cadre de l’assurance maternité en faveur des travailleurs indépendants et que l’UNMLibres n’a pas pris de décision en réponse à cette demande.

4        Au mois de décembre 2015, Mme OJ, en l’absence d’une telle décision, a introduit devant la juridiction de renvoi, le tribunal du travail de Nivelles (Belgique), un recours contre Partena, Assurances sociales pour travailleurs indépendants, l’Inasti et l’UNMLibres.

5        Devant ladite juridiction, Mme OJ invoque la convention n° 183 sur la protection de la maternité, adoptée le 15 juin 2000 à Genève par l’Organisation internationale du travail, la charte sociale européenne, signée à Turin le 18 octobre 1961 et révisée à Strasbourg le 3 mai 1996, les directives 92/85 et 86/613 ainsi que les articles 10 et 11 de la Constitution belge.

6        Mme OJ fait valoir qu’un travailleur ne peut être discriminé du fait qu’il cumule des emplois à temps partiel. Or, elle aurait reçu une allocation de maternité calculée uniquement en fonction du travail qu’elle a effectué en qualité de salariée employée à mi-temps, alors qu’elle aurait continué à verser des cotisations en qualité de travailleuse indépendante, à titre complémentaire.

7        Mme OJ affirme que, dès lors, elle n’a pu bénéficier d’une allocation de maternité adéquate. Elle aurait en effet reçu la somme d’environ 1 000 euros par mois pendant une durée de trois mois. Mme OJ ajoute que l’arrêté royal du 20 juillet 1971 instituant une assurance indemnités et une assurance maternité en faveur des travailleurs indépendants et des conjoints aidants (Moniteur belge du 7 août 1971, p. 9312, ci-après l’« arrêté royal du 20 juillet 1971 ») ne pourrait lui être appliqué.

8        L’UNMLibres souligne que la directive 92/85 s’applique aux travailleuses salariées et que, s’agissant de la directive 86/613, le Royaume de Belgique a adopté les dispositions nécessaires à sa transposition, à savoir les articles 94 et suivants de l’arrêté royal du 20 juillet 1971. L’UNMLibres soutient que, dans la mesure où Mme OJ a reçu une allocation de maternité, elle n’a subi aucune discrimination. Par ailleurs, celle-ci comparerait des situations en réalité non comparables.

9        Dans ces conditions, le tribunal du travail de Nivelles a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’arrêté royal du 20 juillet 1971 viole-t-il les articles 21 et 23 de la charte des droits fondamentaux, la directive 92/85, la directive 2006/54, la directive 86/613 ainsi que l’accord-cadre sur le travail à temps partiel [...] en ne prévoyant pas une prestation adéquate dans le cadre du congé de maternité pour la travailleuse indépendante travaillant à temps partiel à titre complémentaire mais payant les cotisations comme une travailleuse à titre principal, alors que la travailleuse indépendante travaillant à temps partiel à titre principal perçoit la totalité du montant de l’allocation de maternité ?

2)      L’arrêté royal du 20 juillet 1971 viole-t-il les articles 21 et 23 de la charte des droits fondamentaux, la directive 92/85, la directive 2006/54, la directive 86/613 ainsi que l’accord-cadre sur le travail à temps partiel [...] en ne prévoyant pas une prestation adéquate dans le cadre du congé de maternité pour la travailleuse conjuguant, à temps plein, une activité salariée et une activité indépendante, alors que la travailleuse indépendante travaillant à temps plein perçoit la totalité du montant de l’allocation de maternité ? »

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

10      En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le renvoi préjudiciel est manifestement irrecevable, la Cour peut, l’avocat général entendu, statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

11      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

12      Selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instaurée à l’article 267 TFUE, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. En effet, la Cour est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation d’un texte de l’Union à partir des faits qui lui sont indiqués par la juridiction nationale (ordonnance du 4 mai 2017, Svobodová, C‑653/16, non publiée, EU:C:2017:371, point 18 et jurisprudence citée).

13      Ces exigences concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle figurent de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure, selon lequel toute demande de décision préjudicielle contient « un exposé sommaire de l’objet du litige ainsi que des faits pertinents, tels qu’ils ont été constatés par la juridiction de renvoi ou, à tout le moins, un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées », « la teneur des dispositions nationales susceptibles de s’appliquer en l’espèce et, le cas échéant, la jurisprudence nationale pertinente », ainsi que « l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal ».

14      Lesdites exigences sont également reflétées dans les recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2016, C 439, p. 1). Il ressort, notamment, du point 16 de ces recommandations que, dans sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi « doit fournir les références précises des dispositions nationales applicables aux faits du litige au principal et identifier avec précision les dispositions du droit de l’Union dont l’interprétation est sollicitée ou la validité mise en cause ».

15      À cet égard, il est important de souligner que les informations contenues dans les décisions de renvoi servent non seulement à permettre à la Cour de fournir des réponses utiles, mais également à donner aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Il incombe à la Cour de veiller à ce que cette possibilité soit sauvegardée, compte tenu du fait que, en vertu de cette disposition, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux intéressés (ordonnance du 4 mai 2017, Svobodová, C‑653/16, non publiée, EU:C:2017:371, point 21 et jurisprudence citée).

16      En l’occurrence, force est de constater que la décision de renvoi ne répond manifestement pas aux exigences rappelées aux points 12 à 15 de la présente ordonnance.

17      En effet, s’agissant, tout d’abord, du cadre factuel du litige au principal, il convient de relever que celui-ci est présenté de façon très lacunaire. À cet égard, la décision de renvoi ne précise pas dans quelles conditions et à quelle période Mme OJ aurait exercé des activités professionnelles à la fois en tant que travailleuse salariée et en tant que travailleuse indépendante. Ainsi, notamment, la juridiction de renvoi fait une distinction entre, d’une part, la situation d’une travailleuse indépendante travaillant à temps partiel à titre complémentaire et, d’autre part, la situation d’une travailleuse indépendante travaillant à temps partiel à titre principal, sans expliciter cette distinction.

18      En outre, la décision de renvoi n’indique pas les raisons pour lesquelles Mme OJ ne pourrait pas bénéficier de l’allocation forfaitaire prévue dans le cadre de l’assurance maternité en faveur des travailleurs indépendants.

19      En ce qui concerne, ensuite, le cadre réglementaire du litige au principal, la juridiction de renvoi se réfère, dans ses questions, à l’arrêté royal du 20 juillet 1971. Néanmoins, elle ne présente pas, dans sa décision, la teneur des dispositions de cet arrêté susceptibles de s’appliquer dans l’affaire au principal.

20      Enfin, si la juridiction de renvoi sollicite l’interprétation de dispositions du droit de l’Union, elle n’expose pas avec la précision et la clarté requises les raisons pour lesquelles elle considère que cette interprétation lui semble nécessaire ou utile aux fins de la résolution de l’affaire au principal. Par ailleurs, le lien entre le droit de l’Union et la législation nationale applicable au litige au principal n’est pas expliqué.

21      Partant, la décision de renvoi ne permet pas à la Cour de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi afin de trancher le litige au principal ni ne donne aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres parties intéressées la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

22      Il convient cependant de relever que la juridiction de renvoi conserve la faculté de soumettre une nouvelle demande de décision préjudicielle lorsqu’elle sera en mesure de fournir à la Cour l’ensemble des éléments permettant à celle-ci de statuer (voir, en ce sens, ordonnance du 12 mai 2016, Security Service e.a., C‑692/15 à C‑694/15, EU:C:2016:344, point 30 ainsi que jurisprudence citée).

23      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, la présente demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

24      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) ordonne :

La demande de décision préjudicielle introduite par le tribunal du travail de Nivelles (Belgique), par décision du 11 mai 2017, est manifestement irrecevable.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.

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